III. LA DIFFICILE ÉVALUATION DE LA PERFORMANCE DU PLAV DU FAIT DU TEMPS DE RÉPONSE DES MILIEUX

Dans la mesure où il est difficile d'intervenir sur les facteurs naturels, météorologie et morphologie des baies, la lutte contre la prolifération des ulves est uniquement concentrée sur la réduction de la teneur en nitrates des eaux , afin de priver d'azote les algues.

Toutefois, l'évolution de la concentration en nitrates des eaux littorales est un phénomène complexe, soumis à de nombreux facteurs plus ou moins maîtrisables et notamment, comme décrit plus haut, les conditions météorologiques.

A. LA TENEUR DES EAUX EN AZOTE : UN INDICATEUR PERTINENT MAIS LIMITÉ

1. Le « Q90 », indicateur actuel de la qualité de l'eau utilisé dans le programme de performance

L'évaluation de l'action 02 Eau et agriculture en Bretagne est basée dans les documents budgétaires sur le percentile 90 (Q90) calculé sur chaque point de suivi. Il s'agit de la concentration en nitrate non-dépassée par 90 % des mesures , ou en d'autres termes au seuil de concentration des eaux en nitrates pour laquelle 90 % des concentrations mesurées sont inférieures.

La cible définie par le programme annuel de performance pour 2021 est de 33,1 milligrammes de nitrate par litre d'eau en moyenne pour l'ensemble des baies algues vertes, et devrait être en 2027 de 20 mg de nitrates par litre . Ce seuil est toutefois considéré comme largement insuffisant par les associations environnementales, notamment Eaux et rivières de Bretagne, et certaines études scientifiques qui préconisent un objectif de 10 mg par litre.

Objectif de concentration en nitrates des cours d'eau des huit baies
du plan algues vertes

(en mg / l)

Année

2018

2019

2020

2021

2023

2027

Concentration-cible

39,2

36,1

34,4

33,1

30,5

20

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Lors du lancement du PLAV 1, les indicateurs retenus reposaient essentiellement sur un objectif de réduction de 30 % des concentrations en nitrates sur cinq ans par rapport aux concentrations moyennes annuelles 1999-2003 . Les modélisations réalisées par l'Ifremer ont déterminé par la suite les seuils de concentrations nécessaires à la réduction des proliférations d'algues vertes. Celles-ci sont variables selon les sites (de 10/15 mg/l sur les sites les plus sensibles à 20/25 mg/l).

Lors de la construction de leur projet de territoire, les baies ont fixé un objectif de qualité d'eau chiffré, à horizon 2021 et 2027, défini à l'échelle de la baie ou des différents exutoires de la baie. Selon les territoires, outre le Q90, les objectifs sont parfois fixés sur différentes variables, notamment la concentration moyenne annuelle ou printanière ou le flux printanier pondéré sur trois ans .

Cette variation limite d'ailleurs les comparaisons entre bassins versants. Le rapporteur spécial considère que la mise en place d'un indicateur commun à toutes les baies permettrait de consolider les informations .

Atteintes des objectifs de teneur en nitrates des eaux d'ici 2027

(en %)

Baie

Indicateur retenu

Atteinte des objectifs 2027

Douron

Q 90

23 %

Horn-Guillec

Q 90

60 %

La Fresnaye

Q 90

82 %

Lieue de Grève

Q 90

46 %

Saint-Brieuc

Q 90

82 %

Douarnenez

Concentration moyenne printanière (mai-sept., mg/l)

63 %

La Forêt

Q 90

Valeurs références pour 2027
non encore retenues

Quillimadec-Alanan

Q 90

85 %

Source : commission des finances d'après Dreal, OEB, 2020

La concentration en azote, si elle doit rester le principal indicateur, doit être appréhendée avec certaines précautions . Ainsi, un rapport de 2003 de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques 32 ( * ) , indique que des phénomènes d'eutrophisation peuvent se produire pour des concentrations en azote largement inférieures à celles prévues dans le PLAV. Selon ce rapport, lorsque la concentration en phosphore n'est pas limitante, l'eutrophisation peut se produire dès que la concentration en nitrates dépasse 1 mg/l.

2. Qui doit être appréhendé sur le temps long

L'évolution des concentrations doit s'apprécier à moyen terme. En effet, les flux de nitrates transitant par les sols puis par les nappes d'eau souterraines avant de rejoindre les cours d'eau, le temps de réponse des milieux , plus ou moins longs selon les bassins versants, est conséquent.

