AVANT-PROPOS

Faire que chaque Français des territoires ultramarins puisse se rendre, dans des conditions raisonnables, en Hexagone pour des besoins aussi fondamentaux que se soigner, se former, déployer ses talents, se retrouver en famille ou accompagner ses proches dans la mort.

C'est l'ambition simple, mais vitale à la fois, de la politique de continuité territoriale.

Pourtant, cette évidence est demeurée longtemps impensée. Ce n'est qu'en 2003 que les premières briques de cette politique ont été posées.

Toutefois, vingt ans plus tard, force est de constater que le chantier est resté inachevé. Les premières briques sont toujours là, mais elles ne suffisent pas à répondre aux enjeux de l'équité, de l'égalité des chances et de l'indivisibilité de la République.

Les limites de cette politique se révèlent avec encore plus d'intensité à la faveur de la hausse brutale du prix des billets d'avion et du fret maritime après la fin de la crise sanitaire. Les moyens de la politique de continuité territoriale peinent à contenir les effets de ces hausses qui créent de l'exclusion et de la souffrance.

Pour les ultramarins, venir dans l'Hexagone n'est pas une fantaisie, mais est devenu un luxe. À l'heure du bashing aérien, il faut rappeler que ce mode de transport n'est pas une option, mais un bien de première nécessité pour le développement de ces territoires et le bien-être de leurs habitants.

Les travaux de la mission se sont attachés à dresser un état des lieux des obstacles à la continuité territoriale - en se concentrant principalement sur la continuité territoriale aérienne - et de leurs conséquences. Au total, 38 auditions, des tables rondes par bassin océanique, un déplacement en Guyane et un autre en Guadeloupe ont permis de cerner les enjeux, mais aussi et surtout les leviers d'action.

Face au mur des billets chers, l'État et la politique de continuité territoriale conduite par LADOM se retrouvent à la croisée des chemins. Le projet de LADOM 2024 en cours d'élaboration doit ouvrir une nouvelle page pour cette politique qui n'a jamais eu les moyens de ses ambitions.

La délégation formule donc douze propositions pour ne plus se satisfaire d'une continuité en pointillé. Trois priorités se dégagent :

- élargir le nombre de bénéficiaires des aides de LADOM ;

- poser les bases d'un tarif « résident » maximum ;

- mettre LADOM au service des projets de développement des territoires.

Naturellement, la politique de continuité territoriale ne saurait remplacer l'objectif - martelé avec force par Gabriel Serville, président de la collectivité territoriale de Guyane, lors de sa rencontre avec vos co-rapporteurs - de réussir le développement économique, social et culturel endogène des outre-mer et de réduire les liens de dépendance avec l'Hexagone. Mais cet objectif dépasse le cadre du présent rapport et même lorsqu'il sera atteint, la continuité territoriale demeurera une exigence républicaine.

I. LA CONTINUITÉ TERRITORIALE : UNE (TROP) CHÈRE LIBERTÉ POUR L'ÉCRASANTE MAJORITÉ

A. LA DISCONTINUITÉ TERRITORIALE, UNE RÉALITÉ POUR LE PLUS GRAND NOMBRE

1. Répondre à des besoins fondamentaux : les enjeux de l'indivisibilité de la République, de l'égalité et de la liberté d'aller et venir

Les enjeux de la continuité territoriale sont évidents.

Lors de son audition, Bernard Briand, président du conseil territorial de Saint-Pierre-et-Miquelon, a clairement placé la continuité territoriale au coeur des enjeux fondamentaux et vitaux pour un territoire. Sans continuité, pas de développement économique, pas d'attractivité et le risque que les populations, en particulier les plus jeunes, quittent les territoires. Sans continuité, un territoire étouffe.

À un niveau plus individuel, les auditions et déplacements ont fait ressortir les drames personnels face à une continuité territoriale défaillante. Ce sont des malades séparés de leur famille, des étudiants isolés, en mal du pays et qui préparent plus de six mois à l'avance leur retour, des familles qui n'ont pas les moyens de rapatrier le corps de leurs proches décédés en métropole... En sens inverse, de nombreux ultramarins installés dans l'Hexagone ne peuvent revenir au pays régulièrement.

