Rapport d'information n° 766 (2021-2022) de Mme Laure DARCOS et M. Stéphane PIEDNOIR , fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 6 juillet 2022

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N° 766

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 6 juillet 2022

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission de la culture, de l'éducation
et de la communication (1) par la mission d'information relative
à la
mise en oeuvre de la loi de programmation de la recherche ,

Par Mme Laure DARCOS et M. Stéphane PIEDNOIR,

Sénatrice et Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Laurent Lafon , président ; M. Max Brisson, Mme Laure Darcos, MM. Stéphane Piednoir, Michel Savin, Mme Sylvie Robert, MM. David Assouline, Julien Bargeton, Pierre Ouzoulias, Bernard Fialaire, Jean-Pierre Decool, Mme Monique de Marco , vice-présidents ; Mmes Céline Boulay-Espéronnier, Else Joseph, Marie-Pierre Monier, Sonia de La Provôté , secrétaires ; MM. Maurice Antiste, Jérémy Bacchi, Mmes Annick Billon, Alexandra Borchio Fontimp, Toine Bourrat, Céline Brulin, Samantha Cazebonne, M. Yan Chantrel, Mme Nathalie Delattre, M. Thomas Dossus, Mmes Sabine Drexler, Laurence Garnier, Béatrice Gosselin, MM. Jacques Grosperrin, Jean Hingray, Jean-Raymond Hugonet, Claude Kern, Mikaele Kulimoetoke, Michel Laugier, Pierre-Antoine Levi, Jean-Jacques Lozach, Jacques-Bernard Magner, Jean Louis Masson, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Philippe Nachbar, Olivier Paccaud, Damien Regnard, Bruno Retailleau, Mme Elsa Schalck, M. Lucien Stanzione, Mmes Sabine Van Heghe, Anne Ventalon, M. Cédric Vial .

AVANT-PROPOS

Un an et demi après la promulgation de la loi de programmation de la recherche (LPR) qu'elle avait examinée au fond à l'automne 2020, la commission de la culture, de l'éducation et de la communication a confié à Laure Darcos (LR, Essonne) et Stéphane Piednoir (LR, Maine-et-Loire) une mission de contrôle visant à dresser un premier état des lieux de son application .

Pour les rapporteurs, la LPR constitue un bon début de réinvestissement public dans la recherche, mais sa durée et son rythme sont à reconsidérer à l'aune du contexte inflationniste auquel la France est confrontée.

Des améliorations doivent aussi être apportées dans la façon d'appliquer certaines des mesures de la loi de programmation pour éviter de créer de la complexité supplémentaire. En outre, certaines lacunes de la LPR nécessitent d'être comblées , en particulier en matière d'organisation et de programmation stratégique de la recherche.

La clause de revoyure, prévue par la loi en 2023, doit être l'occasion d'aborder l'ensemble de ces sujets .

I. UNE MISE EN oeUVRE RÉGLEMENTAIRE PLUS LONGUE QU'ANNONCÉE

A. UN CALENDRIER DE PUBLICATION AMBITIEUX, QUI S'EST HEURTÉ À PLUSIEURS CONTRAINTES

La mise en oeuvre de la LPR suppose l'élaboration et la publication de :

- 29 décrets (simples ou en Conseil d'État) ;

- 7 ordonnances (habilitations et projets de loi de ratification) ;

- 4 arrêtés (hors mesures individuelles).

Son schéma réglementaire initial , présenté en janvier 2021 par le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation (MESRI) aux instances nationales de consultation (comité technique ministériel de l'enseignement supérieur et de la recherche - CTMESR - et comité technique universitaire - CTU -) , reposait sur un calendrier de publication en deux temps :

- une première grande vague, à la fin juin 2021, représentant environ 85 % des mesures d'application ;

- une seconde vague, plus restreinte, à l'automne 2021.

À l'été 2021, seuls 14 % des textes réglementaires étaient publiés . Le rythme de publication s'est néanmoins accéléré les mois suivants puisque, fin octobre 2021, près de 40 % étaient parus .

Lors de son audition par la commission sur le projet de loi de finances (PLF) pour 2022, le 27 octobre 2021, la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, Frédérique Vidal, interrogée sur le retard pris, s'était engagée sur un objectif de 100 % de publication d'ici la fin de l'année 2021.

Un « pic » de publication est ainsi intervenu dans les dernières semaines de 2021, sans toutefois permettre d'atteindre cet objectif de pleine application . Des mesures réglementaires ont continué à paraître au cours du premier trimestre 2022.

Plusieurs raisons expliquent le retard pris sur le calendrier initial dont le caractère trop ambitieux avait été rapidement pointé par les acteurs du secteur :

- les étapes préalables de concertation (entre janvier et avril 2021) avec les principaux organismes de l'enseignement supérieur et de la recherche (les établissements publics à caractère scientifique et technologique - EPST -, le Conseil national des universités - CNU -, la Conférence des directeurs des écoles françaises d'ingénieurs - CDEFI -, etc.) ;

- les phases de consultation avec les instances nationales (entre mai et juillet 2021), dans un contexte syndical tendu (du fait de la scission syndicale résultant de l'accord du 12 octobre 2020 sur les carrières et les rémunérations) : chaque texte relatif aux dispositions statutaires des chercheurs et des enseignants-chercheurs a été présenté en CTMESR et en CTU. Les textes les plus importants ont également dû, de par leur portée interministérielle, être soumis au Conseil commun de la fonction publique (CCFP) et au Conseil supérieur de la fonction publique d'État (CSFPE) ;

- la dimension transversale de certains sujets impliquant un temps d'arbitrage avec d'autres ministères (ministère de la culture, ministère de l'agriculture, ministère de la transition écologique...) ;

- la saisine du « guichet unique » de Bercy, dispositif de simplification administrative qui, dans les faits, provoque « un effet embouteillage » (deux à quatre mois de délai d'instruction, auxquels s'ajoutent un à deux mois de pré-instruction) ;

- le passage, pour la quasi-totalité des textes réglementaires relatifs aux ressources humaines, en section de l'administration du Conseil d'État, laquelle a ses propres contraintes de calendrier.

B. UN PROGRAMME DE PUBLICATION DÉSORMAIS QUASI ACCOMPLI

1. Les décrets : deux sur vingt-neuf restent à prendre

À ce jour, le taux de publication des décrets de la LPR s'élève à 93 %. Deux ne sont pas encore parus :

- le décret relatif à l'application spécifique des chaires de professeur junior aux personnels enseignants et hospitaliers ;

- le décret concernant l'expérimentation d'une dérogation à la qualification par le Conseil national des universités (CNU) pour des recrutements sur des postes de maître de conférences : selon les services du ministère, la mise en oeuvre de cette disposition reste « à l'arbitrage du nouveau Gouvernement ».

Objet

Article LPR

Article codifié

État d'avancement

Texte réglementaire

Chaires de professeur junior :

- Modalités d'application de l'article L. 422-3 du code de la recherche, notamment les conditions d'équivalence de diplôme exigées pour le recrutement en qualité d'agent contractuel, les modalités de la procédure de sélection, les conditions de renouvellement du contrat, les modalités d'appréciation, avant la titularisation, de la valeur scientifique et de l'aptitude à exercer les missions mentionnées à l'article L. 411-1 du code de la recherche, les modalités de nomination des membres des commissions mentionnées au troisième alinéa du I (commission de recrutement) et au premier alinéa du III de l'article L. 422-3 (commission de titularisation) et les conditions de l'engagement de servir.

- Modalités d'application de l'article L. 952-6-2 du code de la recherche, notamment les conditions d'équivalence de diplôme exigées pour le recrutement en qualité d'agent contractuel, les modalités de la procédure de sélection, les conditions de renouvellement du contrat, les modalités d'appréciation, avant la titularisation, de la valeur scientifique et de l'aptitude à exercer les missions mentionnées à l'article L. 952-3, les modalités de l'appréciation de l'habilitation à diriger des recherches, les modalités de nomination des membres des commissions mentionnées au troisième alinéa du I (commission de recrutement) et au premier alinéa du III de l'article L. 952-6-2 (commission de titularisation) et les conditions de l'engagement de servir.

- Adaptations sous réserve desquelles l'article L. 952-6-2 du code de la recherche est applicable aux membres du personnel enseignant et hospitalier.

4,I - 4,II

4,III

Code de la recherche L422-3, Code de l'éducation L952-6-2

Code de la recherche L952-21-1

publié

Un décret spécifique pour l'adaptation des chaires de professeur junior aux personnels enseignants et hospitaliers est en cours de finalisation (consultation des conseils idoines).

Décret n° 2021-1710 du 17 décembre 2021 relatif au contrat de chaire de professeur junior prévu par l'article L. 952-6-2 du code de l'éducation et par l'article L. 422-3 du code de la recherche

Expérimentation dérogation CNU :

- Autorisation pour les établissements publics d'enseignement supérieur et pour la durée de l'expérimentation à déroger pour un ou plusieurs postes à la nécessité d'une qualification des candidats reconnue par l'instance nationale afin d'élargir les viviers des candidats potentiels et de fluidifier l'accès aux corps, cela dans toutes les disciplines à l'exception des disciplines de santé et de celles permettant l'accès au corps des professeurs des universités par la voie des concours nationaux de l'agrégation.

- Conditions d'application de l'article L. 952-6-3 du code de la recherche relatif à la possibilité pour les établissements publics d'enseignement supérieur de demander à être autorisés à déroger pour un ou plusieurs postes à la nécessité d'une qualification des candidats reconnue par l'instance nationale.

5,3°

Code de la recherche L952-6-3

non publié

Contrat doctoral de droit privé :

- Conditions particulières d'exécution du contrat doctoral de droit privé, conditions de rédaction de la thèse, conditions d'échange et de partage des résultats des recherches ainsi que modalités selon lesquelles l'employeur participe à la formation du salarié doctorant à la recherche et par la recherche.

- Délai d'inscription dans un nouvel établissement d'enseignement supérieur français en vue d'obtenir la délivrance d'un diplôme de doctorat à défaut duquel le maintien du salarié dans l'entreprise est subordonné à la conclusion d'un contrat de travail dans les conditions de droit commun.

6,II

Code de la recherche L412-3 I

publié

Décret n° 2021-1233 du 25 septembre 2021 relatif au contrat doctoral de droit privé prévu par l'article L. 412-3 du code de la recherche

Contrat post doctoral :

- Modalités de recrutement, conditions de l'exercice des fonctions et mesures d'accompagnement des bénéficiaires d'un contrat post doctoral.

- Liste des établissements et fondations dans lesquels un contrat de travail à durée déterminée peut être conclu pour recruter un chercheur, titulaire du diplôme de doctorat prévu à l'article L. 612-7 du code de l'éducation, en vue de la réalisation d'un objet défini.

- Mesures d'accompagnement du salarié, notamment en matière de formation aux emplois, de périodes d'insertion professionnelle et de poursuite de carrière en France comme à l'étranger.

7,II et 7,III

L. 412-4 du code de la recherche

L. 431-5 du code de la recherche

publiés

Décret n° 2021-1450 du 4 novembre 2021 relatif au contrat post doctoral de droit public

Décret n° 2021-1232 du 25 septembre 2021 relatif au contrat postdoctoral de droit privé

CDI de mission :

- Délai de prévenance à l'issue duquel le contrat de droit public d'un agent recruté, pour contribuer à un projet ou une opération de recherche identifiée, prend fin avec la réalisation du projet ou de l'opération de recherche.

- Modalités d'application de l'article L. 431-6 du code de la recherche, notamment la nature des projets ou opérations de recherche pouvant bénéficier d'un tel contrat, les modalités de recrutement et de rupture du contrat, les modalités d'accompagnement des salariés dont le contrat s'est achevé ainsi que les modalités de mise en oeuvre d'une indemnité de rupture lorsque le projet ou l'opération ne peut pas se réaliser.

9,I

Code de la recherche L431-6

publié

Décret n° 2021-1449 du 4 novembre 2021 relatif au contrat de mission scientifique

CDI de projet/d'opération :

- Modalités d'application de l'article L. 431-4 du code de la recherche, notamment la nature des projets ou des opérations de recherche pouvant bénéficier d'un tel contrat, ainsi que la proportion maximale des salariés sous contrat de projet ou d'opération par rapport à l'effectif global de l'établissement ou de la fondation.

- Modalités de recrutement et de rupture du contrat, telles que les contreparties en termes de rémunération et d'indemnité de licenciement accordées au salarié et les modalités d'accompagnement des salariés dont le contrat s'est achevé ainsi que celles de mise en oeuvre d'une indemnité de rupture lorsque le projet ou l'opération ne peut pas se réaliser.

10,2°

Code de la recherche L431-4

publié

Décret n° 2021-1299 du 5 octobre 2021 relatif au contrat de projet ou d'opération de recherche

Poursuite d'activités après l'âge de départ à la retraite :

- Liste des appels à projet permettant, s'ils sont responsables d'un appel à projet lauréat, aux professeurs de l'enseignement supérieur, aux directeurs de recherche, aux maîtres de conférences, aux chargés de recherche et aux personnels titulaires de l'enseignement supérieur assimilés aux maîtres de conférences et aux professeurs d'université pour les élections à l'instance nationale mentionnée à l'article L. 952-6, d'être maintenus en activité au-delà de la date à laquelle ils atteignent la limite d'âge qui leur est applicable jusqu'à l'achèvement du projet de recherche et de développement technologique pour lequel ils ont été lauréats, et pour une durée maximale de cinq ans.

- Durée de l'éméritat qui permet à un directeur de recherche admis à la retraite de continuer à apporter un concours aux missions prévues à l'article L. 411-1 du code de la recherche et droits attachés à ce titre.

14,I,3°

14,III

Code de l'éducation L952-10

Code de l'éducation L952-11

Code de la recherche L422-2

publiés

Décret n° 2021-756 du 12 juin 2021 fixant la liste des appels à projets de recherche et de développement technologique ouvrant droit à une demande de report de départ à la retraite des enseignants-chercheurs ou chercheurs responsables de tels appels à projets

Décret n° 2021-1423 du 29 octobre 2021 relatif à l'éméritat des professeurs des universités et des maîtres de conférences

Décret n° 2021-1422 du 29 octobre 2021 modifiant les règles relatives à l'éméritat des directeurs de recherche

Établissements avec mission de recherche :

Liste des établissements publics dont les statuts prévoient une mission de recherche.

16,I,1°

Code de la recherche L112-6

publié

Décret n° 2021-882 du 1 er juillet 2021 fixant la liste des établissements publics dont les statuts prévoient une mission de recherche (consolidé)

Confidentialité et publicité des évaluations :

Règles de confidentialité et de publicité des évaluations dont font l'objet les organismes publics de recherche et les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel, dans le respect des dispositions de l'article L. 114-1-1 du code de la recherche.

16,I,4°

Code de la recherche L114-2

publié

Décret n° 2021-1537 du 29 novembre 2021 définissant les règles de confidentialité et de publicité applicables aux évaluations mentionnées à l'article L. 114-2 du code de la recherche

HCERES :

- Conditions dans lesquelles le Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur assure une coordination de l'action des instances d'évaluation nationales dans les domaines de la recherche et de l'enseignement supérieur, à l'exception des instances chargées de l'évaluation des personnels, dans le respect des caractéristiques particulières des missions exercées par ces instances nationales.

- Transformation du HCERES en Autorité Publique Indépendante

16,I,6°,o) et 16,III,B

Code de la recherche L114-3-1

Code de la recherche L114-3-6

publiés

Décret n° 2022-225 du 22 février 2022 pris pour l'application de l'article L. 114-3-1 du code de la recherche relatif à la coordination des instances d'évaluation nationales par le Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur

Décret n° 2021-1536 du 29 novembre 2021 relatif à l'organisation et au fonctionnement du Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur

Intégrité scientifique :

Conditions d'application des dispositions de l'article L. 211-2 du code de la recherche relatives aux exigences de l'intégrité scientifique visant à garantir leur caractère honnête et scientifiquement rigoureux et à consolider le lien de confiance avec la société que doivent respecter les travaux de recherche.

16,I,11°

Code de la recherche L211-2

publié

Décret n° 2021-1572 du 3 décembre 2021 relatif au respect des exigences de l'intégrité scientifique par les établissements publics contribuant au service public de la recherche et les fondations reconnues d'utilité publique ayant pour activité principale la recherche publique

Campus Condorcet :

- Liste des membres de l'établissement public Campus Condorcet, modalités permettant de prononcer l'accueil d'un nouveau membre et le retrait ou l'exclusion d'un membre, modalités de représentation des membres dans les conseils, ainsi que conditions d'organisation et de fonctionnement de l'établissement. Compétences que l'établissement peut exercer par délégation des établissements et des organismes membres.

17,I

Code de la recherche L345-7

publié

Décret n° 2021-1315 du 8 octobre 2021 relatif à l'établissement public Campus Condorcet

Préciput ANR :

Conditions dans lesquelles, dans le cas d'un projet mené en commun par plusieurs établissements participant au service public de la recherche, le préciput est réparti entre ces établissements.

