II. LES DIFFICULTÉS CONSTATÉES DANS LE PILOTAGE ÉCONOMIQUE DE LA RÉFORME POURRAIENT ENTRAÎNER DES EFFETS CONTRAIRES À SON OBJET

L'équilibre financier de la réforme n'apparait pas assuré et les outils de suivi et de pilotage, en la matière, insuffisants. La difficulté est particulièrement prégnante pour l'AMC, et pourrait amener les organismes complémentaires à augmenter leurs primes ou baisser leur prise en charge des paniers libres, à rebours de l'objectif affiché d'amélioration de l'accès financier aux soins. Votre commission avait, dès 2018, mis en garde contre ces écueils.

A. L'ÉQUILIBRE FINANCIER DE LA RÉFORME N'APPARAÎT PAS ASSURÉ

L'équilibre financier de la réforme, fondé sur la compensation partielle des coûts résultant du meilleur remboursement des prothèses dentaires et auditives et de l'augmentation du recours aux équipements auditifs par les économies liées à la diminution de la prise en charge sur le panier libre optique et au recours à des équipements moins onéreux dans ce secteur, se révèle incertain. La Cour relève dans son rapport que le chiffrage initial était fondé sur des hypothèses particulièrement optimistes et insuffisamment documentées , qui avaient d'ailleurs été contestées par la Mutualité française .

À l'issue des trois premières années d'exécution de la réforme, les dépenses de l'AMO se sont avérées inférieures aux prévisions : alors que 150 M€ de dépenses supplémentaires étaient attendues sur la période 2019-2021, la Cour relève un surcoût de 127 M€ seulement. Des économies supérieures aux estimations dans l'optique permettraient de compenser le dynamisme des audioprothèses. En tentant d'éliminer, sur les trois années, les facteurs d'évolution des dépenses extérieurs à la réforme, tels que la crise sanitaire, la Cour obtient un résultat proche de celui résultant du suivi des dépenses.

En revanche, sur la même période, les organismes complémentaires font état de dépenses dépassant largement les prévisions : du fait notamment d'économies en optique sensiblement inférieures à celles anticipées, le coût annuel de la réforme pour l'AMC a été très fortement réévalué par la Mutualité française , de 144 M€ à 338 M€.

Dépenses supplémentaires prévisionnelles et réalisées induites par la réforme

en millions d'euros

Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après les chiffres recueillis par la Cour des comptes

Cet écart avec les prévisions, bien qu'incertain à ce stade, remet en question l'équilibre du dispositif et conduira probablement les organismes complémentaires à ajuster leur résultat technique par l'augmentation des primes ou la révision à la baisse de la prise en charge des biens des paniers libres. À cet égard, la Cour relève que les augmentations de primes pourraient toucher certaines populations fragiles, ne bénéficiant pas de la complémentaire santé solidaire du fait d'effets de seuil, que la réforme entendait précisément viser. Ce risque est d'autant plus grand que, toutes choses égales par ailleurs, ce sont les contrats d'entrée de gamme, les moins couvrants, qui sont les plus fortement touchés par le dispositif du 100 % santé et les plus susceptibles, donc, de connaître une augmentation.

Alors que le gouvernement l'estimait faible dans l'étude d'impact jointe au PLFSS pour 2019, ce risque avait été soulevé par la commission des affaires sociales du Sénat dès l'examen du projet de loi. L'évolution des primes des contrats de complémentaire santé et des prises en charge doit, ainsi que le préconise la Cour, être précisément suivie ces prochaines années et son incidence sur l'accès aux soins évaluée, afin de sauvegarder l'efficacité de la réforme.

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