B. RETROUVER LA CONFIANCE PAR LA FIABILISATION DES OUTILS ET L'ANCRAGE DANS LES TERRITOIRES

Au-delà de la clarification de la stratégie et des objectifs, conditions indispensables à la lisibilité et à la crédibilité de cette politique publique, il convient de donner confiance dans la politique de rénovation énergétique grâce à la fiabilisation de ses outils et à son ancrage dans les territoires. La confiance est en effet une condition à sa légitimité et à son efficacité.

C'est pourquoi plusieurs évolutions des dispositifs en vigueur sont nécessaires et que les collectivités territoriales doivent reprendre une place centrale dans la définition et la mise en oeuvre de cette politique publique.

1. Fiabiliser le DPE, outil central qui doit devenir pleinement légitime

Le DPE représente un outil utile, mais sa fiabilité reste pour le moins perfectible, ce qui nuit à sa crédibilité. Comme il a été vu et bien qu'il ne soit pas l'équivalent d'un audit énergétique, il joue depuis sa création en 2005 et surtout de sa réforme en 2021 à la suite de la loi du 22 août 2021 dite « Climat et résilience104(*) », un rôle croissant au point d'apparaître comme un instrument essentiel de la politique de rénovation énergétique.

a) Construire une filière professionnelle à la hauteur de l'enjeu

Pourtant, il n'est pas devenu, en dépit de cette place grandissante, aussi fiable que ce qui est exigé par son opposabilité et son usage désormais généralisé105(*) : les diagnostics ont cessé de recourir à la consommation d'énergie constatée et reposent désormais sur les caractéristiques physiques du logement au terme d'un calcul conventionnel, mais, bien qu'opposables, ils demeurent de qualité variable, présentant des résultats défavorables non justifiés pour certains types de logements. Or cela correspond à des problèmes au stade de la conception de la méthodologie du DPE (dite « 3CL » pour calcul de la consommation conventionnelle des logements), dont la transparence doit être accrue, mais aussi au fait que les diagnostiqueurs font un travail inégal en dépit d'un référentiel commun, autour d'un logiciel partagé. Des écarts de DPE entre diagnostiqueurs sont en effet constatés pour un même logement. Ce déficit d'homogénéité peut créer de la défiance du côté des particuliers. En effet, dans bien des cas, les diagnostiqueurs enregistrent des données minimales pour protéger leur responsabilité et faute de toute documentation plus précise fournie par le propriétaire. De même, très peu savent, demandent et pratiquent des sondages dans un mur ou une isolation pour pallier le manque de documentation pouvant justifier un meilleur classement. La résistance thermique d'une paroi peut également être calculée par un relevé de température à l'intérieur et à l'extérieur. Mais cette possibilité est rarement proposée. Certains effets de seuils sont également très pénalisants, notamment l'altitude du logement. Ainsi, l'attribution d'une mauvaise note par le DPE peut résulter d'un diagnostic par défaut et en réalité très incomplet mais qui aura des conséquences très pénalisantes.

La part d'aléatoire du DPE ne résulte donc pas seulement du fait que ce diagnostic ne correspond pas à une réelle étude thermique mais elle dépend étroitement du sérieux avec lequel il est réalisé, comme l'a courageusement expliqué Yannick Ainouche, président de la Chambre des diagnostiqueurs immobiliers de la Fédération nationale de l'immobilier (CDI Fnaim) devant la commission d'enquête : « certains de nos confrères ne répondent pas aux attentes et les médias ont puissamment oeuvré ces derniers mois pour le prouver ». Il a également décrit lors de l'audition de l'ensemble des fédérations de diagnostiqueurs que ce métier représente « une profession de reconversion dont l'accès est soumis à une formation assez légère qui débouche sur une certification et un agrément ».

Toutes les fédérations de diagnostiqueurs auditionnées par la commission ont d'ailleurs reconnu l'immense besoin de formation de leurs collègues, dont les compétences doivent être renforcées. Le nombre de 3 millions de diagnostics réalisés chaque année est appelé à croître et la filière doit être organisée, professionnalisée et faire l'objet d'une offre de formation initiale et continue dimensionnée pour les objectifs poursuivis, y compris sous la forme de diplômes reconnus. Les 34 centres de formation agréés et les certifications existantes, avec leurs 13 organismes, ne sont pas à la hauteur des ambitions de la politique publique de rénovation, surtout qu'à 80 % les diagnostiqueurs sont des actifs qui se reconvertissent en milieu de carrière. Le métier doit devenir attractif et l'offre de formation viser davantage les générations montantes. Il convient donc de professionnaliser la filière des diagnostiqueurs, et ce dès le stade de la formation initiale, y compris avec des diplômes. Cela implique également d'agir sur le plan de leur formation continue, ainsi que sur les conditions d'exercice de leur profession. La cohabitation de quatre fédérations professionnelles concurrentes montre la jeunesse de cette dernière et appelle à une structuration plus exigeante de la filière.

