ALLER À LA RACINE DES TENSIONS DE RECRUTEMENT ET MOBILISER LES LEVIERS D'ACTION

Prévalentes depuis 2015, et ayant fait depuis l'objet d'alertes permanentes des entreprises, les tensions de recrutement ne se sont pas pour l'instant résorbées, en dépit des nombreuses annonces et réformes présentées par les pouvoirs publics.

La « politique de l'offre » portée par la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, dite loi « Avenir professionnel », qui avait notamment pour objet de massifier l'accès à la formation via le CPF, et de libéraliser la création de formations, n'a pas apporté de solution durable aux difficultés rencontrées par les entreprises françaises. Le modèle de financement mis en oeuvre, sous l'égide de la « gare de triage » que représente France compétences, est déjà fortement mis sous pression budgétaire.

À la fin de l'année 2017, dans le cadre du Grand plan d'investissement, avait en parallèle été annoncé un Plan d'investissement dans les compétences (PIC) pour la période 2018-2022, doté d'une enveloppe de 14,6 milliards d'euros. Ciblé sur la formation, en particulier des décrocheurs et des demandeurs d'emploi, il comportait un volet national et un volet régionalisé, par le biais de « pactes régionaux d'investissement dans les compétences ». Toutefois, le bilan du PIC est aujourd'hui mitigé, les entreprises estimant qu'il ne correspond pas aux besoins réels de compétences de l'économie, et l'impact réel auprès des publics les moins qualifiés étant disputé.

Face aux tensions persistantes, et même accrues lors du redémarrage de l'économie mondiale après la pandémie de Covid-19, le Gouvernement a annoncé un Plan de réduction des tensions de recrutement, mobilisant près de 1,4 milliard d'euros, destiné à intensifier les efforts de formation et à mieux accompagner les demandeurs d'emploi de longue et de très longue durée.18(*) En octobre 2022, une « phase 2 » de ce plan a été annoncée, ciblée sur la constitution de « viviers de demandeurs d'emploi immédiatement disponibles » spécifiques à certains secteurs, sur le renforcement de l'accompagnement des entreprises et sur un plus grand contrôle de la recherche d'emploi19(*). Ce plan s'appuie en partie sur le rapport remis par Philippe Dole, inspecteur général des affaires sociales honoraire, au ministre du Travail, du Plein emploi et de l'Insertion, intitulé « Résorption des tensions de recrutement : Bilan de la démarche systémique engagée par six branches professionnelles ».

En parallèle, le Président de la République annonçait en juillet 2022 la transformation de Pôle emploi en « France Travail », ce nouvel intitulé emportant la réorganisation du service public de l'emploi à l'horizon 2024. Les pistes de réforme ont été présentées dans un rapport d'avril 2023, conduit par Thibaut Guilluy, Haut-commissaire à l'emploi et à l'engagement des entreprises - fonction nouvellement créée. Dans son prolongement, un projet de loi20(*) pour le plein emploi a été présenté le 7 juin dernier par le Gouvernement, pour acter législativement la transformation de Pôle emploi et de l'architecture globale des acteurs de l'emploi. Ce texte est en cours d'examen par le Sénat à la date de rédaction du présent rapport.

Enfin, durant le cours des travaux de la délégation aux Entreprises, une réforme des lycées professionnels a été annoncée par le président de la République le 4 mai 2023, visant entre autres à réorganiser de l'offre de formation de la voie professionnelle, à améliorer la correspondance entre offre de formation initiale et besoins exprimés par les entreprises, et à mieux intégrer l'apprentissage dans les cursus des lycées professionnels. Les premières évolutions devraient prendre effet à la rentrée 2024.

En dépit de ces efforts structurels et financiers, dont le bilan reste donc ambivalent, les difficultés de recrutement et les tensions sur les compétences déclarées par les entreprises n'ont eu de cesse de s'intensifier depuis 2017. La Commission européenne s'est même saisie du sujet, sa présidente Ursula Van der Leyen ayant déclaré l'année 2023 « Année européenne des compétences »21(*).

C'est pourquoi la délégation aux Entreprises a résolu d'initier un nouveau cycle de travail sur le sujet des difficultés de recrutement, de l'accès des entreprises aux compétences et de l'attractivité des métiers. En 2020, Michel Canévet et Guy-Dominique Kennel avaient déjà formulé des propositions dans leur rapport « Des compétences de toute urgence pour l'emploi et les entreprises », la plupart restant encore d'une actualité pressante. En février dernier, la délégation a missionné les rapporteurs Martine Berthet, Florence Blatrix Contat et Michel Canévet pour mener un nouveau travail d'analyse, afin de remonter à la racine de ces tensions et d'identifier les différents leviers d'action pour y remédier.

À l'issue de leurs travaux, les rapporteurs, proposent un état des lieux actualisé et trente recommandations concrètes pour apporter des solutions aux difficultés de recrutement qui limitent depuis trop longtemps le développement des entreprises françaises. Former pour aujourd'hui et pour demain est un impératif de croissance et de société.


* 18 Dossier de presse du Gouvernement « Plan de réduction des tensions de recrutement : répondre dès maintenant aux besoins des entreprises et préparer l'avenir », 27 septembre 2021.

* 19 Dossier de presse du Gouvernement, « Plan de réduction des tensions de recrutement - Phase 2 : une réponse, co-construite avec les entreprises, à l'urgence des difficultés de recrutement », octobre 2022.

* 20 Projet de loi n° 710 (2022-2023) d'Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion et de Jean-Christophe Combe, ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées, déposé au Sénat le 7 juin 2023, pour le plein emploi.

* 21 Communiqué de presse de la Commission européenne, « La Commission lance les travaux sur l'Année européenne des compétences », 12 octobre 2022.

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