II. LA POLITIQUE DE CONTINUITÉ TERRITORIALE : UN CAUTÈRE SUR UNE JAMBE DE BOIS

Ce n'est qu'en 2003 que les premières briques d'une politique de continuité territoriale ont été posées. Toutefois, vingt ans plus tard, force est de constater que le chantier est inachevé. Les premières briques sont toujours là, mais elles ne suffisent pas à répondre aux enjeux de l'équité, de l'égalité des chances et de l'indivisibilité de la République.

L'effort budgétaire annuel de l'État demeure comprimé entre 35 et 52 millions d'euros selon les années. Il finance plusieurs types d'aides s'adressant à des publics différents : étudiants, sportifs, personnes en formation, continuité funéraire, grand public. Les conditions de ressources sont très strictes et limitent fortement les publics bénéficiaires. La fréquence des aides est aussi insuffisante. Le manque d'ambition est constant et se traduit dans les résultats : 84 371 bons pour l'aide à la continuité territoriale (ACT), la plus demandée, délivrés en 2012, 22 838 en 2019 et 48 035 en 2022.

Ces manquements apparaissent plus crûment à la lumière d'autres expériences en France ou dans l'Union européenne. L'exemple corse est une illustration d'une politique ambitieuse de continuité bénéficiant au plus grand nombre.

Comparaison de l'effort budgétaire en faveur de la continuité territoriale aérienne (euros/hab)

 

Espagne/Baléares, Canaries, Ceuta1(*)

Portugal/Madère, Açores2(*)

France/Corse

France/Outre-mer

Dépense/hab des outre-mer ou insulaire

223

34

257

16

Depuis 2021, on observe néanmoins des prémices d'un nouvel élan. La loi de finances pour 2023 a ainsi augmenté les crédits budgétaires de 8 millions d'euros pour financer notamment la revalorisation des montants de l'aide à la continuité territoriale. Ces crédits doivent aussi permettre de financer le retour des demandes d'aides en provenance de La Réunion, les Réunionnais ayant cessé de solliciter ces aides entre 2015 et 2020 en raison d'un dispositif régional beaucoup plus ambitieux qui a pris fin en 2021.

S'agissant des aides au fret, elles ne répondent absolument pas à l'enjeu de la vie chère, en particulier dans les contextes de double ou triple insularité, et sont avant tout des soutiens au développement de filières locales de production.

III. LADOM, UN BRAS ARMÉ À MUSCLER

Présente dans les 5 DROM et s'appuyant sur des antennes réparties dans l'Hexagone, l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (LADOM) gère le fonds de continuité territoriale depuis 2010. Toutefois, cet établissement n'a jamais réellement défini et piloté une stratégie, s'attachant plutôt à ajuster des dispositifs en fonction des contraintes budgétaires permanentes.

LADOM peine donc à s'imposer comme l'opérateur de référence de la mobilité dans les outre-mer. Les aides sont souvent mal connues. L'instruction des dossiers est complexe pour beaucoup de demandeurs. Certaines procédures sont obsolètes comme les bons papiers. Par ailleurs, LADOM est absente de plusieurs outre-mer, en particulier dans le Pacifique. Les antennes situées en Hexagone sont sous-exploitées.

Toutefois, une nouvelle phase s'ouvre avec le projet stratégique « LADOM 2024 », en cours d'élaboration par une équipe dirigeante récemment nommée.

Les sénateurs ont pu mesurer l'urgence de ces réformes à l'antenne locale de LADOM à Cayenne

Cinq défis doivent être prioritairement relevés : renforcer la présence et l'accessibilité dans tous les outre-mer, mieux communiquer auprès des publics cibles, engager un choc de simplification des procédures administratives et du traitement des demandes, développer l'accompagnement des étudiants ultramarins, et enfin faire émerger un pilotage stratégique en lien direct avec les territoires pour répondre à leurs besoins, notamment en déployant une nouvelle politique de retour au pays dynamique. Les premières annonces lors de l'audition de LADOM le 16 février 2023 semblent aller dans ce sens.


* 1 Réduction de 75 % pour tous les résidents.

* 2 Le Portugal a un système de tarif résident plafond. Chiffres de 2015. En 2019, le coût de la subvention sociale de mobilité s'élevait à 70 millions d'euros en raison, selon les autorités, de probables fraudes massives, plutôt qu'à une hausse du nombre de bénéficiaires légitimes.

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