Un contrôle périodique des diagnostiqueurs, en vue de vérifier a minima s'ils sont bien à jour de leurs certifications et de leurs assurances, serait pertinent. Cette procédure pourrait prendre la forme d'une carte professionnelle délivrée par les chambres de commerce et d'industrie (ce qui existe déjà pour les professions réglementées). La délivrance de cette carte se ferait chaque année et permettrait d'aller plus loin que le renouvellement actuel des certifications tous les sept ans.

b) Adapter le DPE aux petites surfaces et au bâti ancien

Par ailleurs, certains types de logements sont structurellement très mal notés alors que leurs spécificités devraient conduire à ajuster les évaluations : c'est le cas du bâti ancien comme des logements de petite surface. La légitimité du DPE sera plus grande si elle répond aux défis de la prise en considération des particularités de ces deux types de logements.

S'agissant du bâti ancien, c'est-à-dire construit avant 1948, a minima les diagnostiqueurs, auditeurs et thermiciens doivent être systématiquement sensibilisés et formés aux enjeux du bâti ancien et du patrimoine, qui devraient représenter dans l'avenir environ le tiers du contenu de leur formation initiale et continue. De plus, il faut reconnaître que la question de l'application du DPE lui-même se pose pour ces logements : la piste d'un moratoire global a ainsi été proposée le 1er juin 2023 par les sept grandes associations du patrimoine106(*), ce qui conduirait à soustraire à l'obligation de diagnostic un tiers des logements existants et serait donc lourd de conséquences. Une autre piste moins audacieuse, et donc plus acceptable que ce moratoire global, consisterait à prévoir la possibilité pour les logements anciens de ne plus recevoir de notes F ou G et d'être notés dans un éventail d'étiquettes compris entre A et E. Il faut d'ailleurs noter que la future directive européenne sur l'accroissement des ambitions de la performance des rénovations (tous les logements au pire en E d'ici 2030 et en D d'ici 2033) devrait laisser aux États membres des possibilités de dérogation pour le bâti ancien, qu'il soit classé ou pas. Bien que ces deux pistes apparaissent radicales, une solution juste qui vise à protéger notre patrimoine est cependant nécessaire, c'est pourquoi des critères spécifiques doivent conduire le DPE à reconnaître les particularités des enjeux patrimoniaux de ces bâtiments. Leur simple existence atteste de leurs qualités de durabilité et il n'est pas pertinent de leur appliquer le qualificatif peu valorisant de « passoires thermiques ».

Concrètement, l'établissement de DPE spécifiques pour ces bâtiments anciens est impératif mais la définition des conditions précises de ce cadre juridique prendra du temps car les modalités sont plus nombreuses et complexes dans l'ancien. Les qualités intrinsèques de ces logements imposeraient, par exemple, de tenir compte dans les DPE des espaces tampon, des moindres ponts thermiques, du meilleur confort d'été, des isolants naturels comme le torchis des murs ou les toitures de chaume, etc., et les propositions de rénovation qui figurent à la fin du DPE devraient prendre en considération la sensibilité du bâti ancien à l'hygrométrie et prévenir les pathologies résultant de travaux de rénovation catastrophiques tels que des isolations inadaptées au bâti ancien. Dans l'attente de la définition d'un véritable DPE spécifique dédié au bâti ancien, valorisant les qualités intrinsèques de ces logements et proposant des rénovations adaptées, il devrait être possible de se référer aux consommations réelles d'énergie, et donc de recourir, le cas échéant, à un mode de calcul plus proche de celui du DPE précédent, qui était -- pour mémoire -- davantage basé sur les factures effectives d'énergie.

Pour ce qui concerne les logements de petite surface, alors que 13 % des logements de plus de 100 m2 aboutissent à des DPE F ou G, près de 34 % des logements de moins de 30 m2 présentent ces étiquettes. Ce phénomène s'explique par la prise en compte de deux critères contestables dans les DPE et qui conduisent à défavoriser ce type de bien immobilier, d'une part, la consommation d'eau chaude sanitaire (ECS), d'autre part, le ratio « surface déperditive/surface habitable », appelé également indice de compacité thermique. Le premier conduit à ce que la note du DPE dépende de la quantité d'eau délivrée par le ballon d'eau chaude, pour une surface habitable donnée en fonction du nombre moyen d'occupants : la note de diagnostic est d'autant plus mauvaise que le ballon d'eau chaude est grand par rapport à la superficie du logement, quand bien même celui-ci serait bien isolé et performant du point de vue énergétique. L'indice de compacité thermique résulte quant à lui de la division de la somme des surfaces déperditives par la surface habitable : plus il est bas et donc révélateur d'une certaine efficacité thermique, meilleur est le DPE du logement, ce qui est favorable aux plus grandes surfaces. En effet, à l'inverse les logements de moindre superficie ayant de plus grandes surfaces déperditives par rapport à la surface habitable présentent des indices de compacité thermique plus élevés ce qui conduit à dégrader le DPE. Ces deux critères ne doivent plus être appliqués en étant préjudiciables aux petits logements.

c) Intégrer le confort d'été dans la note attribuée par le DPE

Par ailleurs, même si la question du confort d'été n'a pas été totalement ignorée par le nouveau DPE - il s'agit bien d'un de ses critères107(*) -, elle est très insuffisamment prise en compte. Tout comme les équipements liés au confort d'été ne font pas l'objet des dispositifs d'aide à l'instar de MaPrimeRénov' qui fait l'impasse sur cette dimension, cet enjeu n'est pas au coeur des diagnostics et des audits, alors qu'il est reconnu dans le bâtiment neuf à travers les normes de construction, à l'image de la RE2020 (réglementation environnementale 2020 qui fait suite à la RT2012 ou réglementation thermique 2012).

