B. UN SUCCÈS CERTAIN, DES OBSTACLES À SURMONTER

1. Les réussites du service civique
a) Une montée en puissance continue

De 6 000 contrats signés en 2010, le nombre annuel des engagements a été multiplié par quinze pour atteindre 90 000 contrats signés en 2021. 600 000 volontariats ont été souscrits depuis la création du service civique.

Nombre de volontaires accueillis depuis 2012 (en stock 198 ( * ) )

Source : rapport d'activité 2020 de l'Agence du service civique.

Le volume des agréments a fortement augmenté entre 2020 et 2021, passant de 105 000 missions à 145 000.

Actuellement, la montée en puissance du service civique s'inscrit dans le plan 1 jeune, 1 solution , qui vise à accueillir 220 000 volontaires en tout, ce qui peut expliquer des délais plus longs dans le traitement des demandes d'agrément.

Le service civique est donc un pari réussi, si l'on se réfère au « double scepticisme » avec lequel il fut accueilli au départ, qu'il s'agisse de la possibilité de trouver les financements nécessaires ou de susciter assez de candidatures auprès des jeunes : Martin Hirsch, premier président de l'Agence du service civique, a fait observer lors de son audition que dès la première année il y avait eu 200 000 volontaires pour 20 000 places, et que l'engagement de permettre chaque année à 10 % d'une classe d'âge (soit environ 75 000 jeunes) de réaliser un service civique avait été respecté compte tenu du nombre annuel de volontaires 199 ( * ) .

Selon la présidente de l'Agence du service civique, le contexte sanitaire de 2020-2021 a montré l'adaptation de ce dispositif à une situation de crise, puisqu'il a été possible de déployer rapidement des volontaires dans des missions relevant de la santé, plus particulièrement pour accompagner la montée en charge des centres de vaccination.

Toutefois, l'augmentation sensible du nombre de volontaires prévue par le plan 1 jeune, 1 solution suppose de poursuivre la montée en puissance du dispositif à une échelle soutenue. Lors de son audition, la présidente de l'Agence du service civique a présenté quatre axes de développement pour atteindre cet objectif : augmenter le nombre de missions dans les organismes d'accueil déjà accrédités ; solliciter de nouveaux organismes ; accompagner le travail des référents territoriaux et des organismes locaux ; investir de nouveaux champs de mission.

Sur ce point, la crise sanitaire a mis en lumière de nouveaux champs d'action possibles, comme la lutte contre l'isolement des personnes âgées, l'accompagnement des personnes fragiles, isolées ou en difficulté, notamment les personnes en situation de handicap, ou encore de nouvelles missions dans le domaine de la santé, comme l'a illustré le développement des centres de vaccination.

Ces perspectives de développement n'impliquent pas que les volontaires se substituent aux aides-soignants ou aux agents publics.

À cet égard, lors de son audition, Martin Hirsch a estimé que « les hôpitaux (étaient) inégaux devant le service civique ». Il a plaidé pour un développement du nombre de volontaires susceptibles d'y être accueillis, dans un esprit de complémentarité avec le personnel soignant et sans risque de « déprofessionnaliser le système » : « Quand on place des volontaires en service civique dans les services d'urgence, ce n'est pas pour faire des piqûres ou porter des brancards. Quand une personne âgée qui s'est tordu la cheville arrive aux urgences et doit prévenir ses enfants, mais n'y parvient pas parce que son portable n'a plus de batterie, les infirmières n'ont pas le temps de l'aider, alors que des bénévoles peuvent le faire » .

Cet exemple illustre la nécessité, en amont, du travail de définition du contenu de la mission, afin qu'elle complète celle des professionnels et leur soit utile.

b) L'accueil de volontaires aux profils très divers

Signe de son intérêt en termes de cohésion nationale, le service civique attire des jeunes de profils très différents, ce que confirment les chiffres-clés ci-après. Pour Martin Hirsch, cette diversité est apparue dès les débuts du dispositif : « certains avaient fait des études brillantes, d'autres avaient raté leurs études, certains avaient été biberonnés à l'engagement depuis trois générations, d'autres étaient arrivés là à l'initiative de la mission locale... » 200 ( * ) .

Les jeunes et le service civique : chiffres-clés de 2021

Le service civique est ouvert aux jeunes de 16 à 25 ans - jusqu'à 30 ans pour les personnes en situation de handicap.

