Rapport d'information n° 669 (2021-2022) de M. Bruno BELIN , fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, déposé le 15 juin 2022

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N° 669

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 15 juin 2022

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (1) par la mission d'information sur les perspectives de la politique d' aménagement du territoire et de cohésion territoriale , sur le volet « suivi des recommandations de la commission de 2019 en matière de sécurité des ponts et des ouvrages d' art »,

Par M. Bruno BELIN,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-François Longeot , président ; M. Didier Mandelli, Mmes Nicole Bonnefoy, Marta de Cidrac, MM. Joël Bigot, Rémy Pointereau, Frédéric Marchand, Guillaume Chevrollier, Mme Marie-Claude Varaillas, MM. Jean-Pierre Corbisez, Pierre Médevielle, Ronan Dantec , vice-présidents ; M. Cyril Pellevat, Mme Angèle Préville, MM. Pascal Martin, Bruno Belin , secrétaires ; MM. Jean-Claude Anglars, Jean Bacci, Étienne Blanc, François Calvet, Michel Dagbert, Mme Patricia Demas, MM. Stéphane Demilly, Michel Dennemont, Gilbert-Luc Devinaz, Mme Nassimah Dindar, MM. Gilbert Favreau, Jacques Fernique, Mme Martine Filleul, MM. Fabien Genet, Hervé Gillé, Éric Gold, Daniel Gueret, Mmes Nadège Havet, Christine Herzog, MM. Jean-Michel Houllegatte, Olivier Jacquin, Gérard Lahellec, Mme Laurence Muller-Bronn, MM. Louis-Jean de Nicolaÿ, Philippe Pemezec, Mmes Évelyne Perrot, Marie-Laure Phinera-Horth, Kristina Pluchet, MM. Jean-Paul Prince, Bruno Rojouan, Mme Denise Saint-Pé, MM. Philippe Tabarot, Pierre-Jean Verzelen .

L'ESSENTIEL

I. LA DÉGRADATION DE L'ÉTAT DES PONTS SE POURSUIT EN DÉPIT DES MISES EN GARDE DU RAPPORT DU SÉNAT DE 2019

En 2019, la commission avait visé juste 1 ( * ) : ses principaux constats et estimations , pourtant inquiétants , sont aujourd'hui confirmés par les données les plus récentes.

12 000 ponts sur le RRNNC

12 000 ponts sur le RRNC

100 à 120 000 ponts départementaux

« L'État du patrimoine de ponts est globalement moins bon en 2020 que les années précédentes, pour l'État ou pour les départements. »

Observatoire national de la route (ONR), rapport 2021

II. 80 % DES PROPOSITIONS DU SÉNAT ONT ÉTÉ SUIVIES D'EFFET MAIS LA RÉPONSE PUBLIQUE DEMEURE NETTEMENT INSUFFISANTE

TAUX DE MISE EN oeUVRE

A. PLUTÔT QU'UN « PLAN MARSHALL », DES MOYENS INSUFFISANTS, DISPERSÉS ET PEU LISIBLES

Évolution des moyens consacrés aux ouvrages d'art du RRNNC

L'enveloppe dédiée à l'entretien et à la réparation des ouvrages d'art du RRNNC - 45 M€ en moyenne entre 2011 et 2018 - a augmenté progressivement pour atteindre 120 M€ en 2022, conformément à la proposition formulée en 2019. Pour la commission, ce seuil aurait dû être atteint dès 2020, et maintenu à ce niveau pendant 10 ans. Ainsi, le retard accumulé atteint déjà 89 M€ .

La mise en oeuvre du Programme national ponts (PNP), piloté par le Cerema, est une réelle avancée. Pour autant, force est de constater que les moyens déployés ne sont pas à la hauteur des enjeux pour enrayer la spirale de dégradation des ponts gérés par les collectivités territoriales. Pire, ces moyens ne permettront même pas au programme d'atteindre ses objectifs .

Enfin et surtout, aucun financement n'est prévu pour accompagner les collectivités qui en ont besoin pour procéder à des travaux de réparation et de reconstruction de leurs ponts routiers .

Si les collectivités territoriales, en particulier les départements, ont accru leurs dépenses d'entretien des ouvrages d'art depuis 2019 (rapport ONR 2021), elles ne peuvent affronter ce défi sans le soutien de l'État . En supposant que la proportion de ponts routiers posant des problèmes de sécurité ou des défauts significatifs soit homogène sur l'ensemble du territoire national (23 %) - soit 18 400 à 23 000 ponts communaux - la commission estime les besoins de financement en matière de travaux de réparation entre 2,2 et 2,8 2 ( * ) Md€ , pour le seul bloc communal .

B. MODERNISATION DE LA GESTION PATRIMONIALE DES OUVRAGES : DES PROGRÈS À AMPLIFIER

Dès 2019, la commission avait préconisé de sortir de la culture de l'urgence au profit d'une gestion patrimoniale des ouvrages d'art par quatre leviers :

C. SOUTIEN EN INGÉNIERIE POUR LES COLLECTIVITÉS : UNE PREMIÈRE RÉPONSE INTÉRESSANTE, QUI RESTE À AMPLIFIER

Soutenir les collectivités territoriales en matière d' ingénierie est un préalable indispensable à une meilleure gestion de leur patrimoine d'ouvrages d'art. La commission avait formulé 4 recommandations pour permettre aux collectivités de bénéficier d'un appui technique sur ce sujet. 3 ( * )

III. AMPLIFIER, ACCÉLÉRER ET APPROFONDIR : FACE AU CHANTIER DU SIÈCLE, L'URGENCE D'UNE ACTION PLUS AMBITIEUSE

À l'approche de la fin des concessions autoroutières et à l'aune de la perspective des transferts à certaines régions de voies du réseau routier national , la commission formule 7 propositions complémentaires pour enrayer la spirale de dégradation de nos ouvrages d'art et faire face à l'un des « chantiers du siècle ». Pour autant, 4 de ces 7 propositions constituent en réalité la réitération de propositions formulées par la commission en 2019.

7 propositions adoptées à l'unanimité

Proposition 1 [État, Cerema] - Face au « mur d'investissements » qui s'annonce, conforter le Cerema dans la conduite du programme national ponts ( PNP ), pérenniser ce programme et simplifier l'accès des collectivités territoriales à des prestations de conseils techniques et financiers (rôle de « guichet unique », augmentation de ses effectifs et ressources techniques, mise à disposition des maires de supports d'information et de guides méthodologiques, élargissement du champ des bénéficiaires du programme , inscription du PNP dans le code des transports)

Proposition 2 [État] - Constituer un fonds pérenne pour accompagner les collectivités territoriales dans la surveillance, l'entretien et la réparation de leurs ouvrages d'art et apporter des évolutions resserrées au fonctionnement de la DSIL (création d'un fonds doté de 350 M€ pour rattraper le retard accumulé depuis 2020 et abondé de 130 M€/an , extension des critères d'attribution de la DSIL à des études de sécurisation d'ouvrages d'art constituant un danger imminent)

Proposition 3 [État] - Maintenir à 120 M€ par an en rythme de croisière les moyens consacrés par l'État à l'entretien des ouvrages d'art du réseau routier national et augmenter de 89 M€ supplémentaires les autorisations d'engagement pour rattraper le retard accumulé depuis 2020

Proposition 4 [État] - Constituer à horizon 2025 un système d'information géographique national unique (SIG) , recensant l'ensemble des ouvrages d'art du territoire national et permettant d'orienter le trafic routier , le cas échéant, en cas de problème de sécurité sur un ouvrage ( fusion des SIG existants et en cours de création en veillant à l'interopérabilité des données, renforcement des obligations pesant sur les opérateurs de services numériques d'assistance au déplacement - GPS)

Proposition 5 [État] - Intégrer les dépenses de maintenance des ouvrages d'art dans la section « investissement » des budgets des collectivités pendant une période transitoire de 10 ans à compter du 1 er janvier 2023

Proposition 6 [État] - Définir un cadre juridique global pour faire face à ce « chantier du siècle » et planifier l'entretien et la réparation des ouvrages d'art dans la durée (double obligation de déclaration de la propriété d'un ouvrage d'art pour les personnes publiques sur une plateforme dédiée et mise en place d'un « carnet de santé » par pont, définition d'un régime d'inspection et d'entretien réguliers des ouvrages, conditionnée au soutien financier et technique obligatoire de l'État)

Proposition 7 [État] - Remettre à niveau l'expertise et les compétences publiques en matière de gestion des ouvrages d'art par la déclinaison opérationnelle des recommandations du rapport du CGEDD de janvier 2021 4 ( * )

RAPPORT

I. LE RAPPORT DU SÉNAT A PERMIS UNE PRISE DE CONSCIENCE SALUTAIRE SUR L'ÉTAT INQUIÉTANT DE NOS OUVRAGES D'ART MAIS LA SITUATION EST DE PLUS EN PLUS PRÉOCCUPANTE

A. UN TRAVAIL ENGAGÉ PAR LE SÉNAT DANS LE CONTEXTE DE L'EFFONDREMENT DU PONT MORANDI À GÊNES À L'ÉTÉ 2018 ET QUI A MIS EN LUMIÈRE LA LENTE ET CONSTANTE DÉGRADATION DE NOS OUVRAGES D'ART

Le rapport Sécurité des ponts : éviter un drame , adopté par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat en 2019, constitue un travail parlementaire inédit . Il a ainsi permis de révéler que :

- le nombre exact de ponts routiers en France n'est pas connu , témoignant de lacunes dans notre politique de surveillance de cette catégorie d'ouvrages d'art, la plus importante devant les murs de soutènement et les tunnels ;

- le patrimoine national de ponts routiers est dans un état préoccupant , en particulier pour les ouvrages relevant des petites communes et intercommunalités , ce qui pose des problèmes de disponibilité de certains ouvrages et peut poser, à terme, de réels problèmes de sécurité et un risque d' effondrement ;

- la politique de gestion des ouvrages d'art et en particulier des ponts routiers fait l'objet d'un sous-financement chronique depuis plusieurs années et d'une insuffisante mobilisation des pouvoirs publics.

1. Un travail de longue haleine, portant sur un « angle mort » de la gestion des infrastructures de transport

Sujet peu connu du grand public et mal appréhendé par la politique de gestion des infrastructures et services de transport en France, la sécurité des ponts et des ouvrages d'art n'en est pas moins cruciale pour la vie quotidienne de nombre de nos concitoyens, usagers de la route.

L'effondrement du pont Morandi à Gênes le 14 août 2018, qui a provoqué la mort de 43 personnes, a suscité une vive émotion et relancé les débats sur l'état du patrimoine des ouvrages d'art en France, vingt ans après la catastrophe du tunnel du Mont-Blanc , le 24 mars 1999.

Dans ce contexte et afin d' évaluer les modalités de surveillance et d'entretien des ponts routiers gérés par l'État et les collectivités territoriales , la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable avait créé une mission d'information 5 ( * ) dédiée à la sécurité des ponts, présidée par Hervé Maurey et dont les rapporteurs étaient Patrick Chaize et Michel Dagbert.

Face à la dégradation continue de l'état du réseau routier français , bien documentée depuis plusieurs années et résultant principalement d'un manque de moyens consacrés à son entretien et à sa réparation, la mission avait souhaité s'intéresser aux ponts routiers présents sur l'ensemble du territoire. Les ponts routiers représentent, en effet, la catégorie la plus importante , en nombre, du patrimoine national d'ouvrages d'art, à côté des murs de soutènement et des tunnels.

Pour conduire ses travaux dans les meilleures conditions, le Sénat avait conféré à la mission les prérogatives d'une commission d'enquête 6 ( * ) , pour une durée de six mois, permettant ainsi aux sénateurs d'obtenir communication de nombreux documents et rapports de l'État sur la politique de surveillance et d'entretien des ponts.

Au cours de leurs travaux, les sénateurs avaient ainsi entendu plus d'une cinquantaine d'acteurs (administrations de l'État, élus locaux, organismes publics d'ingénierie, associations professionnelles, etc.) et effectué trois déplacements : à Gênes (Italie), à Petite-Rosselle (Moselle) et à Guérard et Tigeaux (Seine-et-Marne).

En outre, un questionnaire mis en ligne sur la plateforme de consultation des élus locaux du Sénat avait permis à la mission de recueillir près de 1 200 témoignages , qui ont utilement éclairé ses travaux.

2. Les ponts français, dont le nombre exact n'est pas connu, sont dans un état inquiétant, qui pose des questions de sécurité et de disponibilité pour les usagers

• Le premier constat dressé par la mission sénatoriale en 2019 était révélateur des lacunes de la politique de surveillance et d'entretien des ponts : il n'est pas possible de connaître le nombre exact de ponts routiers en France .

Grâce à ses échanges avec les professionnels, les élus et les administrations de l'État, la mission était parvenue à estimer le nombre total de ponts routiers du territoire national entre 200 000 et 250 000 ouvrages , soit environ 1 pont tous les 5 kilomètres.

La valeur globale de ce patrimoine 7 ( * ) représenterait entre 200 et 250 milliards d'euros, soit 10 % de la valeur totale du patrimoine routier pour 1 % du linéaire .

La mission avait alors cherché à déterminer la ventilation de ces 200 000 à 250 000 ouvrages entre les différents propriétaires et gestionnaires .

Elle avait ainsi constaté que l 'État ne gère que 10 % de l'ensemble des ponts routiers , même si ces ouvrages sont parmi les plus importants, en surface et en termes d'enjeux économiques, et que les collectivités territoriales gèrent 90 % des ponts routiers , à savoir entre 180 000 et 220 000 ponts, selon les estimations retenues. Dans le détail, la mission avait avancé les chiffres suivants :

- l' État possède environ 24 000 ouvrages , dont 12 000 sur le réseau national non concédé 8 ( * ) et 12 000 sur le réseau concédé 9 ( * ) ;

- les départements possèdent entre 100 000 et 120 000 ponts routiers , soit en moyenne 1 100 ponts par département et près de 50 % du nombre total d'ouvrages de ce type en France ;

- le bloc communal , à savoir les communes et les établissements publics de coopération intercommunale, possède entre 80 000 et 100 000 ponts , soit environ 40 % du total de ponts du territoire national.

• Le deuxième constat dressé par la mission sénatoriale concernait l' état inquiétant des ponts routiers français, qui pose des problèmes de disponibilité et de sécurité pour les usagers.

Ainsi, sur la base des documents transmis par les services de l'État, la mission avait constaté une dégradation lente mais continue des ouvrages gérés par l'État au cours des dix dernières années (2007-2017) sur le réseau routier national non concédé (RRNNC).

Si le nombre d'ouvrages en mauvais état du RRNNC (classés 3 ou 3U selon la méthodologie IQOA 10 ( * ) ) est resté stable sur cette période de dix ans, autour de 6 % du total, soit 720 ponts , la proportion d'ouvrages nécessitant un entretien sous peine de dégradation ou présentant des défauts (classés 2E et 2) a fortement augmenté , de 14 points , en dix ans, alors même que ces deux catégories sont souvent « l'antichambre » du classement 3 et 3U. De la même manière, le nombre de ponts en bon état apparent (classés 1) s'est réduit de 2 points .

La dégradation des ponts de l'État est également visible en surface avec en moyenne de 10 à 12 % des surfaces de ponts présentant des défauts ou en mauvais état classés 3 ou 3U et une progression de 7 points en dix ans de la part des surfaces de pont classés 2E .

La mission soulignait le contraste de cette situation française avec l'état du patrimoine des ouvrages d'art en Allemagne , où des investissements importants de maintenance ont été consentis depuis 2005 sur les quelque 40 000 ponts du réseau fédéral, entraînant une augmentation de la surface de ponts en état satisfaisant de 67 à 76 % en douze ans et une diminution de 15 à 12 % de la surface des ponts en état inadéquat ou non satisfaisant.

La mission relevait également le contraste avec l'état des ponts du réseau routier national concédé (RRNC), géré par les sociétés concessionnaires d'autoroutes, qui ne présentait « que » 2,4 % d'ouvrages en mauvais état, classés 3 ou 3U, en 2017, soit 293 ponts , contre 8 % en 2011 , témoignant d'un effort significatif en matière d'entretien et de réparation.

S'agissant des ponts départementaux , à partir des données parcellaires rassemblées par l'Observatoire national de la route (ONR) depuis 2017, sur la base des déclarations des départements, la mission avait estimé à environ 8,5 % le nombre de ponts départementaux en mauvais état structurel, soit 8 500 ponts .

Pour le bloc communal , en l'absence de données actualisées depuis 2008, qui présentaient déjà des niveaux de dégradation importants pour de nombreux ouvrages 11 ( * ) , la mission avait estimé, en lien avec les experts du sujet, que 18 à 20 % des ponts des petites communes, soit plus de 16 000 ponts , présentaient une structure altérée ou gravement altérée.

La mission soulignait ainsi que la dégradation des ouvrages d'art posait des questions de disponibilité pour les usagers (restrictions de circulation, interdiction) mais aussi de sécurité (risque d'effondrement, de rupture etc.).

Ainsi, de nombreuses restrictions de circulation voire des fermetures d'ouvrages sont décidées par l'État et les collectivités territoriales, dans le cadre de l'exercice de leurs pouvoirs de police sur la voirie depuis plusieurs années. Chiffre révélateur de ces problèmes de disponibilité des ponts routiers, 23 % des élus des communes et intercommunalités ayant répondu au questionnaire mis en place par la mission sur la plateforme de consultation des élus locaux du Sénat, indiquaient avoir déjà dû imposer de telles restrictions et 6 % des élus ont déjà procédé à la fermeture d'un pont en raison de son état. Plus préoccupant, 61 % des élus ayant répondu à la consultation du Sénat indiquent que l'état de leurs ponts les préoccupe .

Au-delà des exemples cités dans le rapport de 2019 de la commission 12 ( * ) , d'autres exemples peuvent être mis en avant : le pont de la Fonderie (Caen) est fermé depuis le 13 juin 2022, le pont Mathilde (Rouen) est en travaux depuis la mi-juin, avec trois voies fermées sur six, le pont des Bonnes Gens (Collectivité européenne d'Alsace) fera l'objet d'une restriction de circulation pour les véhicules de plus de 3,5 tonnes à partir du 4 juillet 2022 13 ( * ) . Si les inconvénients présentés par ces restrictions sont intuitifs pour les déplacements quotidiens des citoyens et pour le transport de marchandises, il n'existe toutefois pas d'estimation fiable de leurs impacts économiques concrets.

La dégradation de l'état des ponts soulève également, à terme, de véritables problèmes de sécurité : ainsi, la mission relevait que dans son communiqué sur l'audit externe mené sur les ponts de l'État, le ministère des transports indiquait que « dans 7 % des cas, les dommages sont plus sérieux, présentant à terme un risque d'effondrement et donc la forte probabilité de fermer préventivement ces ponts à la circulation des poids lourds ou de tous les véhicules ».

Aussi, la mission concluait qu'au moins 25 000 ponts routiers sont en mauvais état structurel et posent des problèmes de sécurité et de disponibilité :

- 7 % des ponts de l'État . Parmi ces ouvrages, 2 800 ponts, construits dans les années 1950 et 1960 arriveront en « fin de vie » dans les prochaines années ;

- 8,5 % des ponts départementaux . En moyenne 5 ponts devront être reconstruits dans chaque département dans les 5 ans à venir ;

- 18 à 20 % des ponts des communes et intercommunalités .

3. Le vieillissement des ouvrages, un sous-financement chronique et une insuffisante attention des pouvoirs publics expliquent cette situation

• Le troisième constat mis en avant par la mission d'information est que certains types ou familles d'ouvrages présentent des risques plus importants , du fait de leur période de construction et des matériaux utilisés. Ces « ponts à risques », dont certains sont en « fin de vie », doivent concentrer l'attention des pouvoirs publics.

