B. LA SITUATION DE LA FIN DE VIE EN FRANCE, CERTES PERFECTIBLE, NE L'EXIGE PAS

1. La loi reste mal connue et mal appliquée

Ce qui précède ne vise aucunement à qualifier d'optimal le cadre actuel de la fin de vie en France puisque les trois rapporteures ont consacré près de deux cents pages, il y a un an et demi, à documenter ses améliorations souhaitables, mais à pointer un décalage. Revenons sur quelques points saillants.

a) La prise en charge en soins palliatifs permet le soulagement de nombreuses situations

Les différentes auditions et rencontres organisées avec des médecins de différentes spécialités montrent que, dans de nombreuses situations, les soins palliatifs seraient en capacité de répondre aux souffrances de patients et à la prise en charge nécessaire en fin de vie. C'est ce qui a été rappelé concernant les cancers, d'une part, mais aussi dans le cas de certaines maladies neuro-dégénératives. Ainsi, le Dr Nadine Leforestier constatait que, même dans le cas de la maladie de Charcot, souvent évoqué, le cadre actuel offrait des possibilités très peu connues des patients.

Le Comité consultatif national d'éthique, dans son récent avis 139, reconnaissait d'ailleurs également qu'« au terme des auditions conduites par le CCNE, il apparaît que le cadre juridique actuel est satisfaisant lorsqu'un pronostic vital est engagé à court terme, offrant des dispositifs respectueux de la dignité des personnes atteintes de maladies graves et évoluées ». Ainsi, selon le Comité, « c'est le cas, par exemple, des situations de personnes atteintes d'un cancer lorsque le pronostic vital est engagé à court terme. L'arrêt des thérapeutiques jugées déraisonnables, la poursuite des soins palliatifs et la possibilité de recours à une sédation profonde et continue jusqu'au décès, permettent en général une fin de vie relativement sereine et paisible » 48(*).

La loi du 2 février 201649(*), dite loi « Claeys-Leonetti », a affirmé le droit de toute personne à « une fin de vie digne et accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance »50(*). Une obligation de moyens pèse sur les professionnels de santé pour garantir l'effectivité de ce droit, puisqu'il leur revient de « mett[re] en oeuvre tous les moyens à leur disposition pour que ce droit soit respecté ».

Avec le souci de mieux respecter la volonté du patient, la loi « Claeys-Leonetti » a complété le cadre juridique applicable aux situations de fin de vie par deux innovations principales :

- elle reconnaît à tout patient, qui demande à éviter toute souffrance et à ne pas subir d'obstination déraisonnable, le droit de bénéficier d'une « sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu'au décès »51(*). Nécessairement couplée avec l'arrêt de l'ensemble des traitements de maintien en vie et associée à une analgésie, elle ne peut être mise en oeuvre que dans trois hypothèses, à l'issue d'une procédure collégiale identique à celle prévue en cas de limitation ou d'arrêt de traitement52(*). À l'initiative du Sénat, il a été précisé que cette sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès (SPCJD) peut, à la demande du patient, être mise en oeuvre à son domicile, dans un établissement de santé ou dans un établissement médicosocial ;

- elle renforce l'opposabilité aux médecins des directives anticipées en leur conférant un caractère contraignant. Créées par la loi du 22 avril 200553(*), dite loi « Leonetti », les directives anticipées s'imposent, depuis 2016, au médecin « pour toute décision d'investigation, d'intervention ou de traitement »54(*). Elles ne peuvent être écartées que dans deux cas de figure : « en cas d'urgence vitale pendant le temps nécessaire à une évaluation complète de la situation », et « lorsque les directives anticipées apparaissent manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale ». Dans ce dernier cas, la décision du médecin de ne pas appliquer les directives anticipées ne peut intervenir qu'à l'issue d'une procédure collégiale.

Hypothèses de mise en oeuvre de la SPCJD

Dans le cas d'un patient conscient, la sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès peut, aux termes de l'article L. 1110-5-2 du code de la santé publique, être envisagée soit « lorsque le patient atteint d'une affection grave et incurable et dont le pronostic vital est engagé à court terme présente une souffrance réfractaire aux traitements », soit « lorsque la décision du patient atteint d'une maladie grave et incurable d'arrêter un traitement engage son pronostic vital à court terme et est susceptible d'entraîner une souffrance insupportable ». Dans le cas d'un patient incapable d'exprimer sa volonté, la sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès est appliquée lorsque le médecin décide d'arrêter un traitement de maintien en vie au titre du refus de l'obstination déraisonnable.

b) La loi reste mal connue et mal appliquée

Le rapport de 2021 sur les soins palliatifs, avait largement présenté les faiblesses d'application de la loi Clayes-Leonetti et notamment son déficit de connaissance par le grand public. Ces constats demeurent pleinement valables en 2023.

