Rapport d'information n° 323 (2020-2021) de M. Rémy POINTEREAU et Mme Corinne FÉRET , fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales, déposé le 29 janvier 2021

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N° 323

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 29 janvier 2021

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation (1) sur l' ancrage territorial de la sécurité intérieure ,

Par M. Rémy POINTEREAU et Mme Corinne FÉRET,

Sénateurs

(1) Cette délégation est composée de : Mme Françoise Gatel , présidente ; MM. Rémy Pointereau, Guy Benarroche, Jean-Pierre Corbisez, Philippe Dallier, Bernard Delcros, Mmes Corinne Féret, Michelle Gréaume, MM. Charles Guené, Éric Kerrouche, Antoine Lefèvre, Mme Patricia Schillinger, M. Pierre-Jean Verzelen , vice-présidents ; M. François Bonhomme, Mme Agnès Canayer, M. Franck Montaugé, secrétaires ; Mmes Nadine Bellurot, Céline Brulin, M. Laurent Burgoa, Mme Catherine Di Folco, M. Jérôme Durain, Mme Dominique Estrosi Sassone, MM. Fabien Genet, Jean-Michel Houllegatte, Mmes Sonia de La Provôté, Anne-Catherine Loisier, MM. Pascal Martin, Hervé Maurey, Philippe Mouiller, Philippe Pemezec, Didier Rambaud, Mme Sylvie Robert, MM. Jean-Yves Roux, Lucien Stanzione, Cédric Vial, Jean Pierre Vogel.

SYNTHÈSE DES 10 RECOMMANDATIONS

Recommandation

Nature de la recommandation

Destinataire

Échéance

ÉTENDRE LES COMPÉTENCES JUDICIAIRES DES POLICES MUNICIPALES

Législative

Parlement

(article 1 er de la PPL sécurité globale)

La PPL « sécurité globale » - qui fait l'objet d'une procédure accélérée - sera examinée par le Sénat fin mars 2021

AMÉLIORER
LA FORMATION DES POLICES MUNICIPALES

Réglementaire 1 ( * )

Ministre
de l'Intérieur et Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT)

Fin 2021/
Début 2022

AMÉLIORER LE CONTRÔLE DES POLICES MUNICIPALES

Législative et réglementaire

- Parlement : suppression de l'avis de la Commission consultative des polices municipales 2 ( * )

- Ministre de l'Intérieur : création,
au sein de l'Inspection générale de l'administration (IGA), d'une mission permanente dotée d'un collège d'élus locaux

Fin 2021/
Début 2022

RENFORCER LES LIENS OPÉRATIONNELS ENTRE LES POLICES MUNICIPALES ET LES FORCES RÉGALIENNES DE SÉCURITÉ

« Bonnes pratiques »

Maires : invités à faire un usage actif de la faculté de conclure des conventions de coordination entre la police municipale et la police nationale

Fin 2021/
Début 2022

ASSOCIER TRÈS ÉTROITEMENT LES ÉLUS LOCAUX À LA NOUVELLE RÉPARTITION POLICE/GENDARMERIE

Réglementaire

Ministre
de l'Intérieur

Fin 2021/
Début 2022

POSER LA QUESTION
DE LA COMPÉTENCE DE LA GENDARMERIE DANS LES ZONES URBAINES SENSIBLES

Réglementaire

Ministre
de l'Intérieur

Fin 2021/
Début 2022

SAISIR L'OCCASION
DE LA RÉFORME
DE L'ORGANISATION DÉCONCENTRÉE
DE LA POLICE NATIONALE POUR MIEUX PRENDRE
EN COMPTE LES BESOINS
DES ÉLUS LOCAUX

Réglementaire

Ministre
de l'Intérieur

À l'issue de l'expérimentation lancée dans trois départements en 2021

RENFORCER
LES « SYNERGIES D'INFORMATION »
AVEC TOUS LES ACTEURS LOCAUX DE SÉCURITÉ

Réglementaire
et « Bonnes pratiques »

- Maires : désigner
un coordonnateur territorial pour chaque CLSPD ; renforcer
les relations institutionnelles avec les Procureurs de la République (échanges d'information, participation à des groupes de travail)

- Préfets : mobiliser davantage le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD)

- Ministre de la Justice et Parquets : encourager les relations élus locaux-Parquets

Fin 2021/
Début 2022

ÉVALUER LES DISPOSITIFS DE MISE EN COMMUN DE POLICIERS MUNICIPAUX

« Bonnes pratiques »

Associations d'élus locaux et Ministre de l'Intérieur (IGA)

Lancement de l'évaluation : courant 2021

ENCOURAGER LES CITOYENS À DEVENIR DES ACTEURS À PART ENTIÈRE DE LA SÉCURITÉ

Législative et « Bonnes pratiques »

- Ministre de l'Intérieur : communication relative à la réserve de la police nationale

- Parlement : envisager de légiférer pour permettre, comme dans la gendarmerie, aux réservistes de la police nationale d'être armés

Fin 2021/
Début 2022

AVANT-PROPOS

« Le maire est et doit rester le pivot de la sécurité dans sa commune ».

Cette exigence, qui figure dans le Livre blanc sur la Sécurité intérieure , rendu public le 14 novembre 2020, conforte les conclusions du rapport d'étape que votre délégation a approuvé le 9 juillet 2020 sur « l' ancrage territorial de la sécurité intérieure » 3 ( * ) . Nourri par un déplacement au siège de la Direction générale de la gendarmerie nationale et par plusieurs auditions, ce rapport souligne combien sont grandes les attentes de la société à l'égard des forces de sécurité, à l'heure où la violence paraît se développer et où d'aucuns pointent le risque de fragmentation de la société française. Si le traitement médiatique -- parfois excessif -- crée sans doute un prisme déformant des réalités, il n'en demeure pas moins que les forces de sécurité se retrouvent confrontées à ces multiples défis.

Vos rapporteurs sont convaincus que notre pays ne pourra les relever efficacement qu'avec l'appui des acteurs locaux , comme l'ont illustré la gestion de la crise des « gilets jaunes » ou celle, en cours, de la crise sanitaire. Les maires constituent les premiers maillons de la chaîne du « continuum de sécurité ». En conséquence, la construction de la politique de sécurité doit reposer sur une approche ascendante , dite aussi « bottom up », qui doit partir des territoires .

En effet, l'ancrage territorial de la sécurité intérieure non seulement constitue un gage d'efficacité et de performance mais il est également de nature à renforcer la relation de confiance entre la population et les acteurs de sécurité. Sur ce point, il y a lieu de saluer l'action de toutes les forces de sécurité qui exercent leurs fonctions dans des conditions souvent très difficiles. Quelques errements isolés - aussi regrettables soient-ils - ne sauraient jeter l'opprobre sur l'ensemble des agents qui assurent notre sécurité au quotidien avec dévouement et professionnalisme.

Après avoir entendu de nombreuses personnes en décembre 2020 4 ( * ) et mené un travail en concertation avec la commission des Lois du Sénat, vos rapporteurs formulent dix recommandations tendant à mieux ancrer les forces de sécurité dans les territoires.

I. 1ÈRE RECOMMANDATION : ACCEPTER AVEC VIGILANCE L'EXPÉRIMENTATION DE NOUVELLES COMPÉTENCES JUDICIAIRES DES POLICES MUNICIPALES

A. LA LOI DE 1999 A FAVORISÉ L'ÉMERGENCE DES POLICES MUNICIPALES

Comme le souligne le récent rapport de la Cour des comptes sur la police municipale 5 ( * ) , le pouvoir de police figure parmi les attributions les plus anciennes des maires , et l'État ne s'est affirmé que progressivement comme garant de la sécurité des citoyens.

L'organisation des services de sécurité publique mise en place par la loi du 6 avril 1884, qui a réparti les pouvoirs de police entre les maires et les préfets en fonction de la population des communes, n'a subi que peu d'évolutions jusqu'à la moitié du XX e siècle.

La multiplication des services de police municipale et leur professionnalisation sont toutefois des phénomènes plus récents , favorisés par la loi du 15 avril 1999 relative aux polices municipales, qui reconnaît leur contribution à la sécurité et favorise leur développement. À cet égard, la vidéoprotection est devenue un instrument quotidien et banalisé des services de police municipale. Les centres de supervision urbains (CSU), où les images filmées par les caméras sont visionnées en direct par des agents municipaux, se sont multipliés.

B. UNE LIBERTÉ DE CHOIX QUI DOIT DEMEURER

Les maires sont libres de créer ou non une police municipale et d'en définir la taille, l'équipement et la doctrine d'emploi, dans la limite des compétences que la loi leur accorde. Ces choix se traduisent notamment dans la décision d'armer ou non les agents de police municipale. Depuis dix ans, à la suite des attentats, l'armement létal s'est banalisé : en 2019, plus de la moitié des policiers municipaux sont dotés d'une arme à feu. Il y a lieu de rappeler, à cet égard, l'intervention, le 29 octobre 2020, des policiers municipaux à Nice, qui ont réussi à neutraliser le terroriste de la basilique Notre-Dame de l'Assomption.

Pour autant, la position de notre délégation est constante : elle ne saurait imposer aux élus locaux de nouvelles contraintes , a fortiori lorsqu'elles génèrent des charges supplémentaires non compensées par l'État.

Vos rapporteurs recommandent ainsi de conserver la liberté de choix et de faire confiance à « l'intelligence territoriale ». Il appartient donc aux maires d'apprécier l'utilité et l'opportunité d'une police municipale en dressant un bilan coût/avantages au regard des caractéristiques locales de la délinquance et des marges de manoeuvres financières dont dispose la commune.

C. QUELLES EXTENSIONS DE COMPÉTENCE POUR LES POLICES MUNICIPALES SANS DÉNATURER SA MISSION DE POLICE DE PROXIMITÉ ET DE TRANQUILLITÉ ?

Dans la continuité de leur rapport d'étape, vos rapporteurs se sont interrogés sur un possible élargissement du champ de compétence de la police municipale pour répondre au défi de la sécurité, en appui des forces de sécurité intérieure. Ces dernières représentent 250 000 policiers et gendarmes nationaux, contre 21 500 policiers municipaux. Cet élargissement s'inscrirait dans une tendance à l'accroissement des compétences de police judiciaire des agents de la police municipale depuis une dizaine d'années 6 ( * ) . Comme l'a souligné Frédéric Veaux, directeur général de la police nationale, lors de son audition devant la commission des Lois le 1 er décembre 2020 : « Les policiers municipaux sont désormais des acteurs incontournables de la sécurité du quotidien » .

C'est pourquoi vos rapporteurs ont examiné avec attention l'article 1 er de la proposition de loi « sécurité globale » 7 ( * ) , qui fixe le cadre d'une expérimentation permettant aux communes dont les polices municipales répondent à un certain nombre de critères -- liés à leur taille et leur organisation -- de demander à ce que leurs agents exercent plusieurs compétences de police judiciaire limitativement énumérées 8 ( * ) .

Ce texte vise ainsi à renforcer l'intégration de tous les acteurs de la sécurité, notamment la police municipale, autour d'un « continuum de sécurité » 9 ( * ) qui bénéficiera d'un même niveau de protection.

Plusieurs remarques méritent ici d'être apportées.

En premier lieu, votre délégation approuve le principe de l'expérimentation locale . Rappelons à cet égard que :

- les collectivités territoriales peuvent, en vertu de l'article 72 alinéa 4 de la Constitution, « déroger, à titre expérimental et pour un objet et une durée limités, aux dispositions législatives et réglementaires qui régissent l'exercice de leurs compétences ». Cette possibilité a toutefois été peu utilisée depuis sa création : seules quatre expérimentations ont été menées sur ce fondement 10 ( * ) ;

- le Sénat a proposé d'assouplir la mise en oeuvre des expérimentations locales et d'autoriser la pérennisation des dérogations pour une partie seulement du territoire (proposition n° 39 du rapport du 2 juillet 2020 « 50 propositions du Sénat pour une nouvelle génération de la décentralisation ») . Dans le droit-fil du rapport, notre assemblée a adopté, le 3 novembre 2020, le projet de loi organique relatif à la simplification des expérimentations mises en oeuvre sur le fondement de l'article 72 de la Constitution. Ce texte permet une simplification du recours aux expérimentations locales et prévoit de nouvelles issues au terme de celles-ci . Il ne s'agit toutefois que d'ajustements essentiellement techniques, qui ne sont pas de nature à consacrer un véritable droit à la différenciation .

Ce dernier nécessiterait une révision constitutionnelle, à l'image de celle portée par l'article 3 de la proposition de loi constitutionnelle pour le plein exercice des libertés locales adoptée par le Sénat le 20 octobre 2020 11 ( * ) .

En second lieu, l'extension de compétence pourrait porter en particulier sur la vente de stupéfiants . En effet, tant le directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN) que le directeur général de la police nationale (DGPN) ont, lors de leur audition, insisté sur l'impérieuse nécessité de lutter contre le trafic de stupéfiants , à l'origine de nombreux faits de délinquance, de l'insécurité du quotidien, en passant par le narco-banditisme et le financement du terrorisme ; « la lutte contre les stupéfiants est la mère de toutes les batailles » a résumé le DGPN lors de son audition par la délégation.

Pour autant, l'extension du champ de compétence de la police municipale appelle, de la part de vos rapporteurs, certaines réserves.

En premier lieu, vos rapporteurs pointent un risque juridique au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. En effet, dans sa décision n° 2011-625 DC du 10 mars 2011, la juridiction suprême a rappelé que les agents de police municipale relèvent au plan hiérarchique des autorités communales. Bien qu'étant agents de police judiciaire adjoints 12 ( * ) (APJA), ils ne sont pas mis à la disposition des officiers de police judiciaire (OPJ) et ne sont donc pas placés sous la direction et le contrôle du procureur de la République . Il appartiendra à la commission des Lois d'examiner le risque de contrariété à notre loi fondamentale, étant précisé que le VII de l'article premier de la proposition de loi prévoit que la police municipale est placée sous la direction du procureur de la République, ce qui constitue un garde-fou important. Néanmoins, deux interrogations demeurent : la transmission des procès-verbaux aux maires est-elle conforme aux principes constitutionnels ? La frontière entre les constatations et les actes d'enquête est-elle, en pratique, toujours aisée à tracer ?

Quand bien même un tel risque constitutionnel serait écarté, il n'en demeure pas moins que l'élargissement expérimental des compétences de la police municipale s'apparente à une substitution entre les forces étatiques et la police municipale, comme l'ont relevé les associations d'élus locaux lors de leur audition. D'aucuns considèrent même que l'expérimentation proposée revient de facto à un « transfert de compétences » à budget constant , au mépris des exigences constitutionnelles.

