II. LE SERVICE CIVIQUE, UNE ÉCOLE DE L'ENGAGEMENT CITOYEN À DAVANTAGE VALORISER

Depuis sa création en 2010, le service civique, dont la montée en puissance continue souligne l'attractivité pour les jeunes, a su démontrer sa pertinence tant pour encourager l'engagement des jeunes au service de la collectivité qu'en matière d'insertion professionnelle.

Fort de son succès, il est devenu au fil du temps une « politique publique à part entière » selon la présidente de l'Agence du service civique 192 ( * ) .

La mission d'information a identifié plusieurs axes de progression afin de poursuivre le développement du service civique et d'accompagner la nouvelle montée en puissance annoncée le 14 juillet 2020.

A. LA DOUBLE VOCATION DU SERVICE CIVIQUE

1. La volonté de « recréer du lien social »

De manière éclairante, nos collègues du groupe RDSE 193 ( * ) qui, en septembre 2009, prirent l'initiative de proposer la création du service civique 194 ( * ) avaient pour ambition de « combattre l'individualisme qui engendre incivilité et violence, et dilue le sentiment d'appartenance à une collectivité nationale » et de contribuer à l'insertion professionnelle des volontaires. L'objectif était également de « recréer du lien social, de permettre à des jeunes, parfois à la recherche de repères, de s'engager au service des autres , en faveur de l'intérêt général » et, « à l'instar de l'ancien service militaire », « de réaffirmer, voire d'inculquer, les valeurs républicaines » et de faire acquérir aux volontaires une « éducation civique et citoyenne ».

Le service civique s'inscrivait ainsi dans la continuité du service civil volontaire, créé par la loi pour l'égalité des chances de 2006 195 ( * ) , dont l'initiative a été prise au lendemain des violentes émeutes des banlieues de novembre et décembre 2005. L'exposé des motifs du projet de loi appelait à « renforcer la cohésion nationale (...) à l'heure où notre pays sort d'une épreuve grave », et à « rassembler autour des valeurs républicaines » en permettant aux jeunes de 16 à 25 ans d'acquérir une expérience professionnelle et en leur proposant un accompagnement via un tutorat.

La loi du 10 mars 2010 relative au service civique, issue d'une initiative sénatoriale 196 ( * ) , a créé le volontariat de service civique (article L. 120-1 du code du service national), « engagement volontaire d'une durée continue de six à douze mois donnant lieu à une indemnisation prise en charge par l'État, ouvert aux personnes âgées de seize à vingt-cinq ans, en faveur de missions d'intérêt général reconnues prioritaires pour la Nation ». Le service civique comprend également, dès l'origine, des formes internationales (volontariat international en administration ou en entreprise, volontariat de solidarité internationale, service volontaire européen), la gestion de cet ensemble étant confiée à l'Agence du service civique (article L. 120-2 du code du service national).

L'objectif de cette loi était de créer un statut homogène, plus lisible et plus attractif à destination des diverses modalités de volontariat mises en place à la suite de l'abandon du service national obligatoire. Le service civique s'est ainsi substitué au service civil volontaire créé par la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 relative à l'égalité des chances.

2. Une mission au service de l'intérêt général constituant une « expérience humaine enrichissante »

Le service civique vise ainsi à faire vivre à des jeunes de 16 à 25 ans, sans condition de diplôme, une mission au service de l'intérêt général « (revêtant) un caractère philanthropique, éducatif, environnemental, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial ou culturel, ou (concourant) à des missions de défense et de sécurité civile ou de prévention, de promotion de la francophonie et de la langue française ou à la prise de conscience de la citoyenneté française et européenne ».

Les volontaires reçoivent à l'issue de leur service une « attestation de service civique et un document qui décrit les activités exercées et évalue les aptitudes, les connaissances et les compétences acquises pendant la durée du service civique ». Dès l'origine, la loi prescrit une valorisation du service civique « dans les cursus des établissements secondaires et des établissements dispensant des formations sanctionnées par un diplôme d'études supérieures », le code du service national renvoyant à cet égard à un décret.

En 2014, le service civique a intégré le « volontariat associatif, d'une durée de six à vingt-quatre mois, ouvert aux personnes âgées de plus de vingt-cinq ans, auprès d'associations de droit français ou de fondations reconnues d'utilité publique agréées », puis il s'est étendu en 2017 au service civique des sapeurs-pompiers.

Selon la proposition de loi sénatoriale de 2010, l'objectif du service civique est double :

- « recréer du lien social » et « permettre à des jeunes, parfois à la recherche de repères, de s'engager au service des autres, en faveur de l'intérêt général » ;

- offrir aux jeunes une « expérience humaine enrichissante qui viendra compléter leur cursus scolaire et/ou universitaire, avant d'entrer dans la vie active ».

Cette logique a perduré : la présidente de l'association Unis Cité , association qui accueille chaque année 10 000 volontaires du service civique, a estimé lors de son audition que la création du service civique tendait à « créer une étape dans la vie des jeunes qui soit une étape de mixité et de service à la collectivité, où l'on apprend en donnant de soi aux autres » ; « cette étape manque cruellement dans notre éducation » 197 ( * ) .

