II. COMPTE RENDU DE LA RÉUNION DU 25 MARS 2021 PRÉSENTANT LES CONCLUSIONS DE L'AUDITION PUBLIQUE DU 18 FÉVRIER 2021

M. Cédric Villani, député, président de l'Office . - Nous allons à présent examiner le rapport élaboré par Philippe Bolo, qui présente les conclusions de l'audition publique sur l'impact des champs électromagnétiques sur la santé des animaux d'élevage.

M. Philippe Bolo, député, rapporteur . - L'audition publique sur l'impact des champs électromagnétiques sur la santé des animaux d'élevage a eu lieu le 18 février. Avant celle-ci, j'ai procédé à douze entretiens préparatoires avec différentes parties prenantes. L'audition publique s'est tenue sous forme de deux tables rondes : la première, qui a réuni dix participants, s'est penchée sur les constats liés aux effets des ondes électromagnétiques sur les animaux d'élevage, la seconde, à laquelle sept personnes ont participé, a porté sur la prise en compte des difficultés rencontrées.

Peut-être avez-vous entendu dire que les agriculteurs n'étaient pas suffisamment représentés dans le cadre de ces tables rondes et que l'ANAST (Association nationale Animaux sous tension) n'était pas représentative de l'ensemble de la profession et des cas concernés. Je pense qu'il ne faut pas envisager les choses ainsi. Il se trouve que l'ANAST est la seule association représentative des agriculteurs en difficulté sur ce sujet : il fallait donc qu'elle soit présente. Par ailleurs, de nombreux cas d'agriculteurs, faisant ou non partie de l'ANAST, ont été évoqués par les différents intervenants. Au total, près d'une dizaine de situations ont été abordées lors de nos échanges.

Pourquoi avoir organisé ces tables rondes ? Nous sommes face à un sujet mal connu, rarement évoqué par la représentation nationale, et face à des situations dramatiques, parfois sans solution. Un rapport rédigé au nom de l'OPECST par le sénateur Daniel Raoul en 2010 avait évoqué la question. De manière individuelle, hors cadre constitué, certains députés s'y intéressent également ; je pense notamment à Yves Daniel, en Loire-Atlantique.

Afin d'avoir une vision comparative de la situation dans différents pays, j'ai réalisé une enquête auprès des membres de l'EPTA (European Parliamentary Technology Assessment), structure qui fédère les offices semblables au nôtre dans 23 pays. Si l'on enlève l'OPECST, les deux représentations européennes et l'office du Mexique que nous n'avons pas réussi à contacter, ce sont 19 offices qui ont été sollicités pour répondre à trois questions. Douze ont répondu et il apparait que personne ne travaille sur ce sujet, à l'exception de la Suisse où certains députés, en dehors des activités de leur office parlementaire, ont déjà abordé la question de l'impact des antennes de téléphonie et des lignes électriques. Tous nos autres correspondants ont indiqué n'avoir rien fait. Nous sommes donc en avance, ce qui méritait d'être signalé.

Une note de synthèse vous a été transmise avant-hier, qui insiste sur la complexité du sujet. Lors de la table ronde, un physicien spécialiste des champs électromagnétiques en a exposé les grands principes, ce qui a permis de lancer les échanges sur une base sémantique et de connaissances partagée. Il a expliqué qu'il existait des champs électromagnétiques de différentes fréquences, ne produisant pas les mêmes effets, directs et indirects. La téléphonie se situe par exemple dans les hautes fréquences, avec des impacts thermiques. Les lignes haute tension sont au contraire sur de la basse fréquence, avec un phénomène d'induction de courant électrique dans les équipements métalliques.

Le deuxième niveau de complexité, qui s'ajoute à la difficulté du phénomène physique, tient au fait que les symptômes observés aujourd'hui sur les animaux d'élevage ne sont pas forcément révélateurs de troubles liés aux ondes électromagnétiques mais peuvent éventuellement être imputés à d'autres causes.

Il existe néanmoins des observations de terrain laissant penser qu'il se passe quelque chose et qu'il faut vraiment examiner le sujet. Le vétérinaire présent a clairement indiqué que les difficultés d'abreuvement ou les comportements particuliers rencontrés chez les bovins, qui évitent de fréquenter tout ou partie de certains espaces d'une exploitation agricole, pouvaient résulter de perturbations électromagnétiques, parfois directes, mais le plus souvent indirectes, liées aux basses fréquences et à la génération de courants induits.