Article 72-2 de la Constitution

Tout transfert de compétences entre l'État et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi 13 ( * ) .

En réalité, les nouvelles tâches confiées aux polices municipales ne dessaisiraient pas les forces de sécurité intérieure, puisque les missions pourraient être exercées tant par les premières que par les secondes. Il ne s'agit donc pas d'un transfert de compétence stricto sensu , mais plutôt d'une « compétence partagée ».

Pour autant, l'extension de la compétence de la police municipale peut être perçue par certains élus locaux comme une forme de désengagement de l'État, alors que la sécurité est une mission régalienne qui lui incombe prioritairement. En effet, il a le devoir, en application de l'article L. 111-1 du code de la sécurité intérieure (CSI), d'« assurer la sécurité en veillant, sur l'ensemble du territoire de la République, [...] au maintien de la paix et de l'ordre publics, à la protection des personnes et des biens ». La police municipale doit, quant à elle, demeurer une police de la tranquillité publique et une police de proximité. Elle n'a pas, a priori , vocation à exercer des missions aujourd'hui délaissées par les forces régaliennes de sécurité. Certes, le DGGN a expliqué, lors de son audition par la commission des Lois, que cette réforme « va permettre de faire traiter, par les polices municipales, des petits contentieux du quotidien qui, très souvent, ne pouvaient l'être car la brigade de gendarmerie ne se trouvait pas sur place ».

Pour l'ensemble de ces raisons, vos rapporteurs émettent des réserves à l'extension de compétence de la police municipale proposée par l'article premier de la proposition de loi « sécurité globale ».

Si ce dernier est voté par le Parlement, vos rapporteurs souhaitent que votre délégation conduise, en lien avec la commission des Lois, une évaluation rigoureuse et exigeante de l'expérimentation conduite. À cet égard, la proposition de loi prévoit qu'au plus tard neuf mois avant le terme de l'expérimentation, les communes concernées devront remettre au Gouvernement un rapport d'évaluation . Celui-ci devra, quant à lui, communiquer au Parlement un rapport d'évaluation générale de la mise en oeuvre de l'expérimentation au plus tard six mois avant son terme.

Cette évaluation apparaît d'autant plus indispensable qu'en dépit de l'élargissement, précédemment évoqué, des compétences des polices municipales, l'État ne s'est pas donné la possibilité d'en mesurer les résultats , s'en remettant intégralement aux maires. Les conventions de coordination prévoient certes un diagnostic local de sécurité ainsi que l'établissement d'un rapport annuel, mais ceux-ci portent davantage sur les conditions de mise en oeuvre de la convention que sur les résultats produits . En outre, les rapports d'activité des polices municipales comportent peu d'aspects relatifs à la délinquance générale. Il est donc malaisé, en l'état, de répondre à la question suivante, pourtant fondamentale : « La création des polices municipales a-t-elle conduit à une baisse de la délinquance dans les communes concernées ? ».

Au-delà, cette évaluation pourrait aussi permettre d'apprécier, en creux, les conséquences de cette réforme pour les forces régaliennes . Ne risque-t-elle pas de les éloigner du terrain, des élus et de la population, à rebours de l'objectif d'ancrage territorial de la sécurité ? Ne risque-t-elle pas également de faire perdre à la police municipale son caractère - très apprécié de la population - de police de tranquillité et de proximité ?

II. 2ÈME RECOMMANDATION : AMÉLIORER LA FORMATION DES POLICES MUNICIPALES

A. UNE FORMATION EN PROGRÈS MAIS ENCORE INSUFFISANTE

Comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport thématique, la police municipale s'est professionnalisée au cours des dix dernières années, notamment grâce à une formation reconnue, dispensée par le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT).

Lors de l'audition du DGPN par la commission des Lois, notre collègue M. Marc-Philippe Daubresse 14 ( * ) a jugé insuffisante la formation, tant initiale que continue, de la police municipale, en particulier sur les plans juridique, procédural et déontologique . La c omplexité et le formalisme de la procédure pénale sont tels qu'un déficit de formation pourrait conduire à des annulations de procédure, voire à l'engagement de la responsabilité de l'État en cas de dysfonctionnement du service public de la justice judiciaire, comme indiqué précédemment.

B. CRÉER UNE ÉCOLE NATIONALE DES POLICES MUNICIPALES EN ÉTROITE LIAISON AVEC LE CNFPT

Un consensus semble se dégager autour de trois idées forces :

- les agents de police municipale doivent demeurer des fonctionnaires des collectivités territoriales, placés sous l'autorité du maire, la création d'une police municipale relevant d'une décision libre du conseil municipal. Dès lors, il n'est pas pertinent d'envisager la création d'un corps national unique ;

- la formation initiale et continue de ces agents doit être renforcée et homogénéisée , autant dans les domaines technique et opérationnel (interventions, maniement des armes...) que sur les plans juridique, procédural et déontologique comme indiqué plus haut ;

- cette formation doit permettre de créer une « culture commune » avec les forces de sécurité de l'État, conformément à la logique du « continuum de sécurité ».

Répondre à ces différents objectifs suppose, d'une part, une coopération plus étroite entre le CNFPT et le ministère de l'intérieur, d'autre part, l'engagement, dans le cadre du Beauvau de la sécurité, d'une réflexion approfondie sur plusieurs points :

- la mise en place d'un programme ou référentiel de formation pluridisciplinaire adapté aux enjeux ;

- le profil des formateurs : la police nationale et la gendarmerie ne devraient-elles pas prendre une part active aux formations, en particulier sur les aspects opérationnels 15 ( * ) ? Les procureurs de la République devraient-ils assurer certains modules de formation, en particulier sur le code de procédure pénale ?

- la localisation des formations : faudrait-il prévoir une formation sur un seul site en France ou la dispenser dans les structures actuelles du CNFPT ?

Plusieurs options peuvent être retenues, en fonction du niveau d'ambitions souhaité :

- simplement renforcer les formations CNFPT en veillant à une plus grande prise en compte des nécessités opérationnelles, juridiques... ;

- créer une école des cadres des polices municipales , à l'image de l'École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers (ENSOSP), établissement public national à caractère administratif créé par décret et placée sous la tutelle du ministre de l'Intérieur. Comme l'ENSOSP, cette école pourrait proposer, outre un cursus pour les cadres des polices municipales, des formations destinées aux élus, aux fonctionnaires, aux cadres des entreprises et aux experts français ou étrangers. Elle pourrait travailler en réseau avec le CNFPT ;

- instituer une école nationale des polices municipales qui concernerait l'ensemble des policiers municipaux. Cette idée s'inscrit dans le droit fil des conclusions de la commission d'enquête créée à l'Assemblée nationale sur la situation, les missions et les moyens des forces de sécurité 16 ( * ) . Cette proposition a la faveur de vos rapporteurs.

III. 3ÈME RECOMMANDATION : AMÉLIORER LE CONTRÔLE DES POLICES MUNICIPALES

A. DES MANQUEMENTS LIMITÉS À LA DÉONTOLOGIE D'APRÈS LE DÉFENSEUR DES DROITS

Le Défenseur des droits, qui a repris en 2011 les attributions de la CNDS (Commission nationale de la déontologie de la sécurité), a été interrogé par vos rapporteurs sur les réclamations dont il est saisi mettant en cause des policiers municipaux. Il en ressort que celles-ci ne représentent, chaque année, que 5 à 7 % des saisines en matière de manquement à la déontologie des forces de sécurité 17 ( * ) , comme l'illustre le tableau suivant.

Extrait du rapport d'activité du Défenseur des droits sur l'année 2019 (page 26) 18 ( * )

Les griefs évoqués sont majoritairement la violence et le manque d'impartialité ou le non-respect de la procédure Par comparaison, la police nationale totalise à elle seule plus de 50 % des saisines du Défenseur des droits, soit près de dix fois plus de saisines pour six fois plus d'effectifs. Par ailleurs, le Défenseur des droits indique qu'entre 85 et 90 % des saisines concernant la police municipale ne révèlent aucun manquement à la déontologie.

Ces statistiques s'expliquent probablement par le caractère limité des compétences des policiers municipaux et la faiblesse de leurs pouvoirs de contrainte, là où la majorité des cas impliquant des policiers nationaux ont trait aux conditions d'interpellation, de garde à vue, de contrôle d'identité ou de dépôt de plaintes, soit des prérogatives dont les agents municipaux sont dénués. En outre, les services du Défenseur des droits suggèrent que les litiges se règlent plus facilement à l'amiable par un recours direct au maire, rendant inutile toute intervention d'un autre médiateur.

B. UN CONTRÔLE À RENFORCER

Si les manquements de la police municipale aux règles déontologiques demeurent limités - ce dont vos rapporteurs ne peuvent que se réjouir -, l'élargissement progressif de ses attributions soulève la question de son contrôle , qui présente actuellement certaines insuffisances.

Les polices municipales sont dotées, depuis 2003, d'un code de déontologie régi par le CSI. Ce dernier prévoit notamment que « L'agent de police municipale est intègre, impartial et loyal envers les institutions républicaines. Il ne se départit de sa dignité en aucune circonstance » (article R. 515-7).

Le contrôle des polices municipales par l'État intervient de manière systématique au moment de l'entrée dans la profession. Tous les agents de police municipale font l'objet d'une double enquête d'honorabilité menée par le procureur de la République et le préfet. Une procédure d'autorisation similaire est prévue pour l'armement des policiers municipaux, qui doivent pouvoir justifier au préalable du suivi de la formation délivrée par le CNFPT.

Outre ces contrôles à l'entrée, le CSI prévoit une procédure de vérification de l'organisation et du fonctionnement d'un service de police municipale par le ministre de l'Intérieur. Répondant à la volonté de renforcer la qualité des polices municipales, cette procédure a été instituée par la loi n o 99-291 du 15 avril 1999 relative aux polices municipales (art. 4). Elle prévoit qu'à la demande du maire, du préfet ou du procureur et après avis de la Commission consultative des polices municipales (CCPM), « le ministre de l'Intérieur peut décider de la vérification de l'organisation et du fonctionnement d'un service de police municipale » (article L. 513-1 du CSI). Le contrôle est alors réalisé par « les services d'inspection générale de l'État », à savoir l'Inspection générale de l'administration (IGA), l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) ou l'Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN).

Ce dispositif de contrôle externe présente certaines faiblesses . En particulier, le contrôle susmentionné prévu à l'article L. 513-1 du CSI s'avère quasiment impossible à réaliser en pratique, en raison de la procédure d'avis préalable de la CCPM qui, sous sa forme actuelle, ne se réunit pas assez régulièrement. Le rapport de la Cour des comptes sur les polices municipales relève ainsi que l'IGA n'a été saisie qu'à deux reprises depuis la création de cette disposition par la loi précitée de 1999 19 ( * ) .

Toute la responsabilité du contrôle repose in fine sur le pouvoir hiérarchique exercé par les maires, ce qui peut paraître insuffisant au regard de l'extension du champ d'intervention des polices municipales, ainsi que la banalisation de leur armement.

À cet égard, vos rapporteurs jugent intéressante l'idée, proposée par nos collègues députés Jean-Michel Fauvergue et Alice Thourot, de créer au sein de l'IGA une mission permanente, mais à condition qu'elle s'adjoigne les compétences d'un collège consultatif 20 ( * ) placé auprès d'elle et composé notamment d'élus locaux disposant d'une compétence et d'une expérience particulières en matière de sécurité.

Sauf demande expresse du maire, cette mission ne pourra naturellement pas porter sur la doctrine d'emploi des forces municipales, celle-ci relevant de la seule décision du maire, conformément au principe de libre administration.

Le champ d'intervention de cet organe devrait pouvoir aussi inclure le contrôle des dispositifs de vidéoprotection et des centres de supervision urbain, que la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) n'est actuellement pas en mesure de contrôler efficacement.

IV. 4ÈME RECOMMANDATION : RENFORCER LES LIENS OPÉRATIONNELS ENTRE LES POLICES MUNICIPALES ET LES FORCES RÉGALIENNES DE SÉCURITÉ

Entendu par votre délégation, le DGPN a rappelé la qualité des liens qui unissent les services de police municipale et ceux de la police nationale. Il a notamment salué la fructueuse coopération dans la cadre de la lutte contre le coronavirus , pour laquelle les différentes forces de police font assurer le respect des directives nationales sanitaires. Ont également été cités des patrouilles mixtes, des opérations conjointes, des accueils communs ainsi que des « groupes de partenariats opérationnels » (GPO) qui s'inscrivent dans le cadre de la police de sécurité du quotidien. Abondant dans ce sens, le DGGN a indiqué devant la commission des Lois : « Je crois à une coordination au plus près du terrain, et je n'ai pas beaucoup d'inquiétudes à ce sujet. J'en ai d'autant moins que l'on retrouve souvent d'anciens policiers ou d'anciens gendarmes dans les polices municipales et que, bien souvent, des policiers municipaux appartiennent à la réserve de la gendarmerie. »

A. L'IMPORTANCE DES CONVENTIONS DE COORDINATION

Créées par la loi n° 99-291 du 15 avril 1999 relative aux polices municipales, les conventions de coordination sont régies par les articles L. 512-4 à L. 512-6 du CSI.

Elles visent à prévoir les modalités de coopération entre, d'une part, la police municipale, d'autre part, les forces de sécurité nationales, afin d'assurer une coordination optimale de leurs interventions sur le territoire de la commune.

La loi « engagement et proximité », promulguée le 27 décembre 2019, a étendu le champ des conventions de coordination afin de faire de celles-ci un véritable instrument de pilotage opérationnel de l'action conjointement menée par les polices municipales et les forces de sécurité nationales.

En premier lieu, le seuil du nombre d'agents de police municipale à partir duquel la signature d'une convention est obligatoire a été abaissé de cinq à trois .

En deuxième lieu, la liste des signataires de la convention a été élargie au procureur de la République , qui se borne à simplement émettre un avis en l'état du droit applicable.

Enfin, le législateur a souhaité renforcer le contenu de ces conventions : ces dernières doivent désormais préciser la doctrine d'emploi des services de police municipale et mentionner également les missions prioritaires, notamment judiciaires, qui leur seront confiées, ainsi que les modalités d'équipement et d'armement des policiers municipaux.

