C. DÉTERMINER LA TRAJECTOIRE FUTURE DE L'OFFICE

1. Que représente l'Office et qui représente l'Office
a) Une représentation historique des associations d'anciens combattants et un lien avec le pouvoir exécutif amené à être remis en cause

Historiquement, l'Office sert de lien entre le Gouvernement, représenté par le ou la ministre ou secrétaire d'État en charge des anciens combattants et le monde combattant, représenté par ses associations.

Ce rôle et cet équilibre historique expliquent la forme actuelle de la gouvernance de l'Office, dont le conseil d'administration est présidé par le membre du Gouvernement en charge des anciens combattants et est divisé en trois collèges, le premier représentant l'administration, le second les associations du monde combattant et le troisième les associations mémorielles et patriotiques.

Ce lien prend à la fois la forme d'une reconnaissance, du fait de l'existence d'un membre du Gouvernement qui soit en charge du monde des anciens combattants, auquel les associations d'anciens combattants sont très attachées, et d'un dialogue : le représentants du Gouvernement et les représentant nationaux des plus grandes associations sont régulièrement réunis autour d'une même table dans le cadre du conseil d'administration.

Deux problématiques se posent.

Premièrement, face à la disparition progressive des anciens combattants et la désaffectation pour la vie associative qui s'y rattache, la question de l'équilibre entre les trois collèges et de la composition du deuxième collège se pose.

Deuxièmement, des difficultés juridiques remettent en cause la présidence du conseil d'administration par le membre du Gouvernement en charge des anciens combattants. Cette forme d'organisation est aujourd'hui remise en cause par des avis, répétés, du Conseil d'État. Ce dernier critique la présidence ès qualité du conseil d'administration de l'Office par le membre du Gouvernement en charge des anciens combattants. Le Conseil d'État établit deux griefs à l'encontre de cette présidence :

- elle serait inconstitutionnelle au regard de l'article 23 de la Constitution 39 ( * ) ;

- elle priverait l'Office de toute autonomie réelle « en plaçant l'autorité de tutelle à la tête de l'organe détenant le pouvoir de décision le plus général en son sein » 40 ( * ) .

Prenant acte de ces avis, le ministère des armées a prévu de supprimer la présidence ès qualité du membre du Gouvernement du conseil d'administration. Les modalités de la nouvelle présidence restent à déterminer.

Le rapporteur spécial se montre sceptique quant à l'inconstitutionnalité alléguée, relevant que l'article 23 de la constitution est d'interprétation stricte 41 ( * ) et que la notion d'« emplois publics » à laquelle il fait référence est interprétée de manière constante comme un emploi de fonctionnaire 42 ( * ) , ce qui ne correspond pas au cas d'une présidence d'établissement public administratif.

Il estime également que le lien privilégié entre le membre du Gouvernement et la communauté combattante reste essentiel à moyen terme et qu'un lien direct entre le ministre et l'opérateur chargé de ma mise en oeuvre de la totalité des politiques dont il a la charge mérite d'être conservé à plus long terme.

Ainsi, s'il n'est pas opposé à une modification du statut du membre du Gouvernement au sein du conseil d'administration de l'ONACVG, le rapporteur spécial insiste pour que ce dernier conserve une place au conseil d'administration de l'Office, afin de conserver le lien historique entre le membre du Gouvernement en charge des anciens combattants et de la mémoire et l'opérateur en charge de mettre en oeuvre ces missions.

Dans l'hypothèse où l'option d'une mise en extinction de l'Office serait retenue, un renforcement du 1 er collège paraîtrait l'option la plus logique face à la baisse de la démographie des anciens combattants. Au contraire, si l'option d'une transition vers les missions de mémoire devait être retenue, un renforcement du 3 e collège, pour conserver une gestion paritaire, pourrait être privilégié.

b) Un organe a priori concurrent : le G12

Le G12 est un organisme complémentaire et concurrent du conseil de l'Office. Il réunit les représentants des principales associations d'anciens combattants, de manière beaucoup plus large que le deuxième collège du conseil d'administration national de l'ONACVG. Au cours des réunions du G12, le Gouvernement va communiquer et présenter aux représentants des associations d'anciens combattants les dernières décisions les concernant. Le G12 se spécialise ainsi dans les sujets « traditionnels » liés au monde combattant, comme le montant du point d'indice de la pension militaire d'invalidité ou le montant de la retraite du combattant. C'est également au cours d'une réunion du G12 qu'ont été présentées aux associations combattantes les évolutions envisagées pour la présidence du conseil d'administration de l'Office.

À ce titre il est notable que les réflexions du groupe de travail tripartite sur l'évolution du point d'indice de la pension militaire d'invalidité 43 ( * ) ont été présentées au G12, quand bien même c'est l'Office qui délivre la retraite du combattant et la carte du combattant qui conditionne l'accès à la retraite du combattant 44 ( * ) .

La différence essentielle entre le G12 et le deuxième collège du conseil d'administration de l'ONACVG tient en ce que le G12 comporte plus d'associations.

Le rapporteur spécial considère que le G12 peut servir de base pour une conservation d'une plateforme de dialogue entre le membre du Gouvernement en charge des anciens combattants et de la mémoire et la communauté combattante si ce dernier n'est plus président ès qualité du conseil d'administration de l'ONACVG.