Les observations de terrain montrent par ailleurs que ces phénomènes apparaissent souvent de façon concomitante à l'installation d'infrastructures de réseau électrique, de production d'énergies renouvelables ou de communication de type 4G ou 5G. Ceci a été mis en évidence lors de la table ronde par M. Crouillebois, qui a expliqué que le déplacement de la ligne enterrée près de son exploitation a coïncidé avec la fin des difficultés rencontrées par son troupeau. L'exemple du parc éolien des Quatre-Seigneurs interroge plus encore, car les problèmes sont apparus avant même que les éoliennes soient raccordées au réseau électrique, ce qui suscite de nombreuses questions. Il faut savoir par ailleurs que des problèmes similaires apparaissent également en l'absence d'infrastructures de ce type.

La sensibilité des animaux, très différente de la nôtre, est probablement en cause. Les normes utilisées pour la construction des bâtiments d'élevage sont des normes élaborées pour les humains, visant à éviter l'électrocution. Or les animaux ont une sensibilité très différente, d'une part car ils reposent sur le sol avec quatre pattes, d'autre part parce que leurs pattes ne sont pas isolées du sol et se trouvent parfois dans des milieux humides. Ainsi, dès que des courants induits y circulent, des difficultés apparaissent.

Il existe enfin de réelles inconnues sur les phénomènes qui interviennent dans les sols et sur l'influence de la géologie. Étant ingénieur agronome en génie rural, je puis témoigner du fait que je n'ai jamais entendu parler de ces sujets de circulation d'électricité dans le sol, ce qui montre que le domaine n'est pas vraiment documenté.

Ceci nous conduit au constat d'un besoin de recherche sur les effets des ondes électromagnétiques sur les animaux d'élevage, la mesure de la sensibilité des animaux et la circulation des courants dans le sol et le sous-sol. En préparant la table ronde, notre premier réflexe a été d'aller rechercher des informations auprès de l'INRAe (Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement) : or il n'existe aucun chercheur y travaillant sur ces questions.

Cette absence d'études est-elle due à un manque de financement ou bien au fait que cette thématique n'intéresse pas les chercheurs ? J'avoue ne pas savoir comment appréhender cette boucle.

La seconde table ronde concernait la gestion des situations difficiles rencontrées par les éleveurs. Elle a notamment permis d'évoquer le GPSE (Groupement permanent de sécurité électrique), structure mise en place par le ministère de l'agriculture en 1999, qui a pris la forme d'un groupe de travail jusqu'en 2014, puis d'une association depuis 2014, avec la présence en son sein des grands gestionnaires des infrastructures (RTE, Enedis, etc.), ce qui n'est pas sans poser problème, j'y reviendrai. Depuis sa création, 72 demandes ont été soumises au GPSE par l'intermédiaire des chambres d'agriculture, qui se sont traduites par 49 interventions, avec 35 cas résolus, 18 cas ayant fait l'objet de diagnostics approfondis (vous verrez dans la note qu'il existe deux façons pour le GPSE d'appréhender les sujets, à savoir la réalisation de diagnostics simples ou de diagnostics approfondis) et 5 cas restant aujourd'hui sans solution. Le GPSE est malheureusement l'objet de critiques, dues notamment à la présence de RTE et Enedis. Le fait que les agriculteurs qui s'estiment victimes des aménagements effectués par RTE et Enedis doivent, pour résoudre leurs difficultés, s'adresser à une instance à laquelle participent ces deux grands gestionnaires pose problème. Il importera de trouver des solutions.

La notion de géobiologie a été présente dans cette seconde table ronde, ce qui suscite, je l'imagine, de la curiosité de votre part. Cette discipline, non scientifique, existe bel et bien et permet, dans certains cas, de résoudre les situations, alors même que la science n'y parvient pas. Ceci soulève de nombreuses questions. Lorsque j'ai écouté pour la première fois le discours des géobiologues, je dois vous avouer avoir été, avec le parcours qui est le mien, très dubitatif. Or je crois qu'il faut vraiment faire preuve en la matière d'une grande ouverture d'esprit et considérer que cette discipline existe et a son intérêt. Nous avons tous entendu parler ou vu des sourciers qui parviennent à trouver de l'eau.

