INTRODUCTION

DES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT TOUJOURS CROISSANTES : UN MAL FRANÇAIS ?

EN 2022 ET 2023, LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DES ENTREPRISES ATTEIGNENT DE NOUVEAUX SOMMETS ET SE GÉNÉRALISENT

En augmentation continue depuis 2015, les tensions de recrutement ont atteint en 2022 et 2023 de nouveaux sommets.

Deux indicateurs offrent un éclairage précieux sur cette crise du recrutement dont témoignent unanimement les chefs d'entreprise : d'une part, les difficultés de recrutement déclarées par les entreprises, qui révèlent la perception des dirigeants ayant mené des processus d'embauche ; d'autre part, la vacance des emplois, qui traduit l'impossibilité effective de faire se rencontrer l'offre et la demande pour les emplois disponibles. Les difficultés de recrutement font l'objet de plusieurs enquêtes, notamment l'enquête annuelle « Besoins de Main d'oeuvre » (BMO) de Pôle emploi ou les enquêtes périodiques de conjoncture de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). La vacance des emplois est notamment mesurée par l'enquête trimestrielle « Acemo » conduite par la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) du ministère du Travail, du Plein emploi et de l'Insertion.

À la fin de l'année 2022, selon la DARES, le taux de vacance des emplois s'établissait autour de 2,5 % en France, ayant été multiplié par cinq environ par rapport au taux de croisière connu entre le début des années 2000 et l'année 2015 (autour de 0,5 %).

Interrogées par l'INSEE en juillet 2022, près de 67 % des entreprises de l'industrie manufacturière, 60 % des entreprises de service et 82 % des entreprises du bâtiment déclaraient rencontrer des difficultés de recrutement. Ces taux sont inédits, la part des entreprises déclarant des difficultés entre 2001 et 2015 s'établissant entre 20 et 40 % en moyenne.1(*) Entre trois et quatre entreprises françaises sur cinq sont donc aujourd'hui confrontées à ces tensions particulièrement élevées. Selon le Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (METI), les difficultés sont encore plus marquées chez les ETI, 97 % d'entre elles se disant concernées par ces problèmes2(*). Dans le secteur de l'artisanat, des professions libérales et du commerce de proximité, l'Union des entreprises de proximité (U2P) a indiqué aux rapporteurs que 71 % des entreprises de proximité ne reçoivent actuellement aucune candidature pour les offres d'emploi publiées3(*).

L'apparition de difficultés de recrutement n'est certes pas nouvelle. En France, les tensions sur la main d'oeuvre sont en augmentation marquée et continue depuis l'année 2015 environ. La délégation aux Entreprises du Sénat s'était déjà fait l'écho, dans le rapport de Michel Canévet et de Guy-Dominique Kennel présenté en juin 2020 et intitulé « Des compétences de toute urgence pour l'emploi et les entreprises », de cette dynamique inquiétante.4(*)

ÉVOLUTION DU TAUX DE VACANCE DES EMPLOIS ENTRE 2003 ET 2022


Source 
: DARES, enquête Acemo trimestrielle

La situation s'est cependant encore dégradée au cours des trois dernières années, atteignant dans certains secteurs des proportions inédites depuis le début des séries statistiques de l'INSEE. Selon une étude de la DARES, 119 métiers sur 186 étudiés étaient en tension en 2019, contre seulement 50 en 2015 (soit une hausse de 138 % en quatre ans).5(*) C'est donc une crise aiguë de main d'oeuvre et de compétences qui touche l'économie française.

Pas même la crise sanitaire, ni la crise économique liées à l'épidémie de Covid-19, n'auront enrayé durablement cette dynamique. Bien que la part des entreprises en difficulté se soit réduite temporairement dans l'industrie et les services - s'étant toutefois maintenue autour de 70 % dans le bâtiment - elle a retrouvé dès 2022 ses niveaux d'avant-crise.

Malgré des différences sectorielles ou géographiques, la crise du recrutement est aujourd'hui généralisée. Elle touche aussi bien les petites et moyennes entreprises (PME) que les entreprises de taille intermédiaire (ETI) ; des postes qualifiés comme des postes à bas niveau de qualification ; et la quasi-totalité des secteurs de l'économie. Elle concerne tant des entreprises qui cherchent activement à recruter de nouveaux salariés pour croître, que les entreprises souhaitant simplement faire face au renouvellement générationnel ou au renouvellement de leur personnel. Enfin, bien qu'à des degrés variés, tous les bassins d'emploi sont aujourd'hui affectés.

ÉVOLUTION DES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DES ENTREPRISES 2000 ET 2023
(EN % DES ENTREPRISES DÉCLARANT DES DIFFICULTÉS, PAR SECTEUR D'ACTIVITÉ)

Source : DARES, « La France vit-elle une Grande démission ? », octobre 2022


* 1 Note de conjoncture de l'INSEE du 6 octobre 2022 : « Les difficultés de recrutement déclarées par les entreprises sont liées en partie à la dynamique de l'emploi ».

* 2 Réponses du METI au questionnaire de la délégation.

* 3 Réponses de l'U2P au questionnaire de la délégation.

* 4 Rapport d'information n° 536 (2019-2020) de Michel Canévet et Guy-Dominique Kennel, fait au nom de la délégation aux entreprises, déposé le 18 juin 2020, « Des compétences de toute urgence pour l'emploi et les entreprises ».

* 5 DARES, « Quelle relation entre difficultés de recrutement et taux de chômage ? La courbe de Beveridge en France et dans les autres pays européens », octobre 2021.

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