Rapport d'information n° 909 (2021-2022) de Mme Agnès CANAYER et M. Éric KERROUCHE , fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales, déposé le 29 septembre 2022

Disponible au format PDF (2,9 Moctets)

Synthèse du rapport (344 Koctets)


N° 909

SÉNAT

2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 29 septembre 2022

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation (1) relatif aux services préfectoraux et déconcentrés de l' État ,

Par Mme Agnès CANAYER et M. Éric KERROUCHE,

Sénateurs

(1) Cette délégation est composée de : Mme Françoise Gatel, présidente ; MM. Rémy Pointereau, Guy Benarroche, Mme Agnès Canayer, MM. Jean-Pierre Corbisez, Bernard Delcros, Mmes Corinne Féret, Michelle Gréaume, MM. Charles Guené, Éric Kerrouche, Antoine Lefèvre, Mme Patricia Schillinger, M. Pierre-Jean Verzelen, vice-présidents ; MM. François Bonhomme, Franck Montaugé, Cédric Vial, Jean Pierre Vogel, secrétaires ; Mmes Nadine Bellurot, Céline Brulin, MM. Bernard Buis, Laurent Burgoa, Thierry Cozic, Mmes Chantal Deseyne, Catherine Di Folco, MM. Thomas Dossus, Jérôme Durain, Mme Dominique Estrosi Sassone, MM. Fabien Genet, Hervé Gillé, Jean-Michel Houllegatte, Mmes Muriel Jourda, Sonia de La Provôté, Christine Lavarde, Anne-Catherine Loisier, MM. Pascal Martin, Hervé Maurey, Franck Menonville, Jean-Marie Mizzon, Philippe Mouiller, Olivier Paccaud, Philippe Pemezec, Didier Rambaud, Mme Sylvie Robert, MM. Jean-Yves Roux, Laurent Somon, Lucien Stanzione.

RECOMMANDATIONS DU RAPPORT

N° de la recommandation et page du rapport

Recommandations

Acteurs concernés

Calendrier prévisionnel

Support/action

ANCRER LE PRÉFET AU COEUR DE L'ÉTAT TERRITORIAL

13.

(page 83)

Rendre effectif l'échelon départemental comme périmètre de mise en oeuvre des politiques publiques

Le Premier ministre, chef du gouvernement

Immédiatement

-

15.

(page 84)

Instaurer une durée minimum d'affectation des préfets d'au moins quatre ans, avec une feuille de route sur cette période

Ministère de l'Intérieur, DMAT

Immédiatement

Règlement

17.

(page 86)

Placer le préfet sous l'autorité directe du Premier ministre

Le Premier ministre, chef du gouvernement

Immédiatement

Règlement

18.

(page 86)

Assurer de manière effective l'autorité du Préfet sur l'ensemble des directions régionales et départementales

Le Premier ministre, chef du gouvernement

1 an

Règlement

19.

(page 87)

En période de crise, placer l'ensemble des services de l'État sous l'autorité du préfet

Le Premier ministre, chef du gouvernement

1 an

Loi

N° de la recommandation et page du rapport

Recommandations

Acteurs concernés

Calendrier prévisionnel

Support/action

21.

(page 93)

Nommer le préfet comme délégué territorial de toutes les agences de l'État et faire du sous-préfet leur représentant au plus près des territoires

Le Premier ministre, chef du gouvernement, et ensemble des ministères de rattachement des agences

5 ans

Loi

INSTAURER UNE RELATION DE CONFIANCE AVEC LES ÉLUS LOCAUX

2.

(page 26)

Rendre impérative une concertation nationale avec les associations d'élus en amont du lancement d'une politique ministérielle se chevauchant avec des compétences décentralisées

Le Premier ministre, chef du gouvernement

Immédiatement

-

3.

(page 27)

Rendre effective l'obligation d'information des élus locaux en amont de toute évolution des services de l'État dans leur territoire

Le Premier ministre, chef du gouvernement

Immédiatement

-

N° de la recommandation et page du rapport

Recommandations

Acteurs concernés

Calendrier prévisionnel

Support/action

7.

(page 57)

Instaurer plus de transparence dans l'attribution des subventions de l'État (DETR, dotation de soutien à l'investissement local - DSIL -) pour les projets des collectivités territoriales et abaisser à 20 000 euros le montant des projets soumis à l'avis de la commission

Ministère de l'Intérieur, DMAT et DGCL

Immédiatement

Règlement

8.

(page 57)

Procéder à une évaluation régulière des préfets par les maires, les présidents d'EPCI et les présidents des conseils départementaux

Ministère de l'Intérieur, Conseil supérieur de l'appui territorial et de l'évaluation (CSATE)

1 an

Règlement

11.

(page 77)

Passer d'une logique de contrôle de légalité à celle de conseil aux collectivités territoriales

Ministère de l'Intérieur, DMAT

Immédiatement

-

12. (page 77)

Expérimenter l'autocontrôle de légalité pour les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) les plus peuplés

Ministère de l'Intérieur, DMAT

1 an

Loi

N° de la recommandation et page du rapport

Recommandations

Acteurs concernés

Calendrier prévisionnel

Support/action

GARANTIR LES MOYENS DE L'ÉTAT DANS LES TERRITOIRES

5.

(page 50)

Adapter la répartition des effectifs en fonction des réalités territoriales

Ministère de l'Intérieur, DMAT

5 ans

-

6.

(page 53)

Sortir de la logique systématique des appels à projet

Ministère délégué chargé des collectivités territoriales, ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, DGCL

5 ans

-

9.

(page 66)

Fixer des critères d'évaluation de l'offre d'ingénierie

Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires

3 ans

-

10.

(page 69)

Mettre les ressources du CEREMA en phase avec les objectifs qui lui sont assignés en matière d'appui aux collectivités territoriales

Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires

3 ans

Loi

N° de la recommandation et page du rapport

Recommandations

Acteurs concernés

Calendrier prévisionnel

Support/action

20.

(page 88)

Augmenter les capacités de redéploiement des fonctionnaires de l'État par le préfet (au-delà de 3 %), sans doublonnage au sein de l'État

Le Premier ministre, chef du gouvernement

1 an

Règlement

ASSURER UNE PRÉSENCE TERRITORIALE ADAPTÉE

1.

(page 18)

Repenser les schémas départementaux d'amélioration de l'accessibilité des services au public pour assurer un objectif d'équilibre territorial. Élargir le périmètre des acteurs concernés pour leur élaboration.

Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires

3 ans

-

N° de la recommandation et page du rapport

Recommandations

Acteurs concernés

Calendrier prévisionnel

Support/action

14.

(page 83)

Transformer l'organisation du corps préfectoral sur certains postes en expérimentant :

a) le dédoublement des fonctions de préfet de région et de département ou, alternativement, expérimenter la transformation du secrétaire général de la préfecture de région en préfet du département chef-lieu avec ajout d'un sous-préfet chargé de l'arrondissement centre ;

b) le dédoublement des fonctions de secrétaire général de préfecture et de sous-préfet d'arrondissement

Instaurer un numéro d'appel spécialement dédié permettant aux maires d'accéder au sous-préfet de leur arrondissement.

Ministère de l'Intérieur, DMAT

3 ans

Règlement

N° de la recommandation et page du rapport

Recommandations

Acteurs concernés

Calendrier prévisionnel

Support/action

16.

(page 86)

Proscrire les fermetures simultanées de services déconcentrés sur le territoire d'une même commune, d'un EPCI, voire d'un département (pour ceux de moins de 250 000 habitants)

Le Premier ministre, chef du gouvernement

Immédiatement

-

22.

(page 100)

Évaluer et encadrer le développement des procédures dématérialisées. Maintenir un espace d'accompagnement à l'accès aux services dématérialisés de l'État dans les préfectures et les sous-préfectures

Ministère de l'Intérieur, Secrétariat général et DMAT

3 ans

-

23.

(page 102)

Encourager l'attribution de fonctions thématiques au sous-préfet d'arrondissement et renforcer son rôle de conseil

Premier ministre et ministère de l'Intérieur, DMAT

3 ans

-

24.

(page 104)

En maintenant les sous-préfectures, faire évoluer la carte des arrondissements pour tenir compte des transformations récentes de périmètres (notamment des intercommunalités)

Ministère de l'Intérieur, DMAT

3 ans

Règlement

N° de la recommandation et page du rapport

Recommandations

Acteurs concernés

Calendrier prévisionnel

Support/action

4.

(page 35)

Assurer des moyens suffisants de fonctionnement pour chaque sous-préfecture

Ministère de l'Intérieur, DMAT

Immédiatement

-

AVANT-PROPOS

Où va l'État territorial ? Telle était la question posée voilà cinq ans par votre Délégation et à laquelle nos collègues alors Éric DOLIGÉ et Marie-Françoise PEROL-DUMONT avaient apporté une réponse tirée du point de vue des collectivités territoriales 1 ( * ) . Laissant ouvertes des options et mettant en lumière des incertitudes, leur rapport invitait toutefois moins à clore définitivement la réflexion qu'à la poursuivre pour l'enrichir des orientations et des expérimentations les plus récentes. Tel est l'esprit dans lequel vos rapporteurs ont conduit la mission d'information dont le présent rapport rend compte.

Décentralisation, services déconcentrés, État territorial... autant de notions récentes en comparaison de la longue évolution de l'administration de nos territoires. Celles-ci nécessitent d'être bien comprises pour saisir les enjeux de l'organisation de proximité de l'État. La loi n° 92-125 du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République (dite « loi ATR ») précise ainsi en son article 1 er que « l'administration territoriale de la République est assurée par les collectivités territoriales et par les services déconcentrés de l'État » . Apparaît dès lors le lien indéfectible, au travers de l'État territorial, entre l'État et ses services déconcentrés, d'une part, et les collectivités territoriales, d'autre part.

Pour cerner la nature et le contenu de ce lien aujourd'hui, vos rapporteurs ont notamment souhaité prendre le pouls des élus locaux, au travers d'une large consultation conduite via la plateforme du Sénat, mais aussi des agents de l'État, par le biais d'un questionnaire adressé aux préfets et sous-préfets 2 ( * ) . Il est intéressant de constater que de ces enquêtes se dégagent nombre de points de convergence entre les différents acteurs de l'État territorial. Confrontés à une succession de réformes depuis une quinzaine d'années et à une accélération de leur enchainement, les collectivités territoriales, comme les services préfectoraux et déconcentrés, ont le sentiment de subir les changements plutôt que d'y être associés , sans parler de les impulser. Faut-il d'ailleurs s'en étonner, alors qu'il est à déplorer qu' aucune évaluation rigoureuse et exhaustive de la réforme précédente ne détermine la réforme suivante ?

Dans ce paysage administratif en mouvement quasi perpétuel, des points de tension ressortent cependant comme autant de points fixes. Qu'il s'agisse d'une ingénierie territoriale en berne - en dépit de la récente création de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) -, d'un contrôle de légalité vécu comme trop tatillon ou d'agences étatiques perçues comme envahissantes, l'offre d'État répond de manière insatisfaisante aux besoins des collectivités territoriales .

Pour repenser l'État territorial , l'inspiration est à rechercher autour de la mise en oeuvre de quelques grands principes au coeur de l'action publique : la subsidiarité, la différenciation territoriale, la contractualisation, une meilleure représentation des élus locaux dans la gouvernance des opérateurs de l'État... Car les voies existent pour fluidifier et rendre plus efficace la relation entre un État recentré sur ses missions régaliennes et des collectivités territoriales librement administrées, dédiées au développement harmonieux de leurs territoires et au service de leurs habitants.

I. LES ADMINISTRATIONS DÉCONCENTRÉES EN CHANTIER DEPUIS QUINZE ANS

Dans son précédent rapport en 2016, votre Délégation regrettait une profusion de réformes de l'organisation territoriale de l'État ne tenant guère compte de l'avis des élus locaux, qui éprouvaient un « sentiment d'exaspération », ni de l'état d'« épuisement » des personnels. Un peu plus de cinq ans plus tard, la situation n'a pas significativement changé : le mouvement continu de réforme n'a pas fait de pause et une nouvelle initiative, dite « Action publique 2022 », est venue allonger l'empilement des réformes sans profondément corriger les travers nés des réorganisations antérieures . Les réformes s'enchaînent, sans se compléter, ni jamais être évaluées.

A. LA RÉFORME CONTINUE DES SERVICES DE L'ÉTAT TERRITORIAL

1. Les principales réformes adoptées
a) La révision générale des politiques publiques (RGPP)

On peut dater la mise en chantier , dont on connaît aujourd'hui encore les suites, de la réforme des administrations déconcentrées à la période 2007-2012 avec, dans le cadre de la politique dite de « révision générale des politiques publiques » (RGPP), la mise en oeuvre d'une réorganisation de l'administration territoriale de l'État (RéATE) 3 ( * ) .

Jusqu'en 2010 et du point de vue des élus locaux, le paysage de l'État déconcentré se composait de pas moins de 35 directions et services régionaux et départementaux. Ce « maquis » administratif se doublait d'une faible culture interministérielle, chaque direction et service se vivant essentiellement comme l'émanation d'un ministère propre et ne rendant compte qu'à l'administration centrale de ce ministère.

La RéATE ambitionnait de rompre avec cette culture trop verticale, sortir de l'organisation « en silo » et simplifier l'organisation administrative de l'État dans les territoires. D'une vingtaine, le nombre d'entités administratives régionales est ainsi passé à huit avec la création de directions dont les acronymes allaient rentrer dans l'univers familier des élus locaux au fil du temps : la direction régionale des finances publiques (DRFiP), la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), la direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS), la direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DRAAF), la direction régionale des affaires culturelles (DRAC), l'agence régionale de santé (ARS) et le Rectorat d'académie.

Au niveau départemental, les regroupements administratifs ont, pour leur part, débouché sur la création de deux ou trois directions départementales , selon les départements. Ainsi sont apparues la direction départementale des territoires (DDT), ou dans les départementaux littoraux la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM), la direction départementale de la protection des populations (DDPP) et la direction départementale de la cohésion sociale (DDCS). Dans les plus petits départements (de moins de 400 000 habitants), ces deux dernières directions ont été réunies dans une direction unique : la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP).

Avec la RéATE, le préfet a vu son rôle éminent réaffirmé au coeur de l'action de l'État déconcentré et de la conduite des politiques publiques. D'une part, le préfet de région reçoit la responsabilité de l'exécution de ces politiques dans la région. Il dispose d'un pouvoir d'instruction sur le préfet de département, ainsi que d'un pouvoir d'évocation dans le champ de compétences de celui-ci. D'autre part, le contrôle de la légalité des actes pris par les collectivités territoriales, longtemps placé au niveau du sous-préfet, s'exerce désormais au niveau du préfet et de la préfecture.

Au final, avec les restructurations administratives et l'élargissement des compétences du préfet de région, la RéATE s'est traduite par un renforcement de l'échelon régional .

b) La modernisation de l'action publique (MAP)

À partir de 2012, un objectif de stabilisation des services se substitue à celui de la réorganisation afin de « concentrer désormais les énergies sur la rénovation des modalités de pilotage et de fonctionnement de l'administration déconcentrée , plutôt que de lancer une nouvelle réorganisation alors que les précédentes se sont révélées brutales et n'ont pas été assimilées » 4 ( * ) . Cette stabilisation n'empêche pas que les réformes se poursuivent à un rythme soutenu sous l'égide de la politique dite de « modernisation de l'action publique » (MAP) de 2012 à 2017.

Une telle adaptation relève d'ailleurs d'autant plus de la nécessité que la carte des collectivités territoriales évolue au cours de la période, des conséquences devant en être tirées du côté de l'État déconcentré.

La carte des collectivités territoriales et la cartographie des services de l'État déconcentré sous la MAP

Parallèlement à la MAP, le contexte territorial évolue considérablement sous l'effet de trois lois marquantes sur la période 2012-2017. Tout d'abord, la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (dite « loi MAPTAM ») suscite une montée en puissance des métropoles. Ensuite, la loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral donne naissance, par regroupements, à de grandes régions. Enfin, la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (dite « loi NOTRe ») encourage la constitution de groupements de communes d'au moins 15 000 habitants : non seulement la carte des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) évolue, mais le nombre de ces établissements diminue de manière significative (1 254 au 1 er janvier 2022, contre 2 601 en 2009).

Face à l'émergence de ces nouvelles dynamiques territoriales, la MAP se donne pour ambition de faire évoluer en conséquence les services régionaux de l'État et de caler au mieux son organisation administrative (la carte des circonscriptions) sur la carte des nouvelles régions . Dans les sept régions fusionnées, le nombre de services régionaux passe de 144 à 63 avec pour effet, en termes de ressources humaines, la suppression de neuf postes de préfet de région ou de directeurs généraux d'ARS ainsi que de 63 postes de directeurs régionaux. En outre, les services régionaux (zones de défense, gendarmerie, douanes, protection judiciaire de la jeunesse) et les opérateurs de l'État (Pôle emploi, agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie - ADEME -, chambres consulaires) révisent leur périmètre géographique de compétence.

Dans le cadre du « Plan préfecture nouvelle génération » (PPNG) et de la « directive nationale d'orientation (DNO) des préfectures et des sous-préfectures 2016-2018 », les préfectures sont amenées à recentrer leurs activités sur des missions identifiées comme prioritaires : la lutte contre la fraude documentaire, la gestion locale des crises, l'expertise juridique et le contrôle de légalité, ainsi que la coordination des politiques publiques. En contrepartie, les modalités de délivrance des titres d'identité (passeport, carte nationale d'identité, permis de conduire) font l'objet de mesures de modernisation et de simplification des démarches, de réduction des coûts, de sécurisation des titres et de lutte contre la fraude, en clair d'une externalisation.

Un nouveau document apparaît également à l'échelle départementale en application de l'article 98 de la « loi NOTRe » : le schéma départemental d'amélioration de l'accessibilité des services publics (SDAASP).

Le SDAASP : un outil censé contribuer à l'équilibre territorial

Ce schéma vise à faciliter l'accès aux services du quotidien pour la population et à optimiser l'organisation territoriale des services au public.

La « loi NOTRe » prévoit un co-pilotage État - département pour l'élaboration et la mise en oeuvre du SDAASP, en associant les EPCI à fiscalité propre. D'une durée de six ans, il permet de déployer une véritable stratégie départementale d'amélioration de l'accessibilité des services au public.

L'article 1 er du décret n° 2016-402 du 4 avril 2016 relatif à la « loi NOTRe » indique par ailleurs que le SDAASP porte sur « l'ensemble des services , qu'ils soient publics ou privés, destinés à être directement accessibles, y compris par voie électronique, au public, celui-ci pouvant être des personnes physiques ou morales ». Le périmètre du schéma couvre ainsi un large panel de services du quotidien, indispensables à la population, qu'ils soient publics ou marchands : les services de santé, les commerces de proximité, les administrations et services à destination des publics en situation de fragilité, les services enfance et jeunesse, les usages numériques, les moyens de transport...

Pour autant, le SDAASP n'a pas vocation à se substituer aux schémas thématiques et documents de planification applicables dans ces différents domaines. Sa finalité est essentiellement d'identifier des enjeux en matière d'accessibilité, en s'appuyant sur une vision partagée des priorités en matière de services , et de proposer un programme d'actions permettant de construire des réponses partagées avec les acteurs territoriaux.

Source : « SDAASP, un plan d'actions pour les services au public du Calvados » (2017)

Vos rapporteurs soulignent l'intérêt et l'utilité d'un tel schéma qui représente un outil essentiel pour garantir un objectif d'équilibre territorial. Au surplus, il permet potentiellement d'associer une grande diversité d'acteurs intéressés au développement des territoires et ainsi de dégager des orientations partagées. Parmi les représentants de l'État (préfets et sous-préfets), 48 % l'estiment « sous-exploité ».

Proposition n° 1 : repenser les schémas départementaux d'amélioration de l'accessibilité des services au public pour assurer un objectif d'équilibre territorial. Élargir le périmètre des acteurs concernés pour leur élaboration.

Délai : trois ans

Acteur(s) : ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires

Au niveau infra-départemental, de nouvelles structures apparaissent avec le développement des maisons de l'État et des maisons de services au public (MSAP). Elles visent à permettre le maintien des services publics au plus près des usagers et des collectivités territoriales, les maisons de services au public ayant vocation à fédérer l'État, les collectivités territoriales, des opérateurs ou des entreprises de service public, ainsi que des organismes de Sécurité sociale, dans un espace commun.

2. Les transformations en cours : « Action publique 2022 »
a) Une refonte des services de l'État

À compter de 2017 s'ouvre une nouvelle page pour l'administration déconcentrée. Il s'agit de mettre en oeuvre l'un des engagements du Président de la République, Emmanuel Macron, à savoir « permettre aux acteurs de terrain de déployer l'action publique de manière différenciée , personnalisée et adaptée aux besoins du public ».

En matière d'évolution de l'organisation et du fonctionnement des services de l'État, la circulaire n° 6029/SG du 24 juillet 2018 relative à l'organisation territoriale des services publics vise ainsi à introduire plus de « souplesse » et de « modularité » dans l'organisation des services départementaux de l'État : elle envisage des fusions ou des rapprochements de directions départementales interministérielles (DDI) et des coopérations interdépartementales (par l'exercice de missions entre départements limitrophes, par exemple). Elle cherche également et de nouveau à rationaliser les moyens de fonctionnement des services en fixant des objectifs de mutualisation en matière d'immobilier (regroupements) et de gestion des moyens de fonctionnement (fusion des fonctions supports des DDI en charge des moyens de fonctionnement).

La même circulaire trace des pistes d'évolution du périmètre des missions de l'État , en énumérant celles pour lesquelles « le rôle de l'État doit être réaffirmé », et celles qui ne seront pas maintenues dans le giron de l'État ou qui seront allégées « compte tenu de l'intervention des collectivités territoriales ». L'un des objectifs affichés est en effet d'entreprendre un effort de clarification des compétences respectives de l'État et des collectivités territoriales.

La clarification des compétences entre l'État et les collectivités territoriales dans la circulaire n° 6029/SG du 24 juillet 2018 relative à l'organisation territoriale des services publics

La circulaire identifie les missions pour lesquelles le rôle de l'État doit être réaffirmé , en renforçant éventuellement ses moyens (y compris humains et en capacités d'expertise), et articulé avec plus d'efficience avec les collectivités territoriales et les opérateurs :

- des missions de sécurité, de prévention et de gestion des crises (sécurité publique, lutte contre la radicalisation, prévention du terrorisme, sécurité civile, sécurité sanitaire et alimentaire, prévention des risques naturels ou technologiques, gestion des sinistres industriels...) ;

- des missions de contrôle, de lutte contre les fraudes et d'inspection (y compris le contrôle de légalité des actes des collectivités territoriales) ;

- des missions de gestion des flux migratoires ;

- des missions d'ingénierie territoriale ;

- des missions relatives à l'environnement ;

- des missions relatives au logement et à l'hébergement d'urgence ;

- des missions dans le domaine de l'insertion professionnelle et de la lutte contre la pauvreté (avec un effort particulier dans les territoires de la politique de la ville) ;

- des missions relatives à l'égalité entre les femmes et les hommes ;

- des missions relatives à la préservation du patrimoine.

Dans d'autres secteurs d'intervention, le périmètre d'action de l'État pourra être allégé compte tenu de l'intervention des collectivités territoriales, notamment :

- en matière de développement économique, hormis les dossiers de restructuration les plus sensibles ;

- le tourisme ;

- dans les domaines du logement, de l'hébergement d'urgence, de l'accueil des migrants, de la politique de la ville et de l'égalité entre les femmes et les hommes, où l'intrication avec les compétences des collectivités territoriales (notamment le département) est forte ;

- concernant le sport, où seuls le haut niveau et les territoires carencés ont vocation à demeurer dans le giron de l'État ;

- s'agissant des demandes de permis de construire, de la liquidation des taxes relatives aux permis de construire instruits par les collectivités territoriales et de l'instruction des aides à la pierre. Ces missions pourraient être confiées, par convention, aux collectivités, en particulier les agglomérations.

Du point de vue des administrations centrales, la circulaire précitée du 24 juillet 2018 trouve son complément dans une autre circulaire du même jour. Ainsi, la circulaire n° 6030/SG relative à la déconcentration et à l'organisation des administrations centrales tire les conséquences de la précédente en ajustant le mouvement de déconcentration. Le Premier ministre, alors Édouard Philippe, y souligne que « les administrations centrales doivent seulement assurer, au niveau national, un rôle de conception, d'animation, d'appui des services déconcentrés, d'orientation, d'évaluation et de contrôle ». Il regrette toutefois que « bien souvent, tel n'est pas le cas aujourd'hui ». Aussi invite-t-il les membres du Gouvernement à lui faire des propositions concernant « toutes les décisions ou les actions à transférer à des niveaux déconcentrés ». Il précise que ces propositions devront privilégier « le niveau départemental, voire infra-départemental ».

La refonte engagée se poursuit avec la création, à compter du 1 er avril 2021, de nouvelles directions à partir du regroupement de précédentes. La - direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS) prend en charge, en région, l'action publique dans les champs économique et social. Ces actions étaient jusque-là confiées respectivement à la DIRECCTE et à la direction régionale de la cohésion sociale (DRCS). Au niveau départemental, de nouveaux services sont également mis en place sur ce même principe de regroupement des compétences économiques et sociales : les directions départementales de l'emploi, du travail et des solidarités (DDETS) et les directions départementales de l'emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations (DDETS-PP). L'organisation et les missions de ces directions sont fixées par le décret n° 2020-1545 du 9 décembre 2020 relatif à l'organisation et aux missions des DREETS, des DDETS et des DDETS-PP.

b) De nouveaux outils de pilotage

Parallèlement à ces réorganisations administratives, la réforme dite « Action publique 2022 » s'accompagne de la transformation de l'environnement de travail des décideurs publics par la création de nouveaux outils, qu'ils soient institutionnels, juridiques ou managériaux.

Dans le paysage de l'État territorial, deux nouvelles entités font leur apparition : l' ANCT ( Cf. infra partie III.A.2.b) ) et les Maisons France-Services .

Le maillage du territoire par les Maisons France-Services

Imaginées pour faciliter l'accompagnement de l'usager dans ses démarches administratives, les Maisons France-Services succèdent aux MSAP et regroupent un éventail de services publics : la caisse d'allocations familiales (CAF), les services des ministères de l'intérieur , de la justice , des finances publiques , la caisse nationale d'assurance maladie (CNAM), la caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV), la mutualité sociale agricole (MSA), Pôle emploi et La Poste . Ce socle de services peut être enrichi par les collectivités territoriales et d'autres partenaires, en fonction des besoins locaux exprimés par les citoyens.

Actuellement, vingt Maisons France-Services sont implantées en sous-préfecture et trois projets supplémentaires sont en cours de contrôle qualité pour une labellisation.

En outre, 932 anciennes MSAP ont su monter en gamme et réunir l'ensemble des critères du cahier des charges pour obtenir la labellisation. Elles font désormais partie du réseau France-Services.

Enfin, 1 097 maisons sont portées - et très majoritairement financées - par des collectivités territoriales , soit 63 % du réseau. 56 % d'entre elles sont portées par un EPCI, 38 % par une commune et 4 % par le département.

Pour les élus locaux ayant répondu au questionnaire de vos rapporteurs, ces structures « rendent les services déconcentrés de l'État et plus généralement les services publics » plus accessibles (21,8 % en sont « tout à fait d'accord » et 36,2 % « plutôt d'accord ») et plus visibles (17,3 % « tout à fait d'accord » et 34,1 % « plutôt d'accord »). En revanche, le fait de savoir si ces maisons rendent les services plus efficaces ne fait pas l'unanimité : 12,5 % sont « tout à fait d'accord », 23,8 % « plutôt d'accord », 26,9 % « ni d'accord, ni pas d'accord », 10,1 % « plutôt pas d'accord », 6,8 % « pas du tout d'accord » et 19,9 % ne se prononcent pas.

Dans son rapport d'information n° 778 (2021-2022) du 13 juillet 2022 « Premier bilan du financement des Maisons France-Services » au nom de la commission des finances, notre collègue Bernard Delcros estime qu'« il importe d'améliorer et de consolider le cadre existant, au travers du développement de nouveaux services en partenariat avec les neuf opérateurs déjà présents ». Il souligne en outre que « le maillage actuel du réseau est insuffisant en milieu rural, où une Maison France - Services doit être implantée dans chaque petite centralité, si besoin allant de pair avec la mise en place de services de transport à la demande dans les territoires dépourvus de transport en commun ».

Ce souhait relatif à de nouvelles implantations de Maisons France - Services entre en résonance avec l'avis recueilli par vos rapporteurs à l'occasion de leur enquête auprès des élus locaux. Ainsi, lorsque les répondants n'ont pas de Maison sur leur territoire, ils ne sont que 51,8 % à estimer que ce type de structure rend les services de l'État plus visibles, 59 % à considérer qu'ils sont plus accessibles, 36,2 % plus efficaces et 39,3 % jugent que ces structures apportent une plus-value. Par contre, lorsque le territoire des répondants est doté d'une telle Maison, ils sont respectivement, pour chacun de ces items, 65 %, 71,4 %, 47,7 % et 55,6 %. Il y a donc une différence d'appréciation entre les territoires dotés et ceux qui ne le sont pas.

Apparaît également la volonté de s'assurer de la mise en oeuvre « jusqu'au dernier kilomètre » des réformes considérées comme prioritaires grâce à une nouvelle méthode, dite des « feuilles de route », pour les préfets . Sous cette nouvelle approche, le Gouvernement sélectionne un certain nombre de réformes prioritaires et les préfets sont chargés de leur déclinaison territoriale en privilégiant l'échelon départemental. Ainsi que l'explicite le « Guide du préfet et des services déconcentrés » 5 ( * ) , la culture du « dernier kilomètre » consiste à « considérer qu'il n'y a pas des obligations de moyens ou de normes, mais des obligations de résultat, de transformation réelle de la vie quotidienne des Français ».

La méthode de la « feuille de route » :

donner un mandat interministériel clair au préfet

Alors que la circulaire n° 6230/SG du 18 novembre 2020 détaille le suivi de l'exécution des priorités gouvernementales, la circulaire n° 6259/SG du 19 avril 2021 précise les conditions de mise en oeuvre de la « feuille de route ».

La combinaison de l'identification de réformes prioritaires et de la « feuille de route » vise à asseoir et renforcer le rôle du préfet dans le pilotage et l'animation des services et des opérateurs de l'État , en lien avec les collectivités territoriales et les autres partenaires de l'action publique locale.

La « feuille de route » est signée par le Premier ministre et donne au préfet un mandat de trois ans .

Les objectifs des réformes prioritaires sont territorialisés à la maille départementale et actés entre le préfet et les administrations centrales, en tenant compte des enjeux propres à chaque territoire. Les « feuilles de route » interministérielles identifient les réformes prioritaires et les projets structurants locaux à fort enjeu demandant un engagement personnel et un investissement particulier du préfet.

Les résultats obtenus par le préfet sont pris en compte dans son évaluation et la détermination de la part variable de sa rémunération.

Dans la même logique poursuivie par l'« Action publique 2022 », un autre outil de pilotage est institué : le baromètre des résultats de l'action publique .

Ce baromètre correspond à un outil accessible à tous, sur le site www.gouvernement.fr. Chacun peut y suivre, pour chaque territoire, l'avancée et les résultats de l'action publique sur une sélection de 36 réformes prioritaires autour de 10 thématiques : 1. éducation - jeunesse, 2. économie - emploi, 3. transition écologique, 4. agriculture, 5. sécurité, 6. justice, 7. santé famille - handicap, 8. logement, 9. services publics et territoires, 10. culture.

Le « Guide du préfet et des services déconcentrés » présente ce baromètre comme un outil permettant le « dialogue avec les collectivités locales , les résultats publiés [pouvant] être mobilisés pour objectiver les situations avec les partenaires locaux et enclencher une action ».

Un exemple tiré du baromètre de l'action publique : le nombre d'agriculteurs engagés dans une démarche certifiée de transition agro-écologique

Source : site www.gouvernement.fr

B. LA DIFFICILE ASSIMILATION DES RÉFORMES PAR LES ÉLUS LOCAUX ET LES ACTEURS DE L'ÉTAT TERRITORIAL

1. La faible évaluation des réformes successives
a) Une absence d'évaluation de la RGPP et de la MAP

L'enchainement des réformes de l'État territorial à un rythme soutenu sur les quinze dernières années laisserait imaginer qu'un effort substantiel d'évaluation de ces politiques a été déployé au fil du temps. Il n'en est absolument rien, ce qui ne peut manquer d'interroger : les administrations déconcentrées seraient-elles condamnées à un cycle de transformations incessantes sans que jamais ne soient tirés les enseignements de l'expérience précédente ?

Dans le cadre de la RGPP, le Conseil de modernisation des politiques publiques (CMPP) a essentiellement tenu un rôle d' instance de validation des décisions prises. Il n'a pas survécu au changement d'orientation impulsé avec la MAP, à laquelle il aurait pourtant pu fournir d'utiles éléments de contexte et d'évaluation. Un même regret peut être formulé à l'égard du Comité interministériel de modernisation de l'action publique (CIMAP) qui lui a succédé dans le cadre de la MAP.

Au final, parmi les administrations d'État, seule France Stratégie se sera penchée sur les résultats obtenus par ces deux politiques, dans un rapport publié en 2018 sur le « bilan de la RGPP et de la MAP en matière de modalité d'accompagnement et de bonne appropriation par les agents ». Encore faut-il relever le thème très limité de son étude (l'accompagnement et l'appropriation par les agents) et un champ extrêmement général puisqu'englobant toutes les administrations, donc pas uniquement les administrations déconcentrées.

Il est d'ailleurs significatif que la démarche « Action publique 2022 » n'a reposé sur aucun exercice préalable d'évaluation ou de bilan, même approximatif, quant aux réussites, aux échecs et aux enseignements des politiques précédemment menées. Le Parlement n'a été que faiblement associé à cette réforme qui n'est qu'issue des travaux d'un comité comprenant une quarantaine de membres mêlant économistes, fonctionnaires, personnalités issues du secteur privé et élus, ayant rendu un rapport public durant l'été 2018. Ce rapport formulait des propositions fondées sur l'idée qu'« améliorer le service public tout en faisant des économies substantielles est possible », ce qui est une vieille antienne, et s'appuyait sur quatre prérequis : sortir de l'uniformité du service public, aller au bout de la logique de transparence et de responsabilisation, faire confiance en interne et ouvrir les services publics à toutes les initiatives d'intérêt général.

b) Le tableau de bord interministériel et territorialisé : nouvel outil d'évaluation ?

Souhaitée par vos rapporteurs, la culture de l'évaluation pourrait être encouragée par la création récente d'un tableau de bord interministériel et territorialisé des réformes .

Ce tableau de bord ne doit pas être confondu avec le baromètre de l'action publique, en ce que le premier constitue un outil de pilotage interne alors que le second est accessible à tous les administrés via Internet. Plus précisément, il est destiné à un usage interne à l'administration d'État et permet de restituer les résultats de l'ensemble des 83 réformes identifiées comme prioritaires par le Gouvernement.

Au niveau régional , le préfet de région dispose des résultats des réformes prioritaires suivies à la maille régionale, ainsi que ceux de l'ensemble des départements de la région. De cette façon, il dispose d'une vision complète des résultats dans les départements pour chaque politique, leur niveau d'avancement et les difficultés rencontrées.

Au niveau départemental , le tableau de bord permet de visualiser les résultats des politiques publiques prioritaires et d'apprécier leur degré de mise en oeuvre via la mesure de leur taux d'avancement, le suivi d'indicateurs, ainsi que des commentaires qualitatifs contextualisant l'exécution de ces réformes et les difficultés rencontrées.

Le recul manque encore pour estimer l'apport réel de cet outil à la démarche d'évaluation, mais il est certain que la logique sous-tendant l'instauration de ce tableau de bord correspond bien à l'attente d'une évaluation aussi précise que possible des résultats et des conséquences des politiques de transformation des services déconcentrés de l'État. Pour autant, ces outils ne doivent pas devenir trop contraignants pour les acteurs.

2. L'absence de concertation des principaux acteurs
a) Des élus locaux faiblement concertés

Plus de quatre élus locaux sur cinq estiment ne pas avoir été suffisamment associés aux différentes réformes des services déconcentrés de l'État . Telle est la proportion qui ressort des réponses à leur consultation en ligne par vos rapporteurs. Plus précisément, 52,6 % ne sont « pas du tout d'accord » avec l'affirmation selon laquelle ils auraient été « suffisamment associés », quand 29 % se disent « plutôt pas d'accord » avec cette assertion. Seuls 2 % considèrent avoir été suffisamment associés.

De ces résultats, deux constats aussi alarmants l'un que l'autre doivent être tirés. D'une part, le reproche concernant le manque de concertation est très largement partagé . D'autre part, aucune mesure correctrice n'a été mise en place d'un train de réformes à l'autre. Faut-il d'ailleurs s'en étonner dès lors qu'aucune évaluation rigoureuse de la précédente réforme de l'administration déconcentrée n'a précédé la réforme suivante : les réformes s'empilent sans tentative d'en dégager de manière objective et documentée des enseignements pour la prochaine étape ni encore moins d'estimer les conséquences territoriales.

Déjà en 2016 , votre Délégation dans son rapport d'information dressait un constat très comparable en soulignant que « l'association aux réformes des acteurs de terrain demeure insuffisante aux yeux de la majeure partie des élus locaux et des syndicats qui ont été auditionnés ». Elle pointait le décalage avec le discours « officiel » des représentants de l'État qui insistaient, eux, sur la consultation des acteurs de terrain, au premier rang desquels les élus locaux.

Ce décalage peut de nouveau être relevé en 2022 au terme de la mission d'information confiée à vos rapporteurs. Ainsi, la direction interministérielle de la transformation publique (DITP) indique que « les collectivités territoriales ont été associées à la réflexion dans le cadre des travaux du Comité CAP 2022. S'agissant de l'échelon territorial, l'objectif est d'ouvrir davantage le champ de la réflexion au-delà du périmètre de l'administration de l'État, vers les collectivités territoriales et d'examiner toutes les pistes envisageables visant la meilleure synergie pour l'action publique entre les deux périmètres » 6 ( * ) . La DITP ajoute que « les souplesses d'organisation données aux préfets, les voies ouvertes par le projet de loi 3DS ainsi que la contractualisation (contrat de relance et de transition écologique, contrats de sécurité intégrés, contrat de plan État-région, « Action coeur de ville », « Petites villes de demain », France-Services, Territoires d'industrie) sont aussi le lieu de discussion entre l'État et les collectivités territoriales sur la définition d'organisations locales plus efficaces ». On ne peut toutefois s'empêcher de constater que, même dans ces éléments de réponse, aucune méthodologie de concertation des élus n'est clairement identifiée, et encore moins exposée.

Au total, ainsi que le résume l' Assemblé des départements de France (ADF) , invitée par vos rapporteurs à donner son point de vue sur cette question, « les réformes engagées ont [...] insuffisamment associé les acteurs de terrain » 7 ( * ) .

Proposition n° 2 : rendre impérative une concertation nationale avec les associations d'élus en amont du lancement d'une politique ministérielle se chevauchant avec des compétences décentralisées.

Délai : immédiatement

Acteur(s) : Premier ministre, chef du gouvernement

Encore ce déficit de concertation en amont aurait-il pu, au moins en partie, être compensé par une bonne information en aval des élus locaux sur les réformes conduites. Tel n'est malheureusement pas le cas, puisque 23,5 % des répondants à vos rapporteurs estiment ne pas du tout connaître la réforme en cours de l'organisation territoriale de l'État. Lorsque les élus locaux sont invités à évaluer leur degré de connaissance de cette réforme sur une échelle de 0 (« Je ne la connais pas du tout ») à 10 (« Je la connais très bien »), 85,5 % se situent entre 0 et 5 , ce qui confirme la méconnaissance d'ensemble.

Cette appréciation à partir d'une interrogation portant sur la vision globale de la démarche de réforme se trouve confirmée dans le cas particulier de l'évolution en cours du rôle institutionnel du préfet. En effet, à la question « Avez-vous eu connaissance du renforcement prévu du rôle du préfet annoncé lors du Comité interministériel de la transformation publique (CITP) de février 2021 ? », 69 % des élus locaux répondent par la négative .

Ce déficit de concertation et, même, d'information n'est pas sans lien avec les craintes, les réserves et les critiques exprimées par les élus locaux quant au mouvement continu de réforme de l'État territorial sur la période contemporaine, et sur lesquelles vos rapporteurs reviendront.

Il paraît, en outre, indispensable de rappeler l'obligation incombant à l'État en application de l'article L. 2255-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT), selon lequel « lorsqu'il est envisagé la fermeture ou le déplacement d'un service de l'État, à l'exception de ceux des administrations centrales et des services à compétence nationale, d'une collectivité territoriale, d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ou d'un organisme chargé d'une mission de service public situé dans le périmètre de l'opération, le représentant de l'État dans le département ou l'autorité exécutive de la collectivité territoriale, de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ou de l'organisme chargé d'une mission de service public communique au maire de la commune et au président de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont est membre la commune toutes les informations justifiant cette fermeture ou ce déplacement, au moins six mois avant la date prévue pour sa réalisation. Il indique également les mesures envisagées pour permettre localement le maintien de ce service sous une autre forme. Ces informations sont également transmises à la région et au département. ».

Proposition n° 3 : rendre effective l'obligation d'information des élus locaux en amont de toute évolution des services de l'État dans leur territoire.

Délai : immédiatement

Acteur(s) : Premier ministre, chef du gouvernement

b) Des représentants de l'État peu associés

Vos rapporteurs ont cherché à connaître les retours des élus locaux, mais aussi ceux des fonctionnaires en poste dans les préfectures et sous-préfectures. Il en ressort, notamment, une grande convergence de vue s'agissant du manque d'association aux réformes.

Le point de vue des préfets et sous-préfets
sur la réforme de l'organisation territoriale de l'État

Le regard croisé des préfets et sous-préfets, d'une part, et des élus locaux, d'autre part, offre une mise en perspective du mouvement de réformes de l'organisation de l'État territorial. Les graphiques suivants le mettent en évidence.

Cette comparaison des points de vue fait ressortir plusieurs points saillants :

- un accord fort sur le fait que la réforme de l'organisation territoriale de l'État est souhaitable pour les représentants de l'État comme pour les élus ;

- l'avis est toutefois plus modéré concernant la pertinence de la réforme, singulièrement chez les élus ;

- la réforme de l'organisation territoriale de l'État répond encore moins aux attentes des préfets et sous-préfets (36 %) qu'à celles des élus (22 %) ;

- ce sont les représentants de l'Etat qui dénoncent le plus (à 85 %, contre 64 % du côté des élus locaux) le rythme de réforme de l'organisation territoriale de l'Etat ;

- si l'absence de sentiment d'association aux réformes est très marqué chez les élus (82 %), il est loin d'être négligeable chez les représentants de l'État : 43 % , seul un sur cinq disant avoir été associé ;

- enfin, et cela est très révélateur, seul un représentant de l'État sur quatre estime que la réforme de l'organisation territoriale de l'État est efficace.

Au total, la confiance des préfets et sous-préfets vis-à-vis des réformes de l'organisation territoriale de l'État s'érode avec le temps.

La perception des réformes

Si 58 % des représentants de l'État jugent que la RéATE était une réforme utile, ce taux passe à 51 % s'agissant du PPNG. En outre 38 % (soit une majorité relative) indiquent que la démarche « missions prioritaires des préfectures » (MPP 22) inquiète le personnel des préfectures et sous-préfectures.

3. Le manque de clarté des objectifs recherchés
a) L'ambition affichée : améliorer le fonctionnement des services de l'État

Chaque réforme de l'État déconcentré est bien évidemment en théorie portée par l'ambition d'améliorer le fonctionnement de ces services et de répondre ainsi au mieux à la demande d'État dans les territoires. En 2016, votre Délégation avait observé à cet égard que « les objectifs poursuivis sont annoncés comme plus qualitatifs, l'accent étant mis sur la priorisation des missions plutôt que sur la réduction des effectifs ». Six ans après, cette affirmation demeure s'agissant de la nouvelle vague de réformes intervenues avec la stratégie « Action publique 2022 ».

Dans le cadre de cette stratégie, la DITP souligne que le mouvement actuel de déconcentration « dans le champ des politiques publiques comme dans celui de la gestion des ressources humaines et budgétaires » a pour objectif de « promouvoir une action publique plus proche, plus simple et plus efficace ». Elle met en avant trois grands axes : une responsabilité renforcée, des marges de manoeuvre accrues et le réarmement des services déconcentrés.

Concernant le renforcement de la responsabilité des acteurs de l'administration déconcentrée, le rôle du préfet dans la mise en oeuvre des réformes prioritaires et dans la stratégie du « dernier kilomètre » tient une place prépondérante. En effet, fort du mandat interministériel qui lui a été confié (la « feuille de route »), il coordonne et pilote les politiques publiques en s'appuyant sur le baromètre des résultats de l'action publique.

Justifiées par la volonté que les décisions soient prises au plus près de l'usager et des territoires, les marges de manoeuvre accrues résultent d'une série de dispositions allant de l'exercice du droit de dérogation à la déconcentration des décisions en matière de ressources humaines et budgétaires.

Le réarmement des services déconcentrés s'entend comme l'arrivée de nouvelles ressources humaines, soit la nomination d'une trentaine de sous-préfets à la relance et l'affectation de vingt-trois experts de haut-niveau / directeurs de projet dans les territoires. Il renvoie également à la création de l'ANCT pour accroître la mise à disposition de ressources d'ingénierie au niveau local. Enfin, il s'agit de moyens accrus (avec au total plus de 8 millions d'euros) accordés pour les laboratoires d'innovation territoriale « afin de permettre aux services déconcentrés de trouver des solutions à taille humaine conçues pour répondre aux enjeux de chaque territoire ».

Les laboratoires d'innovation territoriale

Les laboratoires d'innovation territoriale ont été créés à la suite d'un appel à projets lancé par la DITP dans le cadre du Programme d'investissement d'avenir (PIA) en novembre 2016. L'objectif de cet appel à projet consistait à permettre la création de lieux d'échanges et de valorisation de la créativité, des idées et des compétences des agents de l'administration territoriale de l'État .

Aujourd'hui, on dénombre douze laboratoires d'innovation territoriale implantés dans toute la France. Ils se différencient par leur organisation et les thématiques qu'ils traitent. Tous ont cependant comme point commun de proposer de nouvelles méthodes de travail et d'accompagner le changement au travers de projets dédiés. L'ambition vise à faciliter l'émergence et l'expérimentation de projets d'innovation publique qui répondent à des problématiques de territoire, à l'initiative des agents de terrain.

Ils sont portés par les secrétaires généraux pour les affaires régionales (SGAR) , des services déconcentrés de l'État, des conseils régionaux ou départementaux, des communes...

Un premier bilan de ce dispositif a été dressé en avril 2019 par un cabinet indépendant (le cabinet Planète publique) sur commande de la DITP. Il en ressort qu'en l'espace de quelques mois de fonctionnement, ces laboratoires d'innovation territoriale totalisaient un ensemble de 94 actions et projets réalisés ou en cours. Ces réalisations recouvraient une grande variété d'actions, allant de la mise en oeuvre de chantiers structurants ou la création d'outils pérennes (par exemple, le projet « Zéro non-recours aux droits » porté par le Lab Zéro à Marseille ou le développement d'un simulateur d'entretiens de recrutement  par le Ti'Lab à Rennes) à la conduite d'interventions courtes et ponctuelles (réunions d'information, séances de créativité, sprints de prototypage...) en passant par des actions d'accompagnement et des apports d'ingénierie (montage de formations, appui à la conception de projets innovants, diffusions de kits et de guides de bonnes pratiques).

b) La réalité constatée : une baisse drastique des moyens de l'État dans les territoires

Si au lendemain de la RéATE, l'accent a eu tendance à être mis sur les aspects qualitatifs des réformes de l'administration déconcentrée, cela ne peut occulter la réalité d'une gestion des réformes par le chiffre et les effectifs . Au cours des auditions conduites par vos rapporteurs, c'est certainement l'Association des petites villes de France (APVF) qui a synthétisé cette analyse dans la forme la plus radicale : « les réformes successives de l'administration territoriale n'ont été pensées que d'un point de vue financier : l'objectif principal de ces réformes était de faire des économies d'échelle » 8 ( * ) .