Le vieillissement naturel des ouvrages, régi par le rythme de dégradation des matériaux de construction et des conditions environnementales (air, eau), se trouve amplifié d'une part, par le dérèglement climatique , qui accroît la récurrence et l'intensité de phénomènes exceptionnels pouvant exercer des pressions sur la structure des ouvrages d'art et, d'autre part, par les conditions d'usage des ouvrages. Sur ce dernier point, les inspecteurs du CGEDD soulignaient dans leur récent rapport de 2021 que « les charges d'exploitation (du trafic) augmentent dans le temps 14 ( * ) , avec en outre un assouplissement récent des règles concernant les convois exceptionnels et des surcharges qui contribuent à cet accroissement des charges d'exploitation » 15 ( * ) .

Si la durée de vie théorique d'un pont est de 100 ans , elle s'applique surtout aux ponts construits depuis le début des années 2000 , répondant aux normes de construction européenne « Eurocode ». La durée de vie réelle des ponts serait plutôt de 70 ans en moyenne mais avec de fortes variations d'une famille de ponts à une autre. Elle dépend également de la fréquence et de la qualité de l'entretien des ponts.

La mission avait souligné, en outre, que certaines familles d'ouvrages constituent des « ponts à risques », qui arrivent ou arriveront prochainement en « fin de vie ». Il en va ainsi principalement :

- des ponts en béton précontraint de première génération 16 ( * ) , construits dans les années 1950-1960, soit 2 800 ouvrages construits entre 1951 et 1975 représentant 25 % des ponts du RRN non concédé ;

- des buses métalliques , dont la durée de vie est de 35 à 45 ans et qui subissent des phénomènes de corrosion ;

- des ponts en maçonnerie situés en milieu aquatique . Même si la durée de vie d'un pont en maçonnerie peut s'étendre jusqu'à 250 ans voire au-delà, le milieu aquatique engendre des phénomènes d'affouillement qui peuvent menacer la structure des ouvrages ;

- des ponts à câbles en acier , des premiers ponts mixtes acier-béton , dont les deux tiers présentent des défauts de structures, s'agissant des ponts relevant de la responsabilité de l'État.

• Le quatrième constat mis en avant par la mission était que l'état préoccupant de nos ponts routiers résulte surtout d'un sous-financement chronique depuis plusieurs années.

Au cours de ses travaux, la mission avait constaté que les moyens mis par l'État pour l'entretien de ses ponts sont très en deçà des valeurs de référence préconisées par les experts pour ce type d'ouvrage. Ainsi, entre 2011 et 2018, l'État a consacré en moyenne 45 millions d'euros par an à l'entretien de ses ouvrages d'art, ce qui représente entre 0,15 et 0,2 % de la valeur à neuf de ces ouvrages tandis que l'OCDE recommande de consacrer annuellement 1,5 % de la valeur à neuf des ouvrages en maintenance, dont 0,2 point de pourcentage pour la surveillance et 1,3 point pour l'entretien lourd. Même avec des fourchettes plus basses avancées par d'autres experts, de l'ordre de 0,5 à 0,8 % de la valeur à neuf des ouvrages à investir chaque année en maintenance, le compte n'y est pas depuis plusieurs années .

Plusieurs audits 17 ( * ) ont souligné la nécessité de doubler les financements dédiés aux ponts s'agissant des ouvrages relevant de l'État, afin d'atteindre environ 120 millions par an .

Pour les collectivités territoriales, la mission soulignait un « effet ciseau » entre la baisse des concours financiers de l'État entre 2013 et 2016, qui s'est traduite par une réduction automatique des budgets d'investissements, et la découverte d'un patrimoine d'ouvrages d'art considérable ou dont l'état est préoccupant , impliquant de consacrer une part substantielle des dépenses de voirie pour la surveillance et l'entretien des ponts routiers. Les rapporteurs relevaient en outre que les départements dont la situation financière est la plus dégradée sont aussi ceux qui investissent le moins en voirie, relativement à leur population.

• Le cinquième constat de la mission portait sur un manque de pilotage , par les pouvoirs publics, de la surveillance, de l'entretien et de la réparation des ouvrages d'art, sur les limites des méthodes d'évaluation retenues par l'État et sur l' érosion du nombre de personnels et des compétences nécessaires à la gestion des ouvrages d'art.

L'État dispose d'une politique de gestion unifiée lui permettant de connaître l'état de ses ponts et de son évolution (ITSEOA 18 ( * ) et méthodologie IQOA 19 ( * ) ). Toutefois, la mission avait souligné que l'inspection visuelle des ouvrages, fondement de l'ITSEOA, est insuffisante pour détecter certaines pathologies affectant les matériaux de construction des ponts routiers, comme l'a montré l'effondrement d'une partie du mur de soutènement en terre armée de la culée nord du viaduc de Gennevilliers le 15 mai 2018 ou encore la corrosion des armatures du pont de l'Île de Ré.

La mission avait également relevé des tensions importantes sur les effectifs consacrés à l'entretien des ouvrages d'art, que ce soit dans les services déconcentrés de l'État (directions interdépartementales des routes - DIR) mais aussi dans les établissements publics qui apportent une expertise en la matière (Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement - Cerema - Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux - Ifsttar). Cette perte de ressources humaines n'est que partiellement compensée par l'appel à des bureaux d'études et d'ingénierie privée compte tenu du problème global de raréfaction des compétences en matière d'ingénierie spécialisée.

S'agissant des collectivités territoriales et spécifiquement des départements , la mission faisait état d'une situation contrastée . La plupart des départements disposent de personnels et d'une organisation adaptée à la surveillance et à l'entretien des ponts, en régie. Pour la surveillance et l'entretien, ils utilisent soit l' ITSEOA (à plus de 60 % pour les départements ayant répondu à l'enquête de l'ONR), soit une version adaptée de l'ITSEOA, soit la méthode départementale 20 ( * ) développée par le Cerema ou encore la méthode VSC 21 ( * ) . Les mêmes départements indiquent également utiliser majoritairement la méthode IQOA ou une version adaptée pour évaluer l'état de leur patrimoine.

Toutefois, les collectivités font également face à un manque de personnel dans les services « voirie » : 21 % des départements interrogés par l'Assemblée des départements de France (ADF) évoquent ces difficultés.

Plus problématique, la mission relevait des pertes d'archives relatives à certains ouvrages , particulièrement les ouvrages anciens, mais aussi ceux transférés de l'État aux départements dans le cadre des mouvements de décentralisation successifs.

4. Les ponts gérés par les communes et intercommunalités, en particulier de petite taille, concentrent les inquiétudes

• Enfin, le sixième constat principal dressé par la mission concernait la situation spécifique et préoccupante du bloc communal .

Ainsi, le nombre de ponts communaux et intercommunaux n'est pas connu , y compris par certains élus eux-mêmes (16 % d'après les réponses à la consultation des élus locaux), qui sont pourtant parfois responsables de la sécurité des ouvrages.

De la même manière, leur état n'est pas connu et n'a pas fait l'objet d'un suivi régulier. La mission rappelait, qu'en l'état actuel du droit, il n'existe aucune réglementation en matière de gestion et d'entretien des ouvrages d'art. Chaque collectivité gestionnaire de voirie est donc libre de déterminer les modalités de gestion. Toutefois, dans les faits, la grande majorité des communes et petites intercommunalités ne sont pas équipées pour assurer la gestion et l'entretien de leurs ponts : 90 % des élus du bloc communal ayant répondu au questionnaire de la mission sur la plateforme dédiée du Sénat indiquaient ne pas disposer des ressources techniques et humaines en interne.

Cette absence de recensement exhaustif renvoie également à la problématique des « ponts orphelins », qui concerne, de manière schématique, des ouvrages anciens construits par des maîtres d'ouvrages publics ou privés qui ont disparu sans que le transfert à un gestionnaire de voirie clairement identifié n'ait été acté. S'il est difficile, voire impossible de quantifier le nombre de ces ouvrages, le problème pourrait être de grande ampleur , avec de fortes disparités territoriales liées à l'histoire et aux évolutions socio-économiques.

En outre, la mission s'inquiétait de la charge financière potentielle que représente l'entretien, voire la réparation d'un pont pour les petites communes et les petits établissements de coopération intercommunale (EPCI) : des travaux de réparation pour des ouvrages appartenant à des communes ont pu être estimés à environ 1 million d'euros, un montant d'ampleur au regard du budget annuel de 3 millions d'euros des collectivités concernées.

Estimation des coûts de différentes opérations de surveillance, d'entretien
et de réparation de ponts routiers

Opération

Coût estimé

Inventaire d'ouvrages

De 200 à 250 euros

Visite initiale sommaire

De 2 000 à 5 000 euros par ouvrage

Inspection détaillée

De 3 000 à 15 000 euros

Inspection subaquatique

Environ 3 000 euros par jour

Utilisation de nacelles pour l'accès au pont

De 500 à 2 000 euros par jour

Entretien courant

De 5 à 10 euros (HT) par m 2

Entretien spécialisé

De 25 à 200 euros (HT) par m 2

Remise en état / passage d'une classe IQOA à une autre

De 110 à 395 euros par m 2

Source : Sénat 2019, à partir des informations transmises par le Cerema et l'Association française de génie civil.

Ainsi, sans surprise, 80 % des élus du bloc communal ayant répondu au questionnaire de la mission sur la plateforme dédiée du Sénat estimaient ne pas disposer des moyens financiers nécessaires pour la surveillance et l'entretien de leurs ponts, ce pourcentage montant même à 83 % s'agissant de la capacité à conduire des travaux de réparation de ponts.

Les rapporteurs attiraient également l'attention du Gouvernement et des services déconcentrés de l'État sur l'insuffisance des taux de subvention fixés dans le cadre de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) , qui finance de nombreuses opérations relatives à la voirie.

Ils regrettaient, enfin, la disparition de l'assistance technique de l'État pour raisons de solidarité (Atesat ), créée en 2001 22 ( * ) et supprimée en 2014 23 ( * ) , qui permettait à 28 000 collectivités de bénéficier d'un accompagnement. En l'absence de ce soutien, les communes se tournent vers une expertise extérieure , parfois sans succès du fait de la taille des marchés concernés et des moyens qu'elles peuvent y allouer, et vers la solidarité territoriale : plus d'un département sur deux peut apporter un soutien technique, même partiel, à des communes et EPCI selon l'ADF.

LES 10 PROPOSITIONS DE LA COMMISSION EN 2019 - RAPPEL

Axe 1 - Mettre en oeuvre un plan Marshall pour les ponts

Proposition 1 - Porter le montant des moyens affectés à l'entretien des ouvrages d'art de l'État à 120 millions d'euros par an dès 2020.

Proposition 2 - Créer un fonds d'aide aux collectivités territoriales doté de 130 millions d'euros par an pendant dix ans, soit 1,3 milliard d'euros au total, en utilisant l'enveloppe dédiée à la mise en sécurité des tunnels qui prendra fin en 2021, afin de : - réaliser un diagnostic de l'ensemble des ponts des communes et des intercommunalités d'ici cinq ans ;- remettre en état les ponts des collectivités territoriales en mauvais état d'ici dix ans

Axe 2 - Sortir d'une culture de l'urgence au profit d'une gestion patrimoniale

Proposition 3 - Mettre en place un système d'information géographique (SIG) national afin de référencer tous les ouvrages d'art en France, qui pourra être utilisé par les opérateurs de GPS pour mieux orienter le trafic routier, et créer un coffre-fort numérique permettant aux gestionnaires de voirie qui le souhaitent de conserver les documents techniques relatifs aux ponts

Proposition 4 - Mettre en place un « carnet de santé » pour chaque pont permettant de suivre l'évolution de son état et de programmer les actions de surveillance et d'entretien nécessaires.

Proposition 5 - Intégrer dans la section « investissement » des budgets des collectivités territoriales les dépenses de maintenance des ouvrages d'art pour les inciter à accroître ces dépenses pendant une période transitoire de dix ans.

Proposition 6 - Lancer une concertation avec les collectivités territoriales afin d'envisager la prise en compte de l'amortissement des ponts dans les outils de comptabilité publique.

Axe 3 - Apporter une offre d'ingénierie aux collectivités territoriales

Proposition 7 - Définir des procédures de surveillance et d'entretien adaptées aux petits ponts.

Proposition 8 - Apporter une offre d'ingénierie aux collectivités à travers l'Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT) et la mobilisation des moyens du Cerema.

Proposition 9 - Encourager la mutualisation de la gestion des ponts au niveau départemental ou intercommunal, par la mise à disposition des communes d'une expertise technique dans le cadre d'un conventionnement.

Proposition 10 - Créer un schéma départemental permettant d'identifier les ponts situés sur des itinéraires routiers à forts enjeux pouvant faire l'objet d'un cofinancement entre plusieurs collectivités territoriales.

B. MALGRÉ UNE PRISE DE CONSCIENCE SALUTAIRE À LA SUITE DU RAPPORT DU SÉNAT, MATÉRIALISÉE PAR PLUSIEURS DÉCISIONS, L'ÉTAT DE NOS PONTS CONTINUE DE SE DÉGRADER ET LA SITUATION EST DE PLUS EN PLUS PRÉOCCUPANTE

1. Pour les ouvrages d'art de l'État, une augmentation du budget depuis 2020 qui doit toutefois s'inscrire dans la durée

Depuis la publication du rapport de la commission en 2019, les moyens consacrés annuellement par l'État à ses ponts du réseau routier national non concédé ont connu une augmentation de 79 % par rapport à la période 2011-2018. Sur cette période, l'État déployait annuellement 47 millions d'euros en moyenne, contre près de 84 millions d'euros par an sur la période 2019-2022.

D'une part, les montants inscrits au Programme 203 « Infrastructures et services de transport » de la mission « Écologie, mobilités et développement durables ») ont tendanciellement augmenté depuis 2019, pour atteindre 95 millions d'euros en 2022 , comme l'illustre le tableau ci-dessous.

ÉVOLUTION DES MOYENS CONSACRÉS AUX OUVRAGES D'ARTS
DU RÉSEAU ROUTIER NATIONAL NON CONCÉDÉ

(en millions d'euros)

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Entretien des ouvrages 24 ( * )

15,4

17,2

10,2

14,7

15,

16,4

15,4

20,8

21

21

30

30

Programmes d'entretien spécialisé et de réparation des ouvrages 25 ( * )

17,5

24,4

24,9

26,5

31,8

35,3

43,5

44,5

43

48

44

65

Total

32,9

41,6

35,1

41,2

47,2

51,7

58,9

65,3

64

69

74

95

Source : DGITM

Cette trajectoire croissante devrait a priori se poursuivre d'après le rapport du CGEDD précité 26 ( * ) : les documents de travail de la DGITM, qui déclinent les montants prévisionnels prévus dans la loi d'orientation des mobilités 27 ( * ) pour l'entretien du réseau routier national non concédé, en précisant les montants envisagés en faveur de l'entretien et de la maintenance des ouvrages d'art prévoient que ces montants devraient croître dans les prochaines années, pour atteindre 144,5 millions d'euros en 2027, comme l'illustre le tableau ci-dessous.

MONTANTS PRÉVISIONNELS DES CRÉDITS D'ENTRETIEN ET DE MAINTENANCE DES OUVRAGES D'ART DU RRNNC HORS DÉPENSES DE PERSONNEL ET RESSOURCE TOTALE PRÉVUE DANS LA LOM POUR L'ENTRETIEN ET DE MAINTENANCE DU RRNNC (CRÉDITS BUDGÉTAIRES ET AFITF)

Source : CGEDD, 2021.

D'autre part, le plan de relance prévoit pour le réseau routier national non concédé 40 millions d'euros supplémentaires , afin de financer sept opérations de réparations d'ouvrages d'art entre 2021 et 2023.

VENTILATION DES CRÉDITS DU PLAN DE RELANCE DÉDIÉS À LA RÉPARATION DE 7 OUVRAGES D'ART DU RRNNC

(en millions d'euros)

2021

2022

2023

8

25

7

Source : DGITM

Ces évolutions restent néanmoins à ce jour insuffisantes pour enrayer la spirale de dégradation des ponts de l'État ( cf . II-A).

À titre d'illustration, et malgré une légère augmentation, le pourcentage annuel de la valeur à neuf des ouvrages consacré à l'entretien des ouvrages d'art du réseau routier national non concédé reste bien inférieur aux valeurs de référence (1,5 % d'après l'Organisation de coopération et de développement économiques).

POURCENTAGE ANNUEL DE LA VALEUR À NEUF DU PATRIMOINE DÉDIÉ
À L'ENTRETIEN DES OUVRAGES D'ART DU RÉSEAU ROUTIER NATIONAL NON CONCÉDÉ

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

0,14

0,18

0,16

0,18

0,2

0,22

0,27

0,31

0,29

0,31

0,34

0,38

Source : audit externe du réseau routier national non concédé, avril 2018, actualisé en juin 2022.

2. Pour les collectivités territoriales, une première réponse positive via le « programme national ponts » piloté par le Cerema, qui apparaît toutefois nettement sous-financé et ne permettra pas de traiter les enjeux de sécurité qui se posent pour de nombreux ponts

Annoncé le 15 décembre 2020 par les ministres de la cohésion des territoires et des transports, le programme national ponts , porté par l'Agence nationale de cohésion des territoires et piloté par le Cerema, s'inscrit dans le dispositif « France Relance » et poursuit trois objectifs :

- disposer d'une vision nationale du patrimoine des petites collectivités ;

- doter les communes d'un carnet de santé des ouvrages qui seront recensés ;

- accompagner la transformation numérique de la gestion de patrimoine à travers le lancement d'un appel à projets sur les ponts connectés, visant à doter les collectivités de nouveaux outils numériques de surveillance et d'entretien.

Le programme se décompose en deux phases principales . La phase 1 est une phase de recensement et de visite de reconnaissance pour l'ensemble des communes bénéficiaires. À l'issue de cette phase, la commune dispose d'un recensement des ponts et murs de soutènement de son territoire et d'une première connaissance de leur sensibilité structurelle. Chaque commune reçoit un carnet de santé par ouvrage. La phase 2 consiste en une évaluation plus approfondie sur un panel d'ouvrages , parmi les plus sensibles à l'échelle nationale.

S'agissant des bénéficiaires , le programme s'adresse aux petites communes volontaires parmi les communes qui remplissaient les critères de l'ex-assistance technique de l'État pour des raisons de solidarité et d'aménagement du territoire (Atesat) 28 ( * ) . Au total, sur les 28 000 communes concernées, 11 540 communes métropolitaines se sont portées volontaires pour participer au programme, auxquelles s'ajoutent 24 communes ultramarines , pour un total estimé à environ 40 000 ouvrages d'art , soit 40 à 50 % du total des ouvrages d'art du bloc communal . 21 autres communes ultramarines pourraient également y prendre part, dans le cadre d'un programme complémentaire initié par la Direction générale des outre-mer (DGOM).

Communes bénéficiaires du programme national ponts en France métropolitaine

Source : Cerema

Au 1 er mars 2022, les commandes ont été passées pour les visites de recensement dans 8 252 communes et 40 % de ces communes ont bénéficié d'au moins une visite de recensement sur leur territoire. Au total, plus de 14 000 ouvrages ont fait l'objet d'une visite de terrain par les prestataires et les données de plus de 10 000 ouvrages ont été transmises au Cerema pour vérification 29 ( * ) .

