LISTE DES PROPOSITIONS

Proposition n° 1 : retenir huit critères de classement en ZRR, dont un critère principal de densité, avec des seuils fixés à la médiane, et une combinaison de critères secondaires, à définir, pour garantir une approche fine des fragilités des territoires ruraux.

Proposition n° 2 : appliquer les critères de classement à la maille des communes, pour redonner toute sa légitimité au zonage et mieux correspondre à la réalité des territoires.

Proposition n° 3 : viser a minima un nombre d'environ 19 000 communes incluses en ZRR, pour un zonage plus ciblé et plus juste.

Proposition n° 4 : établir 3 niveaux de zonage ZRR pour différencier les mesures de soutien au développement économique des territoires en fonction de leurs fragilités.

Proposition n° 5 : poursuivre le travail d'anticipation et de construction de la réforme des ZRR, en menant un travail approfondi sur les dispositifs fiscaux, sociaux et de politiques publiques à adosser à chaque niveau de zonage.

ANNEXE :
ÉTUDE PROSPECTIVE À LA DEMANDE
DE LA COMMISSION DE L'AMÉNAGEMENT
DU TERRITOIRE ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

EXAMEN EN COMMISSION

(Mercredi 11 janvier 2023)

M. Jean-François Longeot, président. - Nous allons à présent laisser la parole à Rémy Pointereau pour qu'il nous présente le fruit de ses réflexions destinées à alimenter la future réforme des zones de revitalisation rurale (ZRR) ; je précise que ces réflexions s'appuient sur les résultats d'une étude que nous avons commandée en juillet dernier et feront l'objet d'un rapport d'information.

Les ZRR ont été créées en 1995 par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire afin de prendre en compte les difficultés spécifiques liées à l'implantation ou à la reprise d'activités en milieu rural, en ouvrant droit, d'une part, à des exonérations d'impôts et à des allègements de cotisations patronales, d'autre part, à des bonifications de dotations, ainsi qu'à des politiques publiques adaptées aux contraintes de ces territoires.

Elles ont fait l'objet de plusieurs réformes depuis lors, dont la dernière remonte à 2015, qui a conduit à bouleverser profondément les équilibres de nombreux territoires.

En 2019, notre commission avait pris l'initiative d'élaborer un rapport d'information sur les zones de revitalisation rurale, réalisé en commun avec la commission des finances. Les rapporteurs étaient Rémy Pointereau, Bernard Delcros et Frédérique Espagnac. Ce rapport, adopté le 9 octobre 2019, formulait six propositions relatives à l'avenir des ZRR, dont deux relevaient pleinement du champ de compétences de notre commission.

À la suite de ce rapport, le Parlement a voté la prolongation des ZRR jusqu'au 31 décembre 2023, afin de prévoir un temps suffisant pour envisager une réforme de ce dispositif, auquel les élus du bloc communal sont particulièrement attachés.

Depuis 2019, plusieurs rapports ont été publiés sur les ZRR : je pense aux rapports d'inspection et à un rapport remis en avril 2022 à la demande du Premier ministre Jean Castex, sous l'égide de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales Jacqueline Gourault, par les députés Anne Blanc et Jean-Noël Barrot et les sénateurs Bernard Delcros et Frédérique Espagnac.

Aussi, dans la perspective de la prochaine réforme du dispositif, qui devrait être proposée par le Gouvernement dans le courant de l'année 2023, avant l'expiration de la prorogation, pour une application début 2024, nous avons souhaité, avec Didier Mandelli, Rémy Pointereau et Louis-Jean de Nicolaÿ, que le Sénat puisse disposer de son propre diagnostic territorial sur les fragilités des territoires ruraux et réfléchir à une réforme du dispositif pour mieux l'adapter aux réalités de nos territoires.

Dans cette perspective, nous avons passé un marché public avec un prestataire extérieur, la société Citizing, avec l'appui des services de la questure du Sénat. L'objectif était de tester de façon très concrète deux des six propositions du rapport d'information de notre commission et de la commission des finances réalisé en 2019.

Il s'agissait de la proposition n° 3 issue de ces travaux, qui recommandait une réflexion sur l'échelle d'application des critères fixés par le code général des impôts : l'intercommunalité, la commune ou un régime mixte, et de la proposition n° 4, qui préconisait de réviser les critères pris en compte pour classer les territoires en ZRR ou non, avec un critère principal de densité et six critères secondaires de nature socio-économique.