Ce point de vue est partagé par les organisations représentantes des personnels de l'administration déconcentrée qui vivent et mettent en oeuvre un flux continu de réformes depuis une quinzaine d'années. Lors de la table ronde qui leur a été consacrée par vos rapporteurs le 23 novembre 2021, David Lecoq, au nom de la CGT, a ainsi déploré que « le bilan de ces réformes depuis quinze ans soit la baisse du nombre de fonctionnaires, qu'on essaie depuis d'absorber ». Selon la CFDT, « les différentes réformes mises en oeuvre (RGPP, RéATE, Plan préfecture nouvelle génération et « Action publique 2022 ») n'ont été ni prévues ni construites dans le sens d'une meilleure réponse aux collectivités territoriales : elles ont eu pour objectif une réorganisation interne des services de l'État aux fins de réduire les coûts budgétaires de fonctionnement (suppression de postes essentiellement) » 9 ( * ) .

De fait, dans son rapport « Les services déconcentrés de l'État : clarifier leurs missions, adapter leur organisation, leur faire confiance » 10 ( * ) , la Cour des comptes attestait que « les services déconcentrés de l'État ont contribué à la réduction des effectifs de l'État, liée à la fois aux transferts de compétences qui ont, pour certains, entraîné des transferts d'effectifs, et à la volonté de maîtriser le déficit budgétaire de l'État ». Elle chiffrait cette réduction entre 2011 et 2015 à 1,87 %, les effectifs passant de 1 334 406 à 1 309 416 agents.

L'évolution des effectifs du programme portant les moyens humains dédiés aux préfectures et aux sous-préfectures se révèle de ce point de vue particulièrement éclairante, en dépit d'un changement de périmètre à compter du 1 er janvier 2020.

Les effectifs de l'administration territoriale entre 2011 et 2021

(en équivalent temps plein annuel travaillé (ETPT))

Source : d'après les bleus budgétaires annexés aux projets de loi de finances

De 2011 à 2019 les effectifs réels des préfectures et des sous-préfectures ont enregistré une baisse continue, passant de 27 765  équivalent temps plein travaillé (ETPT) à 24 885 ETPT, soit un recul de - 10,4 % .

À partir de 2020, le suivi de ces effectifs à partir des documents annexés au projet de loi de finances devient plus délicat en raison de changements de périmètre budgétaire. En effet, les effectifs du programme 307 « Administration territoriale » sont fusionnés avec ceux du programme 333 « Moyens mutualisés des administrations déconcentrées » (c'est-à-dire ceux des DDI) dans un programme unique 354 « Administration territoriale de l'État ». Les effectifs de ce programme sont majorés de 1 803 ETPT du fait de la création de secrétariats généraux communs (SGC), induisant le transfert « entrant » des personnels issus des secrétariats généraux des DDI.

De même, en 2021, la poursuite de la réforme de l'organisation territoriale de l'État se traduit sur les effectifs du programme 354 « Administration territoriale de l'État » par une majoration de 424 ETPT en raison de la création des DDETS, de 321 ETPT du fait de la mise en place des SGC dans les départements d'outre-mer 11 ( * ) , et de 100 ETPT liés au transfert des missions des services de la main d'oeuvre étrangère au réseau des préfectures.

Au final, il est cependant possible de dresser un bilan de l'impact des réductions d'effectifs sur les préfectures et les sous-préfectures entre 2009 et 2020 12 ( * ) :

- pour les préfectures : 35 ont perdu au moins 50 ETPT (Saint-Brieuc ayant même connu une baisse de 46,2 %, soit 79 ETPT en moins), 23 ont enregistré une baisse comprise entre 40 et 50 ETPT, 19 sont concernées par une diminution comprise entre 30 et 40 ETPT et 21 ont abandonné moins de 30 ETPT. En sens inverse, trois préfectures ont vu leur effectif augmenter (+ 9,4 % pour Nantes, + 4,1 % pour Strasbourg et + 1,5 % pour Poitiers) ;

- pour les sous-préfectures : cinq sont concernées par une diminution supérieure à 30 ETPT (soit - 61,7 % pour Grasse, - 55,3 % pour Boulogne-Billancourt, - 48,8 % pour Brest, - 44,2 % pour Le Havre et - 39,6 % pour Nogent-sur-Marne), huit subissent une baisse comprise entre 20 et 30 ETPT, pour 59 d'entre elles la baisse se situe entre 10 et 20 ETPT et 159 ont connu une baisse inférieure à 10 ETPT. Il faut ajouter que quatre ont des effectifs en hausse (+ 25,6 % à Mirmande, + 6,4 % à Saint-Denis, + 4,6 % à Bellac et + 0,7 % à Mamers).

Les préfets et les sous-préfets déplorent le manque d'effectifs

Le tableau ci-dessous rend compte de l'avis des préfets et sous-préfets au sujet des effectifs dont ils disposent pour mener à bien leurs missions.

De manière globale, les préfets comme sous-préfets se rendent compte des limites de l'organisation de leurs services. Si la question de la formation des personnels amène un avis partagé (47 % estimant qu'ils sont assez formés contre 45 % qui ont un avis contraire), l'aspect quantitatif et humain amène des réponses bien plus tranchées :

- 70 % des préfets et sous-préfets estiment que les moyens humains des préfectures et des sous-préfectures sont insuffisants ;

- 66 % estiment qu'il n'y a pas suffisamment de personnel.

Proposition n° 4 : assurer des moyens suffisants de fonctionnement pour chaque sous-préfecture.

Délai : immédiatement

Acteur(s) : ministère de l'Intérieur, direction de la modernisation de l'administration territoriale (DMAT)

Concernant les DDI , et selon les données communiquées par la direction de la modernisation de l'administration territoriale (DMAT) du ministère de l'Intérieur, qui pilote depuis 2020 les effectifs des DDI en application du décret n° 2020-1050 du 14 août 2020, ces directions ont, elles-aussi, subi une érosion continue de leurs effectifs.

Alors qu'en 2011 les effectifs physiques des DDI s'élevaient à 39 796 agents, ces directions ne comptaient plus que 25 474 agents en 2020, soit une chute de 36 % . Au cours de cette période, la création des DRJSCS et des DDJSCS a fortement impacté à la baisse l'effectif global des DDI, avec une réduction de 7,2 % entre 2014 et 2015.

L'évolution des effectifs physiques des DDI de 2010 à 2020

Source : DMAT

La dynamique à la baisse des effectifs des DDI

Le rapport de la Cour des comptes , paru le 14 avril 2022, sur « Les effectifs de l'administration territoriale de l'État » pointe une trajectoire à la baisse des effectifs des DDI, qui représentent l'un des maillons de l'ingénierie d'État en soutien des collectivités territoriales.

La Cour souligne qu'« entre 2012 et 2020, les DDI ont perdu 30,8 % de leurs emplois . De tous les services déconcentrés de l'État, ce sont les directions dont les effectifs ont baissé le plus rapidement depuis 2011 », même si ce constat doit être nuancé par des effets de périmètre altérant l'étude du schéma d'emplois de ces services.

Selon la Cour, « si le défaut de fiabilité des données ne permet pas de conclure définitivement, il semblerait néanmoins que les ministères, notamment l'écologie et les ministères sociaux, aient fait le choix de faire porter leurs schémas d'emplois [à savoir des réductions d'effectifs] en priorité sur leurs agents départementaux , parfois au-delà de la part que ces derniers représentent dans le programme [budgétaire] ».

L'évolution des plafonds d'emploi des DDI de 2010 à 2020

(en ETPT)

Source : DMAT

Pour 2021 , la DMAT estimait que les effectifs des DDI se situaient aux environs de 28 000 agents, soit une hausse de + 10 % . La création des DDETS s'est en effet traduite par le renfort de près de 5 000 agents des anciennes unités départementales des DIRECCTE et, en sens inverse, par le départ :

- des agents chargés des missions relatives à la jeunesse, au sport et à la vie associative des anciennes DDCS vers les services départementaux de l'éducation nationale ;

- des agents chargés des fonctions support dans les DDI vers les SGC.

La présence de l'État dans les territoires ne se limite pas aux seules préfectures, sous-préfectures et DDI. D'autres administrations déconcentrées tiennent également une place importante dans la relation entretenue par les collectivités territoriales avec l'État. C'est le cas notamment du réseau déconcentré de la direction générale des finances publiques (DGFiP) et de ses trésoreries . Celles-ci assurent notamment le suivi de la gestion budgétaire et comptable des collectivités territoriales, de leurs établissements publics, des hôpitaux et des offices publics de l'habitat (OPH).

Or, la fusion de la direction générale des impôts (DGI) avec la direction générale de la comptabilité publique (DGCP) a initié une révision du maillage territorial de cette administration financière, dont l'une des traductions les plus tangibles a été la suppression de nombreuses trésoreries . Dans son rapport d'information au nom de la commission des finances « Agir pour nos concitoyens : redonner de la proximité et de l'efficacité à l'action publique dans les territoires » 13 ( * ) , notre collègue alors Jacques Genest notait que « depuis 2013, les différentes réorganisations intervenues se sont traduites par la suppression nette de 535 trésoreries sur le territoire ».

En septembre 2020, le ministère de l'économie a toutefois annoncé une relocalisation d'une partie des effectifs de la DGFiP en province, vers des villes petites et moyennes. Au total, 2 500 postes pourraient progressivement être transférés de Paris entre 2021 et 2026 . À titre d'exemple, Mende accueille à partir de 2021 une vingtaine d'agents d'un service d'appui à la publicité foncière, Lisieux une quarantaine d'agents d'un centre de contact pour les contribuables professionnels à compter de 2023, ou Châteaudun 35 à 40 agents d'un pôle de contrôle fiscal à distance à compter de 2022. Il est toutefois encore trop tôt pour juger de la concrétisation de cette annonce.

Comme on le constate, pour les services préfectoraux comme pour les autres administrations déconcentrées, les réorganisations, les fusions et les changements de périmètres rendent difficile l'exercice de comparaison sur moyenne et longue période. Pour autant, le sens de l'évolution ne souffre aucun débat : les effectifs de l'administration déconcentrée ont sévèrement reculé .

Les baisses sont la plupart du temps justifiées par deux séries d'arguments : d'une part, une réorganisation débouchant sur un fonctionnement plus efficient des services, nécessitant dès lors moins de personnels, et, d'autre part, des gains de productivité dégagés par le déploiement de nouveaux outils technologiques (par exemple, la dématérialisation de la transmission d'actes). Cette argumentation demeure fragile dans la mesure où aucune évaluation ex post ne vient jamais la vérifier (ou l'infirmer) . En pratique en revanche, les exemples de dégradation du niveau de service rendu aux collectivités territoriales, et plus généralement aux usagers, se rencontrent fréquemment.

Deux exemples concrets de dysfonctionnement liés

aux réductions d'effectifs

1) La mission de contrôle de la commande publique

Avant la réforme de la DGCCRF, les agents de cette direction en département avaient en charge la mission de contrôle de la commande publique . Ils possédaient une vision globale des différents appels d'offre et des candidats répondant à ces appels. Ils pouvaient ainsi conseiller les collectivités territoriales et leur apporter leur expertise en situation d'appel infructueux, d'offre anormalement basse ou d'offre suspecte.

Dans le cadre de la RéATE, cette mission a été dévolue aux seuls agents en poste en DIRECCTE au niveau régional. Ainsi, le nombre d'agents en charge de ces missions a été réduit, mais avec une perte de la qualité de service rendu aux collectivités territoriales. En effet, l'expertise, la connaissance fine des répondants et l'effet de partage de connaissances en réseau se sont progressivement dilués. Désormais, les agents en charge de cette mission se concentrent sur la détection d'ententes illicites et délaissent l'aspect correspondant à l'accompagnement des collectivités territoriales et de leur commission d'appel d'offre .

2) Le déploiement numérique

Par ailleurs, le déploiement d'innovations numériques peut recéler des difficultés nouvelles, tant pour les personnels des services déconcentrés que pour les collectivités territoriales elles-mêmes. Ainsi que les représentants de la CFDT l'ont souligné auprès de vos rapporteurs, l'organisation des services des préfectures et des DDI a été « revue à l'aune de la numérisation », mais celle-ci « emporte des difficultés : déploiement d'applications informatiques peu efficaces, redéploiement des tâches sans tenir compte des difficultés techniques, suppressions de postes liées aux supposés gains de temps de travail, formation métiers qui peine à s'inscrire dans un calendrier opérationnel, surcharge dans l'exercice des missions, télétravail très hétérogène selon les grades, les départements et les services » 1 . L'exemple le plus récent est vraisemblablement à chercher du côté la mise en oeuvre des SGC depuis le 1 er janvier 2020 et des difficultés informatiques auxquelles elle est désormais confrontée. Ces difficultés ont conduit au « plan d'action et de soutien pour les SGC départementaux » produit par la DMAT au cours du dernier trimestre de l'année 2021 2 .

En conséquence de la e-administration, des services d'accueil du public dans les préfectures et les sous-préfectures ont par ailleurs été supprimés. C'est par exemple le cas concernant la délivrance des titres d'identité. De ce fait, un effet report des usagers sur les collectivités territoriales a pu être constaté. L'année 2022 aura ainsi été marquée par des phénomènes de file d'attente des usagers en demande de documents d'identité (nouvelle carte nationale d'identité, passeport) pouvant décaler de plusieurs mois l'obtention de ces documents.

1 Réponses écrites de la CFDT à vos rapporteurs, en date du 23 novembre 2021.

2 Cf . Note en date 13 octobre 2021.

I. II. LA NÉCESSAIRE CLARIFICATION DU RÔLE DE L'ÉTAT DANS LES TERRITOIRES

Comment expliquer que l'administration territoriale de l'État connaisse un mouvement perpétuel de changements depuis maintenant plusieurs décennies ? La cause est à chercher du côté de l'idée que l'on se fait de la place de l'État dans les territoires . Or, à cet égard, il faut bien reconnaître un déficit de vision sur le long terme, qui ne peut que nourrir les tâtonnements, les improvisations et les expérimentations décevantes. Dans un pays construit historiquement autour d'un État fort et centralisateur, il n'est d'ailleurs pas surprenant qu'il soit difficile d'imaginer une relation équilibrée entre cet État et les collectivités territoriales.

La clarification du rôle de l'État dans les territoires représente pourtant le préalable à toute nouvelle avancée dans l'organisation et le fonctionnement de l'administration territoriale. C'est aussi une condition de stabilisation de l'ordonnancement administratif au niveau déconcentré. Selon vos rapporteurs, cette réflexion stratégique doit s'articuler autour de deux grandes lignes d'horizon : recentrer l'État sur ses missions régaliennes et favoriser la logique d'accompagnement des élus locaux .

A. RECENTRER L'ÉTAT SUR SES MISSIONS RÉGALIENNES ET ANCRER LE PRÉFET AU CoeUR DE L'ÉTAT TERRITORIAL

1. Une meilleure répartition des compétences
a) Privilégier le principe de subsidiarité

En dépit des nombreuses réformes de l'administration déconcentrée, le point d'équilibre n'est pas atteint du point de vue des collectivités territoriales . Il s'agit ici de tout l'enjeu autour de la juste application du principe de subsidiarité.

Pour rappel, le rapport du Groupe de travail présidé par Monsieur le Président du Sénat, Gérard Larcher, sur la décentralisation 14 ( * ) définit le principe de subsidiarité comme un principe de proximité :

« Le principe de subsidiarité est en réalité un principe de proximité : il implique d' organiser les politiques publiques à l'échelon le plus proche des citoyens, dans la mesure compatible avec l'efficacité . Ainsi, la commune doit en principe être préférée au département, le département à la région, la région à l'État, la Nation à l'Europe dès lors que cette préférence ne préjudicie pas à l'efficience de l'action publique et au respect des droits fondamentaux des citoyens. Ce principe est inscrit dans la Constitution. Son application reste néanmoins entravée par la répartition actuelle des compétences entre l'État et les collectivités.

Comme l'a mis en exergue la crise sanitaire actuelle, l'effectivité de l'action publique est d'autant mieux assurée que les décisions sont prises au plus près des territoires , tant par les collectivités territoriales que par les services de l'État. »

En pratique, ce principe de subsidiarité connaît des difficultés à s'inscrire dans la réalité des territoires. Auprès des élus locaux, il renvoie tout d'abord à un regard d'ensemble plutôt pessimiste porté sur le niveau de service apporté par l'État aujourd'hui, dans la mesure où 75,2 % estiment que le service public de l'État s'est dégradé sur leur territoire (36,5 % « tout à fait d'accord », 38,7 % « plutôt d'accord »).

Concernant la dégradation du service public de l'Etat dans le département, l'avis des préfets et sous-préfets est plus nuancé : 44 % adhèrent à ce jugement, tandis que 36 % ne le considèrent pas comme pertinent.

Près d'un maire sur deux de commune de moins de 1 000 habitants (48,6 %) estime pour sa part que l'offre de services publics sur son territoire est défaillante (48,9 % d'insatisfaits), alors que pour les communes de plus de 5 000 habitants on est à un peu moins d'un sur quatre (24,4 %). Il n'y a que pour les maires des communes de plus de 5 000 habitants que la satisfaction est marquée (57,8 %).

Les élus locaux sont majoritaires à regretter les doublons entre les services de l'État et ceux des collectivités territoriales : deux sur trois (66 %) déplorent qu'il y en ait trop (25,7 % « tout à fait d'a ccord », 40,3 % « plutôt d'accord »). C'est également le cas chez les préfets et sous-préfets, dans une moindre proportion toutefois : 54 % expriment ce regret.

Une courte majorité (52,4 %) estime que « l'État doit complètement renoncer aux compétences qu'il a décentralisées » (16,5 % « tout à fait d'accord », 35,9 % « plutôt d'accord »). En comparaison, ils sont 47 % à le penser parmi les préfets et sous-préfets.

Par contre, une forte majorité (73,4 %) estime que le retrait de l'État a été compensé par les collectivités territoriales (34,7 % « tout à fait d'accord », 38,7 % « plutôt d'accord »).

Derrière cet avis, une critique des conditions du retrait de l'État se fait jour. En effet, une majorité écrasante (88,9 %) regrette que « les réformes de l'État induisent systématiquement un report de charges sur les collectivités locales » (45,9 % « tout à fait d'accord », 43 % « plutôt d'accord »).

Ce regard très critique se reflète également dans l'idée que se font les élus locaux des champs de priorité de l'action de l'État dans les territoires. Globalement, il en ressort l'envie de voir un État moins dispersé et recentré sur quelques grands domaines d'action. C'est d'ailleurs là une distinction importante par rapport à la précédente enquête que votre Délégation avait menée en 2016.

En 2016, il n'était ressorti aucun champ de politique publique comme particulièrement prioritaire . La sécurité avait été placée en tête des « champs d'action prioritaires des services déconcentrés de l'État », mais elle n'avait en définitive recueilli que 12 % des suffrages. L'écart était faible avec des secteurs tels que la santé (9,2 %), le développement économique (8,8 %), l'aménagement (8,7 %), le contrôle de légalité (8,5 %) ou l'équilibre territorial (8,2 %).

En 2021 , les tendances sont nettement plus marquées, elles doivent nécessairement être interprétées en ayant à l'esprit le contexte de crise sanitaire et de pré-campagne présidentielle. Au travers de leurs réponses, les élus locaux dessinent une aspiration à un État recentré sur ses grandes missions régaliennes .

Les champs d'action prioritaires des services déconcentrés de l'État selon les élus : entre services publics et régalien

(Moyenne des différents items sur une échelle allant de 1, élément peu souhaitable
à 10, élément très souhaitable)

8,6

Sécurité

6,9

Contrôle de légalité

8,4

Santé

6,9

Développement économique

8,2

Gestion des crises

6,9

Economie

8,2

Lutte contre la fraude

6,8

Aménagement

7,5

Immigration

6,8

Ingénierie territoriale

7,5

Emploi et travail

6,4

Fonction publique territoriale

7,4

Équilibre territorial

6,4

Logement

7,3

Environnement

6,1

Urbanisme

7,2

Cohésion sociale

5,8

Commande publique

Sur les champs d'action prioritaires, c'est à la fois le coeur régalien de l'État qui est plébiscité (sécurité, lutte contre la fraude et, dans une moindre mesure, immigration) et le rôle de l'État en période de crise , à travers la place de la santé ou de la gestion des crises. Ces demandes sont caractéristiques d'un contexte particulier : la lutte contre le terrorisme depuis 2015 dans notre pays suscite une attente accrue de régalien et la crise sanitaire ouverte en 2020 rend plus sensible aux sujets de santé et de gestion des crises. D'une certaine façon, les demandes en matière régalienne sont d'autant plus fortes que les autres domaines sectoriels s'affirment comme étant l'apanage des collectivités et de leurs groupements.

Cet ordre de priorité entre en résonnance avec l'envie des élus locaux de pouvoir compter sur un « État protecteur » dans sa relation avec les collectivités territoriales, cette orientation étant jugée comme « extrêmement souhaitable » par 30,2 % d'entre eux.

Toutefois, l'attribut de l'État recevant une adhésion encore plus large de la part des élus est celui de « facilitateur », 44,6 % l'estimant « extrêmement souhaitable ».

Les attentes des élus locaux en direction de l'Etat déconcentré entrent d'ailleurs plutôt bien en résonnance avec la conception que se font les préfets et sous-préfets de leur mission.

L'importance des missions régaliennes selon
les préfets et sous-préfets

Les réponses des préfets et sous-préfets au questionnaire de vos rapporteurs montrent que c'est en quelque sorte le « coeur » régalien qui est, pour eux, le plus important dans les missions qu'ils exercent. Les scores les plus hauts correspondent à l'incarnation de l'Etat sur le territoire (9,7 sur une échelle de 1 à 10), au maintien de l'ordre (9,3), à la défense des libertés et de l'Etat de droit (9,2), à la mise en oeuvre des politiques gouvernementales (9,1) et à la coordination des services déconcentrés (9,1).

Les grands domaines d'intervention du corps préfectoral, tels qu'ils ressortent des réponses données par les préfets et sous-préfets, confortent ce constat : les domaines le plus importants se rattachent au « régalien » (incarnation de l'Etat, ordre public et sécurité civile, application de la politique gouvernementale).

Les champs d'intervention des préfets et sous-préfets

b) Favoriser la différenciation territoriale

Dans sa décision du 6 mai 1991, le Conseil constitutionnel considère que « le principe constitutionnel d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit » 15 ( * ) .

Plus récemment, le Groupe de travail du Sénat sur la décentralisation a rappelé que « le caractère unitaire et indivisible de la République n'implique pas nécessairement que l'application des règles législatives ou réglementaires soit dans tous les cas uniforme sur l'ensemble de son territoire . Cette uniformité, qui ne prend pas en compte la diversité des territoires et des besoins, n'est pas, en toutes circonstances, gage d'efficacité ». Par ce rappel, le Groupe a entendu insister sur l'importance et l'intérêt d'un « droit à la différenciation, dans le respect de l'unité nationale ».

Ce principe de différenciation trouve une application évidente dans la réflexion à mener sur l'administration territoriale de l'État. Dans le cadre d'« Action publique 2022 », le dispositif « France Expérimentation-Administrations » lui donne d'ailleurs une déclinaison concrète en rendant possible une approche différenciée par les services de l'État selon les spécificités locales. Il reste toutefois limité au champ des acteurs économiques et de leurs relations avec les pouvoirs publics.

« France Expérimentation-Administrations » : résoudre les blocages ne pouvant pas être traités localement

« France Expérimentation - Administrations » correspond à un dispositif de simplification et d' innovation s'inscrivant dans la continuité des engagements pris lors du CITP du 5 février 2021 à Mont-de-Marsan. Il est piloté par la DITP et la direction générale des entreprises (DGE), en lien étroit avec la direction de la DMAT. Ce dispositif vise à accélérer le déploiement de « France Expérimentation », qui permet aux acteurs économiques qui le souhaitent d' expérimenter des dérogations réglementaires ou législatives temporaires pour faciliter leurs projets . Dans le cadre du plan « France relance », c'est un outil supplémentaire mis à la disposition des services de l'État, et prioritairement des préfets, des sous-préfets à la relance et des services déconcentrés de l'État. « France Expérimentation - Administrations » apporte ainsi un appui juridique en accompagnant les services déconcentrés de l'État dans la résolution des blocages juridiques et procéduraux auxquels peuvent être confrontés les acteurs économiques locaux.

Il intervient lorsqu'un projet structurant au niveau d'un territoire est bloqué pour des raisons administratives ou juridiques. Piloté par les équipes de la DITP et de la DGE, le dispositif vise à organiser le travail interministériel en mode agile afin de rechercher rapidement le moyen de résoudre les blocages juridiques et administratifs complexes dont sont saisis les services de l'État. L'objectif est d'apporter une réponse sous un délai d'un mois (ou deux pour les saisines les plus complexes).

Étant donné le caractère récent de ce dispositif, il n'est pas encore possible d'en dresser un bilan.

Encore plus substantielle, apparaît l'innovation introduite par le décret n° 2020-412 du 8 avril 2020, complété par une circulaire du 6 août 2020, reconnaissant un droit de dérogation au préfet . Analysé et soutenu par votre Délégation 16 ( * ) , ce droit lui permet de réinterroger le droit et, le cas échéant, de l'adapter, de concilier des normes parfois contraires, d'atténuer des effets de seuil et d'accélérer des procédures administratives. Il offre également une souplesse en ce qu'il représente une alternative à la pratique consistant à prévoir de multiples exceptions pour répondre à des cas spécifiques, il freine par conséquent l'inflation normative.

Le préfet peut ainsi déroger à des normes réglementaires pour prendre des mesures individuelles dans des domaines relevant de la compétence de l'État et aussi variés que les subventions et les concours financiers, l'aménagement du territoire, l'environnement, le logement ou encore l'urbanisme.

Les conditions encadrant le droit de dérogation reconnu au préfet

Prévue par le décret précité du 8 avril 2020, la demande de dérogation est strictement encadrée et doit répondre à quatre conditions :

• être justifiée par un motif d'intérêt général et l'existence de circonstances exceptionnelles ;

• avoir pour effet d' alléger les démarches administratives , de réduire les délais de procédure ou de favoriser l'accès aux aides publiques ;

• être compatible avec les engagements européens et internationaux de la France ;

• ne pas porter atteinte aux intérêts de la défense ou à la sécurité des personnes et des biens, ni porter une atteinte disproportionnée aux objectifs poursuivis par les dispositions auxquelles il est dérogé .

Lors de l'audition organisée par votre Délégation en séance plénière le 21 juillet 2022, il est toutefois ressorti un usage encore trop timide de ce droit par les préfets. Selon la DMAT, 576 demandes ont été recensées depuis la phase d'expérimentation, dont 347 depuis la généralisation intervenue en 2020 . Il en a résulté la signature par les préfets de 393 arrêtés, dont seulement 206 depuis 2020.

Parmi les personnes concernées par ces arrêtés, figurent seulement 100 communes, 52 EPCI, 4 conseils départementaux et 11 conseils régionaux .

Les matières concernées par les dérogations accordées depuis 2020

Matières

Nombre de dérogations

Répartition

Subventions, concours financiers et dispositifs de soutien en faveur des acteurs économiques, des associations et des collectivités territoriales

167

81,1 %

Environnement, agriculture et forêts

20

9,7 %

Construction, logement et urbanisme

12

5,8 %

Emploi et activité économique

7

3,4 %

Total

206

100 %

Source : DMAT

Pour dépasser le stade des promesses et donner un contenu effectif à la différenciation, encore faut-il remplir une condition nécessaire : mettre en adéquation les moyens humains des services et les besoins des territoires .

Dans une étude publiée le 3 novembre 2021 pour le compte de l'association « Finances publiques et économie » (Fipéco), François Ecalle met en évidence de fortes disparités territoriales. Le taux d'administration moyen par les fonctionnaires civils de l'État se situe à 30,7 agents pour 1 000 habitants en métropole. Parmi les régions, l'Ile-de-France se distingue avec un ratio de 41 s'expliquant par la présence des administrations centrales dans la capitale et son agglomération. Hors Ile-de-France, l'écart s'élève à 19 % entre la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (29,8 agents) et les Pays-de-Loire .

Le nombre d'agents civils de l'État pour 1 000 habitants en 2019

Source : FIPECO, rapport de 2021 sur l'état de la fonction publique

Au niveau des départements (hors Paris), le rapport est de 2,5 à 1 entre celui où ce taux est le plus élevé, la Guyane (44,2) et celui où il est le plus faible, la Vendée (17,4). Hors Guyane, le taux le plus élevé se trouve en Haute-Garonne (38,9) et le rapport entre les extrêmes est d'un peu plus de 2 à 1 .

Les taux d'administration civile par l'État
les plus forts (hors Paris) et les plus faibles

Source : FIPECO, rapport de 2021 sur l'état de la fonction publique

Ces écarts sont loin d'être justifiés par les spécificités locales et ils s'expliquent bien davantage par un considérable « effet d'inertie administrative ».

Dans son récent rapport sur « Les effectifs de l'administration territoriale » 17 ( * ) , la Cour des comptes met en lumière cette difficulté : « les suppressions de poste en préfecture auraient justifié une réflexion sur la répartition de l'effort en fonction de la réalité des besoins de chaque région. C'est le contraire qui s'est produit puisque la répartition des coupes n'a visé qu'à préserver des équilibres historiques sans rapport avec l'évolution de la population ou de l'activité ».

La Cour des comptes précise que, dans le cadre de l'allocation des emplois, « le dialogue de gestion entre la [administration] centrale et les préfets de région, puis entre région et départements est quasi-inexistant (...). Par conséquent, la part de chaque budget opérationnel de programme (BOP) [dans le programme 354 « Administration territoriale de l'État »] est restée parfaitement identique entre 2015 et 2020, alors que les dynamiques démographiques entre régions métropolitaines sont divergentes ». Elle ajoute que « le même constat peut être formulé s'agissant de la répartition des emplois entre préfectures de département au sein d'un BOP, comme en témoigne l'exemple de la région Centre-Val de Loire ».

La part des départements de la région Centre - Val de Loire
dans le budget opérationnel de programme (BOP)

(en %)

Cher

Eure-et-Loir

Indre

Indre-et-loire

Loir-et-Cher

Loiret

2010

15,6

16,2

12,2

18,0

13,5

24,4

2022

14,7

14,7

11,7

19,5

13,5

25,8

Source : d'après le rapport précité de la Cour des comptes

Cette répartition sous-optimale des moyens humains représente bien évidemment un frein conséquent à une mise en oeuvre satisfaisante du principe de différenciation territoriale. Elle va même à son encontre et creuse les inégalités entre territoires .

Proposition n° 5 : adapter la répartition des effectifs en fonction des réalités territoriales.

Délai : 5 ans

Acteur(s) : ministère de l'Intérieur, DMAT

2. Mieux coordonner les politiques publiques
a) Favoriser la contractualisation entre l'État et les collectivités territoriales

Un État recentré sur ses missions régaliennes et accordant de la place au principe de différenciation territoriale doit également se doter d'outils permettant une meilleure coordination des politiques publiques qu'il entend mener. De ce point de vue, le procédé de la contractualisation avec les collectivités territoriales présente un intérêt certain.

Le recours au procédé du contrat entre l'État et les collectivités territoriales n'est pas neuf. Dès les années 1970 étaient signés des contrats de plan (entre l'État et les communautés urbaines), des contrats de ville moyenne ou des contrats de pays. Toutefois, avec le mouvement de décentralisation et son corolaire - l'effacement de la décision unilatérale étatique -, cette technique a connu un essor certain au point d'avoir amené, en 2019, à la rédaction d'une « Charte interministérielle de la contractualisation entre l'État et les collectivités territoriales ».

Les dix principes de la « Charte interministérielle de la contractualisation entre l'État et les collectivités territoriales »

La rédaction de cette Charte trouve son origine dans un double constat. D'une part, la démarche contractuelle tend à devenir un mode d'intervention partenarial privilégié de l'État dans les territoires . D'autre part, la multiplication de contrats sectoriels, à toutes les échelles, élaborés au gré des différentes politiques d'aménagement et d'égalité des territoires, sans réelle cohérence, participe de la perte de lisibilité de l'action publique et appelle donc la définition d'un cadre contractuel renouvelé et commun. Au final, il est apparu nécessaire de faire évoluer les démarches contractuelles entre l'État et les collectivités territoriales.

La Charte s'appuie sur les dix principes suivants :

I. Au coeur de toute contractualisation, le projet de territoire ;

II. Pas de périmètre prédéfini, mais une mise en cohérence des échelles d'intervention ;

III. Une approche transversale et interministérielle, concrétisée dans des volets thématiques ;

IV. Un pilotage partenarial et une équipe-projet en charge de faire vivre le contrat ;

V. Des sources de financement des projets diversifiées et coordonnées ;

VI. Un contrat modulaire et adaptatif ;

VII. Une participation renforcée des citoyens et une association des forces vives du territoire ;

VIII. Un volet de coopération interterritoriale intégré aux contrats ;

IX. Un vecteur d'innovation et d'expérimentation sur les territoires ;

X. Une mesure de l'impact et des critères de suivi intégrés dans le contrat.

Ces contrats couvrent désormais un vaste champ d'action des collectivités territoriales et des relations entre l'État et ces dernières. On les retrouve en matière de revitalisation des centres villes , de ruralité , d' écologie , d' industrie ... À titre d'exemple, on peut citer les pactes girondins, les contrats de transition écologique, les contrats de stations touristiques, les conventions « Action Coeur de Ville » ou « Territoires d'Industrie ».

Du point de vue des collectivités territoriales, ils sont de beaucoup préférés à la technique de l'appel à projets ou à manifestation d'intérêt , perçue comme relevant d'une logique trop verticale, descendante et davantage adaptée aux collectivités disposant déjà d'une certaine ingénierie et de temps pour répondre à ces appels. Devant votre Délégation, David Lisnard, président de l'Association des maires de France (AMF), a ainsi estimé que « l'appel à projets ou à manifestation d'intérêt représente une forme de recentralisation et de retour à la tutelle des communes » et souligné que « les initiatives doivent partir des communes et des intercommunalités » 18 ( * ) .

La stratégie nationale de lutte contre la pauvreté offre un bon exemple des vertus de la contractualisation, détaillées par l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) dans un rapport daté de juillet 2021 19 ( * ) . L'IGAS souligne notamment « le fort taux d'adhésion des collectivités à ces conventions : 99 départements et 21 métropoles en sont signataires. Les collectivités étaient intéressées par les crédits apportés par l'État , certes modestes au regard des budgets d'aide et d'action sociales qu'elles supportent, mais néanmoins attractifs, ainsi que par la perspective de construire des nouvelles relations partenariales avec l'ensemble des services et opérateurs de l'État impliqués dans ces politiques ».

Au-delà de cet exemple, et de façon plus générale, il faut observer que souvent les DDT(M) ont concouru à l'élaboration et au suivi des différents contrats, mais que l'ANCT tend à prendre une part croissante dans cette politique contractuelle, notamment au travers de la mise en place des contrats de relance et de transition écologique (CRTE) .

Les contrats de relance et de transition écologique (CRTE)

Les CRTE ont vocation à accompagner les collectivités dans leurs projets de territoire , sur la période allant de 2020 à 2026, vers un modèle de développement résilient sur le plan écologique, productif et sanitaire. Ils visent à couvrir l'ensemble des enjeux du territoire dans une approche transversale et cohérente, notamment en matière de développement durable, d'éducation, de sport, de santé, de culture, de revitalisation urbaine, de mobilités, de développement économique, d'emploi, d'agriculture et d'aménagement numérique.

Ainsi que le précise la circulaire n° 6231/SG du 20 novembre 2020 relative à leur élaboration , « les projets portés dans le cadre de ces contrats devront être économes en foncier et en ressources et améliorer l'état des milieux naturels, afin de s'inscrire dans les engagements nationaux (stratégies bas-carbone et biodiversité) ».

La création des CRTE répond à la volonté de refonder la politique contractuelle, celle-ci reposant désormais sur deux niveaux de contractualisation :

- au niveau régional, les contrats de plan État-région (CPER) (contrats de convergence et de transformation - CCT - pour l'Outre-mer) ;

- au niveau infra-régional, les CRTE qui sont appelés à remplacer progressivement et de manière pragmatique les dispositifs de contractualisation existants de droit commun et thématiques .

Dans cette perspective, les CRTE doivent intégrer les programmes d'appui au profit des territoires tels qu'« Action Coeur de ville », « Petites Villes de Demain », « France Services », « France Très Haut Débit » et « France Mobilités ». Ils doivent également reprendre les actions prévues dans les plans climat-air-énergie territoriaux, tandis que d'autres programmes et projets peuvent y être valorisés (« Territoires d'Industrie », « Agenda rural », des opérations de revitalisation des territoires...).

Pour simplifier l'accès aux différentes aides et garantir la cohérence de l'intervention de l'État sur le territoire , lorsqu'un axe stratégique du projet de territoire correspond à un contrat préexistant au CRTE, ce contrat a vocation à être inclus dans le CRTE. À titre d'exemple, une opération de revitalisation du territoire, une opération programmée d'amélioration de l'habitat ou un projet partenarial d'aménagement, s'intègrent dans le nouveau contrat. Les contrats de ville pourront de même constituer un volet spécifique des CRTE, en conservant leur fonctionnement propre.

Vos rapporteurs considèrent que la contractualisation présente des éléments de souplesse intéressants dans le cadre de la relation entre les services de l'État et les collectivités territoriales . Elle permet notamment de sortir de la logique d'appel à projets qui impose aux collectivités de rentrer dans des cases prédéfinies, bride leur initiative et requière - pour candidater - un niveau d'expertise hors de portée de beaucoup des plus petites d'entre elles.

Toutefois, là encore, un juste équilibre devra être trouvé et vos rapporteurs soulignent deux points de vigilance. En effet, un recours débridé à cette technique nuirait à la lisibilité d'ensemble des politiques publiques dans les territoires. Par ailleurs, le regroupement au sein d'un même contrat (le CRTE) de tous les autres ne doit pas s'opérer au prix d'une uniformisation excessive des dispositifs intégrés.

Proposition n° 6 : sortir de la logique systématique des appels à projets.

Délai : 5 ans

Acteur(s) : ministère délégué aux collectivités territoriales, ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, direction générale des collectivités locales (DGCL)

b) Renforcer le couple maire / préfet

Si l'expression « couple maire / préfet » a émergé depuis la crise sanitaire 20 ( * ) , la mise en lumière de la réalité de cette relation partenariale ne confère pour autant pas un caractère inédit à cette collaboration. Depuis la création de la fonction préfectorale, les préfets et les maires sont amenés à unir leurs forces au sein d'une relation qui peut parfois être jugée inaboutie, mais qui reste assurément nécessaire.

Avant même le mouvement décentralisateur des années 1980, la relation d' interdépendance entre le maire et le préfet était décrite en ces termes par Jean-Pierre Worms : « [Il] se dégage l'impression d'un système d'une grande cohésion, fortement intégré, traduisant une profonde solidarité entre le préfet [et les élus locaux] » 21 ( * ) . Dit plus explicitement, le « bon » préfet sait rester à l'écoute des maires et le maire fait en sorte d'avoir l'oreille du préfet.

La crise sanitaire a prouvé le renouveau et la nécessité d'une bonne relation entre les maires et le préfet de département : elle a en particulier permis de mettre en avant la pertinence de ce circuit décisionnel court .

L'intérêt et l'importance de la relation maire / préfet pendant la crise sanitaire : un exemple dans le Pas-de-Calais

Pendant la crise sanitaire, une couverture médiatique assez large a été accordée à la collaboration maire / préfet, à l'image du témoignage croisé recueilli auprès de Frédérique Leturque, maire et président de la communauté urbaine d'Arras, président de l'association départementale des maires, et de Louis Le Franc, préfet du Pas-de-Calais :

• Frédérique Leturuque : « Le couple maire-préfet fonctionne bien. Chaque semaine, nous avons une visioconférence avec le préfet. 62 élus locaux y participent. Quant à moi, j'ai le préfet deux à trois fois par semaine par visio, téléphone ou texto. Il sait s'appuyer sur le président de l'association des maires que je suis afin que je relaie ses décisions et certaines informations. Il me demande souvent des avis et des conseils . Avec la crise, les réunions se sont multipliées. Elle a resserré les liens entre les maires, la communauté urbaine, les institutions. Sur les vaccins, nous avons même joué de complicité avec le préfet pour arriver à obtenir davantage de doses de Paris. »

• Louis Le Franc : « Aucun territoire n'est semblable, les mentalités diffèrent. Un bon préfet doit s'adapter aux élus, connaître les dossiers, les enjeux et surtout savoir les écouter . Nous formons un vrai binôme avec le maire d'Arras. Cela tient beaucoup à sa personnalité. En tant que président de l'association départementale des maires, il est un précieux partenaire dans la gestion de la crise. Le préfet doit être proche des élus, mais il ne doit pas pour autant chercher à plaire. Lorsque nous avons eu une explosion des cas de Covid en février-mars, j'ai proposé un confinement strict le week-end, sans concertation. Le maire a été surpris. Moi, ce qui me guidait était la protection des gens. Les élus ont finalement compris cette décision. Ce qui compte, c'est le résultat. »

Source : « Maire Préfet : le lien indéfectible de la République », https://www.mairesdefrance.com/maire-prefet-le-lien-indefectible-de-la-republique-article-907-0.

Selon Jean Castex, alors Premier ministre, « le fameux « couple » maire / préfet, a très bien fonctionné au service de nos concitoyens. Le couple maire / préfet, c'est l'alliance de l'État territorial et des élus du territoire » 22 ( * ) . Toutefois, l'intégralité des élus locaux ne partagent pas cette vision idyllique .

La fréquence des échanges entre les membres du corps préfectoral et les maires

Issu des réponses des élus locaux au questionnaire de vos rapporteurs, le tableau ci-dessous rend compte de la fréquence des échanges verbaux des maires avec leur préfet et leur sous-préfet.

Tous les jours à une fois par semaine

Une à trois fois par mois

Rarement ou

jamais

Le préfet

Communes = 1 000

Communes = 5 000

Communes = 1 000

Communes = 5 000

Communes = 1 000

Communes = 5 000

0,7 %

4,3 %

5,5 %

30,4 %

93,8 %

65,5 %

Tous les jours à une fois par semaine

Une à trois fois par mois

Rarement ou

jamais

Le sous-préfet

Communes = 1 000

Communes = 5 000

Communes = 1 000

Communes = 5 000

Communes = 1 000

Communes = 5 000

2 %

32,6 %

28 %

43,5 %

70 %

23,9 %

Certes, les maires des communes les moins peuplés ont, toute chose égale par ailleurs, moins de raisons dans l'absolu de solliciter les représentants de l'État : ils mènent en effet, souvent faute de moyens, moins de projets et de politiques publiques. Toutefois, même en gardant en tête cette différence, il apparaît nettement un décalage dans les réponses : l'accès au représentant de l'État a à voir avec la taille de la commune . Cela se vérifie aussi bien en ce qui concerne les sous-préfets que le préfet.

Le manque de concertation des maires est largement pointé du doigt. Notre collègue de la Délégation, Laurent Burgoa, a ainsi estimé que « les Premiers ministres qui se sont succédés en ont fait des éléments de discours, mais le couple préfet / maire n'a jamais eu les moyens de fonctionner réellement [...] il n'y a jamais eu coconstruction et les maires sont souvent considérés comme des exécutants sans marge de manoeuvre » 23 ( * ) . Une relation trop exclusivement descendante est fréquemment dénoncée. Plusieurs maires du Doubs ont, par exemple, vivement critiqué des échanges infantilisants avec leur préfet lors de la crise sanitaire 24 ( * ) . De même, pour David Lisnard, le couple maire / préfet n'existe pas : « Dans notre département, je m'entends bien avec le préfet. Force est néanmoins de constater que, dans la réalité des politiques publiques, il n'existe pas de couple maire-préfet. Le préfet prend des mesures, peut décider d'annulations qui ne me conviennent pas. J'apprends des dispositions dans la presse. Cela ne va pas. C'est un couple qui ne fonctionne pas bien : il y a l'amour mais il n'y a pas d'intérêt. »

Les points forts comme les marges de progrès de la relation maire / préfet ont été exacerbés par la crise sanitaire . À l'issue du premier confinement, la Délégation aux collectivités territoriales s'était ainsi attachée à dresser un bilan de la coordination des élus locaux avec leur préfet au cours de cette période 25 ( * ) . Il ressortait de l'étude que cette coordination a majoritairement (60 %) été perçue comme « efficace » par les élus locaux ayant répondu au questionnaire de la Délégation. Deux bémols apparaissaient toutefois. D'une part, seuls 8 % des répondants la jugeaient « très efficace ». D'autre part, les élus locaux des départements ayant été les plus touchés par le Covid-19  étaient plus mesurés quant à l'efficacité du réseau préfectoral, seulement 52 % d'entre eux le considérant comme « efficace ».

Si, au quotidien, les maires sont les premiers sollicités par leurs concitoyens, ils interrogent très fréquemment à leur tour les préfets. Le maire et le préfet constituent ainsi deux parties intégrantes et interdépendantes du rouage de l'action publique locale. Comme le relevait déjà Jean-Pierre Worms dans son étude, tous deux connaissent parfaitement leur intérêt respectif à entretenir une bonne relation . Le préfet a conscience qu'il ne peut pas se mettre à dos les élus locaux et les parlementaires - qui sont souvent leur relai au niveau national -, au risque que leurs plaintes remontent au sommet de l'État. De la même manière, le maire ne peut pas s'émanciper du préfet d'une manière trop importante, par crainte de ne pas bénéficier de certains soutiens, comme par exemple la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR).

La DETR : un exemple de cristallisation des tensions

entre le préfet et les maires de zone rurale

La qualité de la relation entre le préfet et les élus locaux passe notamment par la transparence des décisions prises par le représentant de l'État, gage de dialogue, d'acceptation et de compréhension de ces décisions. À cet égard, en zone rurale, les maires des communes souffrent d'un défaut d'information concernant les critères et les motivations de choix dans l'attribution de la DETR .

Créée par l'article 179 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 , cette dotation vise à subventionner les dépenses d'équipement des communes et groupements de communes à fiscalité propre (EPCI), situés essentiellement en milieu rural. Elle est particulièrement utile aux communes pour des projets tels que, par exemple, les mises aux normes en matière de défense extérieure contre l'incendie (DECI) ainsi que l'ont mis en évidence nos collègues de la Délégation Hervé Maurey et Franck Montaugé dans leur rapport « Défense extérieure contre l'incendie : assurer la protection des personnes sans nuire aux territoires » 1 .

Les critères d'attribution sont fondés sur la population ainsi que sur la richesse fiscale des communes et des EPCI à fiscalité propre. Instituée auprès du représentant de l'État en application de l'article L. 2334-37 du code général des collectivités territoriales (CGCT), une commission départementale d'élus (représentants de maires, d'intercommunalités et, depuis 2018, des parlementaires) est chargée d'établir la liste des catégories d'opérations prioritaires, ainsi que des taux minimaux et maximaux de subvention applicables, avec pour objectif de s'adapter aux besoins de chaque territoire.