Évolution du nombre d'ouvrages recensés 30 ( * ) par les prestataires 31 ( * )

Source : Cerema

Au total, 40 millions d'euros sont prévus pour financer ce programme, suivant le calendrier ci-dessous :

VENTILATION DES CRÉDITS DE PAIEMENT DU PROGRAMME NATIONAL PONTS

(en millions d'euros)

2021

2022

2023

8

21

14

Source : Cerema

Cette enveloppe de 40 millions d'euros se décompose de la manière suivante :

- 30 millions d'euros sont consacrés au financement de l'intervention de bureaux d'études , dont 24 à 27 millions d'euros pour la phase 1 de recensement et de reconnaissance et 3 à 6 millions d'euros pour la phase 2 d'analyse des ouvrages les plus sensibles ;

- 6 millions d'euros sont dédiés aux missions accomplies par le Cerema et au développement du système d'information dédié ;

- 4 millions d'euros sont prévus pour l' appel à projets « ponts connectés » . 17 lauréats ont été sélectionnés en avril 2021.

La définition et le déploiement de ce programme s'appuient sur d'importants moyens humains puisque 150 agents du Cerema y ont contribué en 2021, pour un total de plus de 4 000 jours de travail. Pour ce qui concerne l' ingénierie privée , 29 bureaux d'études sont intervenus en 2021, sur la phase 1 de recensement et de reconnaissance et 22 bureaux d'études vont intervenir pour réaliser les évaluations approfondies de la phase 2 .

Source : Cerema

Si la création du programme national ponts constitue une première évolution positive, la commission estime que les moyens déployés sont bien en deçà des besoins identifiés en 2019 à 130 millions d'euros par an ( cf . II.A).

Outre ce programme, les dotations « classiques » ( dotation d'équipement des territoires ruraux [DETR] et dotation de soutien à l'investissement local [DSIL]) peuvent être mobilisées. D'après le rapport du CGEDD 32 ( * ) , l'aide apportée par l'État au titre de la DETR et de la DSIL s'élève en 2019 à 4,7 millions d'euros pour la première et 14,5 millions d'euros pour la seconde. Ces dotations ne peuvent néanmoins être absorbées par la surveillance et l'entretien des ouvrages d'art , compte tenu des montants en jeu et des autres projets de territoire qu'elles ont vocation à financer.

Enfin, la Banque des territoires a également mis en oeuvre un plan ponts , en complémentarité du programme national ponts 33 ( * ) . Ce plan comprend notamment un volet « ingénierie » doté de 3 millions d'euros visant à soutenir les études lancées par les collectivités et d'un volet « données », qui a pour objectif le déploiement du dispositif « Prioréno ponts », spécialisé dans la gestion prédictive des infrastructures. Le plan ponts de la Banque des territoires comprend enfin un volet « financements », avec notamment des offres de prêts (« Mobiprêt ») avec des maturités pouvant aller jusqu'à 50 ans , avec une enveloppe globale de 2 milliards d'euros. D'après la Banque des territoires, « cette offre unique vient répondre à une carence de marché avec des durées adaptées à la durée de vie des ponts, des actifs qui ne génèrent pas de revenus et alors même que les collectivités présentent des contraintes de budget ». En complément, et pour les collectivités souhaitant répondre rapidement à des difficultés rencontrées sur plusieurs ponts, la Banque des territoires propose également la possibilité de passer des marchés de partenariats avec des sociétés de projet spécifiquement mises en place avec la collectivité qui paie un loyer à cette société pour la rénovation et la gestion des ponts en question. Cette offre répond à une volonté d'internalisation de l'ensemble des expertises.

3. Les constats et propositions formulés par le Sénat en 2019 demeurent d'actualité et la situation est de plus en plus préoccupante, en particulier pour les collectivités de petite taille
a) Le nombre exact de ponts routiers demeure un mystère, en l'absence de recensement exhaustif à l'échelle nationale

En dépit des observations formulées en 2019 par la mission d'information, il n'est toujours pas possible, trois ans plus tard, de connaître avec précision le nombre de ponts routiers du territoire national et la répartition de ces ponts entre les différents gestionnaires concernés (État, départements, communes et établissements publics de coopération intercommunale 34 ( * ) ).

Si des chiffres précis sont disponibles pour le réseau routier national (concédé et non concédé), comme en 2019, tel n'est toujours pas le cas pour les ouvrages relevant des collectivités territoriales : pour les deux tiers des départements et les 11 métropoles ayant répondu aux enquêtes de l'Observatoire national de la route (ONR) 35 ( * ) , des chiffres existent.

En revanche, aucune appréhension globale du patrimoine du bloc communal, des 10 autres métropoles et du dernier tiers des départements n'est disponible .

S'agissant du réseau routier national non concédé , 12 204 ponts routiers sont recensés. À ces ouvrages s'ajoutent 6 157 murs de soutènement et 96 tunnels.

Pour le réseau routier national concédé , 12 041 ponts routiers sont recensés pour une surface utile totale d'environ 8 173 000 m 2 , ainsi que 1 406 murs de soutènement et 126 tunnels et tranchées couvertes.

Pour 68 départements ayant répondu à l'enquête 2021 de l'ONR, 65 408 ponts routiers sont recensés, ainsi que 63 271 murs de soutènement et 205 tunnels. En extrapolant à 101 départements, la DGITM confirme la justesse de la fourchette basse de 100 000 ponts routiers avancée par la commission en 2019.

Pour le bloc communal , les premiers relevés effectués par le Cerema dans le cadre du « programme national ponts » confirment les estimations avancées par la commission, de 80 000 à 100 000 ponts routiers . Le « PNP » permettra de compléter ce recensement. Le Cerema a en effet indiqué que les données collectées dans ce cadre seront versées à la base de l'ONR. Point important à signaler, les premières données du recensement effectué par le Cerema montrent également un nombre de murs de soutènement plus important qu'anticipé, en particulier dans les communes de montagne. Ces ouvrages devront également faire l'objet d'une attention renforcée dans les prochaines années.

Toutefois, à ce jour, le rapporteur souligne que des failles préoccupantes persistent et persisteront . Ainsi, en l'absence d'obligation de déclaration pesant sur les propriétaires d'ouvrages d'art, les données manqueront encore pour :

- 6 955 communes , à savoir la différence entre les 28 000 communes éligibles au « PNP », dans l'hypothèse où celui-ci parviendrait à traiter l'ensemble de ces communes dans un délai raisonnable, et les 34 955 communes que compte le territoire national au 1 er janvier 2022 et, par extension 36 ( * ) , 1 243 EPCI à fiscalité propre 37 ( * ) , à savoir la différence entre les 1 254 EPCI à fiscalité propre recensés au 1 er janvier 2022, et les 11 métropoles ayant répondu à l'enquête de l'ONR ;

- 33 départements , à savoir la différence entre les 68 départements ayant répondu à l'enquête de l'ONR, et le nombre total de départements du territoire national 38 ( * ) .

b) L'état de nos ponts routiers continue de se dégrader et constitue un sujet de préoccupation majeur

Dans son rapport 2021, l'ONR tire un constat préoccupant qui confirme, s'il en était besoin, tout l'intérêt du travail mené par le Sénat sur ce sujet depuis trois ans : « l'analyse sur les différents exercices montre que l'état du patrimoine de ponts est globalement moins bon en 2020 que les années précédentes , que ce soit pour l'État ou pour les départements [...]. L'analyse en surface des ouvrages permet de dire que l'état des ponts des départements et de l'État est globalement équivalent . Cela est dû au fait que les ouvrages de l'État les moins bien notés sont majoritairement des grands ponts ».

Ce dernier constat peut même être tempéré à l'aune des observations formulées par les inspecteurs du CGEDD dans leur rapport précité de janvier 2021 pour lesquels « le nombre de ponts ayant un défaut structurel est plus important pour les ponts des collectivités que pour ceux du réseau routier national, concédé ou non ».

(1) Pour les ponts relevant de l'État, une stabilité apparente du nombre de ponts routiers en mauvais état, une progression des surfaces en mauvais état

Pour le réseau routier national concédé , la baisse du nombre d'ouvrages en mauvais état structurel se poursuit : 2,1 % des ouvrages sont classés 3 ou 3U en 2020, contre 2,4 % en 2017 et 8 % en 2011 .

Ce constat s'explique notamment par l'obligation faite aux sociétés d'autoroutes d'atteindre des objectifs de performance de gestion et d'état des ouvrages définis dans leurs contrats de concessions , sous peine de sanctions financières.

Pour le réseau routier national non concédé , la situation est contrastée. Si le nombre d'ouvrages en mauvais état structurel (classés 3 ou 3U) est globalement stable, il demeure à un niveau important : au moins 7 % des ouvrages du RRNNC sont en mauvais état structurel et le problème apparaît encore plus important si l'on considère la surface des ouvrages. Ainsi, les surfaces d'ouvrages en mauvais état sont en augmentation de 2 points sur la période 2017-2022, passant de 10 % à 12 % .

En outre, le nombre d'ouvrages nécessitant un entretien sous peine de dégradation ou présentant des défauts (classés 2E et 2) a fortement augmenté , passant de 65 % en 2007 à 79 % en 2017, 2018 et 2019 . Une très légère baisse peut être observée en 2020, à 76 % . La dégradation est également marquée en surface , de 60 % de surfaces d'ouvrages classées 2 et 2E à 76 % en 2019, avant de baisser légèrement à 71 % en 2020.

Comme la mission le constatait déjà en 2019, « cette évolution résulte d'une politique concentrée sur le traitement en urgence des ponts en plus mauvais état , sans une attention suffisante portée aux autres ponts, qui se sont donc, dans le même temps, dégradés. Elle est d'autant plus inquiétante que le classement 2 et 2E est souvent « l'antichambre » du classement 3 et 3U ».

Dès lors, trois ans après, ce constat est toujours valable et le rapporteur relève un glissement tendanciel des ouvrages en bon état vers un état dégradé. D'ailleurs, le nombre d'ouvrages en très bon et bon état (classé 1) est passé de 13 % en 2007 à seulement 8 % en 2020, soit 5 points de moins en 13 ans. En surface, l'évolution est comparable, avec une baisse de 3 points entre 2007 et 2020. Dit autrement, il n'y a pas d'amélioration substantielle du patrimoine de l'État sur une période de plus de 10 ans et il ne reste plus que 5 % des surfaces de ponts routiers du réseau routier national non concédé dans un état pleinement satisfaisant . L'évolution de l'état des ponts routiers est reproduite sur les histogrammes ci-dessous.

Source : DGITM

Les chiffres avancés par l'ONR pour le réseau routier national non concédé sont légèrement supérieurs , laissant penser que le nombre d'ouvrages en mauvais état de ce réseau se situe dans une fourchette allant de 7 à 8 % des ouvrages.

Source : DGTIM

Source : ONR, rapport annuel 2021.

Les chiffres de l'ONR démontrent le même glissement tendanciel décrit précédemment à partir des données transmises par la DGITM : le nombre d'ouvrages de catégorie 1 se réduit, certains basculant dans les notations 2 et 3 et la proportion d'ouvrages classés 4 est en légère hausse. L'ONR souligne que « cela traduit un investissement dans les réparations d'ouvrages les moins bien notés et un vieillissement naturel des ouvrages en bon état ».

Au total, la commission retient l'estimation basse de 7 % de ponts du réseau routier national non concédé en mauvais état structurel, soit environ 854 ouvrages .

(2) Pour les ponts relevant des départements, des données partielles et difficiles à analyser mais qui tendent à montrer que le problème est encore plus aigu que ce que le Sénat avait envisagé en 2019

D'une manière générale, les données relatives à l'état des ponts des collectivités territoriales sont difficiles à analyser. Pour les départements, les données de l'ONR sont constituées à partir d'échantillons qui changent chaque année en fonction des départements ayant fourni des données. Toutefois, il apparaît assez clairement que la situation est encore pire que ce que la commission avait envisagé en 2019 . D'ailleurs, la DGITM convient que la situation ne s'améliore pas : « on n'observe pas de baisse de la proportion d'ouvrages en mauvais état structurel malgré la hausse des investissements. Ceci peut s'analyser comme un effort d'investissement restant inférieur, bien qu'en hausse, au niveau permettant d'enrayer la dégradation naturelle du patrimoine et d'inverser la tendance ».

Ainsi, d'après les chiffres du rapport 2021 et du rapport 2020 de l'ONR, la proportion d'ouvrages en mauvais état apparaît en progression , même si l'échantillon est différent et passe de 34 départements analysés en 2020 à seulement 24 départements analysés en 2021. Dans le détail :

- pour l'année 2017 , le rapport 2018 de l'ONR, utilisé comme base d'estimation par la commission en 2019, identifiait 8,5 % de ponts routiers départementaux en mauvais état structurel , soit 8 500 ouvrages , pour un échantillon de 43 départements ;

- le rapport 2020 de l'ONR, fondé sur un échantillon plus restreint de 34 départements, présente des chiffres plus inquiétants, avec 10 % de ponts routiers départementaux en mauvais état en 2017 , puis 9,5 % en 2018 et 9,3 % en 2019 ;

- le rapport 2021 de l'ONR, fondé sur un échantillon encore plus restreint de 24 départements, présente des chiffres là aussi très préoccupants. Ainsi, le nombre de ponts routiers départementaux en mauvais état est évalué à 13,2 % en 2018, à 12,6 % en 2019 et à 14,8 % en 2020 , ce dernier chiffre dépassant largement les chiffres déjà inquiétants avancés par la commission en 2019.

État des ponts départementaux

Source : ONR, rapport annuel 2021

État des ponts départementaux

Source : ONR, rapport annuel 2021.

L'ONR relève : « la dégradation du patrimoine [des départements] se constate notamment sur les ouvrages classés 3 et 4 qui augmentent entre 2018 et 2020 au détriment des ouvrages classés 2 [...]. La légère amélioration constatée sur l'année 2019 est à relativiser et s'explique certainement par le nombre plus limité d'ouvrages évalués ».

Aussi, en prenant certaines précautions, la commission réévalue l'estimation formulée en 2019 à 10 % des ponts départementaux en mauvais état, soit environ 10 000 ponts .

(3) Pour le bloc communal, une situation préoccupante et sans doute plus grave que ce que le Sénat avait envisagé en 2019

S'agissant des ponts routiers des communes et de leurs EPCI, peu d'informations existent et il faudra attendre les relevés du PNP mené par le Cerema pour avoir une image fidèle de l'état du patrimoine de ces collectivités. Les chiffres avancés à date par le Cerema confirment les estimations de la commission (18 à 20 % des ponts du bloc communal en mauvais état) et tendent même à les dépasser.

Ainsi, sur 10 000 ponts routiers analysés à date, 23 % présentent des défauts significatifs ou majeurs soit 2 360 ponts :

- dont 11 % présentent des problèmes de sécurité nécessitant une action immédiate (1 100 ponts) ;

- et 4 % présentent un problème structurel majeur (400 ponts).

En généralisant ces données à l'ensemble des ouvrages du bloc communal, le nombre de 23 000 ponts en mauvais état pourrait se confirmer, ce qui constitue un volume d'ouvrages particulièrement important et dont la remise en état pourrait s'avérer très coûteuse pour les finances publiques.

« Paroles de maires »

Extraits de remontées de terrain communiquées aux rapporteurs

Un premier maire, qui a bénéficié d'une visite de reconnaissance réalisée par un bureau d'études pour le compte du Cerema dans le cadre du programme national « Ponts », fait part des enjeux liés à la fermeture et à la possible reconstruction d'un ouvrage enjambant une rivière entre deux communes : « Cette fermeture a été rendue nécessaire après avoir constaté des désordres pouvant mettre en danger la sécurité des usagers de ce pont [...] La commune éprouve des difficultés dans au moins deux domaines. Même si dans notre cas, la gestion et l'entretien du pont incombent à nos deux communes, nous avons en premier lieu quelques difficultés à identifier les interlocuteurs à solliciter au niveau des services de l'État (ou les sites internet dédiés) pour nous accompagner dans les démarches et procédures à suivre pour mener à bien le projet (y compris dans le montage juridique préalable au lancement des études et travaux : groupement de commande, délégation de maîtrise d'ouvrage). Sous réserve de son existence, une ou plusieurs fiches de procédure pourraient être intéressantes à élaborer sur ce sujet. Ensuite, nous souhaitons avoir des informations sur l'existence de moyens financiers de l'État autres que les aides de droit commun (DETR, DSIL) pour contribuer au financement des travaux prévus pour ce type d'ouvrage. Sur ce point, nous essayerons de faire jouer la solidarité locale en demandant une aide aux intercommunalités auxquelles appartiennent nos deux collectivités pour compléter le plan de financement de cette opération. Il semblerait au vu des premières estimations que le montant des travaux soit extrêmement important (entre 500 et 1 000 k€) puisque l'on pourrait se diriger vers une reconstruction compte tenu de l'état vétuste de celui-ci ».

Un second maire partage son expérience de l'appui apporté par les services de l'État il y a 10 ans pour la gestion de ses ponts et regrette la disparition de ce soutien : « Sur la commune, nous dénombrons aujourd'hui douze ouvrages sur lesquels se porte une attention plus particulière. Quatre d'entre eux, partie intégrante de [routes départementales] relèvent plus spécifiquement des services du département. Les huit autres appartiennent à la voirie communale [...], de capacités et de gabarits différents. Certains relient des chemins ruraux tandis que d'autres raccordent des voies communales. [...] Dans ces actions indispensables [de surveillance et d'entretien], la commune était jadis assistée et efficacement accompagnée par les services de l'État et plus particulièrement de la Direction Départementale des Territoires . C'est ainsi qu'en 2012, dans le cadre d'une convention ATESAT , signée entre la commune et l'État, un recensement et un descriptif technique avait été dressé. Six ouvrages avaient été alors retenus et examinés. Le relevé de consignes élémentaires alors établi constitue toujours de nos jours, la base de l'entretien rudimentaire courant, régulier , pratiqué pour maintenir, autant que faire se peut, la fiabilité de ces ouvrages, qui demeurent toujours bien évidemment l'objet d'une attention communale d'autant qu'ils sont de plus en plus sollicités par une circulation en croissance continue d'engins aux gabarits de plus en plus imposant et aux poids de plus en plus lourds. [...] Nous n'avons plus l'expertise adéquate nécessaire à disposition alors qu'elle nous serait grandement utile au regard du vieillissement de nos ouvrages et de l'accroissement des contraintes qui leur sont régulièrement imposées tant au niveau de leur utilisation que des évènements climatiques constituant autant de facteurs de risques appelant à une procédure et une surveillance effectives. [...] Nous avons immédiatement postulé [au programme national « Ponts »]. Nos six ponts ont été proposés pour bénéficier de ce programme. Seuls deux ont été retenus au motif que les quatre autres, ne répondant pas aux critères de sélection définis , n'étaient pas éligibles au programme Cerema, ce qui est pour nous fort dommage. [...] Nous sommes dans l'attente des résultats des vérifications entreprises au vu desquels nous pourrons tirer d'objectives conclusions . »

Plusieurs autres maires interrogés ont également bénéficié de l'appui du Cerema dans le cadre du programme national « ponts », que ce soit pour des ponts routiers mais aussi des murs de soutènement . Certains s'interrogent, compte tenu de l'intérêt patrimonial ou architectural présenté par certains ouvrages, pourquoi ces ouvrages ne relèvent pas directement de la responsabilité de l'État . Il apparaît, en effet, que le caractère classé, au titre des monuments historiques, d'un ouvrage renchérit les coûts de remise en état, notamment du fait de la nécessité de recruter un maître d'oeuvre ayant le diplôme d'architecte du patrimoine ou d'architecte en chef des monuments historiques.

D'autres maires font part d'échanges difficiles avec la SNCF s'agissant de l'application de la loi « Didier » pour les ponts de rétablissement, voire d'absence de réponse de la part de l'opérateur . Les préfets jouent leur rôle de médiation . La problématique est encore plus aigüe lorsque la voie ferrée est désaffectée.

