L'ESSENTIEL

MM. Georges PATIENT et Teva ROHFRITSCH, rapporteurs spéciaux des crédits de la mission « Outre-mer », ont présenté le mercredi 21 juin 2023 les conclusions de leur contrôle budgétaire relatif aux contrats de redressement outre-mer (COROM).

I. UNE SITUATION FINANCIÈRE TENDUE POUR LES COMMUNES DES DÉPARTEMENTS ET RÉGIONS D'OUTRE-MER QUI DEVRAIT ENCORE SE DÉTÉRIORER DANS UN CONTEXTE INFLATIONNISTE

A. LA DÉGRADATION, DEPUIS PLUSIEURS ANNÉES, DE LA SITUATION FINANCIÈRE DES COMMUNES DES DÉPARTEMENTS ET RÉGIONS D'OUTRE-MER

Les difficultés structurelles qui affectent les finances des communes ultra-marines sont identifiées de longue date et de nombreux travaux ont été réalisés sur le sujet notamment par le sénateur Georges Patient dès 2014, la Cour des comptes en 2017, ou par le député Jean-René Cazeneuve et le sénateur Georges Patient en 2019.

Si les collectivités d'outre-mer ne constituent pas un ensemble homogène et si les explications de ces situations financières globalement moins favorables qu'en métropole varient d'un territoire à l'autre, des causes communes peuvent cependant être dégagées.

Ainsi, l'insularité génère des surcoûts importants sur les charges à caractère général des communes d'outre-mer, les dépenses de personnel sont également plus élevées en raison d'une faible intégration intercommunale, de la majoration des traitements des fonctionnaires et de taux d'administration élevés. Dès lors, les taux d'épargne brute et nette des communes d'outre-mer restent très inférieurs à ceux constatés dans les communes de métropole.

Évolution des taux d'épargne entre 2018 et 2021
dans les communes de métropole et d'outre-mer

Source : commission des finances à partir des données DGCL et DGFIP

Il résulte de cette situation des marges d'autofinancement réduites dans les communes d'outre-mer approchant ou dépassant régulièrement le seuil d'alerte fixé à 100 %.

Évolution des marges d'autofinancement entre 2018 et 2021
dans les communes de métropole et des DROM

Source : commission des finances à partir des données DGCL et DGFIP

B. UN CONTEXTE INFLATIONNISTE QUI POURRAIT ENCORE DÉGRADER LA SITUATION FINANCIÈRE DES COMMUNES DES DROM

L'inflation constatée dans les DROM, bien que légèrement inférieure au niveau enregistré en métropole, pourrait générer une diminution de l'épargne brute des communes. En effet, les dépenses à caractère général devraient augmenter sous l'effet de l'inflation et notamment les dépenses énergétiques et celles relatives à l'entretien et aux réparations qui intègrent la hausse des coûts de la construction et des travaux publics. Les dépenses de personnel augmenteront également sous l'effet de la revalorisation du point d'indice. Cette tendance pourrait être particulièrement aggravée dans les communes d'outre-mer en raison de la part des charges de personnel particulièrement importante dans les communes des DROM.

Par ailleurs, les investissements vont se poursuivre en raison de l'avancement des travaux initiés dans le cadre du plan de relance et de la mise en place du fonds vert. Cependant, leur financement dans les communes d'outre-mer pose question dans un contexte de hausse de la charge de la dette constatée dans les communes des DROM et de hausse prévisible des taux d'intérêt.

II. FACE À CETTE SITUATION DÉGRADÉE, LA MISE EN PLACE D'UN DISPOSITIF INNOVANT ET EFFICACE : LES COROM

A. LES COROM REPRÉSENTENT UNE APPROCHE GLOBALE QUI PERMET D'ACCOMPAGNER LES COMMUNES LES PLUS EN DIFFICULTÉ

Pour aider les communes des DROM présentant des difficultés financières importantes, la loi de finances initiale pour 2021 a introduit par amendement les contrats de redressement outre-mer (COROM). Conformément aux conclusions du rapport Patient-Cazeneuve, sont, à ce jour, susceptibles de bénéficier du dispositif les seules communes en grave difficulté financière au regard de deux critères : la mise en place de procédures de contrôle budgétaire et de règlement d'office du budget par les préfets et les chambres régionales des comptes et un retour à l'équilibre ne pouvant être raisonnablement envisagé que sur plusieurs exercices.

Cette démarche contractuelle, basée sur un diagnostic préalable, nécessite des engagements de la commune bénéficiaire sur la mise en oeuvre de réformes structurelles visant une meilleure maitrise des dépenses, le déploiement de procédures de gestion et une amélioration de la qualité comptable.

En contrepartie de ces engagements, l'aide de l'État à l'effort de redressement peut porter, selon les cas, sur tout ou partie des leviers suivants :

- la mise à disposition d'une assistance technique qui représente la réelle innovation de ces contrats par rapport aux dispositifs d'aide précédents ;

- l'attribution d'une subvention exceptionnelle et d'une aide à la résorption des dettes à l'égard des fournisseurs.