21,4°

Code de la recherche L329-5

publié

Décret n° 2021-1628 du 11 décembre 2021 relatif à la répartition d'un préciput entre les établissements participant au service public de la recherche lauréats d'un appel à projets financé par l'Agence nationale de la recherche

Déclarations d'intérêts :

- Conditions d'application de l'article L. 411-5 du code de la recherche relatif à l'obligation pour toute personne qui participe directement au service public de la recherche d'établir une déclaration d'intérêts préalablement à l'exercice d'une mission d'expertise auprès des pouvoirs publics et du Parlement.

23

Code de la recherche L411-5

publié

Décret n° 2021-1448 du 4 novembre 2021 relatif à la déclaration d'intérêts préalable à l'exercice d'une mission d'expertise prévue par l'article L. 411-5 du code de la recherche

Activités accessoires :

- Conditions d'application de la dérogation au IV de l'article 25 septies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires selon laquelle l'exercice d'une activité accessoire par les personnels de l'enseignement supérieur relevant du présent titre fait l'objet d'une déclaration à l'autorité dont ils relèvent.

36, I & II

Code de l'éducation L951-5 et Code de la recherche L411-3-1

publié

Décret n° 2021-1424 du 29 octobre 2021 relatif à la déclaration de certaines activités accessoires par les personnels de l'enseignement supérieur et les personnels de la recherche

Congé enseignement-recherche :

- Délais dans lesquels le salarié informe l'employeur de la date à laquelle il souhaite partir en congé ou, en cas de passage à temps partiel, de la date de début de la période de travail à temps partiel et de l'amplitude de la réduction souhaitée de son temps de travail, ainsi que de la durée envisagée de ce congé ou de cette période. Conditions et délais de la demande de prolongation de ce congé ou de cette période de travail à temps partiel. Conditions dans lesquelles le salarié informe l'employeur de son intention de poursuivre ou de rompre son contrat de travail à l'issue de son congé ou de sa période de travail à temps partiel.

- Niveau de salariés absents au titre du congé dans l'entreprise et de jours d'absence prévus au titre de ce congé, pour lequel l'employeur peut différer le départ ou le début de la période de travail à temps partiel.

26,I

Code du travail L3142-130

publié

Décret n° 2021-1332 du 12 octobre 2021 relatif au congé d'enseignement ou de recherche

Université des Antilles :

Modalités selon lesquelles, en cas de vacance d'un siège au conseil d'administration de l'université des Antilles, un nouveau membre est désigné pour la durée du mandat restant à courir, sauf si la vacance intervient moins de huit mois avant le terme du mandat.

34,I,13°

Code de l'éducation L781-1

publié

Décret n° 2021-783 du 17 juin 2021 portant dispositions applicables à l'université des Antilles et à l'université de la Guyane

Institut de France et Académies :

- Conditions d'application de l'article 37-1 de la loi de programme n° 2006-450 du 18 avril 2006 pour la recherche relatif à la possibilité pour l'Institut de France, l'Académie française, l'Académie des inscriptions et belles-lettres, l'Académie des sciences, l'Académie des beaux-arts et l'Académie des sciences morales et politiques, après avis conforme du receveur des fondations et par convention écrite, de confier à un organisme public ou privé l'encaissement de recettes ou le paiement de dépenses.

- Montant au-delà duquel les dons et legs avec charges, que peuvent recevoir l'Institut de France et les académies, sont autorisés par décret en Conseil d'État.

35,I,1° et 2°

publiés

Décret n° 2021-820 du 25 juin 2021 portant dispositions relatives aux conventions de mandat conclues par l'Institut de France et les académies avec des tiers

Décret 2021-288 du 16 mars 2021

Césure comme stage :

Conditions dans lesquelles, par dérogation au troisième alinéa de l'article L. 124-1 et à l'article L. 124-3 du code de la recherche, les périodes de césure prévues à l'article L. 611-12 du code précité peuvent se dérouler sous forme de stage.

37,I,1°

Code de l'éducation L124-1-1

publié

Décret n° 2021-1154 du 3 septembre 2021

Handicap Master :

Conditions dans lesquelles, lorsque la situation d'un candidat le justifie, eu égard à des circonstances exceptionnelles tenant à son état de santé ou à son handicap, l'autorité académique, saisie par ce candidat, peut procéder au réexamen de sa candidature.

40

Code de l'éducation L612-6

publié

Décret n° 2021-752 du 11 juin 2021 relatif aux conditions dans lesquelles les étudiants demandent le réexamen de leurs candidatures en première année d'une formation conduisant au diplôme national de master en raison de leur état de santé ou de leur handicap

Règles de reclassement :

Modalités selon lesquelles les modifications apportées, postérieurement à la date de publication de la présente loi, aux règles de classement des chargés de recherche et des maîtres de conférences régis respectivement par les dispositions du livre IV du code de la recherche et du titre V du livre IX du code de l'éducation peuvent ouvrir aux agents titularisés dans ces corps avant l'entrée en vigueur de ces modifications et classés dans le premier grade de leur corps le bénéfice d'un reclassement rétroactif.

47

publiés

Décret n° 2022-262 du 25 février 2022 modifiant les dispositions statutaires communes aux corps de fonctionnaires des établissements publics scientifiques et technologiques

Décret n° 2022-334 du 8 mars 2022 modifiant les règles de classement des personnes nommées dans les corps d'enseignants-chercheurs des établissements publics d'enseignement supérieur et de recherche relevant du ministre chargé de l'enseignement supérieur

Écoles vétérinaires privées :

Conditions d'application de l'article L. 813-11 du code rural et de la pêche maritime relatif à l'agrément des établissements d'enseignement supérieur privés à but non lucratif relevant de l'article L. 813-10 du code précité et reconnus d'intérêt général pour assurer une formation préparant au diplôme d'État de docteur vétérinaire.

45,I,4°

Code rural L813-11

publié

Décret n° 2021-1519 du 23 novembre 2021 relatif à la formation des vétérinaires et modifiant diverses dispositions du code rural et de la pêche maritime

2. Les ordonnances : toutes ont été publiées

Les sept ordonnances prévues par la LPR ont été publiées. Leurs projets de loi de ratification ont également tous été déposés auprès du Parlement .

Objet

Article LPR

Référence de l'ordonnance

Projet de loi de ratification

Licences collectives :

Modifier les dispositions du code de la propriété intellectuelle aux fins de permettre l'octroi de licences collectives ayant un effet étendu, au sens de l'article 12 de la directive (UE) 2019/790 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 sur le droit d'auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique et modifiant les directives 96/9/CE et 2001/29/CE, en vue d'autoriser l'utilisation d'oeuvres relevant des arts visuels, à des fins exclusives d'illustration de publications, ou de travaux, diffusés en ligne sans restriction d'accès, dans le cadre d'une activité de recherche et d'enseignement supérieur publics, à l'exclusion de toute activité à but lucratif.

Cette autorisation assure des conditions de sécurité juridique pour les utilisateurs, sans préjudice des droits patrimoniaux et moraux attachés à ces oeuvres.

28

Ordonnance n° 2021-1518 du 24 novembre 2021 complétant la transposition de la directive 2019/790 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 sur le droit d'auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique et modifiant les directives 96/9/CE et 2001/29/CE

Projet de loi de ratification déposé au Sénat, n° 542, le 23 février 2022.

Dévolutions d'actifs :

Organiser la dévolution des droits de propriété intellectuelle sur les actifs obtenus par des auteurs de logiciels ou inventeurs accueillis au sein d'une entité réalisant de la recherche et qui ne sont ni des salariés ni des agents publics.

44

Ordonnance n° 2021-1658 du 15 décembre 2021 relative à la dévolution des droits de propriété intellectuelle sur les actifs obtenus par des auteurs de logiciels ou inventeurs non-salariés ni agents publics accueillis par une personne morale réalisant de la recherche

Projet de loi de ratification déposé au Sénat, n° 440, le 2 février 2022.

Micro-OM et biotechnologies :

Simplifier, dans le respect de la directive n° 2009/41/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 mai 2009 relative à l'utilisation confinée de microorganismes génétiquement modifiés, la procédure applicable aux utilisations confinées de risque nul ou négligeable d'organismes génétiquement modifiés.

Redéfinir les modalités selon lesquelles les avis et recommandations relatifs aux biotechnologies sont élaborés, dans une organisation qui s'appuiera notamment, pour les missions d'évaluation des risques et l'analyse socioéconomique, sur l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, et qui visera par ailleurs à améliorer les conditions de mise en oeuvre du débat public ainsi que la prise en compte des questions éthiques.

44

Ordonnance n° 2021-1325 du 13 octobre 2021 réformant l'évaluation des biotechnologies et simplifiant la procédure applicable aux utilisations confinées d'organismes génétiquement modifiés présentant un risque nul ou négligeable

Projet de loi de ratification déposé au Sénat, texte n° 378, le 24 janvier 2022, renvoyé devant la commission aménagement du territoire et développement durable

Semences, herbicides :

Modifier le code de l'environnement, le code rural et de la pêche maritime et le code de la consommation afin de prévoir les modalités de traçabilité et les conditions de l'utilisation des semences des variétés rendues tolérantes aux herbicides et des produits issus.

44

Ordonnance n° 2021-1659 du 15 décembre 2021 relative aux variétés rendues tolérantes aux herbicides

Projet de loi de ratification déposé au Sénat, texte n° 572, le 9 mars 2022.

Cohérences entre codes :

Assurer la cohérence du code de l'éducation et du code de la recherche avec les lois non codifiées et avec les dispositions de la présente loi, abroger les dispositions obsolètes ou devenues sans objet de ces mêmes codes et supprimer les dispositions relatives à la carte des formations supérieures.

44

Ordonnance n° 2021-1747 du 22 décembre 2021 portant suppression de la carte des formations supérieures, mettant en cohérence et abrogeant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur et étendant certaines dispositions relatives aux mêmes domaines à Wallis-et-Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie

Projet de loi de ratification déposé au Sénat, texte n° 653, le 8 juin 2022.

Outremer :

Étendre l'application des dispositions de la présente loi en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, le cas échéant avec les adaptations nécessaires.

44

Ordonnance 2021-552 du 5 mai 2021 portant actualisation et adaptation des dispositions du code de l'éducation relatives à l'outre-mer

Projet de loi de ratification déposé à l'Assemblée nationale, n° 4360, le 13 juillet 2021.

Opérations spatiales :

Compléter et adapter les dispositions relatives aux activités et opérations spatiales et aux services qui y concourent, aux seules fins de garantir la protection des intérêts de la défense nationale, en précisant en particulier les conditions dans lesquelles l'État peut agir en qualité d'opérateur spatial ainsi que les règles de recueil et de diffusion des données d'origine spatiale, et favoriser aux mêmes fins la recherche et le développement en matière spatiale.

44

Ordonnance n° 2022-232 du 23 février 2022 relative à la protection des intérêts de la défense nationale dans la conduite des opérations spatiales et l'exploitation des données d'origine spatiale

Projet de loi de ratification déposé au Sénat, n° 579, le 16 mars 2022.

3. Les arrêtés : deux sur quatre ne sont pas encore parus

Deux des quatre arrêtés prévus par la LPR ont été publiés , ceux relatifs aux conventions d'accueil des chercheurs étrangers et à l'établissement Campus Condorcet, soit un taux de publication de 50 % .

L'arrêté relatif au serment du docteur à l'issue de la soutenance de thèse devrait l'être très prochainement , pour une entrée en application de la mesure à la rentrée universitaire 2022.

L'arrêté relatif à la diversification du recrutement des étudiants par les établissements d'enseignement supérieur est, quant à lui, toujours en cours d'élaboration .

Objet

Article LPR

Article codifié

État d'avancement

Texte réglementaire

Convention d'accueil :

« Après la première phrase du 4° de l'article L. 313-20, est insérée une phrase ainsi rédigée : Cette convention d'accueil peut être conclue par l'étranger qui a signé la convention de séjour de recherche prévue à l'article L. 434- 1 du code de la recherche et qui bénéficie d'un financement au moins équivalent à la rémunération minimale, hors prise en compte des charges sociales afférentes, fixée par arrêté des ministres chargés de l'enseignement supérieur et de la recherche portant rémunération des doctorants. »

12

Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile L313-20

publié

Arrêté du 11 octobre 2021 modifiant l'arrêté du 29 août 2016 fixant le montant de la rémunération du doctorant contractuel

Campus Condorcet :

« Les dispositions du c du 3o du II du présent article entrent en vigueur progressivement à partir de l'année 2021. Pour chaque année entre 2021 et 2023, un arrêté des ministres chargés de l'enseignement supérieur et de la recherche fixe les nouveaux contrats pluriannuels pour lesquels ces dispositions s'appliquent. »

« L'établissement public Campus Condorcet est administré par un conseil d'administration, qui détermine sa politique, approuve son budget et en contrôle l'exécution. Le conseil d'administration comprend : [...] 7° Des personnalités qualifiées désignées par arrêté conjoint des ministres de tutelle de l'établissement. [...] »

16 et 17

Code de la recherche, L345-3

publié

Arrêté du 22 avril 2022 portant nomination au conseil d'administration de l'établissement public Campus Condorcet

Serment du docteur :

« [...] À l'issue de la soutenance de la thèse, le candidat doit prêter serment en s'engageant à respecter les principes et les exigences de l'intégrité scientifique, dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la recherche. [...] »

18

Code de l'éducation, article L612-7

en cours de finalisation (passage au CNESER le 14 juin 2022), sera intégré dans les modifications de l'arrêté sur la formation doctorale de 2016 pour une application à la rentrée 2022-2023

Recrutement diversifié des étudiants :

[...] « Des modalités particulières d'admission destinées à assurer un recrutement diversifié des étudiants sont mises en oeuvre par les établissements dispensant une formation d'enseignement supérieur relevant des différents départements ministériels, à l'exception des établissements assurant la formation des agents publics dont la liste est fixée par arrêté du Premier ministre. Ces modalités, qui visent à assurer une mixité sociale et géographique, sont fixées par les autorités compétentes pour déterminer les modalités d'accès aux formations dans des conditions et selon des objectifs fixés par arrêtés des ministres de tutelle des établissements. » [...]

37

Code de l'éducation, article L124-1-1

non publié

4. La remise des rapports du Gouvernement au Parlement

Parmi les rapports du Gouvernement au Parlement prévus par la LPR, trois devaient être remis avant le mois de mai 2022 .

Deux d'entre eux, mentionnés à l'article 2 de la loi (rapport annuel sur l'évolution des crédits 2020-2030 et rapport annuel sur l'évolution de la mise en oeuvre de la LPR) et agrégés en un seul document, sont sur le bureau de la nouvelle ministre.

Le troisième rapport , relatif aux politiques menées en faveur du dialogue entre sciences, recherche et société, culture scientifique technique et industrielle (article 48 de la LPR), a été transmis au Sénat le 20 novembre 2021 .

II. UNE PROGRAMMATION BUDGÉTAIRE CONFORMÉMENT MISE EN oeUVRE EN 2021 ET 2022, MAIS DONT L'ACTUALISATION S'IMPOSERA EN 2023 À L'OCCASION DE LA CLAUSE DE REVOYURE

A. UNE TRAJECTOIRE BUDGÉTAIRE, À CE STADE, RESPECTÉE ET CARACTÉRISÉE PAR LA MONTÉE EN CHARGE FINANCIÈRE DE L'AGENCE NATIONALE DE LA RECHERCHE

La trajectoire budgétaire de la LPR

La programmation budgétaire, qui constitue le coeur de la LPR (article 2), planifie une augmentation progressive de 5 milliards d'euros du budget de la recherche publique en dix ans . Sur ce montant, 1 milliard d'euros est destiné à l'Agence nationale de la recherche (ANR) afin d'accroître ses capacités d'intervention.

Trois programmes budgétaires, appartenant à la mission « Recherche et enseignement supérieur » (Mires), sont destinataires des hausses prévisionnelles de crédits : le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires », le programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » et le programme 193 « Recherche spatiale ».

Trajectoire budgétaire prévisionnelle entre 2021 et 2030

(en millions d'euros)

Source : rapport général sur le projet de loi de finances (PLF) pour 2021 du rapporteur spécial pour la recherche de la commission des finances du Sénat, à partir de l'étude d'impact de la LPR

Lors de l'examen du projet de loi, le Sénat avait jugé :

- la durée de programmation de dix ans trop longue, donc peu sincère au regard des nombreux aléas politiques et économiques qui peuvent jalonner une décennie ;

- la montée en charge financière trop faible durant les premières années (de l'ordre de 400 millions d'euros par an contre 600 millions d'euros par an en fin de programmation), donc peu crédible puisque faisant porter aux futurs gouvernements l'essentiel de l'effort budgétaire.

Bien que sa proposition de ramener la durée de la programmation à sept ans n'ait pas abouti, le Sénat a réussi à corriger la trajectoire de court terme en faisant intégrer, dans la programmation, les 428 millions d'euros supplémentaires prévus pour l'ANR en 2021 et 2022 au titre du plan de relance . Par souci de transparence budgétaire, le Sénat a également obtenu l'inscription, dans la programmation relative à l'ANR, de l'enveloppe de 100 millions d'euros destinée à « la préservation de l'emploi de R&D », mesure du plan de relance dont la gestion est confiée à l'Agence.

