B. ADAPTER LE RYTHME DE RATTRAPAGE AUX RÉALITÉS

La loi SRU en édictant le principe d'une répartition géographique homogène de la production de logement social est une véritable rupture par rapport à plusieurs dizaines d'années d'aménagement du territoire où des zones ont été spécialisées dans la production industrielle, le tourisme ou le logement résidentiel. Les unes avaient du logement social, d'autres pas ou peu. Cet héritage qui a parfois plus d'un siècle et qui s'est ancré dans notre paysage, dans nos traditions, y compris politiques, ne peut pas s'estomper en 20 ou 25 ans. Il faut en prendre acte et adapter le rythme de rattrapage aux réalités. Il faut aussi prendre en compte l'histoire récente des communes, un maire hostile au logement social a pu laisser la place à une nouvelle équipe qui est prête à s'engager. Il ne faut pas punir des années durant une commune en raison de son passé.

À cette fin, vos rapporteurs proposent de décliner deux principes : accompagner plutôt que punir et adapter le rattrapage aux réalités.

1. Accompagner plutôt que punir

L'un des aspects de la loi SRU qui rebute le plus les maires, c'est son aspect essentiellement punitif alors que les aspects incitatifs et l'idée de contrat en sont presque complètement absents.

a) Caractère contre-productif de la plupart des sanctions actuelles

La loi SRU a légitimement voulu sanctionner le non-respect des obligations qu'elle édictait. Néanmoins, les sanctions prononcées par les préfets à l'encontre des communes carencées ont été alourdies successivement par les lois ALUR du 18 janvier 2013, du 24 mars 2014 et égalité et citoyenneté du 27 janvier 2017. Elles permettent de :

• majorer jusqu'à cinq fois le prélèvement initial dû par les communes qui ne respectent pas leurs objectifs triennaux de production de logements sociaux ;

• augmenter le seuil plafonnant les pénalités pour les communes les plus riches : ce seuil passe de 5 à 7,5 % des dépenses réelles de fonctionnement pour les communes dont le potentiel fiscal par habitant est supérieur à 150 % du potentiel fiscal par habitant médian des communes prélevées ;

• reprendre la délivrance des autorisations d'urbanisme par le préfet, sur tout ou partie du territoire des communes défaillantes, en substitution des maires ;

• reprendre par le préfet le droit de préemption urbain de la commune pour la réalisation de logements sociaux - Cette sanction est automatique ;

• prévoir une part minimum de 30 % de logements PLUS-PLAI dans les opérations de taille significative ;

• permettre au préfet de conclure une convention avec un bailleur social pour la réalisation d'une opération de logement social intégrant une contribution financière obligatoire de la commune ;

• permettre au préfet de conclure une convention avec un organisme agréé pour la mise en place d'un dispositif d'intermédiation locative dans le parc privé intégrant une contribution financière obligatoire de la commune ;

• transférer le contingent communal au préfet pour loger les ménages bénéficiaires du DALO.

Enfin, l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation (CCH) qui érige l'ensemble de ces sanctions prévoit que les communes carencées ne peuvent mettre en oeuvre les dispositions permettant de créer des logements intermédiaires.

Dans son rapport sur l'article 55 de la loi SRU, la Cour des comptes a montré que cette panoplie très large de moyens de coercition était en réalité d'efficacité très limitée, voire contre-productive.

La Cour relève que les préfets et les DDTM ne sont pas outillés pour reprendre les prérogatives des maires. Ils ne disposent plus des effectifs nécessaires, qui ont également perdu en compétence. À titre d'exemple, la Cour relevait que dans les Alpes-Maritimes, sur 8 144 déclarations d'intention d'aliéner (DIA) en 2018, seules dix ont abouti à une préemption. Sur l'ensemble du territoire national, en 2018, 1 286 logements auraient été produits suite à l'exercice du droit de préemption urbain par l'État.

La reprise des permis de construire est très peu utilisée , la Cour relève une petite centaine de « permis État » dans toute la France, dont 72 en région PACA. Elle n'aurait été décidée que dans onze communes . La conclusion d'une convention avec un opérateur pour construire des logements sociaux dans les communes n'est quasiment jamais utilisée, selon la Cour. Enfin, les majorations des prélèvements sont décidées avec prudence puisque certaines communes carencées n'ont aucune majoration et que la pénalité maximum est très exceptionnellement appliquée.

La consultation des maires donne des résultats cohérents avec ces données nationales :

Vos rapporteurs tirent un constat convergent de leurs propres observations et auditions.

Les préfets et leurs services ne sont pas demandeurs d'exercer les compétences des maires, car ils sont conscients de leurs moyens limités, de la difficulté de la tâche et du caractère agressif et contre-productif des mesures.

Les bailleurs sociaux et opérateurs sont également très réticents à servir de bras armé à un préfet dans une commune contre la volonté du maire. Un « permis État » équivaut à un viatique.

Les maires de leur côté pointent le caractère infantilisant, inefficace et contre-productif.

Les maires carencés constatent que le préfet ne fait pas mieux qu'eux lorsqu'il décide d'exercer leurs prérogatives. Vos rapporteurs ont recueilli de nombreux témoignages montrant que, sauf exception, l'échec des préfets est patent. Au final, après avoir rompu le dialogue, la sanction décrédibilise l'État et délégitime ses exigences .

Les conséquences sont encore plus graves concernant la reprise par le préfet du contingent d'attribution du maire au profit des ménages bénéficiaires du DALO, car c'est vraiment la double peine pour les maires . Non seulement on leur demande de trouver, donner ou subventionner le foncier, gérer les recours, réaliser tous les aménagements annexes (voieries...) voire agrandir une école, mais on les empêche d'attribuer un seul logement aux demandeurs de la commune ! Plusieurs maires ont fait part de leur colère et de leur désarroi. Cette sanction aggrave le plus souvent le rejet par la population locale des logements sociaux et met en porte-à-faux les maires qui auraient dans bien des cas voulu défendre une politique d'intérêt général.

