III. CES DIFFICULTÉS MANIFESTES DOIVENT PERDURER À COURT, MOYEN ET LONG TERMES

Cette situation de tension sur le système électrique doit perdurer sur trois périodes : jusqu'en 2024, d'ici 2030 et à l'horizon 2050.

Tout d'abord, les deux prochains hivers seront très difficiles.

Dans son bilan prévisionnel 2021 42 ( * ) , RTE a rappelé que « depuis 2017, toutes les analyses précédentes publiées par RTE [...] ont montré que la période 2021-2023 serait la plus à risque pour la sécurité d'approvisionnement ».

Cela s'explique par une conjonction de facteurs : la rénovation du parc nucléaire, l'attrition des centrales à charbon, les retards dans les projets éoliens et solaires et le chantier de l'EPR de Flamanville 3, mais aussi la réduction de capacités de production pilotables d'autres pays européens.

À cela s'ajoute « une désoptimisation des programmes d'arrêts pour maintenance des réacteurs nucléaires , entraînant des conséquences durables dans leur programmation au cours des prochains hivers ».

Le Grand Ouest du pays est particulièrement vulnérable 43 ( * ) , tant que l'EPR de Flamanville 3 n'a pas succédé à la centrale à charbon de Cordemais ; selon RTE, il n'y a en revanche pas d'impact territorial lié à l'attrition des centrales à charbon (Saint-Alvode, Gardanne ou Le Havre).

C'est aux heures de pointe, entre 8 et 13 heures et entre 17 h 30 et 20 h 30, que les risques sont les plus élevés 44 ( * ) .

En deuxième lieu, des marges de manoeuvre ne pourront être retrouvées qu'après 2030.

Selon RTE, en cas d'atteinte des objectifs de production et de consommation fixés par la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) et la stratégie nationale bas-carbone (SNBC), « il [...] résulte, à l'horizon 2030, une sécurité d'approvisionnement renforcée par rapport à aujourd'hui ».

Sur le plan de la consommation, si la consommation croîtra d'ici 2030, pour s'établir à 480 TWh, l'effort conduit en direction de l'efficacité énergétique, c'est-à-dire l'optimisation et la réglementation de l'éclairage, de la cuisson et du chauffage, ou le pilotage de la demande énergétique, via les effacements de consommation ou le stockage par l'hydrogène ou les batteries, sera de nature à faciliter sa maîtrise.

Sur le plan de la production, si 4 réacteurs nucléaires devaient être fermés d'ici 2030, en application de l'actuelle PPE 45 ( * ) , les énergies renouvelables croîtront d'ici 2030, tant pour le solaire (48 GW) que l'éolien terrestre (38 GW) ou l'éolien en mer (6 GW).

Pour autant, plusieurs vulnérabilités demeurent : la disponibilité du parc nucléaire, des épisodes de grand froid et de faible vent, ainsi que la simultanéité de ces « aléas météorologiques extrêmes ».

Ces vulnérabilités en comprennent aussi une autre, encore trop peu évoquée dans le débat public : l'engagement simultané des pays européens en faveur de l'atteinte, dès 2030, d'ambitieux objectifs de décarbonation.

En effet, le paquet européen « Ajustement à l'objectif 55 » doit permettre à l'Union européenne de réduire de 55 % 46 ( * ) , ses émissions de gaz à effet de serre (GES) d'ici 2030 , en limitant à 39 % la consommation d'énergie primaire 47 ( * ) ou en relevant à 40 % la part des énergies renouvelables dans la consommation énergétique 48 ( * ) , bien au-delà des objectifs - de respectivement 40, 32,5 et 32 % -- qui prévalaient en la matière dans le précédent paquet 49 ( * ) .

Enfin, l'atteinte de la neutralité carbone à l'horizon 2050 pèse sur le système électrique.

Dans son étude Futurs énergétiques à l'horizon 2050 50 ( * ) , RTE a rappelé les 2 grands défis auxquels notre production d'électricité fait face .

D'une part, si la consommation finale d'énergie doit baisser, de 1 600 TWh à 930 TWh, soit 40 %, cela se traduira par une hausse de la consommation d'électricité, de 400 TWh à 645 TWh, soit 60 %, dans son scénario de référence . Cette évolution pourra être moins importante, dans un scénario de sobriété (+ 40 % pour atteindre 555 TWh), ou plus importante, dans un scénario de réindustrialisation (+ 90 % pour atteindre 752 TWh).

Au cours de son audition devant la commission, le 10 novembre 2021 , le président-directeur général d'EDF, Jean-Bernard Lévy, a indiqué que le scénario maximal de RTE était le plus réaliste : « En France, le rapport de RTE pose un scénario central suivant lequel la hausse moyenne de la consommation d'électricité s'établirait à + 1 % par an dans les trente années à venir. [...] Nous considérons chez EDF qu'il s'agit plutôt d'une trajectoire a minima . Il nous semble plus prudent de prévoir une évolution de + 2 % par an dans notre pays, conformément au scénario maximum de RTE. Pour nous, le scénario maximum de RTE est donc plutôt un scénario central ».