La programmation budgétaire pour l'ANR (en M€, par rapport à 2020)

Source : LPR

1. Deux premières « marches » budgétaires conformes à la programmation

La loi de finances initiale (LFI) pour 2021 et la LFI pour 2022 ont constitué les deux premiers supports de mise en oeuvre de la programmation budgétaire de la LPR.

• La LFI pour 2021 , dont l'examen a été concomitant à celui de la LPR, a ouvert 389 millions d'euros de plus qu'en 2020 au titre de la première annuité de la programmation, dont :

- 224 millions d'euros sur le programme 172 , destinés à redonner des marges de manoeuvre budgétaires aux organismes de recherche, à accroître les capacités d'intervention de l'ANR et à augmenter les financements de base des laboratoires de recherche ;

- 165 millions d'euros sur le programme 150 , fléchés sur les revalorisations indemnitaires et les mesures statutaires.

Ces évolutions sont conformes à la trajectoire définie par la loi de programmation 1 ( * ) .

• La LFI pour 2022 a ouvert 497,4 millions d'euros de plus qu'en 2021 au titre de la deuxième annuité de la programmation, dont :

- 334 millions d'euros sur le programme 172 2 ( * ) , destinés à soutenir les organismes de recherche, à poursuivre la montée en charge de l'ANR, à augmenter les moyens des laboratoires, à financer les très grandes infrastructures de recherche nationales et internationales ;

- 137 millions d'euros sur le programme 150 , consacrés à la poursuite du financement des revalorisations indemnitaires et des mesures statutaires ;

- 26,4 millions d'euros sur le programme 193 , dédié à la recherche spatiale.

Pour les programmes 172 et 150, ces évolutions correspondent à la trajectoire de la LPR 3 ( * ) .

Le programme 193 progresse, en affichage, moins que prévu (+ 26,4 millions contre + 76 millions d'euros), mais il devrait bénéficier d'un abondement supplémentaire en gestion, depuis le programme 146 de la mission « Défense », qui devrait permettre le respect des engagements pris.

2. Les effets de la montée en charge financière de l'ANR sur les taux de succès et le préciput

• En 2021, conformément à la programmation prévue par la LPR, l'ANR a bénéficié d'une hausse de 424 millions d'euros (en autorisations d'engagement) de sa dotation par rapport à 2020 , dont 117 millions d'euros au titre de la LPR stricto sensu ( via le programme 172) et 286 millions d'euros au titre du plan de relance - crédits intégrés, à la demande du Sénat, à la trajectoire -, auxquels s'est ajouté un abondement de 21 millions d'euros au titre des Instituts Carnot.

Le budget d'intervention de l'Agence est ainsi passé de 746 millions à 1,19 milliard d'euros (en autorisations d'engagement), un niveau inédit depuis sa création .

• En 2022, les crédits destinés à l'ANR au titre de la LPR ( via le programme 172) devraient progresser de 158 millions d'euros (en autorisations d'engagement). En incluant les crédits alloués dans le cadre du plan de relance, la dotation globale qui lui est versée augmenterait de 438 millions d'euros (en autorisations d'engagement) par rapport à 2020 , permettant au budget d'intervention de l'Agence d'atteindre 1,2 milliard d'euros .

Évolution du budget de l'ANR en 2021 et en 2022

(en autorisations d'engagement)

Source : rapport général sur le projet de loi de finances (PLF) pour 2022 du rapporteur spécial pour la recherche de la commission des finances du Sénat, à partir de l'étude d'impact de la LPR

Ce renforcement des moyens de l'ANR a rendu possible, dès 2021, l'enclenchement de la dynamique prévue par la LPR en termes d'augmentation du taux de succès aux appels à projets et de relèvement du préciput .

a) Une augmentation très encourageante du taux de succès aux appels à projets

Élément central du financement de la recherche sur projets, le niveau du taux de succès aux appels à projets - descendu à 10 % en 2014, puis remonté progressivement jusqu'à atteindre 17 % en 2020 - constitue l'une des explications au décrochage de la recherche française dans les comparaisons internationales. Pour amplifier l'évolution positive des dernières années, la LPR fixe un objectif de progression en deux phases : un premier palier en 2021 afin d'atteindre un taux de sélection de 23 %, puis un second palier à partir de 2024 pour atteindre progressivement la cible de 30 % en 2027.

Selon les données consolidées de l'ANR, sur l'ensemble des appels à projets de son plan d'action (totalité des appels à projets hors programme d'investissements d'avenir - PIA -/France 2030) , le taux de succès s'élève à 23,1 % en 2021, contre 19,2 % en 2020 . Le premier palier est donc atteint . Ce taux correspond à 2 291 projets financés, soit 579 de plus qu'en 2020 .

S'agissant plus spécifiquement de l'appel à projets générique (AAPG) - principal appel à projets de l'ANR, s'adressant à tous les acteurs publics ou privés impliqués dans la recherche française -, le taux de succès atteint 22,7 % en 2021 , soit un niveau proche du taux-cible de 30 % visé pour l'ensemble des appels à projets.

1 779 projets ont été soutenus en 2021 sur l'AAPG, soit 550 de plus qu'en 2020 . Le financement moyen par projet (430 000 euros) enregistre une augmentation de 8,3 % . Les projets retenus se répartissent de la manière suivante selon les disciplines :

Répartition budgétaire par domaine disciplinaire

Source : Agence nationale de la recherche

D'après les prévisions de l'ANR, la dotation qui lui est allouée cette année, sous l'effet combiné de la LPR et du plan de relance, devrait permettre de maintenir le taux de sélection à 23 % sur l'ensemble des appels à projets 2022 du plan d'action .

*

L'augmentation des capacités d'intervention de l'ANR et le relèvement du taux de succès qui en découle constituent l'un des premiers et principaux effets immédiats de la LPR, dont les rapporteurs se félicitent . L'ensemble des représentants des organismes de recherche qu'ils ont auditionnés ont d'ailleurs unanimement fait part de leur satisfaction sur cette évolution très attendue.

À titre d'exemples :

- l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) a, en 2021, doublé le nombre de projets sélectionnés auprès de l'ANR, passant d'une moyenne de 214 projets sélectionnés annuellement sur 2016-2020 à 424 en 2021. Ce doublement du nombre de projets retenus se traduit également par un doublement du volume financier qu'ils représentent, celui-ci étant passé d'une moyenne de 41 millions d'euros sur 2016-2020 à 81 millions d'euros en 2021 ;

- l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) a, en 2021, vu 157 de ses projets retenus par l'ANR, représentant un volume financier de 36 millions d'euros, contre 125 projets sélectionnés en 2020 pour un montant de 29 millions d'euros.

b) Les points de vigilance des rapporteurs sur l'évolution du taux de succès

Bien qu'ils jugent l'augmentation à 23 % du taux de succès aux appels à projets très encourageante, les rapporteurs appellent à la vigilance sur trois points :

- premièrement, si l'atteinte du premier palier laisse penser que l'objectif de parvenir à 30 % en 2027 est raisonnablement atteignable, cela suppose toutefois que le nombre de projets déposés ne connaisse pas une augmentation trop importante , la hausse du taux de sélection étant susceptible de provoquer un afflux de projets supplémentaires 4 ( * ) : de l'avis même du président-directeur général de l'ANR, l'évolution du nombre de projets déposés est un indicateur à surveiller de près ;

- deuxièmement, la période de forte inflation que le pays connaît rend central l'enjeu de l'augmentation du financement moyen par projet , étant entendu que l'augmentation du taux de sélection ne saurait se traduire par une baisse du financement moyen par projet ; il s'agit là d'un autre indicateur à suivre attentivement ;

- troisièmement, l'attention portée à l'augmentation de la participation des sciences humaines et sociales (SHS) aux appels à projets nécessite d'être maintenue , les premiers résultats de la stratégie de l'ANR en la matière 5 ( * ) étant prometteurs (augmentation de l'ordre de 20 % du dépôt des projets SHS à l'AAPG 2022).

c) Un relèvement et une nouvelle répartition du préciput respectueux des engagements pris

Défini pour la première fois dans la loi (article 21 de la LPR), le préciput est un montant financier destiné à couvrir les coûts indirects des projets de recherche.

D'un taux jusqu'alors de 19 % - soit un niveau inférieur aux grands standards internationaux, ne suffisant pas à couvrir l'ensemble des coûts indirects -, le préciput doit, selon le rapport annexé de la LPR, atteindre 40 % en fin de programmation afin de répondre à trois besoins :

- un meilleur remboursement des frais indirects aux établissements gestionnaires et hébergeurs des projets de recherche ;

- le renforcement des crédits alloués directement aux laboratoires ;

- l'octroi de moyens supplémentaires aux établissements et aux sites pour conduire leur politique scientifique.

De ces objectifs découle une nouvelle répartition du préciput , prévue par la LPR et précisée par le décret n° 2021-1628 du 11 décembre 2021 :

• Conformément à ce qui avait été annoncé, le taux de préciput est passé de 19 % en 2020 à 25 % en 2021 :

- la part dédiée aux établissements gestionnaires a été relevée de 8 à 10 % ;

- la part attribuée aux établissements hébergeurs a été augmentée de 11 à 13 % ;

- une part de 2 % au bénéfice des laboratoires a été introduite.

Le montant total de préciput versé aux établissements, qui était de moins de 101 millions d'euros en 2020, a atteint 163 millions d'euros en 2021 , avec la répartition suivante :

- 85 millions d'euros pour la part « hébergeur » (contre 58 millions d'euros en 2020) ;

- 65 millions d'euros pour la part « gestionnaire » (contre 42 millions d'euros en 2020) ;

- 13 millions d'euros pour la part « laboratoire ».

Pour 2022 , l'ANR a pris la décision, en novembre dernier, de poursuivre cette augmentation en portant le taux global de préciput à 28,5 % .

En application du décret relatif à la répartition du préciput, celui-ci sera désormais réparti en quatre parts :

- la part « gestionnaire » va passer à 10,5 % ;

- la part « hébergeur » à 13,5 % ;

- la part laboratoire à 2,5 % ;

- une part dédiée au site va être créée, à 2 %.

Selon les prévisions de l'ANR, le montant total de préciput devrait dépasser les 200 millions d'euros cette année .

*

Le relèvement du préciput et sa nouvelle clef de répartition constituent le deuxième effet de la LPR à court terme, dont les rapporteurs saluent la concrétisation .

d) Les bémols des rapporteurs au nouveau préciput

Même si la dynamique enclenchée est conforme aux prévisions et de bon augure pour la suite de la programmation, les rapporteurs émettent deux bémols.

Tout d'abord, les retombées de l'augmentation mise en oeuvre en 2021 semblent moins immédiatement perceptibles par les acteurs de la recherche que celles résultant de la hausse du taux de sélection, effet que certains d'entre eux imputent au caractère « relativement voire trop modeste » du relèvement du taux .

À ce stade, le nouveau taux de préciput n'est, il est vrai, pas en mesure de couvrir l'intégralité des frais pris en charge par les organismes, ni de participer à un rééquilibrage de la structure de financement des projets de recherche (entre crédits de base et crédits sur appels à projets) via la part attribuée directement aux laboratoires - argument qui avait pourtant été mis en avant par le Gouvernement lors de l'examen de la LPR.

Ensuite, le nouveau système de répartition, d'abord tri- puis quadripartite, qui a fait l'objet d'âpres négociations, est pour le moins complexe, difficilement lisible et source de « lobbying » . L'introduction, en 2022, d'une part « site » suscite en outre toujours beaucoup d'interrogations : n'est-ce pas un détournement de la finalité du préciput que d'en flécher une partie pour inciter aux politiques de site, qui relèvent de la stratégie des établissements ? Avec la diversité et les chevauchements des formes de coopération entre établissements (établissements expérimentaux, associations, Comue, Idex, Isite, contrats de site...), comment définit-on un site ou une action de site ?

3. Une augmentation conforme mais timide des dotations de base des laboratoires de recherche

Comme annoncé par la ministre Frédérique Vidal lors de l'examen de la LPR, les crédits « de base » des laboratoires - c'est-à-dire les financements récurrents qui leur sont alloués - ont bien augmenté de 10 % en 2021 .

Si les représentants des directeurs de laboratoires jugent cette hausse « bienvenue » , ils regrettent qu'elle ne soit pas d'ampleur à rattraper le retard accumulé depuis des dizaines d'années, sans compter qu'elle est déjà en partie grevée par l'inflation. Ils soulignent en outre le manque de garantie sur l'effectivité des hausses qui avaient été annoncées pour 2022 (+ 5 %) et 2023 (+ 10 %).

Dans la continuité de la position défendue par le Sénat lors de l'examen de la LPR, les rapporteurs rappellent la nécessité de trouver un équilibre entre financements pérennes et financements sur projets afin de préserver le temps long nécessaire à la recherche fondamentale .

4. La signature de premiers contrats d'objectifs, de moyens et de performance entre les organismes de recherche et l'État

Dans le contexte de déploiement de la LPR, et conformément à ce qui avait été annoncé, des contrats intégrant une dimension budgétaire ont commencé à voir le jour entre l'État et les grands opérateurs de recherche.

Le premier contrat d'objectifs, de moyens et de performance (COMP) a ainsi été signé le 4 février 2022 entre l'Inserm et l'État . Couvrant la période 2021-2025, ce COMP est, s'agissant de son volet financier, la traduction concrète de la LPR : la trajectoire financière qui y est inscrite s'appuie en effet sur trois sources de financement, dont les deux principales (les crédits en provenance du programme 172 et les financements issus de l'ANR) sont directement liées à la mise en oeuvre de la loi de programmation. Le COMP de l'Inserm intègre aussi l'augmentation des moyens dédiés aux « ressources humaines » (augmentation du nombre de titulaires et revalorisation indemnitaire), permise par la LPR.

Le deuxième COMP a été conclu entre l'Inrae et l'État le 1 er mars 2022, pour la période 2022-2026. Comme pour l'Inserm, il s'agit de la première fois que les objectifs stratégiques fixés à l'Inrae sont accompagnés d' un volet pluriannuel de moyens supplémentaires, lequel s'inscrit dans la trajectoire portée par la LPR (augmentation des crédits en provenance du programme 172 et hausse des financements de l'ANR). Sur le plan des ressources humaines, le COMP prévoit le maintien des effectifs permanents de l'Inrae, évolution inédite après dix années d'érosion continue.

Des discussions sont par ailleurs en cours entre le CNRS et l'État au sujet d'un éventuel COMP , que le PDG du CNRS appelle de ses voeux.

De l'avis des dirigeants des grands organismes de recherche auditionnés, ces COMP doivent être l'occasion d'un véritable dialogue stratégique avec leur tutelle et d'une programmation pluriannuelle des moyens qui leur sont attribués, deux aspects qui faisaient jusqu'à présent défaut.

*

Pour les rapporteurs, cette nouvelle forme de contractualisation, intégrant une programmation pluriannuelle des moyens, permet de responsabiliser davantage les opérateurs, tout en leur donnant plus de visibilité budgétaire à moyen terme. Son déploiement à d'autres organismes de recherche mérite donc d'être encouragé et son extension à certains établissements d'enseignement supérieur étudiée .

B. UNE TRAJECTOIRE D'EMPLOIS 2021 NETTEMENT INFÉRIEURE AUX PRÉVISIONS ET DONT LE DISPOSITIF DE SUIVI N'A PAS ÉTÉ FORMELLEMENT MIS EN oeUVRE

Dans son rapport annexé, la LPR prévoit une croissance des emplois sous plafond de l'État et des opérateurs de recherche dépendant du Mesri, selon la trajectoire suivante :

Incidence de la LPPR sur les effectifs sous plafond de l'État
et des opérateurs dépendant du Mesri

(en ETPT et en écart à 2020)

2021

2022

2023

2024

2025

2026

2027

2028

2029

2030

+ 700

+ 1 350

+ 2 000

+ 2 650

+ 3 150

+ 3 600

+ 4 000

+ 4 400

+ 4 800

+ 5 200

Source : rapport annexé à la loi de programmation

En 2021 :

- pour le programme 172, alors que la prévision de croissance des emplois était de + 315 ETPT, l'exécution n'a été que de + 206 ETPT ;

- pour le programme 150, alors que la prévision de croissance des emplois était de + 385 ETPT, l'exécution n'a été que de + 170 ETPT.

Au total, + 376 ETPT ont été créés en 2021 contre + 700 ETPT prévus, soit un taux de réalisation de l'objectif affiché pour la première annuité de la LPR de 53,7 % .

Selon le ministère, ce résultat s'expliquerait par le fait que de nombreux textes réglementaires relatifs aux mesures « ressources humaines » n'ont été publiés que courant voire fin d'année 2021, n'ayant pas permis le plein déploiement des dispositifs concernés (en particulier, l'augmentation du nombre de contrats doctoraux et la création des chaires de professeur junior (CPJ)).