En 2021, l'âge moyen est de 21 ans, 7 % des jeunes volontaires étant mineurs.

La majorité des volontaires sont des femmes (61 %).

43 % des volontaires effectuent une mission juste après avoir obtenu leur baccalauréat, 35 % des jeunes ont un niveau supérieur au baccalauréat et 22 % un niveau CAP ou BEP.

17 % des volontaires appartiennent à la catégorie « ni en en emploi, ni en formation ».

Entre 20 et 25 % des jeunes volontaires sont issus de la ruralité.

12 % des jeunes viennent de quartiers prioritaires 201 ( * ) .

Dans les territoires d'outre-mer, les volontaires représentent 10 % des jeunes.

Les jeunes en situation de handicap représentent 1,4 % des volontaires.

20 % des missions ne sont pas menées à leur terme. Les trois principales raisons sont les suivantes : une embauche (CDD ou CDI) ou une reprise d'études - 40% des cas - ; un commun accord entre le volontaire et l'organisme d'accueil - 31% des cas - ; un abandon de postes - 18 % des cas.

Actuellement, 82 % des jeunes effectuent leurs missions dans des associations, 12 % dans des collectivités territoriales et 3 % dans des services de l'État ou des établissements publics.

L'indemnité versée au volontaire est de 473 euros mensuels. Le coût pour l'organisme d'accueil est estimé à 107 euros par mois.

Source : Agence du service civique 202 ( * )

Si 40 % des volontaires environ ont le bac ou un niveau bac+2, les jeunes en situation de décrochage scolaire représentent quelque 17 % des volontaires. Le service civique confirme ainsi la double nature souhaitée par le législateur à l'origine. Selon la présidente d' Unis Cité , « le service civique n'est pas un dispositif d'insertion mais il est très efficace en effets secondaires induits car il apporte la fierté d'avoir été utile, une confiance en soi, et c'est vrai pour tous les jeunes, quel que soit le milieu ou le niveau d'études » 203 ( * ) .

c) Un dispositif plébiscité par les jeunes

91 % des volontaires sont satisfaits par leur mission de service civique et 96 % le recommanderaient à leurs proches 204 ( * ) . En outre, et depuis sa création, le nombre de demandes est supérieur au nombre de missions proposées 205 ( * ) . Ces chiffres sont à comparer à la situation allemande, où le nombre de jeunes effectuant un service volontaire - 80 000 - demeure inférieur au budget prévu pour le service volontaire des jeunes, qui permettrait de financer jusqu'à 120 000 missions.

(1) Des motivations variées

Les volontaires rejoignant le service civique sont motivés par des raisons diverses, qui illustrent la dualité du service civique, à la fois expérience valorisante dans une perspective d'insertion professionnelle et engagement au service de la collectivité. Les témoignages entendus par la mission d'information confirment le succès de ce dispositif auprès des jeunes, qui en sont les meilleurs ambassadeurs.

Si les motifs liés à l'insertion professionnelle, au revenu et si les préoccupations relatives à l'orientation sont très présents dans la motivation des volontaires, car les éléments d'attractivité du service civique sont multiples, il n'en demeure pas moins que, selon le directeur général de l'Agence du service civique, « le service civique attire les jeunes ayant une prédisposition à l'engagement ». Il serait donc réducteur de considérer le service civique uniquement comme une passerelle vers l'emploi : « Les jeunes sont en général motivés par un faisceau de raisons. Les éléments d'attractivité du service civique sont multiples. Le service civique permet d'exercer des missions d'intérêt général et de citoyenneté ou de développement de la cohésion sociale. L'engagement pour autrui est une motivation sous-jacente de base. S'y ajoutent tous les éléments d'attractivité du service civique » 206 ( * ) .

Au demeurant, la présidente de l'Agence du service civique a estimé avec raison qu'« il n'existe pas de mauvaise raison de s'engager ».

Pour quelles raisons avez-vous fait un service civique ?

Source : INJEP, mai 2021

Une étude récente de l'Injep montre que les volontaires du service civique exerçaient plus souvent une activité bénévole avant le début de leur mission que la moyenne des jeunes.