Ce sont aussi des pertes de chance. En Guyane, de nombreux jeunes renoncent aux études supérieures, voire au lycée dès 16 ans, en raison notamment du coût et des difficultés des transports. Pour les porteurs de projet, la participation à des salons ou à des rencontres avec des investisseurs est compliquée.

Ces drames peuvent aussi se convertir en revendication et en colère. À Maripasoula, au coeur de la Guyane, un collectif s'est ainsi constitué pour obtenir des avancées fortes pour le désenclavement de ces territoires.

Au quotidien, ce sont des étudiants ultramarins qui préparent au moins six mois à l'avance leur voyage. Dans une brève étude réalisée par l'association Centre pour le destin commun à l'occasion de la présente mission3(*), il est ressorti qu'« au vu des prix du transport aérien pouvant culminer jusqu'à 3 754€, un déplacement jusqu'en France depuis la Nouvelle-Calédonie demandait une préparation s'étendant majoritairement (plus des trois-quarts) au-delà de six mois afin d'établir un budget, une épargne et procéder au paiement du billet et des frais liés au déplacement. [...] L'anticipation du coût financier se traduit par des activités professionnelles parfois en parallèle même des études, afin d'aider au financement ». Pourtant, la Nouvelle-Calédonie est l'un des outre-mer où le niveau de vie est le plus élevé.

M. Ismaël Saïd, président du Centre pour le destin commun, ajoutait : « Tout ceci fait que, trop souvent, on a le sentiment d'être bloqué en métropole quand on parvient à s'y rendre, d'autant qu'on perd le droit à toute aide quand on établit son foyer fiscal dans l'Hexagone. Beaucoup demandent à revoir les critères de ces aides, en particulier les classes moyennes, mais aussi le montant des bourses universitaires qui n'assurent pas un niveau de vie suffisant. Dans les témoignages que nous recueillons, il y a l'idée du Pacifique sud comme « cage dorée » : on a du mal à s'en aller parce que c'est trop cher d'en partir et d'y revenir. Il y a l'idée qu'une fois qu'on en est parti, on ne peut pas y revenir pendant plusieurs années - quitte à vivre isolé dans l'Hexagone, loin de sa famille. La mobilité est un privilège ».

Ce bref rappel des enjeux de la continuité territoriale pour les outre-mer paraît nécessaire, tant ces territoires sont assimilés à des destinations de vacances dans l'imaginaire hexagonal. La continuité territoriale n'est pas une fantaisie, mais l'indispensable réponse à des besoins fondamentaux.

2. Des liaisons améliorées avec l'Hexagone...

De manière générale, les liaisons, les fréquences et l'offre de sièges entre les outre-mer et l'Hexagone se sont nettement améliorées depuis vingt ans.

Sur la quasi-totalité des destinations, plusieurs compagnies opèrent et offrent ainsi plusieurs solutions. Seules les liaisons entre les Antilles et la Guyane4(*), entre Wallis-et-Futuna et la Nouvelle-Calédonie5(*), et entre Saint-Pierre-et-Miquelon et le Canada6(*) sont exploitées par une compagnie. Dans le dernier cas, la ligne est opérée dans le cadre d'une délégation de service public.

Les tables rondes ont fait ressortir qu'à l'issue de la crise sanitaire, l'offre de sièges et les fréquences sont revenues à la normale, voire dépassent leur niveau de 2019 sur toutes les destinations7(*).

Ainsi, à propos de La Réunion et Mayotte, M. Jonathan Gilad, directeur de la sécurité de l'aviation civile océan Indien (DSAC OI) constate que « s'agissant de l'état de la concurrence, quatre compagnies aériennes proposent des vols entre La Réunion et la métropole : Air France, Air Austral, French Bee et Corsair. La métropole s'entend de Paris principalement, mais il y a également des liaisons entre La Réunion et Marseille, ainsi que Lyon. Pour Mayotte, deux compagnies aériennes proposent des vols entre Mayotte et Paris : Air Austral et Corsair.[...] Enfin pour les liaisons entre Mayotte et La Réunion, trois compagnies proposent des vols. [...] Un paysage concurrentiel s'est donc installé sur les lignes desservant les territoires de l'océan Indien. L'offre de sièges et les fréquences varient en fonction des périodes et présentent une forte saisonnalité.