D'après l'Insee108(*), parce que « les territoires les plus exposés aux chaleurs anormales abritent également près de 1,2 million de personnes vivant sous le seuil de pauvreté, habitant parfois dans des logements mal isolés » et qu'« un habitant sur sept vit dans un territoire exposé à plus de 20 journées anormalement chaudes par été dans les décennies à venir », la surmortalité constatée lors des épisodes caniculaires109(*) résulte en grande partie et résultera de plus en plus de l'impossibilité de se protéger de la forte chaleur en raison de logements inadaptés. Alors que la fondation Abbé Pierre dans son rapport 2023 sur le mal-logement appelle à systématiser les volets, rideaux, persiennes et autres protections solaires dans les logements pour faire baisser la température intérieure de 2 à 5 °C et à utiliser des revêtements réfléchissant la chaleur pour améliorer leur « effet albédo » (la part d'énergie solaire réfléchie par rapport à celle reçue), il serait incitatif que de tels objectifs en matière d'équipements liés au confort d'été, en-dehors de la climatisation bien entendu110(*), soient présents dès le stade du DPE, dans son volet constat comme dans son volet propositions, en amont donc des aides aux travaux, des actions d'accompagnement et du choix des gestes de rénovation.

d) Faire du DPE le point de départ du parcours de rénovation

Dès lors, il serait logique que le DPE serve de point de départ à toute opération de rénovation. Il paraît difficilement concevable d'engager des travaux ou une demande d'aide sans connaître l'état initial de son logement.

Une telle évolution serait également cohérente avec la refonte de MaPrimeRénov' en deux piliers « efficacité » et « performance ». Le pilier « efficacité » est sensé s'adresser à des gestes simples comme des changements de chauffage qui sont à réserver à des logements déjà bien isolés, classés D ou mieux. Le DPE devrait donc être un préalable à une demande d'aide dans ce cadre pour vérifier qu'elle est bien cohérente avec le projet de rénovation. Dans le pilier « performance » regroupant les rénovations multigeste accompagnées, ce sera également la base de travail de l'Accompagnateur Rénov'.

Au-delà, avec son insertion systématique dans le carnet d'information du logement, avec la couverture progressive de l'ensemble des logements au fur et à mesure des ventes, des renouvellements de baux ou des demandes de rénovations, le DPE doit devenir un des éléments de la carte d'identité d'un bâtiment au même titre que ses autres caractéristiques.

D'ailleurs, les logements collectifs seront tous couverts par un DPE collectif d'ici au 1er janvier 2026 en application de la loi Climat et résilience.

Proposition n° 6 :  Faire du DPE un outil incontestable.

Fiabiliser le DPE en professionnalisant la filière des diagnostiqueurs, renforcer la formation initiale et la formation continue et rendre publics la méthodologie « 3CL » et les algorithmes utilisés dans les logiciels de calcul des DPE.

Confier aux chambres de commerce et d'industrie la mission de délivrer les cartes professionnelles annuelles pour les diagnostiqueurs afin de contrôler leur certification et leurs assurances.

Reconnaître les particularités du bâti ancien par un DPE spécifique - et dans l'attente de sa formulation recourir aux consommations réelles d'énergie - pendant un délai maximum de deux ans - ainsi que par une meilleure formation des diagnostiqueurs aux enjeux du patrimoine.

Adapter le DPE pour les logements de petite surface en adoptant des critères qui ne les défavorisent pas.

Intégrer le confort d'été dans la note attribuée à l'issue du DPE comme dans son volet propositions de travaux.

Veiller à ce que le DPE soit toujours intégré au carnet d'information du logement. En l'absence de CIL, en créer un lors de la réalisation du DPE (modification de l'article L. 126-35-2 du CCH).

Rendre obligatoire la production du DPE pour toute demande d'aide.

2. Redonner aux collectivités territoriales une place centrale

Les collectivités territoriales sont la garantie d'une bonne déclinaison locale des objectifs nationaux et représentent également un point de contact qu'il convient de privilégier, car elles permettent en effet une relation de confiance entre les particuliers et les acteurs de la rénovation, qu'ils soient publics ou privés.

Leur rôle dans l'organisation et la structuration de filières locales est crucial. Elles jouent naturellement un rôle d'animateur et d'incitateur notamment par l'intermédiaire des marchés publics ou par la valeur de l'exemple des opérations qu'elles conduisent pour leurs propres bâtiments : recours à la géothermie, bâtiments en bois ou paille, rénovation thermique grâce à des matériaux biosourcés plus largement, etc. Leurs bénéfices pour cette politique sont multiples car les problèmes sont mieux identifiés et traités plus finement dans les écosystèmes locaux. C'est par leur entremise que pourront se mettre en place des parcours de confiance pour les particuliers qui décident d'initier des travaux de rénovation.

