B. LA MULTIPLICATION DES INITIATIVES

1. La constellation des initiatives des scientifiques et d'autres acteurs depuis les années 1990

Les initiatives en faveur de la science ouverte sont si nombreuses que l'exhaustivité en la matière est impossible. Le physicien américain Paul Ginsparg fait figure de pionnier, avec la création dès 1991 de la première archive ouverte avec un serveur ( LANL preprint archive , ainsi dénommé car basé au Los Alamos National Laboratory ) utilisé pour une base de données baptisée hep-th (pour High Energy Physics - Theory ), puis renommée ArXiv et transférée à l'université Cornell 46 ( * ) . De la physique, et encore plus spécifiquement de la communauté des chercheurs de physique des hautes énergies cherchant à échanger leurs résultats scientifiques, ArXiv s'est élargie à d'autres disciplines : mathématiques, informatique, biologie quantitative, finance quantitative, statistique, ingénierie électrique et systèmes, économie, etc.

Depuis, le nombre d'archives ouvertes, aux statuts très variés, - mais qui permettent toutes le dépôt gratuit de documents issus de la recherche sur des plateformes en ligne ainsi que leur accès immédiat, gratuit et ouvert à tous - n'a pas cessé de croître et l'on en dénombre plus de 4 200 47 ( * ) , dont quelques-unes sont alimentées directement par les éditeurs, à l'instar de PubMed Central, dédiée à la santé et aux sciences de la vie.

Comme son modèle ArXiv, l'archive ouverte française HAL (pour Hyper articles en ligne) est d'abord née dans le domaine de la physique puisqu'elle a été portée par deux départements du CNRS, le département des sciences physiques et mathématiques (SPM) et l'Institut national de physique nucléaire et de physique des particules (IN2P3), qui ont tous deux fondé en 2000 le Centre pour la communication scientifique directe 48 ( * ) (CCSD), désormais structure aux multiples tutelles 49 ( * ) . Depuis plus de 20 ans, HAL a également élargi son champ à de nombreuses disciplines. D'après le Comité de suivi de l'édition scientifique, sur la période 2010 à 2018, le dépôt d'un article dans HAL s'est effectué en moyenne un peu plus de 25 mois après sa publication.

Il faut souligner que les archives ouvertes n'ont pas pour rôle de faire de l'évaluation scientifique , même s'il existe des procédures de validation des documents mis en ligne et que les serveurs mettent le plus souvent en garde les lecteurs 50 ( * ) . Il peut en résulter une certaine anarchie, voire au pire des incertitudes sur le statut précis des articles que l'on y trouve. L'accès ouvert à des non spécialistes voulant aussi dire l' accès à des informations gratuites et non validées , il s'agit de faire montre de vigilance dans l'avenir devant les risques éventuels d'erreurs, de désinformation, voire de manipulation. Ici comme ailleurs, « science sans conscience n'est que ruine de l'âme » comme l'écrivait Rabelais dans Pantagruel .

Une solution existe en termes d'« épirevues » qui désignent des revues en accès libre, formées à partir d'articles preprint déposés sur des archives ouvertes mais qui sont évalués et sélectionnés par un comité de lecture comme dans le monde de l'édition classique des revues.

En parallèle de ce recours croissant aux archives et aux preprints , ces vingt dernières années ont été le moment d'une forte mobilisation en faveur de la science ouverte .

Les principales initiatives , émanant des bibliothécaires 51 ( * ) , des scientifiques et de professionnels de l'information scientifique et technique, sont les suivantes : le site PubMed Central lancé en 1996 par les National Institutes of Health , les bases de données SciELO et la plateforme de diffusion Erudit en 1998, le portail revues.org 52 ( * ) en France en 1999, la pétition 53 ( * ) initiée en 2000 par Harold Varmus, Patrick O. Brown et Michael Eisen, ainsi que la bibliothèque scientifique publique PLOS 54 ( * ) la même année tout comme Biomed Central (qui devient propriété de Springer en 2008), l'initiative de Budapest pour l'accès ouvert 55 ( * ) (Budapest Open Access Initiative ou BOAI) en 2001, la charte Echo 56 ( * ) en 2002, les déclarations de Bethesda pour l'éditon en libre accès et de Berlin sur le libre accès 57 ( * ) en 2003, le Compact Open-Access for Publishing Equity regroupant une cinquantaine d'universités en 2009, la déclaration de San Francisco sur l'évaluation de la recherche de 2012 (appelée DORA), le répertoire de travaux de recherche, de logiciels et de données Zenodo 58 ( * ) en 2013, l'appel d'Amsterdam pour la science ouverte 59 ( * ) en 2016, puis celui de Jussieu pour la science ouverte et la bibliodiversité 60 ( * ) en 2017, le lancement par Google du moteur de recherche spécialisé dans l'accès aux données ouvertes Google Dataset Search en 2018 et, enfin, en février 2022, l'appel de Paris sur l'évaluation de la recherche 61 ( * ) .

Ce mouvement militant s'est accompagné d' importantes initiatives dans le monde de l'édition : outre PLOS dans le monde anglo-saxon, la France a connu la création de la plateforme publique revues.org, remplacée par OpenEdition , de la plateforme Persée , plus patrimoniale (son contenu est surtout constitué de revues antérieures à 2001) et d'une plateforme qui a rencontré un grand succès, initiée principalement par des acteurs privés du monde de l'édition, Cairn 62 ( * ) .

Le couronnement de tous ces processus de mobilisation et d'initiatives s'incarne dans la recommandation de l'Unesco pour la science ouverte, publiée en novembre 2021, qui repose sur une acception très large de cette dernière.

2. La nouvelle impulsion donnée par les institutions internationales et européennes

La recommandation de l'Unesco pour la science ouverte 63 ( * ) , publiée en novembre 2021, plaide pour une science ouverte, inclusive et collaborative mais n'a pas de valeur juridique contraignante . Adopté par 193 pays, ce cadre international de la science ouverte appelle les États membres à appliquer les dispositions du texte en prenant les mesures appropriées, y compris d'ordre législatif, afin de donner effet aux principes qui y sont énoncés. Cette vision « maximaliste » de la science ouverte, promue par l'Unesco, est définie comme un « concept inclusif qui englobe différents mouvements et pratiques visant à rendre les connaissances scientifiques multilingues, librement accessibles à tous et réutilisables par tous, à renforcer la collaboration scientifique et le partage des informations au profit de la science et de la société, ainsi qu'à ouvrir les processus de création, d'évaluation et de diffusion des connaissances scientifiques aux acteurs de la société au-delà de la communauté scientifique traditionnelle. Elle inclut toutes les disciplines scientifiques et tous les aspects des pratiques savantes, y compris les sciences fondamentales et appliquées, les sciences naturelles et les sciences sociales et humaines, et repose sur les piliers essentiels suivants : les connaissances scientifiques ouvertes ; les infrastructures de la science ouverte ; la communication scientifique ; la participation ouverte des acteurs de la société ; et le dialogue ouvert avec les autres systèmes de connaissances ». Elle demande un « accès aux connaissances scientifiques aussi ouvert que possible. Les restrictions d'accès doivent être proportionnées et justifiées. Elles ne peuvent se justifier que par des motifs de protection des droits humains, de sécurité nationale, de confidentialité, de droit à la vie privée et de respect des sujets d'étude humains, de procédure juridique et d'ordre public, de protection des droits de propriété intellectuelle et des renseignements personnels, des savoirs autochtones sacrés et secrets, ainsi que des espèces rares, menacées ou en danger ».

