II. L'OBJECTIVATION DES PHÉNOMÈNES DE FRAUDE ET LA LUTTE CONTRE LE NON-RECOURS À L'AAH : DES MISSIONS À DÉVELOPPER

A. LA FRAUDE À L'AAH : DES INCONNUES À LEVER

Les missions des MDPH, clairement énoncées par
l'article L. 146-3 du code de l'action sociale et des familles, n'incluent pas la lutte contre la fraude.

La mission de lutte contre le recours frauduleux aux prestations relève principalement des organismes payeurs, soit les CAF s'agissant de l'AAH, qui, dans le cadre de l'organisation du contrôle d'effectivité de leur prestation, peuvent suspecter un recours frauduleux.

En 2018, 40 662 contrôles de ce type ont été menés par les CAF et ont révélé des situations d'indus dans 18 % des cas, représentant 3,8 millions d'euros. Des recouvrements d'indus ont été effectués pour un montant de 1,4 million d'euros. La CNAF estime donc que l'AAH ne représente pas une prestation à fort risque de fraude. Les indus frauduleux sont estimés (à partir d'une extrapolation des contrôles réalisés) dans un intervalle compris entre 31 millions d'euros et 123 millions d'euros 12 ( * ) . Par comparaison, les indus frauduleux du revenu de solidarité active (RSA) sont estimés entre 811 millions d'euros et 1 164 millions d'euros.

La Cour des comptes pointe cependant un « angle mort » en matière de lutte contre la fraude, dans la mesure où les CAF n'axent leurs contrôles que sur la vérification des conditions de ressources et non sur l'éligibilité, qui relève des MDPH. Il y a tout de même lieu de rappeler qu'il appartient à l'équipe pluridisciplinaire d'assurer un travail de vérification de la cohérence des éléments transmis ou recueillis complété par une rencontre avec la personne quand une incohérence apparaît exister et qu'en tout état de cause les propositions sont faites sur la base des éléments constatés et pas seulement sur les éléments reçus. En outre, les CAF ont la possibilité de saisir la MDPH à des fins de nouvel examen de la situation du demandeur 13 ( * ) .

Si le phénomène de dépôt de demandes frauduleuses reste marginal selon les acteurs entendus par les rapporteurs spéciaux, son objectivation constitue bien un axe d'amélioration de la gestion de l'AAH par les MDPH (voir recommandation n° 8).

B. LA LUTTE CONTRE LES PHÉNOMÈNES DE NON-RECOURS NE DOIT PAS ÊTRE PERDUE DE VUE

a) Comme en matière de fraude, la nécessité d'un travail d'objectivation des phénomènes de non-recours à l'AAH

Les rapporteurs spéciaux considèrent que l'objectif, légitime, de lutte contre la fraude doit avoir pour corollaire, dans une même logique de juste accès au droit, la lutte contre les phénomènes de non-recours.

Là encore, ces phénomènes complexes doivent être mieux objectivés et appréhendés . Les différentes études ont en effet montré que les déterminants du non-recours aux prestations sociales sont nombreux. Ils tiennent principalement à un manque d'information sur la prestation ou sur les conditions d'éligibilité, aux procédures complexes et à une volonté d'autonomie des personnes (souhait de s'en sortir soi-même, refus de dépendre de l'aide sociale et d'être considéré comme un « assisté », volonté de ne pas rendre des comptes ou de faire l'objet de contrôle...).

Le RSA a fait l'objet d'une étude en 2012, qui a évalué à environ un tiers des personnes éligibles le non-recours au RSA « socle » 14 ( * ) , et qui ne trouve pas d'équivalent pour l'AAH.

Les associations jouent un rôle très important dans la diffusion des informations à l'AAH, comme l'ont souligné les autorités nationales entendues par les rapporteurs spéciaux, qui n'identifient ainsi pas de risque majeur de non recours à l'AAH. Pourtant, ce sont ces mêmes associations qui, dans le cadre de leur audition, ont alerté les rapporteurs spéciaux sur la nécessité de renforcer les missions d'information et d'accompagnement des MDPH pour favoriser l'accès aux droits. L'argument parfois employé selon lequel le dynamisme de l'AAH prouve un taux de recours satisfaisant n'est pas parfaitement convainquant : l'exemple du RSA atteste en outre qu'un fort dynamisme de la prestation ne signifie pas en soi l'absence de non-recours.

En tout état de cause, l'association des MDPH à une démarche d'objectivation des phénomènes de non-recours à l'AAH, au même titre que ceux liés à la fraude, participerait d'une meilleure connaissance de la prestation.

Recommandation n° 8 : associer les MDPH à une démarche d'objectivation des phénomènes de fraudes et de non-recours à l'AAH.

b) Lutter contre le non-recours à l'AAH en renforçant la mission d'information des MDPH

La lutte contre le non-recours découle directement des missions légales d'information et d'accompagnement qui incombent aux MDPH.

L'un des principaux leviers de lutte contre le non-recours identifié est le développement de la territorialisation des accueils des MDPH.

Selon la CNSA, 65 MDPH disposent de points d'accueil dans les territoires et les bassins de vie , via l'installation d'antennes de la MDPH ou l'organisation d'une permanence au sein de structures territoriales relais, comme les antennes polyvalentes des départements ou les centres communaux et intercommunaux d'action sociale (CCAS et CIAS). Le déploiement des Maisons France services constitue également une opportunité de renforcement de la présence des MDPH sur le territoire.

Nombre de lieux d'accueils et d'information dont dispose la MDPH
dans le département (échantillon : 96 MDPH)

Source : CNSA, enquête annuelle 2019

Constatant que près d'un tiers des MDPH ne se sont pas inscrites dans une telle démarche de territorialisation de leur activité d'accueil et d'information, les rapporteurs spéciaux considèrent que cette démarche doit être amplifiée et généralisée.

Recommandation n° 9 : généraliser, dans une logique d' « aller vers » et de lutte contre le non-recours à l'AAH, la mise en place de points d'accueils territorialisés des MDPH.


* 12 Source : réponses au questionnaire budgétaire.

* 13 Article R. 821-5 du code de l'action sociale et des familles.

* 14 Domingo P. et Pucci M., 2012, « Les non-recourants au RSA », », l'e-ssentiel n° 124, Cnaf, juillet 2012.

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