En revanche, l'obligation d'inclure un minimum de 30 % de logements PLUS ou PLAI dans les opérations est bien comprise . De nombreux maires vont au-delà.

Vos rapporteurs proposent donc la suppression des sanctions suivantes :

• la reprise de la délivrance des autorisations d'urbanisme par le préfet ;

• la reprise du droit de préemption urbain ;

• la possibilité pour le préfet de conclure une convention avec un bailleur social ou avec un organisme agréé pour la mise en place d'un dispositif d'intermédiation locative ;

• la reprise de l'attribution des logements sociaux ;

• l'interdiction de créer des logements intermédiaires.

b) Accompagner, conseiller et faciliter...

Au contraire de cette politique infantilisante et punitive d'un État censeur, les maires demandent un État partenaire et facilitateur.

Vos rapporteurs constatent une réelle volonté de bien faire de la très grande majorité des maires qui conviennent de l'utilité du logement social, mais beaucoup voudraient un appui pour dépasser leurs difficultés.

C'est d'autant plus vrai que du fait du seuil d'entrée de 1 500 habitants en Île-de-France et de 3 500 habitants en province, des communes nouvelles ou des découpages des agglomérations ou métropoles, beaucoup de petites villes ou de villages à l'esprit rural sont désormais concernés par la loi SRU. Ces municipalités n'ont parfois ni services techniques importants ni d'ailleurs l'expérience du logement social ou des populations qu'ils pourraient devoir accompagner. Un maire qui veut aller de l'avant a besoin de soutien, notamment dans l'action pédagogique vis-à-vis d'une population rétive, plutôt que de se voir mis la tête sous l'eau.

Vos rapporteurs peuvent citer l'exemple de la commune de Biot dans les Alpes-Maritimes. Elle est sortie de la carence fin 2020. Son effort en matière de logement social est à souligner. Le taux SRU est passé de 4,81 % en 2002 à 13,4 % en 2020 alors même que les conditions de constructions sont réellement difficiles puisque 50 % du territoire communal est en zone rouge d'un plan de prévention des risques et qu'au cours des trente dernières années, elle a été déclarée 28 fois en état de catastrophe naturelle ! Dans cette commune, le maire aurait espéré l'aide de l'État pour construire des logements sociaux. 46 étaient prévus sur deux permis de construire accordés par la commune sur un terrain acquis par l'Établissement public foncier de PACA dans une zone classée en « secteur de mixité sociale ». Or, ces terrains qui sont l'un des derniers gisements fonciers, ne sont accessibles actuellement que par une voie privée que l'État a refusé de classer d'office dans la voirie communale, excipant de l'opposition de plusieurs riverains. Du coup, les deux projets ont dû être abandonnés !

Vos rapporteurs ont perçu dans leurs rencontres ou dans certaines contributions des difficultés de compréhension de la loi. Certains
dispositifs sont méconnus comme l'intermédiation locative ou l'acquisition-amélioration pour agir sur le parc ancien sans forcément réaliser de constructions nouvelles. Un soutien technique serait bienvenu.

Dans les villes de plus grande taille très urbanisées et très contraintes, c'est un dialogue plus large qui est demandé pour appréhender les interactions entre la commune et l'État sur l'ensemble des projets urbains et pour identifier conjointement comment progresser sur le logement social tout en prenant en compte d'autres priorités de l'action publique.

Nicolas Bouche, maire de Lambersart, Nord, 17 % de LLS : « Il faudrait un droit de priorité accru des communes SRU auprès de l'État et de l'EPCI de rattachement pour un appui en matière d'ingénierie, de vérification des permis de construire avant dépôt pour les fiabiliser, aide à la pierre, de mobilisation d'une boîte à outils en matière de concertation pour accompagner les montages de projet, créer des projets partagés et co-construits et éviter les recours, des outils pour aider la régulation des valeurs foncières ».

c) Définir un cadre partenarial, le contrat de mixité sociale

Cette volonté de sortir de relations conflictuelles pour arriver à des relations partenariales et confiantes devrait se traduire par un contrat.

Aujourd'hui, cet outil est peu utilisé ou méconnu. La Cour des comptes relevait qu'en 2018, sur 1 065 communes déficitaires, 213 seulement avaient signé un contrat de mixité sociale et 89 sur 280 parmi les communes carencées. La consultation des maires le montre de manière évidente. Un peu plus d'un quart des maires disent avoir signé un contrat de mixité sociale tandis que sa version intercommunale n'est quasiment pas pratiquée.

Un contrat de mixité sociale (CMS) a-t-il été conclu avec le préfet ?

Un contrat intercommunal de mixité sociale (CIMS) a-t-il été expérimenté ?

Cette situation s'explique par le fait que le contrat de mixité sociale n'est pas reconnu par la loi. Il n'a pas de valeur légale. Son existence et son respect ne peuvent pas formellement être pris en compte au moment d'une décision de carencement alors qu'il s'adresse prioritairement aux villes déficitaires et a normalement pour but de les accompagner vers une sortie de carence et l'atteinte des objectifs.

De ce fait, plusieurs maires ont refusé de signer un contrat dans lequel ils étaient seuls à s'engager, l'État n'ayant en réalité aucune obligation .

L'absence de définition du contrat de mixité sociale (CMS) conduit aussi à ne pas savoir ce qu'il est possible d'y mettre et qui le signe.

Il est évident que l'intérêt du CMS est de prendre en compte les spécificités d'un territoire dans son parcours de rattrapage et donc d'aménager les règles nationales . Mais aujourd'hui, les préfets n'ont guère de latitude pour s'engager dans une telle démarche.

Les maires demandent également à ce que le maire et le préfet ne soient pas les seuls signataires. Il convient de rendre parties au contrat les autres acteurs d'une politique de l'habitat . L'EPCI est le premier cité. C'est la logique même du transfert de nombreuses compétences aux intercommunalités. Mais il serait souhaitable, en fonction des circonstances locales, d'inviter les autres acteurs de l'État, des bailleurs sociaux, des acteurs de l'intermédiation locative ou encore les architectes des bâtiments de France (ABF) à être parties au CMS et à prendre leurs responsabilités par rapport à l'objectif de réaliser des logements sociaux.

