B. ACCOMPAGNER LES MAIRES DANS L'ENTRETIEN DE LEUR PATRIMOINE RELIGIEUX

Face aux difficultés ressenties par les maires, une première étape consiste sans doute à mieux les informer sur les enjeux de l'entretien du patrimoine religieux, la répartition des compétences entre la commune et l'affectataire, ainsi que les ressources et les interlocuteurs à leur disposition pour les accompagner. Les nouveaux élus, en particulier, sont peu familiers de ces questions complexes.

De nombreux documents sont déjà disponibles dans ce domaine . Plusieurs conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) ont élaboré des guides à destination des élus : le CAUE de Seine-Maritime a ainsi publié un guide méthodologique d'entretien des édifices cultuels ; le CAUE de Meurthe-et-Moselle a produit un recueil de fiches pratiques consacré à la question de l'élu et son église ; le CAUE du Calvados a organisé un colloque en 2019 sur la question de la restauration, du partage et de la reconversion des églises, dont les actes ont été publiés.

La Fondation du patrimoine a réalisé, avec le soutien du ministère de la culture et du ministère chargé de la cohésion des territoires, une plateforme numérique d'information sur le patrimoine, intitulée « le Portail du patrimoine », destinée aux propriétaires, publics et privés, de biens d'intérêt patrimonial. Mise en ligne en mai dernier, elle comporte de nombreux contenus destinés à faire le point sur les aides et financements disponibles, les modalités de valorisation du patrimoine et propose des conseils méthodologiques pour conduire un projet patrimonial. De nombreux contenus portent spécifiquement sur le patrimoine religieux.

Par conséquent, l'enjeu n'est pas tant d'élaborer de nouveaux guides que de donner davantage de visibilité aux outils existants . Les associations d'élus, en particulier l'Association des maires de France et l'Association des maires ruraux de France, apparaissent comme des vecteurs à privilégier pour informer les maires de ces différentes ressources documentaires.

Le déficit d'ingénierie des maires , en revanche, est une problématique sur laquelle des progrès doivent encore être accomplis, compte tenu du désengagement de l'État en matière d'assistance à maîtrise d'ouvrage. Plusieurs outils existent au niveau local qu'il conviendrait de transposer à l'échelle de tous les territoires pour produire de véritables résultats .

1. Assister les maires pour l'entretien de leur patrimoine

Afin d'éviter la dégradation du patrimoine religieux, l'amélioration de son entretien fait figure de priorité . Un entretien régulier permet d'assurer la conservation des édifices, tout en évitant de lourdes dépenses de restauration futures.

La mise en place de mutualisations dans le domaine de l'entretien des édifices apparaît comme le meilleur moyen de réduire les coûts liés à cette charge et de lever les blocages d'ordre technique qui sont à l'origine de sa fréquence irrégulière.

De l'avis de tous, les départements apparaissent, a priori, comme l'échelon le plus pertinent pour organiser de telles mutualisations . Les intercommunalités ont rarement une compétence en matière de maîtrise d'ouvrage. Les régions sont un échelon plus éloigné des réalités locales et restent encore peu investies en matière de patrimoine non protégé, même si leur engagement est variable. L'Assemblée des départements de France a fait part de la volonté des départements de se réengager dans le domaine du patrimoine.

Le dispositif de soutien à la conservation préventive des édifices historiques des communes de moins de 25 000 habitants, mis en place depuis 2018 par le département des Yvelines sur le modèle du programme hollandais et belge flamand d'entretien des monuments constituerait un outil approprié pour faciliter l'entretien régulier des édifices religieux à la charge des communes .

Le fonctionnement du dispositif de conservation préventive
des édifices historiques mis en place par le département des Yvelines

Inspiré du programme pour l'entretien du patrimoine mis en place aux Pays-Bas dès 1973 dénommé « Monumentenwacht », ce dispositif a été mis en place par les Yvelines à la suite des Assises de la Ruralité qu'elle a organisées en 2015. Il est complémentaire, sur le plan de l'entretien, du dispositif destiné à la restauration des édifices historiques des communes de moins de 25 000 habitants. Tous les édifices d'intérêt patrimonial sont concernés, qu'ils soient ou non protégés au titre des monuments historiques . Il est mis en oeuvre par l'agence départementale d'ingénierie des Yvelines, Ingénier'Y.

Il permet aux communes rurales de bénéficier de diagnostics sanitaires de leurs édifices , débouchant sur la réalisation d'un carnet d'entretien , mis à jour chaque année à l'occasion de visites de surveillance, afin qu'elles puissent disposer d'une programmation pluriannuelle des interventions préventives nécessaires à la conservation des monuments. Les travaux de strict entretien, de maintenance courante et toutes les opérations de conservation préventives des édifices peuvent faire l'objet d'une maîtrise d'ouvrage déléguée par le département, organisée par voie de convention.

Au-delà de cette aide technique , ce dispositif comprend des aides financières de la part du département (80 % des frais des diagnostics sanitaires, des visites annuelles de surveillance et des travaux d'entretien et de maintenance courante sont pris en charge dans la limite de plafonds), ainsi que des aides juridiques et techniques de la part de l'agence départementale d'ingénierie.