En juillet 2012, la Commission européenne, de façon plus opérationnelle, invitait chaque État membre à définir une politique nationale de science ouverte, avec l'objectif d'atteindre 100 % de libre accès en 2020 . Elle suggérait ainsi dans sa communication sur l'accès aux informations scientifiques 64 ( * ) , d'instaurer des embargos courts d'accès gratuit - au maximum de six mois pour les sciences, techniques et médecine (STM) et de douze mois pour les sciences humaines et sociales (SHS), sans justifier le choix de ces délais - pour les articles scientifiques présentant les résultats de recherches financées par le programme cadre de l'Union européenne pour la recherche et l'innovation (2014-2020) dit « Horizon 2020 ».

La Commission européenne invitait, par ailleurs, les États membres à utiliser les mêmes délais pour le dépôt dans une archive ouverte d'un article scientifique financé sur fonds publics.

Aucun texte juridiquement contraignant n'a été adopté par l'Union européenne en matière de science ouverte 65 ( * ) et cette simple communication demeure le texte de référence du côté des instances européennes. Depuis quinze ans, celles-ci ont formulé une quinzaine de prises de position (déclarations, feuilles de routes, recommandations, rapports d'experts) en faveur de la science ouverte, avec la conviction qu'elle est un vecteur de développement économique, notamment via l'innovation et les start-up . Les responsables de la Commission européenne rappellent souvent que la science doit être aussi ouverte que possible et aussi fermée que nécessaire.

Aux marges de l'Union européenne, il est possible de mentionner le fait que, par ailleurs, le Conseil européen de la recherche et les agences de financement de la recherche de douze pays européens soutiennent la coalition S, consortium d'acteurs du monde de la recherche (surtout des agences de financement dont l'ANR pour la France), qui a lancé avec l'association Science Europe le Plan S en 2018. Celui-ci vise à ce que la recherche financée par des subventions soit publiée dans des revues ou plateformes en libre accès ou déposée dans des archives ouvertes sans période d'embargo.

Cette stratégie, dite de « rétention des droits », est dénoncée par les grands éditeurs - comme Elsevier, Springer-Nature Taylor & Francis ou de nombreux autres - qui estiment qu'elle n'est pas soutenable sur le plan financier pour eux et affirment qu'elle va même à l'encontre de la liberté académique 66 ( * ) .

Jean-Yves Mérindol avertit que « Science Europe et la coalition S qui discutent avec certains leaders européens de l'édition scientifique, considèrent qu'il n'est pas dans leur mission d'entrer en contact avec les petites maisons d'édition, ce qui se comprend au vu du nombre de ces éditeurs qui ne disposent pas d'organisation européenne (à l'exception des sociétés savantes anglaises) capables de faire du lobbying à cette échelle ». Il estime que « le passage d'un plan aussi volontariste et prescriptif que le Plan S, même si des précautions ont été introduites dans sa seconde version, à la réalité de la mise en oeuvre qui n'a de sens qu'au niveau local, est un exercice périlleux. L'idéologie, quand elle s'appuie sur un principe éthique aussi incontestable que celui de l'accès au savoir, est certes puissante. Il est alors sage, ou au moins prudent - comme le font les concepteurs du Plan S - d'éviter de mettre en application les principes affichés, laissant à d'autres le soin de se pencher sur les terres ingrates du réalisme économique, de l'estimation du nombre actuel des revues hybrides et de l'avenir des revues existantes ».

Si le Plan S a - pour le moment - un objet limité aux revues et aux données de recherche, l'association Science Europe entend peser pour que les monographies soient disponibles gratuitement et immédiatement sous forme numérique 67 ( * ) .

Dans les conclusions de sa réunion du 1 er décembre 2020 sur le « nouvel espace européen de la recherche », le Conseil Compétitivité de l'Union européenne a souligné que la science ouverte a un rôle crucial à jouer pour renforcer l'impact, la qualité, l'efficacité, la transparence et l'intégrité de la recherche et de l'innovation, et pour rapprocher science et société. Il a également relevé que la bibliodiversité, le multilinguisme et la reconnaissance de toutes les productions scientifiques sont des éléments pertinents d'une politique de l'Espace européen de la recherche en matière de science ouverte.

En février 2022, dans le cadre de la Présidence française du Conseil de l'Union européenne, des Journées européennes de la science ouverte ( Paris Open Science European Conference - OSEC 2022) se sont tenues à Paris et ont conduit à un appel sur l'évaluation de la recherche 68 ( * ) préparé par le Comité pour la science ouverte (CoSo). Le contenu en est ici rappelé.

Le système actuel d'évaluation privilégie trop souvent la quantité de publications dans des revues à facteur d'impact élevé et la quantité de citations. De ce fait, il tend à sous-estimer la valeur des autres contributions, à réduire la reproductibilité des travaux de recherche et à freiner l'engagement des chercheurs en matière de partage, d'ouverture et de collaboration. À l'inverse, l'ouverture améliore la qualité, l'efficacité et l'impact de la recherche, et favorise la coopération scientifique. Contre la logique d'une évaluation purement quantitative, la déclaration met en avant la nécessité de promouvoir l'appréciation qualitative par les pairs, appuyée sur un usage responsable des indicateurs quantitatifs. Ainsi, les « propositions de projets de recherche, les chercheurs, les unités de recherche et les institutions de recherche sont évalués sur la base de leurs mérites intrinsèques et de leurs impacts, plutôt que sur le nombre de publications et leur support de publication ». Il convient de « valoriser la diversité des activités et des productions de recherche telles que les publications et les prépublications, les données, les méthodes, les logiciels, le code et les brevets, ainsi que leurs impacts sociétaux et les activités liées à la formation, à l'innovation et à l'engagement public ». Les procédures d'évaluation doivent aussi reposer sur des critères et des processus qui respectent la variété des disciplines. Une réforme de l'évaluation devrait aussi permettre de « récompenser non seulement les productions de la recherche, mais aussi la conduite appropriée de la recherche, les bonnes pratiques, le partage des résultats et des méthodologies de recherche chaque fois que c'est possible ». Il s'agit de valoriser le travail collaboratif, ainsi que la transdisciplinarité et, le cas échéant, les sciences participatives, ainsi que la diversité des profils de chercheurs et de leurs parcours professionnels. Afin de mettre en oeuvre ces recommandations et principes pour un nouveau système d'évaluation de la recherche, l'appel de Paris affirme l'importance de constituer une « coalition d'agences de financement de la recherche, d'institutions de recherche et d'autorités d'évaluation ». Pour porter des actions communes, elle devra avoir « la capacité à proposer des processus concrets de mise en oeuvre et à associer et impliquer les chercheurs à tous les niveaux ».