Le domaine de la mission est le premier critère de choix des volontaires (54 %), loin devant le lieu où elle s'exerce (31 %). D'ailleurs, même pour les volontaires originaires d'une commune rurale, le critère géographique, bien qu'un peu plus élevé que la moyenne (36 %), n'est pas le premier motif des volontaires. La nature de la mission prime pour 28 % de ces jeunes, ces proportions augmentant avec le niveau d'études (34 % des volontaires ayant commencé des études mentionnent ce critère, cette proportion atteignant 46 % pour les étudiants en bac +5) 207 ( * ) .

Enfin, une part importante des volontaires (44 %) estime que leur mission a eu une influence positive sur leur envie de faire du bénévolat, ce que confirme l'exemple du financement du permis de conduire proposé par l'association Uni'sons , rencontrée à Montpellier par une délégation de la mission d'information 208 ( * ) .

La découverte de l'engagement, au-delà des raisons initiales d'inscription au service civique : l'exemple du financement du permis
de conduire par l'association Uni'sons

Lors de son déplacement à Montpellier, en mars 2022, la mission d'information s'est entretenue avec Habib Deshraoui, directeur, et Nacer Benammar, éducateur spécialisé, de l'association Uni'sons , ainsi qu'avec plusieurs jeunes volontaires qu'elle accueille au titre du service civique. Uni'sons organise deux réunions annuelles d'information sur le service civique pour les jeunes du quartier. Afin d'inciter les jeunes les plus éloignés de l'insertion sociale et professionnelle à s'engager dans un service civique, l'association leur finance leur permis de conduire. En effet, l'association estime que 100 % des jeunes se sentent concernés par son obtention.

Il ressort des échanges avec les responsables de l'association et les volontaires qui ont pu bénéficier de ce dispositif, que si le financement du permis de conduire est l'élément permettant d'attirer des jeunes qui ne s'intéresseraient pas au service civique sans cet élément d'attractivité, une fois la mission commencée, ils se plaisent dans le contenu de celle-ci, « le financement du permis de conduire devenant secondaire ».

(2) Témoignages de volontaires : « une expérience unique »

La mission d'information a souhaité échanger avec des jeunes en service civique ou d'anciens volontaires, afin de connaître les raisons ayant motivé leur choix d'effectuer une mission et leur avis sur cette politique publique.

Selon les témoignages entendus par la mission d'information, il s'agissait pour ces jeunes d'acquérir une expérience avant une reconversion, de faire une pause dans leur parcours de formation, de concrétiser un projet professionnel, ou encore de « faire quelque chose » pendant un an, à la suite de l'absence d'une place en master. Environ un quart des volontaires qui reprennent des études à la suite d'un service civique se réoriente dans une autre filière ou une autre discipline 209 ( * ) .

Ces préoccupations rejoignent celles de très nombreux volontaires : « pour eux, le service civique c'est : 1. Un moyen d'acquérir de l'expérience professionnelle, 2. Un temps de découvertes et de rencontres, 3. L'occasion de faire un point sur sa vie, 4. L'opportunité de découvrir un secteur d'activité, 5. Un moyen de se sentir utile » 210 ( * ) .

L'ensemble de ces jeunes ont fait part de leur satisfaction vis-à-vis de leurs missions. Ils ont mis en avant les expériences acquises, le développement de soft skills (empathie, entre autres compétences), la rencontre avec de nouvelles personnes ainsi que le travail en équipe, la confiance en soi ou encore la découverte de l'engagement.

Paroles de jeunes en service civique 211 ( * )

« Ce que je trouve formidable avec le service civique, c'est la diversité. [...] Même en n'ayant pas les mêmes connaissances ni compétences, nous nous apportons mutuellement plein de choses et nous apprenons sur nous-même et sur les autres ».

« Nous sommes censés être recrutés pour notre motivations et pas pour nos diplômes ou nos compétences. [...] Ma mission consistait à animer les débats pour favoriser l'esprit critique du public sur différents sujets de société, en nous servant du cinéma. Je n'ai pas fait d'étude de cinéma ou d'animation, mais avec les autres membres de l'équipe nous nous complétions. Je pense qu'il est donc très important de faire que les missions se déroulent en équipe. »

« Concernant les raisons pour lesquelles je me suis engagée en service civique, j'ai fait des études mais cela ne me plaisait pas forcément. C'était donc pour acquérir une expérience avant de valider mon choix de reconversion. »

« Le service civique m'a appris l'engagement. J'y ai appris qu'il s'agissait de donner son temps et de s'investir dans son travail. J'ai ensuite commencé à faire du bénévolat dans des structures sportives ».