L'INRAE estime à une durée de 10 à 15 ans en moyenne le temps nécessaire pour que la réduction des fuites d'azote à la source produise des effets complets vers les masses d'eau littorales . Cette donnée, particulièrement importante à prendre en compte dans toute évaluation, impose une action dans la durée. Ainsi, les teneurs en nitrates enregistrées aujourd'hui sont, pour l'essentiel, le résultat d'actions engagées il y a plusieurs années. En d'autres termes, les teneurs mesurées en 2021 reflètent les pratiques lors de la mise en place du PLAV 1.

Ainsi, si les concentrations en nitrates ont baissé dans l'ensemble des baies dès la période 2010-2015, ces résultats ne peuvent être mis au crédit du PLAV 1. Un rapport d'étape du PLAV publié en 2018 par le secrétariat aux affaires régionales de Bretagne 33 ( * ) considérait que ces évolutions, pour satisfaisantes qu'elles puissent être, étaient liées à une action continue et ancienne, « sans qu'il soit possible de distinguer précisément les effets du cadre règlementaire et ceux des actions contractuelles ».

Il n'est donc pas possible de se baser sur le Q 90 comme seul indicateur des avancées du PLAV car il faut tenir compte de cette inertie des milieux. Le fait de ne faire figurer que la moyenne annuelle du Q 90 comme indicateur dans les documents budgétaires ne permet pas de rendre compte de la complexité de la mesure de la qualité de l'eau et conduit les parlementaires à avoir une vision tronquée de la situation. La MIRE indique notamment que cela « impose des analyses, voire des justifications, annuelles de son évolution, qu'il est bien difficile, pour ne pas dire impossible, de relier à des actions précises et récentes » 34 ( * ) .

C'est pourquoi le rapporteur spécial recommande d'enrichir les documents budgétaires par d'autres indicateurs de suivi des pratiques agricoles, et en particulier la pression azotée et les volumes épandus , qui figurent déjà parmi les indicateurs de suivi établis dans le cadre du PLAV par la MIRE.

Recommandation n° 9 : Compléter l'indicateur figurant dans les documents budgétaires par un suivi annuel de la pression azotée et des volumes épandus, afin d'améliorer l'information des parlementaires et du grand public.

3. Des données insuffisantes

Le centre d'étude et de valorisation des algues (CEVA) a souligné à plusieurs reprises que le taux de nitrate dans les cours d'eau et les eaux souterraines est un paramètre pertinent à suivre, à condition de l'adapter au contexte du cours d'eau, de la masse d'eau côtière dans laquelle se jette le cours d'eau et du bassin versant .

Le CEVA a identifié un manque de données de flux azotés issus des bassins versants. Ces lacunes freinent notamment la mise en place des modélisations développées par le CEVA afin d'anticiper les échouages et l'évolution de la biomasse algale. Le CEVA note toutefois qu'il ne s'agit pas tant des paramètres importants à suivre que de la fréquence à laquelle ils sont enregistrés, « afin de comprendre les liens de cause à effet entre les apports des cours d'eau et le phénomène d'eutrophisation et de mettre en place des mesures de gestion efficace » 35 ( * ) . Le rapport considère qu'il serait nécessaire de mesurer le flux journalier de nitrate, mais également de phosphate aux exutoires des principaux cours d'eau se jetant dans les baies à algues vertes.

Là encore, le rapporteur spécial note que ce constat est antérieur à la mise en oeuvre du PLAV 2 et aurait dû être intégré plus tôt. Dès 2015, le CGEDD 36 ( * ) estimait « vital de structurer et partager les données à l'échelle des bassins-versants ».


* 32 Rapport sur «la qualité de l'eau et de l'assainissement en France par M. Gérard MIQUEL, Sénateur, Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. Mars 2003.

* 33 Plan de lutte contre la prolifération des algues vertes 2017-2021, Rapport d'étape, secrétariat aux affaires régionales de la préfecture de Bretagne, 6 décembre 2018.

* 34 Réponse au questionnaire adressé par le rapporteur spécial.

* 35 Réponse au questionnaire adressé au CEVA par le rapporteur spécial.

* 36 Évaluation du volet préventif du plan 2010-2015 de lutte contre les algues vertes en Bretagne. Bilan et propositions. CGEDD-CGAEER, mai 2015.

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