L'un des points les plus délicats identifiés semble être celui des directives anticipées, trop peu connues et, surtout, trop peu renseignées.

Le sondage réalisé à la fin de l'année 202255(*) pour le centre national de la fin de vie confirme d'ailleurs, alors même que des annonces politiques ont été faites et un nouveau débat lancé, le défaut patent de connaissance des dispositifs existants. Ainsi, 43 % seulement des personnes interrogées connaissent le terme de « directives anticipées » et seulement 24 % savent effectivement ce qu'il recouvre. Pour ce qui est de la sédation profonde et continue, 55 % connaissent le terme et 39 % estiment savoir précisément ce qu'il signifie. Pourtant, si l'objectif de la SPCJD semble bien connu (65 %) des personnes connaissant le terme, le sondage montre une méconnaissance pour ce qui est des motifs d'accès.

Réservé sur le seul obstacle que serait le déficit de connaissance de la loi, Michaël Azoulay, chargé des questions sociétales auprès du Grand Rabbin de France et ancien membre du Comité consultatif national d'éthique auditionné par la mission, constate que « la connaissance de cette loi est manifestement insuffisante, mais quand bien même le serait-elle, il existe un tel tabou autour de la fin de vie et un tel déni de la mort qu'il n'est pas certain qu'une meilleure information amènerait les patients et leurs familles à mieux anticiper ce moment ultime ».

Le Dr Térence Landrin, chef de service de l'unité de soins palliatifs de la Fondation Cognacq-Jay, a également identifié devant la mission différentes limites, la première relevant de la formation incomplète des professionnels qui peuvent se trouver dans des situations complexes, ainsi que la confusion souvent faite entre l'arrêt des traitements prolongeant artificiellement la vie et l'arrêt de tout soin ou traitement, qui eux se poursuivent.

2. Un cadre juridique globalement adapté aux situations de fin de vie
a) Légaliser des pratiques aujourd'hui dans l'ombre de la loi ?

La mission n'est pas en mesure d'apporter de nouveaux éléments à ceux déjà disponibles sur les euthanasies effectivement pratiquées en France en dehors de tout cadre légal.

D'après le centre national des soins palliatifs et de la fin de vie, la seule étude fiable en la matière en France est celle de Sophie Pennec, qui date de 201056(*), soit avant le vote de la loi Claeys-Leonetti.

Décisions médicales en fin de vie en France en 2010

Source : Pennec et alii., étude précitée.

Cette étude indique que « selon les médecins enquêtés, 16 % des personnes décédées ont exprimé à un moment ou à un autre le souhait d'accélérer leur mort, mais les demandes explicites d'euthanasie restent extrêmement rares en France : elles concernent 1,8 % des décès, soit 44 personnes sur un échantillon d'environ 2 200 personnes ayant fait l'objet d'une décision médicale en fin de vie.

Les pratiques d'euthanasie sont encore plus rares. D'une part parce que les décisions, quelles qu'elles soient, avec intention de mettre fin à la vie des patients sont peu fréquentes (3,1 % des décès, soit 148 cas sur 4 723, dont 0,8 % soit 38 cas, par administration d'un médicament létal), et d'autre part, parce que seul un cinquième de ces décisions sont prises à la demande des patients (environ un tiers en cas d'administration de médicament). Les actes d'euthanasie (« mettre fin à la vie d'une personne malade à sa demande ») représentent 0,6 % du total des décès, dont 0,2 % sont pratiqués en administrant délibérément une substance pour mettre fin à la vie (11 cas). Dans ces derniers cas, moins de 4 sont définis par le médecin comme une euthanasie, les autres étant généralement considérés comme des sédations pour détresse terminale ».

Encore Sophie Pennec précisait-elle en 201857(*) que la moitié des 38 cas recensés correspondait à des sédations terminales, pratique dont le statut n'a été précisé qu'en 2016 par la loi... Claeys-Leonetti. La SFAP est ainsi conduite à conclure, en réponse au chiffre parfois avancé de 4 000 euthanasies clandestines en France, qu'une extrapolation présentant un minimum de rigueur devrait conduire à retenir un chiffre quatre fois inférieur58(*).

b) Un défaut de suivi de l'application de la loi Claeys-Leonetti

L'une des lacunes évidentes de la loi Claeys-Leonetti est sans doute celle du suivi de son application. Car si les débats s'orientent souvent sur un trop faible recours à la sédation profonde et continue, il est cependant impossible de dénombrer aujourd'hui les actes réalisés par les médecins, encore moins d'en identifier le contexte pathologique ou préciser le profil des patients.