Vos rapporteurs soulignent l'importance de ces conventions de coordination et se réjouissent que la quasi-totalité des communes concernées par le dispositif aient conclu une convention de coordination avec les forces de sécurité nationales 21 ( * ) . Il est essentiel que ces conventions ne créent pas de concurrence ou de conflit de compétences mais, au contraire, qu'elles mettent en oeuvre une forte complémentarité entre les forces de l'État et la police municipale.

Vos rapporteurs souhaitent également rappeler aux maires qu'une telle convention de coordination peut également être conclue, à leur demande, lorsqu'un service de police municipale compte moins de trois emplois d'agent de police municipale (art L. 512-4 du CSI). Aussi encouragent-ils les maires à faire un usage actif de cette faculté.

B. L'ACCÈS AUX FICHIERS DE POLICE

Les agents de police municipale disposent, depuis le 1 er juillet 2019, d'un accès direct aux données du Système national des permis de conduire (SNPC) et du Système d'immatriculation des véhicules (SIV).

Il paraît sans doute souhaitable de renforcer la coopération et l'interopérabilité entre ces deux forces de police.

En premier lieu, les représentants de l'Association des maires de France (AMF) et de l'Association des Petites Villes de France (APVF) ont regretté des difficultés d'accès à ces fichiers 22 ( * ) . Vos rapporteurs souhaitent donc que le ministère de l'Intérieur se saisisse de cette question.

En second lieu, dans son récent rapport sur les polices municipales 23 ( * ) (octobre 2020), la Cour des comptes propose opportunément de modifier l'arrêté portant autorisation d'un traitement automatisé de données à caractère personnel aux fins de permettre un accès direct au Fichier des objets et véhicules signalés (FOVeS) à des agents de police municipale habilités eu égard à leurs compétences en matière routière .

En outre, l'extension de compétence mentionnée plus haut doit logiquement conduire à des accès de la police municipale à de nouveaux fichiers de police , dans le respect naturellement des principes régissant la loi « informatique et libertés ».

V. 5ÈME RECOMMANDATION : ASSOCIER TRÈS ÉTROITEMENT LES ÉLUS LOCAUX À LA CONCEPTION ET À LA MISE EN oeUVRE DE LA NOUVELLE RÉPARTITION POLICE - GENDARMERIE ET RAISONNER DE MANIÈRE PRAGMATIQUE SELON DES « BASSINS DE DÉLINQUANCE »

Dans le prolongement de leur rapport d'étape, vos rapporteurs se sont interrogés sur l'opportunité d'améliorer, en étroite concertation avec les élus locaux, le maillage territorial des forces régaliennes de sécurité, qui représentent au total quelque 250 000 agents.

A. LA SITUATION ACTUELLE : UNE RÉPARTITION TERRITORIALE QUI A PERDU DE SA PERTINENCE

Les articles R. 2214-1 et R. 2214-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT) prévoient deux critères visant à départager les zones de compétence respectives de la police et de la gendarmerie nationales. Ainsi, la compétence de la police nationale s'exerce :

- dans les communes chefs-lieux de département ;

- dans les communes ou les ensembles de communes dont la population est supérieure à 20 000 habitants et dont les caractéristiques de la délinquance sont celles des zones urbaines.

Au regard de cette clé de répartition, la compétence de la police représente entre 40 et 50 % de la population sur seulement 5 % du territoire. Les autres communes se trouvent donc en « zone gendarmerie ».

Si, lors de leur audition, tant le DPGN que le DGGN ont exclu catégoriquement la fusion des deux forces, ils ont reconnu une mauvaise répartition entre police et gendarmerie. Le DGPN observe ainsi que « Les évolutions démographiques, sociales et territoriales observées au cours des deux dernières décennies, marquées par le vieillissement de la population, l'affirmation du fait urbain et la montée des violences, conduisent à réévaluer les critères de répartition des forces de sécurité » 24 ( * ) . D'ailleurs, le DGGN reconnait lui-même que ces seuils ne sont pas toujours respectés dans les faits, par exemple en Ile-de-France, où des zones sont en gendarmerie alors qu'elles comptent plus de 20 000 habitants. Enfin, il apparaît également nécessaire de tirer les conséquences de l'augmentation de la population dans certains territoires périphériques en raison de la crise sanitaire.

B. QUELLES PISTES D'AMÉLIORATION ENVISAGER ?

Pour remédier à ces difficultés, le Livre blanc sur la Sécurité propose :

- qu'en dessous de 30 000 habitants, le territoire soit de la compétence de la gendarmerie ;

- qu'entre 30 000 et 40 000 habitants, ce soit la force la mieux adaptée aux caractéristiques du territoire qui soit compétente ;

- qu'au-dessus de 40 000 habitants, la compétence revienne à la police nationale.

Toutefois, vos rapporteurs ne sont guère convaincus par cette clé de répartition arithmétique mais en réalité peu rationnelle (pourquoi ces seuils de 30 ou 40 000 habitants?). En revanche, ils souscrivent parfaitement aux positions présentées par le DGPN et le DGGN lors de leur audition. Elles consistent à raisonner sur une aire plus large que le cadre communal et à dépasser le seul critère démographique, en tenant compte « des bassins de vie et de délinquance », déterminés notamment en fonction de la densité de population et d'habitat, des réseaux de transport et de la vie économique et sociale.

Au cours de l'audition du DGPN, le 3 décembre 2020, de nombreux sénateurs de la délégation ont approuvé cette idée pragmatique , certes plus complexe à mettre en oeuvre que l'application d'un critère démographique, mais bien plus efficace. En matière de réorganisation territoriale, l'État doit se garder de rechercher un « grand soir » ou un « big bang » , qui seraient source de tensions au plan local. Les travaux doivent être guidés par un seul objectif : proposer à la population et aux élus le meilleur service public possible en termes de sécurité. Tous les élus locaux entendus par vos rapporteurs sont allés dans ce sens.

Vos rapporteurs estiment que trois grands principes doivent présider à ce chantier de redécoupage territorial :

- tout d'abord, il y a lieu de tirer tous les enseignements des redéploiements territoriaux intervenus au sein de la police nationale entre 2003 et 2014. Une évaluation préalable , en lien avec les élus, apparaît indispensable avant d'engager une nouvelle réorganisation ;

- en deuxième lieu, vos rapporteurs tiennent à ce que la police demeure compétente dans les communes des chefs-lieux de département , quelle que soit la taille ou la densité du département. Cette présence sert en effet de relais opérationnel stratégique pour la police judiciaire, la police aux frontières, le RAID et la police scientifique.

- enfin - et surtout -, vos rapporteurs jugent indispensable de mener cette réforme en étroite concertation, en amont et en aval, avec les associations d'élus locaux afin de réaliser un délicat « travail de dentelle », pour reprendre l'expression de Mme Françoise Gatel, présidente de notre délégation.

La réorganisation territoriale serait supervisée :

- au plan national , par les trois inspections générales compétentes : IGPN (police nationale), IGGN (gendarmerie) et IGA (ministère) ;

- au plan local , par le préfet. Ce dernier devra constituer une instance de dialogue et de concertation associant aussi fortement que possible les élus locaux. La gouvernance des bassins de délinquance est en effet un sujet majeur, qui garantira la réussite du nouveau maillage territorial.

Votre délégation sera très attentive au suivi de cette réforme , très attendue par les élus locaux, et veillera à ce que ceux-ci soient fortement associés au processus de décision 25 ( * ) .

À cette fin, vos rapporteurs estiment qu'il serait souhaitable d'organiser des auditions et tables rondes en 2021, dès le lancement des travaux de réflexion.

VI. 6E RECOMMANDATION : POSER LA QUESTION DE LA COMPÉTENCE DE LA GENDARMERIE DANS LES ZONES URBAINES SENSIBLES

Lors des auditions, a été posée à maintes reprises la question de l'insécurité dans certaines zones périurbaines. Ces dernières connaissent une montée de la petite délinquance, une répétition des déprédations, une banalisation du recours aux armes, un développement des trafics (en particulier de stupéfiants) ainsi que des violences verbales et provocations à l'encontre des forces de l'ordre mais aussi de tous les représentants des « institutions » : pompiers, poste, enseignants.... Tous ces éléments contribuent à créer un climat quotidien d'insécurité qui suscite l'exaspération des habitants et exige une réponse sécuritaire plus adaptée.

Vos rapporteurs ont acquis la conviction, lors de leurs auditions, que la gendarmerie est particulièrement à même de répondre à ce « défi périurbain » en raison de ses équipements, de son organisation, de sa formation, de son encadrement et de son ancrage territorial, illustré notamment par le logement en caserne des gendarmes.

Cette conviction rejoint le constat - ancien - de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées. Dans son rapport intitulé « Les banlieues : un nouveau défi pour la gendarmerie », publié en 1997, la commission avait ainsi justifié les atouts de la gendarmerie pour répondre aux enjeux sécuritaires dans les zones périurbaines :

« La gendarmerie n'est pas mal placée pour assurer la sécurité face aux défis des banlieues. La proximité, la disponibilité, la polyvalence : ces principes, au fondement même de son action et mis à l'épreuve dans les campagnes, peuvent se révéler très adaptés à la situation des zones périurbaines. Tenus de résider dans les communes auxquelles les attachent leurs brigades, les gendarmes sont appelés à vivre dans les quartiers difficiles. C'est là un atout décisif pour nouer des contacts et prendre une connaissance approfondie du terrain, mais aussi pour garantir cette présence de proximité propre à sécuriser les habitants» 26 ( * ) .

Entendu par la commission des Lois le 1 er décembre 2020, le DGGN a insisté sur l'ancrage territorial de la gendarmerie, gage d'une plus grande efficacité de la sécurité : « Sur la question de la gendarmerie dans les territoires, il est vrai que l'écosystème est un peu particulier. En effet, le gendarme vit dans une brigade, avec sa famille, au coeur du territoire dans lequel il travaille. Il appartient aux mêmes associations de parents d'élèves et aux mêmes clubs de foot que la population. Fils de gendarme, je connais bien cette forme de contrôle social que la population exerce sur le gendarme. Mon fils me dit d'ailleurs souvent que je dois être prudent parce que, si les choses venaient à mal se passer, c'est lui qui aurait des difficultés. La police ne fonctionne pas du tout de cette manière-là. Le gendarme est bien identifié et, même si ce n'est pas simple tous les jours, c'est une vraie force. »

Comme cela a été souligné à maintes reprises lors des auditions, la gendarmerie entretient d'excellentes relations partenariales avec les élus locaux et elle est souvent citée en exemple par ces derniers.

En témoigne l'action des brigades territoriales de contact, qui visent à renforcer le lien entre la gendarmerie, la population et les élus dans les secteurs surveillés. Ce dispositif est censé contribuer à la sécurité au quotidien des citoyens dans la mesure où des patrouilles sont présentes sur le terrain. Ces brigades s'inscrivent dans le cadre de la Police de sécurité du quotidien (PSQ), lancée en 2018, qui répond à la nécessité de mieux enraciner les forces de sécurité dans les territoires, comme l'a souligné l'association Villes de France lors de son audition.

Pour l'ensemble de ces raisons, vos rapporteurs jugent que le Gouvernement doit, sans tabou, aborder objectivement la question suivante : la gendarmerie ne doit-elle pas intervenir dans les zones urbaines qui enregistrent un fort taux de délinquance et qui manifestent une opposition virulente à l'autorité de l'État ? Ce sujet doit, en particulier, être soulevé dans le cadre du « Beauvau de la sécurité » qui doit se tenir, sous l'égide du ministre de l'Intérieur, au cours du premier semestre 2021.

VII. 7ÈME RECOMMANDATION : SAISIR L'OCCASION DE LA RÉFORME DE L'ORGANISATION DÉCONCENTRÉE DE LA POLICE NATIONALE POUR MIEUX PRENDRE EN COMPTE LES BESOIN DES ÉLUS LOCAUX

A. LES CRITIQUES FORMULÉES À L'ENCONTRE DE L'ORGANISATION ACTUELLE

L'organisation territoriale actuelle de la police nationale, en « tuyaux d'orgues » 27 ( * ) , nuit à son efficience et à l'émergence d'une stratégie globale, comme l'a reconnu le DGPN durant son audition par votre délégation. Cette organisation n'est pas davantage de nature à favoriser les contacts avec les élus locaux .

C'est pourquoi une réflexion est engagée par le ministère de l'Intérieur en poursuivant trois objectifs majeurs :

- améliorer l'efficacité opérationnelle des forces à effectifs constants et mutualiser les fonctions support (informatique, ressources humaines...) ;

- améliorer l'efficacité de la gouvernance territoriale au bénéfice d'une stratégie de sécurité unique adaptée au territoire ;

- améliorer la communication sur l'action policière.

B. L'EXPERIMENTATION D'UNE DIRECTION DÉPARTEMENTALE UNIQUE DE LA POLICE NATIONALE

Pour répondre à ces objectifs légitimes, le ministère de l'Intérieur a lancé, le 1 er janvier 2020, une réforme expérimentale de l'organisation déconcentrée de la police nationale dans trois collectivités ultra-marines, à savoir Mayotte, la Guyane et la Nouvelle-Calédonie.

Dans chacun de ces territoires a été instituée une Direction territoriale de la police nationale (DTPN) , qui s'est substituée aux différentes directions métiers (sécurité publique, police aux frontières, police judiciaire...). Cette direction unifiée s'inspire des modalités d'organisation et de commandement de la gendarmerie nationale.

Le premier bilan de cette expérimentation est jugé positif par le DGPN, qui affirme que la réforme est approuvée par les élus locaux concernés.

Fort de ce succès, le ministère a lancé, depuis le 1 er janvier 2021, une expérimentation cette fois en métropole dans trois départements : Pas-de-Calais, Savoie et Pyrénées-Orientales. L'expérience doit durer un an avant que le système soit généralisé s'il est concluant.

C. LES AVANTAGES ESCOMPTÉS PAR LES ÉLUS LOCAUX D'UNE TELLE REFORME

Il conviendra d'assurer le suivi de cette expérimentation et d'en mesurer les enjeux pour les collectivités avant d'envisager une généralisation à tous les départements.

Le premier enjeu, à caractère général, consistera à évaluer l'efficacité de cette rationalisation en termes de service rendu à la population. Contribue-t-elle, grâce aux mutualisations et à une meilleure circulation de l'information, à améliorer la lutte contre l'immigration irrégulière, le terrorisme et les stupéfiants ?