Les géobiologues les plus sérieux s'appuient sur une connaissance de la physique et utilisent des équipements permettant de mesurer des paramètres physiques. Ils partent du principe qu'ils vont repérer les veines d'eau et les failles dans le sol, qui sont, pour eux, des voies de circulation préférentielles des ondes et courants à l'origine des problèmes rencontrés par les éleveurs. Cette profession est en train de se structurer, avec des formations, un code de la géobiologie et une charte des bonnes pratiques. J'ai découvert aux éditions de La France agricole, des guides de la géobiologie en agriculture qui n'ont rien de farfelu : ils reposent sur des bases scientifiques, expliquent l'électricité, les champs électromagnétiques et comprennent un recueil de témoignages préoccupants sur des situations similaires à celles qui nous ont été rapportées lors de l'audition.

La note que je vous ai transmise se termine par des préconisations de trois ordres.

Le premier volet de ces propositions vise à une meilleure connaissance non seulement des phénomènes électromagnétiques et de leur influence sur les animaux, les sols et les normes, mais aussi à une meilleure connaissance du nombre de cas. Dès que je me suis lancé dans cette mission, des agriculteurs avec lesquels je suis en contact sur le territoire que je représente m'ont indiqué qu'ils avaient été confrontés à des phénomènes de cette nature et avaient heureusement trouvé des solutions. Ce type de situation est beaucoup plus fréquent qu'on ne l'imagine.

La deuxième catégorie de préconisations concerne la prévention des problèmes, avec une amélioration de la gouvernance, du financement et de l'organisation du GPSE. Ceci passe également par la réalisation d'un diagnostic géobiologique dans le cadre des études d'impact, avant la création et la mise en place de nouveaux projets d'aménagement. Ceci est pratiqué en Loire-Atlantique à la demande de la préfecture. Des installateurs d'éoliennes procèdent également de la sorte.

Le dernier ensemble de recommandations a pour objet une meilleure prise en compte du phénomène, en allant plus vite dans sa reconnaissance, en structurant la méthode et la profession de géobiologue et surtout en mettant en oeuvre les préconisations des différents rapports déjà réalisés sur ces questions (rapport de Daniel Raoul au nom de l'OPECST, travaux de l'ANSES, mission du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) et du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER)).

M. Cédric Villani, député, président de l'Office . - Merci beaucoup. Ce sujet est riche et va certainement donner lieu à de nombreux commentaires.

Je pense qu'il faut avancer résolument sur ce dossier, tout en étant plus prudents encore qu'à l'accoutumée sur les termes et formules choisis. Il nous faut peaufiner le texte de nos conclusions et être très attentifs. Nous ne manquerons pas de recevoir des commentaires nous alertant sur le fait que ce domaine est peuplé de charlatans et d'imposteurs ; pour autant, ceci ne saurait justifier de ne rien faire.

Concernant la question de représentativité, il est normal que nous interrogions sur ce sujet les associations et les représentants des agriculteurs qui signalent un problème et que nous ne cherchions pas à réunir un panel représentatif de tous les cas de figure possibles. L'ANAST a largement participé aux débats et souvent demandé la parole. Je pense qu'il n'y a en l'occurrence aucun problème de représentativité.

Il faut par ailleurs être attentif à la question de la prévalence. Les cas sont nombreux dans l'absolu, mais très limités en valeur relative, c'est-à-dire proportionnellement à l'ensemble des agriculteurs potentiellement concernés. Attention par conséquent à la signification que l'on accorde aux termes : ce peut être « beaucoup » ou « très peu » selon le point de vue considéré.

Il est intéressant d'évoquer les travaux des autres parlements. Je suis curieux de savoir comment le débat suisse s'est présenté.

Il serait également bienvenu de faire le lien entre ce sujet et les préconisations que nous avons formulées dans le cadre de l'audition sur l'électrohypersensibilité. Voici quelques jours, le suivi de ces recommandations a fait l'objet d'une vérification, qui a permis de constater que les choses bougeaient, même si l'équipe qui mène des travaux sur ce sujet insiste pour qu'il ne soit pas fait de publicité autour de ses recherches, afin qu'elle puisse travailler tranquillement.