Les rapporteurs s'étonnent de cet argument qui consiste à faire reposer les créations de postes principalement sur les contrats doctoraux supplémentaires et le nouveau dispositif des CPJ . Pour ce dernier, le Gouvernement avait en effet donné l'assurance qu'il s'agirait d'une voie de recrutement complémentaire à la voie traditionnelle du recrutement sur concours, laquelle devait être la principale concernée par les créations de postes (en effet, le volume de CPJ étant calculé par rapport au nombre de postes créés, il ne peut théoriquement pas y avoir de CPJ sans création de postes de maître de conférences ou de chargé de recherches supplémentaires).

Les rapporteurs ont en outre souhaité savoir si le dispositif de suivi de la trajectoire d'emplois de la LPR , prévu par le rapport annexé et prenant la forme d'un plan pluriannuel de recrutements élaboré par chaque établissement dans le cadre du dialogue annuel de gestion avec le ministère, avait été mis en oeuvre .

Interrogé sur le sujet, le Mesri a indiqué que si les prévisions de recrutement par catégorie de personnels (titulaires, non titulaires, contractuels...) étaient bien abordées entre chaque établissement et le ministère dans le cadre du dialogue annuel de gestion, « il n'y avait pour autant pas de validation formelle d'un plan pluriannuel de recrutements » . Les rapporteurs estiment que cette absence formelle de plans de recrutements contrevient aux engagements de la LPR. En conséquence, ils demandent au Mesri de rapidement oeuvrer à l'application de cette disposition de la loi .

La mesure de préservation de l'emploi de R&D :
une montée en charge plus lente que prévu

L'enveloppe spécifique de 100 millions d'euros , prévue dans le cadre du plan de relance et ajoutée à la programmation budgétaire pour l'année 2021, vise à préserver ou créer plus de 2 000 emplois en R&D en renforçant les collaborations entre des entreprises et des laboratoires de recherche publique.

Concrètement, cette mesure permet la prise en charge d'une partie (entre 50 % et 80 %) de la rémunération des personnels du secteur de R&D privé, mis à disposition de laboratoires publics.

Selon l'ANR, qui s'est vu confier la gestion de ce dispositif, au 1 er avril 2022, 795 conventions de collaboration étaient signées, représentant 949 personnels, et 228 étaient en cours de procédure, représentant 149 personnels, soit 1 098 personnels potentiellement concernés au total .

À ce jour, le nombre de personnels privés effectivement mis à disposition de laboratoires publics ne s'établit toutefois qu'à 292 , loin derrière les 2 000 attendus.

Compte tenu de cette faible montée en charge, la mesure a été prolongée en 2022 , les entreprises et les laboratoires ayant jusqu'au 1 er juin de cette année pour déposer leurs projets de collaboration et jusqu'au 1 er octobre pour les signer.

C. MALGRÉ DEUX PREMÈRES ANNUITÉS RESPECTUEUSES DE LA PROGRAMMATION BUDGÉTAIRE, PLUSIEURS SUJETS D'INQUIÉTUDE IDENTIFIÉS PAR LES RAPPORTEURS

1. Un effort budgétaire très largement absorbé par l'inflation, constat qui plaide pour un réexamen de la trajectoire en 2023, à l'occasion de la clause de revoyure

Dès l'examen de la LPR, le Sénat, par la voix de ses rapporteurs au fond et pour avis, avait alerté sur le fait que la programmation budgétaire proposée par le Gouvernement, établie en euros courants, ne tenait pas compte de l'évolution de l'indice des prix à la consommation . Or, selon les prévisions du consensus forecast et du rapport économique social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2021, une inflation relativement soutenue était prévue au cours des années à venir, atteignant 1,75 % en 2024.

Le rapporteur pour avis de la commission des finances, Jean-François Rapin, avait même indiqué qu'en euros constants, c'est-à-dire une fois neutralisés les effets de l'inflation, la hausse prévue par la loi de programmation serait cinq fois inférieure à ce qui était annoncé à horizon 2030 , les crédits dédiés à la recherche publique progressant de 1 milliard d'euros et non de 5 milliards d'euros. Et de conclure que si les prévisions d'inflation sur dix ans demeurent évidemment sujettes à caution, « elles permettent néanmoins d'appréhender l'impact potentiel des variables macroéconomiques sur la programmation budgétaire, mettant en exergue le caractère très incertain de la trajectoire retenue » .

Or, depuis le vote de la loi de programmation fin 2020, l'inflation connaît une forte dynamique pour plusieurs raisons : reprise économique consécutive à la crise liée à la pandémie de Covid-19, augmentation de la demande en énergie, déclenchement de la guerre en Ukraine... Après s'être établie à 1,6 % en moyenne en 2021, elle a continué à croître dans les premiers mois de 2022 pour atteindre 5,2 % en mai.

*

La recherche, comme l'ensemble des secteurs de l'économie, est touchée par cette conjoncture inflationniste . Tous les acteurs auditionnés, qu'il s'agisse des opérateurs ou des chercheurs eux-mêmes, ont fait part de leur inquiétude aux rapporteurs, soulignant que les efforts budgétaires permis par la LPR sont déjà en tout ou partie grevés par l'inflation .

C'est pourquoi les rapporteurs plaident, à l'occasion de la clause de revoyure prévue en 2023 (article 3 de la loi de programmation), pour un réexamen de la trajectoire au regard notamment de l'évolution du taux d'inflation. Cette actualisation devra à la fois poser la question de :

- la durée de la programmation : compte tenu du fait que plus celle-ci est longue, plus le risque que la trajectoire soit affectée par les aléas macroéconomiques est élevé, les rapporteurs, dans la continuité de la position défendue par le Sénat lors de l'examen de la LPR, sont favorables à ce que la programmation soit ramenée à sept ans, c'est-à-dire à 2027 . Et ce d'autant plus que la majeure partie des mesures non budgétaires de la LPR auront vraisemblablement été mises en oeuvre à cet horizon (excepté la deuxième phase du régime indemnitaire des personnels enseignants et chercheurs (RIPEC) dont le sort est lié à la réforme des retraites annoncée, cf. infra ) ;

- l'intensité de l'effort budgétaire : le « choc » de réinvestissement - que le retard de la France par rapport à la concurrence internationale rendait pourtant impératif - ne s'étant pas produit, les rapporteurs appellent à amplifier l'intensité des prochaines annuités de la LPR .

2. Un manque de visibilité sur l'effectivité des prochaines « marches » que le nouveau Gouvernement doit rapidement combler

C'est d'ailleurs sur l'effectivité des prochaines annuités de la LPR que se cristallisent nombre d'incertitudes voire de craintes des acteurs de la recherche. Le contexte électoral du premier semestre 2022, avec le possible changement de majorité que celui-ci comportait, n'a fait que renforcer ce sentiment, qui peut être résumé ainsi : les engagements ont, certes, jusqu'ici été tenus, mais qu'en sera-t-il à moyen terme ?

Aussi, les rapporteurs appellent-ils la nouvelle ministre à rapidement donner des garanties sur la suite de la mise en oeuvre de la programmation budgétaire et ses possibilités d'actualisation .

3. La question, toujours non traitée et pourtant centrale, du « glissement vieillesse technicité » (GVT), à laquelle la clause de revoyure devra impérativement répondre

Il convient de rappeler qu' au cours de la dernière décennie, la masse salariale des opérateurs de l'enseignement supérieur (universités) et de la recherche (établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST)) a considérablement augmenté sous l'effet de plusieurs facteurs salariaux (modernisation des « parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR), régime indemnitaire fondé sur les fonctions, les sujétions, l'expertise et l'engagement professionnel (RIFSEEP)), mais surtout du « glissement vieillesse technicité » (GVT) .

Le GVT est un phénomène qui traduit l'augmentation de la masse salariale du fait de l'avancée en âge des agents et de leur progression dans leurs grilles indiciaires (changements d'échelon, de grade ou de corps).

Cette tension récurrente sur la masse salariale a entraîné une sous-exécution chronique des plafonds d'emploi des opérateurs, associée, pour certains, à une diminution très importante de leurs effectifs.

• Pour les EPST, le GVT représente une charge annuelle de l'ordre de 30 millions d'euros (dont plus de 20 millions pour le seul CNRS), qui ne fait l'objet d'aucune compensation de la part de l'État .

• Pour les établissements d'enseignement supérieur, le coût annuel du GVT s'établit autour de 50 millions d'euros. En 2020, le ministère a indiqué qu'il cesserait désormais de compenser de manière systématique le GVT pour les universités . Une enveloppe de 15 millions d'euros, allouée dans le cadre du dialogue stratégique et de gestion, a néanmoins permis de compenser en 2020 puis en 2021, de manière partielle ou totale, le GVT auprès de 58 établissements.

Or la LPR n'a pas abordé la question du GVT qui est restée, selon les expressions employées par différents interlocuteurs en audition, « un impensé » , « un tabou » , « une anomalie » .

Pour les rapporteurs, qui alertent chaque année sur ce sujet dans le cadre de leur avis budgétaire respectif, la clause de revoyure et la perspective d'une vague de départs à la retraite dans les années à venir parmi les personnels de l'ESR sont l'occasion de traiter enfin ce dossier, éventuellement dans le cadre des nouveaux COMP liant les opérateurs à l'État .

III. UN VOLET « RESSOURCES HUMAINES » QUI SE DEPLOIE PROGESSIVEMENT, SUSCITANT À LA FOIS SATISFACTION ET DÉCEPTION

A. UN PREMIER ÉTAT DES LIEUX DES NOUVELLES MESURES DE RECRUTEMENT CRÉÉES PAR LA LOI DE PROGRAMMATION

1. Les chaires de professeur junior : une nouvelle voie de recrutement au démarrage relativement lent, qui continue de diviser la communauté universitaire
a) Les campagnes 2021 et 2022 : un nombre de chaires de professeur junior inférieur à l'objectif annuel prévu

Le nouveau dispositif des chaires de professeur junior (CPJ) constitue sans doute la mesure la plus emblématique du volet « ressources humaines » de la loi de programmation (article 4).

Inspirée des tenure-tracks , très répandues dans le monde de la recherche anglo-saxon, cette nouvelle voie de recrutement permet aux titulaires d'un doctorat d'être titularisés directement dans le corps des professeurs des universités ou dans celui des directeurs de recherche, sans passer par l'étape « maître de conférences » et le concours de recrutement qui l'accompagne, après trois à six ans d'un contrat de recherche assorti d'un niveau de rémunération relativement conséquent 6 ( * ) .

La première campagne , qui n'a été officiellement ouverte que fin 2021 à la suite de la publication du décret n° 2021-1710 du 17 décembre 2021 définissant les modalités des CPJ, a ouvert 92 chaires dont 74 pour devenir professeur des universités et 18 pour devenir directeur de recherche . 163 demandes de création de chaires avaient été formulées par les établissements d'enseignement supérieur et 18 par les organismes de recherche, soit plus de 180 demandes en tout.

Alors que le processus de sélection et de recrutement de la première vague de CPJ n'est pas terminé, la deuxième campagne a été lancée en mars 2022. Sur 316 dossiers déposés, 137 ont été sélectionnés (soit 43 %), dont 88 dans des établissements d'enseignement supérieur et 49 dans des organismes de recherche .

Au total, 229 CPJ ont été ouvertes sur les deux premières annuités de la LPR, alors que l'objectif précisé par le rapport annexé est de 300 chaires par an sur dix ans, ce qui témoigne d'un démarrage relativement lent du dispositif .

La procédure de sélection et de recrutement se déroulant au fil de l'eau, il est, à ce stade, difficile de disposer d'indications consolidées sur les candidats et les lauréats, donc de tirer de premiers enseignements sur la mise en oeuvre du dispositif.

b) Un dispositif qui continue de diviser et d'inquiéter

Malgré un recul encore insuffisant sur les CPJ - la première campagne n'étant pas encore achevée -, les rapporteurs dressent plusieurs constats à la lumière des auditions qu'ils ont menées :

• le premier est que les CPJ continuent de partager la communauté universitaire : alors que certaines universités se sont engagées rapidement dans le dispositif, d'autres refusent toujours d'y entrer, ce qui fait dire à France Universités qu' une marge d'apprentissage ou d'acculturation existe ;

• le deuxième constat est qu' au-delà de l'adhésion (complément utile aux recrutements par la voie classique ; recrutement ciblé, sur une thématique de recherche donnée ; moyen d'attirer des profils qui ne seraient pas recrutés sur concours ; procédure qui favorise l'interdisciplinarité...) ou de l'opposition (remise en cause du fonctionnement par concours et du statut d'enseignant-chercheur, « billet coupe-file » pour un poste de professeur ou de directeur de recherche, risque d'une baisse à terme du nombre de postes aux concours...) de principe que les CPJ suscitent toujours, celles-ci soulèvent trois sujets de préoccupation sur le terrain :

- leur incidence sur les collectifs de travail : ceux-ci vont en effet devoir gérer les facteurs d'inégalité résultant de cette nouvelle voie de recrutement (temps de service, conditions de travail, modalités d'avancement...) et donc de potentiels conflits, risque que certains relativisent toutefois, mettant en avant le fait que la différenciation des statuts au sein des collectifs de chercheurs et d'enseignants-chercheurs existe déjà ;

- l'égalité femmes-hommes : les CPJ, qui demandent un fort investissement pendant plusieurs années, pourraient pénaliser les femmes au moment où celles-ci envisageraient une maternité, risque lui aussi relativisé par certains aux motifs que la voie classique de recrutement implique une charge de travail tout aussi voire plus lourde (temps d'enseignement, préparation de l'habilitation à diriger des recherches (HDR)...) et que la durée du contrat de CPJ peut être allongée de la durée du congé maternité. Sur cette question, le point de vigilance - qui ne peut être étayé à ce stade, faute de données consolidées - consistera à vérifier que les femmes postulent bien sur les CPJ ;

- les libertés académiques : seuls les enseignants-chercheurs, les enseignants et les chercheurs jouissent d'une pleine indépendance et d'une entière liberté d'expression dans l'exercice de leurs fonctions d'enseignement et de leurs activités de recherche. Le titulaire d'une CPJ, qui ne relève d'aucun de ces statuts, ne bénéficie donc théoriquement pas de la garantie que constituent les libertés académiques ;

• le troisième constat porte sur les modalités de mise en oeuvre des deux premières campagnes , plusieurs retours faisant état :

- d'un calendrier 2021 jugé trop contraignant voire « ubuesque » , les délais fixés par le ministère n'ayant pas permis à certains établissements qui le souhaitaient d'enclencher la procédure dans les temps ;

- d'un manque de coordination entre les acteurs sur les thématiques des CPJ et sur les potentialités d'interdisciplinarité , constat révélateur d'une articulation insatisfaisante entre les universités et les organismes de recherche.

Les premiers retours de quatre grands organismes de recherche sur les CPJ

• Pour l'Inserm , les recrutements via les CPJ sont considérés comme un complément utile aux recrutements des chercheurs par la voie classique pour trois raisons : ils doivent permettre un recrutement ciblé, sur une thématique de recherche et un site donnés ; ils doivent faciliter le recrutement de profils qui ne seraient sinon pas attirés par les concours ; ils doivent favoriser l'interdisciplinarité.

Selon l'Inserm, le recrutement de la première vague étant toujours en cours (8 CPJ), il est difficile de tirer des conclusions définitives. Néanmoins, il est constaté que toutes les CPJ ouvertes n'ont pas eu la même attractivité , le scénario selon lequel certaines ne seraient pas pourvues n'étant pas exclu. Pour la deuxième vague (10 CPJ ouvertes), une évolution du dispositif est envisagée avec, notamment, l'idée d'ouvrir un peu plus les profils des candidats en ciblant une thématique plutôt qu'un projet de recherche trop précisément défini, voire un ou plusieurs sites plutôt qu'une unité de recherche.

• Pour l'Inrae , les CPJ viennent répondre, sur une base volontaire de la part des établissements, aux difficultés de recrutement par voie de concours que rencontrent certaines disciplines en tension ; elles constituent donc un intéressant outil complémentaire de recrutement .

Dans le cadre de la première campagne 2021, l'Inrae a proposé 4 profils scientifiques qui sont actuellement en cours de recrutement. En 2022, ce sont 8 nouvelles propositions qui ont été retenues par le ministère ; celles-ci correspondent aux priorités scientifiques identifiées dans la stratégie « Inrae 2030 ».

• Pour l'Inria , les CPJ sont un dispositif jugé « positif » dans le cadre de son rapprochement avec les universités. À ce titre, il rappelle qu'il avait lancé, en amont de la LPR, dès 2020, une nouvelle voie de recrutement sur des postes d'ISFP ( Inria Starting Faculty Position ) destinés aux chercheurs en début de carrière, sur des contrats à durée indéterminée (CDI) associés à un service d'enseignement dans un établissement d'enseignement supérieur partenaire de l'Inria.