Toutefois, en pratique, le choix final des projets relève du préfet pour les financements inférieurs à 100 000 euros et les élus locaux n'ont pas systématiquement accès à l'information 2 . Dans un courrier en date du 21 décembre 2021 adressé au ministre délégué chargé des Comptes publics 3 , l'AMF dénonce d'ailleurs le non-respect, dans certains départements, de la prérogative de définition des catégories d'opérations prioritaires par la commission DETR.

1 Sénat, rapport d'information n° 760 (2020-2021).

2 Pour l'année 2022, l'instruction du 7 janvier 2022 relative à la composition et aux règles d'emploi des dotations et fonds de soutien à l'investissement en faveur des territoires en 2022 rappelle que le montant des crédits alloués à la DETR pour l'année en cours s'élève à 873 millions d'euros.

3 https://www.amf.asso.fr/documents-la-commission-delus-la-dotation-dequipement-territoires-ruraux-detr/41051

Proposition n° 7 : instaurer de la transparence dans l'attribution des subventions de l'État (DETR, dotation de soutien à l'investissement local - DSIL -) pour les projets des collectivités territoriales et abaisser à 50 000 euros le montant des projets soumis à l'avis de la commission.

Délai : immédiatement

Acteur(s) : ministère de l'Intérieur, DMAT et DGCL

Une part essentielle de la mission du préfet réside dans sa relation de travail avec les collectivités territoriales de sa circonscription de compétence, et donc les élus de ces collectivités. Son aptitude à savoir nouer un lien intelligent avec les élus locaux, dans le respect de ses prérogatives et du principe de libre administration des collectivités, constitue un élément fondamental dans la réussite de sa mission. Ainsi que l'a souligné Bernadette Malgorn, conseillère municipale et métropolitaine de Brest, ancienne préfète et ancienne secrétaire générale du ministère de l'Intérieur, « une nomination de préfet nécessite de trouver une concordance entre un profil, une collectivité départementale, son terrain, ses caractéristiques, ses élus, des circonstances et des enjeux variables dans le temps » 26 ( * ) .

Dans ces conditions, il semble judicieux de recueillir l'avis des élus locaux dans le cadre de l'évaluation du préfet afin de prendre pleinement en compte le « retour terrain » des élus sur les savoir-faire et les savoir-être du préfet en poste. Cette avancée s'impose d'autant plus dans le contexte de fonctionnalisation du préfet, qui impose une démarche renforcée de professionnalisation de la filière préfectorale .

Proposition n° 8 : procéder à une évaluation régulière des préfets par les maires, les présidents d'EPCI et les présidents des conseils départementaux.

Délai : un an

Acteur(s) : ministère de l'Intérieur, Conseil supérieur de l'appui territorial et de l'évaluation (CSATE)

B. FAVORISER LA LOGIQUE D'ACCOMPAGNEMENT DES ÉLUS LOCAUX

1. Adapter l'ingénierie territoriale
a) Le repli de l'État, source de difficultés pour les petites communes

En 2016, dans son précédent rapport sur l'État territorial, votre Délégation s'interrogeait sur un éventuel « renouveau de l'ingénierie territoriale ». C'est que la disparition de l'assistance technique fournie par l'État aux collectivités pour des raisons de solidarité et d'aménagement du territoire (ATESAT) , en application de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, faisait craindre un grand vide. Cette assistance avait en effet pour mission d'accompagner les communes et les EPCI dans la voirie, les ouvrages d'art, ainsi que les grands travaux d'aménagement urbains ou d'habitat. Reprenant les termes de la directive nationale d'orientation (DNO) sur l'ingénierie d'État dans les territoires 2016-2018, vos rapporteurs évoquaient alors trois rôles à jouer pour l'État entre l'« État expert », l'« État incitateur » et l'« État facilitateur ». Cependant, ils déploraient également « le retrait continu de l'État dans ce domaine ».

Avant d'analyser ce qu'il en a été au cours des cinq années suivantes, il convient de rappeler que la notion d'ingénierie territoriale reste difficile à cerner précisément . À géométrie variable, elle peut renvoyer aussi bien à un accompagnement technique que juridique, administratif ou financier, des collectivités territoriales. Selon le degré de complexité des dossiers et d'expertise requis, il peut s'agir d'une ingénierie de « premier ou de second niveau ».

À partir de 2016, la démarche dite du « Nouveau conseil aux territoires » (NCT) s'est fixée pour objectif de renouveler l'action des services déconcentrés de l'État, modifiée par les réformes et les vagues de décentralisation. Depuis 2017 en particulier, elle a principalement ciblé l'appui à l'émergence de projets qui concourent aux politiques publiques prioritaires dans le domaine de la cohésion des territoires et de la transition écologique. Les territoires prioritaires ont été définis comme ceux soumis à une forte pression foncière ou concernés par différents risques (inondations, risques miniers...), les territoires ruraux en manque d'ingénierie ou urbains susceptibles d'accueillir des projets complexes, ainsi que les territoires à enjeux nationaux et internationaux (comme, par exemple, les communes inscrites au patrimoine mondial de l'Unesco).

L'organisation repose notamment sur les DDT(M) qui ont vocation à valoriser leur connaissance du terrain et des acteurs. Elles apportent leur capacité d'analyse transversale des politiques de par leur expérience en matière de procédures d'instruction et de contrôle. Elles interviennent dans le cadre des priorités départementales définies en matière de NCT. Pour les besoins en expertise dont elles ne disposent pas en interne ou excédant leur ressort territorial, les DDT(M) peuvent s'appuyer sur les DREAL et sur le centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA).

Afin d'accompagner cette nouvelle démarche et de rendre plus accessible l'offre en ingénierie à disposition des collectivités territoriales, la plateforme « Aides - Territoires » a été lancée en 2018. Il s'agit d'un service public en libre accès, porté par la direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN) et l'ANCT. Cette plateforme facilite la recherche d'aides des collectivités territoriales et de leurs partenaires locaux (associations, établissements publics, entreprises, agriculteurs) en rendant visibles et accessibles tous les dispositifs financiers et d'ingénierie auxquels ils peuvent prétendre. En 2021, près de 50 % des EPCI ont fait une recherche sur la plateforme. Parallèlement à cette démarche, un réseau d'ambassadeurs locaux a été lancé et garantit une présence dans presque tous les départements.

Par ailleurs, l'ANCT propose des accompagnements en ingénierie de projet afin de « répondre aux grands enjeux auxquels les élus locaux et les collectivités font face », à savoir les transitions numérique, écologique et démographique , ainsi que la participation citoyenne .

L'ANCT ou l'ingénierie « sur-mesure »

Dans son accompagnement des territoires fragiles, l'État revendique une offre d'ingénierie « sur-mesure » dispensée par l'intermédiaire de l'ANCT. Dans sa philosophie d'action, l'agence intervient lorsque l'offre d'ingénierie locale est insuffisante afin de permettre la réalisation des projets des collectivités territoriales.

L'ANCT peut, pour cela, mobiliser les compétences présentes au sein de ses services, ses ressources propres, celles de ses opérateurs partenaires (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie - ADEME -, Agence nationale pour la rénovation urbaine - ANRU -, Agence nationale de l'habitation - ANAH -, CEREMA, Banque des territoires) ou celles de prestataires.

Pour 2022, l'enveloppe d'ingénierie allouée à l'ANCT est stable par rapport à 2021 et s'élève à 20 millions d'euros . Elle permettra notamment de :

- financer, en liaison avec la Banque des territoires et l'ANAH, le déploiement de chefs de projets dans les collectivités concernées par le programme « Petites Villes de Demain », pour un montant de 6 millions d'euros ;

- accompagner environ 500 projets « sur-mesure » de toute nature des collectivités ;

- appuyer les programmes nationaux mis en oeuvre par l'agence ;

- accompagner les projets numériques des collectivités ;

- réaliser des études préalables sur des projets d'immobilier commercial.

Au niveau départemental, le Comité local de cohésion territoriale (CLCT) , présidé par le préfet - qui est également délégué territorial de l'agence -, vise à garantir une bonne association des acteurs locaux. Ce comité décline les orientations arrêtées par l'ANCT, en identifiant les ressources en ingénierie mobilisables localement et en assurant la coordination des différentes parties prenantes du territoire, afin de couvrir en complémentarité l'ensemble des besoins en ingénierie. Enfin, lorsqu'aucune solution n'est trouvée au niveau local, l'ANCT peut proposer un accompagnement sur-mesure des projets portés par les collectivités territoriales.

Cette architecture d'ensemble dans le domaine de l'ingénierie ne répond pas pleinement aux attentes des collectivités, loin s'en faut .

À la suite d'une enquête menée auprès des membres de cette association, Yvonic Ramis, président de l'Association des directeurs généraux des communautés de France (ADGCF), déplore qu'« en matière d'ingénierie, les services de l'État ont du mal à suivre , tant la charge portée par les communautés et les métropoles est lourde. En ne bloquant pas les dossiers ou en ne perdant pas leur temps dans du contrôle, ils seraient déjà plus en soutien des territoires » 27 ( * ) . Il souligne le niveau parfois faible d'accompagnement des DDT(M), à l'origine de « très peu de soutien, voire de travail supplémentaire », et de citer l'exemple d'une communauté ayant engagé une révision complète de son plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) et dont les élus ont pris la décision de s'adjoindre « les services d'un cabinet d'avocats spécialisés pour contrer les positions de l'État, plus restrictives que la réglementation ne l'imposait » .

Parmi les faiblesses récurrentes pointées du doigt au cours des auditions conduites par vos rapporteurs, ressort très fréquemment la perte de compétences des services déconcentrés de l'État dont le degré d'expertise est mis à mal . Ainsi, Stéphane Pintre, président du Syndicat national des directeurs généraux des collectivités territoriales (SNDGCT) et directeur général des services de la ville d'Antibes, relève que « l'État est très présent, fait beaucoup d'interventions, mais avec peu de résultats, car manquent les financements et les compétences techniques » 28 ( * ) . À cet égard, le champ de l'urbanisme, où la réglementation devient de plus en plus complexe, recueille de nombreuses citations pour illustrer la baisse en compétences des services déconcentrés : Emmanuel Gros, vice-président du SNDGCT, considère que « l'État déconcentré n'a plus les compétences pour nous répondre. Donc, on se tourne vers le ministère compétent, mais c'est plus compliqué pour les petites communes » 29 ( * ) .

Un exemple d'ingénierie défaillante : la protection des captages d'eau

Depuis le « Grenelle de l'environnement » en 2009, les services d'eau doivent acquérir en pleine propriété le périmètre de protection immédiat (PPI) des captages et les périmètres de protection rapprochés et éloignés (PPR et PPE) de l'aire d'alimentation de captage (AAC). Cette acquisition nécessite un acte portant déclaration d'utilité publique via l'intervention des services déconcentrés de l'État .

En effet, en vue d'assurer la protection de la qualité des eaux, l'acte portant déclaration d'utilité publique des travaux de prélèvement d'eau destinés à l'alimentation des collectivités détermine, autour du point de prélèvement, un PPI (dont les terrains sont à acquérir en pleine propriété par le service d'eau), un PPR (à l'intérieur duquel peuvent être interdits ou réglementés toutes sortes d'installations, travaux, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols de nature à nuire directement ou indirectement à la qualité des eaux) et, le cas échéant, un PPE (à l'intérieur duquel peuvent être réglementés les installations, travaux, activités, dépôts, ouvrages, aménagements ou occupation des sols et dépôts mentionnés supra ).

Afin d'éviter les pollutions en raison des activités humaines, des réglementations (servitudes d'utilité publique) peuvent être mises en oeuvre sur les périmètres de protection en application de l'article L. 1321-2 du code de la santé publique .

Malheureusement force est de constater que, sur le terrain, ces périmètres ne sont pas encore établis systématiquement. Même l'acquisition en plein propriété des PPI n'est pas encore réalisée partout. Si, dans certains cas, on peut imaginer que la collectivité territoriale n'est pas volontaire, les remontées de terrain convergeant à l'AMF font état de l'absence d'accompagnement (voire de blocage) des services déconcentrés.

Sur les 1 109 captages dits « prioritaires » (eu égard au risque qu'ils encourent) définis en 2013 puis en 2016, l'aire d'alimentation de captage a été délimitée dans seulement 60 % des cas et à peine 521 captages (46 %) sont dotés d'un plan d'actions et / ou d'un programme d'actions arrêté par le préfet .

Afin de pallier ces lenteurs des services de l'État, le principe d'un droit de préemption ad hoc a été adopté dans la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique .

Source : AMF

La difficulté se pose tout particulièrement dans le cas des communes de petite taille qui ne disposent, en matière d'ingénierie, d'aucune expertise , si ce n'est parfois celle du maire ou de l'un des autres élus à titre personnel et / ou professionnel. Ces petites communes sont ainsi livrées à elles-mêmes, souvent jusque dans l'ignorance du bon interlocuteur parmi les services de l'État.

Les communes de petite taille démunies en ingénierie :
le témoignage de l'APVF

« Dans les faits, l'aide à l'ingénierie reste encore trop dispersée, insuffisamment ciblée et ambitieuse, au regard des défis de nos territoires.

1) Des sources d'ingénierie trop multiples : malgré la création de l'ANCT, les petites villes n'ont toujours pas de guichet unique pour accéder à l'ingénierie externe de l'État. Les petites villes doivent s'adresser à différentes structures (CEREMA, Banque des territoires, ANCT ou encore ADEME) et donc remplir plusieurs dossiers avec des calendriers différents. L'ANCT n'a en effet regroupé que trois opérateurs, dont l'Epareca, qui agit sur le commerce et l'agence du numérique. Les agences parallèles restent nombreuses (ADEME, OFB, CEREMA...). L'APVF regrette que l'ANCT ne soit pas, comme c'était prévu à l'origine, un guichet unique d'accès à l'ingénierie pour les territoires. Ce guichet unique simplifié est d'autant plus essentiel pour les petites villes qui n'ont pas l'ingénierie pour remplir tous les dossiers. Cette multiplicité des sources ajoute de la complexité à la complexité des procédures.

2) Un manque de ciblage : les petites villes regrettent également que l'ingénierie aussi bien externe qu'interne à la collectivité, soutenue par les dotations, soit insuffisamment ciblée sur les territoires les plus en difficulté. En effet, les petites collectivités sont celles qui ont le plus de déficits en matière d'ingénierie, donc celles qui ont le plus grand besoin de soutien. Or, pour l'ingénierie externe, les critères, notamment ceux d'attribution de la dotation globale de fonctionnement (DGF) ne prennent pas en compte suffisamment la charge de centralité des petites villes . Ces petites villes fournissent bien souvent des services à de nombreuses communes rurales à proximité. Les programmes comme « Action Coeur de Ville », « Petites Villes de Demain » ou « Volontariat territorial en administration » ( ie la prise en charge à 50 % par l'État d'un chargé de mission dans la collectivité pour un an) permettent de combler en partie ce manque d'ingénierie dans certaines petites villes. Néanmoins, il ne règle pas le déficit d'ingénierie des petites villes qui ne sont pas dans ces dispositifs et sont donc mises de côté.

3) Un soutien insuffisant : au-delà du problème de ciblage et d'accès, l'aide en ingénierie externe mais aussi interne n'est aujourd'hui pas suffisante pour répondre aux besoins des territoires. La crise sanitaire a bien montré les nécessaires transformations de nos territoires en termes d'infrastructures ou encore d'accessibilité. Les petites villes doivent faire face à des défis de mobilité, écologique ou même d'habitat, qui nécessitent une ingénierie de plus en plus complexe et importante . Les opérateurs de l'État doivent avoir des moyens suffisants pour mettre en oeuvre le « cousu main » voulu par le Gouvernement et répondre aux besoins spécifiques de chaque territoire, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui ».

Source : réponse écrite au questionnaire de vos rapporteurs

Tout en confirmant cette analyse, les réponses apportées par les élus locaux au questionnaire de vos rapporteurs la complètent. Il en ressort tout d'abord une certaine perplexité quant au niveau d'ingénierie à la disposition des collectivités, puisque 39 % des élus ne le considèrent « ni bon, ni mauvais » , que 27 % l'estiment « bon » (1,8 % « excellent ») et 16,7 % « mauvais » (5,3 % « très mauvais ») et qu'enfin 10,2 % ne se prononcent pas. Mais, surtout, une réponse met en évidence les nouvelles tendances de l'ingénierie territoriale et l'État n'y est pas à son avantage.

Le département en tête du soutien aux projets complexes
des collectivités territoriales

À 29,7 % les élus se tournent en priorité vers le département lorsqu'ils sont en demande d'accompagnement sur un projet complexe, tant du point de vue technique que juridique.

L'ADF explique cette tendance lourde par le fait que « la suppression définitive de l'assistance technique fournie par l'État illustre son affaiblissement le conduisant à son désengagement faute de moyens. Les départements ont mis en place des agences de l'ingénierie territoriale utiles aux collectivités territoriales. Il convient de les préserver et de leur donner un rôle majeur dans la conduite des dossiers de plus en plus complexes pour les élus des petites collectivités . Cette assistance technique valorise le chef de filât des départements dans la solidarité territoriale » 30 ( * ) .

Il convient en outre de remarquer que l'intercommunalité tend également à devenir un acteur important de l'ingénierie territoriale, puisqu'elle réunit 21,7 % des choix des élus.

L'État au sens large ( ie ses services déconcentrés ou ses opérateurs) en est en revanche réduit à la portion congrue avec 11,9 % des réponses.

Le recours à l'ingénierie territoriale diffère selon la taille des communes

Analysées dans le détail, les réponses en fonction de la taille des communes issues du questionnaire de vos rapporteurs font apparaître des effets de strates en matière de recours à l'ingénierie territoriale.

Les communes les moins peuplées se tournent ainsi avant tout vers le département et l'intercommunalité lors des lancements de projets complexes.

Les plus grandes font bien plus appel aux prestataires privés (28,8 %), à l'État ou ses opérateurs (19 %), ainsi qu'aux ressources propres dont elles disposent (17 %). Les communes moyennes sont entre ces deux cas de figure.

Parmi les griefs formulés à l'encontre de ses services d'ingénierie territoriale, les élus regrettent avant tout des délais trop longs (38,6 %), puis un contenu insuffisant (26,3 %) et une offre inadaptée (23,2 %).

Comment être surpris de l'avis très critique des élus locaux sur les services d'ingénierie d'État quand on analyse l'évolution des effectifs des DDI sur les dernières années (pour rappel, une baisse de 36 % entre 2011 et 2020 31 ( * ) ) ?

Dans ce contexte, l'ANCT peine encore à être pleinement reconnue par les élus locaux, qui perçoivent mal son utilité et son degré d'efficacité. Une majorité admet ne pas connaître cette agence (52,2 %) et 74,1 % n'ont encore jamais fait appel à ses services .

Le recours à l'ANCT selon la taille des communes

Communes de moins de 1 000 habitants

Communes de 1 000 à 5 000 habitants

Communes de plus de 5 000 habitants

Oui

7,8 %

10,9 %

18,9 %

Non

83,5 %

68,5 %

53,2 %

Ne se prononce pas (NSP)

8,7 %

20,6 %

27,9 %

Globalement l'ANCT est surtout mise à contribution par les communes les plus peuplées (plus de 5 000 habitants), mais même pour celles-ci le taux de recours est faible (18,9 %) et le taux élevé de NSP (27,9 %) témoigne de la difficulté à identifier cet acteur.

De façon générale, en poussant la logique du repli étatique jusqu'à son terme, on peut réellement s'interroger sur le rôle que l'État sera encore capable de tenir demain dans ce domaine. Il n'est ainsi pas anodin d'observer que le recours à un prestataire privé (17,5 % des cas) devance désormais le recours à l'État .

À tout le moins, l'État doit aujourd'hui s'adapter aux nouveaux besoins des collectivités territoriales . Il pourrait, par exemple, utilement mettre à disposition des collectivités territoriales en ayant exprimé le besoin des personnels (ingénieur ou cadre) sur la durée d'un projet. En outre, l'adaptation de son offre d'ingénierie passe nécessairement par une évaluation transparente de l'existant, de manière à ajuster au mieux les prestations proposées aux besoins des collectivités.

Proposition n° 9 : fixer des critères d'évaluation de l'offre d'ingénierie.

Délai : trois ans

Acteur(s) : ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires

b) La préservation des capacités d'étude du CEREMA

Si l'ANCT peut être regardée comme l'une des novations significatives dans le domaine de l'ingénierie territoriale au cours de ces dernières années, l'émergence du CEREMA en constitue une autre importante du point de vue des collectivités territoriales. Ce centre est toutefois aujourd'hui à un tournant dans la mesure où il doit s'orienter vers une plus grande proximité avec ces dernières , sa pérennité même en dépendant.

Créé par le décret n° 2013-1273 du 27 décembre 2013 , le CEREMA se définit comme un établissement public à caractère administratif offrant un centre de ressources et d'expertises scientifiques et techniques interdisciplinaires pour l'élaboration, la mise en oeuvre et l'évaluation des politiques publiques, dans les champs des ministères chargés du développement durable, de l'urbanisme, des transports et de l'intérieur (pour la sécurité routière). Concrètement, il s'est appuyé, à sa création, sur la fusion des services techniques du ministère de l'équipement d'alors.

Le champ d'activité du CEREMA

Alors que le CEREMA a signé son premier contrat d'objectif en octobre 2021 , la mission du CEREMA peut se résumer selon les trois axes suivants :

- la recherche, l'innovation et le développement technologique : Pascal Berteaud, son directeur général, explique ainsi que le CEREMA est « passeur de savoirs entre les établissements de recherche et les opérationnels » 1 ;

- la diffusion de connaissances : le centre diffuse notamment des méthodes qui seront ensuite dupliquées ;

- l'appui aux collectivités territoriales et aux services de l'État : dans ce cadre le CEREMA intervient pour une expertise de « deuxième niveau » , c'est-à-dire présentant un certain degré de complexité.

Ses activités ont été recentrées depuis deux ans sur six domaines :

- l'efficacité énergétique des bâtiments (les écoles, par exemple pour le domaine public) ;

- les mobilités (le vélo, les véhicules autonomes...) ;

- les routes et les ponts ;

- l'environnement et les risques afférents (les inondations, les mouvements de terrain...) ;

- la mer et le littoral (la gestion des zones côtières, le recul du trait marin...) ;

- une expertise territoriale intégrée avec notamment, comme fil conducteur, le changement climatique.

1 Audition du 14 décembre 2021

Les administrations centrales de l'État continuent de représenter aujourd'hui les principaux commanditaires de prestations auprès du CEREMA. Cependant, celui-ci oriente également ses compétences et son expertise au service des collectivités territoriales, au point que celles-ci occupent, selon Pascal Berteaud, environ 20 % de son activité . À Nevers, par exemple, le Centre a accompagné la commune dans sa définition d'une stratégie d'adaptation au changement climatique, tandis qu'il intervient régulièrement aux côtés de villes moyennes et d'EPCI dans le cadre des programmes « Action Coeur de Ville » et « Petites Villes de Demain » de l'ANCT. Les communes de petite taille sont par contre moins dans son coeur de cible, même s'il a lancé un programme pour identifier les ponts sur leurs territoires.

Le rôle du CEREMA auprès des collectivités territoriales va croissant . Pascal Berteaud a ainsi indiqué à vos rapporteurs qu'« il y a encore quatre ans, le CEREMA ne travaillait que pour les services de l'État. On s'est progressivement tourné vers les collectivités en leur mettant à disposition notre expertise nationale, par exemple sur les ouvrages d'art ». Cette orientation répond à un besoin : les demandes d'assistance juridique, financière ou informatique de la part des communes et de leurs EPCI restent élevées, mais elles se doublent de besoins émergeant fortement dans le secteur de la transition écologique et du numérique.

Dans ces conditions, vos rapporteurs estiment nécessaire de faire porter la vigilance de votre délégation sur l'évolution des moyens humains et financiers 32 ( * ) de cet établissement qui pourrait prochainement le fragiliser , selon un rapport sur « Le rôle du CEREMA en matière d'appui aux collectivités territoriales » 33 ( * ) d'une mission commune du Commissariat à l'environnement et au développement durable (CGEDD) et de l'Inspection générale de l'administration (IGA).

Pointant la baisse continue de la subvention pour charge de service public depuis la création de l'établissement, la mission considère que « pour permettre la mise en oeuvre dans de bonnes conditions du projet stratégique, comme pour asseoir la crédibilité du projet de transformation de l'établissement en agence commune à l'État et aux collectivités locales [...], le maintien à leur niveau actuel du nombre d'emplois (2 600) et de la subvention pour charge de service public à 200 millions, apparaît comme une condition essentielle. En tout état de cause, les injonctions paradoxales adressées au CEREMA aboutissent à une impasse . La recherche de ressources externes ne peut se réaliser sans mobilisation des moyens humains de l'établissement et celui-ci risque, dans cette quête des ressources externes, alors même que ses moyens diminuent, de compromettre la capacité de l'État à faire appel à ses compétences dans le cadre d'une régie ».

Proposition n° 10 : mettre les ressources du CEREMA en phase avec les objectifs qui lui sont assignés en matière d'appui aux collectivités territoriales.

Délai : 3 ans

Acteur(s) : ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires

2. Faire évoluer le contrôle de légalité
a) Une stratégie de contrôle discutable

Le contrôle de légalité fait partie des missions fondamentales des services préfectoraux qui s'assurent du respect des règles de droit par les collectivités territoriales .

L'article 72 de la Constitution de 1958 prévoit que « dans les collectivités territoriales de la République, le représentant de l'État, représentant de chacun des membres du Gouvernement, a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois ». Il s'agit là d'une conséquence directe de l'indivisibilité de la République. Ce contrôle doit respecter toutefois le principe de libre administration des collectivités territoriales, qui a aussi valeur constitutionnelle en application de l'article 72 précité 34 ( * ) .

En 2016, votre délégation s'était inquiétée des moyens et des compétences alloués à cette activité et avait souhaité leur renforcement .

Depuis lors, cette mission des services préfectoraux a été renforcée dans le cadre du PPNG et sept pôles d'appui juridique (les pôles interrégionaux d'appui au contrôle de légalité - PIACL -) ont été déployés . Ils ont notamment un rôle de conseil, d'appui dans les contentieux et de formation auprès de l'ensemble des personnels préfectoraux.

Sur le plan de l'organisation des services, la direction de la citoyenneté et de la légalité a mutualisé, dans les préfectures où elle a été mise en place, les compétences juridiques (missions relatives au contrôle de légalité et aux relations avec les collectivités, pôles juridiques et contentieux départementaux).

Par ailleurs, le contrôle de légalité, notamment dans son volet d'appui aux collectivités locales (conseil et expertise), a fait l'objet d'une approche spécifique dans le cadre du PPNG. L'objectif était de renforcer cette mission constitutionnelle en dotant les préfectures de moyens supplémentaires nécessaires pour accroître leur capacité d'expertise juridique . Pour ce faire, un plan d'action consacré au renforcement du contrôle de légalité a été défini par la direction générale des collectivités locales (DGCL).

Les trois objectifs du plan de renforcement du contrôle de légalité

Trois objectifs ont été identifiés pour renforcer le contrôle de légalité :

Ø dynamiser l'animation et le pilotage de la mission au niveau national avec :

- la poursuite des actions d'animation auprès des préfectures (visites de terrain, animation de formations et animation de journées d'information) ;

- le renforcement de la mission d'appui auprès des préfectures par la création au sein du PIACL de deux pôles d'expertise :

o la chambre des « dossiers complexes », installée à compter du 1 er septembre 2016 avec trois juristes expérimentés. Elle est intervenue à la demande des préfectures dans le suivi de plus de 400 dossiers, majoritairement pour procéder à l'examen de la légalité des montages contractuels particuliers (bail emphytéotique administratif, vente en l'état futur d'achèvement, crédit-bail, partenariat public-privé ou encore concession d'aménagement) ainsi que sur le portage de certains projets par des sociétés publiques locales (SPL), des sociétés d'économie mixte (SEM), des sociétés coopératives d'intérêt collectif (SCIC) ou encore des groupements d'intérêt public (GIP) dans le cadre du développement économique et du développement des territoires ;

o la chambre du « contrôle budgétaire », en place depuis janvier 2017. Sa mission consiste à apporter une assistance aux préfectures sur les points-clefs de contrôle des actes budgétaires (vote du budget, équilibre, déficit du compte administratif...) et sur les décisions en matière d'interventions économiques. Cette chambre exerce également un suivi des budgets annexes des collectivités. Elle traite environ 80 dossiers par mois ;

- le développement de modalités de travail en réseau, avec la création d'un réseau thématique d'experts entre préfectures sous la forme d'une plateforme d'échanges ;

Ø renforcer les effectifs et les compétences des préfectures avec :

- un plan de renforcement des effectifs en charge du contrôle de légalité. Dans le cadre du PPNG, étaient prévus des redéploiements jusqu'en 2020. Ainsi, entre 2015 et 2020, les effectifs de la mission « Relations avec les collectivités locales » ont augmenté de 10 %, représentant 2 123 ETPT au 31 décembre 2020. Selon la DMAT, le contrôle de légalité (y compris le contrôle budgétaire) a mobilisé 1 179 ETPT en 2020, soit une hausse de 3 % par rapport à 2015 ;

- un programme de formation spécifique pour le contrôle de légalité, qui a été intégré au catalogue des formations en 2018 ;

Ø améliorer les conditions de travail des agents grâce à :

- l'équipement en « double écran » de tous les postes de travail des agents assurant le contrôle de légalité ;

- l'évolution de l'ergonomie de l'application @CTES : en 2016 et 2017, de nouveaux modules de recherche, de suivi statistique et de gestion des utilisateurs ont été conçus.

La mission des préfectures en matière de contrôle de légalité ne peut être remplie de façon satisfaisante que si des effectifs humains sont mobilisés à la hauteur des enjeux. Si le PPNG a permis un accroissement de ces effectifs sur la période allant de 2015 à 2020, il ressort toutefois du rapport de la Cour des comptes précité, « Les effectifs de l'administration territoriale de l'État », qu'« en 2021, soit au-delà de l'horizon de PPNG, l'effort semble s'être relâché avec une nouvelle baisse sur toutes les mission prioritaires ». Ainsi, le contrôle de légalité (y compris le contrôle budgétaire) a perdu, entre 2020 et 2021, 80 emplois à l'échelle de l'ensemble des préfectures, soit en moyenne près d'un emploi par préfecture.

Le contrôle de légalité vu par les autorités préfectorales : des pouvoirs satisfaisants, des moyens insuffisants

Le contraste est saisissant entre les 59 % de préfets et sous-préfets qui disent disposer d'assez de pouvoirs pour contrôler les actes des collectivités locales ; les mêmes estiment en revanche à 77 % ne pas disposer d'assez de moyens pour contrôler les actes de ces collectivités.

Par ailleurs, le doute sur la stratégie de contrôle demeure. Sur la période, celle-ci a muté d'un contrôle portant en principe sur tous les actes des collectivités territoriales à un contrôle resserré sur des actes prioritaires . Ce resserrement s'explique autant par la volonté de se concentrer sur des actes à enjeux pour les collectivités territoriales, leurs élus et les administrés, que par le besoin de conforter des expertises sur des sujets pointus.

Au total, aujourd'hui, les actes à enjeux identifiés ressortent de la commande publique (lancement des appels d'offres, attribution et exécution des marchés), de l'adoption du budget de la collectivité et de la gestion de ses ressources humaines (contrat des collaborateurs en cabinet, notamment) . À ces actes peuvent s'en ajouter d'autres, en fonction des particularismes locaux, comme, par exemple, les permis de construire sur le littoral.

Vos rapporteurs s'interrogent sur le caractère effectif d'un contrôle qui laisse de facto beaucoup de sujets de côté ( ie tout le reste des actes d'une collectivité territoriale en dehors des actes à enjeux identifiés) et ne parvient d'ailleurs pas même à s'exercer parfaitement sur les seuls actes du périmètre resserré .

Taux de contrôle des actes prioritaires au titre du contrôle de légalité

(en %)

Source : DMAT

Le tableau ci-dessus met en évidence que, sur ces dernières années, l'objectif de contrôle systématique des actes prioritaires n'a jamais été satisfait , le taux de contrôle oscillant aux alentours de 90 % selon les exercices.

Ce constat peut alarmer en ce qu'il traduit un État incapable d'assurer la parfaite sécurité juridique des collectivités territoriales , de leurs élus et de leurs administrés. Un exemple rapporté par Emmanuel Gros, vice-président du SNDGCT et directeur général des services de la commune de Vannes, permet de prendre la mesure du risque : « les contentieux sur l'urbanisme ont augmenté et ce sont les citoyens eux-mêmes qui, de fait, remplacent le contrôle de légalité de l'État » 35 ( * ) .

Pour conclure sur cet aspect du contrôle, il faut remarquer que les élus locaux ayant répondu au questionnaire de vos rapporteurs sont très partagés sur le champ idéal du contrôle de légalité . Sur l'éventualité d'une réduction de ce champ , 34,9 % se prononcent comme étant « d'accord », 28,6 % se déclarent « pas d'accord », et 27,9 % ne s'estiment « ni d'accord, ni pas d'accord ».

L'avis des élus locaux sur le contrôle de légalité

D'accord

Ni d'accord, ni en désaccord

Pas d'accord

NSP

Le champ des actes transmis aux services préfectoraux au titre du contrôle de légalité doit être réduit

34,9 %

27,9 %

28,6 %

8,6 %

Des démarches d'« autocontrôle » de la légalité des actes par les collectivités territoriales ou leurs groupements sont possibles

37,3 %

20,6 %

28,1 %

14 %

Le contrôle de légalité est obsolète. La cour des comptes et le tribunal administratif sont suffisants

14,9 %

18 %

58,5 %

8,6 %

Les préfectures doivent consacrer leur temps à d'autres missions que le contrôle de légalité

34,7 %

22,3 %

37 %

5,9 %

b) Une demande forte de conseil juridique

D'une manière générale, les élus locaux voient le contrôle de légalité avec un regard plutôt favorable. D'après leurs réponses au questionnaire de vos rapporteurs, ils sont ainsi plus de deux sur trois (69 %) à estimer qu'il est protecteur . Cette appréciation est convergente avec celle des préfets et sous-préfets pour qui le caractère protecteur de ce contrôle est quasi unanimement souligné (93 %). Sur ce terrain, élus locaux et représentants de l'État dans les territoires partagent bien la même philosophie d'approche.

Le contrôle de légalité vu par les élus locaux et les préfets et sous-préfets

Les élus locaux sont même trois sur quatre (75,7 %) à trouver ce contrôle utile (27,2 % sont « tout à fait d'accord » avec cette affirmation et 48,5 % sont « plutôt d'accord »). L'efficacité de ce contrôle est également reconnue par 40 % d'entre eux , un pourcentage toutefois inférieur à celui enregistré du côté des préfets et sous-préfets (60 %).

La question de l'efficacité du contrôle de légalité

Enfin, seulement 4,1 % des élus locaux sont « tout à fait d'accord » et 10,8 % « plutôt d'accord » avec l'affirmation selon laquelle « le contrôle de légalité est obsolète. La Cour des comptes et le tribunal administratif sont suffisants ». L'idée d'une obsolescence du contrôle de légalité en raison du rôle des juridictions administratives ou financières (tribunal administratif, chambre régionale des comptes, Cour des comptes...) est également repoussée par 89 % des préfets et sous-préfets.

Si l'attachement des élus locaux au principe d'un contrôle de légalité ne fait pas de doute, leur ressenti quant à sa pratique fait toutefois entendre une tonalité moins positive. En effet, 40 % le jugent contraignant . Encore ce ressenti reste-t-il en deçà de la perception des préfets et sous-préfets qui estiment, pour leur part, à 53 % que ce contrôle est contraignant.

Le contrôle de légalité est-il contraignant ?

La modernisation opérée sur la période, au travers de la transmission électronique des actes des collectivités territoriales au contrôle de légalité, a toutefois permis d'alléger la procédure ainsi qu'en témoignent les élus locaux. Seuls 9 % indiquent ne pas y avoir recours et 14,3 % la considèrent comme coûteuse (4,5 % « tout à fait d'accord » et 9,8 % « plutôt d'accord »), mais 88,9 % la jugent utile (54,9 % en sont « tout à fait d'accord » et 34 % « plutôt d'accord »), 89,1 % rapide (59,1 % sont « tout à fait d'accord » et 30 % « plutôt d'accord ») et 76,8 % efficace (41,6 % sont « tout à fait d'accord » et 35,2 % « plutôt d'accord »).

Les mêmes élus locaux se montrent d'ailleurs plutôt ouverts aux évolutions concernant le contrôle de légalité, puisque 37 % considèrent que des démarches d'« autocontrôle » de légalité sont possibles . Ce taux entre d'ailleurs assez bien en résonnance avec celui des élus locaux estimant que « les préfectures doivent consacrer leur temps à d'autres missions que le contrôle de légalité », 34,7 % adhérant à cette position (9,2 % « tout à fait d'accord », 25,5 % « plutôt d'accord »). Concernant l'autocontrôle, le point de vue des préfets et sous-préfets est, quant à lui, parfaitement partagé entre ceux estimant que cela est possible (43 %) et ceux y étant opposés (44 %). Il faut toutefois souligner que la part des préfets et sous-préfets ouverts à cette perspective est plus élevée que celle des élus (43 % contre 37 %), le taux de « pas d'accord » étant lui aussi plus élevé parmi les préfets et les sous-préfets (44 % contre 28 %), qui sont donc globalement plus circonspects que les élus sur ce point.

Des démarches d'autocontrôle de la légalité sont-elles possibles ?

Dans l'avis des élus locaux sur l'exercice du contrôle de légalité, la notion de conseil tient une place toute particulière. Ils sont en effet un sur deux (51,5 %) à juger que « les services préfectoraux jouent un rôle de conseil important auprès de [leur] collectivité » (11,8 % en sont « tout à fait d'accord » et 39,7 % « plutôt d'accord »).

Une fonction de conseil juridique loin d'être optimisée : l'exemple du rescrit

Attendue par les élus, la fonction de conseil est toutefois loin d'être optimisée. L'exemple du rescrit mis en place au profit des collectivités territoriales par la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique (dite « loi Engagement et proximité ») l'illustre.

Au travers de cette procédure, les collectivités peuvent interroger le préfet sur la légalité d'une décision en amont de son adoption, le bénéfice attendu étant une sécurisation juridique de la collectivité requérante.

56 % des préfets et sous-préfets considèrent le rescrit comme un dispositif utile.

Cependant, 74,1 % des élus locaux indiquent ne jamais y avoir recouru et ils sont 63,3 % à ne pas même la connaître . Parmi ceux ayant déjà utilisé le rescrit, 74 % ont « toujours » reçu une réponse du préfet, mais 14,4 % n'ont reçu que « parfois » une réponse et 11,5 % n'ont « jamais » reçu de réponse.

Vos rapporteurs estiment que ces deux derniers pourcentages alertent sur un manquement dans le rôle de conseil des services préfectoraux du contrôle de légalité et appellent à une plus grande vigilance des préfets redevables d'une réponse aux élus locaux qui les sollicitent .

L'affirmation d'une véritable fonction de conseil juridique de la part du préfet et de ses services apparaît à vos rapporteurs comme une orientation désormais indispensable . Un État moderne et soucieux d'accompagner efficacement les collectivités territoriales doit savoir jouer à plein sur le registre du conseil, et ce d'autant plus qu'il en va de la prévention de contentieux ultérieurs coûteux en temps et en argent.

Car trop souvent, le contrôle de légalité est vécu comme inadapté, tatillon et passant à côté de l'essentiel . Florence Baco-Ambrass, vice-présidente du SNDGCT et directrice générale des services de la commune de Palaiseau, résume ainsi les choses : « on perd beaucoup de temps pour des questions de conformité à la loi (...) on est en face de contrôleurs, mais pas de « conseilleurs » » 36 ( * ) .

Ce rôle de conseil est important pour toutes les collectivités territoriales, mais plus encore pour les plus petites d'entre elles dépourvues d'expertise. L'APVF déplore ainsi que « depuis la recentralisation du contrôle de légalité des sous-préfectures vers les préfectures, aucune réflexion n'a été menée sur le rôle de conseil envers les petites collectivités ».

Proposition n° 11 : passer d'une logique de contrôle de légalité à celle de conseil aux collectivités territoriales.

Délai : immédiatement

Acteur(s) : ministère de l'Intérieur, DMAT

Proposition n° 12 : expérimenter l'autocontrôle de légalité pour les communes et les EPCI les plus peuplés.

Délai : 1 an

Acteur(s) : ministère de l'Intérieur, DMAT

I. III. L'ADAPTATION DE L'ORGANISATION DE L'ÉTAT DANS LES TERRITOIRES

La multiplication des réformes et l'accélération de leur succession peut offrir deux lectures contradictoires. Dans une version optimiste, on pourrait y voir l'expression d'un État agile et soucieux de s'adapter au plus vite et au plus juste à un monde en mutation constante et toujours plus rapide.

Dans une vision plus réaliste, on doit davantage y discerner les symptômes d'un État à la peine pour continuer à tenir son rôle dans les territoires et hésitant sur la meilleure stratégie à suivre pour y réussir . Au coeur de ces incertitudes, l'institution préfectorale occupe une place particulière en ce qu'historiquement, il a toujours été beaucoup attendu de sa part et qu'elle demeure encore, en ce début de XXI ème siècle, l'axe principal sur lequel peut s'appuyer l'État dans les départements et les régions pour répondre aux attentes légitimes des collectivités territoriales et de leurs élus.

Aujourd'hui, l'heure n'est pas tant à un « big bang » administratif aux effets très incertains qu'à une adaptation de l'organisation de l'État dans les territoires, dans un souci de simplification, de lisibilité et d'efficacité de l'action publique .

A. L'UNICITÉ DE LA PAROLE DE L'ÉTAT

1. Le préfet, pierre angulaire de l'État
a) Les risques de la fonctionnalisation des préfets

Le décret n° 2022-491 du 6 avril 2022 relatif aux emplois de préfet et de sous-préfet tire les conséquences de la réforme de l'encadrement supérieur de l'État annoncée le 8 avril 2021 par le Premier ministre, alors Jean Castex, et notamment de la création du corps des administrateurs de l'État par l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 posant le cadre de la suppression du corps préfectoral.

Auparavant régis par les décrets n° 64-260 du 14 mars 1964 et n° 64-805 du 29 juillet 1964 modifiés, les corps de préfet et de sous-préfet s'éteignent 37 ( * ) . Le décret précité du 6 avril 2022 fixe le cadre réglementaire applicable aux emplois de préfets et de sous-préfets, en matière de nomination, de classement des emplois et de modalité de gestion sur ces emplois. Il entrera en vigueur au 1 er janvier 2023.

L'un des principaux objectifs poursuivis par la réforme de l'encadrement supérieur de l'État consiste à substituer une logique de métier à celle de corps . Il sera impossible pour un haut fonctionnaire, membre du corps des administrateurs d'État, d'exercer l'intégralité de sa carrière comme préfet ou comme sous-préfet.

La suppression du corps n'est toutefois pas synonyme de disparition des fonctions préfectorales . Ainsi est-il d'usage de parler de « fonctionnalisation » des préfets pour évoquer cette réforme. À partir du 1 er janvier 2023, la durée maximale d'exercice continu des fonctions de préfet sera de neuf ans (quel que soit le nombre d'emplois occupés pendant cette période) 38 ( * ) . Les emplois de préfet sont désormais répartis en quatre groupes :

- groupe I : emplois de préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris et préfet de police de Paris ;

- groupe II : emplois de préfet de région (à l'exception de l'Ile-de-France, Paris et l'Outre-mer) ;

- groupe III : préfets de département et préfet de région Outre-mer, hauts commissaires ;

- groupe IV : autres emplois de préfet et de préfet délégué ;

La gestion des emplois de préfets et de sous-préfets relèvera toujours du ministère de l'Intérieur, par l'intermédiaire de la délégation interministérielle à l'encadrement supérieur de l'État (Diese) créée par le décret n° 2021-1775 du 24 décembre 2021 relatif à la délégation interministérielle à l'encadrement supérieur de l'État, aux délégués ministériels à l'encadrement supérieur et au comité de pilotage stratégique de l'encadrement supérieur de l'État.

Dans les textes, la réforme de l'encadrement supérieur de l'État a pour ambition que les nouveaux administrateurs de l'État soient davantage proches des réalités du terrain. De fait, le décret précité du 6 avril 2022 prend des précautions pour ne pas nommer préfet des profils hors-sol ou déconnectés des réalités. Il prévoit qu'au moins « deux tiers des emplois de préfet seront occupés par des personnes justifiant de plus de cinq années de services dans plusieurs postes territoriaux d'encadrement supérieur au sein des services déconcentrés de l'État, de la fonction publique territoriale, de la fonction publique hospitalière ou d'établissements publics en relevant ». Ainsi, un tiers des préfets seront nommés à la discrétion du gouvernement (en provenance du public ou du privé).

Avant d'être nommés pour la première fois à des fonctions de préfets, les candidats seront reçus et évalués par un comité consultatif, présidé par le président du Conseil supérieur de l'appui territorial et de l'évaluation (CSATE). Ce comité sera chargé de formuler un avis sur l'aptitude professionnelle de ces personnes. Au cours de l'exercice de leurs fonctions de préfets (ou de sous-préfets), le parcours professionnel des administrateurs d'État en préfectoral sera évalué par le CSATE.

En résumé, l'objectif affiché de cette réforme vise à instiller plus de diversité dans le recrutement , ainsi que des parcours professionnels liés à la performance des préfets et non plus à leur statut.

Les élus locaux sont majoritairement en phase avec la préoccupation d'« ouvrir les fonctions de préfet à des fonctionnaires dont ce n'est pas la fonction d'origine » puisque 55,5 % en sont « tout à fait d'accord » (19,2 %) ou « plutôt d'accord » (36,3 %), d'après leurs réponses au questionnaire de vos rapporteurs. Ils sont en revanche très partagés sur l'affirmation selon laquelle « les préfets doivent relever d'un corps de hauts fonctionnaires à part entière » : quand un sur trois (34,9 %) est « tout à fait d'accord » (9,7 %) ou « plutôt d'accord » (25,2 %) avec cette idée, un autre tiers y est hostile (13,4 % « pas du tout d'accord » et 21,8 % « plutôt pas d'accord »).

En tant que président de l'Association du corps préfectoral et des hauts fonctionnaires du ministère de l'Intérieur, le préfet Christophe Mirmand a tenu à resituer cette transformation dans le temps long 39 ( * ) : « des perspectives de réforme du corps préfectoral se font jour. Cette institution est relativement récente, puisque si la fonction préfectorale est plus que bicentenaire, les corps n'existent que depuis l'immédiat après-guerre ». Il a toutefois tenu à insister sur deux priorités. La première consiste à s'assurer du « professionnalisme des préfets et des sous-préfets amenés à exercer ces fonctions sur le territoire, ce qui suppose de veiller, dans l'organisation des carrières, à garantir l'acquisition d'un savoir-faire relatif à l'entretien des relations avec l'ensemble des partenaires locaux ». La seconde concerne « la préoccupation d'une animation qui soit encore assurée par le ministère de l'Intérieur, considérant que cette dualité de mission incombant au corps préfectoral (être le représentant de l'État et du gouvernement d'une part, et être l'incarnation de l'interministérialité de l'État au niveau territorial et celui qui détient l'autorité civile sur les services chargés de la sécurité de nos concitoyens d'autre part) doit être garantie ».