« Le service civique m'a apporté le fait de rencontrer des personnes différentes, d'âges différents, venant de lieux différents. Cela m'a permis de reprendre confiance en moi et de faire partie d'un groupe ».

« Pour moi le service civique a été un réel tournant dans ma vie. Je faisais une licence de droit et de sciences politiques et cela m'a permis professionnellement de concrétiser mes visions pour l'avenir en m'investissant dans le milieu associatif et social ».

« Le fait que cette mission dure de six à douze mois permet un réel engagement et de voir un réel impact sur le terrain. Contrairement au service national universel qui est plus court, le service civique permet à chacun de réellement s'engager ».

2. D'important défis à relever dans la perspective de l'augmentation du nombre de missions
a) Les enjeux du plan 1 jeune, 1 solution

L'augmentation sensible du budget alloué au service civique ces deux dernières années dans le cadre de la politique 1 jeune, 1 solution permet le financement de 100 000 missions supplémentaires sur deux ans 212 ( * ) . Il s'agit d'un défi à relever en termes de nouveaux organismes à solliciter, à accompagner puis à agréer, de missions à créer et à contrôler ou de formation des tuteurs. La marche est haute : rapportée au nombre de missions financées jusqu'au lancement de cette politique (145 000), elle représente une augmentation de 69 % du nombre de missions de service civique en quelques mois.

Dans ce contexte, la mission d'information se félicite de l'augmentation du nombre d'ETP dont bénéficie l'Agence du service civique, cohérente avec la nécessité d'accompagner de nouveaux organismes d'accueil et s'assurer de la qualité des missions proposées.

Elle tient également à souligner le coût d'entrée important dans le dispositif pour un nouvel organisme d'accueil, son investissement fort pour permettre la réussite d'une mission, ainsi que la forte mobilisation des équipes nationales et déconcentrées de l'Agence du service civique.

b) Renforcer le rayonnement du service civique, un enjeu d'avenir

Le rayonnement du service civique, indispensable à la montée en puissance actuelle, passe principalement par une valorisation renforcée de cet engagement, par des initiatives visant à mieux faire connaître ce dispositif, par la création d'un réseau d'anciens volontaires et par des efforts à l'attention des tuteurs.

(1) La valorisation du service civique dans les études et le parcours professionnel

À l'occasion de plusieurs auditions, la nécessité de mieux valoriser le service civique dans le parcours professionnel et d'études du jeune volontaire a été soulignée.

La valorisation du service civique dans les cursus scolaires et universitaires est prévue par la loi de 2010, qui a modifié en ce sens le code du service national 213 ( * ) . Une disposition de même objet a été inscrite dans le code de l'éducation par la loi du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté 214 ( * ) . La circulaire n° 2017-146 du 7 septembre 2017 du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche précise les possibilités de valorisation que les universités et établissements de l'enseignement supérieur doivent mettre en place. Plusieurs formes sont possibles 215 ( * ) :

- l'attribution d'éléments constitutifs d'une unité d'enseignement, qui doit obligatoirement figurer dans la maquette de formation, avec le nombre de crédits d'études qui la composent ;

- l'attribution de crédits ECTS, dans le cadre du cursus de formation ;

- l'attribution de « points bonus » dans la moyenne générale sur proposition du jury ;

- la dispense de stage ou d'enseignement 216 ( * ) .

Une nouvelle circulaire du 23 mars 2022 relative à l'engagement, à l'encouragement et au soutien aux initiatives étudiantes au sein des établissements d'enseignement supérieur sous tutelle du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation préconise notamment de mettre en place des dossiers de validation simple et accessible et d'en faire une large communication, ou encore d'accompagner les étudiants dans leurs démarches de validation des compétences, connaissances et aptitudes acquises par l'engagement. Un soutien à des journées ou événements thématiques ou encore par l'aide des pairs est également recommandé. Ces mesures, qui concernent l'engagement en général, s'appliquent aux étudiants en service civique.

Il importe donc que tous les établissements de l'enseignement supérieur se saisissent de l'ensemble de ces outils et les appliquent pleinement.

De même, la reconnaissance du principe de l'année de césure, introduite par la loi n° 2018-166 du 8 mars 2018 relative à l'orientation et à la réussite des étudiants (ORE), permet à l'étudiant, lorsque sa demande de césure est acceptée par l'établissement - ce qui prend la forme d'un accord signé entre l'établissement de formation et l'étudiant - de disposer d'un « droit au retour » dans sa formation, de conserver son statut étudiant pendant la césure et, sous certaines conditions, sa bourse ; les frais d'inscription doivent être réduits. Cette faculté peut ouvrir des perspectives à certains étudiants qui souhaiteraient bénéficier d'une telle année pour faire une expérience d'engagement.