Recommandation n° 7 : Conserver la présence du ministre chargé des anciens combattants au sein du conseil d'administration de l'Office. Institutionnaliser le G12 et prévoir qu'au moins une séance annuelle est présidée par le ou la ministre, ès qualité.

2. Anticiper sur l'avenir : conserver les capacités d'un opérateur unique et réinvestir dans le rôle mémoriel de l'Office

Si l'hypothèse d'un Office se tournant vers un rôle actif de conservation et de transmission de la mémoire combattante devait être retenue, alors des décisions devront être prises à court terme, ce pour plusieurs raisons : la disparition rapide des témoins directs s'agissant des conflits d'Afrique du Nord, le risque de dégradation des conditions de fonctionnement de l'Office en cas de nouvelles réductions de crédits et la nécessité du renforcement des moyens alloués aux politiques de mémoire autres que les commémorations nationales si une action de lien avec la Nation et avec la jeunesse efficace doit être mise en oeuvre.

a) Des opérations de conservation mémorielles nécessaires à court terme

La population des anciens d'Algérie et des harkis connait actuellement une baisse forte, ce qui met une limite de temps de court ou moyen terme pour toute action se basant sur des témoignages. L'action de l'Office de réalisation de témoignages à quatre voix sur la guerre d'Algérie devant des classes devra s'arrêter d'ici une dizaine d'années faute de témoins. Il en va de même s'agissant du recueil de témoignage à but scientifique.

Aussi si des actions de conservation de la mémoire combattante d'Algérie d'envergure doivent être menées, elles doivent l'être rapidement.

b) La nécessité de conserver le maillage territorial de l'Office à moyen terme

La mise en oeuvre d'une politique de mémoire et de transmission territoriale sur l'ensemble du territoire national nécessite un maillage territorial fin. Idem de l'action de l'Office pour les concours scolaires (petits artistes de la mémoire, bulles de mémoire, concours national de la résistance et de la déportation), du rôle de l'Office comme relais de certaines politiques de la direction du service national et de la jeunesse, de son rôle dans l'organisation du SNU, etc.

L'Office est également le dernier représentant, avec le délégué militaire départemental, de l'institution militaire dans les départements qui n'hébergent plus d'unités militaires.

Si le maillage devait être redimensionné du fait d'un trop faible nombre de ressortissants, alors la quasi-totalité des autres missions de l'Office seraient négativement impactées. Les missions d'accueil et de réparation en faveur des anciens combattants seraient également bien plus difficiles à mettre en oeuvre. Par exemple, le suivi individualisé et l'organisation de moment de convivialité pour les pupilles s'il n'y a plus de service dans leur département de résidence. Il en va de même pour les EHPAD labellisés, qui sont limités à 3 par département car il s'agit du maximum d'EHPAD pour lesquels un directeur local peut assurer un suivi. Si un directeur et son service doivent superviser plusieurs départements, la couverture territoriale des EHPAD labellisés serait nécessairement réduite.

De plus, le redéploiement de l'Office sur des missions mémorielles serait rendu bien plus difficile voire impossible, sauf à rouvrir des antennes locales.

c) Anticiper une transition de l'Office pour éviter une période de rupture

Tant les crédits attribués en propre à l'Office que ceux de la mission budgétaire « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » sont en baisse d'une année sur l'autre. Une réallocation partielle des économies constatées sur la mission pourrait permettre une transition plus douce de l'Office, plutôt que de le voir être plus réduit encore et éventuellement devoir remonter en puissance.

Par ailleurs, eu égard aux montants particulièrement faibles qui sont consacrés aux politiques mémorielles hors journées de commémoration nationale et aux politiques de lien Armées-jeunesse, la réallocation de quelques millions d'euros augmenterait sensiblement les capacités d'action des différents acteurs concernés. Une augmentation de 2 millions d'euros du budget mémoriel à vocation locale de l'Office reviendrait à sextupler ses moyens.


* 39 Les fonctions de membre du Gouvernement sont incompatibles avec l'exercice de tout mandat parlementaire, de toute fonction de représentation professionnelle à caractère national et de tout emploi public ou de toute activité professionnelle. / Une loi organique fixe les conditions dans lesquelles il est pourvu au remplacement des titulaires de tels mandats, fonctions ou emplois. / Le remplacement des membres du Parlement a lieu conformément aux dispositions de l'article 25.

* 40 Avis n° 399240, section de l'administration, séance du 14 janvier 2020.

* 41 Le Conseil constitutionnel indique qu'il ne peut pas être rajouté d'emplois non prévus par la Constitution par voie législative (84-177 DC, 30 août 1984, Statut de la Polynésie française).

* 42 L'article 4 de l'ordonnance n° 58-1099 du 17 novembre 1958 portant loi organique pour l'application de l'article 23 de la Constitution précisant par ailleurs que : « Le membre du Gouvernement titulaire d'un emploi public est remplacé dans ses fonctions et placé d'office, pendant la durée de ses fonctions, en position de disponibilité ou dans la position équivalente prévue par son statut ».

* 43 Dont le rapport a été publié le 17 mars 2021.

* 44 Article L. 611-4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre.

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