L'Inria considère que les 3 postes de CPJ , qui lui ont été accordés en 2021 et en 2022, ne sont « pas à la hauteur de ses besoins » , ni « de sa dynamique de partenariat avec les universités » . L'opérateur a choisi de positionner de manière différenciée ces 3 chaires : des profils interdisciplinaires, « aptes à faire vivre l'interdisciplinarité par le numérique » ; des profils « seniors », pour ne pas contourner les voies classiques de recrutement des jeunes scientifiques ; des profils « entreprenants » pour pouvoir construire de nouvelles équipes-projets.

• Pour le CNRS , les postes ouverts sur CPJ (aucun en 2021, 25 en 2022) représentent « une réelle opportunité » pour renforcer l'attractivité de la recherche française et celle du CNRS et attirer de nouveaux profils - notamment des scientifiques en poste à l'étranger qui auraient envie de venir travailler en France ou des chercheurs seniors qui pourraient devenir directeurs de recherche beaucoup plus rapidement que par la voie des concours. Son PDG a dit toutefois regretter que le scénario initialement envisagé, de nature partenarial (poste de CPJ dans le cadre d'un organisme de recherche, puis titularisation sur un poste de professeur à l'université), n'ait, au final, pas été retenu.

Sur les 25 CPJ thématiques ouvertes, le CNRS a opté, concernant les 2/3 d'entre elles, pour un modèle pluri-laboratoire ( ie plusieurs laboratoires sont mis en concurrence sur une même CPJ), concernant le 1/3 restant, pour un modèle mono-laboratoire (un laboratoire donné pour une CPJ).

c) Les points de rappel et de vigilance des rapporteurs

Dans le contexte encore très tendu de déploiement des CPJ, les rapporteurs tiennent à rappeler que celles-ci ont été conçues comme une voie de recrutement complémentaire à la voie traditionnelle du recrutement par concours - à laquelle la communauté universitaire et de recherche reste, à juste titre, très attachée -, dans le but d'attirer des profils ciblés . Les chaires ne peuvent, d'ailleurs, représenter qu' une part limitée des recrutements annuels (20 % des recrutements autorisés dans le corps de directeur de recherche, 15 % des recrutements autorisés dans le corps de professeur des universités, 25 % lorsque le nombre de recrutements autorisés dans le corps concerné est strictement inférieur à 5).

Outre les garanties prévues par la loi et ses textes d'application (part limitée des recrutements annuels, commissions de recrutement et de titularisation composées pour moitié au moins de personnalités « extérieures »), les rapporteurs insistent sur la nécessité que des garde-fous soient mis en place par les établissements pour apaiser et rassurer les esprits , par exemple, en insérant une dimension collective au processus d'entrée dans le dispositif (information et saisine des instances consultatives) et en assurant la transparence de la procédure à chacune de ses étapes.

Surtout, les rapporteurs appellent le ministère à respecter l'engagement qui avait été pris par la ministre Frédérique Vidal, lors du Cneser de présentation de la loi, en juin 2020, d'assortir toute création de chaire d'au moins une promotion de maître de conférences ou de chargé de recherches , afin qu'il n'y ait pas de blocage de carrière pour ces personnels. Cet engagement à faire des CPJ des postes « en plus » et à lier leur existence à des créations de postes « classiques » figure dans le protocole d'accord majoritaire du 12 octobre 2020.

Interrogée sur ce sujet en audition, la DGRI a confirmé que les CPJ accordées aux établissements correspondaient bien à des emplois de titulaires sous plafond (ETPT), soit à des postes en sus . Les rapporteurs ont cependant constaté (cf. supra ) que la trajectoire d'emplois de la LPR n'a pas été respectée en 2021 et que les créations de postes « classiques » n'ont pas suivi celles des CPJ .

2. Le « CDI de mission » : une mesure peu opérationnelle dans ses modalités actuelles

S'inspirant des « contrats de chantier » de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises ou loi « Pacte », le contrat à durée indéterminée (CDI) de mission , créé par la loi de programmation (article 9), permet à un chercheur d'être recruté par un établissement public d'enseignement supérieur ou de recherche pour contribuer à un projet ou une opération de recherche identifié, sur un contrat de droit public dont l'échéance est la réalisation du projet ou de l'opération. Ce nouveau contrat vise à répondre aux besoins des projets de recherche de plus de six ans et à remédier au taux de renouvellement trop important des chercheurs hautement qualifiés. En effet, au terme de six années de contrat à durée déterminée (CDD), un employeur public était jusqu'à présent obligé de « cédéiser » un agent contractuel (en application de la loi dite « Sauvadet ») ou de mettre un terme à son contrat.

Cependant, tel qu'il a été conçu, le CDI de mission repose sur deux conditions contradictoires : d'une part, une durée du projet de recherche supérieure à six ans (ce qui était bien la cible visée), d'autre part, un financement reposant majoritairement sur des ressources propres. Or, les projets répondant à ces deux conditions sont extrêmement rares, ce qui laisse présager un faible recours au dispositif . D'ailleurs, aucun établissement de recherche n'a, selon les informations recueillies, encore ouvert de CDI de mission.

Ces modalités de mise en oeuvre inadaptées génèrent une grande déception chez les opérateurs , qui attendaient impatiemment ce nouvel instrument contractuel adapté à la recherche de long terme.

Compte tenu du caractère, en l'état, peu opérationnel du CDI de mission, les rapporteurs estiment qu'une modification du dispositif est nécessaire à l'occasion de la clause de revoyure de 2023 . Celle-ci pourrait consister en la suppression de la condition de financement majoritaire sur ressources propres, peu compatible avec un projet de longue durée, et éventuellement d'un changement sémantique visant à substituer au terme « opération de recherche » celui d' « infrastructures » , correspondant mieux aux besoins de recrutement de long terme dans les infrastructures de recherche.

3. Le contrat doctoral de droit privé et le séjour de recherche : des dispositifs jugés satisfaisants

Le volet « RH » de la loi de programmation comprend deux mesures visant à sécuriser juridiquement les doctorants contractuels, qu'ils soient français ou étrangers :

- la création d'un contrat doctoral de droit privé (article 6), qui offre un cadre juridique spécifique aux doctorants qui mènent leurs travaux de recherche au sein du secteur privé ;

- l'instauration d'un séjour de recherche à destination des doctorants et chercheurs étrangers (article 12), ayant pour but de leur garantir de meilleures conditions d'accueil et de recherche - étant rappelé que 40 % des doctorants en France sont étrangers.

Selon le réseau des collèges doctoraux (RNCD) auditionné par les rapporteurs, le contrat doctoral de droit privé est un dispositif intéressant, mais qui nécessite que les entreprises s'en saisissent . Or, à ce stade, peu ont recours à cette nouvelle possibilité. Il faut donc que cet outil, dont le décret d'application n'a été publié qu'à l'automne 2021, « entre dans les moeurs » et fasse l'objet d'une plus grande publicité.

Quant au séjour de recherche, le RNCD se dit très satisfait de cette mesure qui vient enfin combler un vide juridique jusqu'alors très pénalisant pour les chercheurs étrangers. Même si l'arrêté afférent a été un peu long à sortir (publication à l'automne 2021), le dispositif devrait être pleinement opérationnel pour la rentrée universitaire 2022.

Les rapporteurs continueront à suivre attentivement la mise en oeuvre de ces deux nouveaux outils .

4. Les possibilités de recrutement hors Conseil national des universités : une mise en oeuvre réglementaire à achever dans la concertation

La loi de programmation (article 5) rend possible le recrutement d'enseignants-chercheurs sans passer par la qualification du Conseil national des universités (CNU) , dans le but d'élargir les viviers des candidats potentiels, de fluidifier l'accès aux corps de maître de conférences et de professeur des universités, de responsabiliser davantage les établissements en matière de recrutement.

Deux modalités sont prévues :

- la suppression de la qualification par le CNU pour les maîtres de conférences titulaires qui postulent pour devenir professeurs ;

- le lancement d'une expérimentation, d'une durée de quatre ans, permettant de déroger à la qualification pour recruter un maître de conférences , sauf dans les disciplines de santé et les disciplines à agrégation (droit, sciences politiques, économie et gestion).

Ces mesures, introduites en cours d'examen dans le projet de loi de programmation, ont globalement été très mal reçues par une grande partie de la communauté universitaire, qui y a vu une remise en cause de la structuration centenaire de la profession universitaire, une dérégulation du statut d'enseignant-chercheur, un risque de développement du localisme dans les recrutements, une source d'aggravation des écarts entre grandes et petites universités. À l'inverse, les défenseurs de ces deux nouvelles dispositions estiment qu'elles renforcent l'autonomie des universités en leur donnant plus de responsabilité dans leur politique de recrutement, qu'elles favorisent l'interdisciplinarité aujourd'hui empêchée par la structuration disciplinaire du CNU, qu'elles permettent de contourner les querelles de chapelle qui existent au sein de certaines de ses sections, qu'elles desserrent le calendrier de recrutement actuellement contraint par la campagne de qualification.

La première modalité , la moins contestée des deux, est entrée en application via le décret n° 2022-227 du 23 février 2022. En revanche, le décret relatif à la seconde modalité n'a pas encore été publié et reste, selon la DGRI, « à l'arbitrage du nouveau Gouvernement » . Compte tenu des vives réactions que cette disposition continue de susciter , les rapporteurs appellent la ministre à mener une concertation approfondie sur les modalités de cette expérimentation afin que celle-ci puisse être mise en oeuvre dans un climat serein .

B. POINT SUR LA MISE EN oeUVRE DES MESURES DE REVALORISATION DES RÉMUNÉRATIONS ET DES CARRIÈRES RELEVANT DU PROTOCOLE D'ACCORD MAJORITAIRE DU 12 OCTOBRE 2020

Parallèlement à l'élaboration et l'examen de la loi de programmation, un travail - de niveau non législatif - sur les carrières et les revalorisations a abouti, le 12 octobre 2020, à un protocole d'accord majoritaire (50,9 %), signé par trois syndicats (SNPTES, Sgen-CFDT et Unsa), plusieurs organismes de recherche (le CNRS, l'Inserm, l'Inrae, l'Inria) et la Conférence des présidents d'université (CPU), en présence du Premier ministre, Jean Castex, et de la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, Frédérique Vidal.

Le protocole d'accord - le premier conclu avec les organisations syndicales relevant du champ de l'ESR - porte sur trois axes principaux :

• engager une nouvelle donne indemnitaire fondée sur une harmonisation des régimes de primes des personnels de l'enseignement supérieur et de la recherche ;

• définir un nouvel équilibre des corps et des grades des enseignants-chercheurs et des chercheurs afin de mettre en cohérence les perspectives de carrière de ces deux filières scientifiques ;

• « repyramider » les emplois de la filière des ingénieurs et personnels techniques de recherche et de formation (ITRF) afin de mieux reconnaître les compétences de ces agents et de répondre aux besoins de qualification croissante des emplois affectés au service des unités de recherche.

1. Les deux premières tranches de convergence indemnitaire mises en oeuvre

Le volet indemnitaire du protocole d'accord consiste en une revalorisation des différents régimes indemnitaires des personnels de la recherche, fondée sur un principe de convergence sur sept ans des dotations indemnitaires des établissements et des organismes entre les chercheurs et les enseignants-chercheurs, entre les ingénieurs, techniciens et administratifs (ITA), les ITRF et la filière bibliothèque, ainsi qu'entre les corps scientifiques et les corps d'ingénieurs et de techniciens (IT).

Cette première étape de convergence, interne au Mesri, est dotée d'une enveloppe de 644 millions d'euros, dont il est prévu une mise en oeuvre sur sept ans, entre 2021 et 2027, par tranche annuelle de 92 millions d'euros.

Une seconde étape de convergence, cette fois-ci interministérielle (avec des corps comparables de la fonction publique), est prévue après 2027 et avant le terme de la programmation en 2030 .

*

Les deux premières tranches 2021 et 2022, de 92 millions d'euros chacune, ont été intégralement mises en oeuvre : la prime de base des chercheurs est ainsi passée de 930 euros à 2 800 euros et les possibilités de primes individuelles (qui vont progressivement se substituer à l'ancienne prime d'encadrement doctoral et de recherche (PEDR)) ont été augmentées dans les universités (de 3 000 à 6 700 possibilités par an).

Ces premières revalorisations sont globalement bien accueillies par les principaux intéressés, même si certains les jugent insuffisantes au regard de l'ampleur du décrochage des rémunérations dans l'ESR et regrettent, en particulier, qu'elles ne portent que sur la partie indemnitaire et non sur la rémunération de base.

De nombreux acteurs ont en outre alerté les rapporteurs sur la complexité du nouveau régime indemnitaire des personnels enseignants et chercheurs (Ripec), organisé autour de trois composantes :

- une composante (représentant 63 %) liée à l'exercice des missions du grade ;

- une composante fonctionnelle (représentant 17 %) liée à la tenue d'un emploi à responsabilité ou d'une mission particulière sur lequel/laquelle le chercheur ou l'enseignant-chercheur s'engage pour une durée déterminée ;

- une composante individuelle (représentant 20 %) permettant de reconnaître la qualité des travaux et l'investissement du chercheur ou de l'enseignant-chercheur dans l'ensemble de ses missions. Cette composante dite « C3 » a été l'un des points les plus discutés du protocole d'accord.

Pour France Universités, « l'objectif de simplification des règles de gestion indemnitaire et statutaire a été perdu de vue » . Pour le PDG du CNRS, la composante « C3 » est une « usine à gaz » dans ses modalités de mise en oeuvre.

2. Les trois opérations de « repyramidage » et de requalification en cours

L'objectif général est de rendre plus attractif et plus cohérent le déroulement de carrière des enseignants-chercheurs, des chercheurs et des ITRF . Il s'agit notamment de réduire les différences de « pyramidage » des corps et grades des chercheurs et des enseignants-chercheurs afin d'assurer des déroulements de carrière plus cohérents et plus attractifs entre ces deux principales filières scientifiques, et de requalifier les emplois de la filière IRTF, notamment par rapport à ceux de la filière ITA.

• Concernant les enseignants-chercheurs , le volume de promotions ouvertes aux maîtres de conférences vise 2 000 intégrations supplémentaires dans le corps des professeurs des universités. Le but de cette première opération de « repyramidage » est de contribuer à la constitution d'un corps de professeurs représentant au moins 40 % du nombre d'enseignants-chercheurs.

= Les textes réglementaires ont été publiés (décret n° 2021-1722 du 20 décembre 2021 et arrêté du 20 décembre 2021) et les deux premières tranches (2021 et 2022) ont été mises en oeuvre pour deux campagnes de 400 promotions chacune .

S'agissant des chercheurs , il est prévu de réviser à la hausse le « pyramidage » des grades terminaux et d'instaurer un échelon supplémentaire à la grille indiciaire des chargés de recherche hors-classe.

= Le texte réglementaire est paru (décret n° 2022-758 du 28 avril 2022) et les crédits afférents ont été attribués aux EPST.

Pour les ITRF , le plan de « repyramidage » projette de requalifier 4 650 emplois dans toutes les branches d'activité professionnelle (BAP) scientifiques.

= Les textes ont été publiés (décret n° 2022-703 du 26 avril 2022 et ses arrêtés d'application du même jour). Les premières promotions seront organisées en 2022 .

*

Constatant que les mesures de revalorisation des rémunérations et des carrières sont en cours de déploiement, conformément aux termes du protocole d'accord, les rapporteurs s'engagent à faire un nouveau point d'étape, en 2023, au moment de la clause de revoyure . Celle-ci sera l'occasion d'aborder la question du calendrier de mise en oeuvre de la seconde étape de la revalorisation indemnitaire , initialement prévue entre 2027 et 2030 : en cas de raccourcissement de la durée de la programmation à sept ans, cette convergence interministérielle devra être menée à bien d'ici 2027, sachant qu'elle est liée à la réforme annoncée des retraites.

C. LES PREMIERS RÉSULTATS DES MESURES RELATIVES AU DOCTORAT

1. Une dynamique positive en cours de déploiement...

• La loi de programmation comprend un ensemble de mesures destinées à la revalorisation du doctorat :

- la reconnaissance du diplôme de doctorat (article 29 et article 31) : l'obtention du diplôme national de doctorat, plutôt que le titre de docteur, vaut expérience professionnelle de recherche ;

- l'extension de l'usage du titre de docteur (article 32) : les docteurs peuvent faire usage du titre dans tout emploi et en toutes circonstances ;

- le suivi des docteurs (article 34) : le président d'université doit présenter chaque année à son conseil d'administration un rapport sur l'évolution de la situation professionnelle des docteurs ;

- la prestation de serment (article 18) : à l'issue de la soutenance de la thèse, le candidat prête serment en s'engageant à respecter les exigences de l'intégrité scientifique.

• Elle porte en outre, via sa programmation budgétaire, un plan en faveur du développement du doctorat , qui prévoit :

- une augmentation de 20 % du nombre de contrats doctoraux financés par le Mesri ;

- une revalorisation de 30 % de la rémunération des nouveaux contrats doctoraux entre 2021 et 2023 ;

- une hausse de 50 % d'ici 2027 du nombre de conventions Cifre .