Dans l'Union européenne, les Pays-Bas se disputent avec la France la place de premier de la classe ou, au moins, de bon élève de la science ouverte. L'université d'Utrecht et plus récemment d'autres universités comme l'université libre d'Amsterdam, ont ainsi systématisé les démarches de science ouverte et des universités françaises sont tentées de suivre ce chemin, comme l'université de Nantes. La Belgique se veut aussi assez innovante comme en témoigne le cas de l'université de Liège, reconnue comme pionnière dans le domaine 69 ( * ) .

L'expérience de science ouverte lors de la pandémie de la Covid-19

La pandémie de la Covid-19 a accéléré le mouvement d'ouverture de la science. Les acteurs de l'édition privée et publique se sont mobilisés pour mettre à disposition gratuitement la recherche scientifique, à la suite d'une pétition de la part du monde scientifique de mettre à disposition, en libre accès, tous les articles relatifs à la covid-19, et d'un appel du Wellcome Trust de janvier 2020, qui en rappelait un autre lancé en 2016 lors de l'épidémie du virus Zika.

Dans le domaine des sciences médicales, la circulation immédiate des articles sur cette nouvelle maladie a nourri des controverses médiatiques et popularisé des termes tels que celui de preprint . Le processus d'élaboration du savoir scientifique s'est ainsi déroulé sous les yeux mêmes de l'opinion publique, de la formulation des premières hypothèses, aux premiers essais et erreurs, jusqu'à l'émergence d'un consensus instable entre les chercheurs.

Il faut savoir gré aux établissements de recherche, mais aussi aux revues scientifiques, d'avoir partagé aussi vite et aussi largement le résultat des dernières recherches.

Source : Office

3. L'action des pouvoirs publics au niveau national

En mai 2013, la remise du « rapport Lescure » 70 ( * ) au Président de la République et à la ministre de la culture et de la communication, puis en juin 2015  celle du rapport du Conseil national du numérique 71 ( * ) au Premier ministre, marquent une inflexion en faveur de l'ouverture des données et notamment de la publication ouverte pour la recherche bénéficiant de fonds publics, après une durée d'embargo (ce mécanisme est à rapprocher des « barrières mobiles », qui, elles, sont mises en place par les éditeurs eux-mêmes quand ils décident des conditions d'accès ouvert, après une première publication accessible par paiement ou abonnement).

Cette faculté est inscrite en 2016 dans la loi pour une République numérique 72 ( * ) , après une étude conduite par l'Institut des politiques publiques qui a permis notamment la préparation de la disposition en matière de durées d'embargo, en fait reprise de la communication de la Commission européenne. Il est important de relever qu' à l'exception de cette disposition législative, il n'existe à ce stade aucun texte à valeur contraignante en faveur de la science ouverte, ni en France, ni dans l'Union européenne, ni même dans le monde .

La consultation alors organisée en amont du dépôt du projet de loi est sévèrement critiquée par les acteurs de l'édition, comme François Gèze 73 ( * ) et une tribune publiée le 7 octobre 2015 74 ( * ) par une vingtaine d'éditeurs dénonce le dispositif proposé par le projet de loi avec des arguments qui méritent d'être rappelés ici : « en invitant le législateur à déterminer une période d'embargo la plus courte possible, il n'est pas certain que ce projet s'engage dans la bonne direction. Le remède proposé, la gratuité de l'accès à ces écrits, risque d'être pire que le mal, leur captation abusive (...). L'espace du numérique ne doit pas relever d'un système unique : il doit, au contraire, être un lieu d'expérimentation, d'écosystèmes hybrides où coexistent des modèles économiques et techniques mixtes, associant le payant et le gratuit, modèles qui doivent être explorés et expérimentés sans a priori doctrinaires grâce à un patient et rigoureux travail commun entre acteurs privés et publics ». François Gèze fait même valoir que le projet du Gouvernement pourrait conduire « à préparer l'élimination des derniers éditeurs scientifiques privés en France (SHS comme STM), au profit d'un dispositif fort peu favorable au rayonnement de la recherche scientifique française : une édition d'État francophone étriquée et coûteuse pour les SHS, une soumission définitive aux géants mondiaux anglophones pour les STM, avec les GAFA en embuscade pour tirer profit de ces dérégulations mal pensées » 75 ( * ) .

Cette crainte à l'égard du dispositif français de science ouverte qui se révèlerait peu favorable à la recherche scientifique nationale en laissant en face à face une édition d'État et une édition en tenue par les grandes plateformes anglo-saxonnes pourrait être renforcée par les évolutions en cours depuis la loi pour une République numérique. Le fait de traiter les sciences humaines et sociales (SHS) de la même manière que les sciences, techniques et médecine (STM) dans la politique française de science ouverte pose par exemple une réelle difficulté, de nature à aggraver la partition duale de l'offre éditoriale.

Depuis 2016, en raison de la loi, et selon Daniel Renoult plus spécialement parce que le mode de dépôt est devenu l'un des critères d'évaluation des laboratoires, l'attention s'est beaucoup concentrée sur le dépôt des articles dans les archives ouvertes alors même que la diminution continue des abonnements 76 ( * ) traduit une crise structurelle de l'édition scientifique et un véritable danger d'atrophie du tissu éditorial français.

Les pouvoirs publics partiellement conscients du risque pesant sur les éditeurs ont ainsi mis en place un plan de soutien à l'édition et un Comité de suivi de l'édition scientifique , instance placée par arrêté sous la double tutelle du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche, et de l'innovation, et du ministère de la culture. Le plan a été doté de 16,4 millions d'euros, ventilés de la manière suivante :

- 13 millions d'euros pour la consolidation pluriannuelle des politiques d'achat de revues, coordonnées au niveau national par le consortium Couperin depuis 1999 77 ( * ) ;

- 2,45 millions d'euros de subventions aux plateformes qui diffusent les revues ;

- 700 000 euros d'aide à la traduction ;

- 260 000 euros pour la réalisation d'études sur les revues et les plateformes de diffusion.

Le président du Comité de suivi de l'édition scientifique, Daniel Renoult, a rendu en décembre 2019 aux deux ministres de tutelle un rapport qui dresse le bilan de ce plan 78 ( * ) . Il s'agissait pour le Comité au terme de sa mission de rendre compte de ses actions et de formuler des recommandations pour accompagner l'édition scientifique française. Par ailleurs, à la demande de la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche, et de l'innovation, Jean-Yves Mérindol a produit un rapport afin d'éclairer les suites à donner à ce comité . Au même moment, il a donc rendu un rapport plus prospectif à la ministre consacré à « L'avenir de l'édition scientifique et la science ouverte » 79 ( * ) qui n'a été publié que quelques semaines plus tard à la fin du mois de janvier 2020.

