LES PRINCIPALES RECOMMANDATIONS
DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

Recommandation n° 1 : Maintenir, voire augmenter, le niveau du financement des associations par la mission.

- maintenir, voire augmenter, les crédits destinés aux subventions aux associations, en particulier les associations financées par le programme 137, principal vecteur de la politique de défense des droits des femmes ;

- poursuivre le mouvement de hausse du montant moyen des subventions, pour éviter le saupoudrage.

Recommandation n° 2 : Améliorer la visibilité des associations sur leurs financements en provenance de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

- augmenter la durée moyenne des conventions en privilégiant les conventions pluriannuelle et en augmentant le nombre de conventions pluriannuelles signées pour une durée de quatre ans au lieu de trois ;

- procéder à une évaluation contradictoire, incluant les associations, du nouveau calendrier de programmation des subventions établi pour 2023 ;

- en fonction des résultats de l'évaluation, envisager d'avancer encore le calendrier, au cours de l'année N-1, afin que les premiers versements puissent avoir lieu au début de l'année N.

Recommandation n° 3 : Faire du conventionnement un instrument pour sortir les associations de la précarité qui caractérise leur modèle économique.

- prendre en compte l'impact de l'inflation dans la négociation des avenants modifiant les conventions pluriannuelles ;

- lorsque l'association en fait la demande, accepter de financer une partie plus importante de ses charges de gestion afin de permettre le recrutement pérenne de personnels salariés.

Recommandation n° 4 : Conforter l'initiative associative dans la définition des projets, actions et activités financés dans le cadre des conventions.

- réduire les financements destinés à être attribués à la suite d'un appel à projets pour privilégier les financements pérennes ;

- organiser les appels à projets de telle sorte que l'initiative associative puisse s'exprimer dans les meilleures conditions.

Recommandation n° 5 : Approfondir l'évaluation des actions menées dans le cadre des conventions, selon des modalités partenariales.

- rendre plus réguliers les échanges dans le cadre du dialogue de gestion, afin de suivre en continu la progression des projets menés et d'en tirer en temps réel les enseignements pour le futur ;

- procéder à l'harmonisation des pièces justificatives et des indicateurs d'activités afin de garantir la qualité du reporting et l'identification des bonnes pratiques ;

- faire systématiquement porter la négociation sur la définition d'un « excédent raisonnable » de gestion qui pourra être conservé par l'association ;

- éviter les effets pervers associés à certains indicateurs quantitatifs et développer l'utilisation d'indicateurs permettant de rendre compte de l'impact non quantifiable de l'action associative.

Recommandation n° 6 : Développer les sources de financement complémentaires, sans toutefois qu'elles ne se substituent au soutien de l'État.

- associer les collectivités territoriales, dans le respect de leur autonomie, aux travaux d'harmonisation des formalités administratives, des indicateurs et des documents justificatifs là où ils existent ;

- mobiliser le dispositif local d'accompagnement (DLA) pour accompagner au niveau local les associations qui cherchent à consolider leur modèle économique par la diversification de leurs sources de financement, en privilégiant les financements publics des collectivités territoriales.

I. LES CONVENTIONS SIGNÉES AVEC LES ASSOCIATIONS : LE VECTEUR D'UN RÉENGAGEMENT DE L'ÉTAT

A. LE SOUTIEN AUX ASSOCIATIONS : ENGAGEMENT, DÉSENGAGEMENT ET RÉENGAGEMENT DE L'ÉTAT

1. La subvention : modalité privilégiée du soutien de l'État aux associations

« Au coeur de la société civile, les associations occupent une place essentielle dans la vie collective de la Nation et le fonctionnement de notre modèle de société. Elles sont fréquemment amenées à anticiper, éclairer ou compléter l'action conduite par les pouvoirs publics, inspirant à l'État et aux collectivités territoriales de nouvelles formes d'intervention, aux avant-postes de l'innovation et de la créativité dans les territoires.1(*) »

Les premiers mots de la circulaire du Premier ministre du 29 septembre 2015 témoignent de l'importance prise par les associations dans la conduite de certaines politiques publiques.

D'une part, les associations sont consultées par l'État en tant qu'interlocuteurs représentatifs de la société civile pour comprendre les besoins des publics, concevoir les réponses collectives et individuelles et les évaluer. D'autre part, l'État, au niveau central comme au niveau déconcentré, s'appuie aussi parfois sur les associations en tant qu'auxiliaires pour la déclinaison opérationnelle des politiques publiques. L'État verse aux associations concernées des subventions, dont les caractéristiques ont été définies et codifiées par le Législateur2(*).

Loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens
dans leurs relations avec les administrations

Article 9-1. - Constituent des subventions, au sens de la présente loi, les contributions facultatives de toute nature, valorisées dans l'acte d'attribution, décidées par les autorités administratives et les organismes chargés de la gestion d'un service public industriel et commercial, justifiées par un intérêt général et destinées à la réalisation d'une action ou d'un projet d'investissement, à la contribution au développement d'activités ou au financement global de l'activité de l'organisme de droit privé bénéficiaire. Ces actions, projets ou activités sont initiés, définis et mis en oeuvre par les organismes de droit privé bénéficiaires.

Ces contributions ne peuvent constituer la rémunération de prestations individualisées répondant aux besoins des autorités ou organismes qui les accordent.

