Compte tenu de leurs compétences dans le domaine économique1, en matière d'enseignement et de recherche2 ou encore de formation professionnelle3, les régions ont un rôle fondamental à jouer dans le développement et la spécialisation des écosystèmes4.
Tout au long des auditions, l'échelon régional est apparu comme le niveau pertinent pour favoriser l'innovation : les régions ont une taille critique leur permettant d'avoir une force de frappe suffisante dans le domaine économique, tout en demeurant proches de leur territoire, dont elles connaissent le tissu économique, les centres de recherche, les établissements d'enseignement - bref, l'ensemble de l'écosystème.
Aussi, de nombreux intervenants ont insisté sur la nécessité de laisser aux régions plus d'autonomie, à l'instar d'André Loesekrug-Pietri qui a exhorté les pouvoirs publics à « adopter une vision beaucoup plus décentralisée et plus proche des écosystèmes » 5 .
À cet égard, il convient de saluer les initiatives de la Banque des territoires qui visent à « stimuler les écosystèmes économiques qui engendrent l'innovation, la reçoivent et transforment la recherche-développement en une réalité économique, industrielle ou sociale » 6 .
L'intégration de la dimension territoriale dans la politique d'innovation nationale a donc vocation à favoriser une logique « bottom up » de l'innovation dans laquelle chaque région est amenée à prendre en main son destin industriel et innovant.
1 Les régions sont chargées de fixer les grandes orientations stratégiques en matière économique à travers le schéma régional de développement économique, d'innovation et d'internationalisation (SRDEII).
2 Elles fixent également les grandes orientations stratégiques dans les domaines de l'enseignement supérieur et la recherche à travers le schéma régional de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation (SRESRI).
3 Même si la loi du 5 septembre 2018 relative à la liberté de choisir son avenir professionnel leur a ôté leurs pouvoirs en matière de subvention aux centres de formation des apprentis.
4 Les régions françaises sont incitées depuis plusieurs années à développer des spécialisations intelligentes par la Commission européenne. En effet, afin de promouvoir une approche stratégique et intégrée de l'innovation dans l'ensemble des États membres, la Commission a fixé un objectif de
« spécialisation intelligente » dans le cadre de la programmation 2014-2020 du fonds européen de développement régional (Feder). Le bénéfice des fonds européens est désormais conditionné à l'élaboration par chaque région d'une stratégie de spécialisation intelligence (ou smart specialisation strategy - S3) afin de concentrer ses efforts et ressources sur les domaines d'innovation dans lesquels elle dispose d'atouts (tissu économique, établissements universitaires ou de recherche, ressources humaines...) par rapport aux autres régions européennes.
5 Audition du 2 février 2022.
6 Audition de Gabriel Giabicani le 30 mars 2022. Le programme « territoire d'innovation » vise à soutenir le potentiel d'innovation des acteurs territoriaux pour développer les territoires du futur ; le programme « territoires d'industrie » vise à accélérer le développement industriel des territoires à travers l'aménagement des zones industrielles et la maîtrise du foncier, la réduction de l'impact environnemental des activités industrielles, la mise à disposition de ressources humaines qualifiées et l'accompagnement des acteurs locaux pour les aider à affiner leur stratégie territoriale.
Inversement, l'approche territorialisée de l'innovation peut renforcer l'efficacité d'une approche plus dirigée de l'innovation au niveau national . Comme l'a fait remarquer Nicolas Chung, directeur de la mission PIA à la Banque des territoires 1 , via sa politique d'accompagnement des écosystèmes territoriaux, la Banque des territoires dispose d'une cartographie précise des secteurs d'activité des start-up, des domaines de recherche des laboratoires ou encore des cursus de formation pour ne citer que ces trois exemples . Ces informations s'avèrent indispensables pour arrêter une politique stratégique au niveau national telle que la sélection des secteurs prioritaires sur lesquels focaliser des soutiens massifs à l'innovation, mais également pour proposer des collaborations entre des partenaires potentiels qui s'ignorent.
b) Mettre en oeuvre une approche « holistique »
Compte tenu du caractère non linéaire de l'innovation, toute politique visant à la soutenir graduellement, au fur et à mesure de la montée du projet dans l'échelle TRL, est vouée à l'échec. Dès le départ, il convient de combiner les dispositifs de soutien à des projets en amont avec une capacité à appuyer les phases aval d'industrialisation .
Comme le rappelait le rapport ayant préparé la mise en oeuvre des stratégies d'accélération, la « condition d'efficacité d'une telle politique verticale d'accélération est de déverrouiller chaque maillon de la chaine d'innovation conjointement » 2 .