LISTE DES PRINCIPALES RECOMMANDATIONS

Recommandation n° 1 : à des fins d'optimisation opérationnelle, technique et financière, ainsi que pour garantir le maintien en condition opérationnelle (MCO) de ces outils, faire rapidement aboutir l'objectif d'articuler les programmes 4-Flight et Coflight au sein d'une seule architecture contractuelle (DSNA) ;

Recommandation n° 2 : rationaliser le réseau des tours et des approches de la direction des services de la navigation aérienne (DSNA) afin de pouvoir en assurer la modernisation et la maintenance (DSNA) ;

Recommandation n° 3 : garantir une régulation réellement indépendante et efficace des performances de la DSNA et mettre en oeuvre un comité de suivi financier des grands programmes du type de ceux qui existent au sein des ministères des armées et de l'intérieur (Loi, DGAC, DB) ;

Recommandation n° 4 : mutualiser les coûts et les risques liés au développement de systèmes de navigation aérienne innovants grâce à des partenariats avec d'autres prestataires de services de la navigation aérienne (DSNA) ;

Recommandation n° 5 : sanctuariser une enveloppe d'investissements dédiée au maintien des infrastructures critiques de la DSNA (DGAC, DB) ;

Recommandation n° 6 : améliorer le pilotage budgétaire des programmes de la DSNA, notamment en généralisant la budgétisation AE ? CP (DGAC) ;

Recommandation n° 7 : instaurer un contrat d'objectifs et de performances pluriannuel entre la direction générale de l'aviation civile (DGAC) et la direction du budget (DGAC, DB) ;

Recommandation n° 8 : tenir les engagements pris par la DGAC au titre de la trajectoire de désendettement du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (DGAC).

INTRODUCTION
LES TROUS D'AIR SUCCESSIFS DU PLAN DE VOL DE LA MODERNISATION DE LA DSNA

I. UNE MODERNISATION DU CONTRÔLE AÉRIEN QUI A TROP LONGTEMPS FAIT DU « SUR PLACE » PAR DÉFAUT DE PILOTAGE ET D'ORIENTATIONS CLAIRES

Dans son rapport d'information « Retards du contrôle aérien : la France décroche en Europe » publié le 13 juin 20182(*), le rapporteur spécial avait dressé le constat du retard technologique devenu « alarmant » du contrôle aérien français. Il soulignait que cette situation profondément insatisfaisante témoignait d'un décalage flagrant, et de plus en plus gênant, avec le rang de grande nation aéronautique très légitimement revendiqué par la France ainsi qu'avec son influence au sein des instances internationales de régulation de l'aviation civile3(*), le symbole le plus frappant du retard technologique accumulé par la direction des services de la navigation aérienne (DSNA) étant l'utilisation de bandelettes de papier, communément appelées « strips », par les contrôleurs aériens pour recevoir les données des vols et donner leurs instructions aux pilotes. Le rapporteur spécial regrettait que du fait de ce retard, la France était « tombée de son piédestal » et devenait de plus en plus « un facteur bloquant » en Europe.

La comparaison avec nos homologues européens est particulièrement saisissante lorsque l'on sait qu'un centre de contrôle aérien en-route tel que celui de Maastricht avait basculé en environnement tout électronique dès 1992. En 2018 déjà la DSNA était le seul prestataire de services de la navigation aérienne (PSNA) européen dont l'ensemble des centres n'étaient pas passés en environnement tout électronique. Il est d'ailleurs frappant de constater qu'en 2023, plus de 30 ans après la modernisation du centre de Maastricht, le centre en-route de la navigation aérienne (CRNA) Nord d'Athis-Mons fonctionne toujours avec des bandelettes papier.

Dans ce même rapport, le rapporteur spécial constatait que le système Cautra4(*), qui avait pu être considéré comme particulièrement innovant au moment de sa création en 1959, avait définitivement « atteint ses limites » et était désormais « dépassé ». Son architecture ne permet plus de le faire évoluer pour répondre aux nouvelles exigences du contrôle aérien, notamment dans le cadre du programme de Ciel unique européen.

Ce retard technologique affecte l'économie du transport aérien et la compétitivité de ce secteur en France dans la mesure où, en bridant ses capacités de contrôle aérien, il est à l'origine d'une partie des retards générés par la DSNA. En 2022, le rapporteur spécial note que la DSNA a encore généré 4,1 millions de minutes de retards5(*), soit 1,4 minute par vol et 21 % des délais observés sur le réseau européen.

La modernisation des outils du contrôle aérien français était une nécessité impérieuse. Depuis longtemps déjà la DSNA en a pris conscience et a lancé d'ambitieux programmes d'investissements à cette fin. Toutefois, ces programmes se sont enlisés, ils ont accumulés les déboires tant en termes de délais que de surcoûts financiers, à tel point que dans son rapport précité, le rapporteur spécial s'alarmait de l'absence de réussite de ces programmes tout en déplorant leur dérive financière ininterrompue. En 2018, le coût total des grands programmes de modernisation technique de la DSNA dépassait ainsi les 2,1 milliards d'euros sans qu'à l'époque ces projets, à l'exception du système Erato déployé dans les CRNA de Bordeaux et de Brest, ne se soient traduits par des résultats concrets.

Faute d'une information suffisamment précise dans les annexes budgétaires du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (BACEA)6(*), le rapporteur spécial avait reconstitué en 2018 les écarts constatés en termes de coûts comme de délais pour chacun des grands programmes de modernisation de la DSNA. À ce titre, il avait constaté une dérive particulièrement significative des programmes 4-Flight, Coflight et Sysat.

Le rapporteur spécial s'était alors interrogé sur le caractère systématique des dérives financières et en termes de délais de chacune des opérations de modernisation technique de la DSNA. Il avait pointé de profondes lacunes en matière de pilotage des grands programmes d'investissements. Les dysfonctionnements de la gestion des opérations de modernisation avaient notamment pour origine une gouvernance sous-optimale, en partie liée aux caractéristiques de la direction de la technique et de l'innovation (DTI) de la DSNA, « une organisation rigide, peu réactive et trop repliée sur elle-même7(*) ».

Le rapporteur spécial faisait notamment le constat que le fonctionnement quasi autonome de la DTI n'était pas sans lien avec le choix systématique de la DSNA de développer des systèmes « cousus main », « sur mesure », plutôt que d'opter pour l'acquisition de systèmes industriels standards « sur étagère », une tendance qui était cependant parfois partagée par les contrôleurs eux-mêmes. En outre, un « tropisme ingénieur » et un « perfectionnisme excessif » ont pu participer à la tendance forte de la DSNA à « surspécifier » les programmes d'investissement. Ce phénomène, lorsqu'il est poussé à l'extrême comme c'était le cas à la DSNA, est source de difficultés pour les industriels, de retards et de surcoûts.


* 2 Retards du contrôle aérien, la France décroche en Europe, rapport d'information n° 568 (2017-2018) réalisé au nom de la commission des finances du Sénat par Vincent Capo-Canellas, rapporteur spécial du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ».

* 3 En l'occurrence au sein de l'Organisation internationale pour l'aviation civile (OACI).

* 4 Système de coordination automatique du trafic aérien.

* 5 Les grèves relatives à la réforme des retraites expliquent une partie de ces retards.

* 6 Les projets et rapports annuels de performance ont été enrichis suite au rapport de juin 2018.

* 7 Parfois qualifiée « d'État dans l'État » au sein de la DSNA par des contrôleurs aériens.

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