Il ressort de cette définition que :

- l'objet de l'action ou de l'activité subventionnée doit être d'intérêt général, c'est-à-dire s'inscrire dans une politique d'intérêt général. Cette exigence implique en particulier la cohérence de la subvention avec le programme budgétaire sur lequel elle est inscrite ;

l'initiative de l'action ou de l'activité procède de l'association, ce qui distingue la subvention de la commande publique ;

- le montant de la subvention ne doit pas être la contrepartie d'un service identifié, ce qui la distingue de la prestation de service ;

la contribution de l'autorité est « facultative » : elle ne résulte pas d'un droit mais d'un pouvoir discrétionnaire de l'administration.

2. Le conventionnement avec les associations : signe d'un État qui s'engage ?

Certes, le recours aux associations par les pouvoirs publics n'est pas un phénomène récent. Dans sa thèse publiée en 1970, Jean-Marie Garrigou-Lagrange écrivait : « il suffit d'un examen rapide de la vie administrative française contemporaine pour constater l'utilisation fréquente de l'association comme instrument de l'administration.3(*) ». Le recours aux associations est parfois préféré à la gestion directe par l'administration en raison de son moindre coût, ou pour contourner les règles strictes du droit public. Ainsi, les « associations transparentes4(*) » dissimulent, sous une forme associative, l'administration.

Mais depuis la fin des années 1990 et le début des années 2000, la place des associations dans la conduite de certaines politiques publiques s'est renforcée. C'est par exemple le cas en ce qui concerne les actions en faveur de l'aide alimentaire, de la lutte contre la précarité menstruelle, de la lutte contre les violences conjugales, de l'accompagnement des personnes victimes de la prostitution et de l'accès aux droits des femmes - des politiques qui relèvent au moins pour partie de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances.

Le renforcement de la place des associations dans l'action publique peut apparaître comme le signe d'un désengagement concomitant de l'État, ce qui a suscité l'intérêt des milieux universitaires. En 2017 la Revue française d'administration publique avait dédié l'une de ses publications au sujet: Quand les associations remplacent l'État ? 5(*

Lorsque l'État attribue une subvention à une association, il conclut souvent une convention, c'est-à-dire un acte contractuel qu'il négocie et signe avec l'association bénéficiaire. Aux termes de l'article 10 de la loi du 12 avril 2000, la conclusion d'une convention est obligatoire lorsque le montant de la subvention excède un seuil fixé par décret à 23 000 euros.

Loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens
dans leurs relations avec les administrations

Article 10. - (...)

L'autorité administrative ou l'organisme chargé de la gestion d'un service public industriel et commercial mentionné au premier alinéa de l'article 9-1 qui attribue une subvention doit, lorsque cette subvention dépasse un seuil défini par décret, conclure une convention avec l'organisme de droit privé qui en bénéficie, définissant l'objet, le montant, les modalités de versement, les conditions d'utilisation et les modalités de contrôle et d'évaluation de la subvention attribuée ainsi que les conditions dans lesquelles l'organisme, s'il est à but non lucratif, peut conserver tout ou partie d'une subvention n'ayant pas été intégralement consommée. (...)

Au cours de leurs précédents travaux sur le financement de l'aide alimentaire6(*), de la lutte contre violences faites aux femmes7(*), mais aussi lors de l'examen des projets de loi de finances successifs8(*), les rapporteurs spéciaux avaient déjà pu entendre les associations engagées sur des politiques publiques relevant du champ de la mission. À plusieurs reprises, certaines d'entre elles ont évoqué les difficultés qu'elles rencontrent dans la conduite de leurs actions. Les modalités du conventionnement avec l'État étaient souvent mentionnées comme partiellement responsables de certaines de ces difficultés.

Dans la mesure où l'action associative correspond à une modalité de l'action publique, les rapporteurs spéciaux considèrent comme indispensable que le conventionnement puisse être l'instrument d'un soutien efficace du secteur associatif. Il convient également selon les rapporteurs spéciaux, dans la lignée de la Charte des engagements réciproques signée en 2014 entre l'État, les collectivités territoriales et le monde associatif, de faire du conventionnement le vecteur d'un véritable réengagement de l'État, aux côtés d'associations conçues comme des partenaires dans la conduite des politiques publiques.


* 1 Circulaire n° 5811-SG du 29 septembre 2015 relative aux nouvelles relations entre les pouvoirs publics et les associations : déclinaisons de la charte des engagements réciproques et soutien public aux associations.

* 2 Article 59 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire.

* 3 Jean-Marie Garrigou-Lagrange, Recherches sur les rapports des associations avec les pouvoirs publics, Paris, LGDJ, 1970.

* 4 Conseil d'État, 11 mai 1987, n° 62459, Divier

* 5 « Quand les associations remplacent l'État ? », Revue française d'administration publique, n° 163, 2017.

* 6 Rapport d'information de MM. Arnaud Bazin et Éric Bocquet, fait au nom de la commission des finances, sur le financement de l'aide alimentaire, n° 34 (2018-2019) - 10 octobre 2018.

* 7 Rapport d'information de MM. Arnaud Bazin et Éric Bocquet, fait au nom de la commission des finances, relatif au financement de la lutte contre les violences faites aux femmes, n° 602 (2019-2020) - 8 juillet 2020.

* 8 Par exemple : MM. Arnaud Bazin et Éric Bocquet, Annexe n° 30 « Solidarité, insertion et égalité des chances » au Rapport général n° 115 (2022-2023) fait au nom de la commission des finances, déposé le 17 novembre 2022.