En effet, localement les maires sont confrontés à de nombreux obstacles dont parfois le refus des bailleurs de s'impliquer, des exigences de protection de l'environnement ou d'un ABF qui, bien que légitimes, compromettent l'équilibre économique d'une opération de logement social à coût maîtrisé. On peut de nouveau citer l'exemple de la commune de Biot . Dans cette commune où il existe trois périmètres de protection patrimoniale, un projet de 39 logements sociaux et 51 accessions à la propriété a reçu un avis négatif de l'ABF ce qui a conduit à son échec et à l'impossibilité d'accorder le permis de construire.

À cet égard, vos rapporteurs estiment que le projet de loi « 4 D » va dans le bon sens en donnant une base légale au CMS, en faisant de sa signature la condition d'un aménagement du rattrapage et en y impliquant l'EPCI compétent, mais elles souhaitent aller plus loin pour en faire le pivot de l'application contractualisée et différenciée de la loi.

Philippe Audebert, maire de la Frette-sur-Seine, Val-d'Oise, 6 % de LLS : « Contractualiser entre Préfet et Maire sur la base d'objectifs réalistes qui tiennent compte de la réalité des possibilités de la commune (rareté du foncier, zones inondables, zones Architecte des Bâtiments de France...) ; calculer les engagements au niveau de l'intercommunalité sans transférer la délivrance des permis de construire. Aides de l'État pour financer les infrastructures induites par les apports de population résultant de la construction de logements sociaux. »

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Sébastien Poniatowski, maire de L'Isle-Adam, Val-d'Oise, 20 % de LLS : « Je tiens tout d'abord à vous remercier d'avoir pris l'initiative de cette mission d'évaluation et de prendre le temps d'écouter les maires. Voici quelques réflexions que je souhaite partager. En premier lieu, comme beaucoup d'élus, il me semble que l'objectif absolu fixé par la loi SRU est contre-productif ne tenant compte ni des enseignements des trente dernières années (notamment s'agissant de la nécessaire mixité sociale qu'il convient de respecter) ni des contraintes locales. Il me semblerait plus opportun de fixer un objectif glissant sur toutes les nouvelles constructions. Cet objectif pourrait être "négocié" entre les maires et les préfets en fonction du taux global atteint par la ville. À titre d'exemple sur une période de six années, une ville s'engagerait à intégrer à toutes ses nouvelles constructions, un taux compris entre 20 et 30 % de logements sociaux.

Il me paraît essentiel aussi d'intégrer tous les services de l'État représentés au niveau départemental et notamment ceux ayant trait à l'environnement et à la protection du patrimoine, à la politique de logements sociaux, afin que les services chargés du logement soient pleinement conscients des contraintes locales qui pèsent sur les maires. À titre d'exemple dans beaucoup de villes, il n'est pas tenu compte des zones ABF ni des zones inondables ni de l'accès au transport public, ce qui rend en pratique la construction de logements sociaux difficile. Les ABF et la DRIEE doivent en pratique être intégrés au dispositif de détermination des conventions triennales et de nouvelles exemptions doivent être prévues à cet effet.

Il me paraît important aussi de passer d'une politique punitive qui détériore le lien État/Ville à une politique incitative. La nouvelle loi devrait prévoir un dispositif d'incitation, par exemple une augmentation des dotations, lorsque les objectifs triennaux sont atteints, lequelles permettraient notamment de financer les services publics rendus nécessaires par la construction de nouveaux logements.

Enfin un effort considérable doit être fait par les services de l'État s'agissant des modalités d'attribution de logements sociaux. Aujourd'hui en pratique le critère emploi/logement/transport n'est jamais pris en considération. Nos CCAS se retrouvent à gérer des situations difficiles causées par des pertes d'emplois consécutives à des déménagements contraints par l'attribution d'un logement social. La proximité doit être privilégiée et les services de l'État à l'écoute des élus locaux sur ce sujet.

En résumé la nouvelle loi, en plus de fixer des objectifs de construction, doit permettre la réinstauration d'un lien de confiance entre les élus et les services de l'État s'agissant des attributions d'une part et permettre au Préfet de tenir compte en pratique de considérations locales d'autre part dans la négociation de la convention triennale. Cette loi doit être moins globale plus locale. »

2. Adapter le rattrapage aux réalités

Dans le cadre de la consultation lancée sur le site du Sénat, vos rapporteurs ont demandé aux maires quelles difficultés ils rencontraient. Il est intéressant d'observer qu'un tiers des maires met en avant le manque de foncier, près d'un quart le manque de moyens financiers pour préempter et enfin 10 % les risques naturels.

a) Exemptions, clarifier et éviter les conséquences manichéennes
(1) Une clarification nécessaire

C'est l'article L. 302-5-III du code de la construction et de l'habitation qui régit les exemptions à la loi SRU, c'est-à-dire les communes concernées par la loi, mais auxquelles elle ne sera pas appliquée.

Il existe aujourd'hui trois critères d'exemption. Ils ont été fixés par la loi du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté. La réforme avait pour objectif d'adopter des critères plus fins que celui de décroissance démographique et donner une marge de manoeuvre d'appréciation en évitant l'effet binaire de l'exemption ou de la non-exemption.

Les trois critères sont les suivants : la faible tension sur la demande de logement social, la faible desserte en transport en commun et l'inconstructibilité du territoire urbanisé de la commune.

Selon le décret du 30 décembre 2019, 232 communes sont exemptées, 24 au titre de la constructibilité, 54 de la faible tension et 154 pour insuffisance de desserte.

Mais comme l'a souligné la Cour des comptes, les critères de faible desserte en transport en commun et d'inconstructibilité sont soumis à interprétation .