Le second enjeu concerne très directement les élus locaux. La réorganisation conduite par le ministère va-t-elle faciliter les échanges avec les élus locaux en créant un interlocuteur unique disposant d'une vision « décloisonnée » sur les enjeux de sécurité locale ? Vos rapporteurs ont interrogé le DGPN sur l'opportunité de prévoir la désignation, au sein de cette direction unifiée, d'un correspondant chargé de faire le lien avec les élus locaux, étant précisé que ce lien doit naturellement permettre des échanges bidirectionnels des élus vers la police et de la police vers les élus. En réponse, le DGPN a indiqué que cette mission essentielle d'interface avec les élus incomberait directement au directeur nommé et non à un correspondant. Vos rapporteurs en acceptent l'augure mais notent qu'au regard de ses fonctions chronophages, il lui sera sans doute matériellement difficile d'exercer pleinement ce rôle. À tout le moins devra-t-il être épaulé par un membre du corps de conception et de direction ou par un fonctionnaire expérimenté du corps d'encadrement et d'application.

VIII. 8ÈME RECOMMANDATION : RENFORCER LES « SYNERGIES D'INFORMATION » AVEC TOUS LES ACTEURS LOCAUX DE SÉCURITÉ

De nombreuses personnes entendues par vos rapporteurs ont insisté sur le fait que l'ancrage territorial de la sécurité, gage d'efficacité, passait par le développement des échanges d'informations au sein de tous les « co-producteurs » du service public de la sécurité.

A. L'ACCÈS AUX « FICHES S » : UNE FAUSSE BONNE IDÉE ?

Pour garantir la sécurité dans les territoires, la communication au sein du couple maire-préfet joue un rôle majeur et répond à une attente forte des élus locaux .

À cet égard, M. Christophe Castaner, alors ministre de l'Intérieur, a signé le 13 novembre 2018 une circulaire renforçant les échanges entre les préfets et les maires en matière de radicalisation. Cette circulaire prévoit une information dans les deux sens :

- des préfets vers les maires : les premiers informent les seconds sur l'état général de la menace sur le territoire de leur commune ; le préfet peut aussi, dans certaines situations, transmettre au maire des informations confidentielles nominatives ;

- des maires vers les préfets : les premiers signalent aux seconds 28 ( * ) une situation de radicalisation présumée. Les maires jouent ainsi un rôle de « capteurs de terrain » ou de « lanceurs d'alerte ». En contrepartie, les préfets font un retour systématique sur les signalements qu'ils effectuent.

La communication systématique aux maires des fiches S appelle, en revanche, de fortes réserves de la part de vos rapporteurs :

- la diffusion large des fiches S pourrait se retourner contre les élus : ces derniers ne seraient-ils pas mis en cause s'il advenait un drame causé par un fiché S qui aurait été connu d'eux mais sur lequel ils n'avaient en fait aucune prise ?

- une publicité trop large de ces fiches nuit à leur efficacité (confidentialité des enquêtes compromise, risques d'alerte des suspects...) ;

- l'interprétation d'une fiche et des risques afférents n'est pas toujours aisée pour un élu ne disposant pas des informations complètes sur l'individu concerné.

En revanche, vos rapporteurs sont favorables à la communication aux élus des seuls profils des personnes dont les maires ont la responsabilité directe ou indirecte , par exemple pour attirer leur attention sur le profil d'un employé municipal présentant un risque de radicalisation . Cette position est conforme à celle que votre délégation avait adoptée en 2017 dans son rapport « Les collectivités territoriales et la prévention de la radicalisation » 29 ( * ) . En 2018, la commission des Lois du Sénat a également admis qu'un maire peut être destinataire d'informations confidentielles , citant le cas « d'une vigilance sur un employé de sa commune ou sur les risques associés à la mise à disposition de locaux par la collectivité » 30 ( * ) . La communication de ces informations est toutefois subordonnée au strict respect de trois conditions essentielles :

- l'information doit lui être utile dans le cadre de l'exercice de son mandat ;

- l'échange ne peut avoir lieu qu'avec l'accord, d'une part, du chef du service de police, de gendarmerie ou de renseignement, d'autre part, du procureur de la République territorialement compétent ;

- la signature d'une charte de confidentialité.

B. LES LIENS AVEC LE RENSEIGNEMENT TERRITORIAL

Si la communication systématique des fiches S aux maires ne paraît pas opportune pour les raisons indiquées plus haut, vos rapporteurs encouragent le renforcement des liens entre les élus et le Service central du renseignement territorial (SCRT).

Héritier des renseignements généraux (RG), le SCRT, créé en 2014, est au coeur des enjeux d'ancrage local de la sécurité intérieure. Il est en effet chargé, sur l'ensemble du territoire national à l'exception de la région parisienne 31 ( * ) , de recueillir et d'exploiter des renseignements concernant tous les domaines de la vie institutionnelle, économique et sociale susceptibles d'entraîner localement des mouvements revendicatifs ou protestataires, qu'il s'agisse de dérives sectaires, de phénomènes de repli communautaire ou encore de contestations politiques violentes.

Le SCRT s'est vu en outre confier, en 2015 32 ( * ) , une compétence particulière en matière de prévention du terrorisme . Cette mission comprend, d'une part, la surveillance des grands courants prônant un islam fondamentaliste , d'autre part, le suivi de l'évolution et de l'influence territoriale des lieux et structures de diffusion de l'islam rigoriste , en particulier les lieux de culte, les écoles confessionnelles et les associations qui y sont liées.

Afin d'améliorer la performance de la sécurité intérieure au plan local, vos rapporteurs recommandent :

- une bonne articulation entre les différents acteurs locaux du renseignement, à savoir les agents du SCRT et les antennes locales de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) 33 ( * ) , lorsqu'elles existent. Cette coopération doit passer par des échanges opérationnels fréquents et de qualité (réunions, partages d'informations et de fichiers...) ;

- des réunions fréquentes avec les élus locaux, leurs associations ainsi que les parlementaires. Il semble qu'à l'heure actuelle, dans certains départements, le renseignement territorial prenne très rarement l'attache des élus, ce qui est regrettable.

C. LE RÔLE MAJEUR DES CONSEILS DE SÉCURITÉ ET DE PRÉVENTION DE LA DÉLINQUANCE

On l'a dit, le maire est le pivot de la sécurité dans sa commune. C'est pourquoi il est chargé d'animer sur le territoire de la commune la politique de prévention de la délinquance , dont il coordonne la mise en oeuvre (article L. 132-4 du CSI). À cette fin, il préside un Conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance ( CLSPD ) dont la création est obligatoire dans les communes de plus de 10 000 habitants et dans celles comprenant un quartier prioritaire de la politique de la ville. Une telle création est toutefois facultative pour les communes membres d'un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) ayant créé un Conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance ( CISPD ). Il appartient au maire de déterminer la fréquence et la composition de ces comités.

De nombreuses personnes auditionnées par vos rapporteurs ont salué l'intérêt de ces instances de dialogue et de concertation qui permettent, à intervalles réguliers, de réunir , sous l'autorité du maire, tous les acteurs du « continuum de sécurité », mais aussi des procureurs, des acteurs de la sécurité privée, des représentants de l'Éducation nationale, des bailleurs sociaux... Ces instances permettent de répondre efficacement aux enjeux de sécurité de proximité et de mettre en place une « culture de l'échange » et une meilleure compréhension mutuelle 34 ( * ) . Elles favorisent enfin le renforcement de la confiance de la population à l'égard de la sécurité. À cet égard, les forces de sécurité, qu'elles soient étatiques ou municipales, doivent, d'une manière générale, être mieux formées à la communication et à l'échange . Ainsi, lors de son audition devant votre délégation, le DGPN a indiqué que, selon un sondage IPSOS commandé par le ministère de l'Intérieur, le sentiment de confiance envers le service public de la police est d'autant plus fort qu'on en a été soi-même usager . Autrement dit, comme souvent, la défiance se nourrit de l'ignorance. Les CLSPD favorisent un meilleur ancrage territorial de la police et peuvent constituer ainsi un levier d'amélioration des relations entre la police et la population.

En dépit du grand intérêt que présentent ces comités, d'aucuns ont souligné, lors des auditions, qu'ils n'étaient pas toujours actifs, opérationnels et efficaces , faute d'une impulsion pérenne par le maire qui en assure la présidence. C'est pourquoi vos rapporteurs jugent très pertinente la désignation, au sein de la mairie, d'un coordonnateur territorial pour chaque CLSPD qui assurerait son animation sur la durée. L'importance de son rôle est d'ailleurs réaffirmée dans le cadre de la stratégie nationale de prévention de la délinquance 2020-2024 . Ajoutons que lors de son audition, M. Joseph Carles, maire de Blagnac et vice-président de Toulouse Métropole, a insisté sur le fait que le Conseil métropolitain de sécurité et de prévention de la délinquance (CMSPD) de Toulouse ne fonctionne efficacement que parce qu'il est animé par une coordonnatrice dédiée exclusivement à cette tâche. Faut-il pour autant rendre obligatoire ce coordinateur, comme le propose l'Assemblée nationale dans la proposition de loi « Sécurité globale » 35 ( * ) ?

En premier lieu, une telle disposition présente une double difficulté juridique : d'une part, elle ne paraît pas ressortir du domaine législatif, d'autre part, elle crée un risque de non-conformité avec le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales dans la mesure où elle s'immisce dans l'organisation interne de ces dernières 36 ( * ) . En second lieu, et comme indiqué précédemment, il incombe à votre délégation de simplifier les normes applicables aux collectivités locales. En conséquence, si la présence d'un coordinateur doit être encouragée 37 ( * ) , il ne paraît pas opportun de créer une nouvelle contrainte pour les élus.

Le même raisonnement s'applique à la décision de l'Assemblée nationale de rendre obligatoires, dans les communes comptant de 5 000 à 10 000 habitants, la création d'un CLSPD 38 ( * ) . Vos rapporteurs comprennent la logique de cette disposition, mais considèrent néanmoins que l 'incitation et la pédagogie doivent être préférées à la contrainte.

Eu égard au rôle majeur exercé par les CLSPD, vos rapporteurs formulent quatre recommandations :

- en premier lieu, le ministère de l'Intérieur pourrait utilement fournir à ces instances des données mensuelles territorialisées de la délinquance (par région, par département et par commune), sur le modèle de ce qui existe au Royaume-Uni. Vos rapporteurs notent avec satisfaction que depuis le 13 octobre 2020, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin s'est engagé à une présentation mensuelle des chiffres de l'activité des forces de l'ordre en France, ce qui constitue une première depuis dix ans 39 ( * ) . Le ministre devra naturellement s'appuyer sur les observatoires locaux de la délinquance , quand ils existent.

Ainsi, M. Joseph Carles, vice-président de Toulouse Métropole, a insisté sur l'utilité de l'Observatoire de la délinquance créé à Toulouse en 2017-2018 avec un double objectif : d'une part, cartographier et analyser, quartier par quartier, le panorama de la délinquance et des incivilités en ville, d'autre part, constituer une aide à la décision et un outil de pilotage pour les acteurs du continuum de sécurité ;

- en deuxième lieu, le Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) pourrait être davantage mobilisé. Ce fonds, créé par la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, est géré essentiellement par les préfets. Il a vocation à financer des actions qui déclinent localement la stratégie nationale de prévention de la délinquance 2020-2024. D'après le Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR), interrogé par vos rapporteurs, environ 155 000 euros ont été utilisés en 2019 (en autorisations d'engagement et en crédits de paiement) pour le financement des postes de coordonnateurs CLSPD/CISPD. Si le CIPDR n'est pas en mesure de fournir le nombre de postes correspondants, il n'en demeure pas moins que ce montant paraît insuffisant . Il s'agit en effet d'un simple fonds d'amorçage versé pendant quelques mois et couvrant partiellement le coût du poste de coordonnateur pour la collectivité (généralement entre 50 et 80 % au départ, mais avec un versement dégressif). En conséquence, vos rapporteurs recommandent aux préfets d'accorder une attention prioritaire au financement de ces postes de coordonnateurs, dans la mesure où leur absence entraîne bien souvent l'inactivité des CLSPD/CISPD. Or, environ 30 % de ces comités n'ont pas de coordonnateur ;

- ensuite, vos rapporteurs ont acquis la conviction que l'efficacité de la prévention de la délinquance repose sur une professionnalisation accrue de ces coordonnateurs. Cette dernière passe par une solide formation juridique initiale et continue (code de procédure pénale, code de la sécurité intérieure, RGPD...) ainsi que par des échanges réguliers avec les autres coordonnateurs. Il serait, à cet égard, utile de créer une association nationale des coordonnateurs .

Enfin, vos rapporteurs insistent sur la nécessité de faire un usage actif des dispositions de l'article L. 132-5 du CSI, qui prévoit que le CLSPD « peut constituer en son sein un ou plusieurs groupes de travail et d'échange d'informations à vocation territoriale ou thématique. Les faits et informations à caractère confidentiel échangés dans le cadre de ces groupes de travail ne peuvent être communiqués à des tiers. L'échange d'informations est réalisé selon les modalités prévues par un règlement intérieur établi par le conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance sur la proposition des membres du groupe de travail. »

Lors de son audition par votre délégation, le 30 janvier 2020, M. Frédéric Rose, alors secrétaire général du CIPDR, avait justement fait valoir que pour assurer un fonctionnement efficace des comités, des groupes opérationnels devaient se réunir régulièrement sur des thèmes déterminés 40 ( * ) . La loi permet en effet à ces groupes d'échanger des données nominatives , tandis qu'en réunions plénières les comités se bornent à des considérations générales et stratégiques .

D. LE LIEN MAIRES - PARQUET : UN SUJET MAJEUR

Les relations qu'entretiennent les maires avec le ministère public sont au coeur des enjeux d'ancrage territorial de la sécurité. Ces relations s'articulent autour de trois axes :

• la participation aux CLSPD-CISPD

Comme indiqué précédemment, les CLSPD-CISPD jouent un rôle déterminant dans la concertation locale en matière de sécurité . Le ministère de la Justice semble opportunément avoir pris conscience de cette nécessité. La circulaire du 6 novembre 2019 prévoit ainsi que « dans la perspective d'un dialogue institutionnel renforcé avec les élus locaux au sein des instances partenariales, les procureurs de la République continueront à prendre part activement aux conseils locaux et intercommunaux de prévention de la délinquance (CLSPD-CISPD). Les réunions peuvent être l'occasion de présenter la politique pénale menée [...] . Conformément aux dispositions de l'article 132-5 du code de la sécurité intérieure, des informations confidentielles et nominatives pourront être échangées au sein de ces instances, en tenant compte des thématiques assignées aux groupes de travail et dans le respect des dispositions de l'article 11 du code de procédure pénale relatif au secret de l'enquête et de l'instruction ».