Les deux rapports ont en commun de préconiser : un soutien durable à l'édition scientifique , en mettant l'accent sur : les SHS ; l'investissement dans des plateformes françaises ; l'évaluation préalable des mesures en faveur de la science ouverte ; la mise en place de politiques publiques sur un temps long ; et, enfin, de poursuivre le travail de suivi et d'observation de l'édition scientifique au sein d'une nouvelle instance interministérielle rassemblant tous les acteurs de l'édition scientifique.

Le rapport de Daniel Renoult est plus détaillé dans les mesures proposées, il évoque ainsi la mutualisation entre plateformes 80 ( * ) et suggère de pérenniser les groupements de commandes pluriannuels 81 ( * ) , d'accompagner l'abaissement des barrières mobiles, d'expérimenter de nouveaux modèles économiques s'inspirant d'expériences étrangères, de systématiser les contrats auteurs/éditeurs 82 ( * ) , de mutualiser les ressources des revues dans le domaine de la traduction et de poursuivre les initiatives visant à améliorer le référencement des publications françaises, et donc la traduction des métadonnées.

Destiné à coordonner le financement de la politique d'achats documentaires des établissements de l'enseignement supérieur et de la recherche, notamment via Couperin et l'Agence bibliographique de l'enseignement supérieur (Abes), en particulier au titre des frais d'abonnement aux revues, le plan de soutien à l'édition scientifique pour la période 2017-2021 a été en grande partie un plan en trompe-l'oeil dans la mesure où il s'agit essentiellement de crédits fléchés qui auraient été dépensés de toute façon pour financer cette politique d'achats documentaires des établissements de l'enseignement supérieur et de la recherche ainsi que des bibliothèques universitaires.

Un véritable plan de soutien à l'édition scientifique pour la période 2022-2025 , plus ambitieux, porté politiquement et articulé avec la politique de la science ouverte, reste à ce stade à définir et à mettre en oeuvre .

Cette remarque ne doit pas être comprise comme une critique à l'égard du consortium Couperin . Ce dernier assure au contraire un travail remarquable et a joué, au travers de bras de fer très tendus entre les universités, les organismes de recherche, les bibliothèques et les grands éditeurs mondiaux, un rôle essentiel dans les négociations des licences nationales au bénéfice de l'Abes.

Cette mutualisation facilite l'accès à la documentation électronique fournie par les éditeurs privés, notamment pour les établissements financièrement moins dotés. Elle est pertinente, tout comme l'est, de façon complémentaire, l'Initiative sur l'information scientifique et technique d'excellence (ISTEX) qui a pour objet d'archiver et de mettre à disposition les collections bibliographiques acquises depuis 2013, notamment à travers la Plateforme d'archivage national de l'information scientifique et technique (PANIST).

Pour autant, l'effort de mutualisation reste à poursuivre puisque plusieurs groupements de commande agissent encore de façon séparée.

Une nouvelle instance interministérielle rassemblant tous les acteurs de l'édition scientifique, préconisée par les deux rapports précités, a tardé à se mettre en place depuis 2019 et la fin du Comité de suivi de l'édition scientifique.

Ce n'est que très récemment, sur le fondement d'un communiqué commun 83 ( * ) du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche, et de l'innovation, et du ministère de la culture, qu'a été créé un Observatoire de l'édition scientifique associant une partie des acteurs de l'édition scientifique publique et privée, de la recherche et de l'information scientifique.

Selon ce communiqué, l'Observatoire est « une instance de concertation et de dialogue entre les acteurs de l'édition scientifique, privés et publics, et le monde de la recherche. Il est créé pour cinq ans et succède au Comité de suivi de l'édition scientifique. Dans un contexte de développement accéléré des principes de la science ouverte, il traitera des conditions de pérennité d'un écosystème diversifié de revues et de publications, garant d'une large diffusion des résultats de la recherche et de la connaissance. À cet effet, il conduira des études et collectera des données destinées à mieux connaître le secteur des revues et ouvrages scientifiques et à aborder les enjeux de la science ouverte. Il pourra, en s'appuyant sur ces études, faire des recommandations aux autorités politiques, éclairer les orientations en matière de soutien à l'édition scientifique et se saisir de questions la concernant ». La fin de ce texte mérite d'être souligné : « l'Observatoire est indépendant du Comité pour la science ouverte, mais pourra autant que de besoin construire des passerelles avec lui ».

L'Observatoire est composé de dix-huit membres répartis en quatre collèges : un collège de l'édition privée, un collège de l'édition publique, un collège des chercheurs et un collège des professionnels de l'information scientifique. Christine Cherbut, ancienne directrice générale déléguée à la science et l'innovation à l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae), a été choisie pour présider cet Observatoire, dont les travaux ont débuté fin décembre 2021. Daniel Renoult et Jean-Yves Mérindol, auteurs des deux rapports récents précités qui préconisaient la création d'une telle instance, en sont invités permanents, sans en être membres. Des représentants du ministère de la culture et du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation participent à ses travaux.

Il a été choisi d'y représenter de manière paritaire les éditeurs privés et publics, d'une part, et les usagers de l'édition scientifique que sont les chercheurs et les professionnels de l'information scientifique, d'autre part. Un double choix qui peut interroger. De même, la fin du texte précité mérite d'être soulignée et laisse songeur : « l'Observatoire est indépendant du Comité pour la science ouverte, mais pourra autant que de besoin construire des passerelles avec lui ».

En effet, les deux plans nationaux pour la science ouverte ont été mis en place avec plus de diligence et de volontarisme que le plan de soutien à l'édition scientifique. Ces deux plans n'ont d'ailleurs pas été préparés en cherchant à associer les acteurs de l'édition scientifique, en particulier les acteurs privés 84 ( * ) .

Ces derniers ont publiquement dénoncé la forme (le manque de concertation) et le fond (le risque que l'édition scientifique en France, ne pouvant plus trouver les conditions de ses équilibres économiques, disparaisse et que ne subsistent que les éditions subventionnées par les institutions publiques) du plan 85 ( * ) .

Le premier Plan national pour la science ouverte a couvert la période 2018-2021 et s'est accompagné de différents outils : Comité pour la science ouverte (CoSO) qui a succédé en 2018 à la Bibliothèque scientifique numérique (BSN), Fonds national pour la science ouverte (FNSO), coordinateur national pour la science ouverte, baromètre de la science ouverte 86 ( * ) , création d'un réseau d'experts internationaux de la science ouverte 87 ( * ) (ReiSo), etc.

L'ensemble des moyens dédiés à la mise en oeuvre du Plan national pour la science ouverte sur la période 2018-2021 représente 15,8 millions d'euros , parmi lesquels 2,6 millions d'euros pour le premier appel à projets du Fonds national pour la science ouverte sur la publication et l'édition scientifiques ouvertes (prolongé d'un deuxième appel à projets lancé sur cette même thématique en 2021), et 2,3 millions d'euros pour l'appel à projets Flash sur la science ouverte lancé en 2019 par l'Agence nationale de la recherche qui a permis de soutenir 25 projets contribuant à accélérer la maturation des diverses communautés disciplinaires face aux enjeux de la structuration, de l'accessibilité, de la réutilisation, de l'interopérabilité, de la citation, du partage et de l'ouverture des données de la recherche.