Il était difficile techniquement de réaliser en interne, au Sénat, les modélisations statistiques nécessaires pour tester ces propositions. À l'été 2022, nous avons donc confié à un cabinet spécialisé le soin d'évaluer les conséquences de ces propositions. Ce dernier nous a rendu son rapport final en décembre 2022, et l'objet de notre réunion est d'en partager les résultats avec vous et d'acter quelques grandes options en vue de la future réforme du dispositif.

Les membres du Bureau ont pu consulter une version provisoire de ce rapport. En résumé, nous sommes très satisfaits du travail réalisé, qui nous permettra d'effectuer les futurs arbitrages politiques nécessaires pour une réforme équitable.

Je précise enfin que nous devrons nécessairement prolonger ce travail en engageant une réflexion commune avec la commission des finances sur les dispositifs à adosser au classement ZRR : exonérations fiscales et sociales, dotations, politiques dérogatoires, etc.

La présentation du jour par notre collègue Rémy Pointereau marque la fin d'une première étape de réflexion sur les critères de classement, qui devra désormais donner lieu à une large concertation au sein de notre assemblée - dont bien sûr le président du Sénat - ainsi qu'avec les élus locaux.

M. Rémy Pointereau. - Il me revient de vous présenter les grandes lignes de l'étude remise à notre commission relative aux zones de revitalisation rurale.

Cette étude concerne uniquement les critères de classement en ZRR, qui relèvent pleinement de la compétence de notre commission. La question des dispositifs fiscaux, sociaux ou spécifiques à adosser au classement ZRR fera l'objet d'un travail approfondi et spécifique, que nous pourrions reprendre avec nos collègues de la commission des finances. Du fait de son expertise reconnue en matière d'aménagement du territoire, notre commission aura également toute légitimité pour émettre ses propres propositions.

Mon propos sera organisé en quatre temps. D'abord, je rappellerai les principales caractéristiques des communes classées en ZRR. Ensuite, je vous présenterai les critères statistiques que je vous propose de retenir, après analyse minutieuse de l'étude prospective qui nous a été remise, afin de correspondre aux critères socio-économiques mentionnés dans la proposition n° 4 de notre rapport de 2019. Puis j'évoquerai les principales règles de décision élaborées avec le prestataire pour l'application des critères de classement, c'est-à-dire la méthodologie pour déterminer le nombre total de communes qui pourraient être classées en ZRR, et la question nodale de la maille d'application du dispositif, c'est-à-dire l'échelle territoriale - commune, canton, arrondissement, établissement public de coopération intercommunale (EPCI) - à laquelle les critères s'appliquent. Enfin, je terminerai en évoquant les règles de décision qui nous permettraient d'ordonner les communes classées en ZRR en trois niveaux de ZRR en fonction de leur degré de fragilité.

Je propose que nous échangions sur ces éléments et que nous évoquions ensemble les prochaines étapes pour valoriser ce travail, sachant que le Gouvernement ambitionne de proposer une réforme des ZRR dans le courant de l'année 2023, pour une application début 2024.

À cet égard, la secrétaire d'État chargée de la ruralité, Dominique Faure, désormais ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, a annoncé le lancement d'une concertation sur les ZRR associant des parlementaires - je n'ai pas été sollicité à ce stade -, des associations d'élus et des représentants du monde économique et associatif. Le préfet François Philizot est chargé de coordonner les travaux et doit remettre ses conclusions dans le courant du mois de janvier.

En tout état de cause, nous disposons désormais de toute la matière suffisante pour évaluer la réforme qui sera proposée par le Gouvernement et, en parallèle ou en complément, pour déposer une proposition de loi visant à rénover les critères et les méthodes de classement des communes en ZRR. Il nous sera loisible d'inscrire le nouveau corpus législatif dédié aux ZRR dans le code général des collectivités territoriales ou dans la loi de 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire. Actuellement, les ZRR sont définies dans un article du code général des impôts relatif à la cotisation foncière des entreprises. Il restera ensuite à imaginer et à définir précisément les dispositifs à adosser aux ZRR.

Je commencerai par rappeler les principales caractéristiques des communes actuellement classées en ZRR. Elles sont globalement de quatre ordres. Les habitants des communes classées en ZRR sont significativement plus âgés que la population des communes en dehors du dispositif, avec une différence d'âge d'environ huit ans. Ces communes sont également plus pauvres, plus faiblement peuplées et elles connaissent un taux de chômage plus élevé que les communes du reste du territoire.