Enfin, des élus départementaux ont fait part au rapporteur du montant financier très important mis pour la remise en état d'un ouvrage datant des années 1840 - autour de 7 millions d'euros - et du long processus (22 mois) de réhabilitation. Cet ouvrage présente des pathologies liées au vieillissement aggravé de sa suspension et à la capacité résistante réduite de son tablier.

(4) Certaines familles de ponts présentent toujours des risques significatifs

Les risques propres à certains types d'ouvrages identifiés par la commission en 2019 ont été confirmés par les travaux administratifs menés depuis. Il en va ainsi particulièrement :

- des ponts en béton précontraint , qui représentent une part importante (18 %) du patrimoine de l'État sur le réseau routier national non concédé et du patrimoine des métropoles (13,2 %) ;

- des buses métalliques , présentes à la fois sur le réseau national non concédé (9 %) et sur le réseau local (3,5 % pour les départements).

En outre, au-delà des familles de ponts considérées, il convient également de prendre en compte la « durée de vie » globale des ponts pour cibler les ouvrages sur lesquels l'attention des pouvoirs publics doit être portée en priorité. D'ailleurs, les inspecteurs du CGEDD rappellent dans leur rapport précité de janvier 2021 que « les actions auxquelles sont soumis les ponts peuvent se révéler plus importantes que celles prévues à la conception, notamment lorsque la durée de vie de l'ouvrage est importante et les marges apportées par les coefficients de sécurité peuvent être consommées ». Le tableau ci-dessous récapitule l'âge des ponts routiers du réseau routier national non concédé.

PONTS DU RÉSEAU ROUTIER NATIONAL NON CONCÉDÉ PAR ÂGE (HORS MAÇONNERIE)

Nombre de ponts

%

<1850

9

0,1 %

1850-1900

12

0,1 %

1901-1950

180

1,6 %

1951-1975

2 784

25 %

1976-1995

5 447

48,9 %

>1995

2 708

24,3 %

Total

11 140

100 %

Source : actualisation des données du Cerema (IQOA Ponts - campagne d'évaluation nationale 2017) par la DGITM, 2022.

Les pathologies des ouvrages d'art

Les ponts construits en France au XXème siècle, surtout après 1945 et avant 1975, souffrent des mêmes causes de dégradation que dans la plupart des pays dans le monde :

- la qualité insuffisante du béton , d'où résultent sa carbonatation et la pénétration des ions chlorures jusqu'au niveau des armatures, et une dégradation par les cycles de gel/dégel, dont souffrent de nombreux ponts en béton de taille moyenne, surtout dans le grand quart Nord-Est de la France, construits au cours des années 1950-1975 ;

- les dégradations par réaction de gonflement interne du béton , phénomène bien connu et maîtrisé maintenant ;

- le manque d'enrobage des aciers passifs , qui combiné avec la mauvaise qualité du béton, conduit à la corrosion des armatures ;

- la corrosion des câbles de précontrainte , résultant souvent d'une mauvaise injection des gaines, ou de défauts de conception et d'exécution, comme le déficit de précontrainte, pour les ponts à poutres préfabriqués précontraintes par posttension (VIPP) avec un risque de rupture fragile. Les ouvrages présentant ce type de pathologie doivent faire l'objet de diagnostics détaillés incluant des expertises relatives aux matériaux et un recalcul précis. On peut aussi citer le cas des ponts en béton à câbles de précontrainte extérieure dont la protection doit être vérifiée régulièrement (cas du pont de l'île de Ré avec une rupture de câble en septembre 2018) ;

- la corrosion des aciers et la fissuration par fatigue des assemblages soudés pour les ponts métalliques , notamment à dalles orthotropes particulièrement sensibles en fatigue aux charges des poids lourds, qui peuvent entraîner des ruptures de sous-structures voire un effondrement de l'ouvrage. Une instrumentation peut permettre de suivre l'évolution des fissures ou de détecter des déformations anormales et les ouvrages à dalles orthotropes sensibles nécessitent une surveillance renforcée, surtout sous fort trafic ;

- pour les ponts à câbles (suspendus ou haubanés), la rupture de fils souvent suite à de la corrosion, ou d'attaches de câbles (étriers en tête de pylône, ancrages etc.). Il y a donc lieu de surveiller la redistribution des efforts dans les câbles et leurs attachés ;

- les ponts particuliers ou innovants lors de leur construction, comme le pont Morandi à Gênes, les ouvrages à caisson en béton précontraint réalisés à partir de voussoirs préfabriqués, ceux de type cantilever, à béquilles ou à haubans, nécessitent une surveillance étroite car leur conception particulière ou le manque de retour d'expérience peut induire des fragilités et des risques de défaillance moins prévisibles. Les règles actuelles de conception de structures complexes s'appuient sur la notion de robustesse développée par les Eurocodes et assurent plus de redondance.

Les causes de désordre les plus courantes sont : les affouillements et les impacts sur des piles dues à des crues, à des matériaux emmenés par des crues ou à des chocs de bateau ; l'effondrement des buses métalliques ; les défauts de construction ou encore les problèmes de sol instable.

Source : extrait du rapport précité du CGEDD - janvier 2021.

Les trois figures suivantes présentent la répartition du nombre des ponts par famille d'ouvrages pour le RRNNC, les ponts départementaux (échantillon de 63 départements) et métropolitains (échantillon de 8 métropoles).

Pour les départements, les ponts en maçonnerie représentent une part significative du total et peuvent poser des problèmes de sécurité, surtout s'ils sont situés en milieu aquatique, où les eaux troubles peuvent affouiller les piliers du pont. D'ailleurs, dans leur rapport, les inspecteurs du CGEDD font état du lancement d'un projet national « DOLMEN » 39 ( * ) visant à mieux cerner le fonctionnement et l'état des ouvrages en maçonnerie, qui représentent environ 10 % des ponts du réseau routier national. L'objectif est de constituer un référentiel et une doctrine technique à l'échelle nationale pour le dimensionnement, l'évaluation et la réparation des ouvrages en maçonnerie (modèles, règles de calcul et abaques, logiciels métiers, solutions et préconisations de réparation). Le projet, dont le coût est estimé à 2,2 millions d'euros , pourrait utilement nourrir la politique de surveillance et d'entretien des ponts départementaux et communaux .

Les ouvrages en béton armé sont plus nombreux sur les routes nationales non concédées. Les ponts en béton précontraint sont prédominants sur les autoroutes concédées où il n'y a pas de ponts en maçonnerie. Le réseau national abrite également de nombreuses buses (métalliques ou en béton).

Le tableau ci-dessous récapitule, pour un échantillon de 46 départements, l'état des ponts par famille d'ouvrages et tend à montrer une urgence particulièrement marquée pour les ponts en maçonnerie , les buses en béton et les ponts en métal et mixtes .

Source : ONR, rapport annuel 2021.

Enfin, dans leur rapport précité de janvier 2021 40 ( * ) , les inspecteurs du CGEDD identifient les priorités suivantes :

- la réhabilitation des anciens ponts en maçonnerie ou suspendus en acier ;

- la réhabilitation de certains ponts en béton précontraint ;

- le remplacement des buses métalliques corrodées ou dégradées ;

- l'entretien préventif de certains ouvrages anciens en béton armé pour prolonger leur durée de vie ;

- le remplacement des chapes d'étanchéité , qui est la priorité la plus urgente car en dépend la protection de la structure et du matériau vis-à-vis de l'eau, de l'air, des sels de déverglace.

Pour le rapporteur, ces priorités devraient être déclinées au niveau national et adaptées à l'échelle locale dans le cadre système ou d'un programme global , qui permettent une mise en sécurité et une remise en état des ponts les plus préoccupants au cours des dix prochaines années ( voir III ).

4. La mise en oeuvre de loi « Didier » reste au milieu du gué, bien que le recensement des ouvrages de rétablissement ait été achevé

La commission constate avec satisfaction que le recensement des ouvrages entrant dans le champ de la loi dite « Didier » de 2014 41 ( * ) , votée au Parlement à l'initiative de la sénatrice Evelyne Didier qui était membre de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, est désormais achevé 42 ( * ) .

Cette loi ambitieuse, qui porte sur les ouvrages de rétablissement des voies 43 ( * ) ( voir encadré ci-dessous ), visait à mieux répartir les charges y afférentes entre les principaux acteurs concernés (SNCF Réseau, État, Voies navigables de France, collectivités). L'aboutissement du processus de recensement des ouvrages est donc une bonne nouvelle .

En revanche, moins bonne nouvelle, les conventions prévues par la loi pour déterminer les modalités de prise en charge financière de ces ouvrages n'ont toujours pas été signées pour une majorité d'ouvrages . Si la progression des conventionnements est notable pour le réseau routier national concédé, tel n'est pas le cas pour les autres infrastructures concernées. Ainsi, dans le détail :

- Pour le réseau concédé : 7 692 ouvrages de rétablissement sont concernés et 46,2 % de conventions ont été signées. Pour 45,9 % des conventions, des échanges sont en cours. Pour 7 % des conventions, les échanges n'ont pas été engagés. Pour 0,9 % des conventions, des refus explicites ont été émis. Tous les ouvrages des concessions récentes font l'objet d'un conventionnement d'après la DGITM.

- Pour le réseau non concédé : 2 417 ouvrages sont concernés. Peu de conventions ont été signées à ce jour. Selon la DGITM, les discussions devraient avancer en 2022, le processus interne au ministère ayant été validé fin 2021.

- Pour le réseau fluvial des voies navigables : 2 895 ouvrages sont concernés mais aucune convention n'a été signée à date selon les informations transmises par la DGITM.

- Pour le réseau ferré national : 4 168 ouvrages sont concernés et aucune information n'a été transmise relative à la signature de conventions dans le cadre des travaux préparatoires du rapporteur.

Dans ses réponses au questionnaire du rapport, l'Association des départements de France (ADF) a indiqué qu'une enquête est en cours auprès des départements pour faire le point sur l'application des conventions avec SNCF Réseau pour la prise en charge et l'entretien des ponts au-dessus d'une voie de chemin de fer. Le rapporteur souhaite que ce processus de conventionnement se poursuive à un rythme accéléré , afin de clarifier les responsabilités de chacun et d'assurer la sécurité et la disponibilité des ouvrages concernés, dans le temps.

LES PONTS DE RÉTABLISSEMENT

En vertu d'une jurisprudence constante du Conseil d'État, dite « jurisprudence de la voie portée », ce sont les propriétaires de la voie portée qui sont tenus d'entretenir l'ouvrage 44 ( * ) . Toutefois, face aux difficultés rencontrées par les collectivités pour entretenir ce patrimoine, et aux conflits relatifs à leur entretien, le législateur est intervenu pour clarifier les modalités de prise en charge des frais de surveillance et d'entretien de ces ouvrages .

Ainsi, la loi n° 2014-774 du 7 juillet 2014 45 ( * ) , dite « loi Didier », prévoit que les charges financières liées à ces ouvrages doivent être réparties entre le gestionnaire de l'infrastructure de transport et le propriétaire de la voie de communication préexistante .

Elle pose le principe de référence d'une prise en charge, par le gestionnaire de la nouvelle infrastructure, de l'ensemble des charges relatives à la structure de l'ouvrage d'art de rétablissement (charges de surveillance, d'entretien courant et spécialisé, de réfection, de réparation et de reconstruction). Ce principe s'applique, sauf accord contraire des parties, lorsque la personne publique propriétaire de la voie rétablie ou l'EPCI concerné dispose d'un potentiel fiscal inférieur à 10 millions d'euros .

Dans les autres cas, ce principe de référence doit être adapté en fonction des spécificités des parties en présence, notamment leur capacité financière et technique, et de l'intérêt retiré par la réalisation de la nouvelle infrastructure de transport.

Une convention conclue entre le gestionnaire de la nouvelle infrastructure de transport et le propriétaire de la voie rétablie doit alors prévoir les modalités de répartition des charges entre eux.

En cas d'échec de la négociation relative à la signature de la convention, les parties peuvent demander la médiation du préfet de département . Cette obligation de conventionnement prévue par la loi n° 2014-774 ne concerne que les nouveaux ouvrages. S'agissant des ouvrages de rétablissement anciens , la loi prévoit un recensement dans un délai de quatre ans (soit avant le 1 er juin 2018) des ponts qui ne font pas l'objet d'une convention - certains ponts faisant l'objet de conventions historiques entre les collectivités territoriales et l'État 46 ( * ) ou les opérateurs SNCF Réseau et Voies navigables de France (VNF).

II. SI 80 % DES PROPOSITIONS DU SÉNAT ONT TROUVÉ UNE TRADUCTION DANS LES MESURES ANNONCÉES PAR LE GOUVERNEMENT DEPUIS 2019, LES DEUX TIERS DE CES PROPOSITIONS SUPPOSENT ENCORE DES ACTIONS ET ÉVOLUTIONS IMPORTANTES POUR QUE LA RÉPONSE PUBLIQUE SOIT À LA HAUTEUR DES ENJEUX DE SÉCURITÉ

La commission estime que 8 des 10 propositions formulées en 2019 ont été suivies d'effet et ont fait l'objet de mesures annoncées par le Gouvernement . Ce taux de reprise satisfaisant en apparence masque pourtant une mise en oeuvre manifestement insuffisante .

Deux principaux leviers ont été mobilisés pour traduire les recommandations formulées en 2019 :

1) pour les ponts routiers de l'État , l'augmentation des moyens consacrés aux ouvrages du réseau routier national non concédé ( via les lois de finances pour 2021 et 2022 et le plan de relance) ;

2) pour les ponts routiers des collectivités territoriales , le déploiement du programme national ponts piloté par le Cerema.

A. PLUTÔT QU'UN « PLAN MARSHALL », DES MOYENS INSUFFISANTS, DISPERSÉS ET PEU LISIBLES

Proposition 1 : porter le montant des moyens affectés à l'entretien des ouvrages d'art de l'État à 120 millions d'euros par an dès 2020.

Appréciation quantitative : suite donnée

Appréciation qualitative : partiellement satisfaite / à renforcer

Observations de la commission : l'évolution est positive - 76,4 % des besoins de financement identifiés pour les ponts routiers de l'État ont été couverts à ce jour - mais l'effort doit être prolongé et renforcé pour enrayer la spirale de dégradation des ponts.

La commission constatait, en 2019, que les moyens déployés par l'État pour l'entretien de ses ponts étaient largement insuffisants . Avec 47 millions d'euros en moyenne par an sur la période 2011-2018 , ces montants ont représenté entre 0,15 et 0,2 % de la valeur à neuf des ouvrages, alors que l'OCDE recommande de consacrer annuellement 1,5 % de la valeur à neuf. D'après le rapport de 2019, le maintien d'une telle enveloppe conduirait à un doublement du nombre de ponts en mauvais état d'ici dix ans et à adopter des mesures de restriction de circulation inacceptables .

Les alertes du Sénat ont été entendues : depuis lors, les moyens consacrés à l'entretien des ouvrages de l'État ont été revus à la hausse ( cf. I.B.) avec, d'une part, une augmentation des crédits inscrits au Programme 203 « Infrastructures et services de transport » de la mission « Écologie, mobilités et développement durables », qui ont tendanciellement augmenté depuis 2019 , pour atteindre 95 millions d'euros en 2022 , et, d'autre part, le déploiement de 40 millions d'euros supplémentaires dans le cadre du plan de relance , sur la période 2021-2023.

Dès lors, la cible de  120 millions d'euros par an consacrés annuellement à l'entretien des ponts de l'État préconisée en 2019 devrait être atteinte en 2022 . Pour autant, la commission estime que ce seuil aurait dû être atteint dès 2020 , et devrait être maintenu à ce niveau pendant 10 ans . Or, il est à craindre que l'effort budgétaire porté par le plan de relance ne cesse en 2023. En définitive, si 76,4 % des besoins de financement identifiés pour les ponts routiers de l'État ont été couverts à ce jour, le retard accumulé par rapport à la recommandation du Sénat atteint déjà 89 millions d'euros , comme l'illustre le graphique ci-après.

Évolution des moyens consacrés aux ouvrages d'art du RRNNC

Source : Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

La commission appelle à une amplification de l'effort et une stabilisation à un niveau suffisant pour enrayer la spirale de dégradation des ponts de l'État , faute de quoi la situation de ses ouvrages d'art continuera de se dégrader ( cf. I.B.). Il convient donc de rehausser encore davantage la trajectoire d'investissements prévus par la loi d'orientation des mobilités .

Proposition 2 : créer un fonds d'aide aux collectivités doté de 130 millions d'euros par an pendant dix ans, soit 1,3 milliard d'euros au total, en utilisant l'enveloppe dédiée à la mise en sécurité des tunnels qui prendra fin en 2021, afin de :

- réaliser un diagnostic de l'ensemble des ponts des communes et des intercommunalités d'ici cinq ans ;

- remettre en état les ponts des collectivités territoriales en mauvais état d'ici dix ans.

Appréciation quantitative : suite donnée

Appréciation qualitative : très partiellement satisfaite / à renforcer

Observations de la commission : malgré une évolution positive, grâce à la création du programme national ponts, les besoins sont loin d'être à la hauteur des enjeux. La commission estime que seuls 10,2 % des besoins identifiés en 2019 ont été déployés.

Un effort important a été porté à la réhabilitation des ponts routiers d'art de l'État. La situation est, en revanche, bien plus préoccupante pour les collectivités territoriales .

Estimant la situation des ponts routiers des collectivités territoriales particulièrement inquiétante , avec 8,5 % des ponts départementaux et potentiellement 18 à 20 % des ponts des petites communes en mauvais état, la mission d'information relative à la sécurité des ponts avait plaidé, dans son rapport de 2019, pour la création d'un fonds d'aide aux collectivités territoriales . La commission avait préconisé de doter ce fonds de 130 millions d'euros par an (soit 1,3 milliard d'euros par an) pour réaliser un diagnostic de l'ensemble des ponts des communes et des intercommunalités, procéder à des travaux de réparation des ponts des collectivités territoriales , dont :

o 30 millions d'euros par an pour dresser l'inventaire des 80 000 ponts gérés par les communes et les groupements (sur cinq ans) ;

o 100 millions d'euros par an pour réparer ou reconstruire des ponts des collectivités territoriales (sur dix ans).

Le Gouvernement a, partiellement du moins, donné suite à cette proposition dans le cadre du plan de relance , par la création du programme national ponts , doté de 40 millions d'euros sur trois ans (2021-2023) et piloté par le Cerema ( cf. I.B.). Malgré cette première étape de progrès, la commission constate que les efforts déployés depuis 2019 sont loin d'être à la hauteur des enjeux , pour quatre raisons principales .

En premier lieu , les montants consacrés par l'État aux ponts routiers des collectivités territoriale s sont très en deçà des besoins identifiés par la commission en 2019. Ainsi, les 40 millions d'euros déployés sur trois ans dans le cadre du programme national pont sont loin par rapport aux 130 millions d'euros annuels mis en avant en 2019. Le retard accumulé depuis 2020 s'élève déjà à 350 millions d'euros par rapport à la proposition 2 de la commission, comme l'illustre le graphique ci-après, si bien que le taux de mise en oeuvre de cette proposition n'atteint que 10,2 % .

Évolution des moyens consacrés par l'État aux ouvrages d'art
des collectivités territoriales

Source : Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

Les collectivités territoriales ont elles aussi augmenté leurs dépenses pour l'entretien et la réhabilitation des ouvrages d'art ces dernières années . D'après la Direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM) 47 ( * ) , et sur la base des données fournies par l'Observatoire national de la route, les dépenses de grosses réparations d'ouvrages d'art ont en effet augmenté de 19 % en 2020 par rapport à la période 2016-2019 et cette augmentation est particulièrement sensible dans les petits départements. En outre, « l'observatoire ne fournit par les données du bloc communal, mais les comptes de la nation confirment cette tendance sur l'ensemble des administrations publiques ». Malgré cette évolution positive, les collectivités ne sont pas en mesure d'affronter seules le défi de la réhabilitation de leurs ponts 48 ( * ) sans un soutien accru de l'État.