La faible desserte en transport est complexe à apprécier et peut même avoir un effet pervers si les communes en arrivent à refuser de le développer pour éviter de tomber sous le coup de la loi SRU... Il repose aussi sur une forme de caricature ou tout du moins une vision datée de la situation de la population vivant en logement social et qui n'aurait pas de véhicule personnel. En réalité, dans nombre de communes périurbaines éligibles, les locataires du parc social comme tous les autres habitants ont absolument besoin de plusieurs véhicules motorisés par foyer.

De manière moins évidente, la notion d'inconstructibilité est elle aussi mal comprise, car ce n'est pas l'ensemble du territoire communal qui est pris en compte, mais seulement la partie urbanisée qui est parfois la seule constructible...

L'exemple de Mandelieu-La-Napoule

La commune compte à ce jour 1 144 logements sociaux soit un taux de 8,4 % . Atteindre les 25 % de logements sociaux représenterait 2 200 logements sociaux supplémentaires. Or, depuis 2001, 1 068 permis de construire ont été délivrés pour un total de 2 373 logements tous types confondus. La loi impose donc à la commune de produire autant de logements sociaux que sa production intégrale de logements en 20 ans. De plus, elle est confrontée à des particularités géographiques et environnementales.

Sur les 3 137 hectares, la commune ne dispose que de 703 hectares affectés à l'habitation qui sont déjà urbanisés. Les autres secteurs (2 400 hectares soit 78 % du territoire) sont tous rendus inconstructibles (PPR, mouvements de terrain, risques technologiques, submersion, loi Littoral...).

De fait, la commune a fait face à des inondations majeures : crue tricentennale du 3 octobre 2015, débordement des cours d'eau du Riou et de la Siagne (23 novembre 2019), débordement intense des vallons et des cours d'eau (1 er décembre 2019) . Ce risque a amené les services de l'État à classer inconstructibles de nombreux secteurs, à exiger des modalités de construction adaptées et à adopter un PPR mouvement de terrain (80 éboulements recensés en 2019). 35 parcelles situées le long du Riou ont été rendues inconstructibles. De même, les inondations ont détruit trois logements sociaux situés en rez-de-chaussée d'un immeuble construit en 2015.

Au total, depuis 2012, 28 hectares ont été déclassés de la zone U, ce qui ce qui empêche la commune d'atteindre le seuil de 50 % de zone U classée en zone rouge qui aurait conduit à l'exemption de la loi SRU.

Par ailleurs, la loi du 27 janvier 2017 a introduit une seconde modification qui n'avait pas été complètement perçue lors de son vote. Alors qu'auparavant, les communes remplissant les conditions étaient automatiquement exemptées, ce n'est désormais plus le cas . L'exemption n'est pas de droit. La liste des communes exemptées est fixée par un décret du Premier ministre au début de chaque période triennale, sur proposition des établissements publics de coopération intercommunale auxquels elles appartiennent et après avis du représentant de l'État dans la région et de la Commission nationale SRU. Être éligible ne suffit plus pour être exempté, l'exemption est prononcée « au regard de l'ensemble des intérêts publics en cause et en tenant compte des circonstances locales » dont notamment « le taux de logements sociaux de la commune, sa politique en matière de réalisation de LLS et ses performances passées dans l'atteinte de ses objectifs » selon un arrêt rendu par le Conseil d'État le 1 er juillet 2019 (Cne de Leucate et autres).

Cette capacité de décider en opportunité d'exempter ou non une commune alors qu'elle remplit les critères d'exemptions légaux n'est pas comprise par les maires concernés.

Au total, le système d'exemption est moins lisible et moins compris, car les critères sont sujets à interprétation et n'entraînent plus automatiquement l'exemption .

(2) Des évolutions attendues

La Commission nationale SRU, sous la présidence de Thierry Repentin, a proposé deux évolutions.

La première est d'élargir la possibilité d'exempter des communes pour le motif de faible tension à toutes les communes concernées et pas seulement à celles appartenant aux unités urbaines de plus de 30 000 habitants.

La seconde est le remplacement du critère de faible desserte par un critère d'isolement multifactoriel : défaut d'attractivité, éloignement des bassins d'emploi, isolement géographique...

Vos rapporteurs approuvent ces deux évolutions qui figurent dans le projet de loi « 4 D » .

Elles proposent trois évolutions complémentaires :

• Porter à six ans l'exemption pour inconstructibilité,

• Revenir à l'automaticité des exemptions,

• Sortir d'une logique binaire.

(a) Porter à six ans et rendre automatique l'exemption pour inconstructibilité

Autant les exemptions fondées sur la faible demande de logements sociaux et l'isolement de la commune méritent sans doute d'être revues à une périodicité relativement rapprochée, c'est-à-dire tous les trois ans. Autant l'inconstructibilité d'une commune est stable, car elle résulte de facteurs objectifs hydrographiques, géologiques, technologiques ou de la proximité d'une infrastructure bruyante.

Il serait donc logique de permettre de donner une application plus longue à la décision d'exemption. Une durée de deux périodes triennales est souvent évoquée.

(b) Revenir à l'automaticité des exemptions

Il est parfaitement incompréhensible que suite à une application objective voire arithmétique des critères d'exemptions, la décision finale soit finalement soumise à une décision prise en opportunité à Paris.

Cette décision non transparente et sur des critères qui ne sont pas connus ne peut que susciter l'incompréhension des acteurs locaux quand elle vient les déjuger. Elle ne peut pas non plus être comprise des populations dans il s'agit de sujets aussi graves parfois que des risques de catastrophe naturelle aux conséquences traumatisantes.

Concernant le futur critère d'isolement qui sera multifactoriel et sans doute sujet à débat au début, une telle manière de procéder affaiblira le couple maire-préfet et la prise en compte des réalités locales.

(c) Sortir de la logique binaire et du tout ou rien

Aujourd'hui, une commune exemptée n'a aucune obligation en matière de logement social. Une commune qui ne l'est pas doit assumer la totalité de l'objectif quelle que soit sa situation.

Il y a un effet de seuil très important.