La discussion sur le seuil qui devrait être opposable aux champs électromagnétiques me semble un mauvais débat. On pourrait consacrer des années à une réflexion sur l'opportunité d'un abaissement des seuils. Or la question porte moins sur un seuil que sur la configuration des lieux ou l'interaction entre diverses structures. Ne considérer que l'amplitude ou la fréquence des champs ne permet pas de conclure qu'une situation est dangereuse ou inquiétante en soi : tout dépend de la configuration et de sa complexité.

La question traitée renvoie à des sujets techniques, parfois complexes. Il me semble donc important d'effectuer dans le rapport un effort d'explicitation, sous forme de lexique, d'encadrés, de diagrammes...

Les géobiologues, héritiers des anciens sourciers, constituent une profession disparate, dont certaines pratiques s'apparentent manifestement à du charlatanisme. Il n'empêche que certains jouent un rôle important aujourd'hui, conseillent des chambres d'agriculture, et permettent parfois, de façon très pragmatique, de résoudre des problèmes de cette nature. Ce ne sont donc absolument pas des acteurs que l'on peut écarter. Il faut simplement trouver la bonne façon d'en parler, qui traduise à la fois une ouverture d'esprit, de la prudence et une absence de naïveté.

Il me semble enfin important d'insister sur les conditions dans lesquelles les expérimentations doivent se faire. Nous sommes un office parlementaire scientifique et il est de notre rôle de souligner la façon dont la science doit progresser. Il s'agit d'un sujet dans lequel les expériences de laboratoire sont extrêmement limitées : il n'est en effet guère envisageable de reproduire grandeur nature dans un laboratoire toute la complexité d'une situation donnée. Lorsque des cas sont signalés comme problématiques, il est par conséquent important qu'ils se transforment en situations de recherche, avec un protocole, une participation d'organismes d'électricité, de télécom et de recherche et un dialogue avec l'agriculteur.

M. Gérard Longuet, sénateur, premier vice-président de l'Office . -Je trouve la démarche extrêmement intéressante. Ces sujets sont absolument passionnants et reviennent de façon certes marginale mais récurrente dans notre vie locale. Progresser, évaluer, réfléchir est toujours utile.

M. Bruno Sido, sénateur . - Je tiens à rappeler que la question a déjà été abordée par l'Office parlementaire voici quelques années et qu'il s'agit d'un sujet bien réel. Étant moi-même agriculteur d'origine, je sais que ces phénomènes sont une réalité de terrain, qu'il faut traiter même si les scientifiques ne se sont pas emparés du sujet. Je comprends, Monsieur le président, qu'en tant qu'éminent mathématicien vous appréciez les choses rigoureuses. Ceci étant, je ne crois pas que l'on puisse dire que les sourciers sont des charlatans. Ils ont rendu des services immenses à un nombre considérable d'agriculteurs, aussi bien en France qu'ailleurs, y compris au Sahara. Ce sont les sourciers qui y ont trouvé l'eau et non les scientifiques, qui ne s'intéressaient pas à cette question.

Vous avez évoqué la question de la prévalence, en lien avec la notion de probabilité. Or il faut comparer des éléments comparables. A-t-on cherché à savoir si et dans quelle mesure la prévalence changeait selon que l'on était en présence de lignes électriques à haute tension, de lignes enterrées, etc. ? En général, une personne habitant en rase campagne, loin de tout, ne rencontre pas de problème. La situation peut en revanche être différente si elle réside sous une ligne à haute, voire très haute tension. Je pense en particulier à la ligne qui, en Normandie, vient de Flamanville et a généré des problèmes de cette nature. Ne serait-il pas envisageable de préconiser une politique de prévention ? Ne pourrait-on inviter à ce que des études soient effectuées préalablement à la construction d'un nouveau bâtiment, afin d'éviter de construire sur des zones présentant un danger ?

Le sujet est important et je remercie Philippe Bolo pour ce travail. Il faudrait vraiment essayer de faire en sorte que les scientifiques se penchent sur cette problématique. Le fait qu'un sujet soit complexe et géorgique ne doit pas conduire pour autant à ce que les scientifiques s'en désintéressent. De vrais problèmes se posent, qu'il faut régler. Peut-être d'ailleurs ne sont-ils pas dus à des phénomènes électromagnétiques. Il faudrait élucider cela. Nous savons néanmoins que les animaux, qui se déplacent sur quatre pattes, sur des sols parfois humides, sont plus sensibles que les humains à certains éléments de leur environnement. Ils le sont moins sur d'autres : ils supportent par exemple beaucoup mieux le froid et l'humidité que nous. Il est dommage que ce sujet ne soit pas traité et je pense qu'il serait intéressant de suggérer que l'INRAe se penche sur la question et s'attache les meilleurs scientifiques pour y travailler. Ceci n'est pas une question de moyens : je crois que de telles études ne coûteraient pas très cher.