Selon les données transmises par la DGRI :

- le nombre de contrats doctoraux a augmenté de + 170 en 2021 et devrait connaître la même évolution en 2022, 2023 et 2024, pour atteindre l'objectif de + 680 sur quatre ans.

Par ailleurs, 70 % des nouveaux contrats seront consacrés, chaque année, aux doctorants dans une discipline relevant du secteur des SHS ;

- la revalorisation de 30 % de la rémunération des nouveaux contrats, initialement prévue sur trois ans, a finalement été portée à cinq ans : en 2021, la rémunération minimale des doctorants a connu une augmentation de 6 %, pour atteindre 1 866 euros mensuels bruts ; en 2022, une hausse de 6 % est également prévue, soit une rémunération brute minimale mensuelle de 1 975 euros ; en 2023, cette dernière devrait être portée à 2 300 euros mensuels bruts (soit + 16,4 %).

Ces premiers résultats témoignent d'une dynamique positive, dont les rapporteurs se félicitent . Ceux-ci ont néanmoins été alertés par le RNCD sur plusieurs motifs d'insatisfaction ou d'inquiétude :

- la revalorisation de la rémunération ne concerne que les nouveaux contrats doctoraux, ce qui crée de facto une iniquité entre doctorants ;

- elle ne porte pas non plus sur certains contrats doctoraux relevant de programmes spécifiques (école Polytechnique, écoles normales) ;

- les hausses de 6 % en 2021 et 2022 sont déjà en partie absorbées par l'inflation ;

- rien ne garantit que l'augmentation totale sera bien de + 30 % d'ici 2025 .

2. ... mais qui n'est pas d'ampleur à revaloriser structurellement le doctorat

Malgré des avancées certaines, les rapporteurs estiment que la LPR n'est pas allée assez loin sur la question de la valorisation du doctorat, qui reste un enjeu central pour la recherche française .

Au-delà de l'indispensable volet financier, une politique ambitieuse en la matière nécessiterait, selon eux, de travailler sur les axes suivants :

- l'information et la communication sur les modalités du doctorat et le devenir professionnel des docteurs : sur ce sujet, l'idée d'un portail national de l'emploi des docteurs, suggérée par le RNCD, mériterait d'être expertisée ;

- la médiation scientifique auprès des étudiants pour les inciter à s'engager dans la voie doctorale ;

- la reconnaissance du doctorat dans le monde de l'entreprise et sa publicité auprès du grand public .

IV. L'ÉVALUATION ET L'ORGANISATION DE LA RECHERCHE : DEUX PROBLÉMATIQUES QUE LA LOI DE PROGRAMMATION A, POUR L'UNE, TRAITÉ DE MANIÈRE INSATISFAISANTE, POUR L'AUTRE, PAS DU TOUT ABORDÉ

A. UN NOUVEAU CADRE JURIDIQUE POUR L'ÉVALUATION DONT LA MISE EN oeUVRE SE HEURTE À UNE VIVE OPPOSITION SUR LE TERRAIN

1. Une évolution très contestée de la méthodologie d'évaluation

La loi de programmation comporte tout un volet consacré à l'évaluation de la recherche , concentré en un seul article (article 16) :

- le statut du Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (HCERES) est réformé : jusqu'ici autorité administrative indépendante, celui-ci devient autorité publique indépendante , dotée de la personnalité morale. Sa gouvernance est également modifiée (évolution du mode de désignation du président et de la composition du collège). Ces changements sont intervenus alors que cela faisait près d'un an que le HCERES n'avait pas de président.

Pendant cette année de vacance, les soubresauts de la succession se sont télescopés avec les débats sur la LPR et ont cristallisé une partie des crispations des opposants à la loi. Après son audition au Parlement et le vote des commissions compétentes, le nouveau président, Thierry Coulhon, a été nommé par le président de la République le 30 octobre 2020 ;

- les missions d'évaluation du HCERES sont précisées et enrichies : élargissement du périmètre de l'évaluation à l'ensemble des établissements de l'ESR, principe de motivation des appréciations portées, production d'avis pour aider les établissements, contribution à la définition d'une politique nationale de l'intégrité scientifique, coordination de l'action des instances nationales d'évaluation...

En outre, le rapport annexé de la loi, constatant que le système français d'ESR souffre d'une forme de décrédibilisation des évaluations, prévoit un travail conjoint du HCERES et du Mesri pour parvenir à trois objectifs :

- simplifier les procédures (cohérence des documents émanant de différentes procédures et articulation des différentes instances d'évaluation) ;

- renforcer la crédibilité et la cohérence des évaluations ;

- conforter l'utilité de l'évaluation en rendant celle-ci « plus stratégique et plus homogène ».

Partant du constat que l'évaluation des établissements de l'ESR souffre aujourd'hui de ne pas être suffisamment articulée avec celles des unités de recherche et des formations, le HCERES s'est donné pour défi de faire évoluer ses pratiques vers une méthodologie dite d'« évaluation intégrée » , dans le but de renforcer la cohérence de ses rapports et leur utilité pour l'ensemble des structures évaluées.

Un autre chantier majeur, lancé sous la nouvelle présidence, consiste à rendre les évaluations plus crédibles et plus opérationnelles : « à l'avenir, les évaluations, plus concises, devront mettre en regard les stratégies définies par les établissements, les moyens dont ils disposent, le pilotage qu'ils mettent en oeuvre et les résultats qu'ils obtiennent » , selon le rapport d'activité 2020 du HCERES.

C'est dans ce contexte que les référentiels d'évaluation de la vague C (2022-2023) ont été ajustés à l'automne 2021 , avec deux exigences, « simplification et efficacité » . Les nouveaux référentiels ne sont désormais plus centrés sur les contenus scientifiques et les projets des laboratoires, mais privilégient une approche « ex post » , mettant l'accent sur l'évaluation des résultats obtenus, au moyen de nombreux indicateurs. À cela s'ajoute la fin du recours à la visite systématique des unités de recherche , dans le but de mieux proportionner l'action du HCERES aux enjeux des différentes structures.

Cette nouvelle donne a suscité une vive contestation de la part de représentants de la communauté de recherche (plus de 700 directeurs de structure de recherche) qui ont, le 10 janvier 2022, publié une tribune dans Le Monde , dénonçant un système quantitatif et bureaucratique tableurs et questionnaires contraignants jusqu'à la bêtise, montagnes de données administratives, gestionnaires et financières à compiler et à reformater entièrement... »), s'apparentant à une « usine à gaz » . Les mêmes critiques ont été exprimées aux rapporteurs par les représentants de l'Assemblée des directions de laboratoires (ADL) lors de leur audition.

Dans un droit de réponse, paru le 15 février 2022 dans le même journal, le président du HCERES a récusé ces accusations , soulignant que les évolutions menées par le HCERES sont « nécessaires pour rendre les évaluations plus claires et plus pertinentes pour toutes les parties intéressées » .

Aux rapporteurs, celui-ci a rappelé que le système d'évaluation avec « trois séries de livrables » (respectivement au sujet des universités, des unités de recherche et des formations), sans véritable lien entre eux, « ne tournait pas » . Interrogé sur la polémique en cours, il a reconnu que le sujet de l'évaluation ex-post était « très sensible » et que l'équilibre proposé méritait d'être « reconsidéré » . Il a toutefois assuré que l'évaluation intégrée s'accompagnait d'un travail de simplification, notamment quant au contenu des référentiels (qui ne font « que deux pages par établissement » et dont les critères ne sont « qu'indicatifs » ). Il a enfin indiqué qu'un travail était en cours, au sein du HCERES, pour faciliter le recueil des données informatiques, à ce jour trop complexe. Celui-ci devrait aboutir pour l'évaluation de la vague D.

*

Au regard de ce contexte très tendu, les rapporteurs rappellent que les discussions sur l'article 16 de la loi de programmation, qui réforme le HCERES et le système d'évaluation, se sont elles-mêmes déroulées dans un climat peu serein , marqué par la polémique sur la présidence de l'institution et par une réécriture globale et peu lisible de l'article via un amendement du Gouvernement. Or le traitement du sujet de l'évaluation, très sensible pour la communauté universitaire et de recherche, aurait nécessité davantage de concertation et de pédagogie . C'est donc à une démarche plus à l'écoute des préoccupations du terrain que les rapporteurs appellent pour la suite de la mise en oeuvre de la réforme de l'évaluation .

2. L'intégrité scientifique : la nécessité de faire vivre le socle juridique de la loi de programmation par une démarche d'acculturation

À l'initiative du Sénat, la LPR insère dans le code de la recherche plusieurs dispositions visant à définir et rappeler l'importance de l'intégrité scientifique , considérée comme le pendant, en termes d'obligations, aux droits des enseignants-chercheurs en matière de libertés académiques :

- l'article 16 définit l'intégrité scientifique comme la garantie du caractère honnête et scientifiquement rigoureux des travaux de recherche ;

- ce même article prévoit que les établissements publics de recherche mettent en place les dispositifs nécessaires à la promotion et au respect de l'intégrité scientifique et qu'ils rendent compte des actions mises en oeuvre dans ce domaine au ministre en charge de la recherche et au HCERES ;

- l'article 16 charge aussi le HCERES de contribuer à la définition d'une politique nationale de l'intégrité scientifique et de contribuer, à travers ses évaluations, à la promotion de l'intégrité scientifique ;

- l'article 18 crée, à l'issue de la soutenance de thèse, une prestation de serment au cours de laquelle le docteur s'engage à respecter les principes et les exigences de l'intégrité scientifique.

Lors de son audition, le président du HCERES a indiqué aux rapporteurs que le réseau de référents « intégrité scientifique » était en cours de déploiement et qu'une centaine était actuellement dénombrée. Il a rappelé que l'Office français de l'intégrité scientifique (OFIS) , rattaché au HCERES et notamment chargé d'animer ce réseau de référents, disposait de moyens dédiés et devait prochainement être doté d'un site internet en propre. Thierry Coulhon a toutefois insisté sur le fait que l'intégrité scientifique demeurait un sujet sensible et que certains établissements n'avaient pas encore pleinement conscience de l'importance de ses enjeux .

*

Les rapporteurs, qui sont tous deux également membres de l'Office parlementaire des choix scientifique et technologique (OPECST) - instance ayant récemment travaillé sur l'intégrité scientifique, sont très soucieux de l'avancée de cette question qui nécessite, selon eux, une véritable acculturation de la part de l'ensemble des acteurs de la recherche .

B. LES ENJEUX LIÉS À L'ORGANISATION DU SYSTÈME DE RECHERCHE : UN OUBLIÉ DE LA LOI DE PROGRAMMATION

1. La simplification et l'allègement des tâches administratives des chercheurs : peu d'avancées concrètes

La loi de programmation ne comporte pas de disposition ayant directement pour objectif d'alléger la charge administrative incombant aux chercheurs. Son alourdissement au fil des années constitue pourtant l'une des critiques les plus fréquemment portées à l'encontre du système de recherche français et l'une des causes participant à sa perte de compétitivité.

Seul le rapport annexé prévoit la mise en place d'un portail unique d'accès et de soumission de tous les appels à projets . Ouvert fin septembre 2021 ( www.appelsprojetsrecherche.fr ), celui-ci simplifie l'accès aux informations relatives aux appels à projets en offrant aux chercheurs une vue complète et chronologique des appels à projets proposés par six agences françaises de financement de la recherche (ANR, Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), Institut national du cancer (INCa), Inserm, Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales-maladies infectieuses émergentes (ANRS-MIE), Agence de la transition écologique (Ademe)). Ces six agences, réunies en consortium, sont en charge du développement du portail. L'étape suivante, actuellement en cours, vise, d'une part, à harmoniser les données et les formats des dossiers de candidature entre agences de financements, d'autre part, à regrouper les appels à projets émanant d'autres financeurs (fondations, régions...). Fin 2022, le portail devrait être enrichi d'un espace « chercheur » dans lequel les candidats aux appels pourront récupérer automatiquement la liste des résultats de leurs travaux de recherche et leurs publications.

*

Si les rapporteurs saluent la mise en place de cet outil de rationalisation des procédures d'appels à projets, ils regrettent qu'aucune autre avancée concrète ne soit à mettre au crédit de la LPR en matière de simplification du travail administratif des acteurs de la recherche. Plusieurs retours font même plutôt état d'une tendance inverse, selon laquelle la loi de programmation générerait de la complexité supplémentaire, tant pour les établissements (cf. les modalités d'application des CPJ, le nouveau régime indemnitaire des chercheurs et des enseignants-chercheurs, les opérations de « repyramidage » des emplois) que pour les chercheurs (cf. la nouvelle composante « C3 » de leur régime indemnitaire, l'évolution de la procédure d'évaluation).

2. La clarification du paysage français de la recherche : un impensé de la LPR

Au cours des auditions, nombre d'acteurs ont soulevé la question de l'organisation du système de recherche français , regrettant que la loi de programmation n'ait pas traité ce sujet - certains évoquant même « une occasion ratée ». La commission, par la voix de sa rapporteur des crédits de la recherche, avait déjà mis en évidence l'importance de cette problématique à l'occasion de ses travaux de contrôle sur la gestion de la crise sanitaire 7 ( * ) .

Le constat qui revient le plus régulièrement est celui du caractère composite du paysage français de la recherche où évoluent différents acteurs (organismes nationaux de recherche, établissement d'enseignement supérieur, agences de financement, unités mixtes de recherche...), dont les missions respectives ne sont pas toujours claires et les relations pas forcément fluides . Il en découle de la complexité, de l'illisibilité, de la confusion, de la segmentation, voire de la friction.

La clarification du rôle de chacun, la redéfinition des relations réciproques, la recherche de complémentarités, tels sont les objectifs qui devraient, selon les rapporteurs, guider la mise en place d'un nouveau modèle d'organisation .

France Universités, très active sur ce sujet, propose de rapprocher le système de recherche français de celui d'autres pays, où un tissu universitaire d'excellence est structuré autour d'agences de financement. Une telle architecte nécessiterait de repenser la place et la gestion des unités mixtes de recherche (UMR) , laboratoires spécifiques au système français qui rassemblent en leur sein des personnels de statuts et d'employeurs différents. France Universités plaide pour le maintien du principe des unités mixtes de type « université / organisme », pour autant que les organismes de recherche conservent un rôle d'opérateurs de recherche et que la gestion des UMR soit systématiquement confiée à l'établissement hébergeur ( ie les universités). De son côté, le CNRS se montre ouvert à l'idée d'une tutelle secondaire des UMR par les organismes de recherche. Quant aux directeurs de laboratoires - aujourd'hui insuffisamment associés aux échanges entre tutelles alors qu'ils sont des interlocuteurs « charnière » -, s'ils considèrent que l'existence de plusieurs tutelles offre une certaine souplesse organisationnelle, ils pointent le manque d'harmonisation entre les logiciels informatiques et financiers de ces dernières.

*

Les rapporteurs estiment que l'ensemble de ces questions organisationnelles revêtent désormais une certaine forme d'urgence et que la clause de revoyure 2023 est l'occasion de combler la lacune de la LPR en la matière .

3. L'absence de volet stratégique : la faille structurelle de la loi de programmation

Les rapporteurs rappellent que le Sénat, lors de l'examen de la LPR, s'était étonné que le texte proposé par le Gouvernement, bâti autour d'une programmation budgétaire, ne soit pas aussi porteur d'une vision stratégique de la recherche française à moyen et long terme . Même si la question financière était évidemment centrale au regard de décennies de sous-investissement chronique dans la recherche publique, donner un cap à la recherche française revêtait une importance tout aussi grande et aurait sans doute permis de rendre le projet de loi plus acceptable aux yeux de la communauté concernée.

En audition, plusieurs représentants d'organismes de recherche ont également exprimé leur déception quant à cette absence de dimension stratégique .

*

Pour les rapporteurs, l'échéance de 2023 doit être l'occasion de remédier à cette faille structurelle de la loi de programmation et de réfléchir aux modalités d'une programmation stratégique de la politique publique de recherche .

V. LE RENFORCEMENT DES LIENS SCIENCE-SOCIÉTÉ : UN CHANTIER BIEN ENGAGÉ

La loi de programmation comporte, principalement dans son rapport annexé, de nombreuses mesures pour renforcer les relations entre la science et la société . Lors de l'examen du projet de loi, le Sénat avait insisté sur l'importance de ce volet « culture scientifique », dans une période marquée par une défiance croissante à l'égard de la rationalité scientifique, dont la crise sanitaire liée à la Covid-19 a été l'un des révélateurs.

Un an et demi après la promulgation de la loi, les rapporteurs constatent que ce chantier au long cours a été bien amorcé ( cf . encadré ci-dessous) et appellent à poursuivre la dynamique à l'oeuvre.

= Étapes de réflexion préalables à la mise en oeuvre des mesures « science-société »

• Mars 2021 : Remise d'un rapport de l'Inspection générale de l'enseignement supérieur et de la recherche (IGESR) intitulé « Cartographie des actions conduites par les établissements d'enseignement supérieur (universités et écoles) en matière de relations entre science et société ».