Lors de son audition, Bernadette Malgorn a pour sa part exprimé de vives réserves estimant que « la fonctionnalisation emporte plusieurs risques : un excès de politisation , une perte de compétences et une mauvaise adéquation aux collectivités territoriales ». Elle a rappelé que « la création du corps [préfectoral] en 1950 s'inscrivait dans un mouvement de modernisation de l'administration dans l'après-guerre, à la suite de la création de l'ENA en 1945. La littérature nous avait dressé des portraits rarement flatteurs des préfets d'avant-guerre, mondains ou très politiques. La création du corps préfectoral est une rupture. Il s'agit d'une professionnalisation et la reconnaissance d'un métier, qui s'est accompagnée de la définition de modalités de recrutement, y compris d'éléments extérieurs. Ces recrutements extérieurs sont maintenant majoritaires chez les sous-préfets et ils représentent la moitié des préfets, l'autre moitié étant issus de l'ENA ».

Au regard de la fonctionnalisation en cours du métier préfectoral, vos rapporteurs soulignent la nécessité impérieuse de préserver les préfets d'une politisation qui nuirait à leur crédit dans leur circonscription et, partant, à l'efficacité de l'action de l'État. Tout autant sont-ils attachés à la pérennité d'une filière professionnelle préfectorale permettant de garantir le haut niveau de professionnalisme qui fait la marque du corps préfectoral et qui doit perdurer .

b) Le préfet, représentant de l'État dans les territoires

« Ne soyez jamais les hommes de la Révolution mais les hommes du gouvernement... et faîtes que la France date son bonheur de l'établissement des préfectures » recommande Bonaparte à ceux qui s'apprêtent à occuper la fonction de préfet créée par la loi du 28 pluviôse an VIII . Depuis cette date, assurément, le préfet tient une place à part dans le paysage administratif et politique local , comme dans l'imaginaire national.

Cette singularité perdure jusque dans la Constitution du 4 octobre 1958 , puisque son article 72 précise que « dans les collectivités territoriales de la République, le représentant de l'État, représentant de chacun des membres du Gouvernement, a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois ». Ainsi, le préfet est-il le seul agent public à avoir droit à cette distinction et à cette reconnaissance constitutionnelle.

Comme l'a souligné le professeur Gildas Tanguy lors de son audition 40 ( * ) , « la figure préfectorale combine une dimension verticale , dans sa fonction régalienne, et une dimension horizontale , dans sa capacité à tisser des liens et à accompagner les projets ». C'est bien dans cette dualité que se trouve l'un des principaux ressorts de la fonction préfectorale.

Les résultats de la consultation nationale des élus via la plateforme internet du Sénat, en mars 2021, à propos du renforcement de l'autorité du préfet de département sont édifiants : les élus se montrent favorables à cette proposition à 69 %. Dans le même esprit, 55 % des élus municipaux considèrent que l'échelon de la préfecture de département est celui à privilégier pour la déconcentration 41 ( * ) . L'échelle de l'État territorial est d'abord départementale et elle passe notamment par le préfet.

Proposition n° 13 : rendre effectif l'échelon départemental comme périmètre effectif de mise en oeuvre des politiques publiques.

Délai : immédiatement

Acteur(s) : le Premier ministre, chef du gouvernement

L'incarnation de l'institution préfectorale dans les territoires est double, avec le préfet de région et celui de département, voir triple, si on leur associe le sous-préfet. Au gré des différentes réformes de l'administration déconcentrée, le curseur a varié entre les deux premiers pour déterminer celui dont le rôle serait prééminent sur l'autre. Selon vos rapporteurs, assurer une représentation efficace de l'État dans les territoires passe par l'affirmation du rôle d'impulsion dévolu au préfet de région, tandis que le préfet de département correspond au niveau de l'action et de la mise en oeuvre, avec l'équipe de sous-préfets, des politiques publiques .

Dans cette perspective, le cumul actuel des fonctions de préfet de région et de préfet de département n'est pas optimal . Ce cumul représente au contraire une entrave dans le bon exercice de la fonction au niveau du département, ne serait-ce que par le caractère chronophage des enjeux régionaux (pilotage des politiques publiques, coordination des acteurs...) au détriment des affaires du département. Parmi les préfets et sous-préfets, 65 % s'accordent sur l'utilité de distinguer ces deux fonctions.

De même, le cumul en vigueur des fonctions de secrétaire général de préfecture et de sous-préfet d'arrondissement répond mal au besoin de proximité et d'équité dans le traitement des élus et de leurs territoires. Dans les faits, elle incline en effet parfois à un traitement privilégié de l'arrondissement placé sous l'autorité du secrétaire général.

Proposition n° 14 : transformer l'organisation du corps préfectoral sur certains postes en expérimentant :

a) le dédoublement des fonctions de préfet de région et de département ou, alternativement, expérimenter la transformation du secrétaire général de la préfecture de région en préfet du département chef-lieu avec ajout d'un sous-préfet chargé de l'arrondissement centre ;

b) le dédoublement des fonctions de secrétaire général de préfecture et de sous-préfet d'arrondissement.

Instaurer un numéro d'appel spécialement dédié permettant aux maires d'accéder au sous-préfet de leur arrondissement.

Délai : 3 ans

Acteur(s) : ministère de l'Intérieur, DMAT

Asseoir le préfet dans son rôle requière de l'installer sur une période de temps suffisante. Or, de façon générale, les élus locaux regrettent un trop fort turn over chez leurs interlocuteurs au sein des administrations déconcentrées. Dans leurs réponses au questionnaire de vos rapporteurs, ils estiment à 24 % que leurs interlocuteurs ne restent « pas du tout » « assez longtemps en fonction pour bien connaître [leur] territoire » et 46,6 % estiment qu'ils ne restent « plutôt pas » assez longtemps .

On constate sur ce point une vraie césure entre l'avis des élus locaux et de celui des préfets et des sous-préfets , dont la moitié (48 %) estime qu'ils restent en poste suffisamment longtemps. Pour 73 % d'entre eux, la durée optimale dans un poste est de trois ans. Se marque ici une différence entre la vision territoriale des élus et la vision des préfets et sous-préfets, reflétant une logique de trajectoire de postes.

Plus précisément, quand les élus locaux sont interrogés sur la durée idéale, selon eux, des fonctions des membres du corps préfectoral pour un poste donné, la durée de « 5 ans » recueille le plus de suffrages (39,8 %) devant « 6 ans et plus » (29,3 %), tandis que « 4 ans » ne reçoit que 15,7 % des votes. Du point de vue des élus locaux, le temps est un gage de solidité pour la relation qu'ils construisent avec le préfet et l'administration déconcentrée, la connaissance fine des territoires et des collectivités ne s'improvisant pas.

Proposition n° 15 : instaurer une durée minimum d'affectation des préfets d'au moins quatre ans, avec une feuille de route sur cette période.

Délai : immédiatement

Acteur(s) : ministère de l'Intérieur, DMAT

c) Le préfet, « patron des services » de l'État

Au sein de l'administration déconcentrée de l'État, le préfet occupe une place centrale au point d'être parfois qualifié, dans le jargon des fonctionnaires, de « patron » des services déconcentrés. Il est vrai qu'outre ses missions en matière de maintien de l'ordre et de sécurité publique, et en application du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif au pouvoir des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'État dans les régions et départements , le préfet a autorité sur les services déconcentrés des administrations civiles de l'État. Ce principe général souffre toutefois de quelques exceptions concernant des champs importants, tels que l'action éducatrice, l'inspection du travail, la santé ou les finances publiques 42 ( * ) .

L'autorité du préfet peut être soit hiérarchique, soit fonctionnelle. L'autorité hiérarchique s'exerce en particulier sur les DDI , en application du décret n° 2009-184 du 3 décembre 2009 relatifs aux DDI, et sur les SGC départementaux récemment créés par le décret précité du 7 février 2020 relatif à l'organisation et aux missions des SGC départementaux. Concernant les directions régionales, par contre , cette autorité du préfet est partagée avec celle du ministre en charge des politiques publiques dont elles ont la mission.

Pour résumer la logique sous-tendant ce mécano administratif, le préfet Christophe Mirmand a considéré que « depuis la RéATE, l'organisation administrative est théoriquement interministérielle au niveau départemental et ministérielle au niveau régional, même s'il existe de fait une interministérialité des directions régionales. Les préfets doivent faire vivre cette interministérialité auprès des autres services de l'État et auprès des collectivités territoriales ».

En pratique, force est toutefois de constater que, en dépit de l'existence des Comités de l'administration régionale (CAR) réunissant périodiquement, sous l'autorité du préfet, les services déconcentrés participant aux pilotages des politiques publiques en région 43 ( * ) , des pans très importants de l'action de l'État échappent (en dehors des périodes de crise durant lesquelles des réquisitions pouvant alors intervenir), en totalité ou en partie, au préfet . On doit en particulier songer à cet égard aux Agences régionales de santé (ARS) , au réseau des finances publiques et au Rectorat d'académie .

Cette situation n'est pas sans conséquences sur la présence de l'État dans les territoires, l'unicité des positions qu'il est censé affirmer et, au final, sa relation avec les élus locaux . Au cours de la dernière décennie, on a souvent vu des administrations publiques de réseau (comme, par exemple, les finances publiques, Pôle Emploi...) annoncer sans coordination des fermetures d'agence ou d'antenne à quelques mois ou mêmes quelques semaines d'intervalle sur une même commune, plaçant celle-ci en grande difficulté. Vos rapporteurs estiment que ce type de décision ne doit plus intervenir si l'on attache du crédit à la vitalité de nos territoires, et ils formulent donc la proposition générale suivante.

Proposition n° 16 : proscrire les fermetures simultanées de services déconcentrés sur le territoire d'une même commune, d'un même EPCI, voire d'un même département (pour ceux de moins de 250 000 habitants).

Délai : immédiatement

Acteur(s) : le Premier ministre, chef du gouvernement

Un meilleur pilotage des différents services de l'État dans les territoires devrait permettre d'éviter de tels dilemmes. Afin d'affirmer encore mieux le rôle de coordination du préfet, l'un des obstacles à surmonter réside incontestablement dans l'autorité politique de rattachement de celui-ci, à savoir le ministre de l'Intérieur. S'il peut se comprendre de par la mission de maintien de l'ordre public et de sécurité des populations confiée au préfet (avec pour corolaire l'autorité sur les services de police et de gendarmerie), ce rattachement paraît de plus en plus incongru et anachronique au regard du sens de l'Histoire préfectorale qui va vers toujours plus de transversalité et d'interministérialité.

Proposition n° 17 : placer le préfet sous l'autorité directe du Premier ministre.

Délai : immédiatement

Acteur(s) : le Premier ministre, chef du gouvernement

Dans son précédent rapport en 2016, votre Délégation proposait de « consolider l'autorité du préfet sur l'ensemble des directions régionales ». Force est de constater que cette proposition demeure d'actualité et vos rapporteurs la reprennent à leur compte cette année en y adjoignant la dimension départementale. Cette réaffirmation entre d'ailleurs parfaitement en résonnance avec le rattachement des préfets au Premier ministre , dans un souci d'unicité et de cohérence de l'action de l'État territorial.

Proposition n° 18 : consolider l'autorité du Préfet sur l'ensemble des directions régionales et départementales.

Délai : un an

Acteur(s) : le Premier ministre, chef du gouvernement

Les périodes de crise , comme l'a mis en lumière la crise sanitaire, requièrent vraisemblablement un degré supérieur encore de coordination et d'unicité d'action. Parce que le temps manque, que des vies humaines sont parfois en jeu et que surgissent des événements imprévus nécessitant des réponses aussi rapides dans leur exécution que complexes dans leur élaboration, les services de l'État doivent faire preuve de la plus grande des réactivités et d'une extrême cohérence dans les solutions mises en place sur le terrain. C'est pourquoi vos rapporteurs estiment nécessaire de renforcer l'autorité du préfet au coeur des services dans ces circonstances exceptionnelles. Ils rejoignent d'ailleurs en cela la proposition n° 33 du Groupe de travail du Sénat sur la décentralisation.

À cet égard, vos rapporteurs relèvent, en outre, avec intérêt les dispositions prévues par l'article 15 du projet de loi n° 876 (2021-2022) d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur , déposé au Sénat le 7 septembre 2022. Cet article vise en effet « à clarifier et à renforcer, lors d'événements d'une particulière gravité et sur autorisation du préfet de zone, les prérogatives du préfet de département à l'égard des établissements publics de l'État et services déconcentrés ne relevant pas de son autorité, pour les seules mesures liées à la gestion de la situation ».

Proposition n° 19 : en période de crise, placer l'ensemble des services de l'État sous l'autorité du préfet.

Délai : un an

Acteur(s) : le Premier ministre, chef du gouvernement

Au-delà des dispositions réglementaires organisant les services, l'effectivité des pouvoirs du préfet passe sans conteste par les moyens humains à la disposition de celui-ci et sa faculté à les adapter aux différentes missions.

Précisément, dans le prolongement de la circulaire n° 6251 du 10 mars 2021 relative à la déconcentration de la gestion budgétaire et des ressources humaines pour renforcer l'État dans les territoires, le préfet de région dispose depuis cette année d'une marge de manoeuvre dans l'affectation des effectifs 44 ( * ) . Ainsi peut-il les redéployer entre services dans une limite de 3 % du plafond d'emplois des effectifs relevant du programme 354 « Administration territoriale de l'État ».

Certes, comme le souligne la DMAT, cette faculté offerte au préfet de redéployer des effectifs « sur des missions qu'il considère comme étant prioritaires peut lui permettre de consacrer davantage de moyens à ce rôle d'ensemblier, de coordonnateur et de pilote » 45 ( * ) qui est le sien. Pourtant, eu égard aux réductions drastiques d'effectifs subies par les services déconcentrés ces dernières années, on peut aussi estimer que cette mesure ne présente qu'un intérêt tout relatif, dès lors qu'il s'agira bien souvent davantage de « boucher les trous » et de « répartir la misère » plutôt que de réellement prioriser des politiques publiques .

Proposition n° 20 : augmenter les capacités de redéploiement des fonctionnaires de l'État par le préfet (au-delà de 3 %), sans doublonnage au sein de l'État.

Délai : un an

Acteur(s) : le Premier ministre, chef du gouvernement

2. Le développement parallèle des agences
a) La multiplication des interlocuteurs

L'État dans les territoires ne se résume pas aux administrations déconcentrées stricto sensu , dont il a été question jusqu'à présent. Les élus locaux sont en effet amenés à lier des relations et à travailler avec d'autres acteurs portant des politiques publiques. À l'égard de ces acteurs-là, on a pu parler de « démembrement de l'État », mais on évoque plus couramment aujourd'hui des « opérateurs » ou encore des « agences » de l'État. De ce dernier terme découle d'ailleurs la notion d'« agencification » (ou encore d'« agencisation ») qui rend compte du phénomène.

En 2012 dans son étude annuelle « Les agences : une nouvelle gestion publique ? », le Conseil d'État a tenté, le premier, de cerner au plus près une tendance qui demeurait « un impensé de la réforme de l'État ». Si les agences mobilisent des expertises, des compétences et des savoir-faire dans une organisation qui se veut plus souple que celle des administrations traditionnelles, le Conseil d'État soulignait également que « la bonne administration impose qu'une agence ne soit pas un « bateau ivre » : l'État doit conserver des compétences irréductibles et, en particulier, une capacité de pilotage , afin de pouvoir inscrire les agences dans une vision stratégique de son action ».

Dix ans plus tard, ce constat en forme d'alerte garde toute son actualité dans le cadre de la relation entre l'État et les élus locaux . Certes, le nombre des opérateurs de l'État a connu une décrue depuis cette époque, en passant de 560 à 437 46 ( * ) , et tous ces opérateurs n'interviennent pas dans le champ des collectivités territoriales. Pour autant, le vécu quotidien des élus locaux est peuplé d'acronymes renvoyant à des agences, qu'elles en portent formellement le nom ou pas 47 ( * ) .

Les champs d'intervention de ces agences recoupent en effet des secteurs de compétence des collectivités territoriales, et parmi les plus importants. Ainsi, à titre d'exemple, les ARS occupent une place prééminente dans l'organisation des soins sur le territoire. Dans le domaine de l'écologie et du développement durable, on retrouve les agences de l'eau , l'ADEME , l'Office national des forêts (ONF) ou encore l'Office français de la biodiversité (OFB) . En matière de sécurité, les choix stratégiques de l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) ont eu ces dernières années des implications fortes sur l'équipement des mairies et les ressources dédiées par elles à la délivrance des titres d'identité. L'ANCT et, dans un autre registre, l'ANRU ont vocation à accompagner les collectivités territoriales dans leurs transformations et dans l'évolution de leur aménagement. Certaines limites du fonctionnement de ces agences (bureaucratisation, recentralisation) ont été pointées par des travaux universitaires 48 ( * ) .

Du point de vue des élus locaux, cette profusion d'acteurs rend difficile l'identification du bon interlocuteur au sein de la « nébuleuse étatique ». Dans ces conditions, comment s'étonner que 61 % des élus ayant répondu au questionnaire de vos rapporteurs reconnaissent que même « à l'issue des différents plans de modernisation des services déconcentrés de l'État, ils n'ont pas l'impression de trouver le bon interlocuteur » . Une large majorité (64,7 %) considère que « les agences de l'État sont trop nombreuses » : 28,7 % sont « tout à fait d'accord » et 36 % sont « plutôt d'accord ».

Cette impression renvoie à une réalité : les risques de doublons demeurent entre les services déconcentrés et les agences . Le cas du marais poitevin est à cet égard édifiant. L'établissement public du Marais poitevin (EPMP) a été créé par le décret n° 2011-912 du 29 juillet 2011. Il est censé coordonner la gestion de l'eau et de la biodiversité sur le marais et sur les bassins versants qui l'alimentent, soit un périmètre d'intervention total de 639 000 ha. L'établissement public coexiste toutefois avec le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, les DDT(M) des Deux-Sèvres, de Charente-Maritime et de Vendée, la DREAL et l'Agence de l'eau « Loire-Bretagne ».

La mission d'information conduite par vos rapporteurs permet de rappeler ce problème récurrent mais, du fait de ses limites dans le temps et en ressources, elle n'avait bien évidemment pas vocation à établir un recensement exhaustif des doublons. En revanche, vos rapporteurs estiment nécessaire une évaluation fine des périmètres de compétences afin de « chasser » les missions indues, ainsi que de clarifier et de simplifier le paysage administratif auquel les élus sont trop souvent confrontés sans parvenir à trouver de réponse satisfaisante à leurs interrogations .

Parfois, la difficulté des élus locaux n'est pas à chercher dans une absence de réponse de la part des services de l'État ou des agences, mais bien plutôt dans des dissonances, voire des contradictions, entre les réponses rendues par les différentes autorités administratives sollicitées. Autant le préfet a autorité sur les services déconcentrés que sont les DDT(M) par exemple, autant il se trouve démuni face à nombre d'agences qui échappent à son autorité hiérarchique. Dans ces conditions, c'est la parole même de l'État qui en devient dévalorisée, puisque perdant son unicité . À cet égard, il est utile de relever que quatre préfets et sous-préfets sur cinq (81 %) jugent que les agences de l'État sont trop nombreuses.

Vos rapporteurs estiment que les conséquences en termes de pertes de temps, de projets à l'arrêt faute d'orientation claire ou de décisions tardives venant mettre à mal des mois et des mois de travail, imposent d'imaginer un autre modèle d'organisation afin de remettre de la cohérence dans le champ de l'État et de ses agences .

b) La création de l'ANCT : une source d'inspiration ?

Dans la recherche d'un autre modèle pour rationaliser l'intervention des agences et en faire véritablement un levier d'efficacité dans la relation État - collectivités territoriales , la récente création de l'ANCT représente une piste intéressante.

À l'origine de cette création se trouve le législateur, puisque c'est sur une proposition de loi déposée à l'initiative de notre collègue Jean-Claude Requier que la loi n° 2019-753 du 22 juillet 2019 portant création d'une agence nationale de la cohésion des territoires a été adoptée. Dans l'exposé des motifs de sa proposition de loi, Jean-Claude Requier estimait ainsi que « l'organisation par l'État de son action locale, avec ses opérateurs, doit être repensée à l'aune des besoins propres à chaque territoire, dans le cadre de la décentralisation. L'État doit ainsi être en mesure de répondre aux initiatives des élus locaux et d'accompagner leurs projets, notamment grâce aux programmes nationaux territorialisés. Les problématiques nouvelles auxquelles font face les collectivités territoriales (transitions écologique, numérique, démographique ou économique) appellent nécessairement des réponses structurantes et innovantes, adaptées aux réalités locales ».

L'ANCT est opérationnelle depuis le 1 er janvier 2020 et elle est née de la fusion de trois opérateurs intervenant auparavant dans le champ des collectivités territoriales : le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET), l'Établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (Épareca) et l'Agence du numérique. Cette fusion a permis tout à la fois une clarification des missions , une mutualisation des moyens et une mise en réseau des expertises et des compétences 49 ( * ) .

L'objectif confié à l'ANCT vise à renforcer la relation de l'État aux territoires et à accompagner les élus locaux dans la mise en place de leurs projets. L'ANCT a pour mission, en tenant compte des particularités, des atouts et des besoins de chaque territoire, de conseiller et de soutenir les collectivités territoriales et leurs groupements dans la conception, la définition et la mise en oeuvre de leurs projets.

Afin de remplir ce rôle, l'ANCT dispose de trois modalités d'action pour épouser et épauler les besoins des territoires :

- les programmes nationaux d'appui aux territoires, divisés en trois thématiques prioritaires : la thématique des territoires et des ruralités (avec les programmes « Action Coeur de Ville », « Petites Villes de Demain », « Avenirs Montagne », « Avenirs Montagnes Ingénierie », « France Services », « Agenda rural », « Territoires d'Industrie » et les pactes territoriaux), la politique de la ville (avec les programmes « Tremplin Asso », « Éducation et petite enfance », « Grande équipe de la réussite républicaine ») et le numérique (avec les programmes « France Mobile », « Inclusion numérique », « Incubateur de Services numériques », « France Très Haut Débit », « Nouveaux Lieux Nouveaux Liens ») ;

- la contractualisation : des pactes territoriaux soutiennent durablement le développement de territoires fragiles, comme le pacte Ardennes par exemple. L'ANCT pilote en outre les CRTE dans le cadre du plan de relance ;

- l'accompagnement sur mesure : cet accompagnement se fait en complémentarité des collectivités locales, si leurs ressources locales sont insuffisantes pour réaliser un projet ponctuel.

Le conseil d'administration de l'ANCT était présidé par Caroline Cayeux, maire de Beauvais, jusqu'à sa récente nomination au gouvernement. Il comprend en outre dix associations d'élus ainsi que quatre parlementaires 50 ( * ) . L'agence se trouve ainsi en prise directe avec les préoccupations des élus locaux qui peuvent faire remonter leurs attentes et leurs projets prioritaires .

Elle regroupe, d'une part, les équipes nationales (qu'elles soient au siège parisien de l'agence ou territorialisées) et, d'autre part, les préfets de département, qui sont les délégués territoriaux de l'agence , et leurs services.

Vos rapporteurs veulent insister tout particulièrement sur ce dernier point. En effet, dans le montage de l'agence, le préfet a été positionné en tant que courroie de transmission entre les collectivités territoriales et l'expertise (technique, juridique ou économique) de l'État . Il en représente la porte d'entrée et sa connaissance des élus, comme des spécificités des territoires, se révèle utile pour identifier les projets et réunir les compétences afin de les faire avancer au mieux et au plus vite.

La réforme des services déconcentrés de l'État a été sous-tendue, au cours de la décennie passée, par la volonté de renforcer le rôle central du préfet et de le placer au coeur du pilotage et de la coordination des politiques publiques au niveau local. Vos rapporteurs considèrent le moment venu de tirer les conclusions de cette logique, à laquelle ils adhérent, en intégrant les agences dans ce mouvement et en renforçant le lien qui doit nécessairement les unir au préfet, représentant de l'État dans le département et garant de la cohérence des politiques publiques . Dans cette perspective, l'architecture retenue pour la création de l'ANCT constitue une source d'inspiration pour franchir une nouvelle étape dans le fonctionnement des agences. C`est d'ailleurs également le cas de l'ANRU, de l'ANAH ou de l'Agence nationale du Sport, qui partagent ce même mode d'organisation.

Proposition n° 21 : nommer le préfet comme délégué territorial de toutes les agences de l'État et faire du sous-préfet leur représentant au plus près des territoires.

Délai : 5 ans

Acteur(s) : le Premier ministre, chef du gouvernement, et ensemble des ministères de rattachement des agences

c) La représentation des élus locaux dans la gouvernance des agences

Quelques soient les périodes, les approches, les méthodes et les objectifs, il est frappant d'observer que la réflexion sur les agences et leur gouvernance a été constamment tenue à la marge des réflexions sur l'évolution de l'État territorial . Cette absence paraît d'autant plus incongrue que certains de ces opérateurs de l'État ont pris une place considérable au fil du temps dans le déploiement des politiques publiques au niveau local.

Dans des circonstances tragiques, la crise sanitaire a pointé l'enjeu de la gouvernance des agences dans le cas particulier, mais emblématique, de l'ARS . L'épidémie de Covid-19 a mis en lumière l'affaiblissement de l'unicité de la parole de l'État, à la fois problématique en situation de crise et à l'origine de confusion pour les élus locaux. Ainsi, alors que les mesures concernant par exemple la délimitation d'une zone du port du masque relevaient du préfet de département, l'organisation de la campagne de vaccination a été conduite, quant à elle, sous l'autorité de l'ARS. Comment être surpris dès lors que les élus locaux se soient retrouvés, à maintes reprises, mis devant le fait accompli et contraints de prendre acte de décisions prises sans avoir été concertées ?

Au-delà de la question de la collaboration entre les élus locaux et les préfets, la crise sanitaire a mis en exergue la question de la démocratie sanitaire, et plus précisément celle de la participation des élus locaux à la prise des décisions relatives à la santé publique. Pour rappel, avant même l'adoption de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite « loi 3DS », le Sénat avait proposé une réforme de la gouvernance des ARS. Ainsi, la proposition n° 26 du rapport précité relatif aux « 50 propositions du Sénat pour le plein exercice des libertés locales » recommande de « confier la présidence de l'agence régionale de santé (ARS) au président du conseil régional en renforçant les pouvoirs du conseil de surveillance ».

La loi « 3DS » et la gouvernance de l'ARS

Créées par la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (dite « loi Hôpital, patients, santé et territoires »), les ARS ont été au centre de l'attention durant la crise sanitaire. Notamment, l'espace décisionnel limité qu'elles offraient aux représentants des collectivités territoriales a été vivement critiqué.

Le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (dit « 3DS ») a voulu donner suite à cette critique, en proposant une réforme de la gouvernance de l'ARS.

L'étude d'impact du Sénat a souligné la faible représentation des élus locaux dans le mode de gouvernance des ARS. Son constat correspondait à « celui d'un nombre important d'instances où les élus sont représentés avec, dans nombre d'entre elles, une faible présence. Le dialogue effectif avec les élus s'effectue souvent en marge d'instance que certains peuvent juger complexe ou trop dense. Il est donc nécessaire de redonner du sens à la présence des élus au sein des instances » 1 . La présidente de votre délégation, Françoise Gatel, s'est prononcée en faveur de cette réforme, défendant que « les rapports convergent tous vers le fait que cette crise a mis en évidence une articulation indispensable entre l'État et les collectivités et [que] l'ARS ne peut pas agir sans le bras armé que sont les collectivités » 2 .

Dans le projet de « loi 3DS », la version initiale de l'article dédié à cette question visait l'attribution de trois vice-présidences, dont deux à des représentants des collectivités territoriales, ainsi que l'élargissement des prérogatives du conseil d'administration à la fixation des grandes orientations de la politique de contractualisation de l'agence avec les collectivités territoriales. Toutefois, allant plus loin, la commission des affaires sociales du Sénat proposait la coprésidence du conseil d'administration par le président du conseil régional avec le préfet de région, ainsi que le rééquilibrage des voix entre les représentants de l'État et des collectivités. Cette mesure se serait accompagnée de la transformation du comité de surveillance de l'ARS en un conseil d'administration 3 .

Finalement, la commission mixte paritaire (CMP) du 31 janvier 2022 s'est rangée du côté de l'attribution de trois vice-présidences à des représentants des collectivités territoriales et a accordé la présidence des ARS au préfet de région , dispositions figurant à l'article 119 de la « loi 3DS ».

1 Sénat, « Étude d'impact projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale » (11 mai 2021).

2 Cf. « Décentralisation : le Sénat renforce le rôle des élus locaux dans la gouvernance des ARS » (site de Public Sénat, le 15 juillet 2021).

3 Sénat, Avis d'Alain Milon, fait au nom de la commission des affaires sociales, sur le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (30 juin 2021).

L'exemple de la gouvernance de l'ARS renvoie de manière plus générale à la représentation des élus locaux au sein des instances décisionnelles des différentes agences. Étant donné le foisonnement des opérateurs, il est difficile de prétendre à une vision d'ensemble des modes de gouvernance. Toutefois, vos rapporteurs ont souhaité présenter un échantillon d'agences et rendre compte du nombre d'élus locaux dans leurs instances décisionnelles .

Tableau comparatif : la présence des élus locaux dans la gouvernance de quelques agences emblématiques

Agence

Niveau territorial

Représentation des élus locaux au conseil d'administration (ou comité de surveillance pour l'ARS)

Agences régionales de santé (ARS)

Régional, avec des délégués départementaux

25 membres, dont 5 représentants des collectivités territoriales 51 ( * )

Agences de l'eau

Bassin hydrographique

Chaque comité de bassin 52 ( * ) élit un conseil d'administration aux effectifs variables. Le président du conseil d'administration est généralement le préfet de région.

- Loire-Bretagne : 35 membres, dont 11 représentants des collectivités territoriales 53 ( * )

- Artois-Picardie : 35 membres, dont 11 représentants des collectivités territoriales 54 ( * )

- Seine-Normandie : 35 membres, dont 11 représentants des collectivités territoriales 55 ( * )

- Rhin-Meuse : 34 membres, dont 11 représentants des collectivités territoriales 56 ( * )

- Rhône-Méditerranée : 38 membres, dont 11 représentants des collectivités territoriales 57 ( * )

- Adour-Garonne : 35 membres, dont 11 représentants des collectivités territoriales 58 ( * )

Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME)

National, avec 17 directions régionales

28 membres, dont 3 représentants des collectivités territoriales et 2 parlementaires 59 ( * )

Direction régionale gérée par un délégué territorial (généralement le préfet de région)

Agence nationale de l'habitat (ANAH)

National, avec les préfets comme délégués régionaux

24 membres, dont 8 représentants des collectivités territoriales 60 ( * )

Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU)

National

18 membres, dont 6 représentants des collectivités territoriales 61 ( * )

Comme on le voit, la part des élus locaux dans les instances décisionnelles des agences passées en revue est particulièrement variable. Au sein des Agences de l'eau, de l'ANAH et de l'ANRU, ils représentent un tiers du conseil d'administration . Toutefois, dans les instances des ARS et de l'ADEME, les représentants des collectivités territoriales sont présents respectivement à hauteur de 20 % et de 11 % .

À titre de comparaison, les représentants de l'État représentent un tiers du conseil d'administration de l'ensemble des agences prises ici pour exemple 62 ( * ) . Les autres membres des conseils d'administration des agences sont des représentants d'associations qualifiées dans le domaine couvert par l'agence.

Enfin, les différents échelons territoriaux ne sont pas tous représentés équitablement au sein des instances décisionnelles des agences. Les conseillers régionaux et départementaux, ainsi que les vice-présidents de métropoles, sont fortement représentés, tandis que les maires de zones périurbaines et / ou rurales sont peu présents dans ces conseils d'administration . Cette représentation plus forte d'un type d'élu local s'explique certes par une plus forte concentration démographique au sein des espaces urbains, mais elle joue au détriment de la prise en compte des problématiques des zones rurales.

Ces agences sont chargées de déployer des politiques publiques directement en lien avec les collectivités territoriales et doivent faire face à des réalités territoriales diverses et variées. Aussi, renforcer et rééquilibrer la présence des élus locaux dans ces instances décisionnelles apparaît nécessaire pour renforcer l'efficacité de l'action et de la gouvernance de ces agences .

B. QUEL AVENIR POUR LES SOUS-PRÉFECTURES ?

1. La proximité, un enjeu d'efficacité locale

« Dès que les populations de nos provinces qui vivent éloignées de la capitale, siège des pouvoirs publics, éprouvent une difficulté qui leur paraît sérieuse, elles ne manquent pas d'aller trouver, à défaut du préfet moins accessible, le sous-préfet de l'arrondissement qu'elles se représentent comme une sorte de personnage aux pouvoirs assez mystérieux, capable, tel le sorcier des tribus primitives, de faire le bien et le mal à volonté : le bien lorsqu'il leur accorde ce qu'elles lui demandent, le mal dans le cas d'un refu s » 63 ( * ) . Tirée d'un ouvrage consacré au sous-préfet et édité en 1954, cette description pour le moins singulière du rôle de ce fonctionnaire d'État illustre pourtant plutôt bien la perception qui fût longtemps celle concernant le sous-préfet, y compris jusque dans la période post décentralisation.

Encore aujourd'hui, le sous-préfet et la sous-préfecture représentent des intangibles dans l'imaginaire collectif national. Institué au même moment que le préfet par le Premier Consul, Napoléon Bonaparte, le sous-préfet d'arrondissement est le collaborateur historique du préfet. Par délégation de celui-ci, il assurer la permanence, la continuité et la représentation de l'État au sein de sa circonscription administrative. Ce faisant, il concourt à la mise en oeuvre des directives gouvernementales et des politiques publiques.

Son importance n'échappe d'ailleurs pas à la presse quotidienne régionale qui relate régulièrement, dans ses colonnes, les mouvements (arrivée / départ) enregistrés dans les sous-préfectures. Ainsi par exemple, Nicolas Onimus, prenant ses fonctions à Pontarlier (Doubs), résume en ces mots sa conception de ces fonctions qui correspondent d'abord, selon lui, à un rôle « d'animateur et d'accompagnant » : « je m'inscris pleinement en accompagnement des élus, des acteurs locaux publics et privés et des administrations locales. Cela m'amène à rencontrer de nombreux acteurs et d'essayer de leur ouvrir des portes ». Il précise que « le sous-préfet n'a pas forcément tous les pouvoirs, mais il a celui d'ouvrir au moins les portes de toutes les administrations d'État. Si je peux faciliter le travail des acteurs locaux, débloquer des choses, mettre de l'huile là où ça grince un peu, je dois pouvoir leur apporter » 64 ( * ) .

La plus grande accessibilité du sous-préfet, comparativement au préfet, ressort d'ailleurs des réponses des élus communaux au questionnaire de vos rapporteurs. Alors que neuf sur dix (89,5 %) expliquent n'avoir « rarement ou jamais » d'échange avec leur préfet, cette proportion est ramenée à sept sur dix (71,1 %) concernant le sous-préfet et un élu communal sur quatre (25,4 %) indique avoir une fréquence de « un à trois » échange(s) par mois avec lui .

Ce résultat statistique renvoie à une réalité de terrain. L'accès au préfet est facilité pour les représentants des collectivités d'une certaine taille : l'importance des enjeux traités ou le poids politique au niveau national, dans le département ou la région, ouvrent plus facilement les portes de la préfecture. Par contre, les élus des « petites » communes, a fortiori isolées en milieu rural, ne disposent généralement ni de la même visibilité ni des mêmes réseaux de connaissances. Aussi se tournent-ils plus aisément vers leur sous-préfet pour traiter les difficultés auxquelles ils sont confrontés dans l'exercice de leur mandat.

On peut donc s'étonner que la question des sous-préfectures n'apparaisse que de manière subsidiaire dans le mouvement continu de réformes de l'État territorial entamé depuis une quinzaine d'années. Dans son rapport « Sous-préfectures : l'État à proximité » 65 ( * ) , notre collègue Hervé Marseille tire les conséquences de ce déficit de vision stratégique : « dans le cadre de la reformulation permanente des missions de l'administration générale de l'État mise en oeuvre ces dernières années, les ambivalences portant sur la vocation du local n'ont pas été surmontées si bien que celui-ci manque d'une doctrine d'emploi. Les hésitations relatives à la formulation d'un certain nombre de missions en témoignent. Entre administration de mission et administration de gestion, entre argument de proximité et inscription dans l'organisation verticale de l'État, les antinomies peuvent être dépassées, à condition d'inscrire les projets dans une logique d'autonomie du local et d'accompagnement réaliste de ces ambitions par les moyens qu'elles nécessitent ».

Afin d'enrichir la réflexion relative aux sous-préfectures, vos rapporteurs soulignent la nécessité de préserver leur orientation en direction des usagers, même si celle-ci a été mise à mal avec la dématérialisation de procédures et le transfert aux mairies du recueil de la demande et de la délivrance des titres d'identité. D'une certaine manière, c'est même précisément ces avancées sur la voie de la dématérialisation qui confèrent aux sous-préfectures, mais aussi aux préfectures, un rôle renouvelé aux côtés des usagers .

Dans son rapport « Dématérialisation des services publics : trois ans après, où en est-on ? » 66 ( * ) , Claire Hédon, Défenseure des droits , plaide pour que « la dématérialisation ne soit pas subie, notamment par les plus démunis, et ne constitue pas un nouveau frein dans l'accès aux droits ». Elle s'inquiète de « réclamants de plus en plus nombreux, mais aussi de plus en plus désespérés, parfois même révoltés, par le sort que les administrations leur infligent. Nombreux sont ceux qui ne comprennent ni ce que l'administration leur demande, ni comment le lui fournir ».

Face à ce défi pour l'administration, les sous-préfectures ont un rôle éminent à jouer, parallèlement aux MSAP ou aux bureaux de La Poste par exemple, en soutien aux populations en situation de fragilité et en butte à l'illectronisme ou aux difficultés d'accès aux procédures dématérialisées 67 ( * ) .

À cet égard, vos rapporteurs observent avec intérêt les orientations annoncées par le ministère de l'Intérieur en vue de renouveler l'activité de guichet des sous-préfectures dans un objectif d'inclusion numérique .

Favoriser l'élargissement de l'offre de services et l'amélioration des conditions d'accueil des usagers

Une expérimentation visant à confier de nouvelles missions aux points d'accueil numériques (PAN), mis en place à compter de 2017 dans les préfectures et les sous-préfectures, est lancée en 2022 au travers du projet « PAN+ ». Cet élargissement pourra concerner l'ensemble des téléprocédures du ministère de l'Intérieur, alors que les PAN ne concernent aujourd'hui que les seules démarches liées aux titres d'identité et de voyage (ainsi que les demandes des étrangers dans le cadre du dispositif e-MERAUDE depuis 2021).

Au-delà de la mise en place de ces « PAN+ », il conviendra pour les années qui viennent d'être en capacité d' accompagner tant l'usager en rupture avec le numérique que l'usager confronté à un problème complexe lors de l'accomplissement d'une démarche.

Pour satisfaire les besoins de ces deux types d'usagers, les « PAN+ » se traduiront par l'amélioration d'un accueil de premier niveau simple.

L'expérimentation permettra de confirmer la pertinence d'une telle organisation avant d'envisager la généralisation du dispositif à l'ensemble des préfectures et sous-préfectures. Pour ce faire, les gains en effectifs issus de la dématérialisation des procédures pourront être en partie réalloués au profit de la mission d'accueil du public .

L'équipement matériel et l'adaptation spatiale éventuelle des locaux abritant un PAN seront pris en compte dans le cadre d'un tel élargissement. Le cahier des charges des PAN sera également revu. Enfin, une spécialisation thématique de certains PAN pourra être envisagée.

Source : Référentiel relatif aux « Missions prioritaires des préfectures », ministère de l'Intérieur (mai 2022)

Dans le prolongement de ces orientations, vos rapporteurs formulent donc la proposition suivante.

Proposition n° 22 : évaluer et encadrer le développement des procédures dématérialisées. Maintenir un espace d'accompagnement à l'accès aux services dématérialisés de l'État dans les préfectures et les sous-préfectures.

Délai : trois ans

Acteur(s) : ministère de l'Intérieur, Secrétariat général et DMAT

2. Des sous-préfets thématiques adaptés aux spécificités des territoires

« Il s'agit d'un élément d'efficacité de l'État et de sa capacité à s'adresser à ses partenaires, dans la profondeur des territoires, à commencer par les collectivités territoriales (...) ». Ainsi le préfet Christophe Mirmand décrit-il la place importante des sous-préfets dans l'architecture de l'État déconcentré. Il est rejoint dans son analyse par Gildas Tanguy qui prévient qu'« on ne doit pas oublier le rôle déterminant des sous-préfectures dans la mise en oeuvre de l'action locale ».

Il est vrai que le décret n° 2015-510 du 7 mai 2015 portant charte de la déconcentration fait du sous-préfet l'ancrage territorial de l'État. Dit autrement, le sous-préfet incarne l'État au plus près des territoires.

À ce titre précisément, il illustre toutes les attentes à l'égard de l'administration déconcentrée, les faiblesses de l'État territorial et plus encore ses contradictions . Car le paradoxe n'est pas mince : situé au plus près des collectivités territoriales, au coeur de la « machinerie administrative déconcentrée », il occupe des fonctions à propos desquelles on s'interroge fortement depuis la mise en oeuvre de la RéATE. La fermeture des activités de guichet des sous-préfectures dans le cadre de la délivrance des titres d'identité et du déploiement de solutions numériques (passeport, carte nationale d'identité, permis de conduire, certificat d'immatriculation des véhicules), tout comme le recentrage du contrôle de légalité vers les préfectures, ont progressivement amené à questionner l'avenir même des sous-préfectures et du sous-préfet.

Le rapport précité « Sous-préfectures : l'État à proximité » 68 ( * ) illustre cette réflexion. Il souligne notamment qu'une grande majorité de sous-préfectures gère la pénurie de moyens humains et qu'« un nombre significatif [...] n'a manifestement pas les moyens de couvrir le large spectre des missions qui leur sont confiées ».

Comme en écho à cette alerte, on relève une vraie disparité entre l'opinion recueillie auprès des préfets, qui sont trois sur quatre (76 %) à juger positivement la capacité d'action de leur préfecture, et celle des sous-préfets qui sont seulement un sur deux (51 %) à faire part d'un avis comparable s'agissant de leur sous-préfecture. La différence de moyens à disposition explique, au moins en partie, un tel décalage d'appréciation.

La difficulté est encore plus prégnante lorsque le sous-préfet du chef-lieu d'arrondissement cumule cette fonction avec celle de secrétaire général de la préfecture . Trop souvent accaparé par la gestion administrative des services préfectoraux et son rôle de soutien au préfet, le sous-préfet n'est alors plus en mesure d'accorder le temps nécessaire au suivi de l'arrondissement. Il en résulte la proposition formulée par vos rapporteurs concernant le dédoublement des fonctions de secrétaire général de préfecture et de sous-préfet de l'arrondissement chef-lieu ( cf. supra partie III. A.1.b) ).

Si l'avenir du sous-préfet repose bien évidemment sur les moyens humains dont il dispose pour mener à bien ses missions, l'enjeu ne se résume pas à une question d'effectifs. Il recouvre également la conception même que l'on se fait du rôle du sous-préfet dans un univers de politiques publiques de plus en plus complexes et enchevêtrées .

La plus-value du sous-préfet consiste en sa capacité à jouer un rôle d'intermédiaire de proximité , de trouver des collaborations et d'imaginer des synergies entre les acteurs locaux pour déboucher sur des solutions opérationnelles.

Dans ces conditions, l'émergence de sous-préfets attachés à une thématique particulière constitue une piste intéressante selon vos rapporteurs . Cette innovation permet non seulement d'enrichir mais aussi de renouveler la fonction, tout en restant dans le cadre usuel du sous-préfet. Plusieurs politiques publiques font d'ores et déjà l'objet d'un tel rattachement. Ainsi on trouve aujourd'hui des sous-préfets délégués pour l'égalité des chances, chargés de mission pour la politique de la ville ou à la relance, par exemple.

Un exemple de sous-préfet thématique : le préfet à la relance

Dans les territoires, les sous-préfets à la relance participent depuis plusieurs mois à la mise en oeuvre du plan de relance arrêté par l'Éxécutif . C'est en effet au ministère de l'Intérieur qu'a été confiée la responsabilité du pilotage et de la mise en oeuvre de ce plan au niveau local.

Trente sous-préfets à la relance ont ainsi été recrutés et nommés dans les préfectures qui en avaient exprimé le besoin. En complément, dans les départements non dotés de sous-préfets dédiés à la relance, des correspondants « relance » ont été désignés au sein des services préfectoraux.

La mission première des sous-préfets à la relance a été d' impulser les projets et d' accompagner leurs porteurs très rapidement (dès la fin de l'année 2020) afin de soutenir la croissance et de préserver l'appareil productif. Ils ont été en prise directe avec la complexité des appels à projets, la nécessité de soutenir les PME et le besoin de coordination départementale et régionale. La position du corps préfectoral, entre les porteurs de projets et les administrations qui les accompagnent - mais aussi les contrôlent -, a joué un rôle facilitateur.

En contrepoint de ce bilan plutôt positif, il faut toutefois déplorer que les sous-préfets à la relance ne soient pas toujours bien identifiés par les élus locaux , ainsi que l'a regretté l'APVF. Vos rapporteurs estiment que d'importantes marges de progrès demeurent sur ce terrain-là pour les sous-préfets.

Dans un « modèle actuel très unitaire et bureaucratisé », pour reprendre les termes de Gildas Tanguy, la désignation de sous-préfets thématiques introduit un élément de souplesse et d'adaptation au tissu local. Les arrondissements maritimes ne ressemblent pas aux arrondissements de montagne, ni aux arrondissements frontaliers, par exemple. Pour s'adapter à ces spécificités et aux éléments de contexte et / ou conjoncturels, le déploiement d'un sous-préfet attaché à une mission définie dans le respect du principe de libre administration des collectivités territoriales représente l'opportunité de créer une porte d'entrée bien identifiée sur une politique donnée pour les élus locaux .

Proposition n° 23 : encourager l'attribution de fonctions thématiques au sous-préfet d'arrondissement et renforcer son rôle de conseil.

Délai : trois ans

Acteur(s) : Premier ministre et ministère de l'Intérieur, DMAT

3. Une évolution de la carte des arrondissements

À l'occasion de la crise sanitaire, le binôme maire / préfet a souvent été vanté. Mais un autre « couple » joue un rôle également essentiel, celui constitué par le maire et le sous-préfet, notamment en zone rurale et pour les communes de petite taille. Parmi les élus locaux ayant répondu au questionnaire de vos rapporteurs, 28,3 % sont « tout à fait d'accord » avec l'idée selon laquelle le sous-préfet représente l'un de leurs interlocuteurs privilégiés, 37,2 % sont « plutôt d'accord ». Pour cette raison, vos rapporteurs considèrent qu'il serait contraire aux attentes des élus locaux d'acter la suppression « sèche », parfois évoquée, de sous-préfectures .

Pour autant, une réflexion concernant l'avenir de certains arrondissements s'impose. En effet, le décret précité du 7 mai 2015 portant charte de la déconcentration consacre l'arrondissement comme le cadre territorial de l'animation du développement local et de l'action administrative locale de l'État.

La France est maillée de 233 sous-préfectures et de 332 arrondissements . La différence entre le nombre d'arrondissements et celui de sous-préfectures est donc de 99 : elle correspond aux arrondissements administrés par des préfectures 69 ( * ) .