Venons-en désormais aux critères statistiques que nous avons retenus avec le cabinet spécialisé pour correspondre aux critères socio-économiques mentionnés dans notre rapport de 2019 avec la commission des finances.

La proposition n° 4 de notre rapport prévoyait de définir six critères au total. Un critère principal de densité démographique, que doit remplir toute commune aspirant à entrer en ZRR, et cinq critères secondaires : le déclin démographique, apprécié sur plusieurs années ; le revenu par habitant ; un indice d'accessibilité aux services publics et privés - nombre d'artisans, de commerçants, d'agriculteurs et de professionnels de santé ; l'âge moyen de la population ; le nombre de logements vacants ; le nombre de bâtiments d'exploitation vacants.

Pour la densité démographique, nous avons fait le choix de ne pas retenir la mesure traditionnelle effectuée par l'Insee, mais plutôt de nous appuyer sur la nouvelle grille communale de densité, qui a été constituée par l'Insee l'an dernier en lien avec les associations d'élus locaux, en particulier l'Association des maires ruraux de France, et l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). Le but de cette nouvelle définition de la densité est de définir « positivement » et « de façon autonome » les espaces ruraux, et non plus de prendre en compte leur rattachement à un pôle urbain.

La nouvelle grille de densité ainsi établie, qui reprend la méthode développée par l'Union européenne via Eurostat, distingue trois types de densité : les communes densément peuplées, les communes de densité intermédiaire et les communes rurales. Des travaux récents ont permis d'affiner et d'enrichir cette grille, qui comporte désormais sept niveaux, afin de différencier les communes intermédiaires et les communes rurales.

Au sein de ces sept niveaux de densité démographique, nous avons donc retenu les trois derniers niveaux, à savoir : les bourgs ruraux, qui englobent environ 5 000 communes ; le rural à habitat dispersé, qui représente 19 000 communes, et le rural à habitat très dispersé, qui regroupe 7 600 communes.

Pour le critère d'évolution de la population, il n'y a pas de difficulté. Il suffit de fixer une période de référence, par exemple une décennie, et de mesurer un taux de variation de la population. Si ce taux est inférieur à un seuil donné, alors la commune sera jugée fragile selon ce critère. Il nous a paru pertinent de retenir la période 2009-2019.

Pour le critère du niveau de vie, les choses sont plus compliquées. Le classement actuel en ZRR est fondé sur l'analyse du revenu par habitant, calculé à l'échelle des EPCI à fiscalité propre, comme tous les autres critères. Or, pour 3 600 communes, il n'est pas possible de disposer du revenu par habitant du fait de leur taille. L'analyse du revenu médian pour ces communes très peu peuplées conduirait de facto à violer le secret fiscal.

Par conséquent, si l'on souhaite conserver un classement à l'échelle des EPCI, il est possible de garder le critère du revenu par habitant. En revanche, si l'on souhaite établir un classement à l'échelle des communes, ce que je vous proposerai tout à l'heure, il faut trouver un autre critère statistique.

Pour les communes, nous avons donc étudié les avantages et les inconvénients de plusieurs critères visant à rendre compte de la situation économique des territoires : le taux de chômage, le taux d'activité ou un indicateur composite plus complexe établi à partir du taux de chômage et du taux d'activité. Nous avons finalement fait le choix de retenir le critère du taux de chômage, qui permet de mesurer efficacement le dynamisme interne d'une commune.

Pour mesurer l'évolution du nombre d'artisans, de commerçants, d'agriculteurs et de professionnels de santé sur le territoire, et ainsi disposer d'un critère de dévitalisation, nous avons examiné l'opportunité de retenir trois critères.

D'abord, l'indicateur d'accessibilité potentielle localisée (APL), établi par le ministère de la santé pour mesurer l'accessibilité aux professionnels de santé sur un territoire donné.

Ensuite, nous avons ajouté un critère fondé sur la décomposition de la population active par catégorie socioprofessionnelle pour retenir les deux catégories qui nous intéressent sur les huit étudiées par l'Insee, à savoir les agriculteurs exploitants, d'une part, et les artisans, commerçants et chefs d'entreprise, d'autre part. Nous avons donc constitué un indicateur qui mesure l'évolution de cette population dans chaque commune.