• Une réunion d'information après les élections municipales

L'article L. 2122-34-1 du CGCT, dans sa rédaction issue de l'article 42 de la loi du 27 décembre 2019, dite « engagement et proximité », institue, dans chaque département, après le renouvellement général des conseils municipaux, une réunion de présentation, par le procureur de la République, des attributions qu'ils exercent comme officiers de police judiciaire.

Interrogée par vos rapporteurs, la Conférence nationale des procureurs de la République (CNPR) a indiqué que cette nouvelle obligation légale, complétée par la circulaire du 25 février 2020 du ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, constituait « à l'évidence, une innovation pertinente ». La CNPR a précisé que si la mise en oeuvre de cette mesure avait été, dans certains ressorts, entravée par la crise sanitaire, elle a permis aux élus locaux de rencontrer les magistrats du parquet. Ces derniers ont regretté, lors de leur audition, d'être souvent perçus par les élus comme « inaccessibles ».

• Les échanges d'information en matière de lutte contre la délinquance

Enfin, l'article L. 132-3 du CSI, dans sa rédaction issue de l'article 59 de la loi « engagement et proximité » précitée, précise que le maire est informé par les services de police et de gendarmerie nationales des infractions causant un trouble à l'ordre public commises sur le territoire de sa commune. L'article L. 132-3 prévoit également que le maire est informé, à sa demande 41 ( * ) , par le procureur de la République :

- des suites judiciaires données aux infractions constatées sur le territoire de sa commune par les agents de police municipale ;

- des jugements devenus définitifs ou des appels interjetés lorsque ces décisions concernent des infractions signalées par lui en application de l'article 40 du code de procédure pénale.

Une circulaire du garde des Sceaux en date du 15 décembre 2020 est venue opportunément réaffirmer la nécessité de renforcer les liens entre les procureurs et les élus locaux. Cette circulaire procède d'un constat lucide : « Nombre de territoires sont aujourd'hui marqués par la petite délinquance, qui [...] donne l'impression d'une impunité de leurs auteurs, faute d'une réponse judiciaire immédiatement visible. ». Le ministre déplore aussi « un sentiment de désespérance de nombreux Français face à l'action de la justice, parfois perçue comme inactive, voire impuissante » et, pour y remédier, appelle notamment les procureurs à renforcer les relations institutionnelles avec les élus locaux : « Devront être ainsi réaffirmés le développement et l'approfondissement des relations partenariales avec les collectivités locales ». Vos rapporteurs approuvent les objectifs qui président à cette circulaire et en escomptent un plus grand investissement des magistrats du parquet dans le dialogue institutionnel avec les élus locaux . Ils se réjouissent, à cet égard, du renforcement des moyens humains opéré à l'automne 2020 par la chancellerie. La CNPR a insisté, lors de son audition, sur l'importance de ces recrutements « historiques », en particulier ceux de juristes assistants placés auprès des magistrats.

Enfin, vos rapporteurs se félicitent de l'action engagée par le parquet de Valenciennes, cité en exemple dans la circulaire précitée du 15 décembre 2020 pour avoir « mis en place de façon opportune un groupe de travail ayant abouti à une institutionnalisation des échanges avec les élus ». C'est pourquoi ils ont souhaité entendre le procureur de la République de Valenciennes, M. Jean-Philippe Vicentini, pour en savoir plus sur cette bonne pratique et sur sa possible généralisation.

L'exemple du parquet de Valenciennes

Partant du constat d'une relative méconnaissance par les élus de la procédure judiciaire, et pour fluidifier les relations entre le ministère public et les 82 maires de son ressort, le procureur de Valenciennes, M. Jean-Philippe Vicentini, a initié un dispositif pragmatique fondé sur deux piliers :

- le premier pilier est celui de la formation . Les élus locaux peuvent suivre une matinée de formation, leur permettant de s'approprier les règles de fonctionnement du parquet et d'assister à des audiences de comparution immédiate. Cela permet au maillon judiciaire et aux élus locaux de « parler le même langage ».

- le second pilier est celui de la bonne information réciproque . Une boîte courriel dédiée - directement gérée par le procureur de la République et la vice-procureure - permet de recueillir les difficultés auxquelles sont confrontés les maires. La réactivité est garantie, se traduisant par des rendez-vous avec les élus locaux ou par la mise en place de groupes de travail pour apporter des réponses concrètes aux incidents qui perturbent la vie quotidienne des communes. Les élus locaux sont informés chaque mois - par une lettre d'information intitulée « Dépêche du parquet de Valenciennes » - des « affaires judiciaires marquantes, ayant porté un certain trouble à l'ordre public ».

En aval, a été mis en place un dispositif d'accompagnement individuel des mis en cause ayant une addiction . Ces initiatives, destinées à prévenir la récidive, ont été co-construites avec les deux communautés d'agglomération du ressort du parquet de Valenciennes.

IX. 9ÈME RECOMMANDATION : ÉVALUER LES DISPOSITIFS DE MISE EN COMMUN DE POLICIERS MUNICIPAUX

De nombreuses personnes entendues par vos rapporteurs ont soulevé la question de la mutualisation des agents de la police municipale et leur degré d'adéquation à l'objectif recherché d'ancrage territorial de la sécurité.

A. LES MODALITÉS ACTUELLES DE MISE EN COMMUN DE POLICIERS MUNICIPAUX

Considérant que la commune ne constituait pas toujours le niveau pertinent de coordination et d'articulation entre les forces régaliennes de sécurité et la police municipale, et dans un souci d'allègement des coûts de sécurité, le législateur a prévu deux principales modalités de mutualisation des agents de police municipale, résumées dans le tableau ci-après 42 ( * ) :

Mise en commun d'agents
de police municipale entre les communes formant un ensemble d'un seul tenant de moins
de 80 000 habitants

Recrutement d'agents de police municipale par un EPCI à fiscalité propre, en vue de les mettre
à disposition des communes

Base juridique

Art L. 512-1 du CSI

Art L. 512-2 du CSI

Type de police

Police pluricommunale

Police intercommunale

Cadre juridique

Cadre conventionnel

Cadre communautaire

Initiative

Démarche volontaire des élus 43 ( * )

Régime juridique

Pendant l'exercice de leurs fonctions sur le territoire d'une commune, les policiers municipaux sont placés sous l'autorité du maire de cette commune . Il n'y a donc pas de délégation du pouvoir de police générale des maires

B. UNE NÉCESSAIRE ÉVALUATION DES DISPOSITIFS EXISTANTS

Selon la Cour des comptes, seule une quarantaine de dispositifs de mutualisation existait en 2018.

S'agissant en particulier des polices intercommunales , l'association « Villes de France » a indiqué, lors de son audition, avoir interrogé ses adhérents sur leurs projets de mutualisation de la police municipale, à une échelle intercommunale. Seules 8 % des villes interrogées ont indiqué être engagées dans une telle démarche 44 ( * ) .

Vos rapporteurs ont également constaté lors de leurs auditions que les maires sont réticents à mutualiser cet attribut essentiel de leur autorité, quand bien même cette mise en commun des agents de police municipale préserverait pleinement le pouvoir de police de chaque maire , comme le tableau ci-dessus le rappelle 45 ( * ) .

Si ces inquiétudes sont légitimes, vos rapporteurs estiment que ces dispositifs méritent une évaluation approfondie et une présentation claire et pédagogique auprès des élus pour dissiper tout malentendu. En particulier, l'AMF a justement relevé que le recours à la vidéoprotection pouvait justifier la mise en commun d'agents de police municipale dans le cadre des centres de supervision urbain.

Dans l'attente de cette évaluation indispensable , qu'il appartient aux associations d'élus locaux et à l'IGA de conduire, vos rapporteurs sont favorables à la suppression, proposée par l'Assemblée nationale 46 ( * ), du seuil de 80 000 habitants au-delà duquel des communes formant un seul tenant ne peuvent pas mettre en commun leurs agents de police municipale. Dès lors que la police pluricommunale fonctionne sur la base du volontariat , ce seuil démographique parait en effet inutilement contraignant. La mise en commun deviendrait donc possible pour toutes les communes, y compris celles de plus de 80 000 habitants.

X. 10ÈME RECOMMANDATION : ENCOURAGER LES CITOYENS À DEVENIR DES ACTEURS À PART ENTIÈRE DE LA SÉCURITÉ

A. LA PARTICIPATION CITOYENNE

Comme l'a souligné le rapport d'étape sur l'ancrage territorial, auquel il convient de se référer, les citoyens peuvent avoir une responsabilité dans la production de la sécurité sur le territoire. Sous contrainte sécuritaire et budgétaire, l'État peut évidemment tirer profit de ces contributions dont l'impact pour les finances publiques est neutre, alors que l'effet sur le lien social est bénéfique.

Instaurée pour la première fois en 2006, la démarche dite « participation citoyenne » consiste à sensibiliser les habitants d'une commune ou d'un quartier et à les associer à la protection de leur espace de vie.

Mis en place dans les secteurs touchés par des cambriolages et des incivilités, ce dispositif encourage la population à adopter une attitude solidaire et vigilante ainsi qu'à informer les forces de l'ordre de tout fait particulier. Le ministère de l'Intérieur souligne l'efficacité de ce dispositif : « Certaines communes de la Drôme ont enregistré une baisse de 20 % à 40 % des cambriolages constatés » et, dans l'Essonne comme dans les Alpes-Maritimes, « ce dispositif novateur a conduit localement à une hausse des interpellations en flagrant délit ».

Ces dispositifs contribuent opportunément à faire des citoyens des « acteurs » de leur propre sécurité , sans se substituer à l'action de l'État.

B. LE CAS DE LA RÉSERVE OPÉRATIONNELLE

Deux autres dispositifs peuvent conduire à un engagement louable de la part de nos concitoyens : les réserves de la gendarmerie et de la police nationale. Il s'agit d'assurer des vacations rémunérées, en tenue, en renfort des forces de l'ordre dans l'exercice de leurs missions de sécurisation. Ces réserves comptent 30 000 personnes dans la gendarmerie et 6 000 dans la réserve civile de la police nationale.

La délégation ne peut que se féliciter de l'engagement de femmes et d'hommes au service de notre sécurité, et juge primordial que cet esprit citoyen continue d'inspirer les jeunes générations qui prendront le relais dans les prochaines années.

Parce qu'elle est au coeur des enjeux d'ancrage territorial de la sécurité, la réserve mérite d'être développée, en particulier dans la police . Ainsi, le DGPN a indiqué, lors de son audition devant la commission des Lois le 1 er décembre 2020 : « À la différence de la gendarmerie, qui dispose d'un potentiel de 30 000 gendarmes dans la réserve civile, nous avons simplement 6 000 réservistes dans la police, qui sont souvent d'anciens policiers ou d'anciens adjoints de sécurité, mais peu de personnes issues de la société civile. Or je pense qu'outre leur soutien, ces réservistes pourraient nous apporter davantage d'ouverture à la société civile et renforcer le lien entre la police et la population . De même, alors que les réservistes de la gendarmerie sont armés, ceux de la police ne le sont pas, ce qui est un handicap pour conduire des missions sur le terrain. Il faudrait trouver une solution législative à cet égard ».

L'audition du général d'armée Olivier Kim, commandant de la réserve de la gendarmerie nationale, a convaincu vos rapporteurs des nombreux atouts de la réserve (proximité, efficacité, participation citoyenne...) et de la nécessité pour la police de se rapprocher du modèle de la gendarmerie. Lors de son audition, le DGPN a d'ailleurs lui-même reconnu les marges de progression de la police en la matière : « À la différence de la gendarmerie qui dispose d'un potentiel de 30 000 gendarmes dans la réserve civile, nous avons simplement 6 000 réservistes dans la police, qui sont souvent d'anciens policiers ou d'anciens adjoints de sécurité, mais peu de personnes issues de la société civile . Or je pense qu'outre leur soutien, ces réservistes pourraient nous apporter davantage d'ouverture à la société civile et renforcer le lien entre la police et la population » . En outre, le DGPN a abordé la question de l'armement des réservistes de la police et souhaité un alignement sur la situation de la gendarmerie : « Alors que les réservistes de la gendarmerie sont armés, ceux de la police ne le sont pas, ce qui est un handicap pour conduire des missions sur le terrain. Il faudrait trouver une solution législative à cet égard. ».

Par ailleurs, vos rapporteurs s'interrogent sur l'opportunité de permettre aux réservistes de gendarmerie ou de police de détenir leurs armes à domicile . Certes, comme l'a souligné le général Olivier Kim, une telle évolution permettrait de « gagner des délais d'intervention et assurer une protection rapide et accrue de la population ». Il a ajouté que « les premiers réservistes concernés seraient uniquement d'anciens militaires de la gendarmerie, titulaires d'un contrat d'Engagement à Servir dans la Réserve. Ainsi, ces derniers disposent de solides états de service et sont à jour de leurs obligations de réservistes et de recyclage au tir ».

Toutefois, cet armement ne conduirait-il pas également à mettre en danger les réservistes alors qu'actuellement ils ne sont identifiés comme tels ni par leurs armes ni par leur tenue ? Cette visibilité nouvelle ne les exposerait-elle pas trop ?

CONCLUSION

Le maire est un acteur majeur de la sécurité en France. Son rôle doit être réaffirmé à l'heure où s'ouvre le « Beauvau de la sécurité ».

Ses compétences en la matière sont multiples.

En premier lieu, le maire préside de droit le CLSPD, instance de concertation essentielle pour favoriser le dialogue parmi les différents acteurs de la sécurité. Le rapport souligne l'intérêt pour le maire de créer un coordinateur afin d'animer efficacement ce comité.

En deuxième lieu, le maire est libre de créer une police municipale et d'en définir la doctrine d'emploi dans la limite des compétences que la loi lui accorde. Cet équilibre répond à une logique de souplesse, faisant in fine confiance à « l'intelligence territoriale ». Si une telle force de sécurité est créée, il appartient au maire non seulement d'assurer sa bonne coordination avec les forces régaliennes de sécurité mais également de dispenser une solide formation aux agents de police municipale.

Enfin, le maire se trouve dans une relation partenariale privilégiée avec le procureur de la République, conformément aux dispositions de la loi « engagement et proximité » du 27 décembre 2019. L'action engagée par le parquet de Valenciennes mérite, à cet égard, d'être généralisée.

Pour toutes ces raisons, le maire et, d'une manière générale, les élus locaux, doivent, en permanence et en toutes circonstances, être placés au coeur du « continuum de sécurité ».