L'application de la loi est tellement mal vécue par les maires, il y a tellement de défiance que certains vont tout faire pour ne pas atteindre les 1 500 ou les 3 500 habitants... Vos rapporteurs en ont rencontré. D'autres sont soupçonnés de ne surtout pas développer les transports en commun... C'est une réalité. On peut penser qu'ils ont tort, mais le sujet est épidermique.

Dès lors, vos rapporteurs proposent de réfléchir à la manière de limiter les effets de seuil pour aménager localement les objectifs, mais aussi pour mener des actions préparatoires et pédagogiques avec des maires qui sont au seuil d'entrée dans la loi ou seuil d'exemption et qui pourraient basculer dans un sens ou un autre .

b) Un rattrapage adapté aux possibilités effectives de la commune et aux besoins des territoires

Si l'application de la loi SRU est souvent si mal vécue, c'est parce que les maires ont l'impression que la loi leur impose des choses difficiles à faire tout en étant aveugle à leurs difficultés et à leur histoire.

Amalia Duriez, maire d'Etiolles, Essonne, 12 % de LLS : « Dans un contexte économique difficile pour les collectivités locales, avec une baisse considérable de la DGF depuis des années, l'augmentation exponentielle de la pénalité en cas de carence rend l'exercice de l'équilibre budgétaire complexe. L'application de la loi SRU semble se faire mathématiquement sans aucune prise en compte des spécificités de la commune. Le pourcentage de logements sociaux par commune ne devrait pas être le même pour l'ensemble des communes de France, il devrait s'adapter d'une commune à une autre en tenant compte de plusieurs paramètres (foncier disponible, zones constructibles, moyens financiers de la commune). »

(1) Prix et disponibilités du foncier

Le prix et la disponibilité du foncier sont les premières difficultés mises en avant par les maires . Certaines communes ont des possibilités d'extension et de construction, d'autres sont entièrement urbanisées et doivent densifier.

La difficulté, la durée des programmes, leur coût et leur équilibre financier ne sont pas du tout les mêmes. Même si le foncier n'est pas cher et rare dans toutes les communes SRU de France, notons que si elles sont éligibles, c'est qu'elles se trouvent dans des territoires en tension. La difficulté est donc réelle, la position des maires légitime.

Sandra Billet, maire de Saint-Leu-la-Forêt, Val-d'Oise, 14 % de LLS : « Il faut absolument que soit pris en compte le foncier disponible sur la ville (il est ubuesque qu'un même taux soit demandé à une ville possédant du foncier qu'à une ville n'en disposant pas) ainsi que le foncier nécessaire pour créer les infrastructures nécessaires qu'engendrerait une population supplémentaire : quitte à le redire, que doit faire une ville qui : 1) ne dispose pas de foncier 2) manque de places dans ses écoles et dans ses équipements sportifs 3) doit faire face à un prix de l'immobilier élevé ? »

(2) L'équilibre économique des opérations

Par ailleurs, conséquence du prix du foncier, plusieurs maires ont souligné à vos rapporteurs la difficulté pour les bailleurs sociaux d'équilibrer financièrement leurs opérations faute de subventions suffisantes par rapport aux nombres de PLS, PLUS et PLAI demandés.

Ils notent soit des abandons de la part de bailleurs sociaux, soit des oppositions des services de l'État à donner leur accord à des programmes ne contenant pas assez de PLAI dans des villes déficitaires voire carencées. De telles décisions parfaitement justifiées d'un point vue juridique et au plan national, nécessiteraient dans un certain nombre de cas un examen plus localisé et un dialogue plus approfondi avec les maires.

Bernard Gleize, maire de Vauhallan, Essonne, 7 % de LLS : « Une meilleure prise en compte du foncier réellement potentiellement disponible pour la réalisation de logements sociaux. Inciter les bailleurs à faire plus d'opérations favorisant la mixité sociale (des logements sociaux, mais également des logements en accession sociale, voire des logements en accession à la propriété pour des habitants aux revenus modestes). Favoriser les BRS (Bail Réel Solidaire). Un taux de 15, 20 ou 25 % qui s'applique au nombre de résidences principales à une date donnée (date de référence) et non à un nombre de résidences principales qui augmente au fur et à mesure de la réalisation de logements sociaux. Prendre en compte la capacité des équipements collectifs des communes (centres de loisirs...) pour que les nouvelles populations ne soient pas pénalisées par une offre de services limitée. Aider plus les bailleurs sociaux à réaliser des logements sociaux sur les communes où le foncier est relativement cher (les dispositifs existants (yc. via l'EPFIF) s'avèrent insuffisants par exemple sur ma commune et conduisent les bailleurs à renoncer à acquérir la quasi-totalité des biens en vente en raison de l'absence d'équilibre financier a priori.) »

(3) Les communes touristiques et les contraintes d'urbanisme : littoral et montagne

Les communes touristiques sont dans une situation très particulière au regard de la loi SRU puisqu'elles comptent un très grand nombre de résidences secondaires. Notre collègue des Pyrénées-Orientales François Calvet a mis en évidence la situation intenable dans laquelle se trouvent nombre de communes de son département. Elles sont d'autant plus archétypiques que beaucoup d'entre elles résultent de la volonté de l'État, à travers la mission Racine, de créer de toute pièce des stations balnéaires sur ce littoral . Le Barcarès ou Le Canet-en-Roussillon sont dans cette situation. À Le Barcarès, la population permanente est de l'ordre de 6 000 habitants, mais dépasse les 100 000 en haute saison. Sur les 16 000 logements, plus de 80 % sont des résidences secondaires. Mais ces communes sont désormais confrontées, avec les conséquences de la crise sanitaire et l'arrivée à l'âge de la retraite des générations du baby-boom, à une transformation massive des résidences secondaires en résidences principales. Au Canet-en-Roussillon, ce phénomène concernerait 20 % des résidences secondaires faisant chuter du même coup le taux de logements sociaux sans que la commune n'en ait aucune maîtrise possible d'autant que son urbanisme, voulu par l'État, ne l'avait pas prévu.