Le contenu du deuxième plan , qui couvre la période 2021-2024 , est structuré autour de quatre axes principalement programmatiques .

Il convient de remarquer que son premier axe vise à généraliser l'accès ouvert aux publications en s'appuyant sur un argument malhonnête selon lequel la loi de programmation de la recherche du 24 décembre 2020 fixerait un objectif de 100 % de publications en accès ouvert en 2030 . Aucune disposition de ce texte ne va dans ce sens et le législateur n'a, en aucune manière, entendu adopter un calendrier contraignant pour la généralisation de la science ouverte. L'argumentaire du plan national pour la science ouverte cherche donc à être cautionné d'une aura législative, dont il ne dispose absolument pas. Certes, l'objectif d'ouverture de la science figure bien dans l'étude d'impact du projet de loi de programmation de la recherche, mais il ne s'agit que d'un document préparatoire rédigé par le Gouvernement en vue des débats parlementaires. Il n'a aucune valeur légale . Il peut également être relevé que le Plan national pour la science ouverte utilise à cinq reprises le terme d'obligations alors qu'aucune obligation législative ne pèse sur les chercheurs et que la liberté académique est quant à elle un principe fondamental comme il sera vu plus loin.

Les douze mesures des quatre axes du deuxième
Plan national pour la science ouverte (2021-2024)

Axe 1 : Généraliser l'accès ouvert aux publications . La communauté scientifique doit oeuvrer à la construction d'un écosystème de la publication scientifique ouvert, éthique et transparent. L'ouverture des publications scientifiques doit désormais devenir une pratique incontournable, que ce soit par une publication nativement en accès ouvert ou par le dépôt dans une archive ouverte publique comme HAL. La loi de programmation de la recherche fixe l'objectif de 100 % de publications en accès ouvert en 2030. Mesures :

1- Généraliser l'obligation de publication en accès ouvert des articles et livres issus de recherches financées par appel à projets sur fonds publics.

2- Soutenir les modèles économiques d'édition en accès ouvert sans frais de publication pour les auteurs (modèle « diamant »).

3- Favoriser le multilinguisme et la circulation des savoirs scientifiques par la traduction des publications des chercheurs français.

Axe 2 : Structurer, partager et ouvrir les données de la recherche . Les pratiques favorisant la réutilisation des données de recherche seront encouragées. Notre ambition est de faire en sorte que les données produites par la recherche publique française soient progressivement structurées en conformité avec les principes FAIR (Faciles à trouver, Accessibles, Interopérables, Réutilisables), préservées et, quand cela est possible, ouvertes. Mesures :

4- Mettre en oeuvre l'obligation de diffusion des données de recherche financées sur fonds publics.

5- Créer Recherche.Data.Gouv, la plateforme nationale fédérée des données de la recherche.
6- Promouvoir l'adoption d'une politique de données sur l'ensemble du cycle des données de la recherche, pour les rendre faciles à trouver, accessibles, interopérables et réutilisables (FAIR).

Axe 3 : Ouvrir et promouvoir les codes sources produits par la recherche . Le logiciel joue un rôle clé dans la recherche scientifique, dont il est à la fois un outil, un résultat et un objet d'étude. La mise à disposition des codes sources des logiciels, avec la possibilité de les modifier, les réutiliser et les diffuser, est un enjeu majeur pour permettre la reproductibilité des résultats scientifiques et soutenir le partage et la création de connaissances, dans une logique de science ouverte. Mesures :

7- Valoriser et soutenir la diffusion sous licence libre des codes sources issus de recherches financées sur fonds publics.

8- Mettre en valeur la production des codes sources de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.

9- Définir et promouvoir une politique en matière de logiciels libres.

Axe 4 : Transformer les pratiques pour faire de la science ouverte le principe par défaut . Inscrire les pratiques de science ouverte dans la durée nécessite de faire évoluer le système d'évaluation. La science ouverte doit devenir la pratique par défaut des chercheurs et constituer un critère d'excellence de la recherche, comme c'est désormais le cas dans le programme Horizon Europe. Pour cela, il est nécessaire de transformer l'écosystème de l'enseignement supérieur et de la recherche, afin de faire converger les incitations, de renforcer les capacités et de reconnaître les efforts. Mesures :

10- Développer et valoriser les compétences de la science ouverte tout au long du parcours des étudiants et des personnels de la recherche.

11- Valoriser la science ouverte et la diversité des productions scientifiques dans l'évaluation des chercheurs et enseignants-chercheurs, des projets et des établissements de recherche

12- Tripler le budget de la science ouverte en s'appuyant sur le Fonds national pour la science ouverte et le Programme d'investissements d'avenir.

Source : ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Outil de pilotage créé en 2018 par le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, le baromètre de la science ouverte 88 ( * ) mesure le taux de publications scientifiques françaises en accès ouvert en s'appuyant sur des données et une méthodologie entièrement ouvertes. Il se veut une première mesure de l'impact du Plan national pour la science ouverte sans que la portée spécifique du plan sur l'évolution des pratiques ne puisse cependant être objectivée. En décembre 2021, 65 % des articles de revue sont en accès ouvert, contre 23 % des ouvrages. La progression se confirme année après année.

Taux d'ouverture des publications des chercheurs français

Source : ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Le graphique met en évidence la progression constante du taux d'ouverture des publications de chercheurs affiliés à des établissements de recherche français parues dans l'année : ce taux 89 ( * ) est passé de 41% en 2017 à 56% en 2019 et monte même, en décembre 2021, à 62 % pour les 167  341 publications françaises parues en 2020.

Mais une analyse par discipline démontre une situation contrastée selon les champs disciplinaires. Le ministère explique ainsi que « les mathématiques, la biologie fondamentale, les sciences physiques et l'astronomie connaissent les taux d'ouverture les plus élevés, tandis que la chimie et la recherche médicale suivent de remarquables trajectoires ascendantes ». Les résultats des sciences humaines et sociales, mais aussi des sciences de l'ingénieur sont plus modestes et démontrent la nécessité d'une déclinaison de la politique de la science ouverte en fonction des disciplines . Pour le ministère, ainsi que pour l'Office qui préconise une approche par champ disciplinaire, cet aspect constituera l'un des principaux défis pour les années à venir .

L'ouverture contrastée selon les disciplines

Source : ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Les initiatives nationales se déclinent dans l'ensemble des institutions de recherche et des universités . Le CNRS 90 ( * ) apparait tout particulièrement engagé avec une forte incitation de ses chercheurs. Cette incitation tend à devenir une obligation quand la publication en accès ouvert est prise en compte pour l'évaluation des chercheurs. Et certaines universités, comme par exemple celle de Nantes, exigent de leurs enseignants-chercheurs de publier de manière ouverte. L'Agence nationale de la recherche (ANR) ou encore le Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (Hcéres) pourraient être tentés de suivre le même mouvement. Ces initiatives encore marginales - fort heureusement - posent problème car elles n'ont pas de base légale et vont plus loin que la disposition législative vue précédemment et qui fait l'objet d'une analyse juridique dans la deuxième partie du présent rapport.