Parmi les initiatives susceptibles de valoriser l'expérience acquise dans le cadre du service civique et d'inscrire celle-ci dans un parcours structuré, la mission d'information a été intéressée par l'Institut de l'engagement, créé et présidé par Martin Hirsch, qui permet chaque année à 700 anciens volontaires du service civique d'être accompagnés dans leur projet professionnel ou d'intégrer un des établissements d'enseignement supérieur partenaires. Elle estime cette formule prometteuse et digne d'être encouragée.

Une structure exemplaire à valoriser :
l'Institut de l'engagement

Créé sous statut associatif, l'Institut de l'engagement a mis en place un concours destiné aux jeunes en service civique, en partenariat avec 180 établissements d'enseignement supérieur (notamment HEC, Audencia, EM Lyon, plusieurs instituts d'études politiques, des écoles de managements, des écoles d'ingénieur et les écoles du travail social, avec pour celles-ci la reconnaissance d'une équivalence par arrêté ministériel). Plutôt que sur des connaissances académiques, il porte sur le projet, la motivation et la personnalité du candidat. Chaque année, environ 3 000 jeunes candidatent et 700 sont sélectionnés : ils deviennent lauréats de l'Institut de l'engagement. Ils peuvent intégrer les établissements partenaires (un choix fait par les deux tiers des lauréats) ou sont accompagnés dans la création de leur association ou de leur entreprise. L'Institut de l'engagement les accompagne dans leurs démarches, à travers un parrain ou une marraine, les met en contact avec des entreprises, peut leur apporter des financements. En outre, l'ensemble des lauréats participent deux à trois fois par an aux « universités de l'engagement » où sont organisés des conférences, ateliers, projections de films, sport, formations, ... On dénombre désormais 5 000 anciens lauréats.

Le taux de succès des lauréats qui choisissent d'intégrer un établissement supérieur partenaire est de 92 %. Une enquête de 2021 portant sur les anciens lauréats de 2012-2018, soit entre deux à huit ans après la fin de l'accompagnement révèle que moins de 2 % d'entre eux sont en recherche d'emploi depuis plus de six mois, plus de 50 % d'entre eux sont diplômés à bac+5. Ils s'engagent en moyenne deux fois plus que les jeunes en général.

(2) La notoriété du service civique

Parallèlement aux mesures destinées à valoriser l'expérience acquise par le jeune lors du service civique, la mission a constaté la nécessité de mieux faire connaître cette forme d'engagement et de mieux diffuser l'information relative au service civique auprès des jeunes.

La mission d'information a donc pris connaissance avec intérêt du travail engagé par l'Agence du service civique avec le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation afin de renforcer l'information sur le service civique dans le cadre de Parcoursup . Trop souvent, cette possibilité d'engagement est perçue comme un « plan B ». Or comme l'a souligné le directeur général de l'Agence du service civique lors de son audition, cette expérience « peut aussi s'inscrire dans un parcours universitaire très réussi » , ou constituer « une année de césure utile et non pénalisante pour le jeune bachelier » .

Pour cela, il est important que le service civique soit connu et identifié le plus tôt possible par les élèves afin qu'ils puissent l'intégrer dans la construction de leurs parcours.

Dans cette logique, le service civique devrait faire l'objet d'une présentation systématique à l'occasion de la phase 1 du SNU (séjour de cohésion), mais aussi dans le cadre scolaire, lors des heures d'orientation au collège et au lycée, ou encore à l'occasion des « semaines de l'engagement » qui se déroulent fin septembre dans les établissements d'enseignement secondaire.

Cet effort de communication peut s'appuyer sur des volontaires ou d'anciens volontaires, qui sont autant d'excellents ambassadeurs du service civique et permettent de rendre concrètes, pour leurs pairs, les missions accessibles aux jeunes ainsi que l'existence même de cette politique publique.

Les délégués et référents territoriaux du service civique constituent un levier de rayonnement intéressant par leur présence dans les salons et forums des métiers et de l'orientation organisés dans chaque territoire 217 ( * ) .

