C. AU REGARD DE L'ÉVOLUTION CONTINUE DES CONNAISSANCES SUR LE CHANGEMENT CLIMATIQUE, IL EST NÉCESSAIRE D'ASSURER NON SEULEMENT L'ADAPTATION MAIS AUSSI L'ADAPTABILITÉ DU PARC NUCLÉAIRE FRANÇAIS

1. Garantir l'adaptabilité du parc nucléaire au changement climatique suppose d'utiliser des dispositifs de protection flexibles

L'adaptation du parc nucléaire au changement climatique ne doit pas se faire uniquement en fonction des projections climatiques actuelles, mais également en gardant à l'esprit que d'anciennes projections deviendront obsolètes et des nouvelles données seront disponibles :

- certains événements climatiques extrêmes, comme des canicules d'une intensité et d'une durée plus importantes que celles de 2003 et 2022, qui sont aujourd'hui encore théoriques, vont vraisemblablement se réaliser dans les prochaines décennies. Certains dispositifs de protection vont ainsi se retrouver « confrontés à la pratique », et être amenés à évoluer ;

- il est possible que des phénomènes météorologiques encore mal connus et mal appréhendés adviennent dans le sillage du changement climatique.

La sûreté nucléaire impose ainsi l'exercice difficile de se prémunir contre « l'inconnu ». En cela, l'adaptabilité des dispositifs de sûreté nucléaire est un enjeu majeur : il ne suffit pas qu'il y ait une protection, il faut également qu'elle soit démontable et puisse être remplacée au cas où elle ne se révélerait pas adéquate pour faire face à un risque . L'ASN indique par exemple, en ce qui concerne les inondations, dans son guide n°13 « L'évolution de l'environnement de l'installation, notamment l'évolution climatique, peut amener l'exploitant à réévaluer les caractéristiques des situations d'inondation à considérer tout au long de la vie de son installation. Pour cette raison, il convient de privilégier des dispositions matérielles présentant des facilités d'adaptation ultérieure . » 17 ( * ) .

En d'autres termes, il convient non seulement de réfléchir à « l'adaptation » du parc nucléaire au changement climatique, mais aussi à son « adaptabilité ». L'adaptabilité signifie ici s'assurer que les acteurs français du nucléaire puissent réagir rapidement à l'évolution des connaissances et à l'intensification et apparition des phénomènes climatiques dangereux. Dans une véritable logique de prévention, il s'agit de rendre possible et de faciliter dès maintenant les adaptations futures . C'est dans cet esprit que le rapporteur spécial a examiné la question de l'adaptation du nouveau nucléaire au changement climatique dans la seconde partie de ce rapport.

2. Les capacités de recherche sur l'adaptation du parc nucléaire au changement climatique doivent être assurées

Les programmes de recherche menés sur l'adaptation du parc nucléaire au changement climatique sont donc fondamentaux . Un Comité d'orientation des recherches est ainsi rattaché à l'IRSN, et en octobre 2020, il a décidé de se saisir de la question des changements climatiques. L'objectif est « de s'interroger sur la manière dont les impacts de ces changements climatiques peuvent induire de nouveaux besoins de connaissances pour l'IRSN et au-delà de l'IRSN, pour l'évaluation et la maîtrise des risques radiologiques et nucléaires . » 18 ( * ) . Les recommandations du comité sont actuellement en cours de rédaction, et elles serviront à déterminer l'orientation des programmes de recherche de l'institut.

L'IRSN a également mis en place des partenariats avec des organismes comme Météo-France ou des instituts étrangers, afin de disposer des dernières connaissances sur la caractérisation des aléas naturels, et de participer au développement de la recherche sur ces sujets.

Partenariats de l'IRSN dans la recherche sur l'adaptation
du parc nucléaire au changement climatique

L'IRSN travaille depuis de nombreuses années sur la caractérisation des aléas naturels, essentiellement le séisme et l'inondation, en partenariat avec des organismes spécialisés dans ces domaines, par exemple le BRGM pour le séisme ou Météo-France pour les aléas météorologiques.

Avec la mise en place de nouveaux référentiels pour la prise en compte d'autres agressions d'origine naturelle, l'IRSN s'est organisé pour disposer des connaissances à l'état de l'art et développer des méthodes et des outils d'évaluation, dans le cadre de partenariats, notamment avec le milieu académique avec par exemple une thèse en cours avec Météo-France et le Laboratoire des Sciences du Climat et de l'Environnement.

L'IRSN a ainsi une activité de veille sur les scénarios possibles d'évolution du climat et ses impacts en termes de niveaux marins, de risque d'inondation, de températures, etc . Ces scénarios constituent des données d'entrée qu'il cherche à décliner à un niveau régional, en tenant compte des données historiques, pour statuer sur les risques au niveau des installations nucléaires. À titre d'exemple, l'IRSN s'est associé avec l'Université Gustave Eiffel et l'Institut national de la recherche scientifique (INRS) du Québec pour poursuivre le développement d'une méthode plus précise d'évaluation du niveau marin au droit des centrales nucléaires françaises, en intégrant toutes les sources d'informations disponibles, qui corrige les biais d'anciennes approches. Ce type de méthode a été utilisé par l'IRSN dans le cadre de l'évaluation du niveau marin pris en compte par EDF pour les sites du Blayais et de Gravelines, sites vulnérables à une augmentation de ce niveau.

Source : réponses de l'IRSN au questionnaire du rapporteur spécial

Or, le maintien des capacités de recherche de l'IRSN représente l'angle mort du projet actuel de fusion entre l'ASN et l'IRSN. Quel que soit la suite de ce projet, il convient de garantir une capacité de recherche suffisante des acteurs du nucléaire français .


* 17 Guide inondation, page 33.

* 18 Réponses de l'IRSN au questionnaire du rapporteur spécial.

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