B. RENFORCER LE SUIVI DE LA PRÉVENTION DES CONFLITS D'INTÉRÊTS

Élaboré par l'association française des entreprises privées (AFEP) et le mouvement des entreprises de France (Medef) et publié pour la première fois en 1995, le code de gouvernement d'entreprise des sociétés cotées, dit code AFEP-Medef, regroupe les recommandations en matière de gouvernement d'entreprise des sociétés cotées. Il vise à améliorer le fonctionnement, la gestion et la transparence de ces entreprises pour mieux répondre aux attentes des investisseurs et du public. Il a été adopté par la plupart des 120 premières capitalisations françaises (SBF 120).

S'il vise en premier lieu les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé, il peut également être appliqué dans les autres établissements, en les adaptant à leurs spécificités. Le Haut Comité de gouvernement d'entreprise (HCGE), institué en 2013, est chargé du suivi de l'application du code, de proposer des mises à jour et de rédiger, chaque année, un rapport d'activité. Les sociétés cotées qui se réfèrent au code recensent, dans leur rapport sur le gouvernement d'entreprise, les modalités d'application des recommandations et justifient un éventuel écart, de manière compréhensible, pertinente et circonstanciée. Les motivations doivent ainsi expliquer, le cas échéant, en quoi la spécificité de l'entreprise peut conduire à une dérogation et détailler les mesures alternatives mises en oeuvre.

Le suivi de la mise en oeuvre des recommandations AFEP-Medef est également assuré par l'Autorité des marchés financiers (AMF). En application de l'article L. 621-18-3 du code monétaire et financier, celle-ci établit chaque année un rapport portant sur le gouvernement d'entreprise et la rémunération des dirigeants, sur la base d'un échantillon 168 ( * ) . Le document fait également état des bonnes pratiques des entreprises cotées. Il en favorise le développement à travers la formulation de recommandations et de pistes de réflexion . Les recommandations, conçues comme des invitations à adopter un comportement ou à se conformer à une disposition, sont adressées aux sociétés cotées. Les pistes de réflexion s'adressent à l'AFEP et au Medef. Dans son rapport 2019, l'AMF avait ainsi relevé que la prévention des conflits d'intérêts était insuffisamment documentée s'agissant des relations d'affaires entre les groupes Havas, Bolloré et certaines filiales de Vivendi. Des risques pourraient également être évoqués avec les fournisseurs d'accès également propriétaires de médias.

Si le code et son application relèvent de la soft law , sa mise en oeuvre par les sociétés cotées est suivie par les marchés, les fonds activistes donnant, notamment, un certain écho aux recommandations adressées à ces entreprises. Amber Capital, deuxième actionnaire du groupe Lagardère, a ainsi oeuvré au sein de l'assemblée générale du groupe en 2018 pour tenter de modifier la composition du conseil d'administration, jugeant le niveau d'indépendance de celui-ci non compatible avec les recommandations du code.

Signe de son adaptation aux nouveaux enjeux, le code intègre, depuis novembre 2016, des principes ayant trait à la responsabilité sociale et environnementale des entreprises . Ainsi, depuis juin 2018, le conseil d'administration doit notamment s'attacher à promouvoir la création de valeur par l'entreprise sur le long terme en considérant les enjeux sociaux et environnementaux (articles 1.1, 1.4 et 1.5 du code).

Il pourrait être envisagé d'y introduire désormais des principes spécifiques pour les groupes industriels possédant des entreprises de médias , afin de mieux garantir l'indépendance des rédactions et prévenir tout conflit d'intérêts . La principale disposition consisterait au renforcement des « murailles de Chine » entre les différents secteurs d'activité, dans un contexte marqué notamment par la mise en oeuvre de stratégies de convergence entre « tuyaux » et contenus.

L'article 2.4 du code AFEP-Medef prévoit pour l'heure que lorsqu'une société est contrôlée par un actionnaire majoritaire (ou un groupe d'actionnaires agissant de concert), celui-ci « veille avec une attention particulière à prévenir les éventuels conflits d'intérêts et à tenir compte de tous les intérêts ». Il pourrait être envisagé, s'agissant des entreprises de médias, de préciser que les intérêts à prendre en compte sont, notamment, ceux des rédactions. La garantie de l'indépendance de celles-ci serait ainsi consacrée au sein du code . La mise en oeuvre de cette garantie devrait être documentée.

Cette mise à niveau du code AFEP-Medef viendrait compléter la nomination d'un administrateur indépendant chargé de cette question au sein du conseil d'administration. Lors de son audition le 7 mars, le ministre de l'économie Bruno Le Maire, interrogé par le Rapporteur, a estimé cette idée prometteuse, lui-même sensible au risque de conflit d'intérêts : « Je suis favorable à un renforcement de la prévention des conflits d'intérêts, au-delà même des seuls médias, ainsi qu'à une plus grande transparence, afin d'éviter tout soupçon. Je rejoins également les objectifs du code AFEP-Medef . »

Proposition 11 : proposer à l'AFEP et au Medef une révision du code de gouvernement d'entreprise des sociétés cotées afin de préciser que, s'agissant des sociétés cotées disposant d'activités médias, l'actionnaire majoritaire veille avec une attention particulière à prévenir les éventuels conflits d'intérêts avec les autres branches du groupe qu'il contrôle, à documenter les dispositions visant à garantir l'étanchéité entre les activités (murailles de Chine) et à tenir compte de l'indépendance des rédactions .


* 168 Le rapport 2021 précise ainsi que l'échantillon est constitué des 50 premières sociétés françaises du SBF 120, cotées sur le marché parisien et dont l'assemblée générale s'est tenue entre janvier et juillet 2021. Il comprend ainsi les 35 sociétés françaises du CAC 40 et les 15 premières du SBF 120. Le rapport de l'AMF se fonde sur les documents d'enregistrement universel de ces sociétés au titre de l'année achevée ainsi que dans des communiqués de presse publiés ou mis en ligne sur leur site internet, notamment dans la section dédiée à l'assemblée générale annuelle.

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