ANNEXE :
LES ARRÊTS DE LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME (CEDH) CONCERNANT LA FRANCE QUI ONT ÉTÉ RENDUS EN 2020

La France est l'un des États membres du Conseil de l'Europe les moins condamnés par la Cour européenne des droits de l'Homme. En effet, sur son site Internet, cette juridiction internationale indique que si, au 1 er janvier 2020, elle a été saisie de 33 062 requêtes concernant la France, seuls 1 032 arrêts ont été rendus depuis 1986, dont 749 ont conclu à la violation de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Le nombre d'arrêts rendus se révèle désormais très faible, comme le confirme l'année 2019 : sur les 597 requêtes concernant la France, 578 ont été déclarées irrecevables et la Cour a prononcé 19 arrêts (portant sur 19 requêtes), dont 13 ont conclu à au moins une violation de la convention. Cependant, il convient de relever que l'année 2020 comprend un certain nombre d'affaires importantes, évoquées ci-après.

1. La situation des réfugiés

- Les conditions d'accueil des réfugiés en France sont appréciées par la Cour au regard des circonstances locales , et notamment du délai de réaction de l'administration (« B.G. et autres c. France » , 10 septembre 2020). Dans cette affaire, la Cour conclut à l'absence de violation de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'Homme (interdiction des traitements inhumains et dégradants). En effet, s'il y a eu, en 2013, un séjour de quelques semaines sous des tentes à Metz, par des réfugiés ne voulant pas avoir affaire à l'administration, les dispositifs d'aide (allocations financières, accueil dans des structures pérennes), notamment orientés vers les mineurs, ont été efficaces.

En revanche dans une affaire similaire (« N.H. et autres c. France », 2 juillet 2020), la Cour a conclu à la violation de l'article 3 de la convention en raison du très long délai d'instruction, par l'administration, des demandes d'assistance par des réfugiés (plus de 180 jours).

- Les enfants réfugiés doivent être particulièrement protégés Moustahi c. France », 25 juin 2020) : en l'espèce, la Cour a conclu à une série de violations de la convention à propos de la situation de deux enfants comoriens arrivés à Mayotte. En effet, ils ont été placés en rétention administrative puis arbitrairement rattachés à des Comoriens adultes, également en situation irrégulière, avec lesquels ils n'avaient aucun lien familial, pour faciliter leur renvoi dans leur pays d'origine.

2. La filiation des enfants nés à l'étranger dans le cadre d'une gestation pour autrui (GPA)

La « mère d'intention » ne peut établir sa filiation, pour un enfant né à l'étranger par GPA, que dans le cadre d'une adoption plénière (« D c. France », 16 juillet 2020). Pour cette affaire, la Cour a conclu à l'absence de violation de l'article 8 (droit au respect de la vie familiale) et de l'article 14 (interdiction de la discrimination) de la convention européenne des droits de l'Homme. Le service français de l'état civil a, certes, refusé de transcrire un acte de naissance ukrainien qui désignait la « mère d'intention », et non la mère biologique, comme mère d'un enfant français né à Kiev par GPA. Cependant, la Cour a jugé que la procédure d'adoption plénière permet rapidement à la mère d'intention d'obtenir ce lien de filiation, dans le cadre d'une GPA qui demeure interdite dans le code civil.

3. L'exercice du droit de visite à un enfant né par PMA par une ex-compagne de la mère

La Cour a jugé conforme à l'article 8 de la convention européenne des droits de l'Homme (droit au respect de la vie familiale) le refus d'accorder à la requérante un droit de visite à l'enfant né par PMA de son ex-compagne (« Honner c. France », 12 novembre 2020). La Cour a considéré en particulier qu'en rejetant la demande de la requérante, au nom de l'intérêt supérieur de l'enfant, et en motivant attentivement cette mesure, les autorités françaises n'ont pas méconnu leur obligation positive de garantir le respect effectif du droit de la requérante à sa vie familiale.

4. Les limites de la liberté d'expression

Dans deux affaires la Cour a jugé que la France n'a pas respecté cette liberté protégée par l'article 10 de la convention européenne des droits de l'Homme.

Dans l'arrêt « Tête c. France » (26 mars 2020), la Cour a jugé contraire à cet article la condamnation pour dénonciation calomnieuse du requérant qui avait publié une lettre ouverte adressée au Président de l'Autorité des Marchés Financiers (AMF), dans laquelle il reprochait à la société « Olympique Lyonnais » d'avoir fourni des informations fausses et trompeuses dans le cadre de sa procédure d'entrée en bourse.

Dans l'arrêt « Baldassi et autres c. France » (11 juin 2020), la Cour a jugé également contraire à l'article 10 de la convention la condamnation pénale, pour incitation à la discrimination économique, infligée à des militants de la cause palestinienne ayant participé à la campagne de boycott des produits importés d'Israël. La Cour a constaté que les actions et les propos reprochés aux requérants relevaient de l'expression politique et militante et concernaient un sujet d'intérêt général. Par ailleurs, elle a considéré que le discours politique, qui peut être virulent et polémique, demeure d'intérêt public, sauf s'il dégénère en un appel à la violence, à la haine ou à l'intolérance, ce que le juge pénal français n'a pas démontré dans sa décision.