Les exemples étrangers peuvent à cet égard nous inspirer111(*). L'Allemagne a ainsi mis en place des programmes au niveau de chaque Länder, y compris sur les modalités de financement. La Suisse a, pour sa part, confié aux cantons la responsabilité de la consommation d'énergie et de la rénovation des logements. Et, surtout, l'Espagne décline son plan national au sein de chaque communauté autonome, qui est pilote de la rénovation des logements sur son territoire et a mis en oeuvre des guichets uniques qui informent et conseillent les particuliers.

La politique publique de rénovation énergétique doit redonner aux collectivités territoriales une place centrale, dans le respect du principe de subsidiarité. Par exemple, les collectivités territoriales et les conseillers de terrain doivent être impliqués dans MaPrimeRénov'.

En se dotant de guichets uniques locaux dans chaque intercommunalité comme le Gouvernement en a l'objectif en 2025, soit 1 200 guichets au lieu de 450 actuellement, les collectivités territoriales fourniront l'aiguillage de référence pour les particuliers, les bailleurs et les entreprises. La commission souscrit à cet objectif minimal d'une plateforme de rénovation (France Renov' ou Alec car il faut s'appuyer sur ces dernières quand elles existent déjà) par intercommunalité, avec la nécessité de s'appuyer sur les dispositifs qui fonctionnent déjà et de ne pas chercher à les concurrencer. Cette mission ne doit pas peser sur les budgets de fonctionnement des collectivités mais être portée, comme c'est envisagé actuellement et comme c'était le cas précédemment, par un programme de CEE suffisamment ambitieux.

Il faudrait aussi laisser un droit d'expérimentation aux collectivités qui souhaitent aller plus loin en recourant à des contractualisations avec l'État autour d'objectifs chiffrés. La perspective d'augmenter le fonds vert et d'en réserver une partie à des initiatives locales en matière de rénovation énergétique doit également être étudiée.

Plus globalement, il faut dans la mesure du possible raisonner à l'échelle locale et tenir compte du fait que les architectures sont souvent régionales et que plusieurs types de climats coexistent sur nos territoires. Une telle approche a été, par exemple, valorisée par nos collègues de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques dans leur rapport récent Pour une rénovation énergétique des bâtiments pilotée, encouragée et accélérée112(*). Selon eux, il faut à la fois penser plus globalement la rénovation énergétique mais toujours dans un cadre local : « le raisonnement et l'action doivent par exemple s'opérer au niveau d'une commune, d'un îlot, d'un quartier, d'un pâté de maisons, plutôt que sur un bâtiment ou un logement seuls ». Cela doit conduire à orienter selon des critères locaux le choix de travaux, de matériaux et de procédés techniques.

Au cours de ses deux déplacements, la commission d'enquête a pu constater l'importance de la dynamique locale. À Grenoble, le dispositif « Mur Mur » promouvant la rénovation des logements repose en grande partie sur une pédagogie de proximité avec des réunions et des formations de syndics et de présidents de syndicats de copropriétés, avec des visites de rénovations réussies, avec un accompagnement au plus près des copropriétaires pour permettre une décision à la majorité... Le tout forme une toile de voisinage et de persuasion qui diffuse la confiance en faveur d'une démarche de rénovation. Cela s'avère déterminant.

À Nice, la métropole joue un rôle tout aussi déterminant en mettant en place une équipe dédiée à « l'aller vers ». Après identification des immeubles passoires thermiques grâce à une cartographie poussée des déperditions d'énergies mais aussi des potentiels solaires, les conseillers prennent l'attache des gestionnaires et des syndicats pour les accompagner dans leurs démarches et s'assurer d'une rénovation performante. Dans plusieurs cas, ils sont également à même de proposer le raccordement des immeubles aux réseaux de chaleur existants permettant de très substantielles économies.

Ces approches selon des échelles locales permettent, en outre, de favoriser des opérations groupées par quartier, en menant des travaux ciblés bénéficiant de la massification des interventions et de la mutualisation des études. Les dynamiques locales permettront de mieux mobiliser les acteurs, à commencer par les entreprises, et d'assurer un bon rapport entre la performance des démarches et leurs coûts, le cas échéant via l'industrialisation de la rénovation des bâtiments par exemple en ayant recours à des solutions de rénovation « hors site ».

Le mouvement européen EnergieSprong113(*), né aux Pays-Bas, vise ainsi à développer de nouveaux standards ambitieux, réutilisables et simples pour la rénovation énergétique afin de démocratiser l'accès au plus grand nombre à la rénovation à zéro énergie garantie, en alignant les intérêts de l'ensemble des acteurs de l'écosystème.

Il s'agirait donc, pour résumer la démarche d'une formule parlante, de passer de solutions « sur-mesure » selon des critères nationaux à des solutions « prêt-à-porter » déployées dans nos territoires en fonction des contextes locaux.

Proposition n° 7 :  Replacer les collectivités territoriales au coeur de la politique de rénovation énergétique.

Favoriser la création d'une logique de guichet unique local agrégeant l'accompagnement et la demande des aides, labellisé France Renov' et reposant sur les dispositifs locaux (plateformes ou Alec) quand ils existent déjà.