Enfin, nous avons retenu la définition d'un indicateur relatif au nombre d'équipements par habitant. Ce dernier critère présente l'inconvénient de ne pas faire l'objet de mises à jour régulières, mais sur le fond il est très pertinent pour mesurer la fragilité ou non d'une commune.

Je poursuis avec l'âge moyen de la population. Pour ce critère, il n'y a pas de difficulté, il suffit d'utiliser l'âge déclaré auprès de l'Insee.

Je termine avec les deux derniers critères. Pour le taux de vacance des logements, il existe un indicateur suivi par l'Insee, ce qui est parfait. En revanche, nous avons dû renoncer à établir un critère relatif aux bâtiments d'exploitation vacants, car ce type de donnée n'existe pas de façon unifiée à l'échelle nationale pour toutes les communes.

Au total, pour le classement en ZRR, je vous propose que soient pris en compte huit critères : un critère principal de densité démographique et sept critères secondaires renseignant sur les dynamiques internes aux communes et aux EPCI.

J'en viens maintenant aux règles de décision que nous avons envisagées dans le cadre de l'étude exploratoire. Il s'agit, d'une part, de définir des seuils propres à chaque critère et, d'autre part, de déterminer une règle de combinaison des critères.

Pour la question des seuils, nous avons retenu la notion de médiane, qui est la plus intéressante d'un point de vue statistique, en ce qu'elle partage une série de données en deux moitiés, et constitue un indicateur de tendance centrale moins sensible aux extrêmes que la moyenne. Une commune ou un EPCI remplit un critère si la valeur qu'elle présente pour ce critère est inférieure ou supérieure, selon les critères, à la valeur médiane constatée pour toutes les communes ou tous les EPCI de France.

Pour les règles de décision, nous avons regroupé les arbitrages à effectuer en deux « arbres de décision ».

Dans la première solution, pour être classée en ZRR, une commune doit remplir le critère de densité et le critère de taux de chômage, ou trois autres critères. Cette règle de décision pourrait conduire à classer en ZRR près de 24 000 communes. J'indique qu'en définitive, sortir du classement ZRR est un signal positif.

Dans la seconde solution, pour être classée en ZRR, une commune doit remplir le critère de densité et le critère de taux de chômage, ou quatre autres critères. Cette règle de décision conduit à classer en ZRR un peu plus de 19 000 communes, contre un peu moins de 18 000 actuellement.

Voilà les évolutions possibles si l'on applique ces critères de classement à l'échelle de la commune. Maintenant, si l'on décline les deux mêmes options à l'échelle non plus de la commune, mais du périmètre actuel des EPCI à fiscalité propre, les résultats seraient moins favorables : 20 000 communes seraient classées avec la première solution et 17 500 communes seraient classées avec la seconde.

J'observe que la seconde option, qui nécessite qu'une commune remplisse le critère de densité et le critère de taux de chômage ou quatre autres critères, permet de cibler finement les fragilités des territoires, puisque nous prenons en compte un critère supplémentaire par rapport à la première option.

Pour rappel, seules 13 900 communes répondent actuellement aux critères de classement ZRR tels que définis lors de la dernière réforme de 2015. Les options présentées permettent d'augmenter ce nombre dans une fourchette comprise entre 19 000 et 24 000, tout en restant raisonnable.

J'en arrive à la question de la maille d'application du dispositif.

Les derniers rapports publiés sur le sujet, notamment par l'Association des maires de France, mettent en avant l'idée d'opter pour une application des critères à l'échelle communale. De mon côté, j'ai toujours été dubitatif quant à l'idée de prendre en compte l'échelle des EPCI, compte tenu des intercommunalités « XXL » que nous rencontrons de plus en plus dans les territoires ruraux, et qui ont tendance à dissimuler de fortes disparités internes entre les communes.

Je l'avais déjà annoncé en 2019 et j'avais souhaité en faire un point important du rapport d'information que j'avais rendu avec Bernard Delcros et Frédérique Espagnac. C'est pourquoi je propose à la commission que le classement en ZRR s'effectue désormais par l'application des critères à la maille des communes.

Ce serait là une véritable évolution, voire une petite révolution, puisque le classement ZRR n'a jamais été appliqué à l'échelle communale, contrairement à ce que j'ai pu lire ou entendre ici ou là. Auparavant, on considérait les cantons, les arrondissements ou les EPCI. Mais jamais les critères n'ont été appliqués uniquement à l'échelle des communes.