D'autre part, l'arrivée en fin de vie des réacteurs de deuxième génération constitue « un impensé du débat français » : ces réacteurs ayant été installés dans les années 1970 et 1980, et leur durée de vie étant au plus de 60 ans, il sera nécessaire de renouveler cette production, de l'ordre de 400 TWh, à l'horizon 2050-2060. Un « effet falaise », c'est-à-dire une conjonction d'arrêts de réacteurs, est à prévoir, dès la décennie 2040 !

Le graphique ci-après, issu des travaux de RTE, présente l'évolution des capacités actuelles du parc nucléaire, en mettant en exergue cet « effet falaise ».

Ces difficultés sont d'autant plus lourdes que le parc nucléaire doit évoluer dans un monde plus incertain , où de nouveaux risques, liés au à la résilience climatique ou à la cyber-résilience sont à prendre en compte.

Face à cette perspective, RTE a identifié 6 scénarios d'évolution, allant de 100 % d'énergies renouvelables à 50 % d'énergie nucléaire à l'horizon 2050 . Dans ce dernier scénario, le plus « nucléarisé », pour maintenir une production de 325 TWh d'énergie nucléaire, RTE estime nécessaire de prolonger les réacteurs existants au-delà de 60 ans, de construire 14 EPR 2 et 4 GW de SMR et d'engager un effort R&D en direction de la « fermeture du cycle du combustible » 51 ( * ) .

Le graphique ci-dessous, tiré des mêmes travaux, présente les 6 scénarios ainsi identifiés, dont celui avec 50 % d'énergie nucléaire à l'horizon 2050.

Quel que soit le scénario retenu, l'évolution du système électrique est contrainte sur plusieurs plans : la capacité industrielle, la diffusion et l'intégration des énergies et l'approvisionnement en minerais .

Ce sont autant de risques, encore trop peu mentionnés auprès du grand public, pour notre sécurité d'approvisionnement.

Tout d'abord, la capacité de mobilisation de notre industrie est nécessairement limitée .

C'est vrai de l'énergie nucléaire , qui repose sur une industrie lourde, devant respecter des normes élevées sur le plan de la sûreté.

Ainsi, pour RTE 52 ( * ) , la construction de 14 réacteurs EPR 2 en 30 ans , telle que prévue par le scénario le plus « nucléarisé », constitue un « un défi industriel » qui « ne doit [...] pas être sous-estimé » .

Le graphique suivant, réalisé par RTE, compare les trajectoires de construction de nouveaux réacteurs, dont celle de ce scénario le plus « nucléarisé ».

Lors de l'audition précitée, le PDG d'EDF a insisté sur les prérequis nécessaires à la construction de nouveaux réacteurs nucléaires : l'obtention des autorisations, la sélection des prestataires, le renforcement des compétences et la mobilisation des financements .

Aussi a-t-il précisé les éléments suivants : « Le calendrier de la construction de nouveaux EPR dépendra d'un certain nombre de facteurs. [...] Le sujet le plus urgent consiste à lancer la phase nous permettant de disposer de toutes les autorisations pour commencer à construire. Il s'agit de permis de construire, comme pour tout bâtiment, mais aussi d'autorisations spécifiques au nucléaire, ce qui est plus lourd. [...] Nous devrons en parallèle préparer les chantiers, sélectionner des prestataires, vérifier et améliorer leurs compétences [...] La question du financement doit être examinée. Comme vous le savez, EDF est extrêmement endettée. Or ces programmes impliquent des dépenses précoces, pendant une dizaine d'années, puis des recettes tardives. [...] La nécessité d'une grande réforme du cadre de travail et de fonctionnement d'EDF reste pleine et entière. »

Si la capacité de notre industrie est donc limitée, s'agissant de l'énergie nucléaire, c'est aussi vrai des énergies renouvelables.

Ainsi, pour RTE, la construction de 210 GW de photovoltaïque, 75 GW d'éolien terrestre et 60 GW d'éolien en mer en 30 ans , telle que prévue par le scénario le plus « renouvelable », présente un « caractère très ambitieux » , du fait du rythme de développement « qui dépass[e] les meilleures performances européennes en la matière, et qui sembl[e] aujourd'hui difficilement atteignabl[e] au vu des rythmes constatés et projetés » 53 ( * ) .

Le graphique ci-après, conçu par RTE, compare les rythmes de développement des énergies renouvelables, dont celui de ce scénario le plus « renouvelable ».