* 46 L'initiative entendait répondre à un problème pratique : les revues sont trop lentes à évaluer, à imprimer et à expédier la revue et les physiciens utilisaient le tiré à part, afin d'envoyer aux pairs leurs publications. Ils ont donc mis en place un serveur sur lequel déposer l'article soumis à la revue, avant évaluation, dans une archive ouverte, afin que chacun puisse accéder aux travaux en cours.

* 47 Cf. le répertoire international des archives ouvertes : https://www.coar-repositories.org/

* 48 Outre HAL (988 000 documents en texte intégral, 74 millions de documents téléchargés en 2021, 90 000 utilisateurs actifs), devenue un dispositif mutualisé au profit de toute la recherche française, le CCSD opère d'autres plateformes technologiques et de services, labellisées infrastructure de recherche depuis 2016. Il gère ainsi maintenant TEL (serveur de thèses en ligne) et Médihal, ainsi que les plateformes Sciencesconf.org et Épisciences.org (21 revues d'innovation éditoriale en ligne). Ces plateformes, qui couvrent tous les domaines scientifiques, permettent aux chercheurs de rendre leur production scientifique visible, utilisable et accessible à long terme et de se réapproprier la maîtrise du processus de communication savante. Elles présentent une large diversité de la production scientifique (articles publiés dans des revues à comité de lecture, prépublications, communications dans des congrès, thèses, ouvrages, codes sources, etc.) et souvent une articulation avec les données utilisées ou produites au cours de la recherche. Sur l'histoire de HAL, cf. Christine Berthaud, Daniel Charnay and Nathalie Fargier « Diffuser et pérenniser le savoir scientifique : 20 ans d'histoire de HAL » https://journals.openedition.org/hrc/6330#tocto2n1

* 49 Le CCSD est devenu une unité d'appui et de recherche qui définit sa stratégie avec le Comité pour la science ouverte avec pour tutelles le CNRS, Inria et Inrae et bénéficie du soutien du ministère. Il réunit 27 ETP avec une expertise en matière de systèmes d'information, d'édition, de documentation et de formation. En 2020, ses dépenses de fonctionnement et d'investissement s'élevaient à 549 000 euros et ses ressources à 938 000 euros.

* 50 Exemple tiré de MedXriv : « les preprints sont des rapports préliminaires portant sur des travaux qui n'ont pas encore été certifiés par un comité de relecture. Ils ne doivent pas servir de guides pour des essais cliniques, des politiques de santé ou être rapportés dans la presse comme étant des informations établies ». Ces messages de prudence invitent à mener une réflexion approfondie sur le partage de l'information scientifique alors que les résultats des preprints sont susceptibles d'être consultés par le grand public ou repris par les médias, alors même qu'ils ne possèdent pas le statut d'information vérifiée ou validée.

* 51 Les bibliothécaires universitaires étaient confrontés depuis les années 1990 - il faut le rappeler - à la hausse des tarifs d'abonnement des grands éditeurs de revues, dans le domaine des sciences, techniques et médecine (STM) surtout, pas vraiment dans celui des sciences humaines et sociales (SHS). Leurs regroupements étaient parfois anciens : la Ligue des bibliothèques européennes de recherche (LIBER) a ainsi été créée en 1971.

* 52 Fondé par Marin Dacos, avec ses fonds personnels, le portail devenu OpenEdition Journals s'appuie depuis 2007 sur le Centre pour l'édition électronique ouverte (Cléo), structure du CNRS dirigée par ce pionnier de la science ouverte. Devenu infrastructure nationale de recherche, il a été complété par trois autres portails : Calenda, Hypotheses et OpenEdition Books.

* 53 Cette pétition demandait aux éditeurs de publier leurs revues en accès ouvert, ou au moins en accès ouvert six mois après publication. Ses auteurs ont lancé PLOS à la suite de ce manifeste.

* 54 La Public Library of Science (PLOS) à accès ouvert fonctionnant sur la base de licences libres est imaginée dès 2000 mais se met en place en 2003. Elle publie de nombreuses revues comme PLOS Biology, PLOS Medicine, PLOS Computational Biology, PLOS Genetics, PLOS Pathogens et PLOS Clinical Trials ainsi qu'un journal uniquement électronique PLOS One. Le modèle économique consiste à financer le projet (largement subventionné par des universités américaines au demeurant) en faisant payer une taxe de publication à l'auteur, à l'employeur de l'auteur ou à l'organisme financeur.

* 55 Dans ce texte apparait, pour la première fois, la notion de deux stratégies qui préfigurent la voie verte ou Green et la voie dorée ou Gold : « l'auto-archivage » (dans une archive ouverte) et les « revues alternatives », qui qualifient les revues choisissant d'opérer la transition vers l'accès libre et renonçant à facturer l'abonnement ou l'accès (les sources de financement alternatives restent à déterminer mais l'appel conserve une grande latitude sur les modèles envisageables, parmi lesquels « les institutions et les gouvernements qui financent la recherche, les universités et laboratoires qui emploient les chercheurs, les dotations allouées par discipline ou par institution, les amis de la cause du libre accès, les profits générés par la vente d'enrichissements apportés aux textes de base, les fonds libérés par la transformation ou la disparition des périodiques facturant un abonnement traditionnel ou un prix d'accès, voire les contributions des chercheurs eux-mêmes ». Ce BOAI répondrait notamment à la hausse du prix des abonnements aux revues papier et électroniques, due à la position prédominante de certains éditeurs qui, à la suite de mouvements de concentration dans le champ de l'édition scientifique, se seraient retrouvés en position de quasi-monopole et seraient donc en mesure d'imposer des choix tarifaires rendant de plus en plus difficile la tâche des bibliothécaires désireux de proposer une offre documentaire cohérente et exhaustive. Cf. Vincent Larivière, Stéfanie Haustein, Philippe Mongeon, « The Oligopoly of Academic Publishers in the Digital Era », PLoS ONE, vol. 10, n° 6, 2015 et les explications fournies sur la page suivante : https://fr.wikipedia.org/wiki/Open_Archives_Initiative#Les_causes .

* 56 La Charte définit les critères d'une exploitation adéquate du patrimoine scientifique et culturel commun de l'humanité, tant pour la préservation des archives que pour l'exploration scientifique ou pédagogique ou encore pour la diffusion auprès du public.

* 57 Le texte de la déclaration de Berlin sur le libre accès à la connaissance en sciences exactes, sciences de la vie, sciences humaines et sociales est disponible en français au lien suivant : https://openaccess.mpg.de/68042/BerlinDeclaration_wsis_fr.pdf

* 58 Le dépôt Zenodo a été créé par le CERN grâce au programme-cadre européen pour la recherche et le développement « Horizon 2020 ».

