C. LA VÈNERIE SOUS-TERRE DU BLAIREAU EST-ELLE ACCEPTABLE ?

Si le blaireau pose de réels problèmes de cohabitation avec les activités humaines qui nécessitent leur protection ou la régulation du blaireau par la chasse ou de destruction, cela ne justifie pas en soi la chasse sous terre .

En effet, comme cela a été rappelé, elle est par exemple interdite dans les zones infectées par la tuberculose bovine et elle est rarement praticable auprès des voies de chemin de fer. Elle reste pourtant le principal mode de chasse de l'animal, et la connaissance des terriers de blaireau par les veneurs semble également centrale pour réussir son piégeage .

La vènerie sous terre est critiquée sur le fondement de trois arguments principaux : la chasse des juvéniles, le dérangement d'espèces protégées et le stress infligé aux animaux.

• La période complémentaire et le problème de la chasse des juvéniles

L'existence de la période complémentaire, c'est-à-dire l'ouverture de la vènerie sous terre à partir du 15 mai, fait l'objet d'une forte contestation, plusieurs associations, dont les auteurs de la pétition, estimant que, à cette date, les blaireautins ne sont pas sevrés et ne doivent pas être chassés. Selon eux, les blaireautins restent dépendant de leurs géniteurs de longs mois et ne devraient pas être chassés avant l'âge adulte et la possibilité de se reproduire.

Le sujet est scientifiquement débattu, d'autant que la période de reproduction du blaireau varie en Europe en fonction du climat et de la latitude. En France, l'OFB estime que les naissances ont lieu entre mi-janvier et mi-mars, que les blaireautins sont sevrés vers 12 semaines, soit entre mai et juin, et présentent tous les comportements des adultes à 16 semaines . Cependant, les jeunes peuvent accompagner leur mère à la recherche de nourriture pendant plusieurs mois .

Les veneurs partagent cette analyse et estiment ne pas trouver de blaireautins encore allaités à partir du 15 mai. Ils ont fait faire des analyses d'estomac en Vendée et en Bretagne qui donnent des résultats négatifs mais ces travaux n'ont pas un caractère scientifique irréfutable. L'AFEVST est donc favorable à ce qu'elles puissent être étendues selon un protocole soumis à vérification pour trancher la question et éventuellement modifier les dates de la période complémentaire.

En revanche, le ministère de l'environnement, l'OFB et la FNC rejettent l'interdiction de toute chasse des juvéniles sur la base de l'article L. 424-10 du code de l'environnement 25 ( * ) qui interdit « de détruire, d'enlever, de vendre, d'acheter et de transporter les portées ou petits de tous mammifères dont la chasse est autorisée ». En effet, la chasse des juvéniles est notamment autorisée pour les espèces soumises à plan de chasse. Une telle disposition rendrait par exemple très difficile la chasse et la régulation des sangliers, dont les jeunes : marcassins et bêtes rousses sont chassables. Les faons, sous l'appellation technique « jeune cerf ou biche », ainsi que les chevrillards sont également chassés.

• Le dérangement d'animaux protégés

Les auteurs de la pétition dénoncent la sélectivité insuffisante de la chasse sous terre par le dérangement qu'elle provoquerait d'espèces protégées comme le chat forestier, la loutre d'Europe, certaines chauves-souris, des batraciens ou des reptiles.

À cet égard, le ministère de la transition écologique et l'OFB confirment que le chat forestier, comme d'ailleurs le renard, peut occuper des terriers de blaireau. Ce serait en revanche exceptionnel pour la loutre.

Mais ils estiment que c'est insuffisamment documenté, que ces espèces échappent au chien facilement et que, au surplus, la réglementation oblige à arrêter immédiatement la chasse , ce qui serait une disposition suffisante.

Pour les amphibiens et les reptiles, ils n'indiquent pas de dégâts supérieurs aux autres travaux forestiers.

• Les violences et le stress infligés au blaireau

Les auteurs de la pétition dénoncent la cruauté de la vènerie sous terre et le stress infligé à l'animal pendant plusieurs heures. Il est vrai qu'à la différence de la vènerie qui reproduit la chasse d'une meute de loups, le blaireau n'a pas de prédateurs sous terre.

Les détracteurs de la vènerie sous terre pointent différents actes violents, notamment à travers des films disponibles sur les réseaux sociaux. Ces images, souvent anciennes, montrent des actes interdits par la réglementation et qui doivent être punis comme tuer un blaireau à coup de pelle. Le président de l'AFEVST a transmis au rapporteur copie des démarches de l'association auprès de l'OFB afin de faire poursuivre les auteurs ou pour faire retirer l'attestation de meute. Cependant, dans plusieurs cas, les faits anciens étaient prescrits. Il s'agit donc plus d'une question de police et d'organisation des poursuites que de réglementation, les comportements dénoncés étant déjà interdits .

Enfin, l'ASPAS fait valoir que la chasse sous terre conduit à faire subir un stress insupportable au blaireau alors qu'il est réfugié dans son terrier. Les veneurs le réfutent en expliquant que le blaireau sûr de lui et plus fort que le chien se défend en faisant un contre-terrage, c'est-à-dire en obstruant la galerie où il s'est réfugié. Il se considère alors inexpugnable, ne bouge plus, ce qui permet de le capturer, car il pourrait culbuter le chien qui aboie. Normalement, le blaireau est sorti du terrier vivant et non blessé. Quoiqu'il en soit, l'OFB a indiqué au rapporteur qu'il existait peu d'études sur le stress et l'éventuelle souffrance de l'animal chassé . Certaines études soulignent ce stress provoqué par le piégeage, notamment chez le blaireau 26 ( * ) , d'autres soulignent le stress « naturel » lié à la vie sauvage et à la menace de la prédation. D'autres encore viendraient même montrer son rôle dans la sélection naturelle et la reproduction. Les veneurs citent également une étude de l'Institut vétérinaire suédois, qui en 2000, a testé la sensibilité des blaireaux à la chasse dans des terriers artificiels, sans démontrer un stress plus important que dans leurs activités naturelles.


* 25 https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000033035476

* 26 https://www.researchgate.net/publication/232673209_Behavioral_and_Physiological_Responses_of_Trap-Induced_Stress_in_European_Badgers

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