C'est seulement en s'appuyant sur leur expertise que pourra être menée une réforme efficace de la sécurité intérieure, permettant de restaurer pleinement la confiance entre la population et les forces de sécurité. La capacité de notre pays à surmonter la crise qu'il traverse en dépend.

EXAMEN EN DÉLÉGATION

Jeudi 28 janvier 2021, la délégation aux collectivités territoriales examine, au cours de sa réunion plénière, le rapport d'information sur l'ancrage territorial de la sécurité intérieure de M. Rémy Pointereau et Mme Corinne Féret.

Mme Françoise Gatel, présidente . - Le sujet de l'ancrage territorial de la sécurité intérieure est extrêmement important, car si la sécurité relève de la compétence régalienne de l'État et qu'elle doit s'exercer sur l'ensemble du territoire, la tranquillité publique relève souvent des pouvoirs de police du maire. Il est donc essentiel que ces deux missions soient bien articulées. Ce sujet est également d'actualité dans le contexte de la préparation du « Beauvau de la Sécurité » organisé par le ministre de l'Intérieur, mais aussi parce que la proposition de loi « Sécurité globale » sera bientôt débattue au Sénat. M. Rémy Pointereau et Mme Corinne Féret, dont nous allons examiner le rapport, ont d'ailleurs travaillé en parfaite intelligence avec les rapporteurs de cette loi, ainsi qu'avec nos collègues qui représenteront le Sénat au « Beauvau de la Sécurité », à savoir MM. Henri Leroy et Jérôme Durain. Je les laisse donc présenter leurs dix recommandations, qui sont très concrètes.

M. Rémy Pointereau . - Comme vous l'avez rappelé, nous avons déjà produit, avec ma collègue Corinne Féret, un rapport d'étape sur l'ancrage territorial de la sécurité intérieure en juillet 2020, étant entendu que nous travaillons sur le dossier depuis presque un an. Ce rapport soulignait les attentes de la population à l'égard des forces de police et de sécurité, à l'heure où la violence se développe et où certains pointent le risque de fragmentation de la société française. Si le traitement médiatique, parfois excessif, crée sans doute un prisme déformant des réalités, il n'en demeure pas moins que les forces de sécurité, qui sont placées au coeur de la République et de la reconquête républicaine, se trouvent confrontées à de multiples défis. Le rapport d'étape montrait que notre pays ne pouvait les relever efficacement qu'avec l'appui des acteurs locaux, dont les élus locaux, comme l'ont illustré la crise des « Gilets jaunes » il y a un an et demi, mais aussi la crise sanitaire que nous vivons aujourd'hui. Les maires doivent rester les pivots de la sécurité dans leur commune, car ils sont les premiers maillons de la chaîne en termes de continuum de la sécurité.

Mme Corinne Féret . - Nous avons été rattrapés par l'actualité depuis la présentation du rapport d'étape en juillet dernier. En effet, le « Livre blanc de la Sécurité intérieure » a été rendu public le 14 novembre dernier. Nous avons aussi suivi avec intérêt les débats, parfois houleux, à l'Assemblée nationale sur la proposition de loi « Sécurité globale », un texte qui arrivera dans quelques semaines au Sénat. Enfin, le ministre de l'Intérieur a annoncé en décembre, juste avant la trêve des confiseurs, le lancement d'une grande concertation nationale consacrée à la police et à la gendarmerie, le « Beauvau de la Sécurité », qui sera inauguré le 1 er février prochain.

Je tiens à saluer l'action de toutes les forces de sécurité, qui exercent leurs fonctions dans des conditions souvent très difficiles. Il y a eu quelques errements, isolés et regrettables, mais qui ne sauraient jeter l'opprobre sur l'ensemble des agents qui assurent notre sécurité au quotidien avec dévouement et professionnalisme.

Le rapport que nous vous présentons ce jour formule dix recommandations, qui organisent un véritable ancrage des forces de sécurité dans les territoires.

M. Rémy Pointereau . - La première de nos recommandations porte sur l'expérimentation des nouvelles compétences judiciaires de la police municipale. Nous l'acceptons, mais avec vigilance, car on sait bien que derrière des compétences supplémentaires il y a des coûts et des sujets de formation. S'il est vrai que les maires sont libres de créer une police municipale et d'en définir la doctrine d'emploi, dans la limite des compétences que la loi leur accorde, cet équilibre répond à une logique de souplesse faisant, in fine , confiance à l'intelligence territoriale.

Nous proposons d'aborder avec vigilance l'extension des compétences judiciaires des polices municipales envisagée, à titre expérimental, par l'article 1 er de la proposition de loi « Sécurité globale ». Un tel élargissement devra préserver le caractère de police de tranquillité et de proximité. En outre, l'extension des compétences des polices municipales peut être perçue par certains élus comme une forme de désengagement de l'État ne s'accompagnant pas d'un transfert des moyens afférents, alors que la sécurité est une mission régalienne qui lui incombe en priorité.

Mme Corinne Féret . - La deuxième recommandation consiste à améliorer la formation des polices municipales. Il s'agit d'enrichir les formations initiale et continue des policiers municipaux tant sur le plan juridique, procédural que déontologique. Alors que les textes et la loi évoluent considérablement, nous considérons que ces agents municipaux doivent être formés en continu. À cette fin, nous proposons, comme cela nous a été suggéré dans le cadre des différentes auditions, d'unifier et d'homogénéiser la formation des polices municipales, en étroite liaison avec le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT).

M. Rémy Pointereau . - Une fois que l'on a formé, il faut aussi contrôler. L'objectif de notre troisième recommandation est donc d'améliorer le contrôle externe de la police municipale. Si les manquements des polices municipales aux règles déontologiques sont assez limités, cela s'explique surtout par la faiblesse de leur pouvoir de contrainte. L'extension du champ d'intervention des polices municipales et la banalisation de leur armement soulève la question de leur contrôle externe par le ministère de l'Intérieur, aujourd'hui insuffisant. À cet égard, le rapport propose de créer une mission permanente au sein de l'Inspection générale de l'administration (IGA), à la condition qu'elle s'adjoigne les compétences d'un collège consultatif composé notamment d'élus locaux disposant d'une compétence et d'une expérience particulières en matière de sécurité. Nous savons que la suppression de l'avis de la commission consultative qui existait auparavant est envisagée à l'article 6 ter de la proposition de loi « Sécurité globale », mais nous pensons que ce contrôle collégial pourrait être une bonne solution.

Mme Corinne Féret . - Notre 4 ème proposition vise à renforcer les liens entre la police municipale et les forces régaliennes de sécurité. Les coopérations fructueuses entre les polices municipales et les forces de sécurité nationale, qui ont été notamment observées pendant la crise sanitaire, sont en effet une voie d'avenir pour la sécurité locale. Le champ des conventions de coordination afférentes a été étendu par la loi « Engagement et proximité » de décembre 2019, pour en faire de véritables instruments de pilotage opérationnel, obligatoires dans les communes à partir de trois policiers municipaux. Nous nous réjouissons que la quasi-totalité des communes concernées aient conclu une telle convention, et nous rappelons aux maires que sa conclusion est également possible, à leur demande, lorsque leur service de police municipale compte moins de trois agents. Nous les invitons à faire un usage actif de cette faculté.

Par ailleurs, alors que les agents de police municipale disposent, depuis le 1 er juillet 2019, d'un accès direct aux fichiers nationaux des permis de conduire et des immatriculations des véhicules, il apparaît que ces accès sont encore trop restreints et que l'on devrait les développer, notamment grâce à des applications mobiles.

M. Rémy Pointereau . - Notre 5 ème recommandation a pour objet l'association des élus locaux à la nouvelle répartition entre la police et la gendarmerie, à laquelle nous souhaitons associer très étroitement les élus locaux. Actuellement, cette répartition a souvent perdu de sa pertinence, étant rappelé que la compétence de la police représente entre 40 et 50 % de la population sur seulement 5 % du territoire. Une répartition en termes de bassin de vie et de délinquance prenant en compte une ère plus large que le cadre communal serait à notre avis bien plus efficace que la seule application d'un critère démographique. Pour mener à bien la réforme du maillage territorial, la réorganisation pourrait être supervisée, sur le plan local, par le préfet en étroite concertation avec les élus locaux. Le « Livre blanc » évoquait la possibilité de rendre obligatoire la mise en place d'une police dans les villes de plus de 30 000 ou 40 000 habitants. Nous préférons une approche pragmatique en raisonnant par bassin de délinquance, tout en conservant le principe selon lequel la police nationale est présente dans tous les chefs-lieux de département.

Mme Corinne Féret . - Notre 6 ème proposition vise à poser la question de la compétence de la gendarmerie dans les zones urbaines sensibles. Les atouts de proximité, de disponibilité et de polyvalence de la gendarmerie semblent décisifs pour répondre aux défis périurbains avec efficacité. Nous considérons que le gouvernement doit, sans tabous, répondre à la question de savoir si la gendarmerie ne devrait pas aussi intervenir dans les zones urbaines qui enregistrent un fort taux de délinquance. Cette interrogation pourrait être soulevée dans le cadre du « Beauvau de la Sécurité ».

M. Rémy Pointereau . - Notre 7 ème recommandation plaide en faveur de la réforme de l'organisation déconcentrée de la police nationale. En effet, l'organisation actuelle de la police nationale est actuellement trop cloisonnée et verticale, ce qui pénalise les contacts avec les élus locaux. Nous invitons le ministère de l'Intérieur à poursuivre la réflexion engagée à travers la création expérimentale d'une direction territoriale unifiée de la police nationale. Parallèlement à ce décloisonnement, le rôle d'interface avec les élus locaux devra être encouragé. Le rapport suggère de confier cette mission en propre à un correspondant désigné par le préfet ou la direction de la police.

Mme Corinne Féret . - La 8 ème recommandation porte sur les « synergies d'information » avec tous les acteurs locaux de sécurité. Le couple maire-préfet répond à une attente forte des élus locaux. La communication systématique aux maires des fichiers S n'apparaît pas opportune. Nous sommes favorables, sous certaines conditions, à la communication aux élus des seuls profils des personnes dont les maires ont la responsabilité. Nous plaidons également pour une bonne communication entre les maires et les agents du renseignement territorial.

Notre rapport rappelle aussi le rôle majeur joué par le conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD), présidé par le maire, instance obligatoire dans les communes de plus de 10 000 habitants. Elle permet de réunir tous les acteurs du continuum de sécurité. Parce que les CLSPD ne sont pas toujours actifs, nous jugeons pertinente la désignation d'un coordonnateur territorial au sein de la mairie, pour chaque CLSPD, sans pour autant le rendre obligatoire.

Enfin, les relations entre les maires et le Parquet sont fondamentales et la conférence nationale des procureurs de la République a salué le principe d'une réunion d'information obligatoire après les élections municipales, permettant ainsi aux élus locaux de rencontrer les magistrats du Parquet, eux-mêmes soucieux de se rendre accessibles et de coopérer avec les maires pour la sécurité du quotidien. Le Garde des Sceaux, dans une circulaire du 15 décembre 2020, a appelé les procureurs à « renforcer les relations institutionnelles avec les élus locaux ». Nous avons auditionné le procureur de Valenciennes, car l'action engagée sur son territoire fait figure de modèle.

M. Rémy Pointereau . - Notre 9 ème recommandation préconise d'évaluer et de faciliter les dispositifs de mise en commun de policiers municipaux. En effet, le législateur a prévu deux principales modalités de mutualisation des agents de police municipale : la police pluricommunale ou intercommunale sans délégation de pouvoir, puisque les policiers municipaux restent placés sous l'autorité du maire d'une commune pendant l'exercice de leur fonction.

En 2018, selon la Cour des comptes, seule une quarantaine de dispositifs de mutualisation existait. Dans l'attente d'une évaluation approfondie, qui paraît indispensable, nous sommes favorables à la suppression du seuil de 80 000 habitants au-delà duquel les communes ne peuvent pas mettre en commun des agents de police municipale, parce que c'est à notre sens inutilement contraignant, par exemple lorsqu'il s'agit de gérer la vidéosurveillance sur l'ensemble d'un territoire dépassant les limites de l'agglomération ou de la métropole.

Mme Corinne Féret . - Enfin, la 10 ème recommandation vise à encourager les citoyens à devenir des acteurs à part entière de la sécurité. Certains dispositifs y contribuent, avec des résultats tout à fait concrets et satisfaisants, à l'image de la démarche dite « Participation citoyenne », qui vise à associer les habitants d'une commune ou d'un quartier à la protection de leur espace de vie.

C'est aussi le cas des réserves de la gendarmerie et de la police nationale. La réserve mérite d'être développée, en particulier dans la police, pour permettre davantage d'ouverture à la société civile et pour renforcer le lien avec la population. Une évaluation législative pourrait par ailleurs être envisagée pour permettre, comme dans la gendarmerie, aux réservistes de la police nationale d'être armés.

Mme Françoise Gatel, présidente . - Je tiens à remercier les deux rapporteurs pour ce travail extrêmement important, qui part des exigences et des besoins, mais aussi de très bonnes pratiques. Il illustre bien le travail de notre délégation, qui consiste à défricher pour proposer. Ce rapport doit trouver les traductions législatives nécessaires..

Il est important - et vous l'avez rappelé - d'avoir à l'esprit, lorsque l'on parle de continuum de sécurité, que la sécurité est une compétence régalienne de l'État, parce qu'il ne peut y avoir de démocratie sans sécurité. La sécurité, c'est aussi et avant tout la protection des plus faibles.

Comme nous en avions débattu avec les rapporteurs du texte « Sécurité globale », le Gouvernement avait envisagé un moment l'obligation de créer une police municipale. Il faut pourtant rappeler que cette décision relève, selon le principe de libre administration des collectivités, du seul pouvoir du conseil municipal.

Nous avons pris en compte, dans la loi « Engagement et proximité », le besoin de sécurité dans l'ordre de la tranquillité et des aspects qui relèvent de la compétence municipale. Pour l'anecdote, je me souviens qu'un maire m'avait parlé d'un bois situé sur le territoire de deux communes. Or, on y trouvait régulièrement des déchets sauvages le lundi matin, mais ceux-ci étaient concentrés sur une partie du bois relevant d'une seule commune, car l'autre disposait d'un garde champêtre ou d'un policier municipal. Les habitants ne comprenaient pas que l'on puisse, à un mètre près, déposer des déchets sans être verbalisé. La loi « Engagement et proximité », dans ce type de cas, a permis la mutualisation d'une police municipale sans que cela occasionne un transfert de la compétence à l'intercommunalité. Cette dernière agit comme un groupement d'employeurs, mais le policier intervient sous l'autorité du maire. Cela fait partie des bonnes pratiques que vous avez évoquées.