Favoriser les dynamiques locales fondées sur « l'aller vers », la massification et le choix des travaux, des matériaux et des procédés techniques les plus adaptés.

Favoriser le droit à l'expérimentation en matière de rénovation, comme la possibilité de créer des régies d'avances pour les travaux de rénovation.

Assurer le financement de cette mission confiée par l'État aux collectivités soit à travers un programme de certificats d'économie d'énergie (CEE) suffisamment dimensionné, soit par une augmentation des dotations de fonctionnement.

3. Rénover en confiance grâce à un véritable accompagnement

Le rétablissement de la confiance passera également par un accompagnement de meilleure qualité.

Le fait de pouvoir disposer d'un accompagnement représente un atout décisif dans les démarches de rénovation car son absence est un frein majeur pour les particuliers souvent démunis devant les démarches à entreprendre, il convient donc de faire preuve de vigilance dans le calendrier et les modalités de la mise en oeuvre de Mon Accompagnateur Rénov' (MAR), dont le déploiement est en cours tout au long de cette année 2023 et devra surtout être en état de fonctionnement d'ici la rentrée de septembre pour répondre à l'élargissement de l'obligation d'accompagnement de certains travaux114(*).

Chargé d'assister les particuliers dans leur projet de travaux de rénovation énergétique, ce nouveau service public d'accompagnement appuyé par l'Anah est confié à des assistants à maîtrise d'ouvrage ou à des opérateurs agréés par l'État ou désignés par une collectivité locale.

Il peut être gratuit -- lorsque la collectivité locale décide de mettre en place un financement dédié à MAR -- mais, à défaut, quand cette prise en charge n'existe pas, l'Anah peut cofinancer cet accompagnement jusqu'à la somme de 875 euros en fonction du projet de travaux et des ressources du ménage.

La couverture territoriale de l'offre de ce service public doit veiller à être la plus fine possible, y compris pour les territoires ruraux. Dans les zones peu denses dans lesquelles les collectivités ne prennent pas en charge le coût de MAR, il serait pertinent de majorer les cofinancements de l'Anah et d'utiliser les CEE.

Le déploiement du dispositif Mon Accompagnateur Rénov' doit mobiliser les acteurs existants et ayant déjà fait leurs preuves, comme l'ensemble des outils mis en place par les collectivités territoriales - notamment les conseillers locaux du programme Sare115(*) - ou comme les conseillers France Rénov' qui ont pris en 2022 la suite du réseau Faire (Faciliter, accompagner et informer pour la rénovation énergétique), lui-même construit en 2018 sur la base du précédent réseau des Points rénovation info service (Pris). Cette continuité, évitant toute sorte de mise en concurrence, permettra de donner de la confiance aux particuliers et de réduire les incertitudes.

Mais surtout ceux-ci doivent avoir affaire à des accompagnateurs neutres, qui doivent être sans conflits d'intérêts par rapport aux travaux qui seront mis en oeuvre. Cette indépendance des conseillers à l'égard des entreprises réalisant les travaux est décisive car la relation de confiance est primordiale. C'est tout l'enjeu de la « neutralité » et de l'objectivité des accompagnateurs labellisés. La création d'un service MAR composé d'agents publics territoriaux constitue une piste à étudier, en vue de réduire les risques de conflits d'intérêts, de piloter localement les opérations de rénovation et de consolider le lien direct avec les collectivités territoriales et les autres dispositifs locaux. Ce service pourrait, le cas échéant donner corps à la proposition d'audits énergétiques gratuits pour les particuliers qui veulent s'engager dans des parcours de rénovation.

Les accompagnateurs MAR doivent être, de plus, soumis à des prérequis exigeants, autour d'un référentiel métier et de formations, et être -- pour au moins un tiers d'entre eux, soit la part que représente sur le territoire ce bâti dans le bâti global -- formés aux enjeux et aux techniques propres de la rénovation du bâti ancien. Il doit s'agir d'éviter de commettre des erreurs conduisant à détruire la richesse et la diversité de notre patrimoine. L'isolation standard par l'extérieur de belles façades historiques doit être évitée.

L'accompagnement proposé ne doit pas être qu'administratif, il doit concerner les aspects techniques et inclure les aspects financiers et sociaux, sans pour autant équivaloir à une véritable assistance à maîtrise d'ouvrage (AMO). Les accompagnateurs doivent ainsi être en mesure de conseiller sur les travaux, d'assister les particuliers afin de mobiliser des aides, de solliciter des sociétés de tiers financement ou de demander un soutien à la collectivité référente.

Le nombre d'Accompagnateurs Rénov' est actuellement de 2 000 et il est envisagé de le porter à 5 000 en 2025 et plus de 7 000 en 2030, ce qui est un minimum et il faudrait -- en cas de succès du dispositif -- adapter pragmatiquement son dimensionnement, les capacités du dispositif MAR devant s'ajuster à ses ambitions.

Selon les données du SGPE après la réunion de travail du 12 juin 2023116(*), le plan de montée en charge de l'accompagnement pour les prochaines années serait en effet de passer, d'une part pour les guichets France Rénov', de 450 guichets aujourd'hui à 1 200 à l'horizon 2025 (soit environ un guichet par EPCI) et, d'autre part pour MAR, de 700 opérateurs, 3 000 personnes et 62 000 accompagnements en 2022 via le réseau France Rénov' et l'Anah à environ 7 000 à 10 000 ETP financés par les CEE à l'horizon 2030, avec 80 accompagnements en moyenne par ETP.