Dans ce contexte, The Shift Project 54 ( * ) , think tank qui oeuvre pour la décarbonation de l'économie, a indiqué que « la production et l'installation de capacités renouvelables (essentiellement le photovoltaïque, l'éolien en mer ou terrestre) sont [...] limitées par une inertie industrielle. »

Une autre difficulté , pour l'évolution de notre système électrique, a trait à la diffusion et l'intégration des énergies renouvelables, qui butent sur des contraintes techniques - l'existence de stockages ou de flexibilités - ou sociales - l'artificialisation des sols et les conflits d'usages liés.

Dans son scénario le plus « renouvelable », RTE constate ainsi la nécessité de déployer 25 000 à 35 000 mâts d'éoliennes et 155 000 à 250 000 hectares de panneaux solaires , les sols artificialisés atteignant 450 à 750 hectares par an.

De son côté, The Shift Project a précisé que « de tels déploiements ont également un impact sur l'espace au sol mobilisé pour installer ces capacités diffuses. Le [photovoltaïque] (PV) pourrait venir occuper chaque année une surface équivalente à 30 % des surfaces nouvellement artificialisées. »

Dernière difficulté, l'approvisionnement en minerais doit également être pris en compte, car la transition énergétique repose sur un complet impensé : sa dépendance aux métaux rares !

En effet, ces derniers (cuivre, aluminium, lithium, cobalt, nickel, terres rares) sont des composants indispensables des panneaux solaires, des pales d'éoliennes, des batteries électriques et des électrolyseurs d'hydrogène.

L'essor des capacités de stockage, dont les batteries électriques, nécessitera de multiplier les ressources minérales, entre 4 , pour la Banque mondiale 55 ( * ) , et 6 , pour l'Agence internationale de l'énergie (AIE) 56 ( * ) .

Sur ce sujet, RTE 57 ( * ) estime que , sous l'effet de la transition énergétique, notre système électrique présentera de forts besoins en cuivre (55 à 70 kilotonnes/an), aluminium (100 à 150 kt/an), acier (1 400 à 1 700 kt/an,), béton (3 600 à 4 600 kt/an) ou terres rares (2 à 17 kt) d'ici 2050. De son côté, l'énergie nucléaire ne nécessitera qu'une consommation d'uranium de 5 kt/an, contre des réserves mondiales de 6 800 kt 58 ( * ) .

Le tableau ci-après, issu des travaux de RTE, présente le classement des minerais ainsi nécessaires à notre système électrique, selon leur degré de « criticité ».

L'analyse proposée par RTE est corroborée par celle de The Shift Projet 59 ( * ) , qui a indiqué que « ces déploiements ont des impacts significatifs sur la consommation de certains matériaux , comme le cuivre ou l'aluminium » tandis que « les quantités de béton et d'acier sont également importantes, mais restent mesurées devant la consommation actuelle du secteur de la construction ».

Cette dépendance minière de la transition énergétique induit plusieurs risques 60 ( * ) pour notre système électrique :

• une tension inflationniste, le prix du cuivre et de l'aluminium étant haussier ;

• des pénuries potentielles, la demande en cuivre devant être multipliée par 2, celle en nickel par 3, celle en lithium et en terres rares par 4, certains composants devenant rares (cuivre, indium ou néodyme) ;

• une dépendance aux pays producteurs , 50 % de la production mondiale de cuivre provenant du Chili et du Pérou 61 ( * ) , 40 % de celle d'aluminium et 60 % de terres rares de Chine et 50 % de celle de cobalt de la République démocratique du Congo (RDC).

Lors de son audition par la commission des affaires économiques, le 12 octobre 2021, Frédéric Gonand, économiste à l'Université Paris-Dauphine, est revenu sur les risques d'inflation et de dépendance aux importations posés par les métaux rares nécessaires à la transition énergétique : « La transition énergétique nourrit la hausse des prix du cuivre et de l'aluminium [et] des terres rares. Tous ces facteurs sont d'ordre structurel. Je prends l'exemple du cuivre, métal de la transition énergétique par excellence, parce que c'est un excellent conducteur électrique. Il y en a beaucoup dans les véhicules électriques - à peu près 80 kilos par véhicule, contre 20 kilos dans un véhicule thermique. Il y en a également dans les éoliennes. L'aluminium aussi va devenir plus cher. [...] Les véhicules électriques, les panneaux solaires en consomment beaucoup. Qui dit batteries automobiles dit cobalt ! Or [la majorité] du cobalt dans le monde est produit en République démocratique du Congo. [...] Je pense [aussi] au néodyme, que l'on trouve dans les aimants semi-permanents, mais aussi au praséodyme ou à l'yttrium. Ces métaux, largement utilisés dans les moteurs électriques notamment, sont produits en Chine. [Les] besoins de stockage de données numériques [...] sont fortement [consommateurs] de métaux. [...] L'offre, sur ces différents marchés, va-t-elle réussir à suivre ? [...] On peut avoir des inquiétudes concernant l'indium, métal très utilisé dans les écrans tactiles des smartphones et des tablettes. Au-delà de l'indium, le néodyme pourrait faire l'objet de tensions. La France a un intérêt stratégique à investir beaucoup d'argent pour essayer soit de fabriquer des biens qui soient moins dépendants de métaux, soit de fabriquer des métaux sur son propre territoire. »