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication

La mise en place de carnets d'entretien des édifices permettrait aux conseils municipaux de mieux anticiper les travaux à réaliser dans leur programmation budgétaire. Elle permettrait de limiter le risque de réalisation de travaux dans l'urgence sans réelle connaissance des caractéristiques techniques et architecturales de l'édifice. Elle favoriserait par ailleurs le recours à des architectes spécialisés dans le bâti ancien pour exercer la maîtrise d'oeuvre sur les travaux . Ceux-ci sont généralement exécutés par des entreprises générales auxquelles les maires font appel, au risque que des dommages irrémédiables soient causés à ces édifices, dans la mesure où les entreprises ne disposent pas nécessairement des connaissances requises pour effectuer des interventions sur ce type de bâti, très spécifique.

Recommandation n° 4 : Proposer, au niveau des départements , des outils destinés à accompagner les communes dans la conservation préventive de leur patrimoine religieux (carnet de suivi d'entretien, aides financières, techniques et juridiques).

2. Aider les maires à évaluer l'état de leur patrimoine religieux

L'autre chantier pour lequel un accompagnement des maires se révèle indispensable est relatif au devenir du patrimoine religieux .

Encore variablement sollicités à ce sujet, les CAUE pourraient pourtant constituer de véritables partenaires des maires sur cette question. Lors de son assemblée générale de juin 2022, la Fédération nationale des CAUE a retenu cette thématique parmi ses priorités d'action à l'échelle nationale.

Les CAUE présentent en effet un certain nombre d' avantages pour accompagner les maires face à cet enjeu , à la croisée des chemins entre les problématiques en matière de patrimoine, d'urbanisme, de revitalisation, d'aménagement du territoire, de tourisme :

- ils sont des organes indépendants investis par la loi d'une mission d'intérêt public . Ils sont ainsi chargés d'accompagner les collectivités en leur fournissant des repères pour les aider dans leur prise de décision, en évaluant la pertinence d'une initiative, en renforçant leurs compétences pour exercer correctement la maîtrise d'ouvrage, en les aidant à choisir la maîtrise d'oeuvre privée ;

- ils disposent d' équipes techniques pluridisciplinaires qui leur permettent d'apporter des conseils transversaux ;

- leur composition en fait des organes de concertation . Ils peuvent être des pôles d'échanges entre citoyens, experts, élus et services de l'État. Leur conseil d'administration, systématiquement présidé par un élu local, est composé de représentants de l'État, de représentants des collectivités territoriales, de professionnels de l'acte de bâtir et d'aménager et de représentants de la société civile. Ils sont en capacité de faciliter le dialogue entre les élus et les habitants en animant la concertation et le débat public ;

- ils disposent d'un budget propre , puisque la loi leur attribue comme source de financement une partie de la part départementale de la taxe d'aménagement, l'autre partie étant allouée à la politique de protection des espaces naturels sensibles (article L. 313-3 du code de l'urbanisme). Il appartient à chaque conseil départemental de déterminer la part destinée aux CAUE et celle destinée aux espaces naturels sensibles.

Dans le cadre d'un travail plus global de réflexion sur le devenir possible des églises, reposant notamment sur une coopération avec le Québec, le CAUE de Meurthe-et-Moselle, en partenariat avec le Laboratoire d'Histoire d'Architecture Contemporaine de l'École d'Architecture de Nancy, a réalisé entre 2016 et 2018 un « diagnostic » des églises présentes sur le territoire de la communauté de communes de Mad-et-Moselle. Cette expérience réussie démontre que les CAUE sont en capacité d'établir ou de gérer un état des lieux du patrimoine, c'est-à-dire d'évaluer son état au regard de différents critères (qualité urbaine et paysagère, valeur historique et patrimoniale, état technique et sanitaire, fréquentation et usages) et de préconiser des pistes pour le devenir de chaque édifice .

Au regard de l'importance de l'enjeu du devenir du patrimoine religieux dans les zones rurales, il semblerait efficace que les maires fassent appel à leur CAUE pour organiser de tels états des lieux.

Recommandation n° 5 : Recourir aux conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) pour évaluer l'état du patrimoine religieux et identifier les solutions possibles pour chaque édifice.

Pour être pleinement opérationnelle, cette recommandation devrait être assortie d'un certain nombre d'évolutions.

Les CAUE sont aujourd'hui en place dans l'essentiel des départements . Sept départements (Alpes-de-Haute-Provence, Ardennes, Aube, Ille-et-Vilaine, Loire, Marne, Territoire de Belfort) n'en disposent toujours pas, alors même que l'article 6 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l'architecture définit une obligation en la matière. Leur mise en place dans ces départements doit faire figure de priorité .

Le réseau des 92 CAUE

Source : Fédération nationale des CAUE

La question du financement des CAUE constitue également un enjeu de taille pour garantir le bon fonctionnement et l'autonomie de ces structures. Suite à la rationalisation de la fiscalité de l'aménagement en 2012, un nombre croissant de départements s'est mis à financer les CAUE par le vote annuel de dotations de fonctionnement plutôt qu'en leur reversant de manière systématique la taxe qui leur a été spécialement affectée. Cette pratique constitue une anomalie générant des difficultés financières pour un certain nombre de CAUE.

Les interactions entre les CAUE et les commissions régionales du patrimoine et de l'architecture (CAUE) mériteraient également d'être développées , afin d'éviter qu'une barrière infranchissable ne soit peu à peu érigée entre le patrimoine protégé, également soutenu par l'État, et le patrimoine non protégé, exclusivement géré par les collectivités territoriales. Il serait bon que les CAUE puissent saisir la CRPA pour proposer l'inscription ou le classement d'un édifice au titre des monuments historiques au terme des états des lieux qu'ils auront gérés.

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