M. Cédric Villani, député, président de l'Office . - Lorsque j'ai parlé de charlatans, le mot était assurément trop dur. Le terme employé dans la version actuelle du rapport est plutôt celui de « fantaisiste ».

Concernant les sourciers, un travail mené par une équipe de scientifiques, dont faisait partie Georges Charpak, était arrivé à la conclusion pragmatique qu'il existait un réel savoir-faire permettant de détecter de l'eau et des sources, mais celui-ci ne correspondait pas aux discours et théories proposés par les sourciers eux-mêmes pour l'expliquer. Un savoir-faire peut être réel sans s'appuyer sur une théorie solide. Il existe là un travail à effectuer pour changer l'un en l'autre.

Je précise que l'Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) était à la manoeuvre pour les travaux sur l'électrosensibilité.

Mme Catherine Procaccia, sénateur, vice-présidente de l'Office . -
Je remercie Philippe Bolo pour son exposé extrêmement clair. J'avais trouvé complexes les échanges tenus lors des tables rondes. Or le résumé qui vient de nous être proposé est très éclairant.

Ce travail s'inscrit effectivement dans la continuité du rapport sur les ondes élaboré par Daniel Raoul et de divers autres travaux de l'Office.

A été évoquée l'importance des observations de terrain par rapport aux études scientifiques. Or pas plus tard qu'hier, en commission des affaires sociales du Sénat, plusieurs collègues, en parlant de médecine et de la situation sanitaire, ont souligné qu'il faudrait que l'on sorte d'une dimension exclusivement scientifique et que l'on tienne compte des observations de terrain. Cette réflexion me semble fondée.

Dans un autre domaine, j'ai vu des reportages et connu des personnes qui « coupent le feu », c'est-à-dire qu'elles sont capables de soigner à distance de grands brûlés ; certaines travaillent avec les hôpitaux. Cette pratique est étonnante, mais fonctionne. Il existe bien un certain nombre de phénomènes que la science n'explique pas.

Il me semble enfin que ce sujet n'intéresse pas uniquement les agriculteurs. Ces phénomènes concernent les animaux d'élevage, mais aussi potentiellement d'autres animaux, notamment de compagnie.

M. Cédric Villani, député, président de l'Office . - Je souscris totalement à ces propos : il existe des phénomènes que la science n'explique pas, du moins pas encore, qui sont aujourd'hui classés dans la catégorie du paranormal ou du parascientifique et qui entreront peut-être, dans quelques décennies, dans le giron des phénomènes naturels. Ceci nous invite à une grande humilité.

Mme Angèle Préville, sénatrice, vice-présidente de l'Office . -
Grâce à son excellent esprit de synthèse et son pragmatisme habituel, Philippe Bolo est parvenu à nous intéresser à ce sujet quelque peu orphelin, mais dont on parle beaucoup.

Je vous rejoins sur le constat que la science n'explique pas tout. C'est la raison pour laquelle je trouve très intéressant que, dans les préconisations, figure l'idée de développer un observatoire national pour inventorier, caractériser et documenter ces situations. Il est important de poser des repères. Peut-être trouvera-t-on dans l'avenir, à plus ou moins long terme, les réelles causes de ces phénomènes ; il sera alors possible de se référer à cette matière collectée pour avancer.

J'ai découvert dans ce rapport l'existence des géobiologues. Alors que je pensais que la sensibilité des animaux était bien plus robuste que la nôtre, il m'est apparu qu'ils présentaient finalement des fragilités que nous n'avons pas, accrues par le fait d'avoir des pattes non isolées dans un environnement humide.

M. Philippe Bolo, député, rapporteur . - Merci beaucoup pour ces remarques, que je vais pouvoir intégrer au rapport.

La notion de prévalence mérite effectivement d'être explicitée, notamment dans le cadre de la préconisation invitant à identifier précisément le nombre de cas existants.