À cet égard, la commission déplore que le programme national ponts, qui devait initialement être doté de 60 millions d'euros, ait été amputé de 20 millions d'euros par le projet de loi de finances pour 2022. Si le projet annuel de performance (PAP) annexé au projet de loi de finances pour 2021 prévoyait 60 millions d'euros pour l'entretien des ouvrages d'art des collectivités territoriales 49 ( * ) , la version annexée au projet de loi de finances pour 2022 n'en prévoit plus que 40 millions d'euros, sans préciser les raisons de cette évolution 50 ( * ) .

Ainsi, et contrairement à ce qu'indique la Direction générale des collectivités locales (DGCL) interrogée sur ce point 51 ( * ) , il n'est pas possible d'affirmer que l'ensemble des autorisations d'engagement de l'enveloppe consacrée aux collectivités a été engagé durant l'exercice 2021 . La Direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM) a quant à elle reconnu cette diminution et apporté davantage de précisions en indiquant au rapporteur qu' « après la publication du PAP 2021 du programme « Cohésion », une nouvelle répartition des 350 millions d'euros de la ligne « Développement et modernisation du réseau routier national et renforcement des ponts » [...] a été réalisée et a abouti à la diminution de 20 millions d'euros pour le financement des ouvrages d'art pour les collectivités . Cette nouvelle répartition a été réalisée pour l'adapter au nouveau besoin constaté sur le réseau routier national » 52 ( * ) . Si la commission salue le déploiement de crédits pour répondre à des besoins identifiés sur le réseau routier national, elle regrette fortement que ce déploiement de nouveaux moyens s'opère au détriment des collectivités territoriales .

En second lieu , et à la lumière des premiers résultats du programme national ponts, la situation des ponts routiers des collectivités est encore plus inquiétante que celle esquissée par la commission en 2019 . Ainsi, sur les 14 000 ouvrages du bloc communal ayant fait l'objet d'une visite de terrain dans le cadre de ce programme, il apparaît que :

- 23 % (environ 2 360 ouvrages) présentent des défauts significatifs ou majeurs qui pourraient nécessiter des investigations complémentaires ;

- 13 % (environ 1 280 ouvrages) présentent des problèmes de sécurité nécessitant une action immédiate .

En troisième lieu , le programme national ponts ne traite que partiellement la problématique des ouvrages d'art des collectivités territoriales. D'une part, le champ de ses bénéficiaires ne couvre pas l'ensemble du bloc communal , puisque seules les collectivités répondant aux critères de l'ex-Atesat peuvent y prétendre. Cette situation ne permet pas un recensement exhaustif des ponts des communes et intercommunalités . D'autre part, il consiste uniquement en un recensement et en une évaluation plus ou moins approfondie de l'état des ouvrages visités . Le programme national ponts n'apporte aucune aide financière à la réhabilitation des ponts en mauvais état ainsi recensés. À cet égard, le Cerema indique que pour les 5 000 premiers ouvrages du programme , environ 8 millions d'euros sont nécessaires annuellement pour réaliser des actions de surveillance et d'entretien permettant de les préserver et plus de 190 millions d'euros sont nécessaires pour réaliser des études et travaux nécessaires à leur remise en état . Sur cette base, la commission estime que 2,2 à 2,8 milliards d'euros seraient nécessaires pour financer les travaux de réparation des 23 % 53 ( * ) de ponts du bloc communal - soit 18 400 à 23 000 ponts - présentant des problèmes de sécurité ou des défauts significatifs 54 ( * ) . La commission préconisait dès 2019 d'y consacrer 100 millions d'euros par an.

En quatrième et dernier lieu , le sous-financement de ce programme ne lui permettra pas d'atteindre ses objectifs en matière d'évaluation de l'état des ponts. Ainsi, les 3 à 5 millions d'euros prévus pour la mise en oeuvre de la phase 2, d'analyse des ouvrages les plus sensibles, ne permettront, d'après le Cerema, de ne programmer une évaluation approfondie que de 300 à 500 ouvrages les plus sensibles , soit seulement 3 % des ouvrages les plus dégradés . Or, et comme le relève le Cerema : « ce chiffre est très éloigné du nombre d'ouvrages présentant des défauts significatifs ou majeurs que nous allons recenser . Il s'agira donc au travers de cette phase, d'évaluer un panel d'ouvrages à l'échelle nationale qui puisse servir de démonstrateur pour l'ensemble du programme » 55 ( * ) . La commission déplore que ce programme ne soit pas doté des moyens suffisants pour dépasser la première phase de recensement et évaluer l'état de l'ensemble des ponts présentant des défauts majeurs. Elle estime que plus de 90 millions d'euros 56 ( * ) seraient nécessaires pour procéder à l'évaluation approfondie de tous les ouvrages soulevant des difficultés majeures, sur le seul périmètre couvert par le programme (11 564 communes).

B. MODERNISATION DE LA GESTION PATRIMONIALE DES OUVRAGES D'ART : DES PROGRÈS À AMPLIFIER

Proposition 3 : mettre en place un système d'information géographique (SIG) national afin de référencer tous les ouvrages d'art en France, qui pourra être utilisé par les opérateurs de GPS pour mieux orienter le trafic routier, et créer un coffre-fort numérique permettant aux gestionnaires de voirie qui le souhaitent de conserver les documents techniques relatifs aux ponts.

Appréciation quantitative : suite donnée

Appréciation qualitative : partiellement satisfaite / à approfondir

Observations de la commission : la création d'une cartographie des ponts routiers suivis dans le cadre du Programme national ponts constitue une avancée. Au total, la commission estime que 30 % environ des ponts sont ou seront bientôt référencés dans un SIG. La création d'un SIG unique et commun à l'ensemble des gestionnaires de voirie reste néanmoins nécessaire pour combler les lacunes en matière de connaissance et de suivi de l'état du patrimoine.

Dans son rapport de 2019, la commission avait considéré nécessaire de disposer d'un système d'information géographique (SIG) unique permettant de recenser et de géo-référencer tous les ouvrages d'art en France et de disposer, en données ouvertes, d'informations relatives à la localisation des ouvrages, à leurs dimensions ainsi qu'aux restrictions de circulation applicables. L'objectif était notamment d'intégrer ces données dans les systèmes numériques d'assistance au déplacement (GPS) afin de mieux orienter le trafic routier (notamment des poids lourds).

Pour ce qui concerne les ouvrages d'art relevant du réseau routier national , l'État dispose d'une base de données ( ISIDOR ) recensant l'ensemble du patrimoine routier national, dont les ouvrages d'art du réseau routier national concédé et non concédé. Cette base est actualisée annuellement. En complément, l'État dispose de son propre système d'information géographique ( SIG ) : l'outil SIAMOA , base de données des ouvrages d'art sur le réseau routier national non concédé, contient une partie cartographique permettant de localiser les ouvrages. S'agissant des ouvrages du réseau routier national concédé, les gestionnaires autoroutiers possèdent généralement un SIG, d'après la DGITM 57 ( * ) .

S'agissant des ouvrages des collectivités territoriales , le Cerema a développé un SIG dans le cadre du programme national ponts permettant de référencer les ponts et les murs de soutènement des communes bénéficiaires du programme. Le Cerema prépare la mise en place d'une cartographie publique et la diffusion des données publiques 58 ( * ) d'ici la fin du 1 er semestre 2022. D'après le Cerema, ces données pourront être utilisées par des tiers, notamment les opérateurs de GPS, mais elles pourraient s'avérer insuffisantes par rapport à l'objectif d'orienter le trafic routier. En outre, la DGITM développe actuellement une base de données nationale recensant les arrêtés de circulation du transport de marchandises. La commission considère que cette base pourrait opportunément être utilisée pour détourner le trafic de poids lourds de certains ponts qui ne sont pas conçus pour supporter de telles charges.

En définitive, et en prenant en compte les différents SIG existants ou en cours de développement la commission estime que 30 % environ 59 ( * ) des ouvrages sont ou seront bientôt référencés dans un SIG . Malgré les progrès réalisés, la proposition de créer un SIG unique n'a à ce jour pas été mise en oeuvre. D'après le Cerema, « aucune décision n'a été prise concernant la mise en place d'un SIG unique pour les ouvrages d'art ». La commission déplore cette situation et considère qu' en l'absence d'un SIG unique répertoriant l'intégralité du patrimoine des ouvrages d'art, notre connaissance du patrimoine reste lacunaire et dispersée . Il convient de travailler à la réalisation d'une base de données unique sur ce sujet, dans une logique de gestion patrimoniale des ouvrages d'art, et pour des questions d'efficacité de la dépense publique.

Proposition 4 : mettre en place un « carnet de santé » pour chaque pont permettant de suivre l'évolution de son état et de programmer les actions de surveillance et d'entretien nécessaires.

Appréciation quantitative : suite donnée

Appréciation qualitative : partiellement satisfaite / à approfondir et à généraliser

Observations de la commission : si 55 % des ponts environ bénéficient ou vont bénéficier d'un carnet de santé, la commission considère nécessaire de généraliser cette pratique à l'ensemble des ponts.

La commission préconisait, dans son rapport de 2019, la mise en place , pour chaque pont , d'un « carnet de santé » (ou « carnet de maintenance ») définissant les caractéristiques de l'ouvrage, la politique de surveillance et d'entretien à prévoir et retraçant toutes les opérations effectuées sur l'ouvrage ainsi que l'évolution de l'état de l'ouvrage.

Ce type de suivi existe pour les ouvrages relevant de l'État et pour ceux relevant des concessionnaires d'autoroutes . La DGITM rappelle que « conformément à l'instruction technique sur la surveillance et l'entretien des ouvrages d'art appliquée sur le réseau routier national, chaque pont dispose d'un dossier d'ouvrage qui est un carnet de santé très détaillé ». En outre, le rapport de l'ONR confirme que la majorité des départements ont des pratiques similaires . Pour ce qui concerne le bloc communal , les communes participant au programme national ponts bénéficient d'un carnet de santé simplifié pour chaque pont, remis au maire à l'issue du programme.

En définitive, la commission estime qu' environ 55 % des ponts bénéficient ou vont bénéficier d'un carnet de santé 60 ( * ) . Elle considère indispensable de généraliser cette pratique , afin d'établir une « carte d'identité » de l'ensemble des ponts présents sur le territoire national. Cette connaissance de l'ensemble du patrimoine national est un préalable sine qua none à une gestion patrimoniale des ponts et à une répartition efficace de l'effort financier de l'État et des collectivités territoriales.

Proposition 5 : Intégrer dans la section « investissement » des budgets des collectivités territoriales les dépenses de maintenance des ouvrages d'art pour les inciter à accroître ces dépenses pendant une période transitoire de dix ans.

Appréciation quantitative : suite donnée

Appréciation qualitative : partiellement satisfaite / à renforcer

Observations de la commission : malgré certaines avancées récentes, il demeure nécessaire de créer une incitation à destination des collectivités par le basculement des dépenses d'entretien des ponts en section d'investissement.

Partant du constat suivant lequel les ponts sont insuffisamment considérés comme un véritable patrimoine nécessitant de faire l'objet d'actions de surveillance et d'entretien, la commission avait proposé, dans son rapport de 2019, de créer un effet incitatif par le biais d'un changement comptable transitoire permettant d' intégrer les dépenses liées à l'entretien des ouvrages d'art dans la section « investissement » des collectivités territoriales. Cette évolution permettrait aux collectivités territoriales, d'une part, de récupérer partiellement la TVA acquittée à l'occasion des travaux et, d'autre part, de ne plus soumettre ces dépenses à des contraintes budgétaires dans le cadre des pactes financiers.

Depuis lors, la loi de finances pour 2020 a étendu la possibilité de bénéficier du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) aux dépenses d'entretien des réseaux. Malgré cette évolution positive, qui permet à la commission d'estimer que sa proposition est en partie satisfaite (à hauteur de 50 % ), celle-ci déplore que les dépenses de maintenance, entretien et réparation des ponts et ouvrages d'art relèvent toujours de la section « fonctionnement » . Cette situation ne permet pas de faire sortir ces dépenses des contraintes budgétaires , alors même qu'il est avéré que l'entretien préventif des ponts permet d'économiser des dépenses de réparation beaucoup plus importantes.

Proposition 6 : Lancer une concertation avec les collectivités territoriales afin d'envisager la prise en compte de l'amortissement des ponts dans les outils de comptabilité publique.

Appréciation quantitative : non retenue

Observations de la commission : mettre en oeuvre cette proposition.

Dans son rapport de 2019, la commission proposait que soit lancée une concertation avec les collectivités territoriales pour adapter leurs outils de comptabilité publique afin d' envisager l'amortissement des ouvrages d'art et le provisionnement des sommes nécessaires , dans l'objectif de tendre vers une programmation pluriannuelle des dépenses d'entretien et de réparation des ponts. Cette proposition n'a pas été mise en oeuvre à ce jour à la connaissance de la commission, ce qu'elle regrette.

D'après la DGCL, « le cadre budgétaire et comptable s'appliquant aux collectivités territoriales subit actuellement de profondes mutations issues du mouvement de modernisation des finances publiques locales engagé depuis 2015. » 61 ( * ) . Elle cite notamment le cadre budgétaire et comptable applicable aux métropole s - correspondant au référentiel M. 57 - qui propose des règles budgétaires assouplies et de nouvelles normes comptables et qui a vocation à être généralisé à compter de 2024 62 ( * ) . En outre, l'article 242 de la loi de finances pour 2019 63 ( * ) , modifiée par l'article 137 de la loi de finances pour 2021 64 ( * ) , prévoit que les collectivités territoriales et leurs groupements volontaires peuvent à titre expérimental, mettre en oeuvre un compte financier unique , à compter de l'exercice 2021 et pour une durée maximale de trois exercices budgétaires. Dans ce contexte, la commission considère que la question de l'amortissement des ponts dans les outils de comptabilité publique doit être intégrée dans les réflexions en cours.

C. SOUTIEN EN INGÉNIERIE POUR LES COLLECTIVITÉS : UNE PREMIÈRE RÉPONSE INTÉRESSANTE, QUI RESTE À AMPLIFIER ET À DÉPLOYER SUR L'ENSEMBLE DU TERRITOIRE NATIONAL

Proposition 7 : Définir des procédures de surveillance et d'entretien adaptées aux petits ponts.

Appréciation quantitative : suite donnée

Appréciation qualitative : soldée / à généraliser et à approfondir

Observations de la commission : un référentiel technique adapté à chaque type d'ouvrage et en fonction des surfaces devra être élaboré pour permettre aux gestionnaires d'adapter leur niveau de surveillance et d'entretien des ouvrages d'art.

La commission constatait, dans son rapport de 2019, que la diversité des ponts gérés par l'État et les collectivités territoriales rend complexe la définition d'une règlementation commune applicable à l'ensemble des gestionnaires de voirie qui représenterait une charge excessive pour les collectivités territoriales . Dès lors, la commission préconisait de définir un référentiel technique allégé au profit des collectivités gérant des petits ponts .

Depuis lors, et dans le cadre du programme national ponts, une méthodologie simplifiée a été établie . Le carnet de santé utilisable par tous les gestionnaires et adapté aux ouvrages communaux s'accompagne en outre d'un guide pédagogique qui a été publié en février 2022. Enfin le guide technique à l'usage des communes relatif à la surveillance et à l'entretien courant des ouvrages d'art routiers est en cours d'actualisation. Sa parution est prévue en 2022.

La commission considère que ces procédures simplifiées constituent une évolution positive mais doivent encore être généralisées .

Proposition 8 : Apporter une offre d'ingénierie aux collectivités territoriales à travers l'Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT) et la mobilisation des moyens du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema).

Appréciation quantitative : suite donnée

Appréciation qualitative : soldée / à déployer dans le cadre d'actions permanentes

Observations de la commission : l'accompagnement prévu dans le cadre du Programme national ponts est une évolution positive, qui doit être pérennisée et amplifiée.

Compte tenu des difficultés rencontrées par les collectivités territoriales, depuis la suppression de l'assistance technique des services de l'État pour raisons de solidarité et d'aménagement du territoire (Atesat) en 2014, pour disposer d'une offre d'ingénierie , la commission proposait, dès 2019, de mobiliser l'expertise de l'Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT) et du Cerema .

Trois ans plus tard, la commission se réjouit que cette proposition ait été entendue , à travers la mise en place du programme national ponts porté par l'ANCT et piloté par le Cerema. Son déploiement mobilise d' importants moyens humains au service des communes volontaires, avec la participation de plus de 150 agents du Cerema. S'agissant de l' ingénierie privée , 29 bureaux d'études sont intervenus pour ce qui concerne la phase 1 de recensement et de reconnaissance et 22 bureaux d'études devraient intervenir pour la phase 2 d'évaluation approfondie.

En définitive, la commission estime que ce programme permet d'apporter une offre d'ingénierie à 33 % des collectivités territoriales environ 65 ( * ) . Elle préconise de pérenniser et d' amplifier ce soutien en ingénierie aux collectivités territoriales .

Proposition 9 : Encourager la mutualisation de la gestion des ponts au niveau départemental ou intercommunal par la mise à disposition des communes d'une expertise technique dans le cadre d'un conventionnement.

Appréciation quantitative : suite donnée

Appréciation qualitative : partiellement satisfaite / à approfondir

Observations de la commission : en complément de la possibilité récente de transférer la maîtrise d'ouvrage d'une collectivité à une autre, la coordination du réseau d'ingénierie publique pourrait être renforcée.

Estimant que de nombreuses collectivités n'ont pas un patrimoine d'ouvrages suffisant pour justifier la présence de personnels spécialisés, ni les moyens de les recruter, la commission plaidait en 2019 pour renforcer les solidarités territoriales en favorisant la mutualisation de la gestion des ponts .

D'après le Cerema, les premiers retours d'expérience du programme national ponts « montrent l'intérêt d'organiser et de coordonner le réseau d'ingénierie publique pour amplifier la dynamique de solidarité territoriales (Cerema, services intercommunaux ou départements, agences techniques départementales, directions départementales des territoires, etc.) ». En outre l'article 159 de la loi « 3DS » 66 ( * ) procède à une évolution du statut du Cerema qui, « en renforçant les relations entre les collectivités adhérentes et le Cerema, ouvre de nouvelles perspectives de long terme permettant d'accompagner les collectivités dans des démarches mutualisées et leur faciliter l'accès à l'expertise proposée par le Cerema » 67 ( * ) .

En outre, l'article 42 de la loi « 3DS » précitée permet à une collectivité territoriale ou à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre de confier la maîtrise d'ouvrage d'une opération d'aménagement d'une voie de son domaine public routier à une autre collectivité territoriale ou à un autre établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre .

Malgré ces avancées, il apparaît que la coordination du réseau d'ingénierie publique pourrait être renforcée . Au-delà du transfert de la maîtrise d'ouvrage, la commission préconisait en 2019 de mobiliser l'expertise du département ou de l'intercommunalité par la signature d'une convention. Aussi le suivi qualitatif de cette proposition est à ce jour difficile à évaluer.

Proposition 10 : créer un schéma départemental permettant d'identifier les ponts situés sur des itinéraires routiers à forts enjeux pouvant faire l'objet d'un cofinancement entre plusieurs collectivités territoriales

Appréciation quantitative : non retenue

Observations de la commission : mettre en oeuvre cette proposition.