Des échanges entre l'agence et l'Association nationale des directeurs des ressources humaines sont également en cours, selon les informations transmises à la mission d'information, pour valoriser les compétences acquises par les volontaires. Lors de son audition, la présidente de l'agence a également fait état d'un projet de rencontre avec la commission « jeunesse » du Medef.

Ces initiatives sont de nature, en favorisant la reconnaissance du service civique dans le monde du travail et la prise en compte des compétences acquises par les jeunes dans le cadre du service civique, à renforcer l'attractivité du service civique pour les futurs volontaires.

(3) Créer et faire vivre un réseau d'anciens du service civique

Avec plus de dix ans d'ancienneté, ce sont désormais près de 600 000 jeunes qui ont choisi de réaliser un service civique depuis la création de ce dispositif - soit plus ou moins l'équivalent d'une classe d'âge. Instituer un réseau pourrait donner plus de visibilité au dispositif et participerait pleinement à sa valorisation. La création d'un tel réseau serait également susceptible de faciliter la mobilisation de volontaires et d'anciens volontaires pour présenter le service civique et assurer sa promotion.

(4) La formation et la reconnaissance des tuteurs

Les tuteurs sont un rouage essentiel de la réussite de la mission de service civique. Une mauvaise relation avec son tuteur peut être une raison d'abandon de mission pour le jeune, comme cela a pu être indiqué en audition, ou participer de la déception du volontaire face au déroulement de sa mission. Le rôle du tuteur est d'accueillir le volontaire, de l'accompagner dans sa mission, d'organiser son activité quotidienne et d'être à son écoute pour l'aider à résoudre d'éventuelles difficultés.

Une attention toute particulière doit être portée à la formation effective des tuteurs, dans la période actuelle de forte augmentation du nombre de missions et d'agréments conclus avec de nouveaux organismes d'accueil. Il s'agit là d'un axe de rayonnement non négligeable. Il est indispensable que chaque tuteur ait pu - et avant le début de la mission du jeune - bénéficier de la formation obligatoire à laquelle il a droit. Or, selon certaines personnes auditionnées, tous les tuteurs ou futurs tuteurs n'en bénéficient pas.

De plus, de nombreux tuteurs assument cette fonction à titre gracieux. Martin Hirsch, premier président de l'Agence du service civique, a plaidé pour une incitation financière des tuteurs devant la mission d'information : « Je suis favorable à ce que l'on puisse indemniser les tuteurs dans le secteur public. À l'hôpital, si l'on demande à une infirmière de tutorer une jeune issue de l'école d'infirmière, elle répond à juste titre qu'elle n'en a pas le temps et que cela n'entre pas dans ses missions. J'ai donc mis en place une prime de 100 euros par mois, ouverte également à ceux qui tutorent des volontaires en service civique » .

Selon les estimations de Martin Hirsch, une incitation financière des tuteurs « ne (renchérirait) que de 10 % le coût du service civique ».

La question de la valorisation des tuteurs est pour le rapporteur une condition essentielle de la réussite du service civique.

c) Le service civique dans les territoires ruraux : de nombreux besoins, des obstacles à surmonter

Lors de son audition, la présidente de l'Agence du service civique a souligné que 20 à 25 % des volontaires étaient des jeunes issus de la ruralité. Les freins identifiés par l'agence dans ce domaine sont « liés à l'insuffisance de l'offre des missions dans les territoires ruraux et aux questions de mobilité (logement et transports) » 218 ( * ) . Or pour la présidente d' Unis Cité : « certains jeunes en milieu rural se trouvent dans la même situation de désoeuvrement scolaire, de santé, que dans les quartiers, sauf que personne ne les voit » 219 ( * ) , ce qui rejoint les constats établis en 2020 dans le rapport Orientation et égalité des chances dans la France des zones rurales et des petites villes de Salomé Berlioux 220 ( * ) .

L'intérêt que présente le service civique pour les territoires ruraux avait été identifié en 2019 dans le rapport Ruralités : une Ambition à partager - 200 propositions pour un Agenda Rural 221 ( * ) , qui qualifiait le service civique de « formidable outil pour recréer du lien social et intergénérationnel dans les territoires » et recommandait de développer le service civique en milieu rural dans les deux secteurs suivants :

- la lutte contre l'isolement des personnes âgées et handicapées en milieu rural ;

- dans la perspective du développement du numérique, pour accompagner les usagers dans leurs démarches dématérialisées.