Concernant le débat suisse, je pourrai vous faire parvenir les documents qui nous ont été adressés.

Établir le lien avec la table ronde conduite par l'Office sur le thème de l'électrosensibilité me semble pertinent, en prenant toutefois la peine de souligner qu'elle était consacrée à l'électrosensibilité humaine.

La question des seuils a été abordée de façon récurrente lors de l'audition. Je partage tout à fait vos conclusions, Monsieur le président.

Nous insèrerons dans la mesure du possible des illustrations visant à éclairer le propos.

Il importe en effet de faire la part des choses entre des géobiologues qui sont par exemple employés aujourd'hui par la chambre régionale d'agriculture des Pays-de-Loire et interviennent sur le terrain pour essayer de comprendre ces phénomènes, et des charlatans se réclamant de cette discipline et profitant de la misère de certains agriculteurs confrontés à ces situations.

L'un d'entre vous a évoqué la nécessité d'une politique de prévention lors de la construction de nouveaux bâtiments : ceci figure dans les préconisations. Le préfet de Loire-Atlantique demande ainsi déjà que, pour toute installation d'éolienne, un géobiologue soit mobilisé en amont. L'idée serait d'extrapoler cette pratique et de proposer qu'un travail similaire soit effectué lorsque l'on envisage de créer de nouveaux bâtiments agricoles. En effet, le sujet apparaît aussi, souvent de manière amplifiée, lorsque les agriculteurs viennent greffer de nouveaux bâtiments, plus métalliques, électriques et électroniques, sur les anciens.

Recommander que l'INRAe se penche sur la question figure dans le rapport. J'y ajouterai quelques éléments sur les observations de terrain.

M. Cédric Villani, député, président de l'Office . - Ma remarque et celle de Catherine Procaccia se combinent : il faut insister sur l'importance d'une structure susceptible de jouer un rôle d'observatoire, de mise en contact avec les scientifiques, d'élaboration de protocoles. L'idée sous-jacente est que ces cas ne soient pas seulement considérés comme des problèmes à résoudre, mais aussi comme des sources de connaissance, d'information, de documentation sur le sujet.

M. Philippe Bolo, député, rapporteur . - C'est noté. Les observations d'Angèle Préville sont à mettre en lien avec le débat d'hier à l'Assemblée nationale consacré à la santé environnementale qui a soulevé de nombreuses questions, de la part de tous les bords politiques, sur la qualité de l'air, les perturbateurs endocriniens, et l'électrosensibilité. Dans les préconisations de mon rapport, j'indiquerai que ce sujet est à mettre en lien avec les problématiques de santé environnementale.

M. Cédric Villani, député, président de l'Office . - Il conviendrait de bien préciser dans le rapport le statut de Joe Wiart et de mentionner qu'il est titulaire d'une chaire sur ces sujets. Il peut également être de bon conseil sur l'élaboration du lexique et l'illustration des concepts scientifiques.

M. Philippe Bolo, député, rapporteur . - J'ai omis de préciser que figureront dans le document final non seulement une synthèse, qui à l'heure actuelle ne comporte aucune illustration, mais aussi en annexe toutes les diapositives et supports de présentation utilisés le jour de l'audition. Ainsi, les différents schémas présentés par Joe Wiart et par Laurent Delobel très utiles pour comprendre la problématique, seront accessibles dans le rapport et sur internet.

M. Cédric Villani, député, président de l'Office . - Cela correspond à la bonne habitude de l'Office de proposer non seulement des synthèses, mais aussi du verbatim ; les deux sont importants lorsque l'on souhaite se documenter sur un sujet.

J'ai été interpellé par la notion de résistance d'un animal. Quelle en est la signification ? En physique, on parle de la résistance d'un dispositif. Qu'en est-il en l'occurrence ? Il me semblerait nécessaire de préciser cela.

M. Philippe Bolo, député, rapporteur . - Il s'agit de la résistance électrique. Nous allons étayer l'explication afin que le propos soit plus compréhensible.

M. Cédric Villani, député, président de l'Office . - Mes autres observations sont mineures. Nous pourrons passer en revue ces détails une fois que l'ensemble des remarques qui viennent d'être formulées auront été prises en compte. J'ai vraiment le sentiment que nous sommes en phase, les uns et les autres, sur la direction dans laquelle il convient d'aller.