Au-delà de cette donnée d'ensemble, la réalité de ce réseau est très contrastée au point que, dans son rapport précité, notre collègue Hervé Marseille parle d'un « réseau composite » et « déséquilibré » . Le taux de couverture des populations par une sous-préfecture varie fortement entre, par exemple, l'arrondissement de Castellane (dans les Alpes-de-Haute-Provence), qui compte 1 470 habitants, et celui de Saint-Nazaire (en Loire-Atlantique), qui comprend 71 394 habitants. De même, le taux de couverture des communes enregistre de fortes disparités. Comme le soulignait notre collègue dans son étude pour la commission des finances, « en moyenne, pour la France métropolitaine [...], on relève l'existence de 114 communes par arrondissement. Mais les écarts à cette moyenne sont considérables ». On peine à expliquer de tels écarts, « les régions où le nombre de communes par arrondissement est comparativement faible ne présentent pas de caractéristiques uniformes », tandis que « les régions dans lesquelles le nombre de communes par arrondissement est relativement élevé manquent également d'unité ». Au sein d'une même région, « les situations peuvent varier nettement entre les départements qui la constituent », tout comme à l'intérieur d'un même département.

Cette très forte hétérogénéité du réseau des sous-préfectures et des arrondissements doit être remise en perspective du caractère figé de la carte des arrondissements : les contours de cette carte n'ont en effet guère changé depuis l'adoption du décret-loi du 10 septembre 1926 relatif à l'organisation de l'administration préfectorale, également appelé « réforme Poincaré-Sarraut » du nom du Président du Conseil et du ministre de l'Intérieur du moment. Depuis 1926, seules quelques rares retouches sont venues modifier le découpage des arrondissements. On peut ainsi rappeler les décrets n° 2014-1720, n° 2014-1721, n° 2014-1722 du 29 décembre 2014, n° 2016-1959 du 29 décembre 2016 et n° 2017-453 du 29 mars 2017 portant, respectivement, la suppression des arrondissements de Guebwiller, fusionné à celui de Than, de Ribeauvillé, fusionné à celui de Colmar à compter du 1 er janvier 2015, de Boulay-Moselle, fusionné à celui de Forbach à compter du 1 er janvier 2015, de Château-Salins, fusionné à celui de Sarrebourg à compter du 1 er janvier 2016, de Wissembourg, fusionné à celui de Haguenau à compter du 1 er janvier 2015, d'Ancenis, fusionné avec celui de Châteaubriand à compter du 1 er janvier 2017, ainsi que de Sainte-Menehould, fusionné à celui de Châlons-en-Champagne.

Nul ne peut contester la profonde évolution de notre pays depuis 1926 et il est incompréhensible que son organisation par arrondissements n'en ait jamais tiré les conséquences. D'autres cartes des implantations de l'État ont pourtant su s'adapter , que l'on songe par exemple à la carte judiciaire, à celle des circonscriptions de police et de gendarmerie ou encore à la répartition des forces militaires sur le terrain.

Aujourd'hui, la carte des arrondissements, comme d'ailleurs les disparités relevées par notre collègue Hervé Marseille dans la répartition des moyens humains des sous-préfectures, ne trouvent guère d'autres explications que dans des situations héritées du passé et correspondant à une époque datée, mais dont les enjeux sont désormais dépassés. Caractéristique de la carte des arrondissements, ce constat d'un État enlisé dans une histoire révolue s'applique d'ailleurs à d'autres services déconcentrés. Ainsi, Caroline Medous, inspectrice générale de santé publique vétérinaire au Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), a-t-elle jugé qu'un département tel que l'Aveyron dispose d'une DDTM « très musclée » par rapport à d'autres département du fait de son histoire 70 ( * ) .

Vos rapporteurs considèrent que la carte des arrondissements doit évoluer pour s'adapter aux territoires tels qu'ils existent, à leurs dynamiques économiques, sociales et culturelles, à la réalité des bassins de vie et d'emploi, à la carte des mobilités et des flux .

Dans cette perspective, la révision devra tenir compte de l'avis des élus locaux et s'appuyer sur une méthode permettant la consultation la plus large possible . Rien ne serait pire, en effet, qu'une réforme « à la hussarde » dans un pays et des territoires déjà traumatisés par des précédents et fortement ébranlés par les récentes crises (crise sanitaire, Gilets jaunes...). Ainsi qu'y insistait déjà notre collègue alors Michèle André, dans son rapport d'information au nom de la commission des finances « La marche en avant de l'administration préfectorale » 71 ( * ) , cette démarche devra permettre de dégager des critères objectifs , tels que les spécificités des zones de montagne ou rurales, ou encore le temps d'éloignement des usagers par rapport aux services de l'État.

Proposition n° 24 : en maintenant les sous-préfectures, faire évoluer la carte des arrondissements pour tenir compte des transformations récentes de périmètres (notamment des intercommunalités).

Délai : 3 ans

Acteur(s) : ministère de l'Intérieur, DMAT

CONCLUSION

Au final aujourd'hui, nul besoin d'un nouveau « big bang » administratif au sein de l'État territorial. La frénésie de réformes et les annonces de grands chambardements administratifs ont en effet trop souvent déçu et rimé avec absence d'évaluation, grands désagréments pour les collectivités territoriales et désarmement de l'État dans les territoires. C'est notamment que la méthode n'a pas été la bonne, régulièrement oublieuse d'associer les acteurs de l'État territorial que sont les élus locaux et les agents des services déconcentrés, au premier rang desquels les préfectures et les sous-préfectures.

Au fond, c'est bien davantage un nouveau partenariat territorial qu'il convient d'imaginer et de faire vivre. Un modèle qui s'articule prioritairement au niveau départemental, autour d'un préfet effectivement chef de file de l'ensemble des services et opérateurs de l'État, secondé par une équipe de sous-préfets opérationnels, et constituant un binôme cohérent avec le maire dans une relation d'écoute et de confiance. L'une des conditions de réussite de cette vision renouvelée de l'État dans les territoires réside bien évidemment dans une politique des moyens (humains, en capacité d'expertise et budgétaires) à la hauteur des ambitions affichées. Une autre condition de réussite tient dans la pleine et sincère collaboration des élus locaux, ceux-là y sont prêts, l'État ne doit plus les décevoir.

EXAMEN EN DÉLÉGATION

Lors de sa réunion du 29 septembre 2022, la délégation aux collectivités territoriales a autorisé la publication du présent rapport.

Mme Françoise Gatel, présidente . - Nous examinons aujourd'hui le rapport de nos collègues Agnès Canayer et Éric Kerrouche sur les services déconcentrés et préfectoraux.

L'État territorial est au coeur de nos préoccupations et de celles des élus. Nous nous y sommes déjà de nombreuses fois intéressés, notamment dans le cadre des travaux ayant abouti aux cinquante propositions en faveur des libertés locales. Mais le fait est qu'on en fait peu ; c'est un « on » générique, qui ne nous concerne pas...

Au cours des derniers mois, notre délégation a attaché une attention toute particulière au thème de l'État territorial. En juin 2021, elle a entendu les magistrats de la 4ème chambre de la Cour des comptes, en charge du suivi des administrations déconcentrées, ainsi que Mme Bernadette Malgorn, conseillère municipale et métropolitaine de Brest, ancienne préfète et ancienne secrétaire générale du ministère de l'Intérieur. En octobre 2021, elle a auditionné M. Christophe Mirmand, préfet, président de l'Association du Corps préfectoral et des Hauts Fonctionnaires du ministère de l'Intérieur. Le même mois, elle a accueilli M. Thierry Lambert, délégué interministériel à la transformation publique. Lors de son audition du 10 janvier dernier, M. David Lisnard, en sa qualité de nouveau président de l'Association des maires de France, n'a pas manqué d'évoquer ce sujet-là au travers du prisme du fameux couple maire / préfet.

Le président du Sénat ayant décidé de relancer des travaux sur la décentralisation et la déconcentration, le rapport de nos collègues tombe à point nommé. L'ensemble des auditions qu'ils ont menées montrent qu'il s'agit d'une préoccupation commune, partagée également par les préfets.

Mme Agnès Canayer, rapporteur . - La réforme de l'État territorial, un sujet sensible, accompagne la décentralisation. Il n'y a pas de décentralisation sans une bonne déconcentration.

Notre rapport s'inscrit dans la continuité des travaux menés au nom de notre délégation en 2016 par nos anciens collègues Éric Doligé et Marie-Françoise Pérol-Dumont. Leur rapport « Où va l'État territorial ? Le point de vue des collectivités » mettait en lumière de nombreuses incertitudes et laissait ouvertes plusieurs options. Il invitait moins à clore la réflexion qu'à l'enrichir, ce à quoi Éric Kerrouche et moi-même nous sommes employés.

Nos conclusions s'appuient sur l'état des lieux que nous vous avons présenté le 16 février dernier, lors de l'examen de notre rapport d'étape. Elles sont le fruit d'une très large consultation des élus locaux, menée via la plateforme du Sénat : 1 393 élus locaux, dont 62 % de maires, y ont participé. De manière assez innovante, nous avons également consulté les préfets et sous-préfets : 108 sur 375 nous ont répondu, dont un quart de préfets, ce qui témoigne d'un intérêt et d'une attente.

M. Éric Kerrouche, rapporteur . - Nos conclusions s'inscrivent dans un contexte particulier, lié à l'empilement, jusqu'à satiété sans doute, des réformes territoriales. À vrai dire, peu de domaines de l'action publique ont connu autant de réformes, en termes de nombre comme de cadencement.

Après la révision générale des politiques publiques (RGPP) et son dérivé pour l'administration déconcentrée, la Réforme des administrations territoriales de l'État (RéATE), sont venus la Modernisation de l'action publique (MAP) et le Plan Préfectures Nouvelle Génération (PPNG). Fait révélateur, la confiance des représentants de l'État s'érode : 58 % des préfets et sous-préfets jugent la RéATE utile, mais ce taux tombe à 51 % pour le PPNG. Quant au document Missions prioritaires des préfectures 2022-2025, dit « MPP 22 », les préfets et sous-préfets estiment qu'il aura des répercussions en termes de personnel. Plus le temps passe, moins les représentants de l'État ont eux-mêmes confiance dans les réformes.

Au vu de l'accumulation de réformes, on aurait pu espérer qu'au moins leurs effets seraient objectivement évalués. Or, c'est là l'un des points faibles : on a l'impression qu'elles sont engagées pour elles-mêmes, que le train de l'État est lancé, sans que soient jamais tirés les enseignements de la vague précédente.

Il en résulte une frustration, tant chez les élus que chez les préfets et sous-préfets. Les premiers ont le sentiment de ne pas être associés aux réformes et même de ne pas en être informés. Les seconds partagent ce sentiment, de manière certes moins prononcée : 43 % estiment ne pas être associés, contre 82 % des élus.

Ce sentiment de mise à l'écart est illustré par un autre chiffre, extrêmement révélateur et beaucoup plus élevé chez les préfets et sous-préfets : 85 % d'entre eux estiment que l'organisation territoriale de l'État est trop souvent réformée. Preuve qu'il y a sans doute matière à faire progresser la conduite du changement dans notre pays. Songez qu'un élu sur trois est incapable de donner ne serait-ce qu'un avis sur la réforme territoriale de l'État...

Aussi proposons-nous de rendre impérative une concertation nationale avec les associations d'élus en amont du lancement d'une politique ministérielle se chevauchant avec les compétences décentralisées.

Au-delà de la méthode, il faut s'attacher aux résultats des réformes menées. À chaque fois, la réforme de l'État est portée par une ambition affirmée : améliorer le fonctionnement des services et répondre au mieux à la demande d'État dans les territoires. L'objectif est louable, mais la réalité constatée est celle d'une baisse des moyens de l'État. Pour deux élus sur trois, le service public de l'État s'est dégradé sur leur territoire ; près de 60 % pensent que les moyens des services déconcentrés sont insuffisants.

À cet égard, nos conclusions rejoignent la récente enquête de la Cour des comptes sur l'évolution des effectifs de l'administration territoriale. Au sein même du corps préfectoral, 70 % de ceux qui nous ont répondu estiment que leurs moyens humains sont insuffisants.

J'ajoute deux chiffres, qui parlent d'eux-mêmes : les effectifs physiques des directions départementales interministérielles (DDI), qui s'élevaient à près de 40 000 agents en 2011, sont tombés dix ans plus tard à un peu plus de 25 000 agents, soit une chute de 36 %.

La plupart du temps, les baisses sont justifiées par la réorganisation, qui rendrait le fonctionnement des services plus efficace, et les gains de productivité liés aux nouveaux outils technologiques, comme la transmission dématérialisée des actes, appréciée tant par les élus que par les préfets. Mais nous constatons que cette argumentation est fragile, car ne reposant sur aucune évaluation ex post . A contrario , les exemples de dégradation du service rendu aux collectivités territoriales et, plus largement aux usagers, abondent ; nous en avons eu de multiples témoignages.

Mme Agnès Canayer, rapporteur . - De fait, plus de la moitié des maires, notamment dans les communes de moins de 1 000 habitants, estiment que l'offre de services publics s'est dégradée ou est défaillante sur leur territoire.

Ce constat rend nécessaire une clarification du rôle de l'État. Il faut mieux répartir les compétences de l'État dans les territoires, sur la base de deux principes essentiels : subsidiarité et différenciation, dans l'esprit des 50 propositions du président Gérard Larcher. Ainsi l'action de l'État pourra-t-elle irriguer l'ensemble des territoires, jusqu'au dernier kilomètre.

La contractualisation entre l'État et les collectivités territoriales nous apparaît comme une modalité intéressante de la souplesse nécessaire, permettant de sortir de la logique des appels à projets. Cette dernière, en imposant aux collectivités un cadre défini, bride leurs initiatives. Elle requiert aussi de leur part une grande technicité dans les réponses, dont les plus petites communes n'ont pas les moyens.

La clarification de la place de l'État dans les territoires passe aussi par le fameux couple maire-préfet, mis en avant pendant la crise sanitaire. Mais cette relation, parfois présentée comme idyllique, est marquée sur le terrain par un certain nombre de grincements et d'ambivalences.

Mme la préfète Bernadette Malgorn nous a expliqué qu'une nomination de préfet nécessitait de trouver une concordance entre un profil, un département, son terrain, ses caractéristiques et ses élus, des circonstances et des enjeux variables dans le temps. C'est un peu le mouton à cinq pattes...

Il nous paraît judicieux de recueillir l'avis des élus dans le cadre de l'évaluation des préfets, afin de prendre pleinement en compte le « retour terrain ». Cette avancée est d'autant plus nécessaire dans la perspective de la fonctionnalisation des préfets, qui impose une professionnalisation renforcée de cette filière.

Autre sujet de tension entre le préfet et les maires : la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL). Le choix des projets appartient au préfet pour les montants inférieurs à 100 000 euros, les élus locaux n'ayant pas toujours accès aux informations sur ces attributions. Dans mon département, nous avons reçu un énorme fichier consultable à la loupe...

Nous proposons donc d'instaurer plus de transparence dans l'attribution des dotations d'État en abaissant à 20 000 euros le seuil au-delà duquel l'avis de la commission d'élus est nécessaire.

Deux thèmes sont emblématiques de la logique d'accompagnement que les élus attendent de l'État : l'offre d'ingénierie territoriale et le contrôle de légalité.

En matière d'ingénierie, les communes les moins peuplées recourent surtout au département, voire aux intercommunalités ; les plus grandes font appel davantage à des prestataires privés - c'est le cas de 29 % d'entre elles -, de manière accessoire à l'État et à ses opérateurs - 19 % le font - ou s'auto-accompagnent. La question se pose donc : l'État est-il encore capable de remplir cette fonction d'ingénierie, d'autant plus importante que les projets eux-mêmes et les contraintes pesant sur les collectivités territoriales requièrent une plus grande technicité ?

L'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) marque un progrès intéressant, mais elle souffre d'un vrai déficit de notoriété auprès des élus locaux. Par ailleurs, l'offre, parfois alléchante, ne bénéficie pas des financements nécessaires. Les études initiales sont souvent financées, mais c'est plus compliqué pour la mise en place des projets, ce qui est source de frustration. Sur ce sujet, nous faisons confiance à nos collègues Céline Brulin et Charles Guené pour mener un travail plus approfondi d'évaluation.

En ce qui concerne le contrôle de légalité, l'État a décidé de prioriser un certain nombre d'actes majeurs, mais le taux de contrôle reste autour de 90 %. Plus qu'un contrôle descendant, les élus attendent un conseil juridique en amont. La technique du rescrit, introduite par la loi du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, reste extrêmement confidentielle : 74 % des élus n'y ont jamais recouru et 63 % ne la connaissent même pas. Les travaux de notre délégation devront approfondir cette question du rescrit.

M. Éric Kerrouche, rapporteur . - Les effets de l'accumulation de réformes administratives dont j'ai parlé sont mal mesurés. L'adaptation de l'organisation territoriale de l'État devrait viser la simplification, la lisibilité et l'efficacité de l'action publique.

Nous avons placé le département au centre de notre réflexion, comme périmètre essentiel de mise en oeuvre des politiques publiques. Dans cette architecture, la pierre angulaire reste le préfet, dont le rôle de coordonnateur local est essentiel. C'est pourquoi nous proposons de placer les préfets sous l'autorité directe du Premier ministre, compte tenu de leur rôle interministériel.

De même, nous plaidons pour expérimenter le dédoublement des fonctions de préfet de région et de préfet de département chef-lieu de région, une proposition accueillie favorablement par 65 % des membres du corps préfectoral. Alternativement, on pourrait expérimenter la transformation du secrétaire général de la préfecture de région en préfet du département chef-lieu, auquel serait adjoint un sous-préfet chargé de l'arrondissement centre, afin d'améliorer la couverture territoriale des différentes centralités. Dans la même perspective, le dédoublement pourrait être expérimenté des fonctions de secrétaire général de préfecture et de sous-préfet d'arrondissement chef-lieu.

Enfin, même s'il y a une différence d'appréciation entre les membres du corps préfectoral, attachés à leur logique de carrière, et les élus, attachés à leur territoire, nous recommandons d'instaurer une durée minimale d'affectation du préfet de quatre ans, avec une feuille de route sur cette période.

Au regard de la fonctionnalisation en cours du métier préfectoral, nous soulignons la nécessité de préserver les préfets d'une politisation qui nuirait à leur crédit, donc à l'efficacité de l'État. En d'autres termes, la perspective d'un spoil system territorial à la française ne nous paraît pas du tout souhaitable. Nous sommes attachés à la pérennité d'une filière professionnelle préfectorale : être préfet ou sous-préfet, c'est un métier.

L'État dans les territoires, ce sont aussi les nombreuses agences qui peuplent désormais le paysage administratif ; nous les connaissons tous, peut-être parfois à nos dépens. Pour les élus, cette profusion d'acteurs rend très difficile l'identification du bon interlocuteur au sein de la nébuleuse étatique : deux sur trois ne trouvent plus le bon interlocuteur. Parfois, la difficulté vient de la polyphonie, voire des dissonances ou des contradictions, entre les réponses rendues par différentes autorités administratives. Or, le préfet est démuni face à de nombreuses agences qui échappent à son autorité.

Ce manque d'unité crée un risque de dévalorisation de la parole étatique. Il entraîne des pertes de temps, des projets étant à l'arrêt faute d'orientation claire. Sans doute faut-il imaginer un autre modèle d'organisation, gage d'une meilleure cohérence. Les quatre cinquièmes des membres du corps préfectoral considèrent que les agences de l'État sont trop nombreuses ; c'est une proportion encore plus forte que chez les élus. Ce chiffre me paraît assez révélateur du malaise, y compris au sein de l'État, vis-à-vis de ces agences.

Nous proposons donc que, sur le modèle de l'organisation de l'ANCT, le préfet soit nommé délégué territorial de toutes les agences de l'État, dont le sous-préfet serait le représentant au plus près des territoires.

Mme Agnès Canayer, rapporteur . - J'en viens à la place du sous-préfet et des sous-préfectures.

Si les élus des plus grandes collectivités ont un accès facile au préfet, ce n'est pas le cas des élus des plus petites, notamment lorsqu'elles sont isolées en milieu rural. Ces élus se tournent plus facilement vers le sous-préfet, échelon de proximité et d'efficacité immédiates de l'État. L'importance du sous-préfet est donc cruciale.

Dans une perspective de différenciation, des sous-préfets thématiques pourraient être nommés, en fonction des questions prégnantes sur leur territoire, comme le loup ou le littoral.

La France est maillée de 233 sous-préfectures, mais la carte des arrondissements n'a pas évolué depuis la réforme Poincaré de 1926... Il est incompréhensible que cette carte ne soit pas adaptée aux réalités d'aujourd'hui. J'ajoute que des problèmes de cohérence se posent avec d'autres découpages : carte judiciaire, circonscriptions de police et de gendarmerie, répartition des forces militaires.

Il est donc essentiel de repenser la carte des arrondissements, pour prendre en compte les dynamiques et pour éviter des actions à géométrie variable. Il faudra pour cela s'appuyer sur une large consultation des élus locaux pour rechercher le consensus et éviter les effets traumatiques des précédentes réformes, trop souvent imposées à la hussarde et de manière descendante.

Pour réarmer les sous-préfectures, il faut leur assurer des moyens suffisants. Elles ont largement participé à l'effort de réduction des effectifs de l'État, perdant parfois plus de 50 équivalents temps plein (ETP), ce qui contraint à remonter l'action à l'échelon supérieur plutôt que de répondre en proximité. Ces moyens renforcés doivent être adaptés à la réalité des territoires, au-delà de leur répartition historique.

M. Éric Kerrouche, rapporteur . - Vous l'aurez compris, notre rapport n'est pas un énième rapport sur la préfectorale. Nous proposons une vision d'un État territorial pour aujourd'hui et pour demain. Agnès Canayer a évoqué la réorganisation des arrondissements : cela doit se faire dans le respect de l'ancrage territorial des sous-préfectures.

Nous n'avons pas non plus pour but un big bang territorial : il n'y en a que trop eu. Il s'agit plutôt de modérer l'effet de réformes qui se sont accumulées sans congruence. L'État ne peut plus gouverner les territoires avec un tableur Excel. Ce modèle doit s'articuler en renforçant l'échelon départemental, qui est le plus pertinent pour l'enracinement territorial : le préfet est le patron des services, et il est secondé par des sous-préfets opérationnels et dotés de suffisamment de services pour garder leur pertinence, le tout dans l'écoute et avec la confiance du maire.

Les moyens humains, d'expertise, budgétaires et informatiques doivent être à la hauteur, tout comme la collaboration avec les élus locaux. Ceux-ci sont prêts : nous espérons que l'État ne les décevra pas.

Mme Françoise Gatel, présidente . - Je vous remercie de vos propos. Cette hantise de l'efficacité de l'action publique, vers laquelle tendent d'incessantes réformes mais à laquelle on n'arrive jamais pleinement, est constante.

Pour qu'il y ait une réforme, tout comme pour la fabrique de la loi, il faut une diffusion de l'information. Je suis estomaquée par le degré de méconnaissance des élus de ces réformes que vous révélez. Vous avez parlé de l'évaluation : on s'use, dans notre pays, à enchaîner les réformes sans les évaluer.

L'unité de la voix de l'État nous obsède : nous en avons beaucoup parlé lors de l'examen des textes relatifs à l'engagement dans la vie locale et à la différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification (3DS). Cela ne doit pas empêcher le recours à l'expertise alors qu'on a aujourd'hui, comme l'a dit Éric Kerrouche, des polyphonies discordantes. Des élus, face à des problèmes concrets, enchaînent des rendez-vous dans des bureaux fonctionnant en tuyaux, avec des conjonctions d'impossibilités où personne n'apporte de solution.

Réarmer l'État territorial est une nécessité : on peut toujours dire que les collectivités dépensent de l'argent mais, face à la complexité des sujets, comment les élus peuvent-ils accéder à une ingénierie dont ils ne disposent pas toujours ? Les intercommunalités le font parfois, mais elles sont forcées d'engager des moyens supplémentaires à cause du désengagement de l'État.

Enfin, je suis sensible au dédoublement des fonctions de préfet de région et de préfet de département, d'autant plus lorsque le premier se cumule avec d'autres rôles comme celui de préfet de zone de défense. Hors les maires de grande ville, les élus ne rencontrent pas les préfets de région. Il en va de même pour les secrétaires généraux de préfecture départementale et de région, qui sont aussi l'interlocuteur d'un arrondissement. La présence territoriale du sous-préfet est reconnue par tous les élus. Voix de l'État, il doit pouvoir s'appuyer sur des expertises thématiques partagées entre sous-préfets. C'est le cas dans mon département, avec par exemple un sous-préfet spécialisé dans les problématiques sur les gens du voyage.

M. Antoine Lefèvre . - Merci à nos deux rapporteurs de ce travail en profondeur.

Le réarmement est-il plutôt en termes de moyens ou technique ? Ne cherchons pas forcément à redéployer des moyens de l'État alors que communes et intercommunalités se sont armées, certes par défaut, en matière d'ingénierie. Certains élus manquent aussi de visibilité sur l'ingénierie d'État et gardent le fantasme des directions départementales de l'équipement (DDE).

Le préfet doit aussi rester plus longtemps dans les territoires. Dans mon département, le préfet est reparti en administration centrale après seulement un an et demi. Rester plus longtemps est un gage d'efficacité et d'un meilleur contact avec les élus.

Je m'interroge en revanche sur votre proposition de les rattacher aux services du Premier ministre : je ne suis pas persuadé qu'ils soient adaptés, alors qu'il y a une culture spécifique au ministère de l'Intérieur, comme le confirment nos échanges de mardi soir avec Caroline Cayeux.

Mme Michelle Gréaume . - Je félicite nos rapporteurs de leur excellent travail.

On parle de moyens insuffisants de l'État. Selon moi, il s'agit principalement de moyens humains. Je rappelle que l'État fait appel à des cabinets privés, comme l'a montré le rapport d'Éliane Assassi sur les cabinets de conseil, qui a provoqué un tollé.

Cela existe aussi de façon moins visible. Ainsi, pour rénover l'habitat pour les usagers, on fait appel à une société privée au lieu de l'Agence nationale de l'habitat (Anah). Je le déplore.

S'agissant des impôts, je rappelle que nous manquons de personnel pour effectuer des contrôles financiers.

Enfin, j'appelle à la vigilance sur la carte des arrondissements : attention aux conséquences sur les élections et sur les équilibres politiques.

Mme Nadine Bellurot . - Je vous remercie à mon tour de ce rapport, fruit d'une expérience de terrain. : il relate des difficultés et des insatisfactions que nous avons tous rencontrées. Il contient tout pour améliorer la relation avec l'État et pour réarmer les préfectures et les sous-préfectures.

Dans la continuité de vos propositions, je souligne l'importance de la transparence sur les dotations : passer de 100 000 euros à 20 000 euros semble ainsi une bonne idée. En outre, la préfecture de région décide parfois sans que le préfet de département soit consulté. Les départements doivent avoir la main sur la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) plutôt que les régions, pour éviter de favoriser des territoires plus dynamiques au détriment d'autres. Adoptons ce rapport !

Mme Agnès Canayer, rapporteur . - Sur le rattachement aux services du Premier ministre, nous considérons que la réforme de l'État déconcentré est avant tout une réforme d'état d'esprit. Le préfet doit être coordonnateur face à une parole émiettée de l'État, et travailler davantage en interministériel plutôt qu'en polyphonie entre, par exemple, la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM), la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) et ses propres services. Rien n'interdit d'ailleurs au Premier ministre de se doter des moyens de coordonner les préfets.

M. Éric Kerrouche, rapporteur . - Notre rapport reprend les rôles de l'État : les préfets agissent souvent dans une logique d'ordre et de sécurité publics. Toutefois, n'oublions pas leurs deux autres rôles, qui sont la représentation du Gouvernement et la coordination des services. On peut ainsi choisir de maintenir le préfet dans cette seule logique d'ordre et de sécurité, dans la continuité de son rattachement au ministère de l'Intérieur et du rôle historique de la préfectorale, qui ne correspond plus forcément à la réalité actuelle. Mais l'on peut aussi opter pour un rattachement au Premier ministre, qui ne supprime pas la présence de l'Intérieur, mais place au premier plan la dimension interministérielle du rôle des préfets.

Il ne s'agit pas de supprimer les arrondissements, donc les sous-préfectures. Simplement, la carte des arrondissements ne correspond plus aux découpages territoriaux intervenus au cours des dix dernières années : il n'est ainsi pas normal qu'une intercommunalité dépende de deux sous-préfectures.

Oui, les mairies se sont réarmées ; tenons-en compte. Cependant, ce n'est pas tant une question de volume, pour les services de l'État, que de disparition de compétences. Le non-remplacement de postes sans transmission d'expertise est un auto-affaiblissement de l'État.

Mme Agnès Canayer, rapporteur . - Au-delà de la relation avec les élus, n'oublions pas celle avec les usagers, qui s'est dégradée. Dans mon département, il n'y a plus de service le vendredi ou après seize heures ! Et le tout numérique ne suffit pas : à titre personnel, j'aurais ainsi préféré, dans le cadre d'une expérience récente avec l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), bénéficier de l'aide d'un agent de l'État plutôt que de payer une entreprise privée.

M. Bernard Delcros . - Je remercie à mon tour les rapporteurs de leur travail sur ce sujet important. Finalement, votre analyse, c'est notre vécu au quotidien.

Globalement, les élus n'y comprennent plus rien et les réformes se font sans concertation, avec des suppressions d'emplois et des transferts de compétences vers les préfectures de région qui dépouillent nos départements. Au bout du compte, cela accroît les inégalités entre les petites et les grandes collectivités, alors que ces dernières s'en sortiront toujours.

Cessons de dépouiller les services de département et les sous-préfectures ! Dans certaines d'entre elles, les effectifs se comptent sur les doigts des deux mains... En dessous d'un certain seuil, on n'a plus de compétences. Ainsi, mon département est concerné par les biens de section : une personne, dans la sous-préfecture, s'y consacre, et elle est sollicitée par les départements voisins.

Je suis moi aussi pour le dédoublement des préfets de département et de région, mais aussi pour celui des secrétaires généraux de préfecture et des sous-préfets d'arrondissement. Là encore, les départements ruraux ne sont pas traités de la même façon... Les maires des communes rurales ont pour interlocuteur le sous-préfet, pas le préfet. Renforçons donc leur rôle et les effectifs associés.

Peut-être pourrait-on envisager une durée minimale d'affectation pour les préfets et pour les sous-préfets : vous parlez de quatre ans dans votre rapport. En effet, préfet et sous-préfet, c'est un métier ! Or, on a aujourd'hui affaire à des personnes déconnectées : dans mon département, une sous-préfète récemment nommée ne restera sans doute pas plus de deux ans en poste... On perd ainsi un interlocuteur compétent qui apporte ses services aux maires, et particulièrement à ceux des petites communes.

Je suis aussi d'accord sur le rôle du préfet comme délégué territorial de toutes les agences. Sur les agences régionales de santé (ARS) et de l'ANCT : cela parle peu aux élus des petites communes. L'ingénierie est beaucoup organisée au niveau des départements : heureusement qu'ils le font, au bénéfice des petites communes.

Je suis d'accord sur le fait qu'il y a des problèmes sur les périmètres et que ceux-ci méritent d'être révisés.

Sur la DETR et la DSIL : abaisser le seuil à 20 000 euros, sur le principe, c'est bien, mais ne créons pas de lourdeurs supplémentaires. N'allons-nous pas multiplier les réunions de commission, au détriment de l'efficacité du système ?

Je partage ce qui a été dit sur la DSIL régionale. Les préfets de département doivent se battre pour en obtenir une petite part. Le préfet de région la gère depuis sa métropole, entouré des élus qui comptent, et les petits départements, avec leurs petits préfets, peinent à obtenir satisfaction.

Mme Sonia de La Provôté . - Bravo à Agnès Canayer et Éric Kerrouche pour leur rapport. On a l'impression d'être dans la vraie vie de nos territoires quand on entend leur présentation !

Ma première question porte sur la hiérarchie réelle ou fantasmée entre région et département. C'est le préfet de région qui accompagne « Action coeur de ville » alors que c'est à l'échelon départemental que les décisions se prennent. Ce sont tout de même les préfets de département, accompagnés par les élus locaux, qui ont géré la crise de la Covid. Puisqu'ils ont un droit à dérogation, ne devrait-on pas décider clairement que ce sont eux qui ont la main, en cas d'ambiguïté sur un dossier ? Cette hiérarchie entre région et département, qui n'en est pas réellement une, pose problème dans le suivi des dossiers.

Ma deuxième question porte sur l'assistance à maîtrise d'ouvrage. Dans le domaine du patrimoine, par exemple, elle était assurée par les directions régionales des affaires culturelles (Drac) mais ce n'est plus le cas. L'ANCT n'accompagne pas grand-chose. Seuls les chanceux bénéficient de l'ingénierie départementale, d'une agence d'urbanisme ou des services d'une grande intercommunalité, face à la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal), aux différentes polices, à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), à la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) et autres, soit pléthore d'intervenants. Une ingénierie territoriale d'État doit s'exprimer à nouveau. Avec le « zéro artificialisation nette » (ZAN), c'est la panique à bord car il n'y a pas d'accompagnement, alors que c'est confus. Il faut un vrai accompagnement et non un cautère sur une jambe de bois, telle que l'ANCT.

Mme Catherine Di Folco . - Félicitations aux rapporteurs. Ils prévoient une affectation de quatre ans minimum pour les préfets. Cela inclut-il les sous-préfets et les secrétaires généraux ? Ce serait important.

Ils souhaitent qu'il y ait le bon profil au bon endroit, lors du changement de préfet. Ce profilage me semble être un voeu pieux puisque les nominations en conseil des ministres sont plutôt dues à des chaises musicales. Comment ce profilage pourrait-il fonctionner ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur . - La durée de quatre ans vise à assurer une stabilité. Les secrétaires généraux, eux-mêmes sous-préfets, peuvent aussi être concernés.

Il est effectivement compliqué de trouver le mouton à cinq pattes, mais il nous semble important que les préfets aient un ancrage et une capacité à s'adapter au territoire. D'où leur évaluation par les élus locaux. Le but n'est pas que ces derniers disent s'ils les aiment ou non, mais aident à les évaluer. Si quelqu'un n'est pas capable d'être préfet, qu'il aille sur un autre poste !

Nous proposons d'évaluer l'offre d'ingénierie à l'échelle départementale. Certains départements ont développé ce service, d'autres moins. Mon territoire est confronté au problème historique des marnières. Or, l'État a tellement disparu que ce sont les intercommunalités qui se sont chargées de cette compétence. Mais les plus petites n'ont pas l'ingénierie adéquate.

Dans notre rapport, nous demandons l'évaluation de l'ANCT.

Nous avons enfin mentionné un autre acteur, qui se développe beaucoup : le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema). Il faut donner à cet acteur étatique incontournable les moyens de remplir ses fonctions.

M. Bernard Delcros . - Les maires des petites communes ne savent même pas qu'il existe !

Mme Françoise Gatel, présidente . - Dans la loi 3DS, nous avons conforté le Cerema pour qu'il puisse faire du in house . Il dispose d'une ingénierie exceptionnelle mais trop méconnue, par exemple sur les ponts.

Mme Nadine Bellurot . - Le Cerema a en effet une véritable expertise. Je signale aussi à mes collègues l'existence du Centre national des ponts de secours, un service de l'État qui peut déposer un pont à tonnage illimité.

Mme Françoise Gatel, présidente . - Je le précise, c'est une maire qui préside le Cerema : la maire de Montceau-les-Mines.

M. Éric Kerrouche, rapporteur . - Notre perspective est de faire confiance aux préfets et aux sous-préfets et de renforcer leur rôle.

Le profilage que nous suggérons ne se ferait pas au moment du choix du préfet, mais une fois que les préfets et sous-préfets quittent leur poste : ils seraient notés par les élus. S'ils ont une responsabilité forte sur les territoires, ils doivent pouvoir être évalués par les élus locaux qu'ils ont servis.

Nous demandons la fin des appels à projets, qui alimentent parfois ceux qui n'en ont pas besoin.

Quand nous sommes allés dans les Hautes-Pyrénées, nous avons rencontré une sous-préfète dont l'équipe avait pâti d'un congé maternité et d'un arrêt maladie. De quatre, ils étaient passés à deux et il n'y avait plus de sous-préfet derrière la façade de la sous-préfecture.

Les élus voudraient que les préfets restent six ans en poste et les préfets veulent rester trois ans. Ces derniers sont dans une logique de carrière et souhaitent tracer leur trajectoire individuelle. Entre six ans et trois ans, nous nous sommes arrêtés sur quatre ans.

Nous ne nous sommes pas prononcés sur la hiérarchie entre les postes. Nous avons surtout cherché à répondre aux difficultés engendrées par les cumuls de postes au sein de la préfectorale. Les dédoublements que nous proposons seraient une solution. Mais nous n'avons pas décidé qui doit avoir le dernier mot.

Mme Sylvie Robert . - Félicitations aux rapporteurs. C'est un rapport de vécu dans lequel on se retrouve bien !

Les rapporteurs proposent de créer des préfets thématiques. Il faut accompagner les élus en amont, c'est-à-dire travailler à une expertise thématisée qui offre une vision stratégique d'un territoire, afin d'apporter une réponse très adaptée. Comment voyez-vous le rôle de ces préfets thématiques ?

M. Franck Montaugé . - Merci aux rapporteurs de leur travail très intéressant. Je partage la plupart de leurs propositions.

La question traitée est inséparable de celle du rôle de l'État dans la République. Prenons l'exemple des agences nationales, composées souvent de contractuels, versus des services de l'État composés de fonctionnaires. C'est une approche libérale versus une approche républicaine. Autre exemple : le développement des appels à projets versus les démarches contractuelles entre l'État et les collectivités.

Quelle est votre vision de la place de l'État, qui s'inscrit nécessairement dans une organisation territoriale ?

Vous avez parlé d'évaluation. Il faut évaluer la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), que nous avons tous votée. Grandes régions, conseils départementaux, EPCI... L'organisation est inséparable de la conception que l'on se fait de l'État.

Comme élu local, j'ai été en contact avec plusieurs préfets : en réalité, beaucoup dépend de leur personnalité. La qualité du travail que l'on peut accomplir avec eux est directement liée à cette personnalité et, en particulier, à leur capacité de dialogue. Enfin, j'ai vécu une réforme d'arrondissement : on ne peut pas tout à fait dire qu'il n'y en a pas eu depuis Raymond Poincaré...

M. Hervé Gillé . - Merci de la qualité et la pertinence de ce travail. Nous aurions besoin d'une évaluation permanente de l'État, pour améliorer les processus.

Je voudrais citer un exemple très cruel sur le rapport entre l'État et les collectivités territoriales : la préfète de la région Nouvelle-Aquitaine a tenu à exercer son pouvoir régalien très fortement dans l'organisation logistique de la lutte contre les incendies. Mais quand vous faites venir plus de 2 000 sapeurs-pompiers, si vous ne vous appuyez pas sur les services des collectivités territoriales, vous ne pouvez rien faire. L'attitude de refus de partenariat avec les collectivités a entraîné une certaine désorganisation qui a posé question.

Quelle complémentarité doit-on mettre en place ? On se regarde toujours trop en chiens de faïence en n'étant pas suffisamment dans la collaboration. Il n'y a pas de moment dans l'année où l'on fait le point sur la manière dont on travaille ensemble. Or, il faut savoir se remettre en question pour améliorer les choses.

M. Didier Rambaud . - Vous avez parlé du problème de l'accessibilité aux préfets et sous-préfets pour un grand nombre d'élus locaux. Comme par hasard, les problèmes arrivent toujours le week-end. Or, à partir du vendredi midi, les sous-préfectures et préfectures sont inaccessibles. J'ai une proposition très terre à terre : ne pourrait-il y avoir un numéro d'urgence ou de permanence ?

M. Éric Kerrouche, rapporteur . - Je suis d'accord avec la remarque sur les qualités personnelles des préfets. Mais c'est identique pour les élus !

Nous nous sommes placés dans une logique fonctionnelle et ne nous sommes pas interrogés sur l'articulation entre l'État et les territoires, notamment dans la distribution des compétences, qui est un sujet plus vaste.

Nous disons nettement que les appels à projet ne sont pas la bonne solution. Nous en connaissons tous les effets dysfonctionnels.

Dans les Hautes-Pyrénées, nous avons échangé avec l'ensemble des chargés de mission du programme « Petites villes de demain » qui nous ont dit que la capacité à produire des études mettait en route la machine à rêver des élus, qui n'auront jamais les moyens de mettre en place les projets soumis.

Nous proposons de faire du schéma départemental d'amélioration de l'accessibilité aux services publics un outil essentiel d'intégration du fonctionnement au sein du département.

Il est vrai qu'il y a eu des retouches d'arrondissement, mais personne n'a voulu prendre la responsabilité d'une réforme de la distribution des sous-préfectures et les changements n'ont jamais atteint ce que nous avons connu il y a un siècle.

L'idée de Didier Rambaud est très bonne. Elle pourrait être couplée avec notre idée de dédoublement. Si le poste de secrétaire général était dédoublé de celui de sous-préfet de l'arrondissement central, ce genre de problème pourrait sans doute être plus facilement traité. De mémoire, seulement 8 % des élus de communes de moins de 1 000 habitants ont accès au préfet, ou lui parlent régulièrement.

Mme Agnès Canayer, rapporteur . - L'évaluation de la loi NOTRe dépasse largement le cadre de notre étude.

Quant à la collaboration du préfet avec le maire, et à la nécessité pour le premier de s'appuyer davantage sur le second, c'est le fil rouge de notre rapport. Nous voulons que la confiance entre les préfets et les élus locaux soit alimentée par un fonctionnement régulier et non pas seulement en temps de crise.

Les sous-préfets thématiques viennent en appui sur des sujets locaux particuliers. Sur la vision stratégique, ce sont plutôt les services d'ingénierie qui peuvent aider les maires à réfléchir.

Mme Françoise Gatel, présidente . - Nous vous adressons nos remerciements. La qualité de votre évaluation vaut largement McKinsey ! Les vingt-quatre recommandations sont disponibles sur la plateforme Demeter.

Je voudrais revenir sur la question du rattachement des préfets au Premier ministre ou au ministre de l'Intérieur. Peut-on imaginer un gouvernement au sein duquel le Premier ministre n'aurait pas sous son autorité les ministres de la santé, de l'éducation nationale, des finances publiques et de l'environnement ? Les préfets n'arrivent pas à être les ensembliers de la politique de l'État ni à harmoniser sa voix.

La délégation adopte, à l'unanimité, le rapport d'information et en autorise la publication.

PERSONNES ENTENDUES EN AUDITION AU SÉNAT

A. AUDITIONS EN RÉUNIONS PLÉNIÈRES DE LA DÉLÉGATION

Jeudi 24 juin 2021

• Auditions sur la situation et l'avenir des services préfectoraux et déconcentrés : M. Gilles ANDREANI, président de la quatrième chambre de la Cour des comptes, et M. Jean-Michel LAIR, conseiller-maître de la quatrième chambre de la Cour des comptes

• Audition de Mme Bernadette MALGORN, ancienne préfète de région et ancienne secrétaire générale du ministère de l'intérieur, élue municipale et métropolitaine de Brest

Mercredi 06 octobre 2021

• Audition de M. Christophe MIRMAND, préfet, président de l'Association du Corps Préfectoral et des Hauts Fonctionnaires du Ministère de l'Intérieur (ACPHFMI)

Jeudi 14 octobre 2021

• Audition de M. Thierry LAMBERT, délégué interministériel à la transformation publique

B. AUDITIONS DES RAPPORTEURS

Mardi 05 octobre 2021

• Table ronde avec les représentants d'élus

M. Guy GEOFFROY, maire de Combs - la - ville, président des maires de Seine-et-Marne et membre de l'Association des maires de France (AMF)

M. Charles Eric LEMAIGNEN, secrétaire national, Assemblée des Communautés de France (AdCF)

M. Igor SEMO, vice-président, Association des petites villes de France (APVF)

Mme Emma CHENILLAT, conseillère, APVF

Mme Floriane BOULAY, responsable des affaires juridiques et institutionnelles, Assemblée des Communautés de France (AdCF)

M. Simon MAUROUX, responsable des affaires juridiques, AdCF

• Audition relative aux Directions Départementales des Territoires et de la Mer (DDTM)

M. Laurent MARY, directeur départemental, DDTM Calvados

M. Yves SCHENFEIGEL, administrateur général, DDT de la Haute-Garonne

Mardi 19 octobre 2021

• Audition de l'Association des directeurs Généraux des communautés de France (ADGCF)

M. Yvonic RAMIS, directeur général des services de la communauté d'agglomération de Moulins, président de l'ADGCF

M. Marc BOURHIS, directeur général des services de la communauté de communes de Deauville, vice-président de l'ADGCF

M. Hervé BOULLE, directeur général des services de la communauté de communes de Beaucaire, vice-président de l'ADGCF

M. David LE BRAS, délégué général de l'ADGCF

Mercredi 20 octobre 2021

• Audition du Syndicat national des directeurs généraux des collectivités territoriales (SNDGCT)

Mme Stéphane PINTRE, président, SNDGCT

M. Emmanuel GROS, directeur général des services de Vannes et premier vice-président du SNDGCT

Mme Florence BACO-AMBRASS, directrice générale des services de Palaiseau et vice-présidente du SNDGCT

• Audition de M. Nicolas DEMONTROND, docteur de l'université Paris Panthéon Assas

Mardi 9 novembre 2021

• Audition de M. Thierry LAMBERT, délégué interministériel à la transformation publique

• Audition de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT)

M. Yves LE BRETON, directeur général de l'ANCT

M. Patrick VAUTIER, secrétaire général de l'ANCT

Mardi 23 novembre 2021

• Table ronde avec les organisations syndicales

M. Eric TAVERNIER, membre du comité technique et du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la Direction départementale interministérielle (DDI), représentant de la Fédération intercompagnie de la Confédération française du Travail (CFDT)

Mme Guillemette FAVREAU, secrétaire générale en charge des préfectures de la CFDT

M. Jean-Baptiste MARCO, inspecteur de la Concurrence, Consommation et Répression des Fraudes, représentant de la CFDT

Mme Laure REVEL, représentante de la CFDT

M. David LECOCQ, représentant de la Confédération générale du travail (CGT)

M. Olivier MIFFRED, représentant de la CGT

Mme Martine HARNICHARD, secrétaire générale, Union nationale des syndicats autonomes UNSA) de la Fonction publique

M. Luc FARRE, représentant de l'UNSA

M. Laurent JANVIER, représentant de Force ouvrière (FO)

M. Arnaud GANAYE, représentant de FO

M. Olivier BERGER, représentant de FO - préfectures

M. Romuald DELIENCOURT, représentant de FO - préfectures

Mercredi 24 novembre 2021

• Audition de M. Olivier JACOB, préfet, secrétaire général adjoint et directeur de la modernisation et de l'action territoriale (DMAT) de l'État, Ministère de l'Intérieur

Mardi 7 décembre 2021

• Audition de M. Gildas TANGUY, maître de conférences à l'Institut d'Études Politiques de Toulouse

Mardi 14 décembre 2021

• Audition de M. Pascal BERTEAUD, directeur général du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA)

Mardi 4 janvier 2022

M. Philippe SIMON, vice-président du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER)

Mme Caroline MEDOUS, directrice départementale de la protection des populations (DDPP) à Montpellier

M. Claude RONCERAY, inspecteur général de l'agriculture, CGAAER

PERSONNES ENTENDUES DANS LE CADRE D'UN DÉPLACEMENT

Jeudi 15 septembre 2022 : déplacement dans les Hautes-Pyrénées

Mme Bénédicte MARTINEAU, sous-préfète de Bagnères-de-Bigorre

M. Fabien TULEU, sous-préfet d'Argelès-Gazost

M. Sébastien BALIHAUT, chef de bureau de la réglementation et des collectivités territoriales

M. Jean René NOLF, Directeur Départemental des Finances Publiques

M. Sylvain ROUSSET, Directeur Départemental des Territoires

Mme Isabelle SENDRANÉ, déléguée adjointe ANCT et adjointe au DDT

Mme Viviane ARTIGALAS, sénatrice et présidente de l'association des maires des Hautes-Pyrénées

M. Gérard CLAVÉ, maire de Bartrès et président de l'association des maires ruraux des Hautes-Pyrénées

M. Claude CAZABAT, maire de Bagnères-de-Bigorre

M. Jacques BRUNE, président de la communauté de commune de la Haute-Bigorre

Rencontre avec des accompagnants territoires et chefs de projets recrutés par les collectivités dans le cadre du dispositif « Petites Villes de Demain » :

o Mme Stéphanie BERDET, Direction Départementale du Territoire

o M. Clément AQUILINA, Argelès-Gazost et Cauterets

o M. Timothée BLOURDIER, Communauté de communes de Haute-Bigorre-Bagnères

o M. Philippe LEMOINE, Pays du Val d'Adour

o M. Nicolas GAITS, Pôle d'Équilibre Territorial et Rural Pays du Val d'Adour

o M. Emilien MOGUEN, Mairie de Tournay

o M. Sacha MAINGUY, Arreau et Saint-Lary Soulan

o Mme Chloé MOUTH, Mairie de Castelnau Magnoac

o M. Tanguy FOURRIER, Communauté de communes de Neste Barousse

o Mme Gaëlle BOSSARD, Mairie de Lannemezan

o Mme Nathalie MARCOU, Mairie de Vic-en-Bigorre

COMPTES RENDUS DES AUDITIONS
EN SÉANCE PLÉNIÈRE

COMPTE RENDU DU JEUDI 24 JUIN 2021

1. Auditions sur la situation et l'avenir des services préfectoraux et déconcentrés : M. Gilles Andréani, président de la quatrième chambre de la Cour des comptes, et M. Jean-Michel Lair, conseiller-maître de la quatrième chambre de la Cour des comptes

Mme Françoise Gatel, Présidente . - Nous sommes très heureux de vous écouter aujourd'hui. Depuis longtemps, nous sommes passionnés par le sujet de la déconcentration.