Enfin, ces accompagnateurs MAR devront systématiquement, en l'absence de projet de rénovation globale, veiller à l'établissement de parcours de travaux cohérents, qui permettent que les travaux soient faits dans le bon ordre, en commençant par l'isolation par exemple et non pas par les seuls systèmes de chauffage.

Proposition n° 8 :  Garantir l'accompagnement des ménages.

Faire preuve de vigilance dans le calendrier et les modalités du dispositif Mon Accompagnateur Rénov' en veillant :

- à son bon dimensionnement pour permettre des parcours de travaux ;

- à la « neutralité » et l'indépendance des accompagnateurs ;

- à la couverture territoriale ;

- à leur formation notamment aux enjeux du bâti ancien ;

- à s'appuyer sur les acteurs existants qui ont fait leurs preuves, notamment ceux mis en place par les collectivités territoriales.

4. Replacer les entreprises artisanales au coeur des travaux de rénovation

Le label RGE, octroyé par l'un des trois organismes certificateurs (Qualifelec, Qualibat, Qualit'EnR), eux-mêmes accrédités auprès du Comité français d'accréditation (Cofrac), permet aux particuliers de faire le tri au sein de l'offre des professionnels, mais, comme il a été vu, les garanties offertes par ce label en termes de qualité sont trop limitées117(*) : il sortirait donc renforcé de contrôles plus rigoureux de la qualité des travaux, par exemple sur les chantiers mais aussi en prévoyant des vérifications post-travaux. Les contrôles doivent être, en vertu d'un principe de proportionnalité, adaptés à la taille des entreprises de sorte que les plus grosses structures soient contrôlées sur relativement plus de chantiers118(*). En amont, il conviendrait bien sûr d'adapter le label RGE pour le rendre plus attractif119(*), en le modulant selon la taille de l'entreprise, pour accroître le nombre de structures en bénéficiant. Les artisans et les petites entreprises doivent ainsi pouvoir bénéficier du label en démontrant leurs qualifications « sur le tas » lors des chantiers de travaux eux-mêmes.

L'expérience des certificats de conformité du Comité national pour la sécurité des usagers de l'électricité (CONSUEL)120(*), qui ne concernent que les seuls travaux d'électricité, pourrait inspirer l'ensemble de ces contrôles. Ces certificats prennent la forme de formulaires Cerfa, plus connus sous le nom de « Consuels », du nom de l'organisme qui délivre ces certificats. Il s'agit en effet une fois terminée l'installation électrique et avant sa mise en service de contrôler la qualité des travaux en deux temps : l'auteur des travaux demande, paie et signe le « Consuel », qui est en fait une attestation de conformité relative aux travaux effectués qui engage sa responsabilité sur le chantier réalisé, puis l'organisme Consuel -- souvent via Enedis ou la régie locale de distribution d'électricité -- appose son visa sur l'attestation de conformité après avoir fait visiter le chantier par un de ses inspecteurs. Dans le cas où la première visite révèle une non-conformité, une deuxième visite est programmée.

Outre le label RGE, le développement des rénovations globales par les artisans bloque sur un problème juridique. Les groupements d'entreprises sont obligatoirement solidaires. Si on peut en comprendre la logique, dans les faits, rendre le plombier responsable du couvreur ou le menuisier des panneaux solaires n'a guère de sens pour des entreprises artisanales de taille et de capacité financière limitées. Cette évolution législative avait été votée très largement à l'Assemblée nationale et au Sénat lors de l'examen de la loi Climat et résilience mais a été censurée comme cavalier législatif par le Conseil constitutionnel.

Il serait important de la reprendre dans un véhicule législatif approprié.

Proposition n° 9 :  Redonner aux artisans leur rôle d'acteurs de proximité et de confiance dans la rénovation.

Déployer des contrôles aléatoires et sur un panel proportionnel à la taille de l'entreprise et au nombre de chantiers.

Adapter le label RGE en pérennisant son attribution sur chantier pour les entreprises artisanales et permettre aux petites entreprises de réaliser des travaux de rénovation énergétique sous réserve d'un contrôle a posteriori, type Consuels.

Modifier la loi pour permettre à des artisans constitués en groupements momentanés d'entreprises (GME) non solidaires de mener les rénovations globales.

5. Restaurer la confiance par une lutte plus active contre les malfaçons et les fraudes

Les fraudes et les escroqueries jettent le discrédit sur l'ensemble de cette politique publique entraînant une perte de confiance chez le consommateur et doivent donc être plus durement combattues.

Pour sortir du climat de défiance, l'intensification de la lutte contre les fraudes, et non seulement les malfaçons, est nécessaire.