D'autres communes ont des contraintes d'urbanisme propre à leur situation littorale ou montagneuse qui ne sont pas réellement prises en compte.

Séverine Marchant, maire de La Plaine-sur-Mer, Loire-Atlantique, 5 % de LLS : « Les seules difficultés que je perçois à mon niveau (commune de 4 500 hab, soumise à la loi Littoral) sont la rareté de parcelles conséquentes pour la construction de logements sociaux. Ainsi, les bailleurs doivent revoir leur modèle économique pour disséminer quelques logements (2 à 5) pour remplir les gisements fonciers en centre-ville et hameaux. Par les projets de loi ZAN, loi Littoral, biodiversité cela entraîne une impossibilité de libérer du foncier et le marché de l'immobilier explose. Le seuls fonciers disponibles sont intra-muros des zones U, cela coûte beaucoup plus cher, difficulté de libérer des parcelles conséquentes, toutes petites opérations et cela prend énormément de temps, car nous ne pouvons que préempter donc attendre une vente. »

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Michèle Quellard, maire du Croisic, Loire-Atlantique, 11 % de LLS : « Il faut tenir compte de la réalité physique des territoires, des contraintes qu'ils ont à respecter et de leurs besoins réels en matière de logement social. L'article 55 de la loi SRU vient en contradiction d'autres réglementations qui demandent de protéger et moins densifier (loi Littoral, site patrimonial remarquable, plan de prévention des risques littoraux...). Il faut une analyse de chaque site pour déterminer le bon taux d'application. Une mutualisation des objectifs à l'échelle de l'EPCI peut également être une piste de réflexion. »

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Philippe Barthélémy, maire de Saint-Cyr-sur-Mer, Var, 7 % de LLS : « Il serait judicieux de raisonner en pourcentage sur le flux de nouveaux logements plutôt qu'en stock sur le parc existant à la promulgation de la loi, compte tenu de l'histoire et de la vocation initiale de la commune quand la loi SRU a été promulguée. Permettez-nous de préciser les caractéristiques de Saint-Cyr-sur-Mer qui ont forgé l'histoire et les qualités de la commune et conduit sa politique d'urbanisation largement approuvée par ses habitants. Saint-Cyr est tout à la fois, une commune agricole, terroir des vins de Bandol, une commune littorale avec une vocation touristique saisonnière historique, une commune terroir de zones naturelles protégées par des dispositifs nationaux : loi Littoral, espaces Natura 2000, emprise du conservatoire du littoral. L'offre de logements saint-cyriens a historiquement répondu à cette triple vocation : habitat agricole dispersé, résidences secondaires au développement maîtrisé, urbanisation respectant l'existant, habitat des retraités locaux, des actifs locaux du tourisme, de l'emploi environnant et du secteur agricole, avec le respect des zones agricoles et naturelles protégées. Seulement une petite partie du territoire de la commune est constructible en zone urbaine. La mise en oeuvre de la loi SRU s'est faite ex nihilo avec un objectif de mixité sociale qui a offert une part importante aux classes moyennes actives travaillant dans la commune et à proximité. L'objectif est de favoriser des programmes d'accession aux prix contingentés, permettant aux ménages et aux jeunes actifs de vivre près de leur lieu de travail. La création des programmes immobiliers se fait avec le souci d'intégrer les nouveaux arrivants avec les équipements socio-éducatifs et culturels adaptés aux besoins des habitants : équipements sportifs, pistes cyclables, jardins familiaux... avec une bonne adaptation au tissu urbain existant, au bassin économique et d'emploi local existant. »

(4) Les plans de prévention des risques

Comme cela a déjà été souligné lors de l'examen des exemptions, la prise en compte des risques pesant sur la commune est indispensable même si ceux-ci ne dépassent pas 50 % du territoire urbanisé.

Guillaume Lissy, maire de Seyssinet-Pariset, Isère, 12 % de LLS : « Il faut différencier la prise en compte du stock et de la dynamique. Une commune peut être lestée pendant de nombreuses années par une situation complexe liée aux risques tout en étant particulièrement volontariste. Il semble aussi nécessaire de mieux prendre en compte les risques qui pèse sur les communes et qui rendent inconstructibles de nombreux terrains. Au-delà de 50 % de terrains à risque, l'amende n'est pas appliquée, à 49 %, c'est le taux maximum. La prise en compte des copropriétés fragilisées, dont le public relève des minima sociaux, dans le décompte. Améliorer les conditions de conventionnent dans le parc privé. »

(5) La demande réelle en logements sociaux et la disponibilité des bailleurs pour intervenir

Là aussi, le sujet a été abordé à travers la question des exemptions. Dans certains territoires concernés par la loi SRU, la demande effective de logements sociaux est faible. Dans d'autres, les bailleurs sociaux ne veulent pas intervenir, car les opérations ne sont pas assez importantes et parfois pas assez rentables.

Ces situations se retrouvent principalement dans les petites communes périurbaines intégrées à la loi SRU du fait de leur appartenance à des ensembles plus larges. Elles ne sont pas actuellement exemptées, mais rencontrent des difficultés réelles.

On peut penser qu'une solution leur sera apportée par l'extension du champ d'application de l'exemption pour faible tension en matière de logement social qui figure dans le projet de loi « 4 D ».