Dans son rapport de 2019, la commission préconisait enfin de sortir de la stricte logique de « maîtrise d'ouvrage » , qui n'est pas toujours pertinente pour appréhender les enjeux liés aux ouvrages présentant un bénéfice pour d'autres territoires, par la mise en place d'un schéma départemental pour identifier les voies et ouvrages d'art à fort enjeu.

La commission regrette que cette proposition n'ait pas été mise en oeuvre à ce jour.

III. AMPLIFIER, ACCÉLÉRER ET APPROFONDIR : LA NÉCESSITÉ D'UNE AMBITION PLUS IMPORTANTE POUR ASSURER LA SÉCURITÉ DE NOS PONTS, L'UN DES « CHANTIERS DU SIÈCLE »

A. INSCRIRE LE PROGRAMME NATIONAL « PONTS » DANS LA DURÉE ET AUGMENTER SENSIBLEMENT LES MOYENS DÉDIÉS À LA SÉCURITÉ DES PONTS ET OUVRAGES D'ART

1. Conforter le Cerema dans son rôle de soutien aux collectivités territoriales en matière de surveillance, d'entretien et de réparation des ponts routiers

Avant toute chose, le rapporteur estime nécessaire de prolonger la dynamique instaurée après le rapport de la commission de 2019 dans le cadre du programme national « ponts », conduit par le Cerema.

Cet établissement s'impose, en effet, comme un référent incontournable des collectivités territoriales sur ce sujet et il intervient déjà auprès d'elles dans le cadre de la production de guides méthodologiques, dans des animations techniques locales et des actions de formation. Le Cerema a communiqué au rapporteur un certain nombre de projets qu'il souhaiterait déployer à destination des élus locaux , avec des estimations budgétaires allant de 300 000 euros à 5 millions d'euros sur plusieurs années 68 ( * ) . Le rapporteur souhaite que l'établissement puisse assurer ses prestations particulièrement utiles pour les élus, dans de bonnes conditions, et que le coût puisse être limité pour les collectivités bénéficiaires. Dès lors, il est clair que les ressources du Cerema, en particulier humaines, devront être adaptées en conséquence .

Depuis 2014, la subvention pour charges de service public (SCSP) versée au Cérema a diminué de 17 % pour atteindre un montant bien inférieur à la masse salariale de ses agents. Si cette baisse est compensée par la hausse des ressources propres - 13 % des recettes, à 33 millions d'euros depuis 2019 - l'érosion continue de la SCSP contraint l'établissement à prioriser ses actions.

La perte d'expertise qui découle de l'application d'un schéma d'emplois sévère est également une source de préoccupation ( voir ci-après proposition 7 ) : les diminutions d'effectifs dépassent les 100 ETP par an depuis 2017. Depuis 2014, l'établissement a perdu près de 700 postes, pour atteindre un niveau plancher de 2 382 ETP après application du schéma d'emplois de - 40 ETP prévu pour 2022.

D'ailleurs, les inspecteurs du CGEDD relevaient, dans leur rapport précité de 2021, qu'il est « essentiel de conserver les ressources humaines (nombre et compétences) du Cerema non seulement pour les missions de l'État en matière d'ouvrage d'art mais aussi pour répondre aux besoins des CT ». Ce constat rejoint celui formulé dans un récent rapport CGEDD-IGA 69 ( * ) , selon lequel le « pronostic vital » de l'établissement était déjà engagé.

Enfin, afin d'avancer le plus efficacement possible face aux enjeux de terrain, le rapporteur souhaite que le programme ponts puisse monter en puissance dans les prochaines années. En outre, ce programme pourrait constituer, à terme, un modèle à suivre pour assurer la surveillance, l'entretien et la réparation de l'ensemble des ouvrages d'art (murs de soutènement, tunnels) du territoire national, qu'ils relèvent de l'État ou des collectivités territoriales. Les murs de soutènement , en particulier, pourraient représenter le prochain grand défi en matière de maintenance des infrastructures routières.

Proposition n° 1 - Face au « mur d'investissements » qui s'annonce, conforter le Cerema dans la conduite du programme national « ponts », pérenniser ce programme et simplifier l'accès des collectivités territoriales à des prestations de conseils techniques et financiers [État - DGCL, DGITM, Cerema] en :

- inscrivant dans les missions de l'établissement son rôle de « guichet unique » des besoins des collectivités territoriales concernant la surveillance, l'entretien et la réparation de leurs ouvrages d'art 70 ( * ) et de mobilisation de l'ingénierie publique et privée ainsi qu'en précisant les modalités et conditions de sa saisine via une circulaire ministérielle ;

- définissant une trajectoire visant à stopper l'érosion continue de ses effectifs et de ses ressources techniques , dans le cadre des prochains budgets 2023-2027, afin de permettre à l'établissement de re-développer une ingénierie interne, et en lui donnant la possibilité de recruter des contractuels hors plafond d'emplois, par l'inscription de ces recrutements dans les conventions de financement du programme national « ponts » ;

- prévoyant la mise à disposition des maires, par le Cerema, de supports d'information et de guides méthodologiques visant à les sensibiliser et à les former à la gestion des ouvrages d'art ;

- prévoyant d'élargir le champ des bénéficiaires du « PNP » à 8 000 communes supplémentaires dès 2024 pour couvrir au total 20 000 communes, puis à 8 000 communes supplémentaires dès 2027 , pour couvrir au total 28 000 communes, qui répondent aux critères définis dans l'article 2 du décret de 2002 relatif à l'Atesat (décret n° 2002-1209) ;

- inscrivant, dans le code des transports, l'existence du programme national « ponts » pour assurer sa pérennité et prévoir une évaluation de ses actions à intervalles réguliers, qui serait transmise aux commissions permanentes du Parlement compétentes en matière d'infrastructures et de services de transport.

2. Soutenir les collectivités territoriales dans le diagnostic et la remise en état de leurs ponts routiers via un fonds dédié

Pour le rapporteur, trois raisons principales justifient la mise en place de ce fonds de soutien dédié aux collectivités territoriales, dont la création était souhaitée en 2019 par la commission.

En premier lieu, le différentiel d'investissement dans la surveillance, l'entretien et la réparation des ouvrages d'art entre l'État et les collectivités demeure très important , même si ce constat doit être relativisé car les ouvrages de l'État présentent une surface, un caractère stratégique et un trafic sensiblement plus important. Ainsi, en rapportant les dépenses au kilomètre par, il apparaît que l'État investit sept fois plus dans la voirie et neuf fois plus dans les ouvrages d'art que les collectivités.

En second lieu, il convient de soutenir le mouvement amorcé d'une augmentation des dépenses de diagnostic et de réparation d'ouvrages d'art par les collectivités . En 2020, l'ONR relève que la part consacrée par les départements à la préservation de leurs ouvrages d'art parmi le total des dépenses de voirie se situe entre 17 et 22 %, en augmentation de près de deux points sur la totalité des départements « mais bien plus importante pour les départements moyens 71 ( * ) , qui ont gagné 3,5 points et les petits où elle est passée de 11 à 22 % ». Si ces moyennes masquent de fortes disparités d'un département à l'autre et que des précautions s'imposent compte tenu des changements d'échantillon entre les périodes considérées, l'effort est marqué : « les dépenses de grosses réparations consacrées à la voie et aux ouvrages d'art sur le réseau structurant laissent apparaître une croissance continue depuis 2016 jusqu'en 2020, aboutissant presque à un doublement des dépenses cumulées sur la voirie et les ouvrages d'art . La progression des dépenses de grosses réparations d'ouvrages d'art a notamment fait un bond de 135 % entre 2018 et 2019. Pour l'année 2020, on observe que ces dépenses pour la voirie continuent à croître. Pour les ouvrages d'art, au contraire, elles sont en net recul (- 35 %) par rapport à 2019, tout en s'inscrivant dans une tendance continue à la hausse depuis 2016 ». Les graphiques suivants reprennent ces éléments.

Grosses réparations voirie et ouvrages d'art au km pour le réseau
de 1 ère catégorie

Source : ONR, rapport annuel 2021.

Source : ONR, rapport annuel 2021.

De son côté, l'État a consacré 20 % de ses dépenses de voirie aux ouvrages d'art, part en nette progression par rapport à 2019 (15 %) et qui s'explique par une baisse des dépenses pour la voirie et une hausse de 10 % pour les ouvrages d'art . Pour les 11 métropoles ayant répondu à l'enquête de l'ONR, ce dernier relève que la part consacrée à la préservation des ouvrages d'art est proche de 15 % des dépenses totales de grosses réparations sur la voie, en progression par rapport à l'année 2019.

En troisième lieu, la mise en place d'un fonds de soutien aux collectivités s'impose dans une double logique d'équité et de solidarité territoriales . L'ONR souligne en effet qu'en moyenne, « les petits départements investissent dans les dépenses de grosses réparations sur leur voirie et ouvrages d'art pour un montant par habitant 4 à 5 fois plus élevé que les très grands départements ». Le graphique ci-dessous illustre ce déséquilibre territorial .

Source : ONR, rapport annuel 2021.

Ce fonds aurait vocation à s'adresser aux collectivités dont les ouvrages présentent des enjeux de sécurité importants et jouent un rôle important dans l'activité économique du territoire concerné.

Le Cerema indique que pour les 5 000 premiers ouvrages recensés dans le cadre du PNP, environ 8 M€ sont nécessaires annuellement pour réaliser des actions de surveillance et d'entretien permettant de les préserver et plus de 190 M€ s'imposent pour réaliser des études et travaux nécessaires à leur remise en état.

En supposant que la proportion de ponts routiers du bloc communal posant des problèmes de sécurité ou présentant des défauts significatifs soit homogène sur l'ensemble du territoire national ( 23 % ) - soit entre 18 400 et 23 000 ponts concernés, en fonction de l'assiette retenue - la commission estime les besoins de financement en matière de travaux de réparation entre 2,2 et 2,8 milliards d'euros pour le seul bloc communal 72 ( * ) .

Pour les ponts départementaux , sur la base d'une nouvelle estimation de 10 % de ponts routiers en mauvais état structurel , les besoins de financement s'élèveraient à 3,5 milliards d'euros .

En 2019, la commission avait estimé le besoin financier total pour la réparation des ponts routiers en mauvais état de l'ensemble des collectivités territoriales (bloc communal et départements) à 5 milliards d'euros d'ici 2030. Ce chiffrage global doit donc être rehaussé .

S'agissant des autres types d'ouvrages d'art (murs de soutènement, tunnels), qui pourrait représenter le prochain défi à relever, il conviendrait également de modéliser les financements nécessaires.

Proposition n° 2 - Constituer un fonds pérenne pour accompagner les collectivités territoriales (communes et EPCI en priorité et départements) dans la surveillance, l'entretien et la réparation de leurs ponts routiers et apporter des évolutions resserrées au fonctionnement de la DSIL [État - DB, DGCL, DGITM].

- créer un fonds doté de 350 M€ dès 2023 , pour rattraper l'écart entre les financements prévus pour les ponts des collectivités (40 M€ sur 3 ans) et les estimations de la commission (130 M€/an sur 10 ans), et abondé de 130 M€ par an dès 2023 au moins jusqu'en 2029 pour financer le recensement, l'inspection, l'entretien et la réparation des ouvrages des collectivités territoriales - proposition réitérée/rapport 2019.

- étendre les critères d'attribution de la DSIL à des études de sécurisation d'ouvrages d'art constituant un danger imminent 73 ( * ) ;

3. Pour l'État, mettre des moyens à la hauteur des enjeux

Concernant les ouvrages d'art de l' État et en particulier les ponts routiers, malgré une trajectoire rehaussée depuis trois ans, les moyens ne sont toujours pas à la hauteur des enjeux .

À titre d'exemple, l' Allemagne 74 ( * ) consacre en moyenne 40 euros par m 2 d'ouvrage (soit un taux de 1 % de la valeur à neuf environ) tandis que la France n'y consacre que 10 euros par m2, soit 4 fois moins . Bien que la proportion de ponts classés « très bons » et « bon » ne cesse de diminuer, en Allemagne, passant d'environ 18 % à environ 13 % entre 2005 et 2019, un coup d'arrêt a été mis et la part de ponts jugés « insatisfaisants » et « insuffisants » a pu être réduite d'environ 15 % à moins de 12 %. L'évolution positive depuis 2015 peut être attribuée au programme de rénovation des ponts et à l'augmentation des moyens mis par les Länder .

En outre, toujours en Allemagne, après une première stratégie présentée en 2013 75 ( * ) pour le réseau fédéral, un programme d'investissement de très grande ampleur a été décidé : sur un total de 4,3 milliards d'euros dédié à la route, les ponts routiers ont bénéficié de 1,470 milliards d'euros en 2019 et devraient bénéficier de 1,5 milliard d'euros en 2020 puis 1,57 milliard d'euros en 2021. Le pic d'investissement doit être atteint cette année, en 2022, avec 1,64 Md€ , pour 52 000 ponts représentant 30 millions de m 2 , soit un ratio de 54,67 € par m 2 en 2022. Et encore, ces fonds ne seront pas suffisants pour traiter l'ensemble des ouvrages, car l'Allemagne a évalué à 9,3 milliards d'euros jusqu'en 2030 le montant des investissements nécessaires pour la rénovation des ponts routiers. Enfin, face à l'importante hausse des coûts de construction ces dernières années, les coûts ont été ré-estimés à 12,9 milliards d'euros dans le cadre du Plan fédéral d'infrastructures des transports 2030.

Aux États-Unis, selon le rapport 2021 du CGEDD, les besoins pour la remise en état des ponts ont été estimés à 164 milliards de dollars en 2019 par l'American Road and Transportation Builders Association (ARTBA). Plusieurs programmes 76 ( * ) ont été définis pour surveiller et remettre en état les quelques 30 % des 617 048 ponts routiers américains 77 ( * ) nécessitant des travaux ou un remplacement . En 2014, une enveloppe de 16 milliards de dollars a été consacrée aux opérations d'investissement sur les ponts, dont 14,4 milliards de dollars consacrés à la réhabilitation du patrimoine existant et 1,6 milliard de dollars pour de nouveaux ouvrages. En 2017, l'enveloppe d'investissements atteignait 12,2 milliards de dollars, dont 11,3 milliards de dollars consacrés à la réhabilitation des ponts et à 9 milliards de dollars pour de nouveaux ouvrages.

Il n'y a donc pas de mystère en la matière : seul un diagnostic exhaustif de l'état des ponts, couplé à un ambitieux programme d'investissements permettra à la France d'affronter ce défi majeur.

Dès lors, porter les moyens mis par l'État sur les ponts routiers à 120 millions d'euros constitue davantage un minimum réaliste qu'un idéal . Quoi qu'il en soit, ces financements permettront d'approcher un ratio dépenses d'entretien par rapport à la valeur de l'ouvrage à neuf qui soit plus favorable à la préservation dans le temps du patrimoine.

Là encore, il va de soi que les effectifs des administrations concernées de l'État devront être adaptés en conséquence ( voir ci-dessous proposition 7 ), de même que les compétences , en bonne articulation avec le secteur privé, qui pourra apporter une aide substantielle.

Proposition n° 3 - Maintenir à 120 millions d'euros en rythme de croisière les moyens mis par l'État pour l'entretien des ponts routiers du réseau routier national et augmenter de 89 M€ supplémentaires les autorisations d'engagement dès 2023 , pour rattraper la différence entre les financements déployés depuis 2019 et les estimations de la commission [État - DB, DGCL, DGITM] - proposition réitérée/rapport 2019.

B. LEVER LES FREINS À LA MISE EN PLACE D'UNE VÉRITABLE GESTION PATRIMONIALE DES OUVRAGES D'ART DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L'ETAT

1. Adapter nos outils de gestion patrimoniale des ponts routiers et des ouvrages d'art en général

Face à la méconnaissance du patrimoine d'ouvrages d'art du territoire national, en particulier des ponts routiers , et aux enjeux de réparation qui s'annoncent, il est indispensable de créer ou de généraliser des outils de pilotage .

La commission avait déjà évoqué de tels outils en 2019. Aussi, le rapporteur a souhaité préciser cette recommandation. L'objectif est triple : remédier à l'absence de connaissance précise sur le nombre et l'état des ouvrages d'art en France, mieux réguler le trafic des poids lourds qui peuvent poser des problèmes de sécurité aux ouvrages d'art et partager la connaissance avec le public.

Proposition n° 4 - Constituer à horizon 2025 un système d'information géographique national unique (SIG), recensant l'ensemble des ouvrages d'art du territoire national et permettant d'orienter le trafic routier, le cas échéant, en cas de problème de sécurité sur un ouvrage [État - DGCL, DGITM] - proposition réitérée/rapport 2019.

- fusionner d'ici 2025 le SIG mis en place par le Cerema dans le cadre du programme national « ponts » avec la base ISIDOR, actualisée depuis 2021 pour les ouvrages d'art de l'État dans le cadre d'un SIG national dont les contours seraient fixés à l'échelle législative et qui permettrait d'accéder à des données standardisées sur les ouvrages d'art 78 ( * ) ;

- assurer l'interopérabilité de ce SIG national avec les SIG mis en place par les sociétés concessionnaires d'autoroutes ( SCA ) 79 ( * ) ;

- assurer l'interopérabilité de ce SIG national avec la base de données des arrêtés de circulation relatifs aux poids lourds, en développement par la DGITM 80 ( * ) ;

- renforcer les obligations pesant sur les opérateurs de services numériques d'assistance au déplacement ( GPS ) pour détourner le trafic des poids lourds qui pourraient compromettre la sécurité d'ouvrages d'art 81 ( * ) ;

- mettre en place un régime de sanctions dans le cas où un opérateur de GPS n'intégrerait pas, dans son navigateur, les informations relatives aux restrictions de circulation 82 ( * ) ;

- dans une interface de ce nouveau SIG national, permettre aux particuliers de formuler des observations sur l'état des ponts 83 ( * ) ;

- dans une interface de ce nouveau SIG national, mettre à disposition du public les principaux textes et guides méthodologiques relatifs à la gestion des ponts et OA 84 ( * ) ;

- sur la base de ce nouveau SIG national, constituer un indicateur de suivi de l'état des ponts et ouvrages d'art en général 85 ( * ) ;

- intégrer les ouvrages de rétablissement des voies entrant dans le champ de la loi « Didier » de 2014 dans ce SIG national, ainsi que les conventions y afférentes 86 ( * ) ;

- soutenir le développement de solutions fondées sur des « chaînes de blocs » ( blockchain ) pour assurer la surveillance et l'entretien des ouvrages d'art.

2. Mettre en place des incitations pour les collectivités territoriales, afin d'assurer une meilleure gestion patrimoniale des ponts routiers

Face aux rigidités qui demeurent dans l'appréhension de la gestion patrimoniale des ouvrages d'art au niveau local, des évolutions sont souhaitables. Ainsi, les dépenses de maintenance, entretien et même de réparation des ponts et ouvrages d'art continuent de relever de la section de fonctionnement des budgets locaux. En outre, il n'est pas possible à ce jour d' isoler les dépenses consacrées spécifiquement aux ponts et ouvrages d'art dans ces budgets.

Afin d'inciter les collectivités à traiter rapidement cet enjeu, une période limitée de 10 ans pourrait être prévue pour intégrer ces dépenses en sections d'investissements .

Proposition n° 5 - Pendant une période transitoire de 10 ans, à compter du 1 er janvier 2023, intégrer dans la section « investissements » des budgets des collectivités territoriales les dépenses de maintenance des ouvrages d'art pour les inciter à investir dans l'entretien de ce patrimoine 87 ( * ) [État - DGCL, DGITM] - proposition réitérée/rapport 2019 .

