C. RÉFLÉCHIR À UNE MEILLEURE ARTICULATION DES TEMPS DE VIE DANS LA HAUTE FONCTION PUBLIQUE, AU BÉNÉFICE DE TOUS

Ainsi que le rappelait la ministre Amélie de Montchalin devant la délégation le 24 février 2022, en évoquant les résultats de la consultation menée auprès de 12 000 hauts fonctionnaires, « la plus forte préoccupation des femmes occupant ces postes de direction porte sur l'équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle , ainsi que sur la qualité de vie au travail. Ces paramètres sont aujourd'hui insuffisamment pris en compte dans les postes à responsabilités. Spontanément, les femmes attendent d'alléger la charge de travail et de pouvoir télétravailler . Cette problématique arrive, pour cette population, bien avant la rémunération. C'est différent pour les hommes ».

Un accord sur le télétravail dans la haute administration a ainsi été signé en juin 2021 entre les organisations syndicales de la fonction publique et tous les employeurs publics. Il prévoit un droit à la déconnexion et pose un certain nombre de principes d'articulation des temps de vie. En outre, comme l'a souligné Amélie de Montchalin, « il précise spécifiquement le besoin de s'assurer que le télétravail ne devienne pas un frein à l'égalité entre les femmes et les hommes. En clair, l'objectif n'est pas que les femmes télétravaillent pendant que les hommes assistent à des réunions importantes en présentiel. Ces sujets doivent être suivis pour constituer un réel progrès et non une régression ».

La délégation estime en effet que la question de la meilleure articulation des temps de vie doit concerner l'ensemble des hauts fonctionnaires, hommes comme femmes , pour que cette notion ait du sens et ait un réel impact sur le déroulement des carrières des femmes notamment.

Une réelle politique d'égalité professionnelle dans le domaine de la haute fonction publique doit donc impérativement inclure cette réflexion sur l'articulation des temps de vie au bénéfice de tous, au risque de freiner la féminisation de l'encadrement supérieur de la haute fonction publique voire de « ghettoïser » davantage les femmes.

Cette réflexion implique de repenser l'organisation du temps de travail, les horaires des réunions, les sollicitations trop nombreuses à des horaires atypiques, etc.

Ainsi, Corinne Desforges , vice-présidente de l'association Femmes de l'Intérieur , inspectrice générale de l'administration, a souligné devant la délégation : « le plus gros problème relève selon moi de l'organisation du temps de travail. Je suis évidemment favorable à la loi Sauvadet, qui constitue une excellente avancée, mais nous aurions dû réfléchir à certains sujets en amont. Les femmes veulent bien prendre des postes de responsabilités, jusqu'à ce qu'elles se rendent compte qu'elles les occupent au détriment de leur vie personnelle. Nous aurions dû anticiper l'organisation du travail et ne pas organiser de réunions jusque 21 heures, par exemple. J'avais moi-même demandé à une directrice au ministère si elle ne pourrait pas tenter, avec son équipe, de partir chaque jour à 19 heures pendant une semaine, comme tout le monde le fait dans les pays étrangers. Elle m'a dit que c'était impossible. Ainsi, accepter le poste qui leur est proposé représente pour certaines femmes un réel cas de conscience au regard des lourdes contraintes qui y sont associées. Vous parliez de ce cas chez les hommes de 40 ans, qui doivent choisir entre leur carrière ou leur vie. Pour les femmes, c'est la même chose, mais tout le temps. En raison de la charge mentale, elles hésitent à passer le cap de rentrer à 21 heures en n'ayant plus aucune vie personnelle. Nous aurions dû, et nous pouvons encore le faire, réorganiser les méthodes de travail dans la haute fonction publique à Paris, qui est quand même très spécifique à la France ».

S'agissant de l' influence de l'articulation des temps de vie sur l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes dans la haute fonction publique , la question de l'approche différente de cette question par les hommes et par les femmes a également été soulevée par plusieurs intervenants de la table ronde de la délégation, le 24 février 2022.

Ainsi, Caroline Chassin du SMPS a souligné l'importance, s'agissant de l'articulation entre vie professionnelle et vie personnelle, de traiter du sujet de l'égalité femmes-hommes « en tenant compte du fait que les hommes n'ont pas les mêmes droits que les femmes dans leur vie personnelle. Nous défendons l'extension du congé paternité. Malgré l'effort récemment consenti à ce sujet, il reste des inégalités sur l'accueil de l'enfant, qui est dévolu à la mère par la loi. Le père ne bénéficie pas des mêmes droits. Le couple de parents n'a d'ailleurs pas le droit de répartir les jours de congé d'accueil de l'enfant comme il l'entend ».

Elle a également insisté sur la nécessité d'un rééquilibrage entre vie professionnelle et vie personnelle : « plus les hommes auront la possibilité de se libérer des contraintes d'un milieu professionnel fait par des hommes pour des hommes pour s'investir davantage dans la sphère privée, plus les femmes pourront accéder à des postes à responsabilités, et réciproquement. Il nous faut donc mener ce combat ensemble. Je pense que beaucoup de nouvelles générations y aspirent. Nous parviendrons à mener ce combat de l'égalité ensemble ».

La délégation partage l'analyse selon laquelle la conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle est un sujet qui concerne autant les femmes que les hommes, et que toute mesure en faveur d'un meilleur arbitrage en matière d'articulation des temps de vie profitera autant aux femmes qu'aux hommes.

Recommandation n° 12 : développer des méthodes de travail de nature à favoriser une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle, au bénéfice de tous, hommes et femmes.

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