M. Henri Leroy . - Je m'associe à vos félicitations sur le travail qui a été fait par Rémy Pointereau et Corinne Féret, car il reflète parfaitement ce que nous avons pu constater sur le terrain lors de la commission d'enquête du Sénat sur l'état des forces de sécurité, dont le rapport a été remis en 2018 au Premier ministre et au ministre de l'Intérieur de l'époque. Il comportait 31 propositions, qui n'étaient pas aussi élaborées et ne portaient pas sur la police municipale. Je m'attacherai, avec Jérôme Durain, à défendre aussi les 10 recommandations qui ont été présentées aujourd'hui lors du « Beauvau de la Sécurité », où nous représenterons le Sénat, car elles rendent parfaitement compte des préoccupations des maires.

Le point du financement est crucial si l'on veut éviter que les municipaux deviennent les supplétifs de la police nationale et de la gendarmerie, car c'est le maire qui finance tout aujourd'hui, depuis le recrutement jusqu'à l'exécution. Le statut devrait permettre, du moins c'est ce que je porterai, d'intégrer cette troisième composante dans les forces de sécurité.

M. Loïc Hervé . - À mon tour, je félicite Mme Corinne Féret et M. Rémy Pointereau pour leurs propositions, dont nous aurons l'occasion de débattre lors de l'examen du texte « Sécurité globale » dont je suis co-rapporteur, avec Marc-Philippe Daubresse pour la commission des Lois, et qui comporte un vrai chapitre sur la police municipale.

J'ai rencontré la semaine dernière les syndicats de police municipale et je peux témoigner qu'ils sont très attachés - cela m'a surpris - à la notion d'unicité de la police municipale. Ils souhaitent que celle-ci soit reconnue et constitue une forme de corps, plutôt que les polices municipales bénéficient d'un cadre d'emploi de la fonction publique territoriale à la disposition du maire. Il y a là un vrai sujet.

J'aurais aimé que vous développiez votre idée d'école nationale de la police municipale : quel rôle entendez-vous laisser au Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) qui est aujourd'hui l'institution en charge de la formation des policiers municipaux ?

Mme Sylvie Robert . - J'adresse également mes félicitations à nos collègues pour ce rapport. S'agissant de votre 6 ème recommandation, qui m'intéresse particulièrement, la gendarmerie devrait-elle intervenir dans les zones urbaines sensibles selon un principe de subsidiarité ou dans le cadre d'une collaboration avec la police nationale et la police municipale ?

Mme Françoise Gatel, présidente . - Cette proposition peut en effet générer une inquiétude dans les territoires couverts par les zones de gendarmerie, car on craint que celles-ci vident les campagnes pour les zones urbaines.

Mme Patricia Schillinger . - Je félicite aussi les rapporteurs. Nous disposons en Alsace d'une police complémentaire à la police municipale, « la Brigade Verte », qui accompagne les petites communes. Il serait intéressant d'auditionner ses représentants.

M. Rémy Pointereau . - Nous vous remercions pour ces propos élogieux sur notre rapport, dont je souhaite que les propositions soient défendues lors du « Beauvau de la sécurité ». Je vous confirme que les maires ne sont pas les supplétifs de la police et de la gendarmerie. Je ne refuse pas la notion d'unicité de la police municipale, pourvu qu'elle ne rentre pas en concurrence avec celle de l'unicité de la police nationale au risque que l'on ne sache plus qui fait quoi et que cela débouche sur des surenchères syndicales.

Une école nationale de la police municipale est voulue par plusieurs associations d'élus, dont France Urbaine, mais aussi par des syndicats de la police municipale ; elle a également été recommandée par un rapport des députés Fauvergue et Thourot. Son financement et sa gestion resteraient assurés par le CNFPT. Le ministère de l'Intérieur serait chargé de l'élaboration des différents modules de formation. À l'heure où la police nationale a allongé de trois à six mois la période de formation initiale des policiers, il faut aussi que nous formions mieux les policiers municipaux. Le CNFPT remet en cause l'idée d'une école nationale de la police municipale, mais je pense que nous devons le convaincre de sa pertinence. Il doit travailler en lien avec le ministère de l'Intérieur et les élus locaux. Cette école pourrait être déclinée au niveau des régions.

Mme Corinne Féret . - L'idée de faire intervenir la gendarmerie dans les zones urbaines sensibles émane des auditions que nous avons menées, notamment auprès des directions de la police nationale et de la gendarmerie nationale. Il s'agit de profiter de ses atouts de proximité, de disponibilité et de polyvalence, en plus d'une expérience de lutte contre la petite délinquance, qui évolue aussi en zone périurbaine, voire en zone rurale. Cette recommandation implique une redéfinition des zones d'action des forces de sécurité, en concertation avec les élus, basée sur l'existence de bassins de délinquance plutôt que sur la dichotomie zones urbaines-zones rurales. Cette 6 ème recommandation vise à mobiliser les compétences de chaque force de sécurité pour répondre aux attentes très fortes de nos concitoyens en termes de lutte contre les incivilités et les problèmes de sécurité au quotidien.

Je tiens à saluer la coordination interne qui existe au Sénat, car elle est garante de la pertinence et de la prospérité de nos travaux.

Mme Françoise Gatel, présidente . - La réflexion actuelle sur la répartition géographique de la gendarmerie et de la police nationale se justifie par le fait que la délinquance ne s'organise pas en fonction des périmètres administratifs, mais plutôt en fonction des bassins de mobilité, c'est-à-dire des autoroutes et des lignes à grande vitesse. L'idée d'une intervention de la gendarmerie nationale dans les zones sensibles me semble intéressante, car elle met en évidence la formation militaire des gendarmes alors que s'y multiplient des formes de violences proches de la guérilla. Il reste que la concertation des élus locaux est nécessaire, pour éviter que l'on procède à une redistribution des zones d'intervention comme on procéderait à une redistribution des trésoreries.

Je tiens par ailleurs à souligner l'exemplarité de la gendarmerie comme service de l'État dans sa relation avec les élus locaux. Les gendarmes se considèrent aujourd'hui comme les partenaires des élus locaux et les informent au plus tôt des actes de délinquance.

Mme Michelle Gréaume . - Je ne pense pas qu'une police municipale nationale serait une bonne idée, non seulement parce que la police nationale et la police municipale relèvent de deux ministères différents, mais aussi parce que le pouvoir régalien doit être exercé par l'État. Le fait que les policiers municipaux militent pour la création de passerelles vers la police nationale doit nous inciter à la prudence avant d'ouvrir la brèche.

Je suis en revanche tout à fait favorable à la création d'une école de la police nationale, et je pense qu'il faudrait y intégrer la formation des « Voisins vigilants ».

J'attire votre attention sur le fait que la détention d'armes par les policiers municipaux impose un quota d'heures d'entraînement au tir, alors même que le manque de stands de tir contraint la police nationale à se tourner vers les communes pour utiliser les leurs, bien qu'ils soient souvent déjà saturés.

M. Guy Benarroche . - Ajouter des compétences territoriales à la gendarmerie ne risque-t-il pas de lui faire perdre sa compétence de proximité, puisqu'elle interviendrait dans des zones qu'elle connaît moins bien ? Comment allez-vous définir les bassins de délinquance ? À mon sens, il ne faut pas associer uniquement les élus locaux à la réflexion sur les compétences territoriales.

Mme Catherine Di Folco . - Je suis assez réservée sur le fait d'ouvrir l'école de la police municipale au dispositif des « Voisins vigilants », car ceux-ci ont vocation à être en veille et à relayer des informations et non à intervenir sur les situations.

Alors que le « Livre blanc de la Sécurité intérieure » faisait référence à un seuil de population pour répartir les zones d'intervention des forces de sécurité, cette approche quantitative ne reflète pas la réalité de la délinquance au quotidien. Elle ne met pas à profit les compétences respectives de chaque force, qui doivent être valorisées sans être mises en concurrence.

M. Rémy Pointereau . - Les compétences des « Brigades Vertes » évoquées par Patricia Schillinger peuvent être associées à celles des polices municipales, car le contrôle des dépôts d'ordures fait partie du travail des policiers municipaux..

S'agissant du financement d'une éventuelle école de la police municipale nationale, nous pourrions regrouper les crédits de formation des policiers de nos communes avec ceux du CNFPT.

Il existe des centres de tir dans tous les départements et ils peuvent être utilisés par les policiers municipaux.

Le risque de perte de proximité par la gendarmerie est limité du fait de l'importance de ses effectifs au regard de ceux de la police nationale. On peut compter sur le fait que les colonels de gendarmerie et les directeurs de la police nationale sauront se mettre d'accord sur une répartition des rôles.

Il faut aussi aborder le sujet des relations avec les procureurs, car il est très important pour les maires. C'est pourquoi nous avons auditionné des procureurs, dont le procureur de Valenciennes, qui a mené un travail considérable de concertation avec les élus, par exemple en leur mettant à disposition une boîte mail leur permettant de recueillir les difficultés auxquelles ils sont confrontés. Il est important que nous organisions des réunions régulières entre le procureur, le préfet et le président de l'association des maires, afin notamment d'élucider pourquoi il n'a pas été donné suite à certaines plaintes.

Pour la suite, nous allons travailler avec nos collègues Loïc Hervé et Marc-Philippe Daubresse, ainsi qu'avec Henri Leroy. Nous allons remettre notre rapport officiellement au ministre de l'Intérieur, puis au président de l'Association des Maires de France, François Baroin. Je souhaite aussi que nous puissions faire avancer nos propositions dans la proposition de loi « Sécurité globale », sous forme d'amendements ou de questions posées au ministre de l'Intérieur.

Mme Corinne Féret . - Beaucoup de nos recommandations relevant du législatif, du réglementaire, ou simplement de bonnes pratiques, elles pourront facilement être mises en oeuvre.

Mme Catherine Di Folco . - Dans la mesure où les policiers municipaux appartiennent à la fonction publique territoriale, ils relèvent évidemment du CNFPT pour leur formation. À mon sens, avant de créer une école de la police municipale nationale, il faudrait renforcer les moyens du CNFPT, auquel les collectivités cotisent à hauteur de 0,9 % de leur masse salariale. Mise à part la proposition n°2, j'approuve l'ensemble du rapport.

Mme Françoise Gatel, présidente . - Je partage le souci de Rémy Pointereau du lien entre le procureur et les maires. C'est pourquoi nous avons créé dans la loi « Engagement et Proximité » une disposition qui obligeait la Garde des Sceaux d'alors, Nicole Belloubet, à prescrire aux procureurs la mise en place sur leur territoire d'un dispositif d'information et de relais auprès des maires. J'ai rappelé à son successeur que nous étions toujours dans l'attente d'une circulaire d'application à ce sujet, laquelle a depuis été publiée.

Une autre disposition de la loi « Engagement et Proximité » fait obligation aux procureurs d'informer le maire des suites d'une affaire sur laquelle celui-ci l'a saisi. Il faut que nous nous assurions que cette pratique a bien été diffusée dans nos départements, jusqu'au « dernier kilomètre ».

Merci encore, Corinne Féret et Rémy Pointereau, de vous être emparés du sujet de la police municipale, car il est lié à la confiance de nos concitoyens dans les forces de sécurité. Il est donc essentiel pour la cohésion sociale. Je remercie également Henri Leroy de s'être associé à leurs travaux - car il faut que le sujet prospère hors les murs de notre institution - ainsi que nos collègues Loïc Hervé et Marc-Philippe Daubresse. Je salue enfin l'administrateur qui a ardemment travaillé aux côtés des rapporteurs.

La délégation aux Collectivités territoriales approuve à l'unanimité le rapport d'information sur l'ancrage territorial de la sécurité intérieure .

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Auditions plénières

Jeudi 14 novembre 2019

M. Éric Morvan, Préfet, Directeur général, ministère de l'Intérieur, Direction générale de la police nationale

Jeudi 28 novembre 2019

M. Christian Rodriguez, Général d'armée, Directeur général, ministère de l'Intérieur, Direction générale de la gendarmerie nationale

Jeudi 30 janvier 2020

M. Frédéric Rose, préfet, Secrétaire général du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation

Jeudi 4 juin 2020

M. Christophe Castaner, ministre de l'Intérieur

Jeudi 3 décembre 2020

M. Frédéric Veaux, Directeur général de la Police nationale, ministère de l'Intérieur

Auditions des rapporteurs

Jeudi 27 février 2020

M. Vincent Barbey, Sous-directeur de la sécurité publique et de la sécurité intérieure, Direction générale de la gendarmerie nationale, ministère de l'Intérieur

M. Stéphane Privat, Chef de bureau opérations emploi au bureau de la sécurité publique

M. Rénald Boismoreau, commandant le groupement de gendarmerie de l'Yonne

M. Vincent Moulin, commandant la compagnie de Strasbourg

M. Olivier Reynaud, commandant la compagnie de Rambouillet

M. Tugdual Vieillard-Baron, commandant le groupement de gendarmerie de l'Oise

Mercredi 9 décembre 2020

M. Olivier Kim, Général de division, Commandant des réserves de la Gendarmerie nationale

Jeudi 10 décembre 2020

• Association des maires de France :

Mme Nathalie Koenders, co-Présidente de la commission « Prévention de la délinquance et Sécurité »

• Association des Maires Ruraux de France :

M. Jean-Paul Carteret, deuxième vice-Président

• Association des Petites Villes de France :

M. Igor Semo, vice-Président

M. Hervé Cherubini, membre du bureau

• France Urbaine :

M. Gaël Perdriau, co-Président de la commission sécurité

M. David Marti, co-Président de la commission sécurité

• Villes de France

M. Jean-François Debat, Président délégué

Jeudi 14 janvier 2021

M. Joseph Carles, maire de Blagnac, vice-Président de Toulouse Métropole

• Conférence nationale des procureurs de la République :

M. Jean-Baptiste Bladier, procureur de la République près le tribunal judiciaire de Senlis

Mme Florence Galtier, procureure de la République près le tribunal judiciaire de Carcassonne

M. Damien Savarzeix, procureur de la République près le tribunal judiciaire de Chalon-sur-Saône

Jeudi 21 janvier 2021

• Ministère de la Justice :

M. Jean-Philippe Vicentini, procureur de la République près le Tribunal judiciaire de Valenciennes


* 1 Il serait également possible d'aborder cette question dans le cadre de la proposition de loi « Sécurité globale », par exemple dans le cadre d'un amendement demandant au Gouvernement la remise d'un rapport au Parlement relatif à la création d'une École nationale de la police municipale.