Le Président de la République a indiqué qu'une des priorités de la fin de son quinquennat était la réforme de l'État. Au-delà de la crise territoriale et sociale que nous avons traversée, nous avons observé des révélateurs très puissants de la désarticulation des services de l'État : la crise des Gilets jaunes et la crise sanitaire. Nous sommes face à une obligation d'efficacité, qui passe par davantage de cohérence et une réorganisation.

Dans ce contexte, le Premier ministre a confirmé son souhait d'« amincir l'État central pour remplumer les services déconcentrés ». Nous avons le sentiment objectif que, parallèlement à la déconcentration, l'administration centrale s'est renforcée et travaille peut-être d'un peu trop loin, alors que l'on ne gère bien que de près.

La reprise, à l'été 2020, des directions départementales interministérielles par le ministère de l'intérieur au détriment de Matignon, constitue également une réforme d'ampleur, qu'il convient d'évaluer. Cette réforme se traduit par la mise en place des secrétariats généraux communs aux directions départementales interministérielles (DDI). Certains s'interrogent sur la pertinence d'un rattachement des préfets au ministère de l'Intérieur, et non à Matignon. Le Sénat est très actif sur ce sujet. L'an dernier, nous avons, de façon assez oecuménique, adressé 50 propositions pour le plein exercice des libertés locales et plaidé pour un renforcement du rôle du préfet de département. Nous réaffirmerons cette position dans le projet de loi 4D, ce qui peut amener des commentaires quant à un éventuel renouveau des départements. Il ne s'agit pas de cela, mais de l'exigence d'efficacité et de proximité. Avec la création des grandes régions, nous constatons que l'espace départemental est souvent un espace de grande efficacité.

Le pertinent rapport « Où va l'État territorial », publié en 2016 par Éric Doligé et Marie-Françoise Perol-Dumont, prend une dimension nouvelle avec la décision du Gouvernement de supprimer le corps des préfets pour fonctionnaliser ces derniers. C'est dans ce contexte que la Délégation aux collectivités territoriales a souhaité poursuivre son enquête et l'actualiser. Nous avons désigné deux rapporteurs, Agnès Canayer et Éric Kerrouche, pour évaluer la situation des services préfectoraux et déconcentrés. Cette mission devrait nous donner des éléments d'actualisation pour la réforme que le Gouvernement entend conduire.

Des questions se posent certainement sur l'organisation de l'État, mais aussi sur la capacité en termes de moyens et de ressources pour l'État d'exercer de façon satisfaisante ses missions dans les territoires. Convier la Cour des comptes à échanger avec nous sur ce sujet nous a paru d'autant plus pertinent que celle-ci a publié en décembre 2017 un rapport intitulé « Les services déconcentrés de l'État : clarifier leurs missions, adapter leur organisation, leur faire confiance » Nous vous attribuons le mérite de la clarté et savons que le point d'équilibre entre un État centralisé et son administration déconcentrée reste difficile à atteindre. Nous faisons également face à un sujet d'ordre culturel, la France ayant parfois des difficultés à déconcentrer véritablement l'État. Des réformes se sont succédées et les initiatives n'ont pas manqué ces dernières années. Ce flux continu peut paraître déstabilisant et ces réformes ne sont peut-être pas toujours évaluées. Nous estimons ne pas avoir atteint le degré d'efficacité nécessaire, il est très important de se donner un objectif, en évitant de tomber dans l'écueil de la crise sanitaire. L'organisation de l'État doit permettre de faire face à tous les temps : la tempête comme le temps calme.

Nous sommes impatients d'entendre votre analyse, l'exigence de stabilité, d'efficacité, les questionnements du préfet, la coordination des services de l'État, etc. Nous serions très intéressés également de vous écouter sur les projets de réformes à venir ou celles qui sont intervenues.

M. Gilles Andreani . - Merci beaucoup, Madame la Présidente, de vos aimables mots de bienvenue. Je souligne que c'est toujours un plaisir et un honneur de venir au Sénat. J'y présenterai la semaine prochaine un rapport sur le bilan du rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l'Intérieur. Les réalités locales, l'administration territoriale sont donc au coeur de nos travaux, au sein de la quatrième chambre. Je suis accompagné de Jean-Michel Lair, responsable à la quatrième chambre et à ce titre du contrôle de l'administration générale et territoriale de l'État.

Nous parlerons donc du dernier grand rapport de la Cour sur le sujet, en décembre 2017, Monsieur Lair y ayant directement participé, ce qui n'est pas mon cas.

Je me permets également de faire état des travaux que nous avons menés depuis lors et qui se rapportent à des sujets sur lesquels pourrait se porter votre intérêt. Le premier d'entre eux est un rapport sur les services publics dans les territoires ruraux, effectué à la demande du Comité d'évaluation et de contrôle (CEC) des politiques publiques de l'Assemblée nationale. J'y ferai peut-être allusion dans nos échanges. Le deuxième est un rapport sur la réforme portée par le plan préfectures nouvelle génération (PPNG), qui s'est traduit par d'importantes économies de personnel et la dématérialisation de services d'état civil.

En guise d'introduction, je vais vous présenter un rapport de 2017, énorme travail impliquant la plupart des chambres de la Cour. 49 recommandations ont été formulées dans ce rapport et c'est dans les semaines qui viennent que les administrations concernées répondront à nos questionnaires. Nous disposerons donc d'un bilan - que nous pourrons vous communiquer - des suites données à nos recommandations de décembre 2017.

Je voudrais préfacer cette brève présentation par une citation de la loi du 6 février 1992, figurant en tête de ce rapport de 2017 : « l'administration territoriale de la République est assurée par les collectivités territoriales et les services déconcentrés de l'État ». Les réformes de la décentralisation et la réforme régionale touchent les services déconcentrés de l'État et l'évolution de ces derniers n'est pas sans incidence sur le fonctionnement des collectivités territoriales. Ces deux problèmes sont peut-être trop rarement envisagés ensemble. Les réformes de l'administration territoriale et l'extension de la décentralisation sont trop déconnectées. L'une retentit souvent sur l'autre sans qu'on ait le loisir de les articuler.

A la lumière du rapport de la Cour des comptes, que dire des services déconcentrés ? Tout d'abord, ces services ont subi une véritable réforme, au début des années 2010, avec la réforme de l'administration territoriale de l'État (REATE). Cette réforme n'est pas sans incidence sur le plan des effectifs (- 10 % des effectifs au périmètre de la REATE). Hors REATE, les trois principaux réseaux de l'administration de l'État sont l'éducation nationale, la police et gendarmerie, ainsi que les finances publiques. Les deux premiers de ces réseaux n'ont pas été diminués en effectifs, et dans notre rapport sur les services publics en milieu rural, nous constatons que ces réseaux n'ont pas déserté les territoires, y compris les plus éloignés de l'administration centrale. Ces réseaux se sont réadaptés, mais en volume, ils n'ont pas diminué. Il en va autrement du réseau des finances publiques, qui est en cours de décroissance (- 10 % à l'époque de notre rapport, cette décroissance se poursuivant).

Malgré cette réforme, l'administration renvoie une image de stabilité, pour deux raisons principales. Tout d'abord, les préfets restent une image fixe, même si leurs statuts et missions changent. Ensuite, la carte de plusieurs administrations territoriales ne s'est pas beaucoup modifiée : carte des sous-préfectures, réseau judiciaire (37 cours d'appel), etc. Il y a donc une forme de contraste entre une réforme réelle et une apparence de stabilité.

La Cour a délivré trois messages principaux et quatre séries de recommandations. Le premier message consiste à approfondir la réforme pour réaxer les services déconcentrés de l'État sur leurs missions prioritaires. Les réductions ont affecté des missions, en mettant certaines de celles-ci en risque : les missions de contrôle (installations classées, sécurité sanitaire, etc.) et la capacité à faire face aux crises, notamment sanitaires.

Cette réforme s'est beaucoup appuyée sur le levier numérique, qui est toujours assorti de limites, notamment le cloisonnement persistant d'un certain nombre de systèmes d'information de l'État et des collectivités territoriales.

Au-delà de la réforme accomplie, des marges de progrès persistaient dans l'exercice des missions des services déconcentrés. L'administration territoriale se partage entre quatre niveaux, certaines missions pouvant être concentrées au niveau national, notamment les missions de contrôle les plus sensibles.

La Cour a estimé à l'époque de son rapport que le niveau stratégique de l'organisation territoriale entre ces différents échelons nous paraissait être le niveau régional. Il nous semblait essentiel que des plateformes aident à ce niveau : services départementaux, sous-préfectures, etc. Tel était le niveau que nous avions identifié comme devant être renforcé.

Cependant, nous avions noté que l'État ne tirait pas toutes les conséquences de la décentralisation. Nous citions des compétences qui n'étaient plus du ressort de l'État, comme les fonctions de soutien au tourisme des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), prérogatives des collectivités territoriales, ou dans le domaine social, avec un rôle de coordination parfois flou.

Le dernier levier de transformation, en tension avec l'objectif de déconcentration, correspond au transfert de certaines compétences à des établissements publics spécialisés. L'efficience peut recommander une spécialisation de ce type, ce qui peut créer une action locale échappant à la coordination par les préfets.

Le deuxième message constatait que l'État devait s'ajuster aux conséquences des réformes touchant les collectivités territoriales, particulièrement la réforme régionale. Certes, des efforts ont été fournis, mais l'État s'est retrouvé face au même dilemme que les régions : organisation multisites, absence de regroupements des fonctionnaires concernés autrement que sur la base du volontariat, contraintes indemnitaires, etc. La Cour des comptes, dans un rapport sur la réforme régionale, met en exergue ces surcoûts, liés à la dispersion des services. L'État n'a pas échappé à ces critiques. Par ailleurs, le regroupement des régions n'a pas empêché la persistance de découpages dérogatoires, qu'il s'agisse de l'éducation nationale, de la justice, de l'administration pénitentiaire, etc.

Nous avions noté que l'échelon départemental avait été plus affecté que l'échelon régional par les baisses d'effectifs. Cela contrastait avec une situation du réseau infradépartemental qui restait dense et évoluait lentement. L'État demeure fortement présent à cet échelon infradépartemental, mais dans des structures parfois fragilisées. Nous pouvons par exemple citer les 60 sous-préfectures comportant moins de dix agents à présent, ce qui appelle une réflexion. Le réseau administratif de l'éducation nationale nous a également semblé devoir être corrigé.

Le troisième message était relatif à la gestion. Le regroupement de services, la modification de la carte des responsabilités fonctionnelles des services territoriaux de l'État n'ont qu'une portée limitée si les responsables à la tête de ces services ne disposent pas d'une latitude en matière de gestion correspondant au nouveau périmètre de responsabilités qui leur est assigné. Tel est bien le cas des blocages RH très importants. Sur le plan de la gestion des personnels, les regroupements ont laissé perdurer des systèmes de gestion très fortement centralisés, donc des freins à une bonne gestion locale de l'administration territoriale. De même, sur le plan budgétaire, le volume des crédits déconcentrés retranchés des dépenses de personnel, montrait une marge de manoeuvre effective des préfets beaucoup plus réduite qu'imaginé. Pour les fonctions support des services que j'ai mentionnés, nous avions recommandé la création d'un budget opérationnel de programme (BOP) régional unique des fonctions support de services de l'État, notant que d'importants progrès pouvaient être réalisés dans le domaine de l'immobilier et celui du numérique.

Je vous épargnerai nos 49 recommandations dans le détail. Ces recommandations étaient regroupées en quatre grands chapitres :

- recentrer les services déconcentrés sur les missions prioritaires de l'État et répartir de façon plus efficace l'exercice de ces missions ;

- faire des services publics numériques un levier de transformation des services déconcentrés de l'État ;

- accélérer l'adaptation de l'organisation territoriale des services de l'État ;

- faire davantage confiance aux services déconcentrés dans la gestion mutualisée et décloisonnée de leurs moyens.

Merci beaucoup, Madame la Présidente.

Mme Françoise Gatel, Présidente . - Merci beaucoup. Avant de passer la parole à nos deux collègues rapporteurs, je voudrais faire un commentaire sur l'évolution des services territoriaux de l'État, en lien avec les réformes d'organisation territoriale. Les différentes lois territoriales du quinquennat précédent ont positionné la région comme une échelle de pertinence pour l'action des services de l'État. Or, si nous avons constaté qu'effectivement, des mutualisations de fonctions support pouvaient être opérées au niveau régional et nourrir l'échelon départemental, toutes les analyses de ce type ont été violemment bousculées par la crise sanitaire, qui a mis en évidence le couple préfet/maire. Ce n'est pas que, soudainement, la commune ait repris de la puissance et le préfet en ait retrouvé, mais de nombreuses politiques sont articulées entre les services de l'État et les collectivités locales, sans suffisamment d'échange ni de coordination. Il s'agit souvent là en l'occurrence de questions de méthodes de travail.

Mme Agnès Canayer, rapporteur . - Effectivement, il est difficile d'envisager la décentralisation sans déconcentration. A l'aube de l'examen de la loi 4D, nous constatons que certaines fragilités persistent, notamment dans l'organisation des services déconcentrés de l'État, que vous avez pointée dans votre rapport de 2017.

Je voulais revenir sur l'efficacité des services déconcentrés et la hiérarchisation des missions dévolues à ces services, que vous prônez. Le 19 avril dernier, le Premier ministre a fait paraître une circulaire, demandant qu'une véritable hiérarchisation soit mise en oeuvre, en lien avec les services territoriaux et les services centraux. Estimez-vous que cela permettrait de renforcer cette efficacité ?

Par ailleurs, vous pointez également le rôle du numérique comme permettant d'améliorer la déconcentration de l'État. S'agit-il vraiment d'une piste d'amélioration ?

M. Éric Kerrouche, rapporteur . - Plusieurs réflexions font écho à vos prises de parole. Vous avez évoqué la situation des sous-préfectures, qui n'ont pas été revues depuis 1926, soit depuis près de 100 ans. Vous avez indiqué que certaines d'entre elles comptaient moins de dix agents. Quel est le sens de leur action ? Faut-il procéder à des regroupements au niveau infra-départemental ? Quelle serait la bonne maille ? En France, l'arrondissement du sous-préfet n'a jamais fait sens du point de vue territorial.

En outre, depuis la création des préfets de région en 1964, le rôle de ces derniers est tantôt réaffirmé et tantôt, il cède la place au préfet de département. Faut-il procéder de façon uniforme sur tous les territoires ? Quel est le niveau pertinent ?

Enfin, s'agissant des ressources humaines, vous avez fait état de difficultés de management. Quelles seraient les mesures prioritaires en la matière ?

Merci de vos réponses.

M. Gilles Andreani . - Je propose que Monsieur Lair réponde aux questions de Madame la sénatrice Canayer, puis je répondrai à celles de Monsieur le sénateur Kerrouche.

M. Jean-Michel Lair . - Les feuilles de route ministérielles prévues par la circulaire du Premier ministre d'avril 2021 constituent un dispositif qui semble aller dans le bon sens, car elles visent à définir des priorités, à fixer des objectifs et à mettre en place un dispositif d'évaluation de la mise en oeuvre. Comme point fort de cette entreprise, nous observons une adaptation prévue au plus près des besoins des territoires, avec une coconstruction ascendante, vers l'administration centrale. Ce projet donne également la possibilité au préfet de demander des adaptations des feuilles de route. D'ailleurs, les préfets ont l'obligation de faire un premier point au bout de trois mois avec le ministère de l'Intérieur sur l'avancement de cette démarche.

Il faut également évoquer le souci de la continuité de l'État, puisque la feuille de route s'adresse au préfet titulaire du poste, même si un changement est intervenu.

La feuille de route vise la mise en oeuvre de réformes et de politiques publiques prioritaires, mais aussi de projets structurants, qui peuvent être des projets de transformation des services déconcentrés de l'État.

Dans tous les cas, une évaluation doit être lancée sur la base d'indicateurs accompagnés de cibles à atteindre.

Certes, nous manquons de beaucoup de recul pour apprécier ce dispositif. Plusieurs points devront être spécialement suivis : la priorisation des actions et des projets, le traitement des éléments qui ne sont pas prioritaires, la convergence de l'allocation des ressources avec les objectifs fixés et la portée des évaluations en fin de processus. Des expérimentations étaient prévues dans le courant de l'année 2021, qui devraient donner lieu à quelques précisions.

En ce qui concerne la question de la numérisation, la Cour a abordé ce sujet à l'occasion de l'étude de la dématérialisation de la délivrance de certains titres par les préfectures. Au-delà des difficultés transitoires liées à la mise en place très rapide d'un nouveau dispositif, la dématérialisation et la numérisation ne permettent pas de régler tous les problèmes. Ce processus a été lancé trop rapidement sans doute pour l'adoption de démarches en ligne dès lors qu'une alternative d'accès physique était maintenue. Cela a entraîné une grande difficulté d'accès de certains usagers, en lien avec des problèmes informatiques techniques, qui avaient largement été sous-estimés. Des dysfonctionnements, des coûts supplémentaires ont été générés par la nécessité de revoir le dispositif. Il ne faut pas aller trop vite, mais laisser mûrir ces projets, pour éviter les surcoûts financiers et sociaux. Le travail indispensable de la simplification préalable du dispositif réglementaire n'a pas été mené dans des conditions satisfaisantes, un dispositif de numérisation ayant simplement été greffé dans un deuxième temps.

Il faut également évoquer les difficultés d'accès des populations réfractaires au numérique. Ce problème a sans doute été sous-estimé au départ. Le ministère a créé ultérieurement des points d'accueil numérique en préfecture, qui devaient ensuite se fondre dans les Maisons des services au public (MSAP) devenues ensuite les Maisons France Services. Compte tenu de la très forte demande des usages, ces points d'accueil ont été maintenus, en complémentarité des MSAP. La chambre a constaté que, dans de nombreux départements, il était difficile de recruter des jeunes pour faire vivre ces points d'accueil.

En ce qui concerne les sous-préfectures, nous savons tous qu'elles connaissent des problèmes de gestion de leurs ressources humaines, d'immobilier, d'adaptation à l'évolution des missions du ministère de l'Intérieur, etc. La Cour a formulé quelques propositions à ce propos, tendant à détacher les sous-préfets des arrondissements. Quelques évolutions intéressantes ont été organisées dans certains départements, avec par exemple la création de pôles départementaux. Cette démarche est intéressante et permet de rationaliser le réseau des préfectures et sous-préfectures, à condition qu'elle soit bien pensée en amont.

M. Gilles Andreani . - Un travail de réflexion et de clarification global doit être entrepris sur l'arrondissement, les sous-préfectures, le rôle du sous-préfet, etc. Celui-ci incarne physiquement l'État tout en étant le chef d'un service. Tout cela appelle une réflexion d'ensemble, comme la Cour le recommandait dans son rapport de 2017.

En ce qui concerne les préfets de région, il faut tenir compte de l'instauration d'une répartition fonctionnelle des rôles, mais aussi d'une forme de hiérarchie entre préfet de région et préfet de département. L'échelon des zones de défense se renforce dans la gestion de la lutte contre le terrorisme et dans l'administration de la police. La Cour n'a pas publié sur ce sujet, sur lequel il m'est donc difficile de répondre avec assurance. Nous nous apprêtons cependant à lancer une enquête d'ampleur sur le rôle des préfets. Vos interrogations à ce propos, Monsieur le Sénateur, resteront présentes à notre esprit, en lien avec la problématique de l'adaptation de l'administration aux situations locales. Je souscris à cette réflexion, que nous n'avons pas encore formellement entreprise.

Nous avons des réponses plus précises à vous apporter concernant la gestion des ressources humaines dans l'administration territoriale. En 2017, nous avions fait état de neuf recommandations à ce titre, allant toutes dans le même sens : réduire le nombre de corps, développer des corps interministériels, harmoniser les responsabilités de gestion des ressources humaines au meilleur niveau, etc. Il est tout à fait anormal que des revalorisations indemnitaires aient pu avoir lieu à l'occasion du rapprochement des corps, sans qu'en contrepartie aient été posées des obligations de mobilité.

M. Antoine Lefèvre . - Monsieur le Président, vous avez esquissé un certain nombre de remarques, de critiques, et surtout de propositions d'adaptations. Comme plusieurs de mes collègues l'ont évoqué, nous avons remarqué combien nos sous-préfets ont été à la manoeuvre à l'occasion de la crise sanitaire. Dans des équipes réduites, nos sous-préfets ont parfois dû faire preuve d'une grande imagination.

Je souhaitais revenir sur le thème du numérique : comment améliorer l'expertise et la montée en compétence, au sein même des administrations centrales, pour que, lorsque des outils informatiques sont déployés, nous puissions être le plus pertinents possible ?

M. Charles Guené . - Je partage avec vous l'avis selon lequel l'État est resté bien présent sur les territoires. La question qui se pose est plutôt de savoir s'il y joue toujours le rôle attendu. Vous indiquez qu'il n'a pas toujours su prioriser ses missions et je suis d'accord avec vous concernant les difficultés liées aux mobilités de personnel. Cependant, avez-vous mené un travail prospectif pour apporter aux services de l'État des réponses modernes ? Le numérique ne constitue à ce titre qu'un moyen. Nous constatons que l'échec partiel des Maisons France Services et de la présence de l'État pour accompagner les usagers provoque un transfert de charge en direction des collectivités locales. Allez-vous travailler sur ce point ?

M. Gilles Andreani . - S'agissant de la conduite du changement numérique, nous avons réalisé un rapport pour votre Commission des finances. Il s'agit d'ailleurs du rapport le plus intéressant auquel j'ai eu la chance de participer au sein de la Cour des comptes. Ce rapport est pratique et donne des prescriptions pour bien conduire un projet numérique. Nous avons travaillé avec le souci de délivrer des messages et des recommandations pratiques et opérationnels. Sur ces sujets, c'est l'usager et le service qui doivent être au coeur du projet. Les projets doivent être peu nombreux, conduits rapidement et constituer l'occasion de transformer le service.

Au sénateur Guené, je répondrai que nous n'avons pas mené de travail prospectif sur l'évolution des transferts de charge pouvant résulter de la difficulté pour l'État à maintenir certains services de proximité et le report pouvant opérer en direction des collectivités territoriales. Ce phénomène a été précisément chiffré dans le cadre du PPNG, les services de l'État ayant contracté avec plusieurs mairies pour procéder au recueil des empreintes digitales et les photographies en vue de la délivrance automatisée de documents. Nous devrions nous intéresser davantage à ce problème plus vaste. Généralement, le rapport annuel sur les finances publiques locales porte des éléments sur les transferts de charge, mais j'ignore exactement quel est ce transfert de charge.

Mme Sonia de La Provôté . - Je souhaitais vous poser deux questions, en commençant par cette exigence de proximité et d'adaptation aux diversités territoriales. Comment envisagez-vous une efficacité des politiques publiques si l'on ne réfléchit pas à la subsidiarité entre le préfet de région et le préfet de département ? Ne s'agit-il pas en l'occurrence de deux missions différentes ?

Ma deuxième question porte sur le rôle de l'Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT), interlocuteur récent, à l'échelon départemental. Quel est selon vous le rôle de cette fameuse ANCT, présidée par le préfet de département ? Peut-elle apporter une forme de réponse à cette meilleure structuration et cette subsidiarité exigée entre les collectivités territoriales et les différents échelons des services de l'État ?

M. Bernard Delcros . - Tout d'abord, à l'épreuve de la crise sanitaire que nous venons de traverser, nous estimons qu'il faut renforcer les prérogatives des préfets de département, surtout dans les très grandes régions.

Par ailleurs, au moins dans certains territoires, les sous-préfectures ont encore du sens, même si elles doivent évoluer. Nous pouvons nous dire qu'avec le numérique, la proximité physique perd de son sens. Cependant, sur le terrain, notamment dans les vastes territoires ruraux comptant des communes de taille très restreinte, les mairies ne proposent que très peu de services administratifs. La proximité de ces maires avec les services des sous-préfectures est très importante et rassurante dans ces territoires.

Ma question rejoint enfin celle de Sonia de La Provôté. Estimez-vous qu'il soit positif que les préfets de région, qui doivent veiller sur l'ensemble des départements et l'équité entre les départements, soient également les préfets du département dans lequel est implantée la préfecture de région ?

M. Jean-Michel Houllegatte . - Dans vos 49 propositions, un axe vise à tirer toutes les conséquences de la décentralisation. Vous y regrettez la faible appétence des services de l'État à devenir facilitateurs. Or, à l'heure où les appels à projets se multiplient et où les collectivités ont besoin de médiation entre ces appels à projets, pensez-vous que cette proposition soit toujours opportune ?

Je souhaitais également revenir sur l'articulation entre les agences de l'État, très nombreuses, et les services déconcentrés de l'État. Nous constatons par exemple que le préfet va reprendre la main sur l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), nous constatons l'implication de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) dans nos territoires, etc. Quelle articulation doit-on viser entre les agences de l'État et leur implication territoriale et les administrations déconcentrées de l'État ?

M. Gilles Andreani . - Pour ce qui est du couple préfet/préfet de région, je dois m'en tenir à ce que la Cour a publié : nous n'avons pas encore arrêté de position sur ce sujet. Dans le rapport que je présente, nous étions conscients de ce problème et suggérions de créer des préfets délégués à certaines tâches d'administration, pour décharger certains préfets de région de la gestion de ces services réorganisés.

La question sur l'ANCT rejoint en outre celle qui portait sur les agences. Il s'agit en l'occurrence d'un angle mort de la réflexion sur la déconcentration. En effet, certaines de ces agences disposent elles-mêmes de services déconcentrés, qui souvent échappent à l'autorité du préfet. A chaque agence, en fonction de sa mission, doit correspondre un certain type de relation à organiser avec l'échelon préfectoral. Il ne semble qu'une solution générale doive être préconisée de ce point de vue.

Enfin, en ce qui concerne les sous-préfectures, nous n'avons pas été plus loin que de réfléchir à la délimitation des arrondissements et aux missions des sous-préfets. En effet, dans les territoires ruraux, le sous-préfet est l'interlocuteur privilégié des maires. Néanmoins, il convient de réfléchir davantage à ce qu'est aujourd'hui un sous-préfet. Nous y avons incité le ministère de l'Intérieur dans l'une de nos recommandations.

Mme Françoise Gatel, Présidente . - Merci, Monsieur le Président. Je veux vous remercier pour votre écoute et cet échange. Les nombreuses questions de nos collègues montrent le niveau de préoccupation du Sénat sur ce sujet, le Sénat étant la chambre des territoires. Nous portons ces sujets, non avec un regard critique, mais en constatant une forme d'urgence à évaluer, proposer, expérimenter. Nous avons expliqué à la ministre que la déconcentration est un outil dont seul l'objectif d'efficacité nous intéresse. Nous devons en effet revenir aux missions et aux services en utilisant comme critère le principe de subsidiarité, garant de l'efficacité. Soyons tous conscients qu'un binôme accomplit l'action publique pour sa plus grande efficacité. Ce binôme doit entretenir un esprit de partenariat. Merci beaucoup, Monsieur le Président.

2. Audition de Bernadette Malgorn, ancienne préfète de région et ancienne secrétaire générale du ministère de l'intérieur, élue municipale et métropolitaine de Brest

Mme Françoise Gatel, Présidente. - Madame Malgorn, vous êtes aujourd'hui élue locale, municipale et métropolitaine de Brest. Vous avez également été préfète de région et secrétaire générale du ministère de l'intérieur. Vous êtes sans doute à classer dans la catégorie des serviteurs de l'État, puisque vous avez été la première femme préfète de région et de zone de défense et de sécurité. Votre parcours est exemplaire. Je suis très heureuse de vous accueillir. Vous avez également une autre qualité, que nous apprécions particulièrement au Sénat : votre parole est très libre. Pour nous, c'est l'expression d'un courage, d'une audace. Vos analyses sont d'une clairvoyance rare. Nous sommes très heureux d'échanger avec vous sur les services déconcentrés de l'État, sujet marronnier au Sénat. Nous nous y intéressons régulièrement, puisque c'est aussi le coeur de l'efficacité de l'action publique. Nous avons donc lancé une nouvelle mission sur ce sujet, portée par Agnès Canayer et Eric Kerrouche. Au-delà de circonstances révélatrices, comme la crise sanitaire, le Président de la République annonce une réforme très importante, que le Sénat pourra accompagner. Nous venons d'échanger avec des magistrats de la 4ème chambre de la Cour des comptes. Chacun d'entre nous rêve de simplicité, mais les choses sont complexes et diverses, en fonction des territoires. Votre double expérience de grand serviteur de l'État et d'élue constitue pour nous un profil très original. Je vous laisse la parole, Madame la Préfète.

Mme Bernadette Malgorn . - Bonjour et merci de votre accueil.

Je situerai mon introduction dans un contexte qui n'est plus celui des années 2000 et encore moins des années 1980, début de la décentralisation. L'époque actuelle est marquée par la crise des Gilets jaunes et la crise sanitaire de la Covid-19, qui ont conduit nombre d'observateurs et d'acteurs de la vie publique à revenir sur terre. L'explosion de l'économie numérique avait pu donner l'impression que tout devenait virtuel, que l'on choisissait ses communautés d'appartenance, que les GAFAM suffiraient à répondre aux besoins individuels, transcendant les nations et leur disputant la souveraineté, abolissant les corps intermédiaires. Dans de nombreux pays, des mouvements populaires, d'un nouveau type, comme les printemps arabes, les parapluies à Hong-Kong, etc., connaissent souvent une récupération politique, mais ont pour caractéristique commune de vouloir réoccuper l'espace public avec un symbole concret. En France, ce furent les Gilets jaunes, qui ne demandaient au départ ni le référendum d'initiative citoyenne (RIC), ni la suppression de l'ENA, mais s'opposaient à l'augmentation de la taxe sur le gazole. Nous redécouvrons l'espace et le temps.

Lors de ces événements, la gestion du maintien de l'ordre a donné lieu à de nombreuses critiques et certaines leçons en ont été tirées. Il en est une qui reste à affirmer : on ne peut assurer le rétablissement et le maintien de l'ordre que de près, à portée de boulon et de pavé. En face à face, on négocie jusqu'au bout. C'est pourquoi il faut dans chaque département une autorité responsable du fait que force restera à la loi de la République. Jusqu'à présent, cette autorité est celle du préfet.

J'appelle votre attention sur la vigilance à accorder à la réforme des services territoriaux de la sécurité. Il faut qu'il s'agisse d'une autorité administrative, civile qui mette en branle la force publique.

Nul n'a pu nier le caractère chaotique de la gestion de la crise sanitaire. Certes, le virus était inconnu, mais la France disposait d'un plan pandémie interministériel, qui aurait permis une gestion territoriale différenciée sur le terrain, par les préfets, en lien avec les maires et les collectivités territoriales. Ce plan n'a pas été déclenché. Ce choix incompréhensible a été lourd de conséquences. On s'est contenté d'un plan sectoriel, géré par les ARS. Tardivement, le couple maire/préfet a été redécouvert, pour bien vite l'oublier. En réalité, l'efficacité a dépendu de la capacité de coordination entre les différentes autorités, rôle que ni le ministre de la Santé, ni les ARS ne pouvaient jouer.

Non, nous ne sommes pas des avatars dans un monde virtuel. Nous sommes des individus qui se déplacent, ont des besoins vitaux, s'affrontent parfois physiquement, souffrent et meurent parfois. Toutes ces réalités nécessitent une organisation collective sur le terrain : telles sont les missions des services territoriaux de l'État.

J'écarte à ce stade l'hypothèse de la disparition du préfet et de son remplacement éventuel par un élu, ministre, président ou gouverneur. En effet, nous sommes sous le régime de la réforme constitutionnelle de 2003, accompagnée par l'acte 2 de la décentralisation, qui a confirmé l'organisation de type préfectoral, tout en en modifiant le statut. Jusqu'à 2003, l'article 72 de la Constitution parlait d'un délégué du Gouvernement dans une circonscription administrative de l'État. Depuis le 29 mars 2003, le préfet est un représentant dans les collectivités territoriales, envers lesquelles il a des devoirs. Le préfet n'est en effet plus délégué du Gouvernement, même si le côté politique de cette fonction subsiste, puisqu'il est le représentant de chacun des membres du Gouvernement auprès de ces collectivités territoriales.

La rédaction de 2003 ajoute l'expression « représentant de l'État », ce qui entérine une formule déjà bien présente dans les lois et décrets. Je traduirai cette double fonction par cet adage : « le préfet est le représentant sur le territoire de l'État dans sa permanence et des gouvernements dans leur alternance ».

Il est à présent question de la suppression du corps préfectoral. Cela n'est pas un débat corporatiste. L'institution préfectorale remonte au Consulat, mais la création du corps, en 1950, s'inscrivait dans un mouvement de modernisation de l'administration dans l'après-guerre, à la suite de la création de l'ENA en 1945. La littérature nous avait dressé des portraits rarement flatteurs des préfets d'avant-guerre, mondains ou très politiques, etc. La création du corps préfectoral est une rupture. Il s'agit d'une professionnalisation et la reconnaissance d'un métier, qui s'est accompagnée de la définition de modalités de recrutement, mais aussi d'éléments extérieurs. Ces recrutements sont maintenant majoritaires chez les sous-préfets et représentent la moitié des préfets, l'autre moitié étant issus de l'ENA.

Les précédentes réformes touchant le corps préfectoral avaient été menées en cohérence avec des réformes plus larges de la décentralisation et de l'aménagement du territoire. En 1964 est promulguée une réforme du statut accompagnant l'amorce d'une décentralisation, avec la création de directions départementales. Les décrets du 10 mai 1982, instituant les commissaires de la République et les principes de la déconcentration, faisaient suite à la grande loi de décentralisation du 2 mars 1982. La nouvelle modification du décret statutaire des préfets en 2004 se situait dans la droite ligne de l'acte 2 de la décentralisation de 2003. Aujourd'hui, il ne s'agit plus de réformer le statut du corps préfectoral, mais de le supprimer, sans lien évident avec une grande étape de décentralisation.

Cet impact de la fonctionnalisation permettra le recrutement de préfets complètement extérieurs au service public, dans des proportions non contingentées. Or, les proportions sont importantes. Les préfets ont toujours été nommés et révoqués à la discrétion du Gouvernement. Le pourcentage de préfets complètement extérieurs à l'administration était limité à l'origine au cinquième de l'effectif global, pourcentage porté au tiers en 2009. En tant que gestionnaire du corps, j'ai pratiqué ce recrutement diversifié, qui, à doses maîtrisées, apporte une expérience différente, qui enrichit le métier. Mais si l'on ne veut pas perdre en compétences, il reste difficile à gérer. Une nomination de préfet nécessite de trouver une concordance entre un profil, une collectivité départementale, son terrain, ses caractéristiques, ses élus et des circonstances et des enjeux variables dans le temps. Selon moi, la gestion des corps est très liée à la connaissance structurelle et conjoncturelle du territoire. C'est pourquoi son transfert éventuel à la délégation interministérielle à l'encadrement supérieur de l'État (DIESE) engendrerait une perte de lien avec le territoire.

La fonctionnalisation emporte plusieurs risques, un excès de politisation, une perte de compétences et une mauvaise adéquation aux collectivités territoriales.

Je voudrais m'interroger avec vous sur la notion de « cadres dirigeants » et de « corps intermédiaires ». Dans cette réforme de la haute fonction publique, on voit disparaître la notion de « cadres dirigeants de métier », au profit d'une vaste catégorie d'encadrement supérieur de l'État. Les hauts fonctionnaires de métier sont-ils voués à la simple mise en oeuvre ou sont-ils toujours des fonctionnaires de conception et de direction ? Cet écrasement de la hiérarchie se constate dans les grandes entreprises. Ne procède-t-il pas d'un mouvement de contournement des corps intermédiaires, que les collectivités locales ont pu constater à leur détriment dans la gestion de la pandémie ? Or, les politiques publiques sont très souvent partagées entre l'État et les collectivités locales et ne peuvent être conçues sans associer ceux qui seront chargés de leur mise en oeuvre.

La circulaire du Premier ministre du 19 avril 2021 définit la feuille de route des préfets, avec une dizaine d'indicateurs à choisir parmi 68 politiques prioritaires. Cette méthode strictement descendante est pour moi regrettable. Depuis les années 2000, nous avons envisagé l'élaboration d'un projet d'action stratégique de l'État en régions et dans les départements, permettant au préfet d'élaborer lui-même sa feuille de route, en lien avec les acteurs locaux. Dans les exercices de contractualisation entre l'État et les collectivités territoriales, on constate une insuffisance de la phase d'analyse commune des besoins de la collectivité et des populations, pour se résumer parfois à faire entrer les projets locaux dans des cases prédéfinies.

Avec les vagues successives de décentralisation, de nombreuses missions opérationnelles de l'État, pour l'essentiel exercées au niveau départemental, ont été transférées aux collectivités territoriales, notamment aux départements, voire aux communes, comme l'urbanisme. Après plusieurs vagues de transfert, il a fallu recomposer, dans un périmètre réduit.

En 2007, j'avais essayé de fonder la réforme de l'organisation administrative de l'État sur quelques principes directeurs. J'ai proposé que les services régionaux, regroupés dans huit pôles préfigurant les Directions correspondant au bloc ministériel, attirent des expertises spécialisées dont l'État a toujours besoin sur les territoires. A l'époque, on pouvait déjà observer que ces expertises n'existaient plus au niveau départemental. Il fallait aussi éviter les doublons avec les collectivités territoriales. En revanche, il fallait répondre aux besoins de proximité de la population, notamment au regard de l'extension de la numérisation de l'administration et des téléprocédures. Il fallait donc réorganiser les services départementaux de l'État, non sous l'angle des découpages ministériels, mais selon un vécu local.

J'ai également proposé que l'on clarifie la subordination des préfets de département aux préfets de région, s'agissant de l'adaptation et de la mise en oeuvre des politiques publiques. J'ai aussi proposé une responsabilité totale du préfet de département pour la sécurité, la gestion de crise et la gestion de l'immigration. La création des grandes régions a bousculé cet équilibre et appelle sans doute une reconfiguration du réseau.

Pour conclure, l'organisation territoriale de l'État me semble entretenir un lien fort avec celle des collectivités territoriales, mais elle n'est cependant pas séparable de l'évolution de l'État central et de ses opérateurs. Une partie de la réponse réside dans l'architecture de la loi organique relative aux lois de finance (LOLF). Des efforts ont été entrepris pour éviter les silos, mais ces efforts demeurent trop légers.

La judiciarisation de l'action publique constitue un autre déterminant des missions de l'État, faisant encourir un risque personnel à de nombreux agents. Ce processus engendre une inflation des fonctions d'inspection et de contrôle. Par ailleurs, une réflexion doit être menée sur le périmètre même de l'action publique, mais c'est une autre affaire.

M. Éric Kerrouche, rapporteur . - J'ai beaucoup travaillé sur la socialisation dans le corps préfectoral. Vous avez évoqué un déséquilibre progressif dans le corps, ce qui me paraît la menace que fait planer la réforme. Être préfet ou sous-préfet, c'est apprendre le métier de l'État. L'équilibre est subtil et il semble nécessaire de maintenir une certaine culture préfectorale, qui risque d'être remise en cause dans le temps, déséquilibrant ainsi la gouvernance de nos territoires. La fin du corps préfectoral me semble très problématique, d'autant que celui-ci est déjà grandement ouvert sur l'extérieur.

De nombreux travaux portent sur l'externalisation de l'État. Nous constatons un recours à une main-d'oeuvre contractuelle, notamment dans les sous-préfectures. Peut-on faire fonctionner l'État avec des béquilles sur les territoires ? Ces institutions, qui représentent parfois des coquilles vides, ont-elles encore un sens ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur . - Effectivement, l'inquiétude est grandissante au sujet de la disparition du corps des préfets. Les élus locaux se plaignent souvent que ceux-ci font avant tout descendre l'information des ministères, sans toujours jouer un rôle d'accompagnement et de proximité. Ne pensez-vous pas que cette réforme du corps préfectoral va encore amplifier ce phénomène ?

Ma dernière question concerne la représentation dans les territoires. L'efficacité de l'administration territoriale de l'État repose sur la proximité et les liens humains. Aujourd'hui, les Maisons France Services vous paraissent-elles répondre à cet enjeu de proximité ?

Mme Bernadette Malgorn . - Effectivement, on souligne aisément le risque de la politisation, mais moins l'évolution même du métier, qui est un métier de vocation. Ce métier souffre d'un problème d'attractivité. L'accroissement des nominations extérieures signifierait que les sous-préfets en passe d'être nommés préfets n'auraient pas de perspectives de carrière. Selon moi, il ne faut donc pas aller dans ce sens.

En ce qui concerne la question de l'externalisation et du recours aux contractuels, l'État ne peut pas développer en son sein toutes les expertises. La délégation de service public doit être encadrée et l'État doit conserver sa capacité de maîtrise d'ouvrage, pour énoncer le besoin que l'on veut voir couvrir par l'externalisation.

Quant à l'embauche de contractuels pour faire face à un manque d'attractivité de certaines localisations, il s'agit d'un élément devant entrer en ligne de compte lorsque l'on réfléchit à la reconfiguration du réseau territorial.

Certains sujets ont en outre été occultés. La gestion de la poussée de l'immigration a par exemple nécessité de recourir à des contractuels. Les files d'attente aux portes des préfectures et des sous-préfectures sont en effet constituées d'étrangers en attente d'étude de leur dossier. Il a donc fallu recourir à des contractuels pour répondre à ces demandes.

Certes, le préfet est de plus en plus poussé à jouer un rôle descendant. Un cadre dirigeant est-il nécessaire pour faire ce métier ? Avec les réseaux sociaux et internet, chacun peut se rendre compte des décisions du Gouvernement et des débats du Parlement. Nous pouvons relier ce phénomène à une tendance managériale, que l'on constate également dans le monde de l'entreprise, avec le débat sur le malaise des cadres et des hiérarchies intermédiaires. Si ce rôle de préfet se borne à commenter ce dont chacun peut se rendre compte, s'agit-il véritablement d'un métier ? Dans ce cas, des amateurs, proches du pouvoir politique, feraient sans doute de meilleurs commentateurs que les hauts fonctionnaires. Cette tendance n'est pas liée à la centralisation ni à la déconcentration, mais renvoie au fonctionnement interne de l'État. Il s'agit d'une méthode de gouvernance, qui se traduit par un affadissement de la responsabilité administrative et politique, supplantée par la responsabilité pénale. La gestion chaotique de la crise sanitaire peut ainsi s'expliquer par une identification des risques pénaux dans la gestion de ce type de crise. Les décisions ont dès lors été prises par celui qui ne courait pas de risques en la matière, le Président de la République, qui s'est doté d'un Conseil de Défense, sans transparence. Or, pour résoudre une crise, l'efficacité suppose que chacun des acteurs soit conscient de son rôle et de ses relations avec les autres responsables.

Pour répondre à une autre question, s'agissant de la mise en oeuvre des politiques, nous disposons désormais d'outils, tels que les téléprocédures ou l'accès de plus en plus large à des données. A ce titre, des médiateurs sont nécessaires. Plusieurs dispositifs ont été mis en place, avec des résultats qui semblent très variables en fonction des territoires. Ils sont parfois forcément appréciés, alors que parfois, ils demeurent à peine identifiés. Or, pour les citoyens, l'ensemble des services publics forme un tout.

M. Jean-Michel Houllegatte . - Madame la Préfète, vous êtes également conseillère communautaire. Quel regard portez-vous sur la fonction publique territoriale ? En quoi cette dernière et la fonction publique d'État territorialisée peuvent-elles se rejoindre ? La création d'un corps unique territorialisé vous semble-t-elle envisageable ?

Mme Sonia de La Provôté . - Je souhaitais évoquer les sujets de l'urbanisme et de l'aménagement, domaines de politiques publiques où plusieurs difficultés s'expriment. Dans ces domaines, les élus locaux font face à de multiples interlocuteurs de l'État et parfois à des injonctions contradictoires, engendrant de grandes difficultés. Quel regard portez-vous sur cette situation ? S'ajoutent à ces difficultés des différences d'interprétation d'un territoire à l'autre, d'une région à l'autre, selon les interlocuteurs de l'État et leur vision de la règle ou de la norme. N'y voyez-vous pas une nécessité d'une harmonisation nationale sur la vision que l'État doit avoir de l'interprétation de la règle, avec des possibilités de dérogations locales ?

Mme Bernadette Malgorn . - En ce qui concerne les liens entre la fonction publique territoriale et la fonction publique d'État, j'attache une certaine importance au statut, qui crée une culture commune, une déontologie, soit une base permettant des échanges. Les mobilités entre la fonction publique territoriale et la fonction publique de l'État sont positives, mais des fusions de corps d'administrateurs pourraient ne pas être les plus indiquées. Ces fusions seraient sans doute plus faciles à opérer pour des corps techniques, mais il semble qu'au contraire, dans la fonction publique territoriale, on cherche à rapprocher les administratifs et les techniciens. Pour ce qui est des administrateurs de l'État et des administrateurs territoriaux, il faut étudier les fonctions considérées. Le préfet est par exemple personnellement, politiquement et administrativement responsable, alors que, dans la fonction publique territoriale, même les directeurs généraux des services sont sous la responsabilité de l'exécutif. Les positionnements, les niveaux de responsabilité personnelle, etc., sont très différents, ce qui n'empêche pas cependant qu'un certain nombre de hauts fonctionnaires des collectivités territoriales soient devenus préfets avec efficacité. Ceux qui y sont parvenus sont ceux qui ont véritablement épousé la fonction.