• Avril 2021 : Annonce d'une feuille de route ministérielle « Science avec et pour la société » structurée autour des 4 axes suivants :

1. Structurer le paysage institutionnel à travers la création d'un réseau territorial « science avec et pour la société » adossé aux sites universitaires (label SAPS) ;

2. Financer les « sciences avec et pour la société » ;

3. Reconnaître, valoriser et encourager l'engagement des acteurs de la recherche ;

4. Assurer un accompagnement national autour de missions d'animation, d'évaluation et de prospective.

• Novembre 2021 : Remise du rapport du Gouvernement au Parlement , prévu à l'article 48 de la LPR, sur « Les conditions du dialogue entre science et société. État des lieux des politiques menées en faveur de la culture scientifique, technique et industrielle et premier bilan de la Stratégie nationale » (rapport coordonné par la DGRI).

= Actions mises en oeuvre depuis la promulgation de la LPR

1 er axe : labellisation des sites universitaires ( cf. feuille de route)

• Novembre 2021 : 1 ère vague de labellisation :

o 20 dossiers reçus, 8 lauréats et 6 projets encouragés

o Enveloppe totale de 2,6 millions d'euros en 2021

• Avril 2022 : 2 ème vague de labellisation :

o 30 dossiers reçus, 12 projets labellisés

o Enveloppe totale de 3 millions d'euros en 2022

2 ème axe : Financement à travers le 1 % ANR ( cf. article 21 de la LPR et alinéas 238 et 249 du rapport annexé)

• Février 2021 : appel à manifestations d'intérêt « Science avec et pour la société »

o 382 propositions soumises

o Webinaire (450 participants)

• Juillet-octobre 2021 : appel à projets « Médiation et communication scientifiques » :

o 56 propositions,

o 15 projets soutenus

o Enveloppe de 1,16 million d'euros

• Décembre 2021-février 2022 : appel à projets « Mobilisation des chercheurs pour la promotion de la culture scientifique, technique et industrielle (CSTI) et la médiation scientifique » :

o 71 projets d'établissement déposés

o Sélection en cours pour un budget prévisionnel de 3,195 millions d'euros

• Juin 2022 : appel à projets « Recherches participatives »

3 ème axe : Reconnaître, valoriser et encourager l'engagement des acteurs de la recherche

• Création de chaires dédiées au sein de l'Institut universitaire de France (cf. alinéa 240 du rapport annexé)

o Campagne 2021 : 2 chaires juniors et 2 chaires seniors en « médiation scientifique »

• Création de la médaille de la médiation scientifique du CNRS ( cf. alinéa 241 du rapport annexé)

o Septembre 2021 : première cérémonie récompensant cinq lauréats

• Création du prix « recherches participatives » par l'Inrae ( cf. alinéa 242 du rapport annexé)

o Mars 2022 : première édition du prix de la recherche participative récompensant deux lauréats

4 ème axe : Assurer un accompagnement national autour de missions d'animation, d'évaluation et de prospective (feuille de route) et développer les relations avec les acteurs ( cf. alinéa 252 du rapport annexé)

• Mars 2021 : création d'une infolettre mensuelle (948 inscrits individuels en mai 2022) pour informer, valoriser et partager l'actualité comme les bonnes pratiques

• Novembre 2021 : Forum national sciences, recherche et société autour de « La médiatisation de la science à l'épreuve de la crise pandémique » et des initiatives pour « Comprendre, prévenir et concurrencer le désordre informationnel »

• Avril 2022 : Forum national consacré à l'évaluation des politiques publiques sous l'angle du dialogue entre sciences, recherche et société

• Renforcer le dialogue entre l'État et les établissements de l'ESRI pour consolider leurs engagements vers la société ( cf. alinéas 341 et 342 du rapport annexé)

o Courant 2021 : insertion progressive d'indicateurs dédiés dans les contrats d'objectifs et de performance des établissements

o Octobre 2021 : coordination des 30 ans de la Fête de la science

o Janvier 2022 : création et animation d'un réseau de référents « science avec et pour la société » chez les opérateurs de recherche et les musées de sciences

• Articuler les orientations françaises avec les programmes européens et internationaux ( cf. feuille de route)

o Mars 2022 : Conférence sur l'engagement citoyen dans les missions de l'Union européenne (dans le cadre de la présidence française de l'UE)

o Participation au Mutual Learning Exercise on Citizen Science initiatives

o Inscription de trois engagements « sciences, recherche et société » dans le Partenariat pour un gouvernement ouvert (PGO) dans le but d'affirmer la mobilisation générale du ministère en faveur des principes d'un gouvernement ouvert :

§ Affecter 1 % du budget de l'ANR aux enjeux de science et société (2022) ;

§ Développer un réseau d'initiatives territoriales science et société (2023) ;

§ Initier une charte science et société, puis créer un baromètre science et société (2023).

EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 6 JUILLET 2022

___________

M. Laurent Lafon , président . - Nos collègues Laure Darcos et Stéphane Piednoir vont maintenant nous présenter leur bilan de la mise en oeuvre de la loi de programmation de la recherche (LPR).

Mme Laure Darcos , rapporteur . - Il était important de disposer d'une année complète d'application de la loi pour formuler nos préconisations. Comme vous allez le constater, ces dernières sont un peu sévères.

La LPR, que nous avons examinée à l'automne 2020, était très attendue par un secteur confronté depuis des années à un sous-investissement public chronique, ayant conduit à son décrochage au niveau international et à une érosion progressive de l'attractivité de ses métiers.

Cette loi avait donc pour objectif premier de « réarmer » la recherche française en planifiant sur une période de dix ans, courant de 2021 à 2030, une augmentation progressive de 5 milliards d'euros de son budget.

Bien que saluant l'initiative d'un tel texte, le Sénat avait jugé cette trajectoire budgétaire à la fois trop longue et pas assez ambitieuse dans son intensité sur les premières années. Nous avions alors durement bataillé pour obtenir un raccourcissement de la programmation à sept ans et un effort financier plus marqué en début de période. En définitive, nous n'avons pas obtenu gain de cause sur le premier point. En revanche, nous avons réussi à améliorer sensiblement la trajectoire budgétaire par l'intégration de crédits issus du plan de relance.

Par ailleurs, le Sénat a enrichi le texte à plus d'un titre, qu'il s'agisse de la sécurisation des nouveaux dispositifs de recrutement, de la définition d'un socle juridique pour l'intégrité scientifique, de la réduction du nombre d'ordonnances ou encore de la valorisation de la culture scientifique.

Un an et demi après la promulgation de la LPR, la commission nous a confié cette mission de contrôle afin de dresser un premier état des lieux de son application, tant sur le plan strictement réglementaire que sur le plan de sa mise en oeuvre concrète sur le terrain et des premiers résultats observables.

Pour mener à bien ce bilan d'étape, nous avons auditionné les représentants des principaux acteurs du secteur : grands organismes de recherche, Agence nationale de la recherche (ANR), Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (Hcéres), établissements d'enseignement supérieur, collèges doctoraux, directions de laboratoires, ministère, etc.

Commençons par le volet réglementaire, le plus formel, mais aussi le plus important pour la mise en oeuvre de la loi.

Initialement prévu pour être en grande partie accompli au début de l'été 2021, et achevé à l'automne de la même année, le programme de publication des textes réglementaires de la LPR a pris beaucoup de retard sous l'effet de plusieurs contraintes sans doute sous-estimées par le ministère. Je pense en particulier aux étapes préalables de concertation avec les instances nationales de l'enseignement supérieur et de la recherche (ESR), aux arbitrages interministériels, au phénomène d'embouteillage du « guichet unique de Bercy » et aux délais de passage devant le Conseil d'État.

Après un pic de publication survenu à la fin de l'année dernière, le schéma réglementaire de la loi de programmation est aujourd'hui presque intégralement mis en oeuvre. Il ne manque à ce jour que deux décrets et deux arrêtés sur les quarante textes d'application nécessaires.

Poursuivons avec le volet « programmation budgétaire », qui constitue le coeur de la LPR.

Ses deux premières annuités se sont traduites, en loi de finances initiale (LFI) pour 2021, par un abondement de 389 millions d'euros de plus qu'en 2020, et, en LFI pour 2022, par un apport supplémentaire de 497,4 millions d'euros par rapport à 2021.

Conformes à la trajectoire définie par la loi de programmation, ces évolutions constituent un début de réinvestissement accueilli avec un certain soulagement par le secteur.

L'effort budgétaire déployé concerne en tout premier lieu l'ANR, acteur pivot de notre système de recherche. L'Agence a bénéficié, en 2021, d'une hausse de 424 millions d'euros de sa dotation. Son budget d'intervention est ainsi passé de 746 millions à 1,19 milliard d'euros, un niveau inédit depuis sa création. En 2022, l'augmentation devrait être de 438 millions d'euros pour un budget d'intervention global de 1,2 milliard d'euros. Là encore, ces progressions correspondent aux engagements pris.

Le renforcement des moyens financiers de l'ANR a rendu possible, dès 2021, l'enclenchement de la dynamique prévue par la LPR, qu'il s'agisse de l'augmentation du taux de succès aux appels à projets ou du relèvement du préciput.

Pour l'ensemble des appels à projets, le taux de succès s'est élevé à 23,1 % en 2021. Ce résultat très encourageant laisse à penser que la cible de 30 % en 2027 est raisonnablement atteignable. Je rappelle qu'en 2017 le taux de succès était inférieur à 12 %.

Néanmoins, nous appelons à la vigilance sur deux points.

Premièrement, il ne faudrait pas que le nombre de projets déposés connaisse une augmentation trop importante, la hausse du taux de sélection étant susceptible de provoquer un « appel d'air ».

Deuxièmement, compte tenu de la forte inflation qui sévit actuellement, l'augmentation du financement moyen par projet devient un enjeu central. Évidemment, l'augmentation du taux de sélection ne saurait se traduire par une baisse du financement moyen par projet.

Le relèvement du préciput à 25 % en 2021, contre 19 % en 2020, est conforme aux prévisions et de bon augure pour la suite de la programmation. Nous ajoutons toutefois deux bémols.

Les retombées de l'augmentation du préciput semblent moins immédiatement perceptibles par les acteurs de la recherche que celles qui résultent de la hausse du taux de sélection, effet que certains imputent au caractère « relativement, voire trop modeste » du relèvement du taux.

En outre, le nouveau système de répartition, d'abord tripartite, puis quadripartite, est pour le moins complexe. Du reste, ses modalités de mise en oeuvre continuent de susciter un certain nombre d'interrogations.

Pour conclure sur ce volet budgétaire, nous saluons le respect de la trajectoire sur les deux premières annuités, mais nous alertons sur deux points.

L'effort budgétaire mis en oeuvre étant très largement absorbé par la hausse des prix, il nous semble impératif de procéder à un réexamen de la trajectoire initiale, laquelle ne tient précisément pas compte de l'inflation. Le Sénat l'avait d'ailleurs pointé au moment de l'examen du projet de loi.

La clause de revoyure, prévue pour 2023 par l'article 3 de la LPR, doit permettre de procéder à cette actualisation. Nous devons notamment revoir deux questions : la durée de la programmation - face aux aléas macroéconomiques, il faut ramener la trajectoire à sept ans, comme nous l'avions préconisé - et l'intensité de l'effort budgétaire - le choc de réinvestissement attendu ne s'étant pas produit, il faut amplifier le rythme des prochaines annuités.

La nouvelle ministre devra rapidement donner des garanties quant à la suite de la mise en oeuvre de la programmation budgétaire et quant à ses possibilités d'actualisation.

Enfin, la LPR ignore une question centrale, celle du glissement vieillesse technicité (GVT), qui grève les marges de manoeuvre budgétaires des opérateurs.

Le GVT, c'est en effet un coût annuel de 30 millions d'euros pour les organismes de recherche et de 50 millions d'euros pour les établissements d'enseignement supérieur. La clause de revoyure est l'occasion de traiter enfin ce dossier, par exemple dans le cadre des contrats liant les opérateurs de recherche à l'État.

M. Stéphane Piednoir , rapporteur . - Venons-en au volet « ressources humaines ». À ce titre, la mise en oeuvre de la trajectoire d'emplois prévue par la LPR exige une remarque préliminaire.

En 2021, 376 équivalents temps plein travaillé (ETPT) ont été créés contre 700 prévus. Le taux de réalisation de l'objectif affiché pour la première annuité est donc de 53,7 %.

Selon le ministère, ce moindre résultat s'expliquerait par le fait que de nombreux textes réglementaires n'ont été publiés que courant, voire fin 2021. Dès lors, il n'aurait pas été possible d'assurer le plein déploiement des dispositifs « RH » concernés, en particulier l'augmentation du nombre de contrats doctoraux et la création des chaires de professeur junior (CPJ).

Nous nous étonnons de cet argument, qui consiste à faire reposer les créations de postes promises principalement sur les contrats doctoraux supplémentaires et le nouveau dispositif des CPJ.

Nous déplorons également que le dispositif de suivi de la trajectoire d'emplois de la LPR, prévu sous la forme d'un plan pluriannuel de recrutement élaboré par chaque établissement, ne soit pas encore formellement mis en oeuvre.

Ce constat général étant fait, attardons-nous sur les principaux dispositifs de recrutement créés par la loi de programmation, à commencer par les chaires de professeur junior.

Au total, 229 CPJ ont été ouvertes sur les deux premières annuités, alors que l'objectif fixé par le rapport annexé est de 300 chaires par an sur dix ans. Ces chiffres témoignent d'un démarrage relativement lent du dispositif.

Bien que nous manquions encore de recul pour en dresser un premier bilan consolidé - la campagne 2021 n'est en réalité pas tout à fait terminée et la campagne 2022 est en cours -, nous remarquons que les CPJ continuent de diviser la communauté universitaire : alors que certaines universités se sont engagées rapidement dans ce dispositif, d'autres refusent toujours d'y entrer. À l'évidence, il existe donc une marge d'acculturation.

Au-delà de l'adhésion ou de l'opposition de principe que suscitent ces chaires, trois sujets préoccupent les acteurs sur le terrain : les incidences de cette nouvelle voie de recrutement sur les collectifs de travail, la question de l'égal accès des femmes et des hommes au dispositif et l'absence de garantie des libertés académiques pour le titulaire d'une CPJ.

À la lumière de ces constats, nous formulons d'ores et déjà deux recommandations.

Premièrement, au niveau des établissements, nous suggérons de mettre en place des garde-fous pour apaiser et rassurer les esprits. Il s'agirait notamment d'ajouter une dimension collective au processus d'entrée dans le dispositif, via la consultation des instances compétentes, et d'assurer la transparence de la procédure à toutes ses étapes.

Deuxièmement, au niveau du ministère, nous préconisons de respecter l'engagement pris d'assortir toute création de chaire d'au moins une promotion de maître de conférences ou de chargé de recherches, c'est-à-dire de lier l'existence des CPJ à des créations de postes permanents par la voie classique.

Le deuxième nouveau dispositif de recrutement est le CDI de mission.

Ce nouveau contrat, inspiré des « contrats de chantier » de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite Pacte, vise à répondre aux besoins des projets de recherche de long terme et à remédier au taux de renouvellement trop important des chercheurs hautement qualifiés.

Cependant, tel qu'il a été précisé par décret, le CDI de mission repose sur deux conditions contradictoires : une durée supérieure à six ans et un financement reposant majoritairement sur des ressources propres, ce qui ne concerne que des cas exceptionnels.

Dans ses modalités actuelles, le dispositif est donc peu opérationnel et suscite une grande déception chez les organismes de recherche. Aucun n'a d'ailleurs, à ce jour, conclu un tel contrat.

Nous préconisons donc, à l'occasion de la clause de revoyure 2023, de revoir les dispositions réglementaires du CDI de mission pour le rendre réellement opérant.

J'en viens aux troisième et quatrième dispositifs de recrutement, le contrat doctoral de droit privé et le séjour de recherche.

Ces deux mesures, dont l'objectif est de sécuriser juridiquement les doctorants contractuels, français ou étrangers, semblent, dans leurs modalités de mise en oeuvre, donner satisfaction même si elles doivent encore « entrer dans les moeurs ».

J'évoquerai enfin les possibilités de recrutement hors Conseil national des universités (CNU).

La LPR rend possible le recrutement d'enseignants-chercheurs sans passer par la qualification du CNU selon deux possibilités, qui avaient suscité de vives réactions au moment de l'examen du texte : la suppression de la qualification pour les maîtres de conférences qui postulent pour devenir professeur, disposition qui est bien entrée en application, et l'expérimentation permettant de déroger à la qualification pour le recrutement des maîtres de conférences, qui, elle, n'est toujours pas lancée - le décret, non publié à ce jour, est à l'arbitrage du nouveau gouvernement...

Cette expérimentation étant encore très décriée, nous appelons la nouvelle ministre à mener une concertation approfondie sur ses modalités de mise en oeuvre afin qu'elle puisse se dérouler dans un climat le plus serein possible.

Quelques mots maintenant sur les mesures « carrières et rémunérations », qui ne figurent pas à proprement parler dans la LPR, mais dans le protocole d'accord signé le 12 octobre 2020 par les syndicats majoritaires de l'enseignement supérieur et de la recherche (ESR).

Les deux premières tranches 2021 et 2022 du processus de revalorisation indemnitaire, de 92 millions d'euros chacune, ont été intégralement mises en oeuvre. Elles ont globalement été bien accueillies par le secteur, même si certains les jugent insuffisantes au regard de l'ampleur du décrochage des rémunérations dans l'ESR et regrettent qu'elles ne portent que sur la partie indemnitaire et non sur la rémunération de base.

Nous avons également été alertés sur la complexité du nouveau régime indemnitaire unifié des chercheurs et des enseignants-chercheurs (Ripec), en particulier sur sa composante individuelle « C 3 » considérée comme une véritable usine à gaz, bien loin de l'objectif de simplification annoncé.

Nous préconisons enfin d'aborder, lors de la clause de revoyure, la question du calendrier de mise en oeuvre de la seconde étape de la convergence indemnitaire, initialement prévue entre 2027 et 2030 : en cas de raccourcissement de la durée de la programmation à sept ans, il faudra mener à bien cette convergence interministérielle d'ici à 2027.

Pour clore ce volet « RH », je dresserai un rapide état des lieux des mesures relatives au doctorat.

La LPR a clairement permis d'enclencher une dynamique positive.

J'en veux pour preuve les 170 contrats doctoraux supplémentaires qui ont été financés par le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation (Mesri) en 2021 ; la même évolution est attendue en 2022, 2023 et 2024, pour atteindre l'objectif de 680 contrats supplémentaires en quatre ans.

Toutefois, la revalorisation de 30 % des nouveaux contrats doctoraux, initialement prévue sur trois ans, a finalement été étalée sur cinq ans : une augmentation de 6 % a eu lieu en 2021, portant le salaire mensuel brut à 1 866 euros ; une augmentation équivalente devrait intervenir en 2022, portant ce même salaire à 1 975 euros ; et une hausse plus importante, de 16,4 %, est annoncée pour 2023, qui le porterait à 2 300 euros.

Malgré ces avancées, plusieurs motifs d'insatisfaction ou d'inquiétude nous ont été rapportés.

D'abord, la revalorisation ne concerne que les nouveaux contrats doctoraux, ce qui crée une iniquité entre doctorants.

Ensuite, les hausses 2021 et 2022 sont déjà grevées par l'inflation.

Enfin, l'augmentation promise de 30 % d'ici à 2025 n'est en aucune manière garantie.

Nous estimons en outre que ces mesures financières, évidemment nécessaires, ne suffisent pas à revaloriser structurellement le doctorat. Une politique réellement ambitieuse nécessiterait, selon nous, de travailler sur les axes suivants : l'information et la communication sur les modalités du doctorat et le devenir professionnel des docteurs via , par exemple, la création d'un portail national de l'emploi des docteurs ; la médiation scientifique auprès des étudiants pour les inciter à s'engager dans la voie doctorale ; et la reconnaissance du doctorat dans le monde de l'entreprise et sa publicité auprès du grand public.

Mme Laure Darcos , rapporteur . - Le quatrième grand thème que nous souhaitons aborder est relatif à l'évaluation et à l'organisation de la recherche.

La LPR a posé un nouveau cadre juridique pour l'évaluation des établissements et des chercheurs. Devenu autorité publique indépendante et ayant vu ses missions élargies, le Hcéres a entrepris, sous l'impulsion de son nouveau président, une réforme de sa méthodologie d'évaluation, dite « intégrée ».

Les nouveaux référentiels, parus à l'automne 2021, privilégient désormais une approche ex post , mettant l'accent, non plus sur le contenu scientifique des projets de recherche, mais sur l'évaluation des résultats obtenus au moyen de nombreux indicateurs.

Cette nouvelle donne a suscité une forte contestation au sein de la communauté de recherche, un collectif de plusieurs centaines de directeurs de laboratoires ayant dénoncé, en début d'année, « un système quantitatif et bureaucratique », qui va à l'inverse de la tendance souhaitée de simplification et d'allègement du travail administratif des chercheurs.

Après avoir entendu chacune des parties - des représentants de ce collectif et le président du Hcéres -, nous estimons qu'une démarche plus à l'écoute des préoccupations du terrain est nécessaire pour la suite de la mise en oeuvre de la réforme de l'évaluation, et qu'un équilibre entre un « tout quantitatif » et un « tout qualitatif » peut être trouvé.

La méthodologie d'évaluation « intégrée » amène aussi à se poser la question de l'organisation du système de recherche, que n'a malheureusement pas du tout abordée la LPR.

En effet, le paysage de recherche français se caractérise par une pluralité d'acteurs - organismes nationaux de recherche, établissements d'enseignement supérieur, agences de financement, unités mixtes de recherche... -, dont les missions ne sont pas forcément bien réparties et dont les relations ne sont pas toujours fluides. Nombre de nos interlocuteurs nous ont fait part des difficultés qu'ils rencontrent régulièrement.

Face à cet « impensé » de la loi de programmation, nous demandons que la revoyure 2023 soit l'occasion de mettre en place un nouveau modèle d'organisation, clarifiant le rôle de chaque acteur, redéfinissant leurs relations réciproques et favorisant les complémentarités d'action. Il me semble que si elle en a la latitude, la nouvelle ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, qui connaît bien ces questions pour avoir été présidente d'université, se saisira de cette difficulté.

La LPR n'a pas non plus donné de cap à la recherche française, la programmation budgétaire ne s'étant pas accompagnée d'une programmation stratégique. Cette faille structurelle de la loi a participé de son acceptabilité très relative.

C'est pourquoi il nous semble indispensable, en vue de cette revoyure, de réfléchir aux modalités d'une programmation stratégique de la politique publique de recherche et de proposer une vision du secteur à moyen et long terme.

M. Stéphane Piednoir , rapporteur . - Je ferai une dernière remarque sur le volet « sciences et société ».

Dans une période marquée par une défiance croissante à l'égard de la rationalité scientifique, la loi de programmation comporte, principalement dans son rapport annexé, de nombreuses mesures pour renforcer les relations entre les scientifiques et les citoyens.

Nous constatons que ce chantier sociétal a été bien amorcé - nous vous renvoyons pour les détails à notre rapport écrit - et appelons à poursuivre la dynamique à l'oeuvre.

En définitive, la LPR constitue assurément un bon début de réinvestissement public dans la recherche, mais sa durée et son rythme sont certainement à reconsidérer à l'aune du contexte inflationniste que nous traversons.

Des améliorations doivent sans doute aussi être apportées dans la façon d'appliquer certaines de ses mesures pour éviter de créer de la complexité supplémentaire là où, au contraire, de la simplification est nécessaire.

Enfin, certaines lacunes de la LPR nécessitent d'être comblées, en particulier en matière d'organisation et de programmation stratégique de la recherche.

Nous sommes déterminés à saisir l'occasion de la revoyure 2023 pour aborder l'ensemble des sujets que nous venons de vous présenter. L'audition, dans quinze jours, de la nouvelle ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche nous permettra d'ores et déjà de l'interroger sur ses intentions.

Mme Laure Darcos , rapporteur . - J'ajoute pour finir que nous avons été déçus de n'avoir aucun retour de la part de Frédérique Vidal, dont la LPR était pourtant le « bébé ». Nous regrettons qu'elle n'ait pas accompagné l'application de cette loi.

M. Laurent Lafon , président . - Merci à tous deux de la qualité de ce rapport qui nous permettra d'engager le débat avec la nouvelle ministre sur des bases objectives.

M. Max Brisson . - Je remercie nos deux rapporteurs pour ce rapport technique et complet. Il montre que le Sénat aurait dû être davantage écouté lors des débats relatifs à la LPR. La clause de revoyure ressemblera étrangement à une redite du débat que nous avons eu dans l'hémicycle et en coulisse, puisque nous avons tout fait pour aider la ministre à remporter certains arbitrages et pour donner du contenu à ce texte.

Si la trajectoire financière a été respectée, les difficultés d'opérationnalité des nouvelles méthodes de recrutement pointées par Stéphane Piednoir montrent que l'évitement de la concertation et la verticalité ne fonctionnent pas. À l'occasion de la clause de revoyure, le Sénat pourra rappeler l'importance du dialogue en matière de ressources humaines.

Le président du Sénat travaille actuellement à définir le rôle de notre assemblée dans le nouveau contexte politique. Ce rapport est une illustration du rôle déterminant qu'il peut jouer en matière de contrôle de l'action du Gouvernement.

M. Pierre Ouzoulias . - Merci, mes chers collègues, de la qualité de votre rapport, sincère et objectif. Je sais que vous avez eu beaucoup de difficultés à obtenir des informations chiffrées. Dans le cadre du projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2021, la Cour des comptes souligne d'ailleurs que le Mesri ne lui a pas transmis toutes les informations nécessaires.

Le Gouvernement a sollicité le Parlement pour sanctuariser une trajectoire budgétaire, puis aussitôt celle-ci votée, il s'en est détourné. À quoi bon voter une loi de programmation pluriannuelle ? Autant revenir à l'annualité budgétaire !

Le Gouvernement a déployé des efforts de communication démesurés pour nous convaincre qu'il s'apprêtait à consentir le plus fort investissement au profit de l'enseignement supérieur et de la recherche depuis 1945. Or nous apprenons que le « bébé » de Mme Vidal a été abandonné sur les marches de l'église ! Mme Retailleau recueillera-t-elle l'orphelin ? Je lui souhaite du courage ! En tout état de cause, il n'est pas honnête de vider les coffres d'un ministère avant de le confier à son successeur. Mme Vidal aurait dû défendre les arbitrages qui avaient été actés.

Quel sera l'impact du dégel du point d'indice sur le GVT ? Pour l'université de Nanterre, cela représente plusieurs millions d'euros, que l'on ne sait pas où trouver.

Je note que la trajectoire d'emplois n'est réalisée qu'à 53,7 %. Cela aura des conséquences majeures, d'autant que les engagements relatifs aux créations de chaires de professeur junior, qui ne devaient pas se faire au détriment du passage du corps des maîtres de conférences à celui des professeurs, n'ont pas été tenus.

Des juristes m'ont indiqué qu'ils restaient attachés à l'agrégation, qu'ils continuent de considérer comme la voie royale du recrutement vers le professorat. Si ce système doit être abandonné, il faut le leur dire.

Malheureusement, la LPR a créé des sujets de frictions entre les différentes institutions de l'ESR. Les universitaires réclament notamment une loi de programmation de compensation. C'est une difficulté supplémentaire qu'il nous faudra traiter dans le cadre de la clause de revoyure.

M. Jean Hingray . - Je félicite à mon tour nos rapporteurs pour la qualité de leurs travaux.

Je souhaite revenir sur l'expérimentation du recrutement des maîtres de conférences hors qualification par le CNU. Nous n'avons eu aucune information sur la mise en place de ce dispositif. Quels seraient les contours de la concertation que vous évoquez et quelles actions pourrions-nous mener en faveur de ce dispositif ?

Par ailleurs, je salue votre recommandation relative à la création d'un portail national de l'emploi des docteurs. Quelles passerelles pourrait-il instaurer avec le secteur privé ?

M. Laurent Lafon , président . - Je précise que les modalités de la clause de revoyure n'étant pas fixées, rien n'oblige le Gouvernement à ouvrir un débat avec le Parlement. Nous devrons donc évoquer ce point avec la ministre pour solliciter un engagement de sa part en ce sens.

Mme Laure Darcos , rapporteur . - C'est évidemment le premier sujet qu'il faudra aborder avec la ministre.

La trajectoire financière a été tenue pour les deux premières années. Nous devons rester vigilants pour que ce soit le cas pour les années suivantes.

Concernant le GVT, nous interrogerons prochainement la ministre sur le dégel du point d'indice. En tout état de cause, ce sera l'un des sujets forts de mon rapport pour avis dans le cadre du prochain projet de loi de finances.

Mon sentiment est que le précédent Gouvernement a mis le problème du GVT sous le tapis, considérant qu'il se réglerait de lui-même du fait des départs en retraite. Or c'est le premier sujet de préoccupation des présidents d'université.

M. Stéphane Piednoir , rapporteur . - Nous partageons le même étonnement quant à la réalisation de la trajectoire emplois, cher Pierre Ouzoulias.

S'agissant des chaires de professeur junior, je considère pour ma part qu'elles apportent une forme de flexibilité compte tenu des difficultés de recrutement que nous constatons. Du reste, contrairement aux CDI de mission, on observe un réel intérêt de certains acteurs pour les CPJ. Comme nous l'avions indiqué lors des débats relatifs à la LPR, il convient toutefois de veiller à ce qu'un nombre équivalent de recrutements soient pourvus par la voie classique.

Il appartiendra à la nouvelle ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche de définir les contours de la concertation élargie relative à l'expérimentation du recrutement des maîtres de conférences hors qualification par le CNU. Comme l'a indiqué Max Brisson, rien ne peut fonctionner sans concertation.

Enfin, la plateforme nationale que nous proposons a vocation à identifier les différents débouchés qui s'offrent aux doctorants, y compris dans les métiers du privé. J'ajoute que France Universités et l'association représentant les écoles doctorales souhaitent sa création.

Les recommandations sont adoptées.

La commission adopte, à l'unanimité, le rapport d'information et en autorise la publication.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mardi 12 avril 2022

- Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) : M. Gilles BLOCH , président-directeur général, M. Damien ROUSSET , directeur général délégué à l'administration, Mme Anne-Sophie ETZOL , chargée des relations institutionnelles.

- Agence nationale de la recherche (ANR) : M. Thierry DAMERVAL , président-directeur général, Mme Cécile SCHOU , chargée de mission auprès de la direction générale.

- Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (HCERES) : M. Thierry COULHON , président.

Jeudi 14 avril 2022

- France Universités (ex-Conférence des présidents d'université) : M. Manuel TUNON DE LARA , président, M. Kevin NEUVILLE , conseiller en charge des relations avec le Parlement.

- Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) : M. Philippe MAUGUIN , président-directeur général.

- Association des Instituts Carnot : M. Philippe VERON , président.

Vendredi 13 mai 2022

- Réseau national des collèges doctoraux (RNCD) : Mme Sylvie POMMIER , présidente.

- Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria) : M. Bruno SPORTISSE , président-directeur général.

- Association des directeurs de laboratoires de recherche (ADL) : Mme Valérie BOUSSARD , membre du comité de coordination, directrice de l'IDHE.S, M. Giancarlo FAINI , membre du comité de coordination.

- Comité national de la recherche scientifique : M. Fabien JOBARD , président.

- Direction générale de la recherche et de l'innovation (DGRI) : Mme Claire GIRY , directrice générale.

Mercredi 18 mai 2022

- Udice : Mme Christine CLERICI , présidente, M. Michel DENEKEN , vice-président.

- Centre national de la recherche scientifique (CNRS) : M. Antoine PETIT , président-directeur général.

- Fédération des établissements d'enseignement supérieur d'intérêt collectif (Fesic) : Mme Delphine BLANC-LE QUILLIEC , déléguée générale, M. Andreas KAISER , directeur recherche et innovation.


* 1 En effet, la LPR prévoyait en 2021 une hausse de 357 millions d'euros du budget de la recherche publique, dont 165 millions d'euros au titre du programme 150, 224 millions d'euros au titre du programme 172 et - 32 millions d'euros au titre du programme 193 (ce montant en baisse s'expliquant par une correction « mécanique » liée à la fin du remboursement de la dette à l'Agence spatiale européenne et à une modification du circuit de financement du Centre national d'études spatiales - Cnes -).

* 2 Après prise en compte des mesures de transfert (14 millions d'euros), l'augmentation nette en faveur du programme 172 est de 320 millions d'euros.

* 3 En 2022, la LPR prévoit une hausse de 548 millions d'euros du budget de la recherche publique par rapport à 2021, dont 137 millions d'euros pour le programme 150, 335 millions d'euros pour le programme 172 et 76 millions d'euros pour le programme 193.

* 4 Pour prévenir ce risque, l'Agence a mis en place, comme le font la quasi-totalité de ses homologues dans le monde, des mécanismes de régulation (par exemple, un coordonnateur de projets ne peut coordonner qu'un seul projet, un chercheur ne peut participer à plus de trois projets).

* 5 La place des sciences humaines et sociales (7 %) dans les appels à projets restant encore trop faible, le plan d'action 2022 de l'ANR prévoit une profonde refonte des axes scientifiques qui leur sont dédiés afin d'accroître la participation de ces disciplines aux appels à projets. L'objectif est d'assurer une meilleure couverture de tous les domaines qu'elles représentent, en particulier les humanités qui pouvaient avoir des difficultés à s'identifier dans la précédente programmation.

* 6 La rémunération mensuelle minimale des titulaires de ces chaires est fixée à 3 443,50 euros brut.

* 7 Rapport d'information n° 667 (2019-2020) de Mme Catherine Morin-Desailly, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication : Culture, éducation, recherche, sport et communication : penser l'avenir malgré la crise sanitaire , 22 juillet 2020.

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