Pascal Perrin, maire d'Yzeure, Allier, 14 % de LLS : « Je souscris totalement au principe de mixité sociale instauré par la loi SRU. Je regrette toutefois qu'il concerne aussi une poignée de communes au marché immobilier très détendu dont celle d'Yzeure. C'est une anomalie qu'il faut corriger notamment via le ratio de tension qui fait apparaître pour l'agglo de Moulins une tension supérieure à Toulouse ! Le questionnaire est donc peu adapté au contexte de ma commune dont la principale contrainte est de produire des logements sociaux sans nuire à l'équilibre très fragile du marché. L'objectif de rattrapage est ainsi irréaliste et la commune se sent abandonnée de ses partenaires institutionnels. Je propose d'ajouter au ratio de tension une référence au zonage A, B, C et d'exclure du dispositif SRU et donc du prélèvement toutes les communes situées en zone C. A minima , dans les territoires relevant de la zone C, un objectif de 20 % à l'échelle intercommunale et non commune par commune aurait tout son sens. De plus, l'évolution des textes sans prendre en compte la réalité des constructions de logements sociaux peut être très pénalisante. Pour ma commune, en 2016, alors éligible à la DSU, il lui manquait 29 logements sociaux pour atteindre 15 % et être exemptée du prélèvement. Malgré une production de 227 logements sociaux (+ 34 %) de 2007 à 2019, notamment dans le cadre du projet de rénovation urbaine de Moulins Sud / Yzeure, il lui manque aujourd'hui 341 logements sociaux pour atteindre le taux de 20 %, car la commune n'est plus éligible à la DSU. Dans le même temps, elle ne peut plus mobiliser certains leviers, car le marché est très détendu : faible niveau de programmation PLUS/PLAI, arrêt du conventionnement sans travaux Anah notamment. »

(6) La situation des communes nouvelles

La consultation des maires a aussi fait apparaître que beaucoup de petites communes étaient happées par la loi SRU du fait de la création d'une commune nouvelle ou du rattachement administratif à une grande agglomération. Cette évolution non voulue est souvent un « big bang » pour ces communes. Les aménagements instaurés par la loi ELAN permettant de les exonérer pendant trois ans du prélèvement ou de leur attribuer des triennats supplémentaires sont insuffisants pour les accompagner dans la durée.

Notre collègue Gilbert Favreau, sénateur des Deux-Sèvres, a fait part à vos rapporteurs de la situation des communes de Mauléon et Bressuire au sein de la communauté d'agglomération du bocage bressuirais. Ces communes sont administrativement organisées entre une ville-centre et des communes déléguées dans un territoire à dominante rurale. Mais le décompte SRU ne tient pas compte de cette réalité et prend en considération l'ensemble des résidences. Compte tenu des réalités économiques et de la discontinuité urbaine entre les villes-centres et les communes déléguées, l'obligation de construire des logements sociaux ne pèse en réalité que sur la ville-centre. Les bailleurs sociaux ne souhaitent pas construire dans des communes rurales sans transport ni service. L'application de la loi pourrait donc conduire à porter le taux de logements sociaux à 30 voire plus de 40 % à Bressuire et à Mauléon, menaçant les équilibres sociaux de ces communes et conduisant à la création de quartiers porteurs de difficultés.

Christian Anselme, maire de Fillière, Savoie, 5 % de LLS, concernée par les obligations SRU depuis 2017 : « Permettre une mutualisation des objectifs et des moyens au niveau intercommunal ; ne pas imposer un objectif de 25 % aux communes nouvelles qui sont soumises à l'article 55 du fait de la fusion de plusieurs communes. »

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Teddy Regnier, Maire de Châteaubourg, Ille-et-Vilaine, 13 % de LLS : « Coupler le rattrapage SRU avec un dispositif "type Pinel" pour favoriser la mixité et l'équilibre financier des opérations. Remplacer l'objectif de taux global de la ville par un taux de 30 % obligatoire sur les nouvelles opérations d'aménagements ou de collectifs. Ainsi on peut continuer d'encourager les opérations de densification (construire une maison dans son jardin) sans que cela ne pénalise le taux global.

-Tenir compte des actions sociales de la ville (ex : accueil d'un centre de mineurs non accompagnés - MNA)

- Éviter l'effet "frontière administrative" entre deux villes voisines, mais n'appartenant pas à la même communauté de communes. Ex : Châteaubourg appartient à l'agglo de Vitré et est donc soumis à la loi SRU. Noyal-sur-Vilaine appartient à la communauté de communes de Châteaugiron (pourtant plus proche de Rennes) et n'est donc pas soumis à la loi SRU. C'est l'appartenance administrative qui est privilégiée plutôt que la situation géographique ou économique ».

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Michel Lafont, maire de Thue-et-Mue, Calvados, 8 % de LLS : « Dans les freins, il faut aussi voir les réticences des services de l'État à accorder des LLS dans des villages peu équipés et surtout pour des projets en extension urbaine. Faire une étude spécifique sur les communes nouvelles qui ne disposent pas de continuité urbaine (fusion de village). Contraindre l'INSEE à faire des IRIS dans les communes nouvelles de moins de 10 000 habitants pour permettre de suivre les évolutions de l'habitat dans chaque IRIS. À titre d'exemple, Thue-et-Mue est composé de six villages de 3 000/1 400/500/500/300/300 habitants. Au total nous avons 185 logements sociaux (2016) sur 2348 logements soit 7,8 %. En appliquant le PLH, et la construction de huit logements sociaux sur dix dans notre commune centre (celle de 3 000 hbts) ou six logements sur dix dans les deux plus grandes communes nous attendrions les 20 % en 2032 ! Ceci n'est pas réaliste. Je suis partisan de garder l'esprit de cette loi, mais d'adapter son application à la réalité très diverse des communes nouvelles. Il semble inconcevable que la nouvelle délimitation administrative des communes décidée par les élus locaux ait un impact sur les besoins des territoires en logements sociaux, et remettent en cause l'esprit d'une loi qui incitait les communes urbaines en production de logements sociaux. L'addition de communes rurales ne fait pas une commune urbaine. »

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Roland Moreau, maire de Moncoutant-sur-Sèvre, Deux-Sèvres, 12 % de LLS : « Revoir les critères pour les communes nouvelles en particulier, cinq communes de 1 000 habitants ne font pas un bourg de 5000 habitants. Les capacités d'intégration des petites communes ne sont pas comparables à celles des grosses. Par ailleurs il faudrait aussi prendre en compte les besoins locaux, il faut un équilibre entre l'offre et la demande sous peine de voir beaucoup de vacances et le prix de l'immobilier s'effondrer dans les territoires ruraux . »

(7) Les changements de statuts au regard de la loi SRU

Sans nécessairement que cela résulte de la création d'une commune nouvelle, une commune peut brutalement changer de statut d'un triennat à l'autre. Le cas des communes qui deviennent éligibles a déjà été évoqué, mais celui de celles qui passent du taux de 20 à 25 % méritent de l'être également. En effet, cela crée un déficit de logements sociaux soudain et irrattrapable à court terme.