Le deuxième comité interministériel aux ruralités avait ainsi, en novembre 2020, fléché le développement du service civique en milieu rural, « vrai potentiel à la fois pour donner des perspectives d'engagement à des jeunes ruraux et pour permettre à des jeunes d'autres territoires de découvrir les zones rurales ». En vue du doublement du nombre de services civiques en milieu rural, il était prévu que l'Agence du service civique « renforce son animation à destination des collectivités candidates à l'accueil d'un jeune » 222 ( * ) .

Un appel à manifestation d'intérêt a été lancé en 2021, à la suite du comité interministériel aux ruralités de 2020. Il a permis de financer vingt-quatre projets d'EPCI, parmi lesquels le financement d'un emploi de prospecteur, de monteur et le concepteur d'une future mission de service civique dans ces territoires ruraux. La mission d'information salue le rôle de l'agence du service civique dans l'animation à destination de ces EPCI et des référents territoriaux afin de développer les services civiques dans les territoires ruraux.

Les collectivités territoriales sont en effet une piste majeure pour développer le service civique, plus particulièrement en milieu rural. En effet, actuellement, seuls 12 % des missions se déroulent au sein d'une collectivité territoriale. Néanmoins, on constate un effort important réalisé cette dernière année : selon le directeur général de l'Agence du service civique, en 2021, entre 500 et 600 collectivités territoriales ont rejoint le réseau du service civique 223 ( * ) . Des actions en ce sens ont été lancées très récemment et doivent être poursuivies 224 ( * ) .

La mission d'information ne peut qu'être favorable à ce mouvement, a fortiori dans les territoires ruraux.

Témoignages d'élus locaux sur le service civique

Consultation organisée sur la plateforme du Sénat 225 ( * )

Dans le cadre de ses travaux, la mission d'information a souhaité donner la parole aux élus locaux, notamment sur le service civique.

Les principales missions confiées par des collectivités territoriales concernent le périscolaire et l'accompagnement aux devoirs, la solidarité intergénérationnelle (animation en Ehpad, utilisation du numérique, lutte contre l'isolement des personnes âgées), le social, l'animation locale ainsi que le domaine de la jeunesse et des sports, le tourisme et la culture (souvent en lien avec la médiathèque), l'environnement et les espaces verts, ou encore les relations avec les administrés.

S'il ressort de cette consultation une vision positive des élus locaux sur le service civique, nombre d'entre eux ont fait part d'axes d'améliorations possibles. Le service civique reste tout d'abord trop peu connu des élus locaux et des jeunes. Des réponses mettent en avant la nécessité de simplifier les démarches incombant aux organismes d'accueil ainsi que les difficultés juridiques liées à la définition des missions. Plusieurs élus locaux ont émis le souhait de faciliter le recrutement en créant un pool de demandeurs vers qui les collectivités pourraient se tourner, ou encore de rendre possible la mutualisation de volontaires par plusieurs communes. Enfin, les problèmes liés à la mobilité en milieu rural, qui constitue un frein pour de nombreux jeunes et pour les collectivités, ont également été régulièrement soulignés.

Selon les élus locaux consultés sur la plateforme en ligne du Sénat (voir l'encadré ci-dessus), le développement du service civique en milieu rural se heurte à une difficulté importante : la mobilité des jeunes volontaires. Le coût non négligeable de l'accueil d'un volontaire pour les collectivités locales représente également un obstacle.

Les dépenses afférentes au défraiement des frais de transport engagés dans le cadre de la mission et, le cas échéant, à l'aide au logement (ou à la mise à disposition d'un logement) ne peuvent pas être prises en charge par l'Agence du service civique.

Sur ce point, la présidente d' Unis Cité a fait observer que le financement du service civique étant le même pour tous les jeunes, il n'existait pas de prise en charge de la mobilité, qui constitue pourtant un obstacle majeur en milieu rural : « Nous sommes contraints d'aller chercher des financements au niveau privé ou au niveau européen pour mettre en place ces services civiques dans les territoires ruraux, où l'encadrement manque et où la mobilité est un vrai enjeu » 226 ( * ) .

Outre le frein que constitue la mobilité, proposer une mission complète peut être une difficulté pour les collectivités de petite taille : ainsi, certains élus locaux consultés par la mission d'infirmation ont présenté la mutualisation de volontaires par plusieurs communes comme un axe d'amélioration qui serait appréciable. La mission d'information ne peut qu'encourager ce type d'organisation.