Nous avons envisagé de maintenir le classement à l'échelle de l'EPCI, tout en instaurant une règle d'ajustement du type « si la moitié des communes membres d'un EPCI répondent aux critères de classement, alors l'ensemble de l'EPCI bascule en ZRR ». Nous avons écarté cette option pour deux raisons. Tout d'abord parce qu'elle ajoute un étage de complexité dans un système déjà complexe par ailleurs. Ensuite, cela conduit à un classement moins fin, car des communes qui, prises isolément, ne répondraient pas aux critères de classement pourraient être classées en ZRR. À l'inverse, des communes qui, individuellement, rempliraient les critères d'éligibilité seraient écartées du zonage dès lors qu'elles appartiennent à un EPCI non ZRR. Ce serait donc manquer l'objectif d'efficacité que nous recherchons.

Il me semble qu'il est désormais opportun de procéder à cette évolution et de passer à la maille communale. Nous sommes particulièrement légitimes, au Sénat, pour le faire. Cette évolution me semble d'autant plus logique que de très nombreux dispositifs budgétaires et fiscaux et politiques publiques sont adossés à ce classement et s'adressent directement aux communes, par exemple : l'éligibilité au fonds de compensation de la TVA pour les communes qui réalisent des investissements immobiliers destinés à l'installation de professionnels de santé, l'assouplissement des règles de création des officines de pharmacie et, bien sûr, les exonérations d'impôts réalisées sur des recettes fiscales communales - et la liste est encore longue.

Enfin, je terminerai en évoquant les règles de décision qui nous permettraient de classer les communes ZRR en trois niveaux en fonction de leurs fragilités, conformément à l'une des propositions que nous avions formulées en 2019.

Une fois le nombre total de communes classées en ZRR déterminé, nous devons répartir ces communes en deux ou trois niveaux de fragilité pour, dans un second temps, ce qui n'était pas l'objet de la mission confiée au prestataire, décliner les dispositifs fiscaux et budgétaires ainsi que les politiques publiques à mettre en oeuvre pour répondre aux fragilités des communes concernées.

Nous avons retenu comme hypothèse de travail, dans le cadre de l'étude exploratoire, une règle de décision proche de celle élaborée pour le classement en ZRR. La règle présente un certain degré de complexité, mais elle découle de notre volonté d'être équitable et de limiter les effets de bord. Pour résumer : plus une commune classée en ZRR remplit de critères, plus son niveau de classement sera prioritaire.

Avant nos échanges, je voudrais répondre par anticipation à une critique qui ne manquera pas de nous être opposée : le dispositif que nous proposons serait trop compliqué et les critères trop nombreux.

En premier lieu, je répondrai que ce dispositif a l'inconvénient de son avantage : il permet d'appréhender très finement et objectivement la situation des communes rurales, et de prendre en compte de façon très précise leurs caractéristiques et leurs fragilités. La complexité du système est nécessaire si l'on veut être précis et fin. Nous pouvons l'atténuer en prévoyant une révision régulière du classement, tous les six ans par exemple, lors de chaque renouvellement des conseils municipaux, pour assurer une visibilité aux équipes municipales et aux acteurs économiques.

Ensuite, je répondrai que dix zonages actifs existent aujourd'hui en France, dont neuf ont été créés entre 1995 et 2020. En 2019, plus de 21 000 communes bénéficiaient d'un ou plusieurs zonages, dont chacun reposait sur des critères spécifiques, à des échelles de classement différentes, alors même qu'ils répondaient à des finalités et des objectifs parfois proches. Dès lors, le zonage ZRR que nous proposons, fondé sur des critères multiples, pourrait constituer un zonage intégrateur, qui viendrait absorber et se substituer à des zonages existants, dans une logique d'efficacité, de lisibilité et de cohérence.

Enfin, je répondrai que le classement actuel, qui repose uniquement sur la densité et le revenu médian, présente des inconvénients majeurs. Sont aujourd'hui classés en ZRR les EPCI dont la densité démographique et le revenu médian sont tous deux en dessous des seuils retenus. Or on observe que de nombreuses communes sont juste au-dessus du seuil de densité, mais significativement en dessous du seuil de revenu, alors que certains EPCI sont au-dessus du seuil de revenu, mais très en dessous du seuil de densité.

