E. « NOUS SOMMES CONSCIENTS DE CETTE INFLATION NORMATIVE, QUI PRÉSENTE DES RISQUES POUR LA COHÉSION DE LA SOCIÉTÉ», PATRICK GÉRARD, PRÉSIDENT ADJOINT DE LA SECTION DE L'ADMINISTRATION DU CONSEIL D'ÉTAT

M. Xavier Brivet. - Dernière intervention de la matinée avec Patrick Gérard, président adjoint de la section de l'administration du Conseil d'État. Vous allez revenir sur cette fonction consultative du Conseil d'État que nous connaissons peu. Vous aviez par ailleurs réalisé, en 2016, une étude annuelle qui portait sur la simplification, dans laquelle vous formuliez des propositions que nous croiserons avec celle énoncées par Madame Gatel.

M. Patrick Gérard, président adjoint de la section de l'administration du Conseil d'État. - Je remercie la Présidente Françoise Gatel et le Vice-Président Rémy Pointereau d'avoir invité le Conseil d'État pour cette session.

Nous sommes évidemment conscients de cette inflation normative, qui est terrible et qui présente des risques pour la cohésion de la société. Si la loi n'est plus compréhensible, comment demander à des citoyens d'adhérer à quelque chose ? Nous sommes conscients de ses inconvénients pour la compétitivité de du pays : il est difficile de venir investir quand les normes sont très complexes. Nous sommes également conscients de cette complexité pour les élus locaux, dont certains sont las d'être confrontés à des injonctions contradictoires. Plusieurs membres du Conseil d'État sont des élus locaux et donc sensibles à tous ces sujets.

Je rappelle que la norme est la traduction d'une politique publique. Lors d'une élection présidentielle, chacun des candidats dispose d'une liste de promesses qui vont toutes se traduire par des normes. Il n'est pas concevable de voir un candidat élu sur un programme qui n'annoncerait aucune action. Il y aura donc toujours des normes, mais il faut éviter l'addiction.

Le rôle du Conseil d'État, qui examine environ mille textes par an, est d'abord de veiller à la rédaction : choix des mots, clarté, plan des textes, respect des règles supérieures de la Constitution. Il doit aussi se prononcer sur l'opportunité administrative. Nous sommes donc extrêmement sensibles aux études d'impact et il est fréquent que le Conseil d'État demande au Gouvernement d'améliorer ces études. Nous sommes aussi très sensibles aux avis du CNEN et nous essayons de tenir compte de ses avis réservés ou négatifs.

Nos propositions de 2016 rejoignent-elles celles du CNEN et du Sénat ? Oui, en grande partie. Les textes doivent en effet mieux être évalués, mais pas seulement les projets de loi. Ni les amendements du Gouvernement, ni les amendements parlementaires ne connaissent d'études d'impact et il faudrait y réfléchir.

Nous devons également mieux répartir les compétences entre les collectivités territoriales et l'État.

Nous devons également aborder la question de l'option zéro : que se passerait-il si nous ne faisions rien ? Faut-il toujours une loi ? Faut-il, par exemple, une loi supplémentaire pour les excès de vitesse sur la route ou simplement plus de radars ? Nous avons toujours cette culture de la norme, mais heureusement nous ne sommes pas un pays fédéral où se mêlent norme locale, norme de l'État et norme fédérale.

L'option du moratoire ou de la clause « guillotine » nous paraissent des idées intéressantes que nous avions nous-mêmes énoncées.

Concernant l'évaluation a posteriori, nous pourrions envisager une revue générale de la révision des normes, comme cela a été fait pour les dépenses budgétaires des politiques publiques.

Le Conseil d'État reste très attaché à ce sujet. Nous publierons notre rapport annuel en septembre 2023, qui s'appellera « Les Politiques publiques jusqu'au dernier kilomètre ». Nous réfléchissons donc de manière approfondie, notamment avec les élus locaux et le CNEN, aux solutions pour améliorer la situation.

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