Permettez-moi de vous lire le commentaire que notre conseillère scientifique vient de nous faire parvenir : « La chargée des relations avec le Parlement de l'Inserm n'a pas encore pu répondre sur le point d'inclusion de sujets électrosensibles dans des cohortes ». Ceci fait écho aux propos exprimés par Yves Lévy, alors président de l'Inserm, qui nous avait expliqué lors de la table ronde sur l'électrohypersensibilité qu'il était convaincu de l'existence de ce phénomène, encore mal connu, plurifactoriel, et de l'importance de constituer des cohortes à ce sujet. Or ceci n'a vraisemblablement pas été mis en oeuvre. Notre conseillère poursuit en indiquant qu'« en revanche, l'équipe lyonnaise, dont les travaux, en partenariat avec une association de patients, ont été mentionnés à plusieurs reprises dans l'audition, a avancé. Le chercheur et son équipe ont commencé à travailler sur des hypothèses de recherche issues de la radiosensibilité et transposables à l'électrosensibilité. Ils se sont notamment demandé si la protéine ATM jouait un rôle ou non après exposition aux ondes. Cette étude est innovante dans le sens où elle est la première à employer des méthodes basées sur la culture de cellules humaines prélevées chez des sujets électrosensibles. Cette étude est une étude clinique dont l'Inserm est le promoteur. Après des retards administratifs et pratiques importants, les prélèvements ont débuté il y a un an et demi. Financée par l'ANSES à hauteur de 200 000 euros, elle a pour objectif de monter une cohorte d'une trentaine de patients. Elle en compte à ce jour 26. Des expériences ont déjà été effectuées sur les prélèvements obtenus et ont permis notamment de prouver que les cellules des sujets électrosensibles montraient un problème d'activité de la protéine ATM et des cassures spontanées au niveau de l'ADN. Un premier modèle d'explication mécanistique est en développement, mais le chercheur n'a pas souhaité communiquer avant l'obtention de toutes les données. Les premiers résultats devraient être publiés d'ici la fin de l'année ». Il est intéressant que ces travaux existent, même s'ils ne sont pas aussi amples que l'on pourrait le souhaiter.

Mme Angèle Préville, sénatrice, vice-présidente de l'Office . -
Concernant la résistance, il est bien connu qu'un corps humide a une résistance plus faible qu'un corps sec. Il en va de même pour les animaux. Lorsque j'étais professeure, je faisais mesurer à mes élèves leur résistance électrique interne. Or il apparaissait que les élèves qui avaient les mains moites avaient une résistance plus faible que ceux dont les mains étaient sèches. Ce phénomène est connu. Les personnes ayant les mains moites sont plus sujettes à l'électrocution.

M. Cédric Villani, député, président de l'Office . - Comment procédiez-vous ?

Mme Angèle Préville, sénatrice, vice-présidente de l'Office . -
J'utilisais un ohmmètre qui permet de faire des mesures y compris sur le corps humain. Les résultats obtenus étaient très différents d'une personne à l'autre, notamment lorsque des élèves avaient les mains moites.

M. Cédric Villani, député, président de l'Office . - Dans le cas des animaux, ceci résulte d'un courant ou d'une différence de potentiel entre les pattes de l'animal. Est-ce bien cela ?

Mme Angèle Préville, sénatrice, vice-présidente de l'Office . -
Absolument. Cela tient également au fait que les pattes sont humides : ceci compte beaucoup dans la variation de la résistance.

M. Cédric Villani, député, président de l'Office . - Je suggère enfin de proposer de petits lexiques, des notes de bas de page ou, dans la synthèse, des renvois vers la page correspondante du verbatim , afin de rendre le texte plus accessible et compréhensible.

Donnons-nous quitus à Philippe Bolo pour parachever ce travail dans la voie qu'il a indiquée ?

M. Gérard Longuet, sénateur, premier vice-président de l'Office . -
J'y suis favorable.

M. Philippe Bolo, député, rapporteur . - Je vous remercie.

L'Office adopte les conclusions présentées et autorise à l'unanimité la publication du rapport présentant les conclusions et le compte rendu de l'audition publique du 18 février 2021 sur l'impact des champs électromagnétiques sur la santé des animaux d'élevage.

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