À l'occasion de son audition par la commission des affaires économiques, le 16 février 2022, Philippe Varin , auteur d'un rapport sur la sécurisation de l'approvisionnement de l'industrie en matières premières minérales, a quant à lui insisté sur les besoins en métaux rares induits par le paquet européen « Ajustement à l'objectif 55 », dans un contexte de rivalités stratégiques pour leur accès : « Si l'on veut appliquer les objectifs prévus pour " Fit for 55 ", en 2030, avoir une capacité de batteries de 600 à 800 GW correspond à 38 gigafactories, dont 3 en France, soit 150 Md d'euros sur les chaînes de valeur correspondantes, de la mine à la gigafactorie. Les 200 GW et 3 M de véhicules électriques pour la France nécessitent des matériaux critiques pour les batteries électriques : le nickel, le cobalt, le lithium, le graphite, le manganèse. Pour les moteurs des véhicules et ceux d'éoliennes, on utilise des aimants puissants lorsqu'on y intègre les terres rares : le néodyme, le praséodyme, le dysprosium. Dans un moteur, il y a 2 à 5 kilos d'aimants. Sur les éoliennes offshore les plus puissantes, on a 600 kilos. Dans les smartphones, on a 15 grammes. Le monde d'après sera sans carbone mais très riche en métaux. Les risques de pénuries ne sont pas un concept, mais une réalité. On passe d'un triangle du pétrole et du gaz - avec l'Arabie saoudite, les États-Unis et la Russie -, à une rivalité et un découplage - entre la Chine et les États-Unis. Sur le terrain, on voit déjà une guerre des métaux, comme en Australie ou en Afrique. L'Europe n'est pas présente sérieusement dans cette bagarre et les Chinois ont 20 ans d'avance. »


* 42 Réseau de transport d'électricité (RTE), Bilan prévisionnel de l'équilibre offre-demande d'électricité en France , 2021.

* 43 Historiquement, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA) a longtemps été la plus vulnérable.

* 44 Réseau de transport d'électricité (RTE), L'équilibre offre-demande d'électricité pour l'hiver 2021-2022 , publié en novembre 2021 et actualisé en février 2022.

* 45 Le Président de la République ayant annoncé la fin des arrêts de réacteurs nucléaires, dans son discours de Belfort, du 10 février dernier.

* 46 Règlement (UE) 2021/1119 du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 2021 établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant les règlements (CE) no 401/2009 et (UE) 2018/1999 (« loi européenne sur le climat »).

* 47 Paquet « Ajustement à l'objectif 55 » - Directive relative à l'efficacité énergétique.

* 48 Paquet « Ajustement à l'objectif 55 » - Directive relative à la promotion des énergies renouvelables.

* 49 Commission européenne, Paquet « Une énergie propre pour tous les Européens », 2020.

* 50 Réseau de transport d'électricité (RTE), Futurs énergétiques à l'horizon 2050 , Principaux résultats , 2021.

* 51 Réseau de transport d'électricité (RTE), Futurs énergétiques à l'horizon 2050, Principaux résultats , 2021.

* 52 Ibidem.

* 53 Réseau de transport d'électricité (RTE), Futurs énergétiques à l'horizon 2050. Les scénarios de mix de production , 2022.

* 54 The Shift Project, L'évaluation énergie-climat du plan de transformation de l'économie française , 2022.

* 55 Banque Mondiale, Minerals for Climate Action : The Mineral Intensity of the Clean Energy Transition , 2020.

* 56 Agence internationale de l'énergie (AIE), The Role of Critical Minerals in Clean Energy Transitions, World Energy Outlook Speech , 2021.

* 57 Réseau de transport d'électricité (RTE), Futurs énergétiques 2050. L'analyse environnementale , 2022.

* 58 Les panneaux solaires nécessitant de leur côté jusqu'à 650 kt de silicium d'ici 2050.

* 59 The Shift Project, L'évaluation énergie climat du plan de transformation de l'économie française , 2022.

* 60 Données indiquées par Frédéric Gonand et Philippe Varin à l'occasion de leurs auditions susmentionnées par la commission des affaires économiques, 12 octobre 2021 et 16 février 2022.

* 61 D'importants gisements en lithium existant également en Bolivie, au Chili et au Pérou.

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