C'est également sous l'angle de la responsabilité que je répondrai à Madame de La Provôté. Dans notre organisation administrative, on souffre du maintien de tous les principes d'application du droit continental, alors qu'on importe également largement le droit anglo-saxon, la soft law et des normes techniques. Chaque administration examine les projets sous l'angle de son propre code et de l'ensemble de la jurisprudence, pour couvrir les risques. Plutôt que d'envisager des dérogations locales, sans doute faudrait-il simplifier des réglementations. Or, malgré la complexité et l'évolution du monde, les préfets doivent prendre des décisions. C'est d'ailleurs pour ces prises de décision que nous avons besoin de responsables politiques et administratifs. Toutefois, l'action menée sous le regard permanent du monde entier, via les réseaux sociaux, rend l'exercice encore plus complexe. Sans doute s'agit-il là d'une raison supplémentaire pour laisser davantage de marge de manoeuvre.

Mme Françoise Gatel, Présidente . - Merci beaucoup, Madame la Préfète, pour votre regard toujours incisif, très factuel, tourné vers l'efficacité et un horizon très large.

- COMPTE RENDU DU MERCREDI 6 OCTOBRE 2021

Audition de M. Christophe Mirmand, préfet, président de l'Association du Corps préfectoral et des Hauts Fonctionnaires du ministère de l'Intérieur

Mme Françoise Gatel, présidente . - Monsieur le Préfet, je suis très heureuse de vous accueillir au nom de la délégation. Cette audition s'inscrit dans la continuité de deux précédentes auditions que nous avons menées en juin : celle de votre ancienne collègue en Bretagne, Bernadette Malgorn, et celle du président de la 4e chambre de la Cour des comptes, qui est en charge du suivi des services déconcentrés de l'État.

Notre audition cet après-midi est destinée à nourrir la mission d'information, initiée par la délégation, sur les services déconcentrés et préfectoraux, conduite par nos deux collègues, Agnès Canayer, sénatrice de la Seine-Maritime, et Eric Kerrouche, sénateur des Landes. Chaque élu local sait que les réformes sur l'administration déconcentrée n'ont pas manqué et qu'il s'agit d'un perpétuel mouvement. Un débat est en cours sur la fonction publique d'État. Une réalité a été révélée plus que jamais par la crise sanitaire : l'importance d'une bonne articulation entre l'État et les collectivités, et nos territoires, dans toute leur diversité, ont besoin d'une administration d'État, comme l'État a besoin d'assurer sa présence sur ces territoires. La succession de réformes de l'administration traduit sans doute le caractère imparfait de ces réformes et leur résultat incertain. C'est pour cette raison, Monsieur le Préfet, que votre éclairage est particulièrement attendu, puisque vous avez vécu ces mouvements de l'intérieur. Vous avez occupé des responsabilités extrêmement variées. Celles-ci vous permettent d'avoir une vue d'ensemble des services déconcentrés. Je rappelle que vous avez été secrétaire général de préfecture, préfet, directeur de la modernisation de l'administration territoriale, secrétaire général du ministère de l'Intérieur et enfin préfet de région. Vous avez donc successivement été un inspirateur, un moteur et un acteur de ces repositionnements. Nous serons extrêmement intéressés d'entendre, dans un premier temps, le bilan que vous dressez de ces réformes, en particulier s'agissant de la relation entre l'administration déconcentrée et les collectivités territoriales, sujet au coeur des préoccupations du Sénat, qui est la Chambre des territoires, et dont nous avons longuement parlé dans le cadre récent du projet de loi 4 D. Nous aimerions connaître votre analyse du rôle du préfet aujourd'hui dans les territoires. Nous avons beaucoup parlé, suite à la crise sanitaire, du préfet de région, du préfet de département, mais aussi des sous-préfets, qui jouent dans les territoires un rôle irremplaçable de proximité de l'État. Pensez-vous que nous soyons parvenus à un point d'équilibre satisfaisant ? Nous aimerions aussi nous projeter dans l'avenir et identifier les facteurs clés de réussite, ainsi que des éléments factuels, qui permettent d'envisager une réforme de l'administration d'État territoriale performante et efficace. L'objectif que nous poursuivons au Sénat, qui est également le vôtre, est l'efficacité de l'action publique jusqu'au dernier kilomètre, dans une relation parfaitement articulée entre l'État et les collectivités. Naturellement, nous écouterons avec beaucoup d'attention votre parole sur la suppression annoncée du corps préfectoral. Vous nous expliquerez sans doute comment l'association du Corps préfectoral et des Hauts Fonctionnaires du ministère de l'Intérieur aborde cette question, qui pourrait aller jusqu'à faire changer la dénomination de votre association.

Au final, ce sujet passionne les élus locaux, en ceci qu'ils attendent de l'efficacité. Ils ont beaucoup d'exigences vis-à-vis de l'État, ce qui est aussi l'expression de la confiance qu'ils ont dans le rôle de l'État et de leurs attentes à l'égard de l'indispensable efficacité d'un binôme État-collectivités. Les questions seront certainement fournies. J'en poserai deux, puis laisserai la parole à mon collègue premier vice-président, Rémy Pointereau, avant de la passer à nos deux collègues rapporteurs. Vous savez que le Sénat a émis en juillet dernier, à l'initiative du Président du Sénat, Gérard Larcher, 50 propositions pour le plein exercice des libertés locales. Il ne s'agit en aucun cas d'émettre une envie d'autonomie ou de séparatisme des collectivités locales. Ces propositions revendiquent la nécessité de dispositifs différenciés et déconcentrés. Nous avons souhaité remettre au coeur de l'action territoriale de l'État le préfet de département. Ce niveau est en effet extrêmement important, eu égard à la taille de certaines régions. Ma question est double sur ce sujet : comment faire en sorte que le préfet de département puisse exercer de façon efficace sa mission ? Faut-il des moyens supplémentaires ? Faut-il une articulation différente ? Je pense notamment à l'articulation entre le préfet de département et les services de l'État qui sont organisés au plan régional, comme les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) ou les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL). Enfin, que pensez-vous de l'idée évoquée par le Sénat de placer l'ensemble de l'État territorial sous l'autorité du préfet de département et de région, y compris des services qui y échappent aujourd'hui, notamment les autorités régionales de santé (ARS), les directions régionales des finances publiques (DRFIP) et le Rectorat d'académie ? Par analogie, peut-on imaginer un gouvernement dans lequel le Premier ministre n'aurait pas sous son autorité Bercy, le ministère de l'éducation nationale et le ministère de la santé ?

Je vous renouvelle tous mes remerciements et passe la parole au premier vice-président, Rémy Pointereau, qui complètera ces questions, puis à nos deux rapporteurs.

M. Rémy Pointereau, premier vice-président . - Monsieur le Préfet, Madame la Présidente et mes chers collègues, après les nombreuses questions de ma collègue, je voudrais en poser trois questions supplémentaires. Les services déconcentrés de l'État ont bien sûr besoin d'une administration agile. Pour une meilleure efficacité et une plus grande simplification, il nous faut une gouvernance qui soit plus horizontale. L'une des innovations marquantes de ces dernières années réside dans la création de directions départementales interministérielles (DDI), placées sous l'autorité du préfet et censées améliorer le travail en transversalité des services de l'État. Quel bilan tirez-vous de cette création, du point de vue de la cohérence et de l'unicité de la parole de l'État face aux collectivités territoriales ? Le mouvement « d'agencisation » des politiques publiques ne vient-il pas contrarier cet objectif de cohérence et d'unicité ? Par ailleurs, au regard de l'État territorial, quelles ont été les conséquences les plus notables de la fusion de certaines régions ? L'État s'est-il bien adapté à cette nouvelle donne ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur . - Monsieur le Préfet, nous aurions besoin que vous précisiez un certain nombre de leviers dont disposent aujourd'hui les préfets afin d'appliquer les politiques publiques aux spécificités des territoires. J'interviendrai sur deux sujets particuliers. Le premier concerne le contrôle de légalité. Les services préfectoraux appliquent une stratégie accordant une priorité à certaines matières, notamment les documents budgétaires, la commande publique ou l'urbanisme. Pour moderniser cet accompagnement des collectivités, ne serait-il pas utile de travailler à l'évolution de ce contrôle vers une logique de conseil juridique intervenant plus en amont des décisions et des délibérations, dans un souci d'économie de temps et de véritable partenariat avec les élus locaux ? Le second sujet, récurrent dans les conversations que nous avons avec les élus locaux, est celui de l'assistance en ingénierie territoriale. La disparition de l'assistance technique de l'État pour des raisons de solidarité et d'aménagement du territoire (ATESAT) a été mal perçue par les élus locaux, qui ont considéré, notamment dans les petites communes, qu'ils perdaient un acteur clé dans le montage de leurs projets. Des départements ont tenté de prendre cette place, en offrant une aide aux communes qui se sentaient délaissées. L'État, de son côté, a mis en place une solution alternative dite de « Nouveau conseil aux territoires ». Pensez-vous, Monsieur le Préfet, que celle-ci répondent aux attentes ? Quel retour avez-vous sur ce nouvel accompagnement des collectivités territoriales, notamment dans votre région ? Je vous remercie.

M. Éric Kerrouche, rapporteur . -Monsieur le Préfet, depuis la loi du 28 pluviôse an VIII, le rôle du préfet est tout à fait particulier au sein de la République française. Cette loi risque d'être remise en cause, au vu des dernières annonces qui concernent la possible fonctionnalisation du rôle de préfet et la disparition du corps préfectoral en tant que tel. De nombreuses évolutions ont vu le jour au fil des siècles, eu égard aux fonctions des préfets. Nous nous étions contentés, en 1982, de le renommer brièvement en commissaire de la République, mais le titre de préfet était revenu, faisant écho à l'importance que conservait la fonction sur le territoire. Désormais, il existe un risque de remise en cause. Les équilibres ont en outre été redéfinis entre le rôle du préfet de département et du préfet de région, qui s'est affirmé depuis 1964, et en conséquence de la transformation des collectivités et l'affirmation de structures de plus en plus fortes, notamment les métropoles.

Comment voyez-vous se redessiner cet équilibre à travers les différents rôles joués au sein du corps préfectoral (préfet d'arrondissement, de département, de région) ? Depuis la décentralisation, une vision consiste à considérer que le préfet est un ensemblier et un généraliste de l'administration locale. Pensez-vous avoir toujours, d'une part, les moyens et, d'autre part, les capacités matérielles et humaines pour jouer ce rôle dans les territoires ? Nous attendons beaucoup de l'intégration locale, réalisée sous l'autorité du préfet, d'une administration caractérisée par un fonctionnement en silos, grâce notamment à des évolutions récentes comme la création des DDI. Les services pourraient avoir tendance à s'autonomiser par rapport au préfet, et l ' agencification de l'État conduit à mettre à mal localement l'autorité du préfet. S'agissant de l'incarnation territoriale, quid de l'avenir des sous-préfets, qu'ils soient thématiques ou territoriaux, avec une carte des arrondissements qui n'a pas été revisitée depuis 1926, alors même que les évolutions démographiques ont été importantes ?

Vous l'avez compris, Monsieur le Préfet, nous souhaitons savoir comment faire en sorte que la proximité de l'État, hors du discours, demeure une réalité tangible aussi bien pour l'État que pour les élus locaux. Je vous remercie.

M. Christophe Mirmand , préfet, président de l'Association du Corps préfectoral et des Hauts Fonctionnaires du ministère de l'Intérieur . - Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs les Sénatrices et Sénateurs, je voudrais tout d'abord vous remercier de m'accueillir pour cette audition sur des sujets qui touchent à la fois au corps préfectoral et à ses relations avec les collectivités territoriales, et plus largement à l'organisation de l'administration territoriale, dans une période de changements, avec des perspectives de suppression du corps préfectoral, en tout cas sur le plan statutaire.

Comme vous l'avez rappelé, le corps préfectoral est une institution ancienne, qui a toujours été maintenue par les régimes qui se sont succédés, la représentation de l'État au plan territorial et l'administration départementale demeurant sa mission principale jusqu'à la décentralisation, avec d'autres compétences et attributions, notamment des missions régaliennes tenant à la sécurité et à la charge de représenter le gouvernement, tous ministères confondus, y compris pour la partie des administrations déconcentrées échappant à son autorité hiérarchique. Je pense notamment aux services des finances publiques, aux services académiques ou aux militaires, qui ne sont pas placés sous l'autorité du préfet, sauf quand une réquisition intervient dans les cas de crise. Cette permanence des missions s'inscrit néanmoins dans des cadres qui ont été modifiés au fil des années. Les modifications les plus récentes sont celles intervenues depuis le début des années 2000 en ce qui concerne la réorganisation des services de l'État : révision générale des politiques publiques (RGPP), modernisation de l'action publique (MAP), Réforme de l'administration territoriale de l'État (RéATE), qui ont mis en place une nouvelle articulation de ces services. Depuis la modification du décret de 2004 par le décret du 17 février 2010, l'autorité des préfets de région sur les préfets de département a sans doute fait évoluer l'équilibre des relations entre ces deux niveaux d'administration locale. Je note que vous n'avez pas évoqué dans vos propos le rôle que joue le préfet de zone en matière de gestion de crise, et qui lui aussi évolue, dans le sens d'un élargissement de ses attributions en matière de coordination. Cette évolution concerne y compris la mise en oeuvre des politiques publiques, qui en théorie ne relève pas de sa responsabilité, en particulier en matière de lutte contre l'immigration, où sa fonction est amenée à prendre de l'importance compte tenu de la capacité des préfets de zone à travailler sur des espaces frontaliers importants, mais également dans la profondeur des territoires, compte tenu de la taille de la plupart des zones de défense et de sécurité.

Aujourd'hui, cette organisation de l'administration préfectorale est articulée principalement sur ce pivot qu'est le préfet de département, dans sa relation avec les départements et le préfet de région. Cette relation a été modifiée par le décret de 2010, qui a créé une forme d'autorité hiérarchique du préfet de région sur le préfet de département. À cette époque, la réorganisation de l'administration territoriale était déployée, avec pour objectif principal de créer ces DDI, dont vous avez rappelé le caractère transversal. Certains ministères avaient exprimé une crainte relative au fait que la cohérence de l'action publique soit diluée dans cette interministérialité de l'organisation des services déconcentrés, et que chaque préfet adapte à sa main les politiques publiques pour les décliner au niveau local. Pour éviter ce risque et rassurer la communauté interministérielle, le Premier ministre a décidé de mettre en place un principe d'autorité hiérarchique des préfets de région sur les préfets de département. Le premier ne participe toutefois pas à la nomination des seconds, mais est amené à les évaluer, notamment au titre de la fixation de leur régime indemnitaire. Cette autorité qui avait été instituée dans le décret de 2010 avait pour objectif de garantir, par les instructions que donne le préfet de région au préfet de département, la cohérence de la mise en oeuvre d'une politique publique à l'échelle d'une région, pour éviter, comme dans certains territoires, la situation de préfets de département délivrant des autorisations au titre des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), alors même que les politiques mises en oeuvre au niveau régional commandaient que ces installations soient plutôt réduites. Pour assurer cette cohérence, il a été prévu que le préfet de région puisse donner des instructions au préfet de département voire, le cas échéant, attraire à son niveau certaines des attributions des préfets de département pour les assumer au niveau régional. Depuis 2010, rares ont été les cas de mise en oeuvre de ces dispositions. La plupart du temps, le rapport collégial du préfet de région avec les préfets de département permet de garantir cette cohérence des politiques publiques et d'éviter que de telles discordances ne justifient que des instructions soient données. Néanmoins, dans les faits, ce nouveau fonctionnement de l'État territorial est inscrit dans les habitudes. Le rythme des comités de l'administration régionale (CAR), qui est en général mensuel, permet aux préfets de région, avec les préfets de département et les chefs de services déconcentrés de l'État, de partager les enjeux de la mise en oeuvre des politiques publiques au niveau local. De fait, cette collégialité fonctionne dans des conditions satisfaisantes et garantit la bonne cohérence des politiques publiques, le préfet étant, aussi bien au niveau départemental que régional, à la charnière de la verticalité des politiques ministérielle et de l'horizontalité des territoires. Le rôle des préfets de région est donc, au-delà de leur rôle d'arbitre dans la répartition des moyens de l'État, de veiller au respect de cette cohérence. Il s'agit de l'une des innovations majeures de la réorganisation de l'administration territoriales de l'État (RéATE), qui perdure et s'est déployée sans difficulté particulière.

Vous évoquiez en outre l'organisation territoriale de l'État. Depuis la RéATE, l'organisation est théoriquement interministérielle au niveau départemental, et ministérielle au niveau régional. Ce schéma, issu des travaux consécutifs à la RGPP et mis en oeuvre entre 2008 et 2010 au titre de la RéATE, a été légèrement déformé par une interministérialisation de fait des directions régionales. Ce nouvel équilibre modifie le rôle des préfectures. Avant ces réformes, les préfets de département et de région incarnaient cette interministérialité au niveau territorial. Désormais, elle est assumée par l'organisation des services déconcentrés de l'État, au niveau départemental comme régional. Plus que jamais, le rôle des préfets, au niveau départemental et plus encore au niveau régional, est de faire vivre cette interministérialité dans un double rapport vertical (vers les ministères) et horizontal (vers les territoires). Cette organisation souple permet à l'État territorial d'assumer les responsabilités qui sont les siennes, en donnant plus d'agilité que l'organisation antérieure, strictement ministérielle.

En ce qui concerne la gestion des moyens de l'État, entre 2010 et 2019, le Premier ministre assumait le pilotage des DDI. Les tensions qui avaient entouré la mise en oeuvre de cette organisation se sont néanmoins apaisées. Ce fonctionnement fluide a permis au Premier ministre, en novembre 2019, de décider de confier au ministère de l'Intérieur la responsabilité de l'administration territoriale et de compléter cette évolution interministérielle par des moyens budgétaires et de gestion des effectifs des DDI. Une des grandes difficultés auxquelles les préfets et les chefs de services déconcentrés de l'État étaient confrontés résidait dans la compartimentation des moyens sur des programmes ministériels qui interdisaient de facto , dans une direction constituée de fonctionnaires venant de plusieurs ministères, de pouvoir faire évoluer un agent de catégorie C d'une fonction de secrétariat vers une autre attribution, lorsque celui-ci relevait de deux ministères différents. Le Premier ministre, en lien avec l'ensemble des ministères, a ainsi décidé de simplifier cette architecture, de confier au ministère de l'Intérieur la gestion de l'administration territoriale et de créer un programme nouveau, le programme 364, sur lequel est gérée aujourd'hui la plus grande masse des moyens de l'État territorial au niveau départemental et régional. Ce programme étant confié au ministère de l'Intérieur, les effectifs des DDI, emplois fonctionnels compris, ont été transférés en 2020 à ce dernier. Cette gestion se fait aujourd'hui en bonne harmonie avec les ministères, dans des conditions qui semblent garantir une plus grande agilité au niveau local. En 2021, une réforme supplémentaire est intervenue, avec la mise en place de secrétariats généraux communs (SGC), dans l'objectif de rechercher des économies dégagées par la mutualisation de structures de gestion au niveau départemental. Ils ont été installés à compter du 1 er janvier 2021. L'organisation territoriale continue d'évoluer de façon classique, avec la création récente de directions régionales des entreprises, de l'emploi, du travail et de la solidarité (DREETS), ce qui a impliqué la révision de certaines DDI et la fusion de directions régionales, comme les directions régionales de la jeunesse, de la santé et de la cohésion sociale (DRJSCS) et les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE). La mise en oeuvre de cette organisation est désormais effective.

Vous évoquiez en outre la question des agences. Nous avons effectivement constaté depuis quelques années une accélération de cette forme de filialisation de l'État territorial. Des organisations comme l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), les ARS ou l'Office de la biodiversité traduisent une évolution qui entend donner à certaines politiques publiques un cadre de mise en oeuvre différent, organiquement distinct des services territoriaux de l'État, avec pour certaines d'entre elles une autorité fonctionnelle plus ou moins affirmée et des relations parfois plus distendues, qui amènent à se poser la question de la cohérence de l'action de l'État, à la fois en termes d'affichage des politiques publiques, de lisibilité du rôle des opérateurs au regard des politiques ministérielles et de cohérence par rapport à l'action qui peut être menée au niveau territorial par les préfets de département ou de région. Une réflexion est ainsi en cours, qui viserait à affirmer de façon plus forte l'autorité fonctionnelle des préfets lorsque ces agences sont amenées à intervenir au niveau départemental ou régional, afin de rendre cette cohérence plus lisible pour les services de l'État et pour ses partenaires. Il semble en effet souhaitable d'affirmer, par une politique de communication et des logos mais également par cette autorité fonctionnelle, que l'État doit être cohérent dans toutes ses composantes.

Dans les relations avec les services centraux, les moyens technologiques ont offert l'occasion à un certain nombre d'administrations de reprendre à leur niveau la mise en oeuvre de certaines politiques publiques et de privilégier des formes d'action passant par des appels à manifestation d'intérêt ou des appels à projets nationaux qui ne sont plus instruits ni décidés au niveau local. Il s'agit d'être vigilant, pour que cette forme d'intervention ne prenne pas un caractère systématique. Cette action doit privilégier la décision et la mise en oeuvre au niveau local, dans un cadre dont la cohérence est garantie par le préfet de région, mais avec le contrôle, l'évaluation et la définition des stratégies au niveau national.

Vous m'avez également interrogé sur le rôle des sous-préfets. Il me semble qu'il s'agit d'un élément d'efficacité de l'État et de sa capacité à s'adresser à ses partenaires, dans la profondeur des territoires, à commencer par les collectivités territoriales, à l'avenir desquelles il importe de veiller. Les sous-préfets d'arrondissement correspondent à une réduction du rôle de la préfecture à l'échelle de l'arrondissement, et les 240 arrondissements au niveau national maillent un territoire dont la carte n'a pas évolué depuis la réforme Poincaré en 1926, qui a été complétée par la création d'arrondissements urbains ou périurbains. Ce périmètre peut être modifié à la main des préfets de région pour tenir compte de la carte des intercommunalités. Ces arrondissements sont aujourd'hui indispensables, bien que les moyens qui leur sont confiés soient très limités, sauf pour les sous-préfectures très importantes. Le sous-préfet, quant à lui, a la responsabilité de dénouer la complexité des politiques publiques et d'incarner la profondeur de l'État dans les territoires. Ce rôle doit être maintenu.

Depuis le début des années 2000, tous les services de l'État ont été confrontés à la difficulté de la réduction de leurs moyens, qui peut être estimée entre 25 et 30 %, avec non pas une suppression significative du nombre de missions, mais une évolution des conditions dans lesquelles elles sont remplies. Le numérique et l'efficience plus importante des systèmes d'information ont certainement permis de compenser, dans une certaine mesure, les diminutions d'effectif. Les services de l'État ont une préoccupation constante de maintien d'une capacité d'expertise au niveau territorial pour accompagner les projets des collectivités locales. Cette fonction de conseil auprès des élus est essentielle et difficile à quantifier, puisqu'elle n'est pas dévolue à un service particulier mais largement mise en oeuvre au quotidien par les préfets, sous-préfets et services de l'État.

Vous me posiez la question, Madame la Sénatrice, de la disparition de l'ATESAT. Celle-ci correspondait d'abord à des missions de maîtrise d'oeuvre qui peuvent être assez aisément externalisées par les communes auprès d'un certain nombre de prestataires privés, si elles n'ont pas été assumées par des agences départementales, comme l'ont fait certains départements. Le rôle de l'agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) est aussi d'accompagner les collectivités dans des projets complexes. Enfin, cette contrainte a été rendue nécessaire par l'amoindrissement des moyens de l'État. Nous n'avons pas, au niveau départemental, la capacité de poursuivre des missions d'assistance technique en maîtrise d'oeuvre compte tenu de l'attrition des moyens. En revanche, la fonction de conseil et d'appui se poursuit sur les sujets complexes. C'est pourquoi les préfets et sous-préfets ont un rôle à jouer, en partenariat étroit avec les maires et les conseils départementaux et régionaux.

Vous m'avez en outre interrogé sur le contrôle de légalité. Celui-ci correspond à la faculté confiée à tout citoyen qui a intérêt à agir, à titre individuel ou collectif, de former un recours contre une délibération après avoir, le cas échéant, formé un recours gracieux contre les décisions prises par une collectivité. La transmission de la délibération à la préfecture permet sa mise en oeuvre effective. Le préfet dispose ensuite d'un délai de deux mois pour réaliser le contrôle de légalité correspondant et, le cas échéant, saisir le tribunal administratif. Dans l'organisation des préfectures, cette fonction n'occupe pas un grand nombre de fonctionnaires (de l'ordre de 4 % des effectifs en ce qui concerne les Bouches-du-Rhône). Pour autant, la fonction de conseil n'est pas réduite à ces effectifs, ce conseil étant mis en oeuvre à tous les niveaux.

Le rôle du préfet de zone est également important, même s'il se déploie sur des zones territoriales très vastes, qui lui donnent une responsabilité en matière de répartition des moyens qui sont délégués en appui au préfet de département. Ils ne donnent pas de responsabilité particulière au préfet de zone en matière de pilotage des crises, sauf lorsque celles-ci excèdent, par leur ampleur, la responsabilité d'un préfet de département. Le préfet de zone a, depuis quelques années, une responsabilité de coordination générale en matière de politique migratoire. En effet, le ministre de l'Intérieur lui demande aujourd'hui d'assurer une régulation des placements dans les centres de rétention administrative (CRA) pour optimiser les conditions d'occupation de ces structures.

S'agissant de l'avenir et de la relation du corps préfectoral avec les territoires, depuis 1800, l'institution préfectorale a toujours conservé des fonctions de représentation et d'incarnation de l'État au niveau territorial, le préfet étant le seul fonctionnaire dont les missions sont définies dans la Constitution. Ces fonctions ont vocation à perdurer, de même que cette relation singulière avec les élus locaux et les collectivités territoriales, qui participent de l'efficacité de la mise en oeuvre des politiques publiques.

En termes de points d'attention, vous m'avez interrogé sur la mise en oeuvre d'un principe d'autorité hiérarchique, en particulier sur des directions ou services de l'État qui ne sont pas placés sous l'autorité directe du préfet, comme les directeurs départementaux ou régionaux des finances publiques ou les recteurs et directeurs académiques. Cette question peut être soulevée par souci de cohérence de l'État territorial. Un principe doit à mon sens être rappelé : l'unicité du commandement de l'État territorial, comme de l'État national, en situation de crise. Celle-ci doit être fermement réaffirmée dans la mise en oeuvre des moyens confiés aux préfets au niveau départemental puis zonal, et également dans le principe de déconcentration. La tentation peut être grande, du fait des possibilités offertes par les systèmes d'information, de piloter la crise depuis le niveau national. Le pilotage opérationnel de la crise doit en l'occurrence être au plus près du lieu où elle se produit, soit le niveau départemental. Cette responsabilité doit demeurer celle du préfet et de l'autorité civile qui a la responsabilité de la direction des forces de l'ordre. Il semble important d'en faire un principe intangible de l'organisation de l'administration déconcentrée.

Enfin, des perspectives de réforme du corps préfectoral se font jour. Cette institution est relativement récente, puisque si la fonction préfectorale est plus que bicentenaire, les corps n'existent que depuis l'immédiat après-guerre. Cette réforme vise à supprimer la notion de corps, au sens statutaire, tout en maintenant les fonctions de représentant de l'État incarnées par le préfet ou le sous-préfet. Cela n'emporte d'ailleurs pas nécessairement de modification du nom de l'association. Il importera de garantir deux éléments. D'abord, il s'agira de garantir le professionnalisme des sous-préfets et des préfets amenés à exercer ces fonctions sur le territoire, ce qui suppose de veiller, dans l'organisation des carrières, à garantir l'acquisition d'un savoir-faire relatif à l'entretien des relations avec l'ensemble des partenaires locaux. Cette acclimatation à l'administration territoriale n'est pas antagoniste de la diversité des recrutements. De tous les corps de la haute fonction publique, le corps préfectoral est ainsi peut-être le plus accueillant, puisque le recrutement par l'ENA est largement minoritaire. La majorité du corps est aujourd'hui recrutée par détachement ou par intégration de fonctionnaires venant d'autres horizons ministériels et d'autres fonctions publiques, voire de personnes qui ne sont pas originaires de la sphère publique. Par ailleurs, l'association a exprimé la préoccupation d'une animation qui soit encore assurée par le ministère de l'Intérieur, considérant que cette dualité de missions incombant au corps préfectoral (être le représentant de l'État et du gouvernement d'une part, et être l'incarnation de l'interministérialité de l'État au niveau territorial et celui qui détient l'autorité civile sur les services chargés de la sécurité de nos concitoyens d'autre part) doit être garantie, quelle que soit la nouvelle organisation. Le ministère de l'Intérieur, qui a la double responsabilité d'être le ministère des sécurités et de l'administration territoriale, doit garantir le maintien de cette dualité.

Cette réforme importante ne doit pas altérer les principes sur lesquels a été construite cette incarnation symbolique du rôle du préfet pour dialoguer avec les acteurs au niveau local et de cette continuité de l'action publique au niveau territorial. Les préfets et les sous-préfets n'ont ni droit de grève, ni droit syndical et sont soumis à une stricte obligation de loyauté, donc à un devoir de réserve renforcé. Tous ces éléments doivent se retrouver dans le futur statut d'emploi, dont l'élaboration est actuellement en cours entre le ministère de l'Intérieur et le ministère de la Fonction publique.

Mme Françoise Gatel, présidente . - Merci beaucoup, Monsieur le Préfet, pour la qualité et la précision de vos réponses. Je passe la parole à mon collègue, Pascal Martin, sénateur de la Seine-Maritime.

M. Pascal Martin. - Ma question concerne le fonctionnement, après plus de 25 ans, des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) suite aux lois de départementalisation votées dans les années 90. Ceux-ci sont des établissements publics administratifs départementaux placés sous une double autorité : d'une part une partie fonctionnelle, administrative et financière sous l'autorité du président du conseil départemental et d'autre part la partie opérationnelle, placée sous l'autorité du préfet du département concerné. Quel bilan tirez-vous de cette organisation atypique, qui contredit le principe général « qui paie commande » ? En matière de sécurité civile, le principe général consiste à confier au maire la direction des opérations de secours sur son territoire. Le préfet du département devient le directeur des opérations de secours lorsque le sinistre dépasse les limites d'une seule commune. Au quotidien, dans le fonctionnement de l'établissement public, le schéma départemental d'analyse et de couverture des risques (SDACR), arrêté par le préfet du département, consiste à analyser dans le temps l'évolution des risques du département et d'y appliquer une couverture de moyens humains, matériels et de casernes adéquate. Ce document est présenté au conseil d'administration du SDIS, ses conséquences sont non seulement opérationnelles, mais également budgétaires et financières. Je souhaitais connaître votre sentiment sur le fonctionnement de ces SDIS.

Un exemple a fait couler beaucoup d'encre ces derniers mois : la politique de défense extérieure contre l'incendie (DECI). Un arrêté ministériel fixe la doctrine générale, qui est ensuite déclinée par arrêté départemental. Il existe aujourd'hui une certaine incohérence dans le fonctionnement des SDIS, dont le financement est assuré pour l'essentiel par la contribution des départements et par les cotisations communales et intercommunales. L'État ne finance plus les SDIS. Au regard de votre expérience, voyez-vous des évolutions à apporter au fonctionnement des SDIS ?

M. Christophe Mirmand. - Merci, Monsieur le Sénateur, pour votre question qui est importante. Les SDIS reposent sur un mode d'organisation singulier, qui voit les collectivités territoriales jouer un rôle majeur depuis la départementalisation des corps de sapeurs-pompiers. L'organisation confie la gestion, l'administration, l'équipement et l'investissement aux collectivités, tandis que l'État assume la responsabilité de directeur des opérations de secours. Je ne voudrais pas laisser penser que l'État ne participe pas à la sécurité de nos concitoyens. Les moyens nationaux de la sécurité civile sont engagés pour le bénéfice des territoires, y compris pour la lutte contre les incendies, lorsque la solidarité le nécessite. Ces moyens conséquents permettent d'appuyer significativement l'efficacité de l'action conduite au niveau du terrain par les sapeurs-pompiers.

Je ne suis pas certain que ce système doive évoluer. Il me semble important d'éviter la confusion des responsabilités. S'il n'y a pas de confusion de cette nature et si le rôle de chacun est respecté, avec un travail conjoint entre le président du conseil d'administration du SDIS et le préfet, pour suivre les affaires de l'établissement public ou encore adopter le SDACR dans des conditions de complémentarité d'intervention et de contraintes d'investissement et d'armement, il n'y a, selon moi, pas de difficulté systémique qui nous amènerait à reconsidérer cette situation. Il importe de continuer d'oeuvrer dans une logique d'économie de moyens entre l'État et les collectivités territoriales. Le couple que forment le maire et le préfet se décline à d'autres niveaux de collectivités territoriales, et ce rôle d'ensemblier du préfet participe de l'efficacité de l'action collective au niveau local.

M. Laurent Somon. - Monsieur le Préfet, merci pour cet exposé très clair. Je souhaiterais revenir sur le principe de l'autorité hiérarchique fonctionnelle, par rapport aux préfets de département et aux services de l'État déconcentrés qui sont gérés par des agences. Comme vous l'avez indiqué, il ne doit pas y avoir de distorsion, notamment en période de crise. Pour autant, cela devrait aussi être le cas en période ordinaire, où malgré tout se font jour des difficultés avec un certain nombre d'organismes. Si la possibilité de différenciations voire d'expérimentations est actée, comment les préfets de département pourront-ils les mettre en oeuvre s'ils ne disposent pas de l'autorité hiérarchique et fonctionnelle vis-à-vis de ces agences ?

Mme Patricia Schillinger. - Avez-vous connaissance du nombre de préfets en attente de mutation ? Par ailleurs, pendant la période de la crise sanitaire, dans les régions frontalières, les préfets avaient beaucoup de peine à travailler avec les pays frontaliers. Dans le Haut-Rhin, lors d'une déclaration de fermeture de douane, les trois pays n'étaient pas en harmonie, ce qui pose une difficulté particulière pour les travailleurs frontaliers. Un sous-préfet dédié à ces sujets dans ces régions frontalières serait-il utile ?

M. Christophe Mirmand. - Merci, Monsieur le Sénateur et Madame la Sénatrice. S'agissant des relations frontalières, il est exact que le travail est parfois complexe avec nos voisins, dont l'organisation administrative ou politique n'est pas toujours en adéquation avec notre organisation nationale centralisée. Néanmoins, cette préoccupation a été partagée par un travail réalisé entre le ministère de l'Intérieur et le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères. Depuis quelques années, des conseillers diplomatiques sont par ailleurs nommés auprès des préfets de région. Leur rôle est justement de créer des liens bilatéraux, qui reposent souvent sur la relation personnelle entre interlocuteurs, pour fluidifier les relations et permettre de régler un certain nombre de difficultés. J'ai pu constater à quel point cette relation personnelle pouvait influer sur le partenariat avec nos homologues ou avec les autorités des pays avec lesquels nous partageons une frontière.

S'agissant du nombre de préfets en affectation, être préfet suppose à la fois d'être membre d'un corps et d'occuper une fonction territoriale. Un sureffectif pourrait ainsi apparaître dans le corps préfectoral ; il n'en est en réalité rien. 131 postes de préfets et 101 postes de préfets territoriaux, délégués ou, le cas échéant, de préfets adjoints, sont décomptés. Certaines fonctions sont assumées par des préfets de corps, mais dans des fonctions d'administration centrale. Les préfets en instance d'affectation sont en nombre très réduits, puisque la plupart des collègues en administration centrale ont une mission ou une affectation.

Enfin, en ce qui concerne l'autorité fonctionnelle ou hiérarchique, ce principe me semble devoir être rappelé. Je suis personnellement convaincu de la nécessité de renforcer la visibilité de la cohérence des politiques publiques en affirmant clairement cette autorité hiérarchique du préfet de département sur les services déconcentrés de l'État, l'autorité du préfet de région sur les préfets de département, qui s'applique dans la plupart des cas dans la collégialité de la décision, et enfin l'autorité fonctionnelle sur les opérateurs de l'État.

Mme Françoise Gatel, présidente . - Merci, Monsieur le Préfet. Il m'appartient de vous adresser, en mon nom personnel et au nom de la délégation, mes remerciements. Votre intervention était d'une grande qualité et extrêmement complète. Elle répond à la préoccupation qui est la nôtre d'inventer l'avenir avec l'État d'une manière pertinente. Il ne s'agit pas de bloquer les évolutions nécessaires mais, en tant que Chambre des territoires, de nous assurer de la pertinence et de la performance de la réforme. Vous avez parfaitement décrit le rôle d'un préfet. Nous avons retrouvé la fonction d'ensemblier qui est la vôtre sur tout un territoire, dans la relation avec les élus mais également avec tous les acteurs économiques.

Au fil des travaux du Sénat, lors des missions de suivi de la crise sanitaire, je me suis interrogée sur la cohérence entre l'exigence de visibilité et de clarté et le rattachement des préfets au ministère de l'Intérieur. J'estime que celui-ci ne facilite guère l'intelligence de fonctionnement et la porosité des ministères. Pourquoi un préfet n'est-il pas rattaché au Premier ministre ?

M. Christophe Mirmand. - Cette question est ancienne, puisque depuis bien longtemps, notamment dans la préparation et la mise en oeuvre des réformes que j'évoquais plus tôt, elle a été adressée au ministère de l'Intérieur, suspecté au moment de la mise en place des DDI de chercher à capter les économies d'emploi qui pourraient résulter de ces mutualisations. Plus généralement, le fait que le ministère de l'Intérieur incarne cette interministérialité peut être interrogé, alors qu'il est de plus en plus assimilé à un ministère de la sécurité, au mépris du rôle qui est le sien en matière d'administration du territoire, quand bien même que cette attribution figure dans le décret d'attribution du ministre de l'Intérieur. La défiance systémique des autres ministères a été très largement apaisée par le travail collectif conduit depuis 2010. Cette situation que vous évoquez existe, mais n'est pas nécessairement l'hypothèse générale du fonctionnement de l'État. Sur le terrain, dans la relation du préfet avec les directeurs régionaux ou départementaux, elle n'est pas, de fait, constatée. Ce fonctionnement de l'État est en effet plutôt fluide. Dans les circonstances exceptionnelles, le préfet doit être perçu comme le représentant de chacun des ministres, mais également du Premier ministre. Cette coordination de la crise au niveau local doit lui incomber naturellement, sans souffrir aucune exception ni remise en cause. Cette organisation est compatible avec un rattachement du corps préfectoral au ministère de l'Intérieur. Un rattachement à une autre structure, comme le Premier ministre, pourrait poser la question de l'autorité effective du représentant de l'État sur les services chargés de la sécurité au plan local.

Mme Françoise Gatel, présidente . - Merci beaucoup Monsieur le Préfet. Je suis certaine que mes collègues seront très heureux de vous transmettre leur rapport, qui est annoncé pour la fin de l'année ou début janvier.

COMPTE RENDU DU JEUDI 14 OCTOBRE 2021

Audition de M. Thierry Lambert, délégué interministériel à la transformation publique

M. Rémy Pointereau, président . - La délégation interministérielle à la transformation publique (DITP) est le bras armé du gouvernement en matière de simplification au service des collectivités territoriales. Or, cette action de l'État n'apparaît pas avec une grande évidence.

Certes, le pouvoir de dérogation aux normes accordé aux préfets aurait concerné 101 projets de collectivités. Mais en quatre ans d'application, cela n'est pas si considérable. Quelques éléments du projet de loi « 3DS » sont susceptibles d'avoir une dimension simplificatrice (la différenciation, le pouvoir réglementaire local). Mais ce texte reste en navette. Lors de son examen au Sénat, nous n'avons pas senti d'appétence simplificatrice évidente de la part du gouvernement, lequel s'est opposé à la création d'une conférence de dialogue État-collectivités territoriales. Une telle conférence s'avère pourtant essentielle en matière de simplification, car elle permettrait d'unifier la parole de l'État alors que trop de collectivités restent ballottées d'un service à l'autre.

Nous serions donc heureux de vous entendre sur les actions de la DITP en direction des collectivités territoriales. Quels projets de simplification normative relatifs aux collectivités territoriales sont en cours ou achevés ? Quels pilotes les animent ou les coordonnent ?

Le Premier Ministre avait prévu, dans la circulaire du 12 janvier 2018 relative à la simplification du droit et des procédures en vigueur, que chaque directeur d'administration centrale définisse un plan de simplification du droit et des procédures en vigueur relevant de son champ de compétences. Quels volets de ces plans concernent les collectivités ? Quelles principales mesures sont envisagées ? Je rappelle qu'au terme de la circulaire de janvier 2018, la DITP est chargée de suivre et de coordonner ces plans ministériels.

Par ailleurs, dans le cadre du plan de relance, 88 millions d'euros sont spécifiquement dédiés à la transformation numérique des collectivités territoriales. Pourriez-vous nous informer de la destination et de la consommation de ces crédits ?

M. Thierry Lambert, délégué interministériel à la transformation publique . - Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, je vous remercie de me donner l'opportunité de vous présenter la DITP et les actions que nous entreprenons.

La DITP met en oeuvre le programme de transformation publique de l'État défini par les orientations données par le président de la République et les décisions prises par le gouvernement dans le cadre du comité interministériel de transformation publique (CITP) -- dont j'assure le secrétariat.

La DITP est placée sous l'autorité de Madame Amélie de Montchalin, ministre de la transformation et de la fonction publiques, et partage le ministère avec la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) et la direction du numérique (DINUM). L'ensemble des directions interministérielles les plus concernées par la transformation publique sont ainsi placées sous l'autorité d'un même ministre.

Un cadre nouveau a donc été donné à la transformation, un process dont l'objectif a été clair dès le début du quinquennat, renforcé à l'issue du grand débat national et corroboré par l'analyse de la crise sanitaire. Cet objectif consiste en une action publique plus proche, plus simple et plus efficace. En effet, le Président de la République et le Premier Ministre ont toujours affirmé que la territorialisation et la proximité constituent le principal levier de simplification et d'efficacité. Jean Castex a indiqué, lors du CITP de Vesoul, que la modernisation de l'État réside dans la territorialisation de l'action publique. Elle se trouve donc au coeur de notre activité.

Elle repose d'abord sur la confiance accordée aux acteurs de terrain. En effet, dans un contexte complexe marqué par de grandes transitions (écologiques, géopolitiques, sociétales et sanitaires), les acteurs de terrain apparaissent légitimes pour arbitrer et prendre des décisions, car ils connaissent les usagers, les citoyens, les territoires et leur métier.

Cette confiance guide l'action du gouvernement. Elle se concrétise dans plusieurs démarches qui visent à fixer des objectifs, mesurer les résultats et confier l'allocation des ressources aux acteurs de terrain dans un cadre pluriannuel. Le CITP a notamment pris des décisions énergiques sur la déconcentration des décisions individuelles.

La loi ASAP a permis de déconcentrer certaines décisions. Nous n'avons conservé au niveau central que quelques décisions techniquement complexes et suffisamment rares pour que le développement d'une technicité au niveau local ne soit pas justifié. Le droit commun veut que la décision se prenne localement.

Au mois de février, le CITP de Mont-de-Marsan a également pris des décisions importantes qui concernent la déconcentration budgétaire et de la gestion des ressources humaines (RH). Elles ont été approfondies lors du CITP de Vesoul et consolidées dans une circulaire du Premier Ministre. Nous avons donné aux préfets la capacité d'avoir cette latitude de terrain. Nous les avons notamment autorisés à redéployer jusqu'à 3 % de leurs effectifs. Cette souplesse est significative, car les préfets sont aujourd'hui très contraints dans l'affectation des ressources.

Le Premier Ministre a également décidé d'encourager l'action des territoires, notamment en les dotant d'effectifs, car l'administration territoriale a perdu 35 % de ses effectifs dans les douze dernières années. Par ailleurs, le gouvernement a donné un mandat clair de responsabilité générale aux préfets afin de leur donner un rôle d'arbitrage et d'uniformiser la communication. Les feuilles de route transmises cet été par le Premier Ministre reprennent les objectifs des préfets et les projets (étatiques et territoriaux) retenus. Elles seront évaluées.

Nous infléchissons donc significativement les modalités de pilotage des services déconcentrés. Nous affirmons également le préfet comme entrepreneur de l'intérêt général : il doit accepter la différenciation sans rompre le principe d'égalité. Le préfet est également intégrateur : la question du couple préfet-maire est apparue pendant le déconfinement. Dans le cadre de sa déclaration de politique générale, le Premier Ministre a rappelé le rôle principal de cette intelligence collective du terrain en matière d'efficacité et de simplicité. Madame de Montchalin souligne régulièrement que l'action publique se déploie au-delà de l'État et des collectivités : il est important que les acteurs locaux, les associations et les entreprises de l'économie sociale et solidaire (ESS) réfléchissent ensemble à orienter leur action vers la plus grande efficacité de l'action publique en général pour les usagers.

Dans le cadre du projet Démat.ADS, qui vise à dématérialiser l'application du droit des sols, l'État et les collectivités territoriales sont associés pour partager efficacement un même process et un même outil.

Dans le cadre des laboratoires d'innovation territoriale, l'État et les conseils régionaux, les conseils départementaux ou les métropoles partagent les talents, les ressources et l'énergie pour trouver des solutions à taille humaine inspirées des besoins des usagers dans les territoires pour que les services publics soient toujours plus simples et plus efficaces. À Rennes, le conseil régional et la préfecture de région partagent un laboratoire et travaillent avec plusieurs métropoles pour apporter des solutions à l'insertion des jeunes. Il est important que tous les acteurs concernés définissent ensemble un plan d'action cohérent et efficace.

La Ministre de la transformation et de la fonction publiques a étendu le dispositif France Expérimentation, initialement réservé aux entreprises innovantes, pour permettre aux préfets de saisir l'administration centrale afin d'obtenir des arbitrages très rapides sur l'expérimentation ou l'application définitive d'un changement de réglementation. La loi « 3DS » sera utilisée dans ce cadre.

Je voudrais également insister sur la culture du résultat et la culture du dernier kilomètre, car, traditionnellement, l'administration exerce son pilotage au moyen de la norme et du budget. Or, nous ne sommes pas sûrs que les Français voient l'impact d'une loi lorsqu'elle est votée. La DITP a donc créé, à la demande du Président de la République et du Premier Ministre, un outil qui permet de mesurer l'impact réel de l'action publique sur les territoires. L'enjeu est de s'assurer qu'une décision politique se concrétise dans la vie de nos concitoyens.

Suite à la remise du rapport de Messieurs Taquet et Serres, lequel a mis en évidence les difficultés que rencontrent les personnes en situation de handicap pour effectuer leurs démarches, le gouvernement a pris deux décisions importantes : la réduction du délai d'accès aux allocations dédiées aux adultes handicapés et le droit à vie.

Dans les maisons départementales pour les personnes handicapées (MDPH), les personnes handicapées devaient faire vérifier leurs droits régulièrement alors que certains handicaps n'évoluent pas. Le droit à vie a donc été créé, mais, aujourd'hui, il n'est pas garanti partout sur le territoire. C'est pourquoi nous en mesurons l'application dans chaque MDPH. Il revient ensuite au préfet de solliciter éventuellement le président du conseil départemental.

Dans cette nouvelle approche, l'impact concret des lois et des décisions politiques prime sur les normes et le budget. Une partie de ce système de pilotage est publié dans le baromètre des résultats de l'action publique, car il est important que les objectifs fixés par le Parlement se retrouvent dans un système de pilotage qui garantit que la décision atteint effectivement le dernier kilomètre.