* 198 À la différence de la comptabilisation « en flux », soit le nombre de contrats signés dans l'année, la comptabilisation en « stock » prend en compte le nombre de jeunes en service civique à un instant « t » de la période de référence. Ainsi un volontaire en service civique de septembre 2021 à juin 2022 sera comptabilisé « en stock » au titre des années 2021 et 2022.

* 199 Compte rendu du 30 mars 2022.

* 200 Compte rendu du 30 mars 2022.

* 201 Parmi les volontaires accueillis par Unis Cité , 20 % viennent des quartiers prioritaires de la ville et 6 % sont en situation de handicap.

* 202 Compte rendu du 2 février 2022.

* 203 Compte rendu du 1 er février 2022.

* 204 Rapport d'activité pour 2020 de l'Agence du service civique.

* 205 Selon Unis Cité , en 2019, on comptait en moyenne trois à quatre demandes pour une mission de service civique (PLF pour 2020, avis budgétaire n° 145 de Jacques Bernard Magner et Jean-Jacques Lozach sur la mission « sport, jeunesse et vie associative).

* 206 Compte rendu du 2 février 2022.

* 207 Évaluation du service civique, résultats de l'enquête sur les parcours et les missions des volontaires, Injep, mai 2021.

* 208 Voir en annexe le compte rendu de ce déplacement, effectué en mars 2022.

* 209 Évaluation du service civique, résultats de l'enquête sur les parcours et les missions des volontaires, Injep, mai 2021.

* 210 Rapport d'activité pour 2020, Agence du service civique.

* 211 Source : table ronde du 1 er février 2022.

* 212 En plus des 140 000 missions existantes en temps normal.

* 213 Voir l'article L. 120-1 du code du service national (article 8 de la loi de 2010).

* 214 Voir l'article L. 611-9 du code de l'éducation (article 29 de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017).

La loi n° 2022-296 du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France a ajouté aux compétences acquises par l'étudiant au titre d'engagements divers (service civique, activité bénévole dans une association, activité dans la réserve opérationnelle...) et validées au titre de sa formation les compétences acquises dans le cadre « d'une activité sportive exercée par les personnes inscrites sur les listes mentionnées à l'article L. 221-2 du code du sport ».

* 215 Par ailleurs, les jeunes en volontariat pour les armées ou en service civique bénéficient de conditions spécifiques pour les bourses sur critères sociaux : droit annuel supplémentaire à bourse si l'étudiant n'a pas validé son année d'études à la suite d'une période de volontariat ou de service civique, recul de l'âge maximal d'octroi de bourses à 28 ans, maintien de la perception de la bourse pendant la période de service civique ou de volontariat, et majoration de l'indemnité de service civique pour les boursiers des échelons 5, 6 et 7.

* 216 Même si le service civique n'a pas à se substituer au stage obligatoire d'études, qui répond à des objectifs qui lui sont propres.

* 217 Ces salons et forums sont souvent organisés par des structures privées avec un coût d'exposition pour y obtenir un stand, comme le souligne la mission d'information sur l'enseignement agricole (rapport fait au nom de la mission d'information par Nathalie Delattre (n° 874 2020-2021), p. 59). Ils représentent néanmoins un vecteur important pour se faire connaître des jeunes et de leurs familles.

* 218 Compte rendu du 2 février 2022.

* 219 Compte rendu du 1 er février 2022.

* 220 Mission orientation et égalité des chances dans la France des zones rurales et des petites villes, restaurer la promesse républicaine, Salomé Berlioux, rapport remis au ministre de l'éducation nationale le 5 mars 2020.

* 221 Ruralités : une Ambition à partager - 200 propositions pour un Agenda Rural , Daniel Labaronne, Patrice Joly, Pierre Jarlier, Cécile Gallien, Dominique Dhumeaux, juillet 2019.

* 222 2 e comité interministériel aux ruralités, dossier de presse, 14 novembre 2020.

* 223 Compte rendu du 1 er février 2022.

* 224 À titre d'exemple, le programme mobili'Terre vise à développer la mobilité durable dans quinze territoires ruraux. Il est porté par l'AMRF et Unis Cité .

* 225 Voir en annexe la synthèse des réponses adressées à la mission d'information par les élus locaux.

* 226 Compte rendu du 1 er février 2022.

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