En amont des sanctions, restaurer la confiance passe par le fait de, renforcer les contrôles et d'assurer leur cohérence. Ainsi, les contrôles relatifs aux différents dispositifs (MaPrimeRénov', RGE, certificats d'économie d'énergie) doivent être rapprochés les uns des autres, voire totalement mis en commun, avec des partages d'information systématiques, en bénéficiant de circuits locaux de confiance. Cela permettra de réaliser des économies d'échelle et, surtout, cela donnera de la cohérence grâce à une plus grande coordination des actions des services impliqués dans la lutte contre les fraudes : les différents services de l'État concernés, l'Anah, les organismes de qualification RGE... Ce chantier débute, il doit s'intensifier et être renforcé. Une plus grande coopération entre les services de l'État, avec des échanges d'information par exemple, en vue de faciliter le travail de la DGCCRF, des douanes, de la police et de la justice peut y aider. Dès la conception de la politique publique, le fait de formuler des systèmes d'aides publiques qui ne soient pas générateurs de pratiques opportunistes peut également prévenir les fraudes et assainir le marché.

Cependant la lutte contre les fraudes passera également par des sanctions renforcées. Selon le type de fraudes, les dispositions qu'il conviendrait de modifier dans un sens plus dissuasif seraient différentes et porteraient moins sur les saisies pénales à titre conservatoire -- qui permettent en amont des procédures avec par exemple des confiscations ou l'immobilisation des avoirs et des biens, de prévenir la disparition des sociétés avant jugement -- que sur les poursuites pénales ou administratives, avec des sanctions significatives pouvant aller jusqu'à des peines d'emprisonnement avec ou sans sursis, complétées par des sanctions pécuniaires. L'effectivité des sanctions prononcées doit permettre à ces décisions d'avoir des effets réels.

Quatre pratiques sont ainsi aujourd'hui sanctionnées par le code pénal. Pour les faits les plus graves, il s'agit d'escroqueries, simples ou en bande organisée. Aux termes de l'article 313-1 du code pénal, l'escroquerie simple est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 375 000 euros d'amende, ce qui pourrait être durci dans le cas d'escrocs dans le secteur de la rénovation. La plupart des dispositions pertinentes figurent en effet dans le livre III du code pénal, dont les articles 311-1 à 324-9 traitent des crimes et délits contre les biens. L'article 313-2 du même code prévoit ainsi des circonstances aggravantes portant les peines à sept ans d'emprisonnement et à 750 000 euros d'amende, dont au moins deux des cinq cas qui sont prévus pourraient trouver à s'appliquer aux travaux de rénovation. Ces peines s'appliquent ainsi lorsque l'escroquerie est réalisée :

« 2° Par une personne qui prend indûment la qualité d'une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public ; (...)

5° Au préjudice d'une personne publique, d'un organisme de protection sociale ou d'un organisme chargé d'une mission de service public, pour l'obtention d'une allocation, d'une prestation, d'un paiement ou d'un avantage indu. »

Il faut rappeler que ces peines sont même portées à dix ans d'emprisonnement et à un million d'euros d'amende lorsque l'escroquerie est commise en bande organisée.

D'autres sanctions pouvant frapper les fraudeurs dans le secteur de la rénovation figurent dans le code pénal :

- le faux et usage de faux (article 441-1) puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. L'article 441-7 ramène à un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende le fait d'établir une attestation ou un certificat faisant état de faits matériellement inexacts ; de falsifier une attestation ou un certificat originairement sincère ; de faire usage d'une attestation ou d'un certificat inexact ou falsifié. En revanche les peines sont portées à trois ans d'emprisonnement et à 45 000 euros d'amende lorsque l'infraction est commise soit en vue de porter préjudice au Trésor public ou au patrimoine d'autrui, soit en vue d'obtenir un titre de séjour ou le bénéfice d'une protection contre l'éloignement ;

- l'usurpation d'identité (article 226-4-1) puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende ;

la collecte de données à caractère personnel par un moyen frauduleux, déloyal ou illicite (article 226-18) puni de cinq ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende.

En matière non pénale, dont le champ recouvre des pratiques sanctionnées par le code de la consommation, dix cas de figure se présentent.

Les sanctions contre les fraudes relatives à la tromperie et aux falsifications, relèvent quant à elles des articles L 451-1 à L 455-2 du code de la consommation. L'article L 454-1 du code de la consommation précise par exemple que la violation de l'interdiction prévue à l'article L 441-1 (qui concerne les tromperies) « est punie d'une peine d'emprisonnement de trois ans et d'une amende de 300 000 euros ».

L'article L 132-11 du code de la consommation dispose que les pratiques commerciales agressives mentionnées aux articles L 121-6 et L 121-7 du code de la consommation sont punies d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 300 000 euros. L'article L 132-2 du code de la consommation concerne les pratiques commerciales trompeuses mentionnées aux articles L 121-2 à L 121-4, elles sont punies d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 300 000 euros. Dans ces deux cas de fraudes, le montant de l'amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du délit, à 10 % du chiffre d'affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits. De même, deux circonstances aggravantes portent la peine d'emprisonnement à trois ans (dans le cas où ces pratiques commerciales agressives ou trompeuses ont été suivies de la conclusion d'un ou de plusieurs contrats) ou à sept ans (dans le cas où ces pratiques ont été commises en bande organisée).