* 59 L'appel qui a pris place sous la présidence néerlandaise de l'UE invitait chaque État membre à se doter d'un plan national pour la science ouverte. Les Pays-Bas l'ont fait dès 2016, dans le contexte de l'appel, et la France a été la première à les suivre en 2018, suivie de l'Irlande et de la Suisse en 2019. Cf. https://www.government.nl/topics/science/documents/reports/2016/04/04/amsterdam-call-for-action-on-open-science

* 60 Il prônait notamment que l'accès ouvert s'accompagne d'un soutien à la diversité des acteurs de la publication scientifique - la bibliodiversité - qui mette fin à la domination par un petit nombre d'entre eux dictant de ce fait leurs conditions aux communautés scientifiques et rappelait que priorité doit être donnée aux modèles économiques de publication qui n'impliquent le paiement ni par les auteurs pour publier, ni par les lecteurs pour accéder aux textes. Cf. https://www.ouvrirlascience.fr/wp-content/uploads/2018/09/Appel-de-Jussieu-pour-la-Science-ouverte-et-la-bibliodiversit%C3%A9.pdf

* 61 Cf. https://osec2022.eu/fr/appel-de-paris/

* 62 Le portail Cairn.info est lancé en 2005 par quatre maisons d'édition (Belin, De Boeck, La Découverte et Erès) et des fonds liés à des universités belges. Il s'agit de la première initiative impliquant un groupement d'éditeurs européens. Il faut observer que l'idée était issue du Programme de numérisation pour l'enseignement et la recherche (PNER), lancé en 1999 et qui prévoyait la transformation des dossiers de travaux dirigés photocopiés en versions numériques (projet Manum, pour Manuels numériques) et la création d'un portail numérique de revues (qui initialement a failli être une société mixte, mais deux projets ont finalement vu le jour, un public Persée et un privé Cairn.info).

* 63 Cf. le texte de la déclaration : https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000379949_fre

* 64 Cf. la communication de la Commission européenne, « Pour un meilleur accès aux informations scientifiques : dynamiser les avantages des investissements publics dans le domaine de la recherche », com (2012) 401 final, Bruxelles, 17 juillet 2012 : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:32012H0417

* 65 Une directive sur le droit d'auteur et les droits voisins dans le marché numérique a été adoptée en avril 2019 et concerne les exceptions et limitations à prévoir en matière de fouille de textes et de données « au bénéfice des universités et autres organismes de recherche, ainsi que des institutions du patrimoine culturel ».

* 66 Cf. https://www.stm-assoc.org/rightsretentionstrategy/

* 67 Elle a publié en 2019 une communication qui recommande un effort pour inclure les livres dans les plans de transition vers l' Open Access et définit une vingtaine de principes à respecter pour mener ces transitions, cf. https://www.scienceeurope.org/our-resources/briefing-paper-on-open-access-to-academic-books/

* 68 Cf. https://osec2022.eu/fr/appel-de-paris/

* 69 Cf. le lien suivant : https://www.recherche.uliege.be/cms/c_9194435/fr/open-access

* 70 Pierre Lescure, Contributions aux politiques culturelles à l'ère numérique , 2013. Cf. https://www.culture.gouv.fr/Espace-documentation/Rapports/Rapport-de-la-Mission-Acte-II-de-l-exception-culturelle-Contribution-aux-politiques-culturelles-a-l-ere-numerique

* 71 Conseil national du numérique, Ambition numérique. Pour une politique française et européenne de la transition numérique , rapport au Premier ministre, 2015. Sa 53 e proposition est de faire de la publication ouverte une obligation légale pour la recherche bénéficiant de fonds publics. Après un court délai d'embargo permettant l'activité commerciale de l'éditeur, toutes les publications scientifiques financées sur fonds publics doivent être librement accessibles, soit dans des revues ouvertes, soit dans un dépôt dans une archive institutionnelle. Le CNNum encourage de plus les chercheurs à mettre en accès libre les données brutes et anonymisées de la recherche à chaque fois que cela ne se heurte pas à des questions déontologiques ou de vie privée. Cf. https://cnnumerique.fr/files/2017-10/CNNum--rapport-ambition-numerique.pdf

* 72 Cf. l'article. L. 533-4 du code de la recherche créé par l'article 30 de la loi n°2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique : « Lorsqu'un écrit scientifique issu d'une activité de recherche financée au moins pour moitié par des dotations de l'État, des collectivités territoriales ou des établissements publics, par des subventions d'agences de financement nationales ou par des fonds de l'Union européenne est publié dans un périodique paraissant au moins une fois par an, son auteur dispose, même après avoir accordé des droits exclusifs à un éditeur, du droit de mettre à disposition gratuitement dans un format ouvert, par voie numérique, sous réserve de l'accord des éventuels coauteurs, la version finale de son manuscrit acceptée pour publication, dès lors que l'éditeur met lui-même celle-ci gratuitement à disposition par voie numérique ou, à défaut, à l'expiration d'un délai courant à compter de la date de la première publication. Ce délai est au maximum de six mois pour une publication dans le domaine des sciences, de la technique et de la médecine et de douze mois dans celui des sciences humaines et sociales ». En contradiction avec le droit d'auteur et la liberté académique, il est précisé que ces dispositions sont « d'ordre public et (que) toute clause contraire à celles-ci est réputée non écrite ».

* 73 François Gèze explique que « d'une certaine façon, la « consultation publique » ouverte pour trois semaines en septembre 2015, invitant les internautes, quels qu'ils soient (y compris anonymes et étrangers), à donner leur avis sur les divers articles de la « loi Lemaire » peut être vue comme le couronnement de toutes ces nouvelles formes d'action publique : la définition d'un objectif politique clair par l'exécutif, puis la prise en compte d'expertises préalables et l'organisation rationnelle du débat entre acteurs concernés pour mettre au point un projet de loi (consultations, réunions interministérielles, débats parlementaires) ont été reléguées au rang de vieilles lunes ; et cela au profit d'un simulacre de « démocratie » directe à coups de « likes » et de « tweets », permettant aux lobbies les mieux organisés d'« emporter le morceau ». On retrouve là, et ce n'est pas une surprise, la méthode suivie de longue date par les fonctionnaires de la Commission européenne pour définir leurs choix politiques : manquant souvent de l'expertise nécessaire sur les sujets les plus techniques, ils n'hésitent pas à consulter les professionnels concernés, ce qui est logique. Mais, ensuite, ce n'est pas le débat démocratique qui permet de trancher entre des options contradictoires ou d'établir des compromis équilibrés assurant l'intérêt général ; ce sont, de plus en plus souvent, des consultations en ligne où la voix d'un internaute anonyme compte autant que celle d'un syndicat représentant tout un secteur culturel (cela a été le cas, par exemple, en 2014 et 2015 pour des consultations sur le droit d'auteur et l' open access ). D'où le rôle central (et opaque) joué à Bruxelles par les lobbyistes professionnels, aussi nombreux que les fonctionnaires de la Commission ». François Gèze estime que le processus technocratique « s'est affranchi, pour l'essentiel, de tout souci d'expertise, de compétences partagées ou de diplomatie, au profit de la mise en scène de parti pris idéologiques et de la fabrication de compromis entre « parties prenantes » établis sur la base du « qui crie le plus fort » dans les antichambres ministérielles, dans l'arène publique et sur les réseaux sociaux ». Il rappelle aussi qu'en novembre 2015, lors d'un colloque scientifique sur le sujet, un représentant du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche a expliqué que « l'objectif du ministère n'est pas de définir une politique sur la base de constats rationnels, mais de faciliter les échanges de points de vue entre les acteurs de l'information scientifique et technique ». Au total, il déplore « un triste gâchis, puisque le très légitime objectif d'un accès le plus large possible aux résultats de la recherche financée sur fonds publics a été altéré par le credo simpliste de certains des partisans de l' open access , d'autant plus convaincus que seul l'État peut assurer cette mission qu'ils sont eux-mêmes opérateurs publics dans ce domaine (principalement dans les SHS) ; et donc qu'il conviendrait d'étatiser l'édition scientifique francophone en se débarrassant définitivement des éditeurs privés qui existent encore en France ». Cf. François Gèze, « Quelle politique numérique pour l'édition de savoir ? », Le Débat, n° 188, 2016. Cf. https://www.cairn.info/revue-le-debat-2016-1-page-30.htm

