H. PÉRENNISER LE FINANCEMENT DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC

Le rapport précité de Jean-Pierre Leleux et André Gattolin proposait de sécuriser les ressources de l'audiovisuel public en s'inspirant de la réforme adoptée en 2013 en Allemagne. Face à un secteur privé qui pourrait demain gagner en taille comme en influence, il est essentiel d'offrir à l'audiovisuel public les moyens de ses ambitions, ainsi que la pérennité de son financement, gage de son indépendance éditoriale.

Proposition 25 : assurer une ressource fiscale autonome et pérenne pour le financement de l'audiovisuel public. La mission commune de contrôle sur le financement de l'audiovisuel public menée au Sénat par la commission des finances et la commission de la culture, de l'éducation et de la communication pourra faire des propositions .

I. RENFORCER L'INDÉPENDANCE DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC

Proposition 26 : Prévoir la nomination d'un administrateur indépendant dans les conseils d'administration des sociétés de l'audiovisuel public, chargé de veiller à l'impartialité de l'information et de rendre compte de cette impartialité devant les commissions chargées des affaires culturelles des deux assemblées.

Cette proposition constitue le pendant de la proposition n° 1 pour les sociétés cotées.

J. RÉFORMER LES AIDES À LA PRESSE

La loi de finances pour 2022 prévoit une réforme des aides à la distribution en ciblant l'aide à l'exemplaire posté et l'aide au portage. Est ainsi mise en place une aide à l'exemplaire à double barème .

Un premier volet dédié aux exemplaires postés est destiné aux éditeurs des publications IPG d'une périodicité au maximum hebdomadaire ainsi que des quotidiens à faible ressource publicitaires (QFRP) et des quotidiens à faibles ressources de petites annonces (QFRPA). Aux fins d'encouragement du portage, le montant de cette aide devrait être diminué à compter du 1 er janvier 2024, sauf pour les exemplaires distribués dans les communes situées dans les zones dites peu denses.

L'aide au portage sera, quant à elle, accordée aux seuls titres portés par un réseau ou par une composante d'un réseau ayant conclu avec la direction générale des médias et des industries culturelles du ministère de la culture. Un montant incitatif est mis en place pour les publications IPG hebdomadaires afin de les inciter à recourir à ce dispositif. À côté de cette aide à l'exemplaire, subsiste également une aide aux réseaux de portage, dotée comme en 2021. Cette aide dédiée à soutenir les efforts de mutualisation des réseaux de portage est appelée à disparaître en 2023.

Cette réforme devrait permettre une réduction du montant des aides versées à l'horizon 2026 , ce qui pourrait permettre une réorientation des crédits disponibles vers le renforcement du pluralisme ou la modernisation du secteur.

Comme le présent rapport l'a montré et de nombreuses auditions l'ont souligné, une réflexion doit, en effet, être engagée sur le format même des aides à la presse, avec comme axes principaux :

- la question de l'efficience des dispositifs actuels dédiés à la préservation du pluralisme ;

- le renforcement des dispositifs de soutien à l'émergence de nouveaux médias indépendants ;

- l'appui à la transition numérique.

La redéfinition des aides au pluralisme constituerait à cet égard une étape importante .

L'angle de la faiblesse des ressources publicitaires ne peut plus servir de seul critère pour l'attribution d'une dotation publique. Le degré de dépendance à un groupe - qu'il s'agisse d'un groupe de presse ou d'un groupe industriel - auquel tel ou tel titre peut être rattaché doit également être appréhendé dans l'analyse des dossiers : il s'agira de prendre en compte le chiffre d'affaires du groupe , le montant éventuel de ses pertes, la rentabilité des autres titres ou médias qu'il possède et le montant des revenus perçus au titre de la diversification de ses activités. Comme l'a rappelé Jean-Baptiste Gourdin, directeur général des médias et des industries culturelles au ministère de la culture devant la commission d'enquête le 2 décembre : « Dans les règles actuellement en vigueur, qui sont tout à fait transparentes, il n'existe aucun critère permettant de tenir compte de la profitabilité du bénéficiaire de l'aide, qu'il s'agisse du titre de presse lui-même ou du groupe auquel ce dernier appartient ». Il importe donc d'améliorer ce dispositif. Il convient de rappeler à ce stade que le chiffre d'affaires constitue, s'agissant des titres, un élément déterminant en ce qui concerne l'attribution des aides puisqu'il est pris en compte au moment de l'élaboration des conventions-cadres (cf supra ).

L'aide au pluralisme se transformerait de la sorte en une aide à l'indépendance , rejoignant l'idée avancée par la ministre de la culture lors de son audition par la commission d'enquête le 23 février. Roselyne Bachelot a émis au cours de cette audition l'idée d'une « bonification » des aides au pluralisme pour les titres indépendants. Une telle option engendrerait cependant mécaniquement une forme de statu quo s'agissant de l'accès des groupes à des financements publics dont ils n'ont pas toujours forcément besoin et maintiendrait en quelle sorte une dépendance à ces fonds.

L'accès aux aides à la modernisation doit également être clarifié s'agissant des titres appartenant à des groupes de presse ou à des groupes industriels. Il s'agit, comme l'a rappelé le rapporteur spécial de la commission des finances du Sénat, Roger Karoutchi, dans son rapport de juin 2021 sur les aides à la presse 174 ( * ) , de rendre moins « opaque » la doctrine d'utilisation de ces fonds pour éviter « tout soupçon de clientélisme ». Il conviendrait ainsi de préciser là encore le degré de dépendance d'un titre à un groupe, au travers des critères énoncés plus haut s'agissant des aides au pluralisme. Cette précision serait cohérente avec les arguments avancés par les propriétaires de groupes de médias devant la commission d'enquête, insistant sur la liberté financière qu'apportait, pour un titre, l'appartenance à un groupe, en vue de lui permettre d'opérer des virages stratégiques quant à la modernisation de ses rédactions ou l'accompagnement de la transition numérique. Il convient, en outre, de relativiser l'impact d'une suppression éventuelle de ces aides pour les groupes concernés : Matthieu Pigasse, propriétaire de Combat Media et actionnaire du Monde, rappelait ainsi devant la commission d'enquête le 28 janvier que « dans le cas du Monde et des Inrockuptibles, ces aides représentent moins de 1 % du chiffre d'affaires ».

Proposition 27 : réviser les conditions d'octroi des aides au pluralisme et à la modernisation en prenant en compte la situation financière des groupes auxquels les titres candidats sont rattachés .

Symétriquement , il pourrait être envisagé une forme de « bonification » des aides pour les titres présentant de manière volontaire les meilleures garanties d'indépendance des rédactions, par exemple, la validation du directeur de la rédaction par les journalistes ou bien aux titres adhérents au Conseil de déontologie journalistique et de médiation (CDJM) ou à la Journalism Trust Initiative de RSF. Pour plus d'indépendance des rédactions, il est nécessaire de renforcer le recours à des organismes externes de vérification de la déontologie : le CDJM en particulier a montré son utilité par la publication de nombreux avis motivés, centrés sur l'étude des pratiques journalistiques et non le contenu éditorial. Il est regrettable que tous les acteurs du secteur de l'information ne se soient pas saisis de cet organisme.

Proposition 28 : accorder une bonification des aides à la presse aux titres respectant de manière volontaire certains critères permettant de mieux assurer l'indépendance des rédactions .


* 174 Op. cite.

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