Enfin, je vous sais très attachés à l'efficacité opérationnelle. Elle représente finalement l'enjeu de simplification, car la simplification normative par le haut est créatrice de normes. Nous avons donc choisi une approche centrée sur l'usager.

• La complexité est d'abord appréhendée par les Français en matière de délais. Les procédures et les services doivent donc être organisés pour que le service public soit rendu plus rapidement. Pour ce faire, nous développons le lean management avec une équipe de consultants et nous avons doté le fonds de transformation de l'action publique (FTAP) de 40 millions d'euros.

• Le numérique reste insuffisant. Le programme de France Services, développé par l'Agence nationale de la cohésion territoriale (ANCT), représente un outil de reconquête du territoire et des quartiers de politique de la ville (QPV). À Rouen, la mairie, les associations, les organismes de service public et l'État collaborent pour apporter une réponse à l'usager.

Le téléphone a été sous-estimé ces dernières années. Or, les Français ne le souhaitent pas : la présence humaine au téléphone reste importante pour rassurer l'utilisateur lorsqu'il suit les procédures administratives.

Nous travaillons également pour rendre les démarches numériques plus accessibles.

Enfin, le programme « Services Publics + » vise l'efficacité opérationnelle. Il définit plusieurs engagements dont les résultats sont ensuite mesurés et publiés sur une plateforme. Il donne également la possibilité aux usagers de partager directement et publiquement leur retour d'expérience.

Cette plateforme nous permettra d'échanger avec les citoyens et de comprendre les grands irritants récurrents, car les agents sont portés par des engagements partagés (droit à l'erreur, confiance, empathie, délais). Nous souhaitons que toutes les parties prenantes (agents, usagers, élus) s'engagent dans un process d'amélioration continue pour installer la confiance au niveau territorial.

M. Philippe Pemezec . - Je vois que l'État est chaque jour plus ventripotent. J'estime qu'il faudrait dégraisser ses effectifs plutôt qu'en renforcer certains services. La réalité est bien différente de vos propos lorsque vous évoquez la simplification ou l'efficacité. Nous venons notamment de découvrir la Haute Autorité environnementale qui semble nous contraindre davantage et sur laquelle le préfet semble n'avoir aucun contrôle. Les maires bâtisseurs sont freinés dans leurs projets de construction.

Vous opérez une déconcentration au détriment de la décentralisation. Or, nous sommes des élus attachés aux prérogatives de nos communes, lesquelles fonctionnaient efficacement sans les services de l'État (préfectures et sous-préfectures). Je suis favorable à la décentralisation plutôt qu'à la déconcentration.

Vous engagez une reconquête territoriale au détriment des élus locaux qui ont la compétence pour agir. Nous avons été déshabillés financièrement, étranglés, asphyxiés. L'État tente désormais de se recomposer, car il n'accepte pas la décentralisation mise en place depuis plusieurs années. Nous sommes chaque jour davantage étouffés par les normes. La réalité est très éloignée de la simplification que vous évoquez et votre implication risque de compliquer encore la situation. Je suis très réservé et sans aucune illusion.

Mme Patricia Schillinger . - Les Maisons France Services commencent à apparaître sur les territoires, notamment dans le Haut-Rhin. Cet outil est efficace, il doit être promu et valorisé. J'estime que le service des passeports et des cartes nationales d'identité (CNI) pourrait y être rattaché, car le site internet ne permet pas de réaliser facilement les démarches.

En outre, les préfets ont besoin d'être accompagnés, car ils n'ont ni assez de moyens ni assez de personnels alors que leur champ de compétences s'élargit. Aujourd'hui les outils sont nouveaux. J'estime important que les parlementaires puissent participer aux projets d'installation, notamment en assistant aux inaugurations des Maisons France Services et en bénéficiant d'un suivi régulier.

M. Laurent Somon . - « L'enfer est pavé de bonnes intentions ». La simplification est souvent évoquée, mais chaque nouvelle réforme complexifie la vie précédente. J'approuve la nécessaire déconcentration des services de l'État, notamment au niveau départemental. Je m'interroge toutefois sur vos capacités à la mettre en oeuvre dès lors que les préfets n'ont pas autorité sur un certain nombre d'agences ou de directions, comme la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) et l'Office français de la biodiversité (OFB).

Les Maisons France Services sont une bonne initiative, car elles permettent de regrouper les services publics. Il a fallu quatre ans pour comprendre que les Maisons de service au public (MSAP) ont essuyé un échec total, car elles se concentraient sur le respect d'une injonction politique plutôt que sur les besoins du terrain identifiés par les binômes maire-préfet.

Quelle est la réelle volonté de décentralisation ? Elle est nécessaire pour redonner la possibilité de se différencier. Comment le préfet pourra-t-il autoriser ou faire appliquer une loi de différenciation alors qu'il n'a pas autorité sur les agences ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur . - Nous menons, avec Eric Kerrouche, une mission sur l'État déconcentré pour la délégation aux collectivités territoriales. Nos premières auditions font apparaître :

• la complexité de l'État territorial, notamment en raison de l'agencification et de l'appauvrissement de l'État dans les territoires ;

• la nécessité de recentrer l'État sur ses missions ;

• l'insuffisance d'accompagnement des élus locaux, lesquels font appel à l'État lorsqu'ils subissent un contrôle de légalité poussé plutôt que pour anticiper leurs projets.

Vous avez évoqué l'accès à l'État territorial et les difficultés que rencontrent les élus locaux pour contacter la préfecture. Un enjeu primordial est de faciliter cet accès aujourd'hui quasiment impossible.

Je suis par ailleurs très investie dans l'insertion des jeunes, que vous avez évoquée à travers les missions locales. Aujourd'hui, nous nous heurtons à la difficulté majeure de contacter un référent ou un responsable de la coordination. Au niveau de l'État, la réorganisation permanente (avec encore récemment la création des directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités - DREETS - et des directions départementales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités - DDEETS -) brouille les cartes et freine la concrétisation des politiques locales. Les interlocuteurs et le contour de leurs missions ne sont pas toujours bien identifiés. Or, nous avons besoin d'un environnement simplifié et stabilisé.

M. Jean-Michel Houllegatte . - Issu du département de la Manche, je constate que le couple maire-préfet fonctionne très bien grâce à toutes les procédures d'aide mises en place (plan de relance et procédures d'aide aux entreprises) et aux outils utilisés ( reportings et workflows ). L'attribution des aides s'est avérée fluide et efficace.

Nous rencontrons pourtant des difficultés et de l'incompréhension dans nos missions classiques d'élus locaux, car les normes sont parfois soumises à interprétation. Elles le sont d'autant plus qu'il existe parfois des injonctions contradictoires, notamment en matière d' « interopérabilité » des normes.

L'exemple de la loi du littoral et des bergeries illustre mon propos. Les bergeries permettent d'accueillir des moutons qui luttent contre les espèces invasives. Le littoral doit-il être protégé envers et contre tout ? Faut-il au contraire lutter contre les espèces invasives au titre du respect de la biodiversité ? Certaines interprétations apparaissent plus ou moins restrictives selon les territoires. J'estime nécessaire d'harmoniser les décisions au niveau national pour éviter l'arbitrage des tribunaux.

M. Rémy Pointereau, président . - Ces sujets restent compliqués, car le fonctionnement du couple maire-préfet dépend de la qualité du préfet. Les préfets demeurent très réservés dans l'utilisation de leur pouvoir de dérogation. Très peu de dérogations ont été formulées ces dernières années.

Par ailleurs, en France, nous votons plus de cinquante textes de loi par an et nos études d'impacts restent insuffisantes. Nous souhaitons de l'efficacité pour nos territoires et nos concitoyens. Essayez de nous convaincre, Monsieur le Délégué, de l'efficacité des prochaines décisions.

M. Thierry Lambert . - La réalité nous montre que certains sujets ont avancé, car la satisfaction des usagers s'est améliorée de quelques points. Les personnes en situation de handicap ont certainement mesuré l'impact des plans réalisés avec les conseils départementaux sur les MDPH.

Nous avons jugulé la production de normes de l'État dans les décrets autonomes, car la création d'une norme s'accompagne de la suppression de deux autres normes. En revanche, les décrets d'application liés aux lois ne sont pas concernés par cette mesure.

Il est vrai que les études d'impact ne précèdent pas nécessairement la création d'une norme. À la différence d'une entreprise privée, le service public ne choisit ni ses clients ni ses produits. L'idée doit donc être confrontée à la réalité.

Dans la relation maire-préfet, les personnalités sont évidemment importantes. Dans les Hautes-Pyrénées, un préfet a mobilisé tous ses services pour traiter en parallèle tous les dossiers relatifs au plan de relance. Quand bien même de nombreuses signatures sont requises, l'organisation de l'État peut garantir une réponse rapide. Les utilisateurs sont satisfaits, car le préfet, en tant qu'interlocuteur unique identifié, garantit la prise de décision. Il rencontre les parties prenantes sur le terrain avant de statuer.

Ces questions sont très concrètes, car il peut suffire de réunir les différents services pour aligner les objectifs dans une décision non dérogatoire. Nous identifions donc une solution managériale, car le droit de déroger relève aussi d'un état d'esprit. Un préfet peut arbitrer même lorsque les injonctions contradictoires sont fortes, notamment entre le développement économique et les enjeux environnementaux. Nous considérons qu'il est plus facile de trouver des solutions en travaillant avec les acteurs de terrain. Nous encourageons donc cette démarche que nous estimons simplificatrice. J'espère que certains maires constateront l'impulsion que nous donnons en changeant les règles et les cultures.

Concernant la décentralisation, mon expérience industrielle m'a appris que les grandes décisions de simplification fonctionnent rarement. Elles sont parfois structurantes, mais une culture d'amélioration continue reste nécessaire. Nous essayons de la mettre en place dans nos services de production. Dans une direction régionale des affaires culturelles (DRAC), nous avons récemment réussi à libérer sept emplois temps plein (ETP) pour les déployer afin de travailler à des délais plus rapides et à une meilleure présence sur le terrain. S'il demeure nécessaire de revoir certaines normes par le haut, les complexités perçues par les Français relèvent de questions très opérationnelles.

Concernant les simplifications systémiques, la communication administrative devient un sujet très important. J'ai récemment visité une Maison France Services avec une association oeuvrant dans l'insertion. J'ai constaté que la compréhension des formulaires, papier ou en ligne, est impossible.

Nous avons donc décidé d'engager un travail de fond sur le langage administratif et de modifier cent formulaires d'ici la fin du cycle -- nous en avons revu cinquante. Cette révision n'est pas aisée : le Cerfa est très efficace pour l'Administration, car il permet de rassembler toutes les informations. En revanche, il ne parle pas à l'usager. Nous faisons donc appel à des docteurs en sciences comportementales pour essayer de renverser la compréhension du document. Cette démarche conduit à reprendre des mots parfois, des textes souvent. Toute la conception du dispositif doit donc être repensée.

Finalement, il est toujours compliqué de faire simple, car la complexité administrative est une simplicité pour l'administration, laquelle ne se met pas dans la peau de l'utilisateur. La question de l'expérience de l'usager avec le service public impose l'internalisation de la complexité, laquelle requiert des ressources complémentaires. Le numérique nous aide, car il nous permet d'être plus efficaces dans le partage d'informations. Il nous offre des perspectives très intéressantes pour simplifier la relation à l'usager et réduire les non-recours, car les personnes les plus fragiles subissent cette complexité. Nous souhaitons devenir une administration proactive, conformément au projet de Madame de Montchalin, pour modifier la perception de nos concitoyens.

Nous évoquerons votre feed-back sur les Maisons France services à l'ANCT. Je précise que le programme « Services Publics+ », qui a été décidé au CITP de Vesoul, vise à réunir au moins une fois par an les élus, les agents et les usagers de chaque service public.

Enfin, pour les passeports et les cartes d'identité, l'agence nationale des titres sécurisés (ANTS) est consciente des blocages constatés. Nous suivons l'avancement de ses travaux.

M. Rémy Pointereau, président . - Obtenir une carte grise par internet relève du parcours du combattant. La dématérialisation doit être performante et efficace.

M. Thierry Lambert . - En réalité, nous travaillons avec peu de moyens par rapport au secteur privé. Les agents très dévoués font de leur mieux. Ils ne sont pas rémunérés comme dans le privé.

M. Rémy Pointereau, président . - Pourriez-vous aborder la consommation des crédits - 88 millions d'euros dédiés à la transformation numérique - ?

M. Thierry Lambert . - La DINUM gère la relation avec les collectivités locales aux côtés de l'ANCT. Nous disposons d'un peu plus de 34 millions d'euros. Nous avons affecté 300 000 euros par département pour les petites et moyennes communes : les préfets ont reçu 300 000 euros chacun pour financer des actions de formation. Actuellement, nous avons reçu des demandes pour 52 millions d'euros. Chaque préfet décide de l'utilisation de ces crédits. Certains ont distribué cette enveloppe à des syndicats.

M. Rémy Pointereau, président . - Ce budget s'ajoute à la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR).

M. Thierry Lambert . - Nous avons également doté les laboratoires d'innovation territoriale de quatre millions d'euros.

M. Rémy Pointereau, président . - Nous ignorons ces mesures.

M. Thierry Lambert . - Nous travaillons avec les collectivités locales, car nous souhaitons que l'innovation émane des territoires et encourage le partage des compétences ( design , numérique, intelligence collective). Dans la région Grand Est, ces financements ouvriront la collaboration avec la région. En Bretagne et en Loire-Atlantique, ce dispositif fonctionne bien.

Nous avons également mis en place un guichet « Démat.ADS » pour permettre aux communes de se raccorder aux nouveaux logiciels.

M. Rémy Pointereau, président . - Je découvre ces sujets. Ont-ils fait l'objet d'une communication ?

M. Thierry Lambert . - Ces dispositifs ont été envisagés en collaboration avec les associations représentant les élus (petites communes, AMF, conseils régionaux). Les régions disposent de 400 000 euros qui peuvent être abondés. Ces budgets donnent une certaine liberté d'action aux communes qui peuvent engager des projets de développement.

Le guichet « Démat.ADS » peut encore être sollicité, mais le raccordement se fera au 1 er janvier 2022. L'enveloppe peut atteindre 16 000 euros : 4 500 euros sont attribués aux centres instructeurs et 400 euros aux communes participantes. Elle permet de financer l'achat du logiciel, son déploiement et des formations. Ce guichet reste ouvert, car le projet est prioritaire. Il permettra une simplification significative pour les services et un meilleur service pour les usagers.

Le projet « Démat.ADS » consiste en la dématérialisation complète de l'instruction des demandes d'autorisation du sol. Il est extrêmement important pour les communes et pour l'État.

M. Rémy Pointereau, président . - Je vous remercie pour tous ces éléments. Nous souhaiterions disposer d'un document synthétisant les financements pour communiquer auprès des élus.

M. Thierry Lambert . - Nous vous transmettrons notre dossier de presse.

M. Rémy Pointereau, président . - Nous constatons qu'il existe encore des marges pour progresser dans la simplification.

M. Thierry Lambert . - Ce travail est permanent, en effet.

RÉSULTATS DE L'ENQUÊTE CONDUITE EN LIGNE AUPRES DES ELUS LOCAUX



Vous êtes :

une femme

373

un homme

1049

Quelle est votre tranche d'âge ?

Moins de 30 ans

21

30 à 39 ans

75

40 à 49 ans

301

50 à 59 ans

382

60 à 69 ans

460

Plus de 70 ans

123

Quel est le plus haut diplôme que vous ayez acquis ?

Sans diplôme

6

Certi?cat d'études primaires

10

Ancien brevet, BEPC

43

CAP/BEP

144

Bac

196

Bac + 2

340

Bac + 3 / + 4

288

Bac + 5 ou plus

390

Actuellement, vous êtes :

Élu(e) communal(e)

1395

Élu(e) intercommunal(e)

579

Élu(e) départemental(e)

50

Élu(e) régional(e)

12

Pouvez-vous préciser la nature de votre mandat ?

Maire

869

Adjoint(e) au maire

242

Conseiller(e) municipal(e)

282

Quelle est la taille de votre commune ?

Jusqu'à 999 habitants

691

De 1 000 à 1 999 habitants

239

De 2 000 à 4 999 habitants

224

De 5 000 à 9 999 habitants

95

De 10 000 à 19 999 habitants

45

De 20 000 à 99 999 habitants

44

100 000 habitants ou plus

9

Pouvez-vous préciser la nature de votre mandat ?

Président(e) d'EPCI

27

Vice-président(e) d'EPCI

263

Conseiller(e) communautaire

281

Quelle est la taille de votre groupement de communes ?

Moins de 15 000 habitants

108

De 15 000 à 30 000 habitants

186

De 30 000 à 50 000 habitants

97

De 50 000 à 100 000 habitants

88

De 100 000 à 300 000 habitants

67

300 000 habitants et plus

27

En incluant votre dernière élection, combien de mandats avez-vous exercé ?

1 mandat

418

2 mandats

427

3 mandats

307

4 mandats et plus

265

Lors de votre prise de fonction, avez-vous reçu une information de la part des services préfectoraux ?

Oui

109

Non

268

Ne se prononce pas

38

Liste départements renseignés lors de l'inscription

01 - Ain

22

02 - Aisne

39

03 - Allier

10

04 - Alpes-de-Haute-Provence

12

05 - Hautes-Alpes

6

06 - Alpes-Maritimes

5

07 - Ardèche

11

08 - Ardennes

18

09 - Ariège

14

10 - Aube

9

11 - Aude

6

12 - Aveyron

7

13 - Bouches-du-Rhône

8

14 - Calvados

31

15 - Cantal

4

16 - Charente

11

17 - Charente-Maritime

18

18 - Cher

8

19 - Corrèze

4

21 - Côte-d'Or

13

22 - Côtes d'Armor

10

23 - Creuse

4

24 - Dordogne

9

25 - Doubs

25

26 - Drôme

18

27 - Eure

18

28 - Eure-et-Loir

9

29 - Finistère

7

30 - Gard

20

31 - Haute-Garonne

26

32 - Gers

24

33 - Gironde

22

34 - Hérault

12

35 - Ille-et-Vilaine

69

36 - Indre

15

37 - Indre-et-Loire

12

38 - Isère

79

39 - Jura

13

40 - Landes

36

41 - Loir-et-Cher

9

42 - Loire

15

43 - Haute-Loire

12

44 - Loire-Atlantique

6

45 - Loiret

18

46 - Lot

9

47 - Lot-et-Garonne

14

48 - Lozère

5

49 - Maine-et-Loire

11

50 - Manche

4

51 - Marne

14

52 - Haute-Marne

15

53 - Mayenne

12

54 - Meurthe-et-Moselle

17

55 - Meuse

18

56 - Morbihan

10

57 - Moselle

26

58 - Nièvre

15

59 - Nord

18

60 - Oise

13

61 - Orne

4

62 - Pas-de-Calais

14

63 - Puy-de-Dôme

16

64 - Pyrénées-Atlantiques

16

65 - Hautes-Pyrénées

12

66 - Pyrénées-Orientales

9

67 - Bas-Rhin

31

68 - Haut-Rhin

10

69 - Rhône

32

70 - Haute-Saône

8

71 - Saône-et-Loire

35

72 - Sarthe

18

73 - Savoie

15

74 - Haute-Savoie

26

75 - Paris

2

76 - Seine-Maritime

31

77 - Seine-et-Marne

12

78 - Yvelines

8

79 - Deux-Sèvres

16

80 - Somme

10

81 - Tarn

8

82 - Tarn-et-Garonne

10

83 - Var

6

84 - Vaucluse

7

85 - Vendée

24

86 - Vienne

8

87 - Haute-Vienne

13

88 - Vosges

9

89 - Yonne

12

90 - Territoire de Belfort

12

91 - Essonne

23

92 - Hauts-de-Seine

4

93 - Seine-Saint-Denis

4

94 - Val-de-Marne

5

95 - Val-D'Oise

2

973 - Guyane

1

974 - La Réunion

2

988 - Nouvelle-Calédonie

1

Autres

1

En vous plaçant sur l'échelle qui suit, pourriez-vous indiquer votre degré de connaissance de cette réforme de l'organisation territoriale de l'État ?

0 = Je ne la connais pas du tout

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10 = Je la connais très bien

Votre degré de connaissance de cette réforme

323

128

161

218

153

191

88

70

27

7

6

Vous diriez que la réforme de l'organisation territoriale de l'État :

Tout à fait d'accord

Plutôt d'accord

Ni d'accord, ni pas d'accord

Plutôt pas d'accord

Pas du tout d'accord

Ne se prononce pas

Est souhaitable

369

476

192

88

53

211

Est pertinente

181

364

274

144

78

301

Répond à mes attentes

62

163

366

166

126

420

Quelle est votre opinion sur les a?rmations suivantes :

Tout à fait d'accord

Plutôt d'accord

Ni d'accord, ni pas d'accord

Plutôt pas d'accord

Pas du tout d'accord

Ne se prononce pas

Il faut ouvrir les fonctions de préfet à des fonctionnaires dont ce n'est pas la fonction d'origine

269

508

195

208

120

98

Les préfets doivent relever d'un corps de hauts fonctionnaires à part entière

134

348

297

302

185

117

Avez-vous eu connaissance du renforcement prévu du rôle du préfet, annoncé lors du Comité interministériel de la transformation publique (CITP) de février 2021 ?

Oui

344

Non

978

Ne se prononce pas

95

Vous estimez que cette évolution :

Tout à fait d'accord

Plutôt d'accord

Ni d'accord, ni pas d'accord

Plutôt pas d'accord

Pas du tout d'accord

Ne se prononce pas

Est souhaitable

62

188

38

35

10

5

Est pertinente

54

175

50

31

13

7

Pourriez-vous donner votre avis sur les a?rmations suivantes :

Tout à fait d'accord

Plutôt d'accord

Ni d'accord, ni pas d'accord

Plutôt pas d'accord

Pas du tout d'accord

Ne se prononce pas

J'ai été su?samment associé(e) aux différentes réformes des services déconcentrés de l'État

4

24

139

406

736

91

Les réformes en cours des services déconcentrés de l'État vont induire un report de charge administrative ou ?nancière vers ma collectivité ou mon EPCI

251

441

227

72

65

346

Avez-vous l'impression que les moyens dont disposent les services déconcentrés de l'État pour répondre à vos demandes sont :

Tout à fait su?sants

33

Plutôt su?sants

182

Ni su?sants, ni insu?sants

207

Plutôt insu?sants

599

Tout à fait insu?sants

230

Ne se prononce pas

167

A l'issue des différents plans de modernisation des services déconcentrés de l'État, avez-vous l'impression de trouver le bon interlocuteur ?

Oui, tout à fait

10

Oui, plutôt

337

Non, plutôt pas

624

Non, pas du tout

240

Ne se prononce pas

205

Plus généralement, estimez-vous que vos interlocuteurs demeurent en fonction assez longtemps pour bien connaître votre territoire ?

Oui, tout à fait

9

Oui, plutôt

232

Non, plutôt pas

661

Non, pas du tout

340

Ne se prononce pas

177

Quelle serait, selon vous, la durée optimale des fonctions des membres du corps préfectoral pour un poste donné ?

2 ans

12

3 ans

90

4 ans

223

5 ans

564

6 ans ou plus

415

Ne se prononce pas

113

Selon vous, le contrôle de légalité pour les collectivités territoriales ou leurs établissements :

Tout à fait d'accord

Plutôt d'accord

Ni d'accord, ni pas d'accord

Plutôt pas d'accord

Pas du tout d'accord

Ne se prononce pas

Est protecteur

302

669

190

111

54

57

Est contraignant

152

422

320

266

142

69

Est e?cace

97

468

386

223

84

105

Est utile

374

668

156

89

28

61

Votre collectivité ou votre établissement transmet-il aux services préfectoraux les actes soumis au contrôle de légalité par voie dématérialisée ?

Oui

1074

Non

127

Ne se prononce pas

208

Selon vous, ce recours à la transmission électronique est :

Tout à fait d'accord

Plutôt d'accord

Ni d'accord, ni pas d'accord

Plutôt pas d'accord

Pas du tout d'accord

Ne se prononce pas

Utile

769

477

78

19

7

51

Rapide

820

416

64

21

7

60

Coûteux

62

135

304

364

350

158

Tout à fait d'accord

Plutôt d'accord

Ni d'accord, ni pas d'accord

Plutôt pas d'accord

Pas du tout d'accord

Ne se prononce pas

E?cace

573

486

160

48

20

92

Quelle est votre opinion sur les a?rmations suivantes :

Tout à fait d'accord

Plutôt d'accord

Ni d'accord, ni pas d'accord

Plutôt pas d'accord

Pas du tout d'accord

Ne se prononce pas

Les services préfectoraux jouent un rôle de conseil important auprès de ma collectivité (ou de mon EPCI)

165

558

285

249

94

53

Le champ des actes transmis aux services préfectoraux au titre du contrôle de légalité doit être réduit

104

389

388

287

112

121

Des démarches d'"autocontrôle" de la légalité des actes par les collectivités territoriales ou leurs groupements sont possibles

89

433

292

248

149

195

Le contrôle de légalité est obsolète. La cour des comptes et le tribunal administratif sont su?sants

58

152

253

468

355

120

Les préfectures doivent consacrer leur temps à d'autres missions que le contrôle de légalité

129

358

314

299

220

83

Il faut supprimer la séparation entre l'ordonnateur et le comptable

128

242

233

274

331

195

Connaissez-vous cette procédure ?

Oui

449

Non

897

Ne se prononce pas

70

L'avez-vous déjà utilisée ?

Oui

104

Non

1046

Ne se prononce pas

262

Si oui, combien de fois ?

1 fois

50

2 fois

33

3 fois et plus

20

Avez-vous reçu une réponse du préfet ?

Toujours

77

Parfois

15

Jamais

12

Comment quali?eriez-vous le niveau d'ingénierie territoriale dont vous disposez ?

Excellent

25

Bon

382

Ni bon, ni mauvais

552

Mauvais

236

Très mauvais

75

Ne se prononce pas

144

Lors du lancement d'un projet complexe sur le plan technique ou juridique par votre collectivité ou votre établissement, vous faites en priorité appel aux services d'ingénierie territoriale de :

L'État ou ses opérateurs (CEREMA, ANCT, ANAH, ADEME, ANRU...)

169

La région

20

Le département

421

L'intercommunalité

308

La commune

69

Pays/PETR

22

Un prestataire privé

248

Ne se prononce pas

160

Êtes-vous satisfait des services d'ingénierie territoriale qui vous sont apportés à cette occasion ?

Oui, tout à fait satisfait

99

Oui, plutôt satisfait

660

Ni satisfait, ni insatisfait

261

Non, plutôt pas satisfait

112

Non, pas du tout satisfait

39

Ne se prononce pas

236

Pouvez-vous en préciser la ou les raisons ? (plusieurs réponses possibles)

Une offre inadaptée

53

Un contenu insu?sant

60

Des délais trop longs

88

Un coût trop élevé

27

Connaissez-vous l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) ?

Oui, tout à fait

185

Oui, plutôt

435

Non, plutôt pas

454

Non, pas du tout

284

Ne se prononce pas

56

Avez-vous déjà fait appel à ses services ?

Oui

144

Non

1040

Ne se prononce pas

220

Vous diriez que l'offre de services publics sur votre territoire est :

Tout à fait satisfaisante

25

Plutôt satisfaisante

408

Ni satisfaisante, ni insatisfaisante

316

Plutôt pas satisfaisante

415

Pas du tout satisfaisante

164

Ne se prononce pas

45

Quelle est votre opinion sur les a?rmations suivantes :

Tout à fait d'accord

Plutôt d'accord

Ni d'accord, ni pas d'accord

Plutôt pas d'accord

Pas du tout d'accord

Ne se prononce pas

Seule une implantation locale des services territoriaux de l'État répond au besoin des Français

490

633

136

82

22

17

Le service public de l'État s'est dégradé sur mon territoire

505

536

181

97

20

45

Le sous-préfet est un interlocuteur privilégié des communes et de leurs groupements

390

514

225

108

42

101

Votre commune comporte-t-elle sur son territoire une structure France Services ?

Oui

332

Non

912

Ne se prononce pas

140

Votre intercommunalité comporte-t-elle sur son territoire une structure France Services ?

Oui

415

Non

96

Ne se prononce pas

67

Selon vous, les structures France Services rendent les services déconcentrés de l'État et plus généralement les services publics :

Tout à fait d'accord

Plutôt d'accord

Ni d'accord, ni pas d'accord

Plutôt pas d'accord

Pas du tout d'accord

Ne se prononce pas

Plus visibles

238

469

231

143

73

221

Plus accessibles

302

501

163

110

82

225

Plus e?caces

171

327

369

139

93

273

N'apporte pas de plus-value

85

151

294

268

276

283

Quelle est la fréquence de vos échanges verbaux avec les personnes ou groupes suivants ?

Tous les jours

2 à 3 fois par semaine

1 fois par semaine

1 à 3 fois par mois

Rarement, jamais

Le préfet

1

3

15

129

1260

Le sous-préfet

1

12

37

355

994

Les représentants des services déconcentrés de l'État

5

39

88

595

677

Si vous deviez faire le bilan des changements intervenus depuis dix ans dans les territoires, indiquez sur l'échelle suivante lequel des deux termes vous semble avoir acquis plus d'importance :

Plus d'importance pour les services centraux

-

-

-

-

Même importance

-

-

-

-

Plus d'importance pour les services déconcentrés

-

210

70

47

71

45

419

143

65

107

37

126

Si vous deviez faire le bilan des changements intervenus depuis dix ans dans les territoires, indiquez sur l'échelle suivante lequel des deux termes vous semble avoir acquis plus d'importance :

Plus d'importance pour les collectivités locales

-

-

-

-

Même importance

-

-

-

-

Plus d'importance pour l'Etat

-

261

106

74

85

61

278

82

46

84

59

201

Si vous deviez faire le bilan des changements intervenus depuis dix ans dans les territoires, indiquez sur l'échelle suivante lequel des deux termes vous semble avoir acquis plus d'importance :

Plus d'importance pour le département

-

-

-

-

Même importance

-

-

-

-

Plus d'importance pour la région

-

139

52

32

57

52

365

81

85

122

94

240

Si vous deviez faire le bilan des changements intervenus depuis dix ans dans les territoires, indiquez sur l'échelle suivante lequel des deux termes vous semble avoir acquis plus d'importance :

Plus d'importance pour la commune

-

-

-

-

Même importance

-

-

-

-

Plus d'importance pour l'EPCI*

-

73

20

17

22

23

188

79

87

159

149

510

Si vous deviez faire le bilan des changements intervenus depuis dix ans dans les territoires, indiquez sur l'échelle suivante lequel des deux termes vous semble avoir acquis plus d'importance :

Plus d'importance pour les élus

-

-

-

-

Même importance

-

-

-

-

Plus d'importance pour le Préfet

-

116

52

44

67

57

421

98

88

106

55

210

Si vous deviez faire le bilan des changements intervenus depuis dix ans dans les territoires, indiquez sur l'échelle suivante lequel des deux termes vous semble avoir acquis plus d'importance :

Plus d'importance pour les élus

-

-

-

-

Même importance

-

-

-

-

Plus d'importance pour le Sous-préfet

-

109

74

43

77

63

455

113

81

75

52

152

Si vous deviez faire le bilan des changements intervenus depuis dix ans dans les territoires, indiquez sur l'échelle suivante lequel des deux termes vous semble avoir acquis plus d'importance :

Plus d'importance pour le secteur public

-

-

-

-

Même importance

-

-

-

-

Plus d'importance pour le secteur privé

-

80

26

31

61

48

439

132

116

118

63

191

Quelle est votre opinion sur les a?rmations suivantes :

Tout à fait d'accord

Plutôt d'accord

Ni d'accord ni pas d'accord

Plutôt pas d'accord

Pas du tout d'accord

Ne se prononce pas

L'organisation territoriale de l'État est trop souvent réformée

304

601

273

115

41

69

L'État doit complètement renoncer aux compétences qu'il a décentralisées

230

501

242

235

121

66

Il y a trop de doublons entre les services de l'État et ceux des collectivités locales

361

566

222

151

46

57

Les collectivités locales ont compensé le retrait de l'État

486

542

114

144

81

35

Les agences de l'État (ANRU, ADEME...) sont trop nombreuses

402

504

257

118

37

83

Les réformes de l'État induisent systématiquement un report de charges sur les collectivités locales

647

606

80

21

15

40

Les sous-préfectures n'ont plus assez de moyens et doivent être supprimées

120

176

300

285

379

135

Préfectures et sous-préfectures jouent toujours un rôle important de conseil

185

587

310

152

106

63

La dématérialisation des procédures administratives est une bonne chose pour les usagers

298

568

209

189

116

18

La dématérialisation des procédures administratives permet des économies de personnel

157

336

334

297

216

63

Les collectivités locales doivent avoir un pouvoir d'adaptation des normes législatives et règlementaires

336

672

164

86

71

65

Selon-vous, quel est le niveau le plus pertinent de présence des services déconcentrés de l'État dans les territoires ?

Régional

111

Départemental

495

Arrondissement

132

EPCI

408

Canton

189

Ne se prononce pas

80

Quelles orientations souhaiteriez-vous que l'État adopte sur le terrain, dans sa relation avec les collectivités territoriales ?

0 = pas du tout souhaitable

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10 = extrêmement souhaitable

Un État conseil

24

21

11

17

29

113

81

184

314

211

391

Un État expert

38

28

19

36

46

178

89

182

269

183

322

Un État facilitateur

13

13

4

3

7

50

36

117

278

254

625

Un État incitateur

46

35

16

35

53

206

144

181

231

164

267

Un État opérateur

77

87

74

129

106

340

153

135

109

55

110

Un État plani?cateur

75

91

73

105

100

295

136

158

147

67

130

Un État protecteur

17

21

14

26

39

143

101

130

238

236

418

Un État stratège

62

63

50

65

67

247

119

139

170

119

271

Quelles améliorations souhaiteriez-vous voir apporter aux services déconcentrés de l'État ?

0 = pas du tout souhaitable

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10 = extrêmement souhaitable

Des services mieux formés

9

9

7

14

14

181

135

194

280

167

369

Des services mieux identi?és

5

7

5

7

5

74

59

153

314

238

527

Des services plus à l'écoute

5

8

7

6

9

98

72

159

292

226

511

Des services plus adaptés

5

10

3

4

10

102

70

174

307

236

461

Des services plus cohérents

4

11

5

4

15

107

67

153

278

248

496

Des services plus disponibles

4

6

10

9

15

109

81

143

237

224

550

Des services plus diversi?es

40

47

28

70

71

298

136

166

169

112

236

Des services plus e?caces

7

9

6

14

11

106

79

143

257

257

496

Des services plus proches

6

13

7

16

14

103

69

122

204

247

585

0 = pas du tout souhaitable

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10 = extrêmement souhaitable

Des services plus stables

5

9

3

15

10

127

82

120

240

257

506

Selon vous, quels devraient être les champs d'action prioritaires des services déconcentrés de l'État ?

0 = pas du tout souhaitable

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10 = tout à fait prioritaire

Aménagement

46

35

25

51

34

216

111

194

240

145

243

Cohésion sociale

20

26

14

41

34

194

123

197

286

162

251

Commande publique

55

58

35

71

77

335

153

176

185

94

98

Contrôle de légalité

22

31

28

58

47

227

131

183

219

158

257

Culture

58

66

68

98

88

331

153

167

142

69

103

Développement économique

37

33

38

40

50

191

113

198

282

152

238

Économie

32

28

41

44

40

218

102

202

269

155

228

Emploi et travail

23

19

29

29

36

163

87

169

270

218

328

Environnement

37

29

28

42

37

170

79

155

254

209

329

Équilibre territorial

34

24

13

27

28

181

108

179

250

206

312

Fonction publique territoriale

49

55

36

62

61

282

108

173

194

136

207

Gestion des crises

14

13

11

21

13

100

74

130

245

258

500

Immigration

30

43

29

60

29

162

64

103

174

177

485

Ingéniérie territoriale

45

25

35

51

45

235

109

185

246

180

205

Logement

48

37

42

55

78

253

135

180

228

131

170

Lutte contre la fraude

23

17

17

22

24

91

71

100

192

238

578

Santé

17

20

12

20

26

86

55

82

200

236

623

Sécurité

15

10

14

15

19

66

46

83

177

255

674

Sport

61

68

74

83

78

323

161

155

168

90

97

Urbanisme

64

59

58

70

62

261

145

150

174

126

196


* 1 Cf. Sénat, rapport d'information n° 181 (2016-2017), « Où va l'État territorial ? Le point de vue des collectivités ».

* 2 1426 élus locaux ont répondu à la consultation conduite via la plateforme du Sénat et 109 préfets/sous-préfets au questionnaire qui leur a été adressé.

* 3 Cf . Sénat, rapport d'information n° 77 (2013-2014), « Les préfectures à l'heure de la réorganisation de l'administration territoriale de l'État (RéATE) », de notre collègue alors Michèle André.

* 4 Cf. conclusions du Comité interministériel pour la modernisation de l'action publique (CIMAP) du 17 juillet 2013.

* 5 Edition du 23 juillet 2021.

* 6 Réponses écrites à vos rapporteurs, en date du 1 er décembre 2021.

* 7 Réponses écrites de l'ADF à vos rapporteurs, en date du 5 octobre 2021.

* 8 Réponses écrites de l'APVF à vos rapporteurs, en date du 5 octobre 2021.

* 9 Réponses écrites de la CFDT à vos rapporteurs, en date du 23 novembre 2021.

* 10 Rapport en date du 11 décembre 2017.

* 11 Hors Guyane.

* 12 Source : direction de la modernisation de l'administration territoriale (DMAT). Les effectifs donnés correspondent au plafond d'emploi accordé.

* 13 Sénat, rapport d'information n° 334 (2019-2020).

* 14 En date du 2 juillet 2020.

* 15 Décision n° 91-291 DC du 6 mai 1991, « Loi instituant une dotation de solidarité urbaine et un fonds de solidarité des communes de la région d'Île-de-France, réformant la dotation globale de fonctionnement des communes et des départements et modifiant le code des communes ».

* 16 Cf. Sénat, rapport d'information n° 560 (2018-2019) de nos collègues alors Jean-Marie Bockel et Mathieu Darnaud, au nom de votre Délégation, « Réduire le poids des normes en aval de leur production : interprétation facilitatrice et pouvoir de dérogation aux normes ».

* 17 En date du 14 avril 2022.

* 18 Audition en séance plénière de votre Délégation en date du 10 janvier 2022.

* 19 « Évaluation de la contractualisation entre l'État et les collectivités territoriales dans le cadre de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté », IGAS (juillet 2021) .

* 20 Édouard Philippe, alors Premier ministre, reprend cette expression dès le 19 avril 2020, suivi par son successeur Jean Castex dans son discours de politique générale, le 15 juillet 2020.

* 21 « Le préfet et les notables », Jean-Pierre Worms (1966).

* 22 Discours à Cormeilles-en-Parisis, le 15 octobre 2021.

* 23 Laurent Burgoa, Question d'actualité au gouvernement, JO Sénat du 26/11/2020.

* 24 « Le couple « maire / préfet » n'existe pas » (7 janvier 2021), https://www.marianne.net/agora/humeurs/le-couple-maire-prefet-nexiste-pas.

* 25 Sénat, rapport d'information n° 579 (2019-2020), « Les enseignements de la consultation nationale menée par le Sénat auprès des élus locaux pendant la période de confinement », de Jean-Marie Bockel et Éric Kerrouche.

* 26 Audition en séance plénière de votre Délégation, le 24 juin 2021.

* 27 Réponse écrite à vos rapporteurs.

* 28 Audition du 19 octobre 2021.

* 29 Idem.

* 30 Réponse écrite de l'ADF au questionnaire adressé par vos rapporteurs.

* 31 Cf. Partie I.B.3.b.

* 32 Le CEREMA tire ses ressources d'une subvention pour charge de service public et des prestations qu'il fournit en dehors des administrations de l'État.

* 33 Rapport de juin 2021.

* 34 Ce contrôle ne doit donc pas revêtir les mêmes caractéristiques que le contrôle hiérarchique exercé par des autorités supérieures de l'État sur des autorités subordonnées. Cet équilibre entre la liberté et le contrôle a été rappelé par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 82-137 DC du 25 février 1982 « Loi relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions ».

* 35 Audition du 20 octobre 2021.

* 36 Audition du 20 octobre 2021.

* 37 Afin de ne pas léser les préfets nommés antérieurement à l'entrée en vigueur du décret, celui-ci leur accorde un droit d'option quant à leur statut. Ainsi, ils pourront choisir de rester préfet ou de devenir administrateur général. Les sous-préfets disposeront de la même possibilité. Ce droit d'option sera ouvert du 1 er janvier au 31 décembre 2023.

* 38 Les sous-préfets, quant à eux, pourront être nommés pour une durée initiale maximale de trois ans. Cette durée pourra toutefois être prolongée sans que la durée totale d'occupation d'un même emploi puisse excéder cinq ans. De la même manière que pour les préfets, la durée maximale d'exercice continu des fonctions de sous-préfet sera de neuf ans (quel que soit le nombre d'emplois occupés pendant cette période).

* 39 Audition du 6 octobre 2021.

* 40 Audition du 7 décembre 2021.

* 41 Sondage CSA auprès des élus locaux pour la Délégation aux collectivités territoriales (novembre 2020).

* 42 Cf . articles 32 et 33 du décret précité .

* 43 Selon le préfet Christophe Mirmand, « le rythme des CAR, qui est en général mensuel, permet aux préfets de région, avec les préfets de département et les chefs de services déconcentrés de l'État, de partager les enjeux de la mise en oeuvre des politiques publiques au niveau local. De fait, cette collégialité fonctionne dans des conditions satisfaisantes et garantit la bonne cohérence des politiques publiques [...] ».

* 44 Audition de Thierry Lambert, délégué interministériel à la transformation publique, le 9 novembre 2021.

* 45 Réponses écrites précitées.

* 46 Source : projet de loi de finances pour 2022, jaune budgétaire « Opérateurs de l'État ».

* 47 Le jaune budgétaire « Opérateurs de l'État », annexé au projet de loi de finances pour 2022, définit ainsi les opérateurs : « La notion d'opérateur de l'État structure le cadre de gouvernance budgétaire des entités majoritairement financées par des subventions de l'État ou des taxes affectées, ou porteurs d'enjeux importants pour l'État. Un organisme qui respecte les critères de qualification suivants doit être intégré dans la liste des opérateurs de l'État :

• une activité de service public qui puisse explicitement se rattacher à la mise en oeuvre d'une politique définie par l'État et identifiée dans la nomenclature budgétaire par destination selon la répartition en mission-programme-action ;

• un financement assuré majoritairement par l'État directement sous forme de subventions ou indirectement via des ressources affectées, notamment fiscales. Ceci n'exclut pas la possibilité pour l'opérateur d'exercer des activités marchandes à titre subsidiaire ;

• un contrôle direct par l'État qui ne se limite pas à un contrôle budgétaire ou économique et financier mais doit relever de l'exercice d'une tutelle ayant capacité à orienter les décisions stratégiques, que cette faculté s'accompagne ou non de la participation au conseil d'administration.

Il est également possible de qualifier d'opérateur de l'État un organisme ne répondant pas à tous les critères ci-dessus, mais considéré comme porteur d'enjeux importants pour l'État. Ainsi, d'autres critères peuvent être pris en compte, tels que :

• le poids de l'organisme dans les crédits ou la réalisation des objectifs du ou des programmes qui le financent ;

• l'exploitation ou l'occupation de biens patrimoniaux remis en dotation ou mis à disposition par l'État ;

• l'appartenance au périmètre des organismes divers d'administration centrale (ODAC) ;

• la présence de la direction du budget au sein de l'organe délibérant prévue par les statuts de l'organisme ».

* 48 Par exemple, « Administrer un monde incertain : les nouvelles bureaucraties techniques. Le cas des agences sanitaires en France », Daniel Benamouzig et Julien Besançon (2005).

* 49 Au nom de votre délégation, notre collègue alors sénatrice Josiane Costes et notre collègue Charles Guené ont développé plus largement l'analyse dans leur rapport d'information « Les collectivités et l'ANCT au défi de l'ingénierie dans les territoires », Sénat, rapport d'information n° 591 (2019 - 2020).

* 50 Yolaine de Courson, députée de la Côte-d'Or, Jérôme Nury, député de l'Orne, et nos collègues Louis-Jean de Nicolay, sénateur de la Sarthe, et Maryse Carrère, sénatrice des Hautes-Pyrénées.

* 51 Les comités de bassin, aux effectifs variables, accordent une représentation importante aux élus locaux. Ainsi, les représentants des parlementaires et des collectivités territoriales représentent 40 % des comités de bassin, tandis que les représentants de l'État représentent seulement 20 % de ces comités.

* 52 Exemple de la composition du conseil de surveillance de l'ARS Auvergne-Rhône-Alpes : https://www.auvergne-rhone-alpes.ars.sante.fr/index.php/gouvernance-1?parent=5443

* 53 Organigramme du conseil d'administration de l'agence de l'eau Loire-Bretagne : https://agence.eau-loire-bretagne.fr/home/agence-de-leau/conseil-administration-agence-eau-loire-bretagne/composition-du-conseil-dadministration.html

* 54 Organigramme du conseil d'administration de l'agence de l'eau Artois-Picardie : https://www.eau-artois-picardie.fr/sites/default/files/trombinoscope_administrateurs_ca_2022.pdf

* 55 Organigramme du conseil d'administration de l'agence de l'eau Seine-Normandie : https://www.eau-seine-normandie.fr/sites/public_file/inline-files/ANNUAIRE_Membres_CA_internet_2022_03_1.pdf

* 56 Organigramme du conseil d'administration de l'agence de l'eau Rhin-Meuse : https://www.eaurmc.fr/jcms/vmr_8283/fr/conseil-d-administration

* 57 Organigramme du conseil d'administration de l'agence de l'eau Rhone-Méditerranée : https://www.eaurmc.fr/jcms/vmr_8283/fr/conseil-d-administration

* 58 Organigramme du conseil d'administration de l'agence de l'eau Adour-Garonne : https://eau-grandsudouest.fr/sites/default/files/2022-04/Composition_trombiCA_Mars%202022.pdf

* 59 Composition du conseil d'administration de l'ADEME : https://expertises.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/conseil-administration-ademe-liste-simplifiee-14-fevrier-2018-14-mars-2018-mis-a-jour-22-12-2021.pdf

* 60 Composition du conseil d'administration de l'ANAH : https://www.anah.fr/qui-sommes-nous/organisation/le-conseil-dadministration/

* 61 Composition du conseil d'administration de l'ANRU : https://www.anru.fr/le-conseil-dadministration

* 62 À l'exception de l'ARS, où ils représentent uniquement 12 %.

* 63 « Le sous-préfet », Pierre Gay (Éditions Berger-Levrault, 1954).

* 64 Entretien accordé au site « Plein Air », rubrique « Vie locale », le 25 juillet 2022.

* 65 Sénat, rapport d'information n° 420 (2016-2017).

* 66 Février 2022.

* 67 Cf . « L'illectronisme ne disparaîtra pas d'un coup de tablette magique ! », Sénat, rapport d'information n° 711 (2019-2020) de Raymond Vall.

* 68 Sénat, rapport d'information n° 420 (2016-2017).

* 69 Les deux départements à ne pas avoir d'arrondissement géré par leur préfecture sont le Val d'Oise (avec pour préfecture Cergy) et Mayotte (avec pour préfecture Mamoudzou).

* 70 Audition du 4 janvier 2022.

* 71 Sénat, rapport d'information n° 753 (2013-2014).

Page mise à jour le

Partager cette page