La ministre Firmin Le Bodo l'a ainsi reconnu devant la commission : « Nous n'avons aucun moyen de savoir combien de sédations profondes et continues ont été pratiquées. »

Pour rappel, les trois rapporteures avaient préconisé dans leur rapport sur les soins palliatifs59(*) d'introduire un codage spécifique pour l'administration d'une sédation profonde et continue jusqu'au décès (SPCJD) et instituer une procédure de déclaration obligatoire à l'assurance maladie des décisions d'arrêt de traitement de maintien en vie et, le cas échéant, de mise en oeuvre d'une SPCJD.

c) Des recours rares en matière de fin de vie

En dehors de cas très médiatisés et devenus emblématiques du débat sur la fin de vie dans notre pays, les recours faits en matière de fin de vie sont très peu nombreux.

Ainsi, pour l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris, on dénombre depuis 2018 trente et un contentieux relatifs à la fin de vie. Bien que limité, ce nombre cache une croissance régulière puisqu'un seul contentieux a été recensé en 2018 comme en 2019, mais 10 et 9 sur les deux années suivantes et déjà trois entre janvier et mars 2023. Pour la plupart, ces contentieux proviennent des services de réanimation.

Surtout, l'analyse de ces contentieux fait apparaître ce qui semble un angle mort du débat public sur l'aide active à mourir, à savoir que « l'obstination déraisonnable » semble aujourd'hui davantage du côté des familles que des médecins. Le débat semble ainsi être, dans la réalité des services hospitaliers confrontés à des situations de fin de vie, moins celui du médecin poursuivant un « acharnement thérapeutique » que celui de familles refusant l'arrêt des traitements pour leur proche.

En outre, l'analyse juridique de ces dossiers semble montrer que ni les directives anticipées ni la personne de confiance n'avaient été renseignées.

Ainsi, force est de constater que, dans les cas où le jugement va à son terme - des ordonnances de non-lieu à statuer étant prononcées en cas de décès du patient -, le juge administratif semble toujours constater, après expertise, le bien-fondé de la décision d'arrêt des traitements.

Sur ce point, il convient de signaler enfin la récente décision du Conseil constitutionnel rendue en novembre 202260(*), lequel juge conformes à la Constitution des dispositions législatives relatives aux conditions dans lesquelles un médecin est susceptible d'écarter les directives anticipées d'un patient en fin de vie. Le Conseil a notamment constaté que la décision du médecin, résultant d'une procédure collégiale, est portée à la connaissance de la personne de confiance ou des proches et, le cas échéant, soumise au contrôle du juge.

3. Élargir la loi de 2016 aux circonstances qu'elle méconnaît ?
a) Une approche très discutable des cas « non couverts »

La situation médicale le plus fréquemment mentionnée pour justifier la légalisation de l'aide médicale à mourir est celle de la sclérose latérale amyotrophique, ou maladie de Charcot.

La ministre délégué auprès du ministre de la santé et de la prévention en fait régulièrement mention pour illustrer les carences du cadre juridique actuel. Ainsi, devant la commission des affaires sociales encore, le 6 juin dernier : « pour donner un exemple, la loi Claeys-Leonetti ne pourra jamais répondre aux questions que pose la maladie de Charcot », laquelle est « au coeur de notre sujet, puisque, pour l'instant, rien ne permet de la prendre en charge », tout en se défendant de « stigmatiser » les malades concernés.

Il semble qu'invoquer cette pathologie pour soutenir la nécessité de modifier la loi Claeys-Leonetti est extrêmement dangereux.

D'abord car rien ne permet d'avancer que les personnes concernées font collectivement une telle demande. Il est certes des cas de personnes atteintes de la maladie de Charcot qui ont souhaité abréger leur vie, voire qui se sont effectivement rendues à l'étranger, en Belgique ou en Suisse, pour requérir une assistance médicale à mourir. Un certain nombre de cas ont été largement médiatisés61(*).

Toutefois, la maladie de Charcot, pour n'évoquer que celle-ci, touche 6 000 personnes en France, ce qui excède d'infiniment loin le nombre de ceux qui sollicitent une aide à mourir à l'étranger. Le plus souvent, le parcours de vie de ces personnes est fait d'espoirs : ainsi, sans même parler de ceux qui sont devenus des incarnations du dépassement de soi comme Stephen Hawking ou, dans un autre domaine médical, Philippe Pozzo di Borgo, du témoignage des malades moins célèbres, tel Gwenaël Bernard qui, dans son livre, estime que « accepter la maladie, c'est recommencer à vivre, c'est commencer une nouvelle vie »62(*).