Dès lors, ne retenir que ces deux critères concomitants peut entraîner des situations injustes : une commune très largement en dessous du seuil de revenu, mais à peine au-dessus du seuil de densité, ne peut bénéficier du dispositif, et inversement.

Par ailleurs, du fait de la variation des périmètres intercommunaux d'un mandat à l'autre, des EPCI peuvent entrer ou sortir du dispositif, alors même que la situation des communes membres n'a pas évolué.

Je vous propose de valider aujourd'hui les critères statistiques correspondant aux critères socio-économiques de notre rapport de 2019, mais aussi l'application du classement à l'échelle des communes et non plus des intercommunalités. Ce serait là une évolution majeure du dispositif ; le Sénat a toute la légitimité requise pour la proposer. Je vous propose également de valider une cible comprise entre 19 000 et 24 000 communes classées en ZRR et, enfin, de retenir une ventilation à trois niveaux visant à placer dans le niveau 3, regroupant les communes les plus fragiles, un nombre relativement faible de communes, afin de concentrer les principaux dispositifs de soutien dans ces communes et de pouvoir les évaluer. Au total, nous parviendrons ainsi à un zonage plus juste et mieux ciblé.

Pour la suite, j'ai besoin de votre avis sur la méthode : comment mener les concertations avec les associations d'élus locaux, et quelle stratégie définir par rapport au Gouvernement ?

M. Jean-François Longeot, président. - Merci à Rémy Pointereau pour ce travail complexe, mais nécessaire, pour répondre aux attentes fortes des élus locaux, qui porte sur le coeur des missions de notre commission en matière d'aménagement du territoire.

M. Didier Mandelli. - Concernant la suite à donner à l'étude exploratoire, il me semble que le travail du Gouvernement s'en trouve considérablement facilité ! La prochaine étape est simple : il convient de trouver un débouché législatif au plus vite.

Mme Angèle Préville. - Merci pour tout le travail accompli. On voit bien que les conditions socio-économiques évoluent au sein des territoires ruraux ; je m'interroge sur la pertinence du taux de chômage comme critère de santé économique. Ainsi, dans mon département, des postes ne trouvent pas preneurs, dans tous les corps de métier, au-delà du secteur médical : cela illustre les problèmes d'attractivité du territoire plutôt que sa santé économique.

M. Gérard Lahellec. - Dans les Côtes-d'Armor, on est passé en trois ans de vingt-neuf à huit intercommunalités. En effet, la nouvelle échelle ne permet pas la prise en compte des spécificités de chaque commune ; nombreuses sont celles qui le regrettent, au-delà de la définition des ZRR. Je salue en tout cas l'idée de retenir l'échelle communale pour le zonage, quand bien même elle ne s'inscrit pas, à première vue, dans l'air du temps !

M. Gilbert-Luc Devinaz. - Je félicite à mon tour Rémy Pointereau pour ce travail très intéressant, dans la lignée des travaux de notre délégation aux entreprises sur la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs. Quant au nombre de critères à retenir, je sais par expérience qu'il convient souvent de l'accroître un peu, tout en précisant certains d'entre eux, notamment ceux qui mesurent l'activité économique. Je m'interroge également sur la suite qui pourra être donnée à cette étude exploratoire.

M. Rémy Pointereau. - Merci pour vos remarques, qui témoignent d'un large consensus entre nous sur cette question.

Mme Marie-Claude Varaillas. - Je partage complètement vos orientations.

Que pouvez-vous nous dire sur les classements en zone d'intervention prioritaire (ZIP) ? Comment les articulez-vous avec les ZRR ? C'est important au regard des questions relatives à la désertification médicale.

M. Rémy Pointereau. - Je pense que les critères retenus pourraient conduire à une fusion des deux classements. Les communes classées en ZRR correspondront logiquement aux déserts médicaux.

M. Didier Mandelli. - Y a-t-il des mesures spécifiques pour les outre-mer ?

M. Rémy Pointereau. - Les communes ultramarines relèvent d'un autre régime, celui des zones franches d'activité nouvelle génération (ZFANG), en application de l'article 19 de la loi de finances pour 2019.

Mme Christine Herzog. -Les départements frontaliers seront vraisemblablement moins concernés par ce zonage des ZRR en métropole.

La commission adopte le rapport d'information ainsi que ses recommandations et en autorise la publication.

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