* 2 L'article 6 ter de la proposition de loi « sécurité globale » propose de supprimer l'avis de la Commission consultative des polices municipales qui, sous sa forme actuelle, ne se réunit que trop rarement.

* 3 Voir pages 77 et 79 du rapport d'information n° 621 (2019-2020) déposé le 9 juillet 2020, sur l'ancrage territorial de la sécurité intérieure de Mme Corinne Féret et M. Rémy Pointereau, fait au nom de la délégation aux Collectivités territoriales : http://www.senat.fr/notice-rapport/2019/r19-621-notice.html.

* 4 Voir en annexe la liste des personnes entendues par vos rapporteurs.

* 5 Rapport thématique - octobre 2020.

* 6 Les agents de police municipale peuvent ainsi verbaliser la grande majorité des contraventions prévues par le code de la route. De même, ils peuvent constater par procès-verbal (PV) certaines infractions à la police des transports publics ferroviaires. En outre, ils peuvent dresser de nombreuses contraventions prévues par le code pénal ne nécessitant pas d'actes d'enquête et ne réprimant pas des atteintes à l'intégrité des personnes. Cela concerne notamment les bruits ou tapages injurieux ou nocturnes.

* 7 Proposition de loi n° 3 452 relative à la sécurité globale, déposée par les membres des groupes La République En Marche et apparentés et Agir ensemble.

* 8 Les policiers municipaux pourraient ainsi constater de nouvelles infractions et élargir leur domaine d'intervention sur la voie publique. Ainsi, les communes qui disposent de plus de 20 agents (dont le directeur ou le chef de service a été dûment habilité par le procureur général) pourraient élargir leurs missions à des compétences de police judiciaire. Ils pourraient constater et verbaliser les infractions qui ne nécessitent pas d'investigations (la conduite sans permis, la vente à la sauvette, l'occupation de la voie publique, la vente de stupéfiants...).

* 9 S'il n'appartient pas à votre Délégation de se prononcer sur le dispositif proposé par l'article 24 de la proposition de loi « sécurité globale », elle relève que les polices municipales doivent être protégées au même titre que les autres forces de sécurité. En effet, les policiers municipaux sont souvent exposés aux mêmes risques, comme l'illustre l'attentat commis sur la policière municipale Clarissa Jean-Philippe, morte sous les balles du terroriste Amédy Coulibaly à Montrouge, en 2015. C'est pourquoi vos rapporteurs notent avec satisfaction que, sur proposition du Gouvernement, les députés ont étendu aux policiers municipaux le champ d'application de l'article 24 ( http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/amendements/3527/AN/1363 ) .

* 10 Trois expérimentations ont été généralisées avant leur évaluation : l'expérimentation du RSA, initiée par la loi dite « Tepa » du 21 août 2007, avant généralisation le 1 er juin 2009 ; la tarification sociale de l'eau, lancée par la loi dite « Brottes » du 15 avril 2013, généralisée par la loi dite « engagement et proximité » du 27 décembre 2019 et l'accès à l'apprentissage jusqu'à trente ans , expérimenté à la suite de la « loi Travail » du 8 août 2016 , avant d'être généralisé par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Une 4 ème expérimentation a été abandonnée (nouvelles modalités de répartition de la taxe d'apprentissage des fonds non affectés par les entreprises, expérimentées par deux régions à la suite de la « loi Travail » du 8 août 2016, abandonnées à la suite de la réforme de la taxe d'apprentissage portée par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel) .

* 11 Le dispositif, inséré à l'article 72 de la Constitution, serait ainsi rédigé : « Sauf lorsque sont en cause les conditions essentielles d'une liberté publique ou d'un droit constitutionnellement garanti, la loi peut prévoir que des communes, départements et régions exercent des compétences, en nombre limité, dont ne disposent pas l'ensemble des collectivités relevant de la même catégorie. »

* 12 En vertu de l'article 21 du code de procédure pénale.

* 13 Cette disposition est issue de la loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003.

* 14 Marc-Philippe Daubresse est, avec M. Loïc Hervé, co-rapporteur de la proposition de loi « sécurité globale » pour le compte de la commission des Lois.

* 15 Vos rapporteurs relèvent, à cet égard, que lors de leur audition le 1 er décembre 2020, tant le DGGN que le DGPN ont indiqué que les forces étatiques étaient disposées à contribuer, peu ou prou, à la formation de la police municipale.

* 16 Commission d'enquête créée à l'Assemblée nationale sur la situation, les missions et les moyens des forces de sécurité, juillet.2019, p. 111 :

http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/opendata/RAPPANR5L15B2111.html

* 17 Soit une centaine de dossiers par an.

* 18 Les chiffres de l'année 2020 ne sont pas encore connus.

* 19 L'article 6 ter de la proposition de loi « sécurité globale » propose de supprimer l'avis de la CCPM (art 513-1 du CSI).

* 20 Sur le modèle des collèges placés auprès du Défenseur des droits. Ces groupes de réflexion, composés de personnalités qualifiées dans leur domaine, aident le Défenseur des droits à prendre des décisions pertinentes en lui apportant un regard pluridisciplinaire.

* 21 Lors de son audition devant votre Délégation, le 3 décembre 2020, le DGPN a indiqué qu'en application de la nouvelle loi, la quasi-totalité des communes employant trois ou quatre policiers municipaux ont d'ores et déjà conclu une convention de coordination. En revanche, environ 80 communes comptant moins de trois policiers municipaux se trouvent sans convention. En la matière, le ministère de l'Intérieur indique « Les services de police et les préfets opèrent une analyse au cas par cas pour s'assurer de la pertinence locale d'une telle convention. Il n'y a pas d'instruction générale en la matière. ».

* 22 Deux difficultés se posent :

- l'accès trop restreint aux fichiers SIV et SNPC. En effet, les policiers municipaux n'ont pas accès à l'ensemble des données contenues dans ces fichiers. Ainsi, ils ne peuvent pas consulter l'historique des propriétaires d'un véhicule dans le SIV, ni connaître l'historique des infractions commises par un conducteur dans le SNPC.

- l'absence d'application mobile : un policier municipal ne peut aujourd'hui consulter les fichiers qu'à partir d'un poste fixe. Ainsi, une patrouille qui contrôle un individu sur le terrain est obligée d'appeler un agent resté dans les locaux de la police municipale, ou de repasser dans ses locaux, afin de pouvoir consulter le SNPC ou le SIV depuis un ordinateur fixe.

* 23 Rapport public thématique « Les polices municipales », octobre 2020.

* 24 Réponses au questionnaire qui lui a été adressé. Le Livre blanc sur la sécurité intérieure pose le même constat selon lequel la distinction théorique entre les territoires s'est amoindrie : « Des métropoles qui s'affirment tout en s'inscrivant dans des systèmes urbains bien plus larges, où villes-centres et périphéries sont interdépendantes ».

* 25 Vos rapporteurs se réjouissent que cette préoccupation semble partagée par de nombreux sénateurs. Ainsi, notre collègue Henri Leroy a interrogé le DGGN le 1 er décembre 2020 : « L'expérience d'un redéploiement a été tentée en 2012, ce qui avait soulevé un tollé et une dissension entre la police nationale et la gendarmerie. Pensez-vous que ce chapitre "redéploiement" pourrait soulever les mêmes réactions qu'en 2012, ou la méthode est-elle aujourd'hui fondée sur une plus large consultation des maires concernés ? »

* 26 Rapport d'information n° 62 (1997-1998) du 29 octobre 1997, « Les banlieues : un nouveau défi pour la gendarmerie » de M. Michel Alloncle, fait au nom de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées : https://www.senat.fr/notice-rapport/1997/r97-062-notice.html

* 27 Les trois principales forces de la police, à savoir la sécurité publique, la police judiciaire et la police aux frontières, apparaissent aujourd'hui trop cloisonnées. Voir par exemple le rapport n° 612 (2017-2018) du 27 juin 2018, « Vaincre le malaise des forces de sécurité intérieure : une exigence républicaine », de M. François Grosdidier, fait au nom de la commission d'enquête sénatoriale sur l'état des forces de sécurité intérieure : http://www.senat.fr/notice-rapport/2017/r17-612-1-notice.html .

* 28 La circulaire prévoit en fait la désignation, au sein des services de l'État, d'interlocuteurs de proximité.

* 29 Rapport d'information n° 483 (2016-2017) déposé le 29 mars 2017, « Les collectivités territoriales et la prévention de la radicalisation » de MM. Jean-Marie Bockel et Luc Carvounas, fait au nom de la délégation aux Collectivités territoriales : http://www.senat.fr/notice-rapport/2016/r16-483-notice.html.

* 30 Rapport d'information n° 219 (2018-2019) déposé le 19 décembre 2018, sur l'amélioration de l'efficacité des fiches S, de M. François Pillet, fait au nom de la commission des Lois : http://www.senat.fr/rap/r18-219/r18-219_mono.html.

* 31 En région parisienne, c'est la Direction du renseignement de la préfecture de police qui est compétente.

* 32 Décret n° 2015-923 du 27 juillet 2015.

* 33 Le SCRT, qui relève du service de renseignement de la Direction centrale de la sécurité publique (DCSP), elle-même placée sous l'autorité de la Direction générale de la police nationale (DGPN). La DGSI constitue une direction générale distincte de cette dernière. Il appartient donc au ministère de l'Intérieur de veiller à une bonne articulation entre les deux directions générales, toutes deux compétentes en matière de renseignement.

* 34 Sur ce point, vos rapporteurs se réjouissent des engagements pris par le DGPN lors de son audition : « Nous allons développer une culture de la communication à destination des élus locaux ».

* 35 À l'initiative du député Rémy Rebeyrotte, l'Assemblée nationale a introduit un article 30 bis visant à rendre obligatoire la présence d'un coordinateur territorial : « Dans les communes de plus de 10 000 habitants, un agent public territorial est chargé du suivi, de l'animation et de la coordination des travaux du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance. »

* 36 On peut déduire de la jurisprudence du Conseil constitutionnel (Cons. const. 25 avril 2014, Province Sud de Nouvelle-Calédonie, n° 2014-392 QPC § 13) et du Conseil d'État (17 juillet 2013, n° 368943 QPC) que le principe de libre administration des collectivités territoriales emporte l'obligation, pour le législateur, de respecter leurs prérogatives en matière de création ou de suppression d'emploi comme en matière de gestion des personnels. Une limitation à la liberté de gestion de leur personnel par les collectivités territoriales pourrait être justifiée si elle répond à un objectif d'intérêt général. En l'espèce, l'obligation prévue par le texte voté par l'Assemblée nationale paraît disproportionnée à vos rapporteurs.

* 37 Généralement, le coordonnateur est un agent public territorial qui exerce cette fonction en plus de ses missions existantes. Cette mission peut aussi être confiée à un adjoint au maire. En tout état de cause, il n'apparaît pas nécessaire de créer un poste supplémentaire mais plutôt de spécialiser une personne au sein de la mairie afin de « flécher » cette compétence de coordination.

* 38 994 communes comptent plus de 10 000 habitants et sont donc concernées par l'obligation actuelle de création d'un CLSPD (en dehors des communes membres d'un EPCI ayant créé un CISPD ). L'abaissement du seuil à 5 000 habitants conduirait à rendre obligatoire la création de ce comité pour 1 173 communes supplémentaires.

* 39 Le Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) a pour objectif de généraliser la diffusion au niveau départemental et communal des indicateurs de la délinquance qu'il construit au niveau national (selon un périmètre élargi progressivement). Cela suppose de réaliser un travail préalable de fiabilisation de ces données. En effet, les variables géographiques ne sont pas toujours renseignées dans un détail suffisant dans les procédures, ce qui implique un travail de redressement ou d'imputation des données. La production de données peut également représenter un chantier de grande ampleur dès lors qu'il s'agit de produire des données à un niveau plus fin encore que la commune. Cela suppose d'avoir une géolocalisation précise des infractions (victimes/mis en cause) : un tel chantier a été mené en partenariat avec l'Insee depuis 2018.

* 40 http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20200127/dct_bulletin-2020_01_30.html

* 41 En pratique, les procureurs sont très peu saisis par les maires sur le fondement de cet article.

* 42 L'article L. 512-3 du CSI prévoit une troisième modalité, plus rarement utilisée : « Lors d'une manifestation exceptionnelle, notamment à caractère culturel, récréatif ou sportif, à l'occasion d'un afflux important de population ou en cas de catastrophe naturelle, les maires de communes limitrophes ou appartenant à une même agglomération peuvent être autorisés à utiliser en commun, sur le territoire d'une ou plusieurs communes, pour un délai déterminé, tout ou partie des moyens et des effectifs de leurs services de police municipale. Cette faculté s'exerce exclusivement en matière de police administrative. »

* 43 Dans le cadre de la police pluricommunale, l'accord exprès de chaque commune participante est requis. Tel n'est pas le cas de la police intercommunale : en effet, la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique a assoupli les conditions de mutualisation des agents de police municipale (article 61) au niveau intercommunal. Ainsi, la décision de recruter des agents de police municipale est prise par délibérations concordantes de l'organe délibérant de l'EPCI à fiscalité propre et de deux tiers au moins des conseils municipaux des communes représentant plus de la moitié de la population totale de celles-ci ou de la moitié au moins des conseils municipaux des communes représentant les deux tiers de la population totale de celles-ci. Cette condition de majorité qualifiée pour le recrutement des policiers municipaux par l'EPCI s'explique par la volonté de concilier le transfert de la gestion des agents de police municipale avec le respect de l'intérêt des différentes communes membres du groupement, d'autant que certaines d'entre elles peuvent être dépourvues de police municipale.

* 44 L'association « Villes de France » regroupe les villes et intercommunalités de taille infra-métropolitaine (villes moyennes).

* 45 Pour être précis, les policiers municipaux recrutés au niveau intercommunal peuvent exercer deux types de missions de police administrative : d'une part, des missions « classiques » identiques à celles des agents recrutés par les communes ; dans cette hypothèse, les agents de police municipale sont placés sous l'autorité fonctionnelle du maire de la commune dans laquelle ils exercent ces missions ; d'autre part, l'exécution de décisions prises par le président de l'EPCI dans le cadre de ses pouvoirs de police spéciale (telles que la police de l'environnement ou des transports). Dans cette hypothèse, les agents de police municipale sont placés sous l'autorité fonctionnelle de ce dernier.

* 46 Article 5 de la proposition de loi « sécurité globale » modifiant l'article L. 512-1 du CSI.

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