Toutefois dans l'arrêt « Ayoub et autres c. France » (8 octobre 2020), la Cour a jugé que la dissolution d'organisations d'extrême-droite (Troisième Voie, l'OEuvre française et les Jeunesses nationalistes) n'a violé ni l'article 11 (liberté de réunion et d'association), ni l'article 10 (liberté d'expression) de la convention européenne des droits de l'Homme. Cette dissolution est, en effet, intervenue après le décès de l'étudiant Clément Méric. La Cour a admis que les autorités ont pu considérer qu'il existait des motifs pertinents et suffisants pour démontrer un « besoin social impérieux » d'imposer la dissolution de ces associations pour prévenir les troubles à l'ordre public et y mettre fin.

5. La déchéance de nationalité des binationaux

Dans l'arrêt « Ghoumid et autres c. France » (16 juin 2020), la Cour a jugé que le prononcé de la déchéance de la nationalité française ne viole pas l'article 8 de la convention européenne des droits de l'Homme (droit à la vie privée) si elle s'applique à des binationaux. La Cour a relevé notamment le caractère grave des faits commis par les requérants, liés à une entreprise terroriste. Elle a noté également que les requérants ont bénéficié du respect des droits de la défense, et que cette déchéance n'emportait pas automatiquement leur éloignement du territoire français.

6. L'effectivité de la protection de l'enfance en danger par les services sociaux

Dans l'arrêt « Association Innocence en Danger et Association Enfance et Partage c. France » (4 juin 2020), la Cour a jugé que la France n'a pas donné sa pleine mesure à l'article 3 de la convention européenne des droits de l'Homme (interdiction des traitements inhumains et dégradants). En effet, malgré un signalement de mauvais traitements parentaux sur un enfant de 8 ans, les services sociaux n'ont pas été assez réactifs et l'enfant est décédé par la suite.

7. Les modalités d'évacuation d'un campement illégal de gens du voyage

Dans l'arrêt « Hirtu et autres c. France » (14 mai 2020), la Cour a jugé qu'un campement de Roms peut toujours être évacué et que leur situation illégale et précaire leur interdit de se prévaloir de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'Homme (interdiction des traitements inhumains et dégradants). Cependant, la procédure particulièrement rapide permet à la Cour de relever la violation, en l'espèce, de l'article 13 de la convention (droit à un recours effectif).

8. Les modalités d'interpellation d'un suspect par les forces de police

Dans l'arrêt « Castellani c. France » (30 avril 2020), la Cour a relevé une violation de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'Homme (interdiction des traitements inhumains et dégradants), suite à l'interpellation d'un suspect à son domicile, devant sa famille. Dans cette affaire, l'usage de la force n'a pas été proportionné.

9. La surpopulation pénale

Dans l'arrêt « J.M.B. et autres c. France » (30 janvier 2020), la Cour a jugé que la France n'a pas respecté l'article 3 de la convention européenne des droits de l'Homme (interdiction des traitements inhumains et dégradants).

La Cour a apprécié la situation dans des prisons métropolitaines (Nîmes, Nice et Fresnes), ainsi qu'en outre-mer (Guadeloupe, Martinique, Polynésie). Elle a jugé dans ces affaires que constituait une violation de la convention un espace personnel inférieur à trois mètres carré (3 m²) pendant l'intégralité de la détention, situation aggravée par l'absence d'intimité dans l'utilisation des toilettes.

Par ailleurs, la Cour a jugé qu'un détenu intervenant devant le juge administratif était privé d'un recours effectif (garanti par l'article 13 de la convention). En effet, la situation de certains établissements rend difficilement applicables les préconisations de ce juge, saisi dans le cadre d'un « référé liberté ».

Dans l'arrêt « Barbotin c. France » (19 novembre 2020), la Cour a jugé que la France n'a pas respecté l'article 3 (interdiction des traitements inhumains et dégradants) ainsi que l'article 13 (droit à un recours effectif) de la convention européenne des droits de l'Homme. Dans cette affaire la Cour a noté que, certes, un détenu ayant subi des conditions attentatoires à la dignité humaine peut maintenant bénéficier d'une indemnisation du dommage subi devant la juridiction administrative. Toutefois, la Cour a noté que le juge administratif ayant refusé de prendre en compte les frais de l'expertise destinée à démontrer la vétusté des cellules occupées, le requérant n'a pas bénéficié d'une réparation suffisante.

10. La gestion de la crise sanitaire de la covid-19 par l'État français.

Dans l'arrêt « Le Mailloux c. France » (3 décembre 2020), la Cour a déclaré irrecevable la requête d'un particulier qui se plaignait de la gestion de la crise sanitaire induite par la pandémie de coronavirus - Covid-19. La Cour a observé que le requérant ne démontrait pas en quoi ces mesures l'ont personnellement affecté. La Cour ne reconnaissant pas l'« action populaire », le requérant doit produire des indices raisonnables et convaincants du dommage subi.

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