B. DES LIMITES QUI FRAGILISENT LA LÉGITIMITÉ ET L'EFFICACITÉ DU ZONAGE : EFFETS DE SEUILS ET MAILLE D'APPLICATION

En 2014, le calcul des critères de classement était effectué à l'échelle de l'EPCI, de l'arrondissement et du canton, et se basait sur trois critères composites :

· critère de faible densité selon des seuils fixés par décret ;

· critère sociodémographique apprécié sur la base du déclin de la population, du déclin de la population active ou de la forte proportion d'emplois agricoles ;

· critère institutionnel imposant d'être membre d'un EPCI à fiscalité propre.

Face à l'augmentation du nombre de communes classées en ZRR et à la difficulté politique de modifier ce dispositif par simple ajustement des seuils, une réforme globale du dispositif visant à stabiliser le nombre de communes concernées a été entreprise.

La réforme de 2015 avait une ambition simplificatrice louable, en fixant le calcul des critères de classement uniquement à l'échelle des EPCI à fiscalité propre, et non plus des arrondissements et des cantons, et en retenant deux critères aux seuils relatifs (médiane des communes) en remplacement des critères fixés par décret.

Dès sa conception, toutefois, cette simplification présentait deux principales limites :

1. Des effets de seuils

Les EPCI à fiscalité propre classés en ZRR sont ceux dont à la fois la densité démographique et le revenu médian sont en-dessous des seuils retenus.

Cela signifie donc sélectionner tous les EPCI à fiscalité propre situés dans le rectangle rouge en bas à gauche du graphique ci-contre.

Pourtant, des effets de seuils patents s'observent : un nombre important d'EPCI à fiscalité propre figure juste au-dessus du seuil de densité mais significativement en-dessous du seuil de revenu.

De même, un certain nombre d'EPCI à fiscalité propre figure au-dessus du seuil de revenu mais en-dessous du seuil de densité. Ainsi, 90 % des communes sortantes à la suite de la réforme de 2015 remplissaient le critère de densité actuellement en vigueur4(*).

C'est par exemple le cas des communautés de communes Coeur de Lozère et Gévaudan : ces deux intercommunalités, sorties du dispositif à la suite de la réforme, sont situées en Lozère, département à la plus faible densité de population de France métropolitaine.

Dès lors, ne retenir que deux critères concomitants peut entraîner des situations inéquitables : alors qu'une commune tout juste en-dessous des seuils de revenus et de densité bénéficie du dispositif, une commune très largement en-dessous du seuil de revenu, mais à peine au-dessus du seuil de densité ne peut en bénéficier.

2. Le choix de retenir l'EPCI comme maille d'application des critères

Cette maille d'application correspond à un niveau agrégé. Or, les données de revenu médian et de densité démographique appréciées au niveau d'un EPCI à fiscalité propre peuvent recouvrir des situations très diverses à l'intérieur de ce périmètre.

La situation de la communauté de communes Pays Fort Sancerrois Val de Loire (Cher) illustre cette diversité de situations : l'intercommunalité qui comprend Belleville-sur-Loire, une commune avec une centrale nucléaire et où le revenu par habitant est élevé, est exclue du dispositif alors même qu'elle intègre également Vailly-sur-Sauldre, la commune la plus pauvre du département.

Cette hétérogénéité a ensuite été renforcée par la loi NOTRe du 7 août 2015, qui a entraîné la constitution d'intercommunalités dites « XXL » : entre le 1er janvier 2016 et le 1er janvier 2017, le nombre moyen de communes par EPCI à fiscalité propre est ainsi passé de 17 à 285(*), soit une augmentation de 52 %.

La fusion des intercommunalités a ainsi conduit à la perte du classement en ZRR pour de nombreuses communes, alors même que leur fragilité persiste.

Par exemple, la simple création de la communauté d'agglomération du Pays Basque (Pyrénées-Atlantiques) en 2017 par la fusion de dix intercommunalités a entraîné la sortie du classement de 114 communes, soit 72 % des communes de la communauté.

Cela implique que le classement ZRR peut, d'une part, retenir des communes qui, prises isolément, n'auraient pas bénéficié du dispositif et, d'autre part, exclure des communes qui auraient mérité, prises isolément, de bénéficier du zonage et de ses mesures.


* 4 Source : rapport d'information « Sauver les zones de revitalisation rurale : un enjeu pour 2020 », 2019, p. 22.

* 5 Source : AdCF, 2017, Bilan des SDCI et nouvelle typologie des communautés, 2018.

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