Pour La Réunion, durant la saison IATA hiver (qui va d'octobre à mars), on constate une croissance de l'offre de sièges de l'ordre de 9 % par rapport à la période pré-Covid. Pour la saison IATA été (de mars à octobre), on constate une offre globalement stable, avec 1,2 million de sièges offerts en 2023 contre 1,03 million de sièges en 2019. [...]

Concernant Mayotte, l'offre de sièges a plus que doublé pour la saison IATA hiver, passant de 35 500 avant la crise sanitaire à plus de 76 000 pour la saison hiver 2022-2023, soit une augmentation de 115 %. Pour la saison IATA été, l'offre à venir serait supérieure de 71 % par rapport à la période pré Covid, passant de 85 000 en 2019 à 145 000 en 2023. Cette augmentation forte de l'offre de sièges s'explique par le retour de la concurrence sur cette liaison, avec l'arrivée de la compagnie Corsair. [...] Pour les liaisons entre Mayotte et La Réunion, l'offre de sièges a augmenté de 50 % ».

Ce constat est valable pour les Antilles et pour les collectivités du Pacifique.

Michel Monvoisin, président directeur général d'Air Tahiti Nui, rapporte notamment que l'Association internationale du transport aérien (IATA) a été très surprise de la croissance du trafic vers la Polynésie française qui constitue, selon elle, un record mondial après la crise sanitaire. French Bee et United Airlines ont généré à elles seules 30 % de croissance. Ainsi, en 2022, l'augmentation de l'offre en sièges s'élève à 39 % par rapport à 2019.

3. ...mais des prix hors de portée pour des populations généralement plus pauvres

C'est un constat connu et ancien, mais il est indispensable de rappeler que les outre-mer demeurent les régions les plus pauvres de France.

Déciles de niveau de vie mensuel en 2017

Taux de pauvreté et indicateurs d'inégalités en 2017

Une récente publication de l'INSEE en juillet 2022 établit que la grande pauvreté8(*) est 5 à 15 fois plus fréquente dans les départements d'outre-mer qu'en France métropolitaine. Dans les 4 DOM historiques (Guadeloupe, Martinique, Guyane et La Réunion), les familles monoparentales, les personnes sans emploi ainsi que les retraités sont particulièrement touchés. Outre sa dimension monétaire, la caractéristique majeure de la grande pauvreté par rapport à des situations moins aiguës de pauvreté est la fréquence de privations, y compris pour des besoins fondamentaux comme la nourriture ou l'habillement pour 4 à 8 personnes sur 10 en situation de grande pauvreté.

Cela représente 10 % de la population en Martinique, voire 29 % en Guyane, contre 2 % en France hexagonale.

La grande pauvreté y est aussi beaucoup plus intense. La médiane des niveaux de vie des personnes en situation de grande pauvreté est ainsi de 470 euros en Guyane à 690 euros à La Réunion, contre 790 euros dans l'Hexagone.

Dans ces conditions, l'achat d'un billet d'avion pour l'Hexagone ou pour se rendre dans l'île voisine, même à un prix normal, est hors de portée de l'immense majorité des ultramarins. C'est un luxe.

4. Quand traverser le globe est plus simple que de se rendre sur l'île voisine : une intégration régionale toujours faible

La continuité territoriale est souvent envisagée sous le seul angle des liaisons directes entre chaque outre-mer et l'Hexagone.

Or, c'est une évidence, les outre-mer s'inscrivent chacun dans un environnement régional à part. Or, le constat est qu'il est souvent plus aisé de se rendre à Paris que de se déplacer dans les États ou les outre-mer français proches.

Les obstacles sont de deux ordres : une offre de vol souvent réduite et des tarifs parfois équivalents à un vol intercontinental. Ce constat vaut pour tous les bassins.

Dans la zone Antilles-Guyane, un vol entre Cayenne et Fort-de-France peut atteindre 1 500 euros. Se rendre de Saint-Barthélemy à Pointe-à-Pitre coûte de l'ordre de 400 euros, soit presque le prix d'un Pointe-à-Pitre Paris en très basse saison.

Pour se déplacer dans la zone Caraïbe, outre le prix, la difficulté est de trouver des connexions aisées avec des escales courtes. En Guyane, il nous a été rapporté que pour se rendre au Brésil, il pouvait être plus facile de passer par Paris.

Dans la zone océan Indien, les liaisons entre La Réunion et Mayotte se sont étoffées et une concurrence existe. La liaison reste chère. Mme Bibi Chanfi, 5ème vice-présidente du conseil départemental de Mayotte, chargée du développement économique et de la coopération centralisée, déplore « des tarifs excessivement élevés pour les trajets vers Madagascar, Mayotte et La Réunion. Ce dernier représente pourtant 58 % du trafic aérien mahorais sur l'ensemble des trois destinations. Cette situation est d'autant plus préoccupante que de nombreux Mahorais se déplacent fréquemment pour des raisons familiales, professionnelles ou de santé ». Un vol aller-retour Dzaoudzi La Réunion coûte de l'ordre de 400 euros, ce qui reste très élevé pour un vol de 2 heures 30.

Dans le bassin Pacifique, même constat, en particulier à Wallis-et-Futuna. Dominique Tarjon, directeur du service d'État de l'aviation civile de Wallis-et-Futuna, a notamment relevé que « les aérodromes de Wallis et de Futuna sont soumis à la réglementation européenne, donc seules les compagnies aériennes qui répondent à cette réglementation, peuvent y poser des avions. Cette particularité crée une forme d'îlot dans l'environnement aérien du Pacifique, une sorte de frontière qui sépare Wallis-et-Futuna du reste du Pacifique sud. J'étais antérieurement en poste en Guyane où j'ai pu constater la même chose : l'aéroport de Cayenne n'était relié à aucun aéroport du continent sud-américain, alors que certains de ces aéroports sont les hubs d'accès au reste du monde. Cette situation ne favorise certainement pas la concurrence ».

5. Quand la discontinuité commence à la porte de son domicile
a) Le triple enclavement guyanais

Lors du déplacement en Guyane, la délégation a pu toucher du doigt les contraintes extraordinaires du triple enclavement guyanais.

Enclavement vis-à-vis de l'Hexagone, avec une ligne chère, moins portée par les flux touristiques que celle vers les Antilles, et des fréquences moindres.

Enclavement régional, avec très peu de connexions avec les États voisins et l'Amérique du sud en général.

Enclavement intérieur avec un réseau de transport extrêmement réduit sur un territoire grand comme le Portugal. Pas de train, un réseau routier restreint aux villes du littoral, deux fleuves - l'Oyapock et le Maroni - officiellement non navigables et des aérodromes intérieurs rustiques qui limitent les capacités opérationnelles des aéronefs. 7 communes sur 22 ne sont accessibles que par avion ou le fleuve.

Cette situation a des conséquences sur l'ensemble des aspects économiques, sociaux et culturels de la Guyane.

À Maripasoula, plus grande commune de France et sans doute la plus enclavée, la délégation a recueilli de multiples témoignages, des situations concrètes quotidiennes. En fin de collège, des enfants arrêtent leurs études plutôt que de faire leur lycée à Cayenne9(*). Des personnes renoncent à des soins, des permanences médicales sont annulées. Les clubs sportifs ne peuvent se rencontrer. Faire un passeport prend six mois à moins de se rendre spécialement à Saint-Laurent du Maroni (8 heures de pirogue ou prendre sa journée et y aller en avion). Obligation d'aller à Cayenne pour passer son code et son permis...

Quant au coût de la vie, il est indexé sur le niveau du fleuve. Sylvestre Joseph, 2ème adjoint au maire de Maripasoula, explique qu'une bonbonne de gaz coûte 25 euros sur le littoral, 45 euros à Maripasoula en saison humide et 100 euros en saison sèche.

Dans certaines communes de l'intérieur, en particulier le long de l'Oyapock, le collège manque et les enfants doivent partir dès 10 et 11 ans. L'association Effet Morpho a alerté la délégation sur des situations souvent dramatiques.

Dans son courrier, elle dénonce « des enfants arrachés à leurs familles, leurs communautés et leurs villages dès le plus jeune âge au nom de l'obligation scolaire et qui vivent alors en familles hébergeantes ou à l'internat. Une fois sur le littoral, seuls les transports scolaires des vacances de décembre et d'avril sont organisés par la Collectivité Territoriale de Guyane. Sur les autres périodes, le retour au village est pris en charge par les familles qui rencontrent de grandes difficultés pour retrouver leurs enfants :

- Côté Maroni : depuis le mois d'août les perturbations des vols d'Air Guyane ne permettent pas aux familles d'organiser le retour des enfants dans les villages durant les vacances scolaires à leur charge ;

- Côté Oyapock : le coût pour les familles de Trois-Sauts qui viennent chercher leurs enfants sur le littoral est exorbitant : entre 750 et 1 400 € selon la saison et le niveau d'eau du fleuve.

L'absence d'établissements scolaires dans les villages, le défaut de transport scolaire durant les vacances et la distance imposée aux familles pour leurs enfants créent des situations de mal-être chez les jeunes et dans les communautés avec un faible pourcentage de réussite scolaire et une déculturation forcée des enfants qui ne peuvent bénéficier de l'éducation de leurs parents et de leur communauté. [...] La situation devient particulièrement urgente, les chefs coutumiers de Trois-Sauts ayant pris la décision de ne pas renvoyer les jeunes sur le littoral sans la garantie d'un transport pérenne assuré à chaque période de vacances scolaires ».

La délégation a pu échanger avec l'équipe municipale de Maripasoula, ainsi qu'avec le collectif Apachi qui regroupe les revendications d'habitants des communes de l'intérieur pour un vrai désenclavement qui passerait par le développement d'un réseau routier. La déclaration dite de Maripasoula a été signée le 8 juillet 2022 par ce collectif et plusieurs élus guyanais appelant à un vrai désenclavement. Le sentiment profond est celui d'être des citoyens à part.

Philippe Dulbecco, recteur de l'académie de Guyane, confiait que les frais de déplacement représentaient un tiers des dépenses de fonctionnement du rectorat. Selon lui, le principal enjeu guyanais reste celui de la continuité intérieure qui bloque de nombreux projets et décourage les bonnes volontés. L'éducation nationale est le seul service public présent dans le moindre village de ce territoire, mais « on ne pourra pas avoir un vrai projet ambitieux pour ces territoires si on n'atteint pas un vrai progrès structurel ».

b) L'archipel guadeloupéen

La Guadeloupe continentale est au centre d'un archipel qui comprend la Désirade, Marie-Galante et les Saintes. Les îles du sud sont reliées par bateau au « continent » avec des traversées entre 30 minutes et une heure. Des aérodromes permettent aussi de relier ces îles mais pratiquement aucune compagnie n'exploite ces liaisons entre la Guadeloupe et les îles du sud.

À Marie-Galante, la délégation a notamment rencontré les acteurs économiques du territoire.

Si les coûts des transports entre l'île et le continent n'atteignent pas évidemment les tarifs des transports intérieurs de la Guyane ou de la Polynésie française (44 euros pour les non-résidents, 29 euros pour les résidents), ils restent dissuasifs pour beaucoup. Certaines personnes font malgré tout la navette quotidiennement.

Surtout, les fréquences limitées des navettes compliquent la vie des Marie-Galantais qui doivent se rendre sur le continent pour un examen médical, un traitement, une démarche administrative ou pour prendre un vol vers la métropole. Il faut partir tôt le matin et attendre la fin de l'après-midi pour rentrer dans une gare maritime inconfortable qui n'a pas été conçue pour cela.

Les Saintes et la Désirade sont dans des situations analogues.

c) La Polynésie française, un archipel à l'échelle d'un continent

La Polynésie française est un archipel qui s'étend sur une superficie équivalente à l'Europe.

Une personne vivant, par exemple, aux îles Marquises doit prendre un vol domestique pour se rendre à Papeete. Le coût du billet aller-retour pour ce trajet de trois heures est d'environ 600 euros, ce qui est une somme élevée au regard du pouvoir d'achat des Polynésiens.

Néanmoins, la Polynésie française dispose d'un aéroport international et un maillage extraordinaire de 46 aéroports commerciaux domestiques.

d) Saint-Pierre-et-Miquelon, dépendant du voisin canadien

Longtemps, Saint-Pierre-et-Miquelon a été entièrement dépendant du Canada pour sa continuité territoriale. Bien qu'étant l'outre-mer le plus proche de l'Hexagone, ce territoire est un des plus éloignés en temps/kilomètre, en raison du temps des escales à Halifax, ou Saint-Jean de Terre-Neuve, avant de rejoindre Montréal d'où partent les vols vers la France.

Depuis 2018, dans le cadre d'une DSP, 12 vols directs par an sont organisés vers la métropole. Cette solution n'est offerte qu'à la belle saison et vient en complément de la liaison classique par le Canada.

6. Le fret maritime : un retour progressif à la normale après la crise Covid

Comme partout dans le monde, la désorganisation et les tensions sur le fret maritime se sont fait ressentir dans les outre-mer. Des délais allongés et des tarifs plus élevés ont pesé sur l'activité économique des territoires.

Toutefois, depuis le second semestre 2022, un retour à la normale est constaté. Dans leur ensemble, les outre-mer demeurent bien desservis par le transport maritime de fret.

Deux territoires restent à l'écart des principales routes maritimes : Saint-Pierre-et-Miquelon, mais surtout Wallis-et-Futuna.

À Saint-Pierre-et-Miquelon, le fret maritime se fait intégralement par les ports canadiens d'Halifax, Saint-Jean de Terre-Neuve ou Fortune et se trouve en bout de ligne secondaire.

Selon un rapport de l'Inspection générale de l'environnement et du développement durable en 2019, la desserte fret sur Wallis-et-Futuna est assurée en 2019 avec une rotation de vingt-et-un à trente jours environ depuis Suva (port de Fidji), puis Tuvalu, Kiribati, les Îles Marshall, Wallis, Futuna et Suva, par un consortium PDL-Sofrana Shipping et Moana Shipping. Actuellement, Futuna ne peut donc pas exporter de produits frais vers Wallis, ni en importer depuis Suva, car les rotations sont trop espacées.


* 3 Association d'étudiants de Nouvelle-Calédonie en métropole. Elle a été auditionnée lors de la table ronde du 2 février 2023. À la suite de son audition, elle a organisé une consultation en ligne des étudiants néo-calédoniens en métropole pour recueillir leur ressenti sur les difficultés consécutives à la cherté du transport aérien. 116 contributions ont été recueillies, y compris celles de salariés.

* 4 Air France.

* 5 Aircalin.

* 6 Air Saint-Pierre.

* 7À l'exception de Saint-Pierre-et-Miquelon. La nouvelle DSP entre l'État et Air Saint-Pierre a supprimé deux rotations par semaine vers Saint-Jean et Halifax, qui permettent ensuite de rejoindre l'aéroport international de Montréal.

* 8 Niveau de vie inférieur à 50 % du niveau de vie médian de la population française, accompagné de privations matérielles et sociales sévères.

* 9 L'inauguration d'ici un à deux ans du nouveau lycée à Maripasoula (800 élèves avec des filières techniques adaptées aux besoins des entreprises locales), qui accueillera aussi les enfants de Grand Santi, devrait considérablement améliorer la situation en évitant aux enfants de partir à Cayenne dès 15 ans dans des conditions souvent précaires et psychologiquement éprouvantes.

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