B. UN IMPACT POSITIF ET RAPIDE DES COROM SUR LA SITUATION FINANCIÈRE DE LA MAJORITÉ DES COMMUNES CONTRACTANTES

La situation financière de 6 communes sur les 9 ayant signé un contrat s'est améliorée. Pour autant, à ce stade, il est encore délicat d'identifier la part d'amélioration résultant de la mise en oeuvre des COROM et celle résultant de mesures exogènes.

En tout état de cause, les contrats ont eu pour effet immédiat de mettre en place une dynamique volontariste des communes contractantes afin d'assainir leur situation financière.

En outre, l'assistance technique produit sans conteste des premiers effets positifs.

Enfin, les contrats, par le biais des subventions versées, ont permis très rapidement de désintéresser un nombre important de créanciers, conduisant ensuite à améliorer sensiblement la gestion de la trésorerie au sein des communes concernées.

Les élus interrogés font part de leur grande satisfaction et reconnaissent l'utilité concrète de ce dispositif pour amorcer un redressement financier.

III. UN DISPOSITIF NÉCESSAIRE ET UTILE QUI PEUT ENCORE ÊTRE AMÉLIORÉ ET DOIT ÊTRE ÉTENDU

A. DES MOYENS FINANCIERS ET HUMAINS LIMITÉS QUI DOIVENT ÊTRE RENFORCÉS POUR ÊTRE PLEINEMENT OPÉRATIONNELS

L'amendement voté en loi de finances initiale pour 2021 prévoyait, pour les COROM, l'ouverture de 30 millions d'euros destinés à être intégralement consommés. Ce niveau de crédits parait largement insuffisant au regard de la situation financière très dégradée de certaines communes d'une part, et de l'absence de prise en compte, dans la définition des trajectoires, de données contextuelles représentant des freins au redressement dans les échéances fixées.

Consommation des crédits COROM en 2021 et 2022 par commune

(en euros)

Source : commission des finances du Sénat à partir des données transmises par la DGOM

Par ailleurs, l'intérêt et l'originalité du dispositif reposent, plus encore que sur la subvention exceptionnelle, sur la mise en place d'une assistance technique. Or, à ce jour, pour 9 communes contractantes seuls 6 assistants techniques ont pu être recrutés.

Enfin, des points nécessitent d'être améliorés dans la mise en oeuvre du dispositif afin d'en améliorer l'efficacité. Ainsi, la durée des contrats doit être adaptée aux situations réelles des communes au besoin au-delà de 3 ans. En effet, les COROM sont une démarche utile dès lors qu'ils s'inscrivent dans le temps long dans la mesure où les collectivités s'engagent sur des évolutions structurelles.

La qualité et la fiabilité des diagnostics préalables doivent être améliorées afin de tracer une trajectoire réaliste tenant compte des situations initiales et des atouts et contraintes des collectivités.

Au-delà de l'assistance technique et de la subvention exceptionnelle, des moyens complémentaires doivent être trouvés pour faciliter le redressement des situations les plus dégradées.

B. UNE EXTENSION NÉCESSAIRE À UN NOMBRE PLUS IMPORTANT DE COMMUNES, AUX EPCI ET AUX COLLECTIVITÉS D'OUTRE-MER

Sur les 129 communes des DROM, 30 sont actuellement dans le réseau d'alerte de la DGFIP en raison d'une situation financière dégradée et nécessitant une vigilance particulière soit 24 % des communes. Dans ce contexte, il parait nécessaire d'élargir le dispositif à un nombre plus important de communes.

L'amendement de crédits adopté en loi de finances pour 2023 abonde d'ailleurs dans ce sens mais ne va pas encore assez loin face aux besoins.

Par ailleurs, malgré une situation financière des EPCI plutôt favorable à ce jour, le risque de détérioration est réel quand l'intégralité des compétences leur aura été transférée. La question se pose également pour les syndicats dont certains sont en grave difficulté, ce qui a d'ailleurs poussé la DGOM à signer un COROM avec le syndicat des eaux de Guadeloupe.

Enfin, l'extension du dispositif aux communes des COM doit être envisagée sans position de principe et rejet d'autorité dans la mesure où la situation financière de quelques communes de Polynésie et de Nouvelle-Calédonie (essentiellement du fait des budgets annexes dans ce territoire) est très tendue dans un contexte de hausse des investissements et d'absence d'outils de suivi stratégique et d'ingénierie.

Une éventuelle extension des COROM aux communes des COM devra être liée à une adaptation des critères l'éligibilité et des modalités de soutien, mais doit faire l'objet d'une réflexion rapide.

Les rapporteurs spéciaux formulent donc 12 recommandations visant à améliorer le dispositif pour le rendre plus efficace mais aussi et surtout pour l'adapter au mieux aux situations et réels besoins des collectivités contractantes.