3. Créer un chaînage vertueux pour faire face aux enjeux de disponibilité et de sécurité des ponts routiers

À l'issue de ses travaux, le rapporteur appelle de ses voeux la mise en place d'un cadre juridique global pour planifier dans le temps l'entretien et la réparation de nos ouvrages d'art, en particulier des ponts routiers. Ce cadre permettrait de fixer les principes généraux de la sécurisation des ponts routiers, le rythme des inspections et définir un système permettant de traiter les ouvrages en mauvais état. Il s'appliquerait à l'État , au premier chef, mais aussi aux collectivités territoriales , avec des modalités adaptées à la taille et aux caractéristiques des ouvrages concernés. Pour ces dernières, il supposerait, naturellement, la mise en place d'un soutien financier obligatoire de l'État , dans le cadre du fonds mentionné précédemment ( voir la proposition n° 2 ).

Ce système serait ainsi comparable à d'autres mécanismes du même type, en vigueur dans des pays occidentaux. Ainsi, comme le relève le rapport de janvier 2021 du CGEDD, les États-Unis ont mis en place des programmes dédiés aux collectivités rurales .

Les exemples du Japon et de l'Italie sont également éclairants : ces deux pays ont choisi la voie réglementaire pour inciter les collectivités à s'occuper de leurs ponts . Ainsi, l'État japonais peut même se substituer à une collectivité pour une réparation urgente et les bureaux régionaux du ministère des transports (MLIT) peuvent apporter un conseil aux collectivités et réaliser le diagnostic et la réparation à la place des collectivités, sur leur demande. Les inspecteurs indiquent que : « L'État japonais prend en charge la majeure partie des dépenses d'inspections (95 % pour les préfectures et grandes villes, 99 % pour les municipalités) et les opérations de réparation sont financées à 67 % par l'État pour les préfectures et grandes villes et 88 % pour les municipalités ». En Italie, l'Agence nationale des routes (ANAS) s'est vue confier le soin de réaliser la surveillance et la mise aux normes de 14 500 ponts et viaducs qui étaient précédemment à la charge des communes.

Du reste, la mise en oeuvre de ce système pourrait se faire progressivement, par strates de collectivités . À cet égard, les départements disposent quasiment tous déjà de méthodes de gestion et d'évaluation de leurs ponts routiers et de leurs ouvrages d'art en général 88 ( * ) . Ce système permettrait donc d'ancrer et de généraliser ces pratiques vertueuses , et d'avancer progressivement sur une meilleure appréhension des problématiques qui se posent spécifiquement au sein du bloc communal .

Source : ONR, rapport annuel 2021.

Source : ONR, rapport annuel 2021.

Proposition n° 6 - Définir un cadre juridique global 89 ( * ) pour faire face à ce « chantier du siècle » et planifier l'entretien et la réparation des ouvrages d'art dans la durée [État - DB, DGCL, DGITM] en :

- posant, à l'échelle législative, le principe d'une obligation de déclaration 90 ( * ) de la propriété d'un ouvrage d'art pour les personnes publiques, sur une plateforme dédiée ;

- posant, à l'échelle législative, le principe d'une obligation d'inspection et d'entretien réguliers des ouvrages d'art appartenant à l'ensemble des personnes publiques (État, collectivités territoriales et leurs groupements). Un décret devra définir, pour chaque catégorie et type d'ouvrage concerné, en tenant compte des caractéristiques techniques des ouvrages (matériaux, taille, année de construction etc.) les conditions et modalités de mise en oeuvre de cette obligation, notamment la périodicité des inspections ainsi que les conditions et modalités selon lesquelles les entreprises qui interviennent dans ce domaine devront faire l'objet d'une certification technique préalable. L'objectif est notamment de disposer d'une réglementation adaptée pour les petits ouvrages, qui relèvent principalement des collectivités territoriales. L'État dispose déjà d'une instruction technique pour l'entretien de ses ponts (ITSEOA de 1979 et IQOA) et certaines collectivités recourent à des méthodologies comparables ou ad hoc . Toutefois, il n'existe pas encore de réglementation générale adaptée aux petits ouvrages ;

- posant, à l'échelle législative, une obligation pour tout ouvrage d'art de disposer d'un « carnet de santé » , le cas échéant sous format numérique, pour conserver l'ensemble des documents techniques, suivre l'évolution de l'état des ouvrages et programmer des actions de surveillance et d'entretien.

Ces documents devront pouvoir être mis à disposition de l'autorité compétente de l'État. Un QRcode pourrait également être apposé sur chaque pont, pour accéder rapidement aux principales informations (histoire, caractéristiques techniques) relatives à l'ouvrage.

- prévoyant, à l'échelle législative, un rythme d'inspection et de réparation des ouvrages d'art du territoire national, en fonction des enjeux qui leur sont propres. Chaque année, le ministre des transports pourrait prendre un arrêté fixant la liste des ouvrages devant obligatoirement faire l'objet d'une visite d'inspection au cours de l'année, en distinguant les ouvrages relevant de la propriété de l'État et de ses établissements publics d'une part et les ouvrages relevant de la propriété des collectivités territoriales et de leurs groupements et de la métropole de Lyon, d'autre part.

Le ministre pourrait également prendre un arrêté fixant la liste des ouvrages devant obligatoirement faire l'objet de réparations au cours de l'année, avec les mêmes distinctions ;

- prévoyant, à l'échelle législative, la mise en place d'un schéma départemental par le représentant de l'État pour identifier les ponts situés sur des itinéraires routiers à forts enjeux pouvant faire l'objet d'un cofinancement entre plusieurs collectivités territoriales - proposition réitérée par rapport à 2019 ;

- posant, à l'échelle législative, le principe d'un soutien financier et technique obligatoire de l'État et de ses établissements publics aux collectivités propriétaires d'ouvrages qui seraient inscrits sur les arrêtés précités.

4. Remettre à niveau l'expertise publique en matière d'ouvrages d'art, pour faire face au « chantier du siècle »

L'un des problèmes principaux auxquels la France est confrontée sur ce sujet est celui de la disparition progressive des compétences techniques nécessaires à la construction et à l'entretien des ouvrages d'art 91 ( * ) .

Ainsi, pour un budget de 90 millions d'euros par an consacré à l'entretien des ouvrages d'art de l'État, le CGEDD estime qu' il manquerait déjà une quarantaine de personnes pour que les moyens humains soient au niveau nécessaire, soit de l'ordre du 7 % du total mais de 25 % des agents présents au sein de la DIT et des DIR.

Selon les inspecteurs du CGEDD, les services de l'État sont conscients du problème : « les services du ministère de la transition écologique se sont déjà interrogés au sujet des besoins en expertise dans le domaine des ouvrages d'art [...]. Le total des besoins en 2018 est de 183 spécialistes et 57 experts soit 240 agents qualifiés ». Toutefois, les inspecteurs soulignent que « la situation des compétences OA dans les DIR est imparfaitement connue ».

Recensement des qualifications Ouvrages d'art au 31/12/2020

Source : CGEDD, janvier 2021.

En outre, alors que les premières concessions autoroutières arriveront à échéance dans les prochaines années, une part substantielle des ponts routiers du réseau concédé pourrait être jugée dans un état insuffisant par le concédant. L'État doit se préparer pour être en mesure de conduire des contre-expertises.

Si le développement du recours à des prestataires privés extérieurs 92 ( * ) pourrait permettre de pallier le déficit de personnels côté État, des compétences publiques de maîtrise d'ouvrage de haut niveau seront, quoi qu'il en soit, indispensables. Les inspecteurs soulignent à cet égard que « l'externalisation des marchés d'ouvrages d'art n'est pas un acte d'achat sur étagères . Il nécessite à la fois des compétences techniques pour piloter la commande et des compétences contractuelles de pilotage des maîtrises d'oeuvre qui seront à acquérir pour des agents ayant l'habitude de faire eux-mêmes la maîtrise d'oeuvre ».

Dès lors, un vaste mouvement s'impose , partant des établissements d'enseignement supérieur 93 ( * ) , pour aller jusqu'aux services de l'État et des collectivités territoriales. Pour reprendre le rapport précité du CGEDD de janvier 2021, l'enjeu actuel est de passer d'une activité de bâtisseur à des activités de gestion, de surveillance, d'entretien, de diagnostic et de réparation du patrimoine .

Ce mouvement devra également permettre aux collectivités territoriales de renforcer leurs équipes dédiées à la gestion de la voirie. Le réseau des agences techniques départementales pourrait ainsi monter en puissance.

Cartographie des agences techniques départementales en 2019

Source : CGEDD, janvier 2021.

Les inspecteurs du CGEDD soulignent que les problèmes de ressources humaines qui se posent le plus souvent sont liés au vieillissement des spécialistes en génie civil, à la difficulté de former de nombreux ingénieurs dans un temps court et à l'inadaptation des formations initiales actuellement dispensées dans les établissements d'enseignement, qui sont le plus souvent tournées vers la construction de nouveaux ouvrages et non de leur réparation.

Liste des recommandations du rapport CGEDD de janvier 2021

Développement des capacités de réalisation de la restauration des ouvrages d'art routiers

Recommandation 1 . (MTE) À périmètre patrimonial constant, recruter une quarantaine de spécialistes supplémentaires dans le domaine de l'entretien et de la maintenance des ouvrages d'art. Compléter ce recrutement au fil du temps pour tenir compte des départs naturels (à un rythme de cinq par an pour les départs à la retraite, hors « autres départs »).

Recommandation 2 . (DGITM -MARNN) Réactualiser le bilan des compétences OA en DIR mais aussi en DREAL. Lancer un projet avec la DRH, le CGDD et le CEREMA de rapprochement des informations des bases de données et de GPEC pour obtenir un pilotage plus fin des compétences. Faire évoluer les compétences techniques vers l'entretien et la réparation. Pour le CGEDD : accompagner ce pilotage RH en veillant à l'articulation entre les IGRH routes et le comité de domaine ouvrages d'art.

Recommandation 3 . (CEREMA) Nouer un partenariat avec l'INRIA pour faire progresser ces techniques de la maintenance et passer de la maintenance curative ou préventive à la maintenance prédictive.

Recommandation 4 . Soutien financier aux communes via DETR et DSIL (Actions DGCL préfectures) : développer les aides aux travaux de rénovation et à la maintenance des ponts (comme c'est déjà le cas dans certains départements) et pas seulement pour les ouvrages nouveaux : aide conditionnée à l'existence d'un recensement et d'un plan de gestion effectif et actualisé du parc d'ouvrages d'art/murs.

Recommandation 5. (CEREMA) Impliquer, avec l'appui des préfectures (pour le volet financier), l'ingénierie départementale (Régie, Agence technique, GIP) au recensement des ouvrages d'art (ponts, murs...) et de leur état. Si possible s'appuyer sur cette ingénierie pour impulser cette dynamique de recensement puis de réparation.

Recommandation 6 . (CEREMA-IDRRIM) Conditionner les aides du plan de relance à la fourniture des données communales anonymisées recueillies pour enrichir l'observatoire national de la route (IDRRIM-ONR). Mettre en place un système d'information géographique. Bâtir un indicateur statistique national de suivi de l'état des ponts et murs.

Recommandation 7 . (COFRAC ; MARRN) Créer une qualification individuelle pour les inspecteurs ouvrages d'art (techniciens et ingénieurs). Susciter l'offre de formation correspondante. Étendre au secteur public (État et collectivités locales) et obtenir la reconnaissance du comité de domaine ouvrage d'art. Puis créer une série de qualifications individuelles pour les autres métiers.

Recommandation 8 . Créer à l'ENTPE une voie d'approfondissement (VA) dédiée à la gestion patrimoniale des ouvrages d'art : en 2e année, cours de pathologies sur les techniques de construction et le vieillissement des matériaux puis en 3 e année, cours sur les diagnostics et les méthodes de réparation, avec un travail de fin d'études (TFE) sur un cas concret d'ouvrage pathologique.

Recommandation 9 . (ENTE) Créer à l'ENTE une formation professionnelle pour les qualifications de chargé de gestion ouvrages d'art et inspecteur ouvrages d'art dans les collectivités.

Recommandation 10 . (ENPC) Ajouter dans la formation initiale technique des IPEF à l'ENPC une séquence d'ouverture aux questions de gestion patrimoniale des infrastructures dont les ouvrages d'art.

Recommandation 11 . (DGITM-CNFPT) Proposer à cinq jeunes ingénieurs entrant dans la maîtrise d'ouvrage (État et collectivités) une formation de prise de poste de 18 mois sur la maintenance et la réhabilitation des ouvrages d'art (CHEMER) au centre des hautes études de la construction(CHEC).

Recommandation 12 . (ENPC) Créer un mastère spécialisé « Génie civil, maintenance et réparation des ouvrages d'art » à l'ENPC.

Recommandation 13 . (Par abondement des crédits du plan de relance) Subventionner à titre dérogatoire et temporaire les formations de PFC pour la maintenance et l'entretien des ouvrages pour permettre aux collectivités et aux services de l'État d'y envoyer plus d'agents (1 M€ en cinq ans).

Recommandation 14 . (CNFPT, CEREMA) Étendre progressivement la formation particulière organisée dans le Nord en Région. La faire prendre en compte dans le catalogue du CNFPT pour en baisser le coût et simplifier l'aspect administratif. Rendre la formation diplômante.

Recommandation 15 . (CEREMA) Sensibiliser les élus locaux au recensement et à l'entretien de leur patrimoine OA et à la connaissance des outils disponibles (guides, logiciels, SIG ...) en s'appuyant sur l'AMF - plus précisément sur son association Mairie 2000 dont la mission est de développer l'information et la formation des élus locaux par la mise en place d'actions pédagogiques (séminaires, webinaires) relayées largement au niveau des associations départementales de maires.

Source : rapport précité CGEDD, janvier 2021.

Les inspecteurs du CGEDD relèvent l'excellence des réseaux d'éducation supérieurs aux États-Unis et en Allemagne , notamment, qui leur permet de disposer de spécialistes en génie civil de tous niveaux. Ils constatent cependant que « tous les pays manquent de spécialistes des ponts , surtout de spécialistes expérimentés - même en Allemagne où pourtant 42 % des ingénieurs en génie civil ont plus de 50 ans - et encore plus lorsqu'il s'agit de maintenance et de réparation de ponts ».

Le rapporteur souscrit à l'orientation des propositions de ce rapport de janvier 2021 et appelle le Gouvernement à les mettre en oeuvre , en lien avec les établissements d'enseignement.

Proposition n° 7 - Remettre à niveau l'expertise et les compétences publiques en matière de gestion des ouvrages d'art par la déclinaison opérationnelle des recommandations du rapport du CGEDD de janvier 2021 « Développement des capacités de réalisation de la restauration des ouvrages d'art routiers » ;

- faire des bilans de compétences dans les services en matière d'ouvrage d'art et développer les recrutements de spécialistes « ouvrages d'art » au Cerema et dans les services déconcentrés de l'État ;

- nouer des partenariats académiques dans la durée, adapter l'offre des établissements d'enseignement technique (ENTPE, ENTE, ENPC) pour former une génération d'ingénieurs préparés aux enjeux de surveillance, d'entretien et de réparation des ponts et développer des formations pratiques et des stages en milieu rural.

EXAMEN EN COMMISSION

Le mercredi 15 juin 2022 , la commission a procédé à l'examen du rapport d'information.

Le compte rendu est disponible sur le site internet du Sénat .

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Mercredi 9 février 2022

- Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) : Mmes Charlotte DE FONTAINES , chargée des relations avec le Parlement, Nathalie FOURNEAU , responsable du département aménagement du territoire et Constance DE PÉLICHY , maire de La Ferté Saint-Aubin.

Mardi 22 février 2022

- Association nationale des pôles territoriaux et des pays (ANPP) : MM. Frédéric REISS , premier vice-président, Michaël RESTIER , directeur et Mme Lisa LABARRIÈRE , chargée de mission.

Mardi 1 mars 2022

- Assemblée des communautés de France (AdCF) : M. Benjamin SAINT HUILE , président de la Communauté d'Agglomération Maubeuge-Val de Sambre.

Mercredi 2 mars 2022

- Assemblée des départements de France (ADF) : M. Bruno FAURE , président du département du Cantal.

- Direction générale des collectivités locales (DGCL) : MM. Stanislas BOURRON , directeur général et Olivier BENOIST , sous-directeur de la cohésion et de l'aménagement du territoire.

- Ministère de la transition écologique et solidaire - Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (MTE - DGTIM) : M. Marc PAPINUTTI , directeur général, Mme Delphine HARDY , conseillère parlementaire et communication et M. Xavier-Yves VALÈRE , conseiller politique de fret et logistique.

Mercredi 9 mars 2022

- Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) : M. David ZAMBON , directeur infrastructures de transport et matériaux et Mme Annabelle FERRY , directrice territoires et villes.

TABLEAU DE MISE EN oeUVRE ET DE SUIVI

Ponts et ouvrages d'art
Les 14 propositions
22 juin 2022

N° de la proposition

Proposition

Acteurs concernés

Calendrier prévisionnel

Support

1

Face au « mur d'investissements » qui s'annonce, conforter le Cerema dans la conduite du programme national ponts (PNP), pérenniser ce programme et simplifier l'accès des collectivités territoriales à des prestations de conseils techniques et financiers (rôle de « guichet unique », augmentation de ses effectifs et ressources techniques, mise à disposition des maires de supports d'information et de guides méthodologiques, élargissement du champ des bénéficiaires du programme, inscription du PNP dans le code des transports)

État, Cerema

- Projet de loi de finances

- Texte dédié (code des transports, loi n° 2013-431)

2

Constituer un fonds pérenne pour accompagner les collectivités territoriales dans la surveillance, l'entretien et la réparation de leurs ouvrages d'art et apporter des évolutions resserrées au fonctionnement de la DSIL (création d'un fonds doté de 350 M€ pour rattraper le retard accumulé depuis 2020 et abondé de 130 M€/an, extension des critères d'attribution de la DSIL à des études de sécurisation d'ouvrages d'art constituant un danger imminent)

État

- Projet de loi de finances

- Texte dédié (code général des collectivités territoriales)

3

Maintenir à 120 M€ par an en rythme de croisière les moyens consacrés par l'État à l'entretien des ouvrages d'art du réseau routier national et augmenter de 89 M€ supplémentaires les autorisations d'engagement pour rattraper le retard accumulé depuis 2020

État

Projet de loi de finances

4

Constituer à horizon 2025 un système d'information géographique national unique (SIG), recensant l'ensemble des ouvrages d'art du territoire national et permettant d'orienter le trafic routier, le cas échéant, en cas de problème de sécurité sur un ouvrage (fusion des SIG existants et en cours de création en veillant à l'interopérabilité des données, renforcement des obligations pesant sur les opérateurs de services numériques d'assistance au déplacement - GPS)

État

- Texte dédié (code des transports)

- Projets opérationnels à déployer

5

Intégrer les dépenses de maintenance des ouvrages d'art dans la section « investissement » des budgets des collectivités pendant une période transitoire de 10 ans à compter du 1 er janvier 2023

État

Texte dédié (code général des collectivités territoriales)

6

Définir un cadre juridique global pour faire face à ce « chantier du siècle » et planifier l'entretien et la réparation des ouvrages d'art dans la durée (double obligation de déclaration de la propriété d'un ouvrage d'art pour les personnes publiques sur une plateforme dédiée et mise en place d'un « carnet de santé » par pont, définition d'un régime d'inspection et d'entretien réguliers des ouvrages, conditionnée au soutien financier et technique obligatoire de l'État)

État, Collectivités

- Texte dédié (code des transports et coordination)

- Actions permanentes de contrôle

7

Remettre à niveau l'expertise et les compétences publiques en matière de gestion des ouvrages d'art par la déclinaison opérationnelle des recommandations du rapport du CGEDD de janvier 2021

État, établissements d'enseignement supérieur

Actions permanentes


* 1 Rapport d'information n° 609 (2018-2019) de MM. Patrick Chaize et Michel Dagbert, au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (26 juin 2019).