L'article L 132-14 du code de la consommation sanctionne l'abus de faiblesse et rappelle à cette fin que le fait d'abuser de la faiblesse ou de l'ignorance d'une personne au sens des articles L 121-8 à L 121-10 est puni d'un emprisonnement de trois ans et d'une amende de 375 000 euros. Le montant de l'amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du délit, à 10 % du chiffre d'affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits.

Le non-respect de l'interdiction de paiement ou de contrepartie dans un délai de 7 jours à compter de la conclusion du contrat prévue par l'article L 221-10 du code de la consommation (ce qui revient au fait d'exiger ou d'obtenir du client un paiement ou une contrepartie avant l'expiration du délai de sept jours à compter de la conclusion du contrat de vente hors établissement) est puni aux termes de l'article L 242-7 d'une peine d'emprisonnement de deux ans et d'une amende de 150 000 euros.

La non-remise d'un contrat conforme : l'article L 242-5 du code de la consommation dispose ainsi que le fait de ne pas remettre au client un exemplaire du contrat dans les conditions prévues à l'article L 221-9 ou de remettre un contrat non conforme aux dispositions du même article est puni d'une peine d'emprisonnement de deux ans et d'une amende de 150 000 euros.

Certains manquements sont moins graves et ne prévoient généralement pas de peines d'emprisonnement mais devraient également être plus durement sanctionnés, par exemple à travers le doublement du montant des amendes :

- l'article L 242-16 du code de la consommation prévoit ainsi que tout manquement aux dispositions des articles L. 223-1 à L. 223-5 relatifs à l'interdiction sectorielle du démarchage téléphonique est passible d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 € pour une personne physique et 375 000 € pour une personne morale121(*).

- le non-respect des obligations d'information précontractuelle, les articles L 131-1 et L 131-1-1 du code de la consommation précisent que les manquements aux obligations d'information précontractuelle prévues aux articles L 111-1 et L 111-3 et aux articles L 221-5 et L 242-6 pour les contrats conclus à distance et hors établissement (dont droit de rétractation) sont passibles d'amendes administratives de 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale (cas général). L'article L 242-10 qui concerne des manquements plus graves dispose que tout manquement aux obligations d'information prévues aux articles L 221-5, L 221-6, L 221-8, L 221-11, L 221-12 à L 221-14 est passible d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 15 000 euros pour une personne physique et 75 000 euros pour une personne morale122(*). L'article L 242-6 va encore plus loin et dispose que l'absence de remise du formulaire type de rétractation prévu par l'article L 221-9 ou la fourniture d'un formulaire non conforme aux dispositions du 7° de l'article L 221-5 sont punies d'une peine d'emprisonnement de deux ans et d'une amende de 150 000 euros.

- les applications insuffisantes du droit de rétractation du consommateur (14 jours), prévu par les articles L 222-7 à L 227-15 du code de la consommation. Aux termes de l'article L 242-13, tout manquement aux dispositions des articles L 221-18, L 221-21 et L 221-23 à L 221-27 encadrant les conditions d'exercice du droit de rétractation reconnu au consommateur, ainsi que ses effets, est passible d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 15 000 euros pour une personne physique et 75 000 euros pour une personne morale. L'article L 242-30 précise que le fait pour tout professionnel, directement ou indirectement, de faire supporter au consommateur qui exerce son droit de rétractation des coûts, y compris ceux afférents à d'éventuels services fournis avant l'exercice du droit de rétractation est puni d'une amende de 300 000 euros.

- enfin, le défaut d'information sur l'absence de délai de rétractation en cas de vente dans les foires et salons, l'article L.242-23 indique ainsi que tout manquement aux dispositions des articles L 224-59 à L 224-62 est passible d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale.

Dans les cas où les pratiques frauduleuses témoignent moins d'une volonté de tromper le consommateur que d'une connaissance insuffisante des exigences du code de la consommation de la part des professionnels, les enjeux de formation évoqués plus loin retrouvent toute leur acuité : déployer, avec un rôle actif des organisations professionnelles, des plans de formation ambitieux incluant des formations au droit de la consommation, y compris pour le label RGE permettra de développer le marché de la rénovation énergétique avec des acteurs sains.

Par ailleurs, en vue de contribuer à ce que le label RGE trouve son point d'équilibre entre réduction des exigences requises permettant d'augmenter le nombre d'entreprises RGE et renforcement de la qualité pour assurer la confiance des ménages dans le label, il convient de sécuriser le retrait du label RGE des entreprises frauduleuses qui est aujourd'hui prononcé par les organismes qualificateurs (OQ) avec un risque contentieux face auquel ils sont souvent démunis123(*). L'exclusion du dispositif RGE devrait ainsi être prononcée par un organisme public d'État comme la DGCCRF ou l'Anah. Il ne s'agirait donc plus d'un simple retrait du label par un OQ mais du prononcé d'une véritable décision de type « exclusion du dispositif RGE » avec un délai de carence interdisant -- à compter de la date de la décision -- à l'entreprise de se représenter devant un autre OQ pour redemander un label RGE (le même ou un autre). Un tel délai de carence est aujourd'hui pratiqué par les OQ avec une durée fonction du caractère frauduleux des faits : de six mois pour une publicité mensongère à deux ans pour la falsification du certificