EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 24 NOVEMBRE 2021

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M. Laurent Lafon , président . - Notre ordre du jour appelait initialement ce matin l'examen des avis budgétaires consacrés aux crédits alloués à la « Création », aux « Patrimoines », au « Cinéma » et à l'« Action culturelle extérieure » au sein du projet de loi de finances pour 2022.

Le rejet de la première partie du texte hier après-midi dans l'hémicycle, qui a entrainé le rejet de l'ensemble du projet de loi de finances nous contraint cependant à transformer ces avis législatifs en rapport d'information.

Cette solution permet de prendre acte du rejet du texte par le Sénat tout en permettant à nos rapporteurs de faire connaître leurs analyses sur les missions, les crédits et les politiques publiques relevant de leurs compétences respectives.

Je cède la parole à Sabine Drexler pour nous présenter son rapport sur les crédits consacrés aux « Patrimoines ».

Mme Sabine Drexler , rapporteur . - Monsieur le président, mes chers collègues, vous ne serez guère surpris d'apprendre que les crédits du programme 175 « Patrimoines » sont eux aussi en progression en 2022, de l'ordre de 3 % en autorisations d'engagement (AE) et de 1 % en crédits de paiement (CP). À l'exception de l'action sur laquelle sont inscrits les crédits d'acquisition et d'enrichissement des collections publiques, dont le niveau demeure inchangé, toutes les actions du programme voient leurs crédits croître pour accompagner l'action de l'État en matière de patrimoine bâti, de musées, d'archives et d'archéologie préventive.

J'ai néanmoins choisi de concentrer mon propos sur la question du soutien de l'État au patrimoine bâti, dans la mesure où le Président de la République avait, en 2018, fait de cette question une « cause nationale ». Il me semblait intéressant de voir dans quelle mesure cette annonce avait été suivie d'effets pendant le reste du quinquennat.

En termes de financement, les cinq dernières années ont indéniablement été marquées par une progression continue des crédits destinés au patrimoine.

C'est particulièrement vrai pour le patrimoine protégé, dont le niveau des crédits a littéralement explosé à compter de 2021 grâce à l'apport du plan de relance. Le soutien de l'État devrait atteindre l'année prochaine 470 millions d'euros : ce niveau n'avait jamais été atteint au cours des vingt dernières années.

Cet effort exceptionnel a eu deux effets positifs.

D'une part, il a permis de combler les retards enregistrés au cours des dernières années en matière de restauration en raison du niveau insuffisant des dotations. Je pense, par exemple, à l'enjeu que constitue le plan « cathédrales », après le drame de Notre-Dame et celui de la cathédrale de Nantes.

D'autre part, il a permis aux entreprises de restauration du patrimoine de surmonter la crise sanitaire. Elles qui étaient dans une situation fragile au début du quinquennat ont recommencé à embaucher, ce qui est très positif compte tenu du besoin que nous avons de disposer d'une main d'oeuvre qualifiée dans l'ensemble des territoires. Il reste à savoir si le soutien de l'État demeurera à hauteur suffisante dans les années à venir pour conserver un tel niveau d'activité, sinon les débouchés créés pourraient se refermer rapidement.

L'engagement financier de l'État s'est également orienté en direction du petit patrimoine, sans doute par volonté de s'appuyer sur celui-ci comme levier de revitalisation des centres anciens et d'attractivité des territoires. J'en veux pour preuves l'augmentation de 30 % des crédits d'intervention déconcentrés de l'action 2 « Architecture et espaces protégés » ; la création du Loto du patrimoine dont la moitié des projets concernent du patrimoine non protégé ; ainsi que le soutien apporté par le Gouvernement à la proposition de notre collègue Dominique Vérien d'étendre le champ géographique d'application du label de la Fondation du patrimoine, qui a des conséquences directes pour l'État en termes de dépenses fiscales.

Il est dommage que ces différents dispositifs n'aient pas été complétés par une réforme de la fiscalité « Malraux » compte tenu de l'effet puissant que pourrait avoir cet outil pour inciter à la revitalisation des centres anciens.

Cette remarque mise à part, vous aurez compris que mes réserves sur l'action de l'État en direction du patrimoine portent moins sur l'aspect financier stricto sensu que sur un certain nombre d'enjeux qui ne m'apparaissent pas suffisamment pris en compte et traités par le ministère de la culture.

Le premier de ces enjeux, c'est la nécessité pour l'État de mieux accompagner les communes et les propriétaires privés dans leurs projets de restauration.

D'une part, parce que ce sont les deux catégories de propriétaires dont la part de monuments historiques en état de péril est la plus élevée : il s'agit donc d'un enjeu pour l'amélioration de l'état sanitaire du patrimoine.

D'autre part, parce que les crédits de l'État gagneraient en efficience si ces deux catégories de propriétaires parvenaient à lancer davantage d'opérations. Les crédits que l'État leur accorde ont un effet de levier, contrairement à ceux qu'il consacre à ses propres monuments : ils créent donc davantage d'activité pour la filière de la restauration.

Cette question ne se résume pas à une simple difficulté financière, même si, sur ce sujet, je suis favorable à ce que l'efficacité du fonds incitatif et partenarial pour les petites communes en difficulté soit renforcée afin de réduire les obstacles financiers qui empêchent le lancement de certains projets. Il me paraitrait important que l'État en fasse davantage la publicité auprès des communes rurales et qu'il en accroisse la dotation, car il s'agit d'un outil très pertinent.

À mes yeux, ce qui manque surtout aux communes et aux propriétaires privés, c'est un accompagnement technique pour lancer leurs projets de restauration car ils n'ont pas l'ingénierie nécessaire pour assumer correctement leur mission de maitre d'ouvrage. Sauf dans quelques régions, les services de l'État n'offrent plus d'assistance à la maitrise d'ouvrage, par manque d'effectifs au sein des DRAC (direction régionale des affaires culturelles) et des unités départementales du patrimoine et de l'architecture. Ce n'est pas la première fois que nous déplorons l'insuffisance des effectifs pour permettre aux DRAC et aux architectes des bâtiments de France (ABF) de disposer de suffisamment de temps pour se rendre sur le terrain et remplir leurs missions de conseil. En voilà encore un autre exemple criant. C'est pourquoi je crois urgent que le Gouvernement confie aux services d'inspection une réflexion en matière d'assistance à maîtrise d'ouvrage.

Le deuxième sujet sur lequel un engagement plus fort de l'État me parait nécessaire, c'est celui de la promotion des métiers de la restauration du patrimoine.

La transmission des savoir-faire en matière de patrimoine bâti constitue un enjeu essentiel pour l'avenir de la préservation du patrimoine. Or, si l'offre de formation est assez riche, on constate aujourd'hui une crise des vocations qui pourrait avoir des effets terribles d'ici quelques années, compte tenu du vieillissement des artisans. Il faut donc l'enrayer à temps.

Les métiers de la restauration du patrimoine sont aujourd'hui peu attractifs et, comme la plupart des métiers manuels, ils ne sont guère valorisés au sein de la société ou même de l'éducation nationale.

Je vois deux leviers d'action que pourrait mobiliser le ministère de la culture pour améliorer l'image de ces métiers. En premier lieu, l'éducation artistique et culturelle pourrait être développée pour sensibiliser dès leur plus jeune âge les élèves à l'existence de ces métiers. Il ne faut surtout pas laisser passer l'occasion de l'extension du Pass culture aux collèges à compter de janvier prochain et insérer dans le catalogue des visites de chantier et des ateliers de restauration du patrimoine pour les élèves.

En second lieu, il faut s'appuyer sur les grands chantiers des monuments historiques appartenant à l'État, dans la mesure où ils sont susceptibles par leur caractère emblématique de drainer un public plus large. L'État trouverait là une occasion en or de justifier doublement la préférence qu'il a accordée aux grands chantiers dans le cadre du plan de relance. Il n'est peut-être pas trop tard pour rectifier le tir. L'enjeu existe aussi pour le chantier de Notre-Dame. Il est dommage que le Village des métiers n'ait été installé qu'à l'occasion de la dernière édition des Journées du patrimoine.

Enfin, le troisième et dernier sujet qui me préoccupe, c'est l'absence de crédits inscrits dans le programme « Patrimoines » en faveur de la transition énergétique du patrimoine bâti, alors que vient d'être adoptée la loi « Climat et résilience » qui fixe de nouvelles obligations pour renforcer et accélérer la rénovation des logements.

Dans la mesure où le bâti ancien ne peut pas être rénové selon les mêmes modalités que le bâti moderne pour ne pas y causer des dégradations irréversibles, il me paraitrait assez cohérent que des crédits du ministère de la culture soutiennent la transition énergétique de ces bâtiments afin d'en garantir la préservation. Si les conditions d'examen du projet de loi de finances avaient été différentes cette année, je vous aurai sans doute proposé un amendement en ce sens.

De façon générale, j'ai le sentiment que le ministère de la culture ne peut pas abandonner cet enjeu au seul ministère de la transition écologique. C'est à lui de montrer que la protection du patrimoine n'est pas contradictoire avec l'enjeu climatique et que la restauration du patrimoine ancien s'inscrit davantage dans une logique de développement durable qu'une construction neuve.

C'est la raison pour laquelle il me semblerait utile que le ministère de la culture oriente davantage son action en faveur de la réutilisation des bâtiments. On sait que le patrimoine reste encore souvent perçu comme un coût. Le meilleur moyen de faire accepter la dépense de restauration, c'est de redonner au patrimoine une nouvelle fonction et de rendre ainsi l'opération vertueuse en termes de développement durable, d'amélioration du cadre de vie et de renforcement de la cohésion.

Je tiens à remercier plusieurs collègues qui m'ont aidée à entrer dans mes fonctions de rapporteur. Je pense à Philippe Nachbar, qui a été rapporteur de ces crédits pendant de nombreuses années, mais aussi à Michel Dagbert et Sonia de La Provôté qui ont réalisé un excellent rapport d'information en 2020 sur « les maires face au patrimoine historique architectural ». Leurs travaux m'ont beaucoup inspirée et vont continuer à le faire, car je souhaite que nous puissions continuer à aller plus loin, notamment sur la mise en oeuvre de ces recommandations.

Je remercie également Else Joseph qui a bien voulu me représenter, à deux reprises et au pied levé, notamment lors de l'audition de Roselyne Bachelot, et que j'associerai autant que possible à mes travaux.

Je remercie enfin toutes les personnes que j'ai pu auditionner pour préparer ce rapport.

J'en terminerai sur cette note positive qui démontre, je le souhaite, que notre patrimoine a encore de beaux jours devant lui à la condition que l'État renforce son action dans plusieurs directions. Le niveau des crédits en 2022 s'y prête. Il ne faut pas laisser passer l'occasion.

Mme Sonia de La Provôté . - Le rapporteur nous a présenté une analyse très complète de la situation. Le budget de l'État consacré aux patrimoines dépasse en 2022 le milliard d'euros. C'est significatif. Mais, il reste néanmoins des sujets itératifs pour lesquels les orientations des politiques publiques en matière de patrimoine doivent évoluer.

Nous sommes à la croisée des chemins en matière de politique gouvernementale. Il ne faudrait pas que des injonctions, notamment en matière environnementale, se transforment en injonctions contradictoires. Les mises aux normes énergétiques ou d'accessibilité modifient de manière drastique le bâti - et les échéances pour le faire sont proches. Dans le même temps, les questions liées au patrimoine et à sa préservation semblent perdre de leur prégnance dans la prise de décisions dans nos territoires.

La question des écoles d'architecture n'est toujours pas réglée, notamment en ce qui concerne les contenus pédagogiques. Nous avons déjà regretté par le passé que les architectes spécialisés sur le patrimoine ne soient pas forcément formés aux questions de mises aux normes.

Les outils fiscaux existants ne sont pas les bons, qu'il s'agisse du dispositif « Malraux » ou du « Denormandie », qui concerne la mise aux normes dans le bâti ancien. Ils ne sont pas articulés avec les politiques publiques telles que « Action coeur de ville ». En effet, ce n'est pas parce que le patrimoine des centres anciens à rénover n'est pas inscrit ou classé qu'il ne mérite pas d'être protégé. Il est urgent d'avoir une vision globale qui dépasse la seule question du patrimoine protégé au titre des monuments historiques.

Les crédits alloués à l'entretien ont été déconcentrés et il en ressort une absence de priorité. Or, l'entretien doit être une priorité budgétaire : bien réalisé, il permet de dégager des marges de crédits importantes pour de la remise à niveau, voire le sauvetage d'éléments du patrimoine.

J'en viens maintenant au patrimoine vernaculaire, le « petit patrimoine ». Il participe à notre patrimoine commun et constitue nos paysages, notre qualité de vie et la mémoire commune de nos concitoyens. Toutes les communes de France sont concernées.

Depuis plusieurs années, il n'y a plus d'assistance à maîtrise d'ouvrage de la part des services déconcentrés. Nous le signalons et le regrettons depuis des années. De nombreuses communes n'ont pas la compétence pour le faire. De plus en plus d'églises font l'objet d'arrêtés de péril. La mise en place de communes nouvelles a accentué cette problématique : il n'est pas rare, sur le territoire de ces communes, qu'il y ait sept ou huit églises classées à remettre à niveau. Lorsque l'État faisait de l'assistance à maitrise d'ouvrage, il y avait une compétence, qui fait aujourd'hui défaut, mais aussi de l'anticipation financière, une bonne connaissance des réseaux et des financements plus assurés. Beaucoup de personnels des DRAC sur le terrain veillaient à l'entretien du patrimoine. Il y avait une meilleure anticipation des besoins nécessaires pour maintenir et remettre à niveau le patrimoine.

Sur le fonds incitatif et partenarial pour les petites communes rurales à faibles ressources, le compte n'y est pas en matière de co-construction des choix et des décisions. Tout se fait entre la région et la DRAC, qui décident seules les projets qui profiteront des fonds. Il est nécessaire de renforcer le dialogue entre tous les échelons de collectivités et l'État dans les territoires.

Mme Marie-Pierre Monier . - Je remercie Sabine Drexler pour la pertinence de son analyse de ce programme 175 qui représente une part importante du budget de la culture.

Si les crédits de ce programme se maintiennent au-dessus d'un milliard d'euros, il y a un net ralentissement du niveau des augmentations : + 2,78 % en crédits de paiement (CP), + 1,02 % en autorisations d'engagement (AE) par rapport à l'an dernier. Le programme « Patrimoines », qui représentait un tiers du budget de la mission « Culture » en 2021, en représente moins de 30 % en 2022.

Cette moindre augmentation est d'autant plus préoccupante que le patrimoine a continué de souffrir des conséquences de la crise sanitaire et en particulier de la moindre présence de touristes étrangers pendant une partie de l'année 2021.

Certes, la dernière loi de finances rectificative pour 2021 attribue des moyens supplémentaires (234 millions d'euros) à plusieurs opérateurs en grande difficulté en raison d'un modèle économique fondé sur une part importante de ressources propres. Mais c'est l'ensemble du secteur du patrimoine qui a besoin de moyens pérennes, soit pour soutenir une activité encore affaiblie, soit au contraire pour pouvoir répondre aux sollicitations engendrées par le plan de relance.

Je pense notamment à l'archéologie préventive. L'institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) prévoit une forte augmentation des chantiers de diagnostics pour lesquels le respect des délais de réalisation est l'une des conditions de la prospérité du projet d'aménagement concerné. J'y reviendrai dans quelques instants, mais pour tenir les délais, les services d'archéologie préventive doivent disposer de moyens suffisants notamment en personnels qualifiés.

Au-delà de l'archéologie préventive, les collectivités et notamment les plus petites d'entre elles ont besoin de plus de soutien pour assurer la sauvegarde et l'entretien du patrimoine dont elles ont la charge.

Je pense que nous devons avoir un regard particulier sur l'équilibre de la répartition territoriale des crédits : non seulement ils contribuent à l'accès de tous à la culture, mais aussi ils financent des structures d'intermédiation (associations, musées, parfois services spécialisés des collectivités) dont le rôle est indispensable pour faire découvrir et expliquer, notamment aux plus jeunes, des pans de la culture vers lesquels ils n'iraient peut-être pas spontanément.

J'en viens au contenu des actions. Pour l'action 1, avec 450 millions d'euros en AE, les crédits pour les monuments historiques et le patrimoine monumental augmentent de 7,16 % mais restent quasi stables en CP à 433 millions d'euros.

Cette année, les crédits en faveur de l'entretien et de la restauration des monuments historiques, hors grands projets, sont stables à environ 355 millions d'euros. On note simplement une petite augmentation d'un million d'euros en crédit de paiement des moyens du fonds incitatif et partenarial pour les monuments historiques des collectivités à faibles ressources, dont les crédits relèvent de l'enveloppe allouée aux monuments appartenant aux collectivités territoriale et aux propriétaires privés. Il est important que ce fonds bénéficie d'une plus forte publicité pour garantir que ses crédits soient consommés.

Quant aux crédits d'investissement déconcentrés mis à disposition des DRAC pour la restauration de monuments historiques appartenant à l'État et principalement destinés à financer des travaux de mise en sécurité des cathédrales, ils augmentent de deux millions d'euros.

Je constate que l'augmentation marquée au PLF 2021 est malheureusement stoppée concernant ces crédits avec une stabilité qui, compte-tenu de l'inflation, se traduira donc par une baisse des moyens réels consacrés à la restauration du patrimoine.

Je voudrais aussi en profiter pour dire un mot sur les difficultés d'accès à l'assistance à maitrise d'ouvrage (AMO) pour les propriétaires de monuments historiques. Si les services de l'État, en l'occurrence les UDAP, peuvent apporter ce service parfois gratuitement aux propriétaires, de nombreuses UDAP n'ont pas les moyens nécessaires en personnel pour proposer ce service. Aussi, bien qu'il soit possible - comme me l'avait indiqué la ministre l'année dernière lors de l'examen de l'un de mes amendements à ce sujet - d'avoir recours à un prestataire privé et d'intégrer les coûts dans les montants éligibles à l'aide de l'État, la réalité est autre : de trop nombreuses communes ne le font pas et renoncent du même coup à leur projet, faute d'assistance à maîtrise d'ouvrage. C'est un problème important qu'il faudra parvenir à prendre en considération dans les prochaines années.

En ce qui concerne l'action 2 « Architecture et espaces protégés », les crédits sont en hausse de 8,9 % avec 35 millions d'euros en AE et CP, après quatre exercices budgétaires de stagnation.

Je me réjouis que cette hausse concerne les crédits déconcentrés qui iront soutenir les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) ou le réseau des Villes et Pays d'art et d'histoire qui font, les uns et les autres, un travail remarquable au service des collectivités. Je pense notamment au CAUE de la Drôme.

Par contre, je m'étonne à nouveau de la stabilité, pour le cinquième exercice budgétaire consécutif, des moyens consacrés au développement des sites patrimoniaux remarquables, dont le bleu budgétaire souligne pourtant l'importance dans le cadre des programmes « Action coeur de ville » ou « Petites villes de demain ».

Les crédits de l'action 3 « Patrimoine et musées de France » sont en hausse de 2,68 % en AE (386 millions d'euros) mais seulement de 0,35 % en CP. Si les dépenses de fonctionnement - les subventions aux musées nationaux - sont en légère hausse à 301 millions d'euros, les dépenses d'intervention destinées aux actions en région sont en stagnation à 35,5 millions d'euros en CP.

Je regrette que la hausse des crédits en faveur des petits musées, saluée l'an dernier, ne soit pas poursuivie cette année. Cela porte préjudice au développement touristique et économique de nos communes et de nos territoires.

À l'action 4, je note à nouveau qu'après une année de nette réévaluation, les crédits de cette action sont en baisse de 5,08 % à 34,57 millions d'euros en CP. Pour autant, les crédits déconcentrés pour les services d'archives territoriales ne sont pas augmentés, alors même que le reliquat de 10 millions d'euros de crédits du plan de relance prévus pour soutenir les investissements des collectivités à la fois pour les archives, les musées et l'archéologie reste nettement en deçà des besoins.

Cela m'amène à l'action 9 « Patrimoine archéologique » : les crédits sont en légère hausse de 1,12 % à 145,5 millions d'euros, soit 1,6 million d'euros supplémentaires.

En fait, la majeure partie de la hausse du budget de cette action correspond à un transfert interne du programme 361 de la mission culture de 1,208 million d'euros en AE et 1,077 million d'euros en CP correspondant aux moyens du département de recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines.

La mission de service public de l'INRAP est revalorisée de près de 2 %. Toutefois, je regrette que le montant de cette revalorisation (1,5 million d'euros) soit retiré en grande partie des subventions destinées aux services d'archéologie départementaux agréés. Au regard de l'augmentation prévisible des diagnostics d'archéologie préventive, ce glissement ne paraît pas opportun et une véritable augmentation des moyens serait nécessaire.

Pour conclure, le budget du programme Patrimoine pour 2022 n'est clairement plus un budget de crise. Les augmentations affichées sont des trompe-l'oeil qui masquent, dans la réalité, au mieux une stabilité, notamment concernant la restauration et l'entretien des monuments historiques appartenant aux collectivités ou à des propriétaires privés, les sites patrimoniaux remarquables ou les petits musées de province.

Mme Else Joseph . - Je remercie notre rapporteure pour ce travail riche et précis. La question du patrimoine est plus que jamais d'actualité en raison de la crise sanitaire que connaît notre pays. L'année dernière, notre collègue Philippe Nachbar avait rappelé que la crise avait fortement affecté les entreprises engagées dans le patrimoine. Elles sont inquiètes compte tenu des incertitudes sur l'avenir, car elles dépendent beaucoup des commandes de l'État.

Comme mes collègues l'ont dit, il y a un manque patent sur les territoires d'ingénierie dont souffrent les collectivités territoriales et les propriétaires privés pour mener à bien un projet de restauration du patrimoine et la complexité des dossiers à monter.

Je déplore également la faible information sur le fonds incitatif et partenarial. Celui-ci reste mal connu des communes rurales auquel il est pourtant destiné et ses conditions d'activation restent opaques et trop souvent dans la main des DRAC. Or, ce sont souvent dans les communes les plus petites que se trouvent aujourd'hui le patrimoine à protéger. Serait-il envisageable que les DRAC assurent une mission d'assistance à maîtrise d'ouvrage ? J'avais interrogé la ministre sur la faible publicité de ce fonds et la possibilité d'accroitre sa dotation, quitte à prendre des crédits jusqu'à alors réservés aux monuments historiques.

On ne peut que se réjouir des crédits complémentaires du plan de relance en faveur du patrimoine qui viennent compléter les crédits du programme 175. C'est le cas pour l'accélération du chantier de Villers-Cotterêts ou du plan « cathédrales ». On peut saluer la multiplicité des financements. Espérons qu'ils seront consolidés et se concrétiseront au-delà des effets d'annonces !

Je me réjouis également de l'augmentation des crédits dédiés à l'architecture via les réseaux territoriaux, par exemple le label Villes et Pays d'art et d'histoire (autour de 3 millions d'euros), auxquels nous sommes tous très attachés. Cette volonté de donner une priorité aux travaux est intéressante. Mais elle s'inscrit dans un contexte d'incertitudes marqué en particulier par la question cruciale de la transmission des savoir-faire. Ces aspects ne sont pas neutres au regard de la faible exécution des crédits dédiés du plan de relance liés à la restauration du patrimoine - ils avoisinent un taux d'exécution de 30 %.

Il faut également poursuivre sur la voie de l'exonération pour créer davantage d'incitations à rénover le patrimoine. Les leviers fiscaux sont un autre outil important.

Sait-on déjà quels sont les monuments à qui profiteront les crédits de la mission en 2022 ? Y a-t-il des évolutions par rapport à l'année dernière ? Vous avez également évoqué le Loto du patrimoine. Les équilibres sont-ils les mêmes que l'an dernier ?

Enfin, je conclurai en évoquant les inquiétudes sur la fréquentation des musées : en raison de la crise de la covid et de la baisse de la fréquentation, certains musées ont réduit leurs horaires, notamment en renonçant à des ouvertures nocturnes. Ne faudrait-il pas au contraire élargir les horaires ? La National Gallery à Londres ouvre une fois par semaine jusqu'à 21 heures.

M. Pierre Ouzoulias . - Je salue la grande maîtrise de votre ouvrage. Lorsque j'étais jeune conservateur, un dossier était porté politiquement : celui de la conservation « du troisième type ». Nous ne voyions pas très bien à quoi cela correspondait. La notion de patrimoine doit déborder le cadre restrictif du classement. J'ai notamment été étonné de voir qu'il pouvait y avoir une dimension environnementale dans le fait de conserver des bâtiments anciens, même s'ils ne sont pas de grande importance historique. En effet, ils permettent des économies de moyens, d'espace et de matériaux. Je partage la nécessité d'une aide fiscale spécifique.

Tout comme Sonia de La Provôté, je suis très sensible à la reconversion à venir des bâtiments, notamment cultuels. De nombreuses communes vont être bloquées en raison de l'ampleur de la tâche. Transformer une église est un ouvrage compliqué. Mais dans le même temps, on ne peut pas laisser des bâtiments désaffectés, sans entretien et vides. C'est un non-sens patrimonial.

Il me semble également intéressant d'analyser les conséquences de la fin de l'avis conforme des ABF suite aux dérogations mises en place il y a quelques années afin de voir si cela a permis une simplification des procédures. Je n'en suis pas persuadé.

Le président du Centre des monuments nationaux (CMN) nous a alertés à plusieurs reprises sur la nécessité de maintenir la péréquation entre les différents monuments. Dans le cas contraire, un certain nombre de monuments un peu moins visités dans les territoires risqueraient d'être transférés aux collectivités car le CMN n'aura plus les moyens de les entretenir.

Enfin, en ce qui concerne Villers-Cotterêts, le CMN ne doit pas être la « vache à lait ». L'État a une façon de considérer ses opérateurs qui est inadmissible. On rajoute des charges supplémentaires à un opérateur qui n'en a pas besoin.

Mme Monique de Marco . - Les musées et les monuments nationaux ont connu une baisse de fréquentation de 78 % en 2020 par rapport à 2019. En 2021, elle est légèrement remontée, même si elle reste inférieure à son niveau d'avant la pandémie. Le budget de la culture augmente globalement, et celui du patrimoine n'y fait pas exception, avec l'aide du plan de relance.

Certains très grands opérateurs, même avec des financements étatiques importants, n'arrivent pas à couvrir leurs pertes liées à la covid. Je pense au Louvre, au musée d'Orsay ou au château de Versailles.

Ces crédits sont répartis entre le budget « classique » du programme 175 et le plan de relance. L'existence de deux budgets distincts semble poser une difficulté dans l'administration des crédits par les DRAC car les lignes ne sont pas fongibles, entraînant une surcharge de travail et un manque de souplesse nuisant à leur utilisation efficace.

130 millions d'euros sont consacrés au plan « cathédrales » (80 millions d'euros du plan de relance au titre de la restauration, 48 millions d'euros pour la conservation et 12 millions d'euros pour la mise en sécurité) auquel s'ajoute le chantier de Notre-Dame de Paris financé à part. Cette multiplication des financements dans un temps très court ne risque-t-elle pas d'engendrer des problèmes dans le lancement des travaux ? Certes il y aura du travail pour les entreprises de restauration, mais une attention toute particulière devra être faite sur le recrutement des personnels qualifiés.

Je conclurai par le chantier de sécurisation et de consolidation de Notre-Dame. 12 millions d'euros ont été consacrés à la dépollution du plomb, matériau extrêmement dangereux. Son usage pose des problèmes. Aussi je ne comprends pas cette obstination à vouloir reconstruire à l'identique avec ce même matériau. Je vous alerte sur les conséquences de son usage.

Mme Sabine Drexler , rapporteur . - Le patrimoine est un atout pour les territoires, que ce soit en matière économique ou d'attractivité. J'ai noté vos préoccupations vis-à-vis de la fin de l'avis conforme des ABF. L'entretien et la conservation des églises sont un vrai enjeu. Il me semble également nécessaire de développer l'ingénierie afin que tous les crédits soient bien utilisés. Je partage également vos remarques sur la nécessité d'éviter des injonctions contradictoires en matière de transition énergétique.

Mme Catherine Morin-Desailly . - Je souhaite vous sensibiliser sur le suivi des dons pour la restauration de Notre-Dame de Paris. La fondation du patrimoine, où je siège, souhaite être bien informée de la manière dont les dons sont dépensés et orientés.

Mme Sabine Drexler . - Ce sujet n'a pas été évoqué lors des auditions, mais la commission a entendu le général Jean-Louis Georgelin en septembre au sujet du chantier de Notre-Dame.

M. Laurent Lafon , président . - Je salue le travail de notre rapporteure dont c'était le premier avis budgétaire - certes examiné dans des circonstances particulières.

Il nous reste à autoriser la publication du rapport.

La commission de la culture autorise la publication du rapport d'information.

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