Ensuite, le risque de stigmatisation de certains malades est réel, en dépit des précautions oratoires d'usage. Déterminer a priori, par référence à une population de malades d'une affection déterminée, ce que devraient être les critères d'admission à une procédure d'aide active à mourir, ressemble fort à une dangereuse substitution de catégories : de la compassion pour l'expression subjective d'une souffrance, ne risque-t-on pas de glisser vers l'expression d'un jugement de valeur sur certaines conditions de vie ? Un tel saut a déjà été effectué dans l'histoire des idées, dans les toutes premières années de la république de Weimar, par des juristes et des psychiatres animés des meilleures intentions et auxquels aucun historien d'aujourd'hui ne refuserait l'étiquette de progressiste selon les critères de l'époque63(*).

Ce risque est, du reste, perçu par beaucoup. Ainsi du Pr de Larivière, auditionné par la commission : « Je suis beaucoup de patients atteints de cette maladie et je pense qu'il est important de ne pas les stigmatiser et de ne pas faire de cette éventuelle nouvelle loi une loi qui leur serait destinée. Certains ressentent d'ailleurs actuellement cette stigmatisation, avec le sentiment qu'ils seraient peut-être de trop sur cette Terre. »64(*)

Ainsi du professeur Emmanuel Hirsch dans la presse récemment : « Si s'imposait le modèle de cette mort digne parce que volontaire et maîtrisée, indolore et médicalisée, comprendrait-on encore demain la volonté de vivre sa vie, y compris en des circonstances considérées par certains “indignes d'être vécues” ? Saurons-nous alors contribuer collectivement à l'émergence et à la diffusion d'une autre culture de la fin de vie, bienveillante, solidaire, responsable, à distance des peurs, des suspicions, opposée aux méprises et aux injonctions idéologiques ? »65(*)

b) Des « situations limites » difficiles à circonscrire

La relance du débat sur la fin de vie et l'opportunité d'ouvrir une possibilité d'aide active à mourir dans notre pays s'appuie souvent sur l'existence de « situations limites », non couvertes par les dispositifs existants et notamment la sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès.

Lors de son audition par la commission des affaires sociales, Régis Aubry, rapporteur de l'avis n° 139 du Comité consultatif national d'éthique sur les questions éthiques relatives aux situations de fin de vie, estimait que « nous sommes et serons confrontés à des situations, rares, de personnes dont l'existence, avant la toute fin de leur vie, avant le champ d'application de la loi Claeys-Leonetti, n'est plus que souffrance. Ces personnes, qui doivent avoir bénéficié de soins palliatifs - on imagine mal que ce soit optionnel -, demandent une aide active à mourir. Nous avons réfléchi à la notion d'aide active à mourir. » Alain Claeys, co-rapporteur, expliquait quant à lui que « parmi les facteurs objectifs, figure le fait que la sédation profonde ne peut pas être administrée médicalement quand le pronostic vital est engagé non à court mais à moyen terme. Or, sous réserve que des soins d'accompagnement existent, la question peut se poser dans certaines situations. »66(*)

Les rapporteures se sont interrogées sur la qualification des « situations limites ».

De prime abord, le Centre national de la fin de vie et de soins palliatifs concède que les situations limites résultant des progrès médicaux sont sans doute plus nombreuses et variées, et que certaines échappent aux soins palliatifs, mais moins par leur nature qu'en raison de l'offre de soins palliatifs insuffisante sur le territoire.

Partageant ce constat, le Dr Térence Landrin considère que ces situations questionnent en premier lieu le sens du soin, sa légitimité et sa proportionnalité, appellent à le remettre en perspective et à garder la qualité de vie comme préoccupation. Pour lui, la question est avant tout celle d'un accès précoce aux soins palliatifs et aux soins de support ou de confort, souvent bien trop tardivement mis en place.

Alors que la grande majorité des personnes recourant à l'euthanasie dans les pays qui l'ont légalisée sont atteintes de cancer, il n'est pas évident que les situations les plus dramatiques dans le champ du cancer ne trouvent pas de réponse dans le cadre de la loi actuel, relevant pour l'essentiel d'un pronostic vital engagé à court terme. Le Dr Sylvie Dolbeault, psychiatre à l'institut Curie, a ainsi estimé devant les rapporteures que la loi Claeys-Leonetti répondait sans doute à la quasi-totalité des cas, ce sur quoi les oncologues auditionnés par la mission sont également tombés d'accord.