* 2 Ces hypothèses reposent respectivement sur un périmètre de 80 000 et de 100 000 ponts, avec un coût de rénovation de 120 000 €/pont.

* 3 Loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale.

* 4 CGEDD, janvier 2021, « Développement des capacités de réalisation de la restauration des ouvrages d'art routiers ».

* 5 La mission était composée de dix membres : Mme Éliane Assassi, MM. Patrick Chaize, Jean-Pierre Corbisez, Michel Dagbert, Alain Fouché et Jean-Michel Houlegatte, Mme Christine Lanfranchi-Dorgal, MM. Frédéric Marchand et Hervé Maurey ainsi que Mme Nadia Sollogoub.

* 6 En application de l'article 5 ter de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.

* 7 Coût de reconstruction à neuf.

* 8 Ces ponts sont gérés par les directions interdépartementales des routes (DIR) au sein des services déconcentrés de l'État et un suivi est assuré par la direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM), à l'échelon central.

* 9 Ces ponts sont gérés par les sociétés concessionnaires d'autoroutes.

* 10 La méthode IQOA utilisée par l'État permet de répertorier les ouvrages en cinq classes d'état :

- Classe 1 : ouvrages en bon état apparent ;

- Classe 2 : ouvrages ayant des défauts mineurs ;

- Classe 2E : ouvrages de type 2 dont les risques d'évolution des désordres peuvent à court terme affecter la structure ;

- Classe 3 : ouvrages dont la structure est altérée et nécessite des travaux de réparation, sans caractère d'urgence ;

- Classé 3U : ouvrages dont la structure est gravement altérée et nécessite des travaux de réparation urgents liés à l'insuffisance de capacité portante de l'ouvrage ou à la rapidité des désordres.

* 11 Sur les 17 600 ponts analysés en 2008 dans le cadre de l'assistance technique de l'État pour raisons de solidarité et d'aménagement du territoire (Atesat), 16 % étaient en mauvais état structurel (classés 3 ou 3U), 20 % nécessitaient des réparations et 64 % étaient en bon état.

* 12 Deux ponts gérés par les communes de Guérard et de Tigeaux (Seine-et-Marne) fermés à la circulation depuis 2014, deux ponts de la commune de Chaumont-sur-Aire (Meuse), les ponts de Bry et de Nogent (Val-de-Marne) et le viaduc de Gennevilliers, dont une partie du mur de soutènement s'est effondré le 15 mai 2018, entraînant la fermeture totale de l'ouvrage pendant quatre jours sur décision de l'État.

* 13 La Gazette des communes, article du 20 juin 2022.

* 14 Les poids lourds de cinq essieux et plus ont été autorisés à circuler en France jusqu'à 44 tonnes depuis le 1 er janvier 2013. Pour le transport de bois ronds, le décret de 2009 autorise jusqu'à 48 tonnes avec cinq essieux et 57 tonnes avec six essieux et plus.

* 15 Rapport n° 013011-01 - Développement des capacités de réalisation de la restauration des ouvrages d'art routiers - Anne Bernard-Gély et Frédéric Richard, janvier 2021.

* 16 Les grands ouvrages en béton précontraint sont particulièrement à risque, car ils ont été construits pour de très grands franchissements et ont nécessité la mise au point de structures complexes. C'est le cas par exemple du pont de l'Île de Ré, dont les six viaducs qui le composent ont été réalisés en béton précontraint. Lors d'une inspection réalisée en septembre 2018, il a ainsi été constaté que l'un des douze câbles de précontrainte en acier de l'un des viaducs avait rompu du fait de la corrosion.

* 17 Un audit interne réalisé par la DGITM chiffrait à 110 millions d'euros l'enveloppe nécessaire pour améliorer l'état de nos ponts dès 2018 et atteindre une situation normale en 2027, sans prendre en compte la charge d'entretien des ouvrages dits de rétablissement qui relèvent de l'État, estimée à 25 millions d'euros par an. Un audit externe du réseau routier national non concédé publié en 2018 avançait quant à lui le chiffre de 115 millions d'euros à consacrer en moyenne chaque année à l'entretien des ouvrages de l'État pour les prochaines années.

* 18 Instruction technique pour la surveillance et l'entretien des ouvrages d'art (ITSEOA), établie en 1979 et révisée à plusieurs reprises.

* 19 Image de la qualité des ouvrages d'art, mise en oeuvre depuis 1995 sur les ponts, 2006 sur les murs de soutènement et 2015 pour les tranchées et couverture. Elle repose sur les cinq classes d'état précédemment citées : 1, 2, 2E, 3, 3U.

* 20 Cette méthode couvre les différents aspects de la gestion des ouvrages (surveillance, évaluation de l'état, programmation des actions de maintenance, aide à la définition d'une politique budgétaire).

* 21 La méthode VSC a été développée en 1999 par le laboratoire régional des ponts et chaussées d'Angers, avec l'appui du laboratoire régional de l'ouest parisien, afin de répondre initialement aux besoins spécifiques des villes en matière de gestion des ouvrages d'art. Son champ d'application a progressivement été élargi à d'autres types de patrimoines.

* 22 Article 1 er de la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier, modifiant la loi n° 92-125 du 6 février 1992 d'orientation relative à l'administration territoriale de la République, et décret n° 2002-1209 du 27 septembre 2002.

* 23 L'Atesat a été supprimée par la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 à compter du 1er janvier 2014.

* 24 Cette catégorie concerne l'entretien courant des ouvrages d'art.

* 25 Cette catégorie comprend les opérations de réparation structurelles des ponts ainsi que les opérations d'entretien spécialisé des ponts. L'entretien spécialisé porte, pour l'essentiel, sur les équipements et les éléments de protection ainsi que sur les défauts mineurs de la structure qui ne remettent pas en cause la capacité portante de l'ouvrage.

* 26 CGEDD, janvier 2021, « Développement des capacités de réalisation de la restauration des ouvrages d'art routiers ».

* 27 Loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités.

* 28 L'article 1 er du décret n°2002-1209 du 27 septembre 2002 relatif à l'assistance technique fournie par les services de l'État au bénéfice des communes et de leurs groupements et pris pour l'application du III de l'article 1 er de la loi du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier précise que les communes pouvant bénéficier de cette assistance technique sont :

- celles dont la population est inférieure à 2 000 habitants et dont le potentiel fiscal est inférieur ou égal à 1 000 000 Euros ; ce montant est indexé sur celui du potentiel fiscal moyen desdites communes ;

- celles dont la population est comprise entre 2 000 et 4 999 habitants et dont le potentiel fiscal est inférieur ou égal à 1 500 000 Euros ; ce montant est indexé sur celui du potentiel fiscal moyen desdites communes ;

- celles dont la population est comprise entre 5 000 et 9 999 habitants et dont le potentiel fiscal est inférieur à 2 500 000 Euros ; ce montant est indexé sur le potentiel fiscal moyen desdites communes.

* 29 Source : Réponse écrite du Cerema au questionnaire de la mission d'information (2022).

* 30 La phase de recensement s'étend de l'été 2021 à l'été 2022 pour les communes métropolitaines.

* 31 Les ouvrages représentés dans le présent graphique sont considérés comme recensés lorsqu'ils ont été transmis pour validation au Cerema. Les ouvrages à valider par le bureau d'études sont ceux qui ont fait l'objet d'une visite de terrain mais qui n'ont pas encore été transmis au Cerema.

* 32 CGEDD, janvier 2021, « Développement des capacités de réalisation de la restauration des ouvrages d'art routiers ».

* 33 Réponse écrite de la Banque des territoires au questionnaire de la mission d'information.

* 34 À ce jour, les régions ne gèrent pas de réseau routier et ne possèdent donc aucun ouvrage d'art. Toutefois, la loi « 3Ds » adoptée le 21 février 2022 permettra d'opérer des transferts de propriété sur le réseau routier à titre expérimental, pour les régions volontaires, à horizon 2024-2025.

* 35 La remontée des données relatives à la voirie départementale s'appuie sur une enquête réalisée en ligne entre fin juin et fin septembre 2021 auprès de l'ensemble des départements. En 2017, 57 départements avaient répondu. Ils étaient 65 à avoir répondu en 2018, 69 en 2019 et 68 pour les années 2020 et 2021.

* 36 À ce jour, seules 4 communes sont « isolées », c'est-à-dire qu'elles n'appartiennent à aucun EPCI à fiscalité propre au 1 er janvier 2022.

* 37 Parmi les EPCI à fiscalité propre, on dénombre, au 1 er janvier 2022, 21 métropoles, 14 communautés urbaines, 227 communautés d'agglomération et 992 communautés de communes. La métropole de Lyon a un statut particulier.

* 38 La France compte 96 départements en métropole (dont 2 en Corse) et 5 départements en outre-mer.

* 39 Les partenaires de ce projet sont : départements, DIR, DREAL, RATP, SNCF, VNF, Ville de Paris, EDF, Port du Havre, IMGC, Cerema, UGE, ENPC, ENTPE, université de Limoges, FFB, FNTP, STRRES.

* 40 Rapport n° 013011-01 - Développement des capacités de réalisation de la restauration des ouvrages d'art routiers - Anne Bernard-Gély et Frédéric Richard, janvier 2021.

* 41 Loi n° 2014-774 du 7 juillet 2014 visant à répartir les responsabilités et les charges financières concernant les ouvrages de rétablissement des voies.

* 42 Une liste provisoire a été diffusée en août 2019 pour recueillir les observations des collectivités. Après instruction des observations recueillies, la liste finale des ouvrages a été publiée par arrêté ministériel le 22 juillet 2020.

* 43 Les ponts de rétablissement sont des ouvrages construits pour rétablir des voies de communication interrompues par une nouvelle infrastructure de transport (route et autoroute, voie ferrée, canal).

* 44 CE, 19 décembre 1906, Préfet de l'Hérault ; CE, 26 septembre 2001, Département de la Somme. Le Conseil d'État considère en effet que « les ponts sont au nombre des éléments des voies dont ils relient les parties séparées de façon à assurer la continuité du passage ».

* 45 Loi n° 2014-774 du 7 juillet 2014 visant à répartir les responsabilités et les charges financières concernant les ouvrages d'art de rétablissement des voies.

* 46 Il s'agit le plus souvent de ponts de type « passages supérieurs » construits par l'État dans le cadre de grands projets d'infrastructures routières pour rétablir des routes départementales ou communales.

* 47 Réponse écrite de la DGITM au questionnaire de la mission d'information.

* 48 Pour rappel, la commission estime que 80 000 à 100 000 ponts sont gérés par les communes et les intercommunalités et que 100 à 120 000 ponts sont gérés par les départements.

* 49 Projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2021, Mission « Plan de relance », programme 364 « Cohésion », page 45.

* 50 Projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2022, Mission « Plan de relance », programme 364 « Cohésion », page 31.

* 51 Réponse écrite de la DGCL au questionnaire de la mission d'information.

* 52 Réponse écrite de la DGITM au questionnaire de la mission d'information.

* 53 En supposant que la proportion de ponts routiers présentant des problèmes de sécurité ou des défauts significatifs soit homogène sur l'ensemble du territoire national.

* 54 Ces hypothèses reposent respectivement sur un périmètre de 80 000 et de 100 000 ponts, avec un coût moyen de rénovation estimé à 120 000 euros.

* 55 Réponse écrite du Cerema au questionnaire de la mission d'information.

* 56 Cette estimation repose sur une hypothèse de coût d'une évaluation approfondie de 10 000 euros, et sur un périmètre de 9 200 ponts présentant des défauts majeurs (soit 23 % des 40 000 ponts couverts par le programme national ponts).

* 57 Réponse écrite de la DGITM au questionnaire de la mission d'information.

* 58 Hors état des ouvrages.

* 59 Il s'agit des 12 041 ponts du réseau routier national concédé, des 12 204 ponts du réseau routier national non concédé et des 40 000 ponts environ visités dans le cadre du programme national ponts.

* 60 Il s'agit 12 041 ponts du réseau routier national concédé, des 12 204 ponts du réseau routier national non concédé et des 40 000 ponts environ visités dans le cadre du programme national ponts. Pour les ponts départementaux, la commission a formulé une hypothèse selon laquelle 60 % des ponts des départements disposent d'un carnet de santé, en estimant le nombre des ponts départementaux à 100 000.

* 61 Réponse écrite de la DGCL au questionnaire de la mission d'information.

* 62 Le III de l'article 106 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République a ouvert un droit d'option aux collectivités territoriales leur permettant d'adopter par délibération ce cadre budgétaire. Plus récemment, l'article 175 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale a élargi le champ des collectivités pouvant opter pour le passage au référentiel M.57.

* 63 Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

* 64 Loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

* 65 Le programme couvre 11 540 communes.

* 66 Loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale.

* 67 Réponse écrite du Cerema au questionnaire de la mission d'information.

* 68 Des mesures spécifiques d'accompagnement : animation de conférences techniques territoriales, formation à destination des élus, développement de contenus pédagogiques, mise en place d'opérations de sensibilisation, mise en place d'un outil numérique accompagné d'un conseil humain personnalisé pour guider les maires.

* 69 Le rôle du Cerema en matière d'appui aux collectivités territoriales. Rapport CGEDD n° 013725-01 et IGA n° 21007-R, établi par Catherine Aubey-Berthelot, Michel Py, Lionel Rimoux (CGEDD) et Philippe Yvin (IGA). Juin 2021.

* 70 Modification de l'article 44 de la loi n° 2013-431 du 28 mai 2013 portant diverses dispositions en matière d'infrastructures et de services de transport. L'article 159 de la loi 3DS fait évoluer le statut du Cerema, en renforçant ses relations avec les collectivités territoriales.

* 71 Les « petits » départements sont les départements dont la population est inférieure à 250 000 habitants. Les départements « moyens » sont ceux dont la population est comprise entre 250 000 et 500 000 habitants. Les « grands » départements sont ceux dont la population est comprise entre 500 000 et 1 000 000 d'habitants. Les « très grands » départements sont ceux dont la population est supérieure à 1 000 000 d'habitants.

* 72 Ces hypothèses reposent respectivement sur un périmètre de 80 000 et de 100 000 ponts, avec un coût de rénovation de 120 000 euros par pont.

* 73 Modification de l'article L. 1612-4 du CGCT.

* 74 Le réseau routier fédéral comprend actuellement 39 818 ponts d'une superficie totale de plus de 30 millions de m2 et d'une longueur totale de plus de 2 100 kilomètres. Les actifs d'investissement de ces ponts s'élèvent à plus de 75 milliards d'euros. Il faut ajouter 66 000 ponts municipaux. La majeure partie des ponts est constituée de béton armé et précontraint : 70 % des ponts des grands axes routiers fédéraux sont en béton précontraint, 17 % en béton armé, 7 % en acier composite et 6 % en acier. Les ponts en pierre et en bois jouent un rôle mineur dans le réseau routier fédéral.

* 75 En 2013, l'Allemagne s'est dotée d'une Stratégie de rénovation des ponts routiers du réseau fédéral, présentée pour la première fois à la commission des transports du Bundestag. Dans ce cadre, plus de 2 500 sections de ponts ont été désignées comme prioritaires. Bien qu'elles ne représentent que 5 % du parc de ponts, elles représentent plus de 25 % de la surface totale des ponts. Sur les 2 506 tronçons désignés : 45 % font actuellement l'objet de travaux de rénovation et 30 % des travaux entrepris pour adapter la capacité de charge sont désormais achevés.

* 76 D'après le rapport de 2021 du CGEDD, le département des transports fédéral dispose de plusieurs programmes, actés dans le cadre de la loi d'autorisation budgétaire pluriannuelle des transports de surface, permettant de financer les ponts routiers éligibles aux financements fédéraux. Trois programmes permettent d'apporter une aide aux ponts routiers : National Highway Performance Program (NHPP), Surface Transportation Block Grand Program (STBGP) et Bridge replacement and rehabilitation program. Une enveloppe par État a été fixée à 6 M USD et les crédits sont disponibles pour environ 9 ans. Des subventions ont été mises en place en 2018 par le département des transports à travers un quatrième programme, le Competitive Highway Bridge Program, qui a récompensé 20 projets dans 18 États avec une dotation de 225 millions de dollars. Seuls les États ruraux étaient éligibles à ce programme, c'est-à-dire ceux comptant moins de 100 habitants par m 2 . Les dépenses consacrées aux ouvrages d'art ont significativement diminué depuis 2010. Les années 2010 et suivantes avaient bénéficié de financements exceptionnels sur les routes issus du plan de relance américain de 2009, qui avait permis d'injecter des financements fédéraux supplémentaires à hauteur de 11,9 Mds USD en 2010, 3 Mds USD en 2012 et 200 M USD en 2014.

* 77 Le réseau routier américain comprend 617 048 ponts routiers, d'après la base de données unique InfoBridge de la Federal Highway Administration (FHWA), administration centrale rattachée au Département des transports (DOT) en charge des routes. Dans le détail : 297 897 ponts routiers (48 % du total) relèvent des états, 306 913 ponts routiers (50 %) relèvent du niveau local, 11 013 ponts routiers (2 %) relèvent de l'État fédéral, 986 ponts routiers relèvent de la responsabilité du secteur privé. Selon les derniers rapports relatifs à l'état des ponts de l'ARTBA et de l'American Society for Civil Engineers (ASCE), 7,5 % des ponts routiers présentent des déficiences structurelles, plus de 30 % des ponts nécessitent des travaux ou un remplacement et près de 4 ponts sur 10 ont plus de 50 ans, bien que le taux d'ouvrages en mauvais état ait augmenté continuellement ces 10 dernières années. Les des dépenses réalisées pour le réseau routier en 2017, par toutes les entités gouvernementales représentent 222,6 Mds USD. Cette enveloppe est assumée à environ 50 % par les États fédérés, 29 % par les gouvernements locaux et 21 % par l'échelon fédéral.

* 78 Code des transports à modifier, première partie.

* 79 Idem.

* 80 Idem.

* 81 Modification de l'article L. 1115-8-1 du code des transports, créé par l'article 122 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 « climat et résilience ».

* 82 Code des transports à modifier, première partie.

* 83 Idem.

* 84 Idem.

* 85 Idem.

* 86 Idem.

* 87 Modification du CGCT.

* 88 Selon le rapport 2021 de l'ONR, 50 % des départements indiquent effectuer une visite chaque année au minimum de leurs ouvrages en mauvais état ou de type particulier. La seconde moitié des départements indique visiter leurs ponts dans le cadre de visite d'évaluation ou d'inspection détaillée, tous les 2 à 9 ans.

* 89 Code des transports à modifier, nouvelle section dans la première partie.

* 90 Afin de garantir sa bonne application et son efficacité, ce régime pourrait être complété par la création d'une police spéciale.

* 91 Principales fonctions recensées par les inspecteurs du CGEDD : chargé de gestion ouvrages d'art, inspecteur ouvrages d'art, technicien d'entretien ouvrages d'art, ingénieur chargé d'étude ouvrages d'art, ingénieur maîtrise d'oeuvre études ouvrages d'art, ingénieur maîtrise d'oeuvre travaux ouvrages d'art, ingénieur gestionnaire d'un patrimoine d'ouvrages d'art.

* 92 Selon l'association IMGC (ingénierie de maintenance du génie civil), les bureaux d'études membres représentant 1 400 salariés spécialisés en ingénierie de l'existant.

* 93 École nationale des travaux publics de l'État (ENTPE), école nationale des techniciens de l'État (ENTE), école nationale d'ingénieurs de Saint-Etienne (ENISE-ECL), école nationale des ponts et chaussées (ENPC), école spéciale des travaux publics (ESTP).

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