* 74 « L'édition de savoir ne doit pas être soumise au seul modèle de la gratuité », Le Monde, 7 octobre 2015.

* 75 François Gèze, « Quelle politique numérique pour l'édition de savoir ? », op.cit.

* 76 Le recul des abonnements aux revues n'est pas seulement lié au dépôt des articles dans les archives ouvertes. Il résulte aussi de l'accessibilité des revues par le biais des bouquets acquis par les bibliothèques. En outre, les chercheurs n'ont plus besoin de se déplacer physiquement en bibliothèque pour trouver une ressource documentaire, ils y ont accès depuis chez eux et éprouvent donc moins qu'auparavant le besoin de s'abonner par ailleurs, si ce n'est dans le cadre du soutien à une société savante par exemple.

* 77 Couperin est créé en France en 1999, au moment où est conclu un premier groupement d'achats avec Elsevier.

* 78 Cf. le rapport de Daniel Renoult « l'Édition scientifique de revues » : https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/l-edition-francaise-de-revues-scientifiques-plan-de-soutien-et-evaluation-des-effets-de-la-loi-du-7-47800

* 79 Cf. le rapport de Jean-Yves Mérindol sur l'avenir de l'édition scientifique et la science ouverte https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/les-pouvoirs-publics-et-l-edition-scientifique-en-france-47770

* 80 Tout en maintenant l'autonomie des plateformes, la mutualisation de développements permettrait de renforcer l'attractivité de celles-ci et de réaliser des économies d'échelle. Par exemple, la mutualisation d'efforts concernant les dispositifs électroniques de soumission et d'évaluation de manuscrits, d'enrichissements bibliographiques, de détection du plagiat, la traduction automatique, le référencement international, l'expérimentation de modèles économiques, le développement de l'interopérabilité entre plateformes (par exemple entre les livres et leurs comptes rendus, qui sont par construction transplateformes), etc. seraient au bénéfice de tous et susceptibles d'accélérer l'évolution des services offerts à la communauté scientifique. Enfin, une démarche mutualisée des plateformes devrait permettre d'améliorer l'accessibilité aux personnes handicapées de leurs interfaces et des contenus qu'elles diffusent.

* 81 Cette formule a le double avantage de rationaliser l'achat public de publications scientifiques et de garantir une visibilité pluriannuelle à moyen terme aussi bien aux plateformes qu'aux revues.

* 82 Pour rappel, on estime que seuls 31 % des revues de SHS signent un contrat. Il ne faut plus se contenter de contrats tacites entre les responsables de revues, les auteurs, les éditeurs. À l'heure du numérique et a fortiori quand il s'agit d'accès ouvert, l'accord de l'auteur doit être explicite.

* 83 Cf. https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/roselyne-bachelot-narquin-ministre-de-la-culture-et-frederique-vidal-ministre-de-l-enseignement-82723

* 84 D'après Jean-Yves Mérindol, les éditeurs ont considéré que « ce manque de concertation, outre qu'il était désobligeant, n'augurait pas très favorablement de la façon dont serait utilisé le fonds national pour la science ouverte. Sa répartition est confiée au comité pour la science ouverte, dans lequel ne siègent que des représentants des institutions publiques. Circonstance aggravante aux yeux des éditeurs : certaines de ces institutions ont des activités d'édition qui les placent en concurrence directe avec les autres éditeurs ».

* 85 Cf. la tribune de Laurent Bérard-Quélin (FNPS) et Vincent Montagne (SNE), dans Le Monde du 18 janvier 2019 : « Pourquoi vouloir tuer l'édition scientifique ? ».

* 86 Le taux de publications scientifiques françaises en accès ouvert est passé de 41 % en 2017 à 56 % en 2019, cf. le bilan du premier plan national pour la science ouverte, rendu public par le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation en mai 2021 : https://cache.media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/science_ouverte/24/3/Bilan_PNSO_v2_1414243.pdf

* 87 Afin de mener à bien une politique de science ouverte dans un contexte européen et international, la France a souhaité renforcer ou installer sa représentativité dans les instances, organisations et événements significatifs au niveau international. Il s'agit tant de représentants permanents, élus ou nommés, dans les bureaux ( boards ) des organisations internationales, que d'experts assistant à des rencontres internationales et y portant, de manière coordonnée et concertée, la position de la France. Dans ce but, le collège Europe et international du Comité pour la science ouverte a lancé en 2021 un appel à manifestation d'intérêt - AMI - qui a permis la construction d'un réseau d'experts internationaux de la Science ouverte (ReiSo). Cf. https://www.ouvrirlascience.fr/ami-reseau-experts-internationaux-de-la-science-ouverte/

* 88 Cf. le baromètre au lien suivant https://barometredelascienceouverte.esr.gouv.fr/

* 89 L'accroissement régulier de ce taux, observé chaque année depuis 2018, est un indicateur de l'impact des politiques publiques en faveur de l'accès ouvert. Il témoigne de l'évolution des pratiques de publication des chercheurs, du renforcement des infrastructures de publication en accès ouvert et des stratégies des acteurs de l'édition scientifique.

* 90 Cf. le rapport de son comité d'éthique par Gilles Adda, Philippe Askenazy, Jean-Gabriel Ganascia et al., « Les publications à l'heure de la science ouverte » disponible au lien suivant : https://www.ouvrirlascience.fr/wp-content/uploads/2020/02/COMETS_Les-publications-a-lheure-de-la-science-ouverte_Avis-2019-40-1.pdf

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