Notre collègue des Pyrénées-Orientales François Calvet a ainsi
attiré notre attention sur la situation des communes de Perpignan-Méditerranée-Métropole qui ont basculé, du jour au lendemain, en août 2020, de 20 à 25 %. Alors qu'il y avait d'ores et déjà un déficit de 5 500 logements à combler, il est désormais de près de 10 000. La ville de Perpignan elle-même qui avait atteint l'objectif de 20 % accuse de nouveau un retard de 3 000 logements .

Il est bien évident que ces communes doivent être accompagnées.

(8) Les nouvelles équipes municipales

Enfin, les maires nouvellement élus ne veulent plus porter la charge des décisions des majorités municipales passées.

La loi SRU implique déjà une transformation du tissu urbain et humain des communes dont elle ne tient guère compte dans son application, sanctionner de nouvelles équipes municipales et les priver des moyens d'agir est quelque chose qui paraît injuste et qui est complètement incompris .

Nadine Le Goff-Carnec, maire de Saint-Nolff, Morbihan, 11 % de LLS : « Malheureusement ce questionnaire n'oriente que trop les décisions qui seront prises et qui s'appliquent plus à la ville qu'au monde rural pourtant concerné. Regrets : Il n'y a nulle part la place de partager la réalité de cette loi SRU, d'exprimer les incohérences de terrain et la stupidité d'une uniformisation des obligations basées sur un seuil de population, sur un taux irréalisable dont tout le monde est conscient alors que les questions ne tournent malgré cela qu'autour du taux (donc élus toujours pas entendus), sur un système punitif qui est probablement justifié pour certaines villes qui ne veulent pas créer du logement social, mais incompréhensible pour des communes qui ont la volonté, mais aussi la difficulté d'en construire. Là je ne vois aucune question sur cet aspect. Deux questions en une pour un éventuel transfert aux intercos, comment faire quand on veut répondre oui à la 1 re question, mais non pour la 2 e qui suppose un transfert de l'urbanisme ? Compétence de l'agglomération, il serait judicieux que le taux (si le système en reste là) soit à l'échelle d'un territoire et non à l'échelon d'une commune qui a dépassé le seuil de 3 500 habitants. Commune carencée il y a six ans, j'ai l'expérience d'un système qui vous met la tête sous l'eau sans entendre que vous venez d'être élue, que vous avez la volonté d'intégrer du logement (confirmé depuis par les constructions), mais que vous n'en avez pas eu le temps encore... mais le taux, rien que le taux et toujours le taux ! au final c'est un étau avec des sanctions financières lourdes de conséquences. Et au final, une seule personne pour réagir à un texte de loi qui aurait rayé la commune de la carte du Morbihan, car la pénalité était supérieure à son résultat de fonctionnement annuel par la simple privation d'une dotation. Si j'ai quelques propositions à faire : sortir du taux pour les communes de - 10 000 habitants et leur fixer un nombre de logements à construire, par seuil de 3 500 à 5 000, de 5 000 à 7 500 et de 7 500 à 10 000. - ne pas prévoir les mêmes sanctions pour une commune que pour une ville - ne pas considérer que parce que le taux n'est pas atteint, c'est la traduction d'un manque de volonté. Le principe d'obligation est bien, mais le dispositif d'application est à revoir dans sa globalité. »

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Carole Bontemps-Hesdin, maire de Reyrieux, Ain, 10 % de LLS : « L'application de la loi dans ma commune est actuellement impossible en raison d'une absence totale de prise en considération du logement social par les anciens mandats. C'est une course sans fin qui se joue avec des conséquences financières insupportables pour la commune contrainte de réaliser des infrastructures. Les sanctions ne sont pas une solution. Elles pénalisent encore plus financièrement des communes qui sont souvent en difficulté et créent de vives tensions avec les habitants, ne permettent pas d'accueillir dans de bonnes conditions les nouveaux arrivants et crispent les relations avec les services de l'État.

En revanche, plusieurs pistes pourraient être exploitées :

- adapter les objectifs quantitatifs et qualitatifs aux besoins réels de la population (inutile de construire des T5 dans les communes dans lesquelles les séniors sollicitent des T2). Seuls les maires connaissent les besoins et la typologie. La différenciation serait la bienvenue ;

- laisser davantage de logements réservés aux communes ;

- inclure dans les logements locatifs aidés les PSLA au-delà de quelques années ;

- renforcer l'accès à la propriété ;

- adapter les objectifs quantitatifs aux infrastructures des communes (école notamment) et à ses ressources ;

- rendre obligatoire les transferts de compétences PLU aux intercommunalités avec le volet habitat pour rendre cohérentes les politiques de logement sur un territoire de l'interco ;

- abaisser le quota et l'adapter en fonction du territoire intercommunal ;

- supprimer les contraintes financières et administratives (amende et droit de préemption) et remplacer par des encouragements financiers (dotation globale, subventions aux équipements) ;

- imposer des PUP aux constructeurs avec un montant minimal de prise en charge des équipements ;

- permettre aux propriétaires privés de devenir bailleurs sociaux très facilement ;

- encourager les rénovations de vieilles bâtisses susceptibles de devenir des logements ;

- de façon plus générale, revoir la politique globale d'aménagement du territoire qui consiste à concentrer les habitations dans des communes en périphérie de grandes villes alors que des dizaines de milliers de villages sont composés de logements vides et que lesdits villages ne demandent qu'à revivre... Tout le monde y gagnerait en qualité de vie (moins de transport, moins de pollution, davantage de lien social, qualité de vie, prix moins élevés, etc.). »

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