Des politiques publiques similaires ont vu le jour dans les années 2010 dans plusieurs pays européens. Si les modalités de mise en oeuvre de ce temps d'engagement peuvent varier en termes de durée (plus longue en Allemagne - jusqu'à dix-huit voire vingt-quatre mois), des exigences concernant le nombre d'heures de service effectuées chaque semaine (possibilité d'un engagement de quelques heures hebdomadaires seulement en Angleterre ou aux Pays-Bas), d'indemnités (au plus 423 euros mensuels en Allemagne, 473 euros en France), ou encore de création des missions (fonctionnement par appel à projet au Pays-Bas, encouragement des jeunes à concevoir et réaliser en équipe un projet d'actions sociales au profit de la communauté en Angleterre), toutes partagent un double objectif : renforcer le « lien social » et « faire vivre aux jeunes une expérience humaine enrichissante ».

À titre personnel, le rapporteur exprime de l'intérêt pour l'exemple des Pays-Bas où le service civique, particulièrement valorisé, ouvre droit à une priorité d'accès à l'emploi dans les administrations publiques.

L'existence de dispositifs comparables au service civique
dans plusieurs pays européens

En Allemagne, au niveau fédéral, le service volontaire a succédé en 2011 au service civil, qui était alors une alternative au service militaire obligatoire. Son champ d'application est toutefois plus large, ainsi que le public auquel il s'adresse, puisqu'il n'a pas de limite d'âge. Il existe par ailleurs un service volontaire des jeunes, créé en 2008, ouvert à tous les jeunes de moins de 27 ans à partir du moment où ils ont terminé leur scolarité obligatoire.

La durée du service civique peut varier de 6 mois à 18 mois et dans des cas exceptionnels peut aller jusque 24 mois. Le volontaire touche une gratification légèrement supérieure à 420 euros par mois à laquelle peuvent s'ajouter des prestations en nature. Depuis sa création en 2011, 400 000 personnes ont participé au service volontaire auquel s'ajoutent chaque année environ 80 000 jeunes participant au service volontaire des jeunes. Il est à noter que les fonds alloués au service volontaire des jeunes permettraient de financer jusqu'à 120 000 missions par an.

En Angleterre, le service civique ( National Citizen Service NCS) a été lancé sous forme expérimentale en 2010, avant d'être pérennisé en 2017. Il est ouvert aux jeunes de 15 à 25 ans. Particularité britannique, les jeunes volontaires contribuent au programme à hauteur de 50 livres (environ 60 euros). En 2019, 91 500 participants ont été recensés. Il existe plusieurs programmes. Le premier, le NCS « part-residential experiences » ressemble davantage au SNU, puisqu'il s'agit d'un programme de deux semaines, les 5 premiers jours étant un temps d'équipe loin de chez soi pour apprendre de nouvelles aptitudes et le reste du temps est consacré à un projet d'action sociale au service de la communauté. Le NCS « changemakers » incite ses participants à concevoir et réaliser des projets d'actions de la communauté locale - la durée d'engagement est au choix du participant et les sessions se déroulent une fois ou plus par mois. Enfin, il existe un dispositif d'insertion sociale pour les jeunes de 18 à 24 ans, pour une durée de 9 à 12 mois. Depuis le lancement du NCS, 600 000 personnes y ont participé.

Aux Pays-Bas, la création d'un service civique ( maatschappelijke diensttijd , ci-après MDT) est une des propositions issues d'un accord de coalition signé en 2017. Après une phase expérimentale de deux ans, le dispositif a été rendu pérenne en 2020. Le MDT fonctionne sur le principe d'appels à projet. Les jeunes engagés reçoivent de la part de l'État un certificat qu'ils peuvent faire valoir pour bénéficier d'une priorité à l'emploi dans les administrations publiques. Il est ouvert à tous les jeunes de 14 à 27 ans. L'implication horaire reste au choix du volontaire, de quelques heures à quelques jours par semaine. Mais le projet de MDT doit être conduit sur une durée d'au moins 80 heures pendant au plus six mois. Depuis son lancement, 28 000 jeunes ont commencé un MDT.


* 192 Compte rendu du 2 février 2022.

* 193 Nicolas Alfonsi, Gilbert Barbier, Jean-Michel Baylet, Michel Charasse, Jean-Pierre Chevènement, Yvon Collin, Anne-Marie Escoffier, François Fortassin, Françoise Laborde, Daniel Marsin, Jacques Mézard, Jean Milhau, Aymeri de Montesquiou, Jean-Pierre Plancade, Robert Tropeano, Raymond Vall et François Vendasi.

* 194 Proposition de loi n° 612 rect. (2008-2009) devenue la loi n° 2010-241 du 10 mars 2010 relative au service civique.

* 195 Loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances.

* 196 Proposition de loi d'Yvon Collin et les membres du groupe RDSE, n° 612 rect., 2008-2009, devenue la loi n° 2010-241 du 10 mars 2010 relative au service civique.

* 197 Compte rendu du 1 er février 2022.

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