La Ligue contre le cancer estime que « dans le domaine de la cancérologie, les exceptions qui échapperaient à la loi Claeys-Leonetti pourraient correspondre à des personnes atteintes de cancer de très mauvais pronostic à un stade avancé (pancréas, glioblastome, etc.), dont les perspectives thérapeutiques sont nulles, et qui n'en sont pas encore au point des symptômes insupportables et réfractaires au traitement. Dans ce cas, la sédation profonde et continue ne serait pas toujours applicable. » Pour autant, l'association signale que les équipes soignantes se trouvaient a priori en situation d'apporter des réponses dans le cadre de la loi.

Ainsi les situations justifiant l'ouverture de ce débat ramènent-elles à l'hypothèse des pathologies neurodégénératives à progression lente particulièrement invalidantes et en pleine conscience, comme la sclérose latérale amyotrophique (SLA), ou « maladie de Charcot ».

c) Une voie pour l'aide médicale à mourir en France, selon le CCNE

C'est bien l'existence de situations « non couvertes » qui a conduit le Comité d'éthique à considérer dans son avis 139 une justification possible à l'accès à l'aide active à mourir.

Alors que les situations dans lesquelles le pronostic vital est engagé à court terme trouvent selon lui des réponses satisfaisantes dans le cadre actuel, le Comité identifie ainsi deux types de situations soulevant de « graves questions éthiques », qui sont celles :

- de certaines personnes souffrant de maladies graves et incurables, provoquant des souffrances réfractaires, dont le pronostic vital n'est pas engagé à court terme, mais à moyen terme ;

- de dépendance à des traitements vitaux dont l'arrêt, décidé par la personne lorsqu'elle est consciente, sans altération de ses fonctions cognitives, n'entraîne pas un décès à court terme.

Le critère déterminant de ces situations est ainsi celui du pronostic vital non engagé à court terme. Le Comité s'attache particulièrement aux personnes dont le pronostic vital est engagé à l'horizon de quelques semaines ou quelques mois.

Pour ces situations, le CCNE, si le législateur souhaite apporter une réponse nouvelle, « considère qu'il existe une voie pour une application éthique d'une aide active à mourir, à certaines conditions strictes, avec lesquelles il apparaît inacceptable de transiger ».


* 48 Avis 139.

* 49 Loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie.

* 50 Article L. 1110-5 du code de la santé publique.

* 51 Article L. 1110-5-2 du code de la santé publique.

* 52 Article R. 4127-37-2 du code de la santé publique.

* 53 Loi n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie.

* 54 Article L. 1111-11 du code de la santé publique. Jusqu'à l'adoption de la loi « Claeys-Leonetti » en 2016, le médecin n'était tenu que de prendre en compte les directives anticipées et à la condition que celles-ci aient été établies au moins trois ans avant la survenue de l'incapacité de la personne de s'exprimer.

* 55 Les Français et la fin de vie, BVA, octobre 2022.

* 56 Sophie Pennec, Alain Monnier, Silvia Pontone, Régis Aubry, « Les décisions médicales en fin de vie en France », dans Population et sociétés, numéro 494, novembre 2012.

* 57 Voir « Y a-t-il vraiment 4 000 euthanasies par an en France ? » dans Libération Checknews, le 31 janvier 2018.

* 58 Voir https://sfap.org/actualite/4-000-euthanasies-clandestines-par-en-france-c-est-faux

* 59 Rapport précité.

* 60 Décision n° 2022-1022 QPC du 10 novembre 2022.

* 61 Tel celui d'Anne Bert.

* 62 Gwenaël Bernard, octobre 2022, Charcot ou la vie, il faut choisir, Paris, L'Harmattan, cité par Pierre Arthur Bétrémieux, « Contre le mè phunaï, le dévouement indéfectible », dans Fin(s) de vie : s'approprier les enjeux d'un débat, Les cahiers de l'espace éthique Île-de-France, mars 2023.

* 63 Voir notamment, ainsi que son introduction par Yves Ternon, « Libéralisation de la destruction de vies qui ne valent pas d'être vécues par K. L. Binding et A. E. Hoche », traduit de l'allemand par Rita Thalmann (nouvelle traduction), dans Revue d'Histoire de la Shoah n° 183, 2005/2.

* 64 Audition du 1er mai 2023.

* 65 Dans Le Monde, le 13 septembre 2022.

* 66 Audition du 11 octobre 2022.

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