C. PERMETTRE UNE RÉAPPROPRIATION ET UNE RESOCIALISATION DES ÉDIFICES CULTUELS

La valorisation des édifices cultuels constitue un axe majeur pour faciliter la préservation du patrimoine religieux. Elle est indispensable pour permettre sa réappropriation par le plus grand nombre et sa réinscription progressive au coeur du fonctionnement de notre société.

1. Accroître la visibilité et le rayonnement du patrimoine religieux

La réappropriation du patrimoine religieux passe par un certain nombre de conditions.

L'ouverture la plus large possible des édifices au public est la première d'entre elles. Elle constitue également un facteur clé de préservation des édifices, dans la mesure où elle permet de prévenir, par une ventilation suffisante, un certain nombre de dégradations, ainsi que de repérer des dégâts rapidement après leur survenance.

L'enjeu est donc de parvenir à assurer une ouverture plus systématique de ces lieux qui relèvent du patrimoine public, mais dont l'accès est dépendant de la volonté de l'affectataire.

La baisse du nombre de prêtres impose de trouver de nouvelles solutions pour le gardiennage des édifices . Le recours à des fidèles est une option qui trouve ses limites en zone rurale face à la baisse de la pratique religieuse et au vieillissement des fidèles. La solution, expérimentée dans la Meuse, avec le projet des « jeunes ambassadeurs du patrimoine » pourrait constituer une formule à transposer pour contribuer à une meilleure accessibilité des lieux de culte et garantir un accueil patrimonial respectueux de l'affectation cultuelle du lieu.

Face au double constat de l'insuffisante ouverture des églises à la visite et de l'intérêt de fournir des activités aux jeunes du village, cette initiative, qui a débuté à Mont-Devant-Sassey, a consisté à sensibiliser les jeunes à leur patrimoine religieux et à les former à sa visite, puis à leur confier le soin d'organiser des visites guidées de l'église durant les week-ends et les vacances scolaires. Face au succès de ce dispositif, il essaime peu à peu sur tout le territoire lorrain.

Recommandation n° 6 : Garantir l'ouverture du patrimoine religieux en recourant au gardiennage ou à des bénévoles, notamment parmi les jeunes.

L'amélioration de la sécurisation des édifices reste un enjeu crucial . La fermeture des édifices est souvent liée à la crainte d'actes de vol ou de vandalisme. Malgré les principes fixés par la loi de 1905, l'État peut apporter des subventions pour la sécurisation des édifices (systèmes de vidéosurveillance), même si le culte catholique se montre très partagé sur l'installation de caméras, qu'elle juge contradictoire avec les valeurs d'accueil défendues par l'église.

Dans ces conditions, beaucoup d'objets religieux ne sont pas présentés au public au sein des édifices , alors qu'ils sont essentiels à leur attractivité. Leur sécurisation et leur mise en valeur permettraient aux Français de se réapproprier leur patrimoine religieux en faisant des édifices cultuels le premier musée de France .

Les DRAC sont nombreuses à avoir édité des guides sur les modalités de sécurisation du patrimoine religieux mobilier sans nuire pour autant à son accessibilité. Les conservateurs des antiquités et objets d'art peuvent conseiller les collectivités territoriales et octroyer des subventions aux fins de sécuriser et de mettre en valeur les objets protégés au titre des monuments historiques, par exemple pour l'installation de vitrines. Ils sont également en mesure d'accompagner les élus pour créer des circuits de valorisation de leur patrimoine religieux autour de différentes thématiques (les retables, la peinture religieuse, les reliquaires...).

Recommandation n° 7 : Améliorer la mise en valeur du patrimoine mobilier cultuel au sein des édifices.

De manière générale, le potentiel économique et touristique du patrimoine religieux reste encore insuffisamment exploité , alors qu'il peut répondre aux besoins actuels d'un tourisme durable, local et authentique.

Il serait utile de rassembler les différents acteurs du territoire (élus locaux, responsables des cultes, comités régionaux et départementaux du tourisme, offices du tourisme, parcs naturels régionaux, CAUE...) pour développer des offres (visites guidées, itinéraires, chemins, brochures, parcours audioguidés en ligne) permettant aux habitants et aux touristes de mieux découvrir les différents édifices d'un territoire.

Cette question pourrait être abordée à l'échelle des régions compte tenu de l'intérêt de cet échelon de collectivités pour les questions touristiques.

Recommandation n° 8 : Développer des parcours de visites touristiques autour du patrimoine religieux à l'échelle des territoires.

2. Développer les usages partagés des édifices cultuels

La réflexion sur les usages des édifices cultuels est incontournable, dans la mesure où un bâtiment sans usage a toutes les chances d'être démoli ou transformé. En ce sens, le développement des usages partagés des édifices cultuels doit être regardé comme un moyen de maintenir ou de raviver l'intérêt pour le patrimoine religieux .

Élargir les usages des édifices cultuels, les ancrer dans le calendrier des activités de la commune, n'est pas contradictoire avec la vocation cultuelle des édifices. Il s'agit plutôt d' un retour aux sources : jusqu'à la Révolution française, les activités cultuelles et les activités humaines cohabitaient au sein des églises . Les faire renaître en véritables « maisons communes » est également un enjeu fort dans une optique de revitalisation des zones rurales.

Le développement d'activités non cultuelles au sein des édifices exige néanmoins de définir les activités qui peuvent être considérées comme « compatibles avec l'affectation cultuelle ».

Les initiatives déjà mises en place en France permettent d'imaginer des usages culturels (concerts, expositions, spectacles, bibliothèques, médiathèques), éducatifs (éducation artistique et culturelle), sociaux ( refuge en cas de fortes chaleurs, accueil des élèves en période de révision d'examen) , touristiques (visites, musées, centres d'interprétation), caritatifs ou solidaires (accueil des plus démunis).

Le partage apparaît plus simple à organiser dans le temps , en répartissant les usages cultuels et les autres usages selon les horaires de la journée, les jours de la semaine, ou même les périodes de l'année, à l'instar du centre d'interprétation du vitrail, mis en place au sein de l'église Saint-Hilaire de Mortagne-sur-Sèvre chaque année du 1 er avril au 30 octobre. Le culte catholique est moins ouvert à un partage de l'espace, susceptible de remettre en cause l'expression de la foi qui émane de chaque partie de l'édifice. Celui-ci est plus aisé quand les espaces sont séparés.

Si l'enjeu de la réappropriation des édifices cultuels par la population locale commande de l'associer à la réflexion sur les usages envisagés pour garantir le succès du projet, un accord entre le maire et l'affectataire autour des usages possibles est nécessaire. Afin de réduire les tensions éventuelles entre ces deux autorités, il serait opportun d'avoir recours à des conventions-types afin de clarifier leurs relations et de dresser la liste des activités compatibles.

Le développement d'usages mixtes ne sera possible qu'à la condition d'un dialogue renforcé entre les élus et les représentants des cultes . La qualité du dialogue entre ces deux autorités sera déterminante pour lever les craintes du culte face à la perspective de cette évolution et permettre aux maires de mieux comprendre les enjeux de l'affectataire. Des efforts restent nécessaires de part et d'autre pour lever la méfiance entre ces deux autorités et accroître leur connaissance mutuelle, les nouveaux élus étant de moins en moins sensibilisés aux questions religieuses sous l'effet de la sécularisation de la société. L'association des maires de France, comme la Conférence des évêques ont un rôle pédagogique à jouer vis-à-vis des élus et des curés (guides pratiques, formations).

Recommandation n° 9 : Favoriser l'usage partagé des édifices cultuels en clarifiant, par des conventions-types, les relations entre le maire, le curé affectataire et le diocèse.

La voie des usages partagés apparaît préférable à celle de la désaffectation .

D'une part, elle n'a pas un caractère irréversible comme la désaffectation, qui est définitive, quand bien même un nouveau besoin d'édifices cultuels se ferait de nouveau sentir suite à une recrudescence de la pratique religieuse. L'édifice ne pourrait plus alors bénéficier du régime de l'affectation prévu par la loi de 1905.

D'autre part, les usages partagés permettent d'éviter que l'édifice ne subisse des transformations qui ne respecteraient pas les caractéristiques architecturales de l'édifice et pourraient entraîner la perte de valeur patrimoniale et artistique du bien.

Dans un certain nombre de cas, la désaffectation est néanmoins souhaitée à la fois par le maire, l'affectataire et la population locale, afin d'assurer une renaissance de l'édifice promis à la démolition. La France compte de plus en plus d'exemples réussis d'anciennes églises transformées en bibliothèques, en médiathèques, en musées ou espaces culturels, en épiceries solidaires ou même en refuges pour randonneurs.

Pour la pérennité du patrimoine, il apparaît souhaitable que le bien, une fois désaffecté, demeure dans le patrimoine public de la commune plutôt qu'il ne soit vendu à des personnes privées.

D'une part, il n'est pas possible de faire figurer dans un acte de vente une clause empêchant tel ou tel usage, ou telle ou telle démolition. Le premier propriétaire peut s'engager à respecter certains souhaits, mais les propriétaires suivants ne seront pas liés par cet engagement, dans la mesure où le bien n'est grevé d'aucune servitude.

D'autre part, le maintien de l'édifice dans le patrimoine de la commune est un moyen de préserver le symbole qu'il représente pour la population locale et de lui permettre de conserver l'une de ses vocations originelles, à savoir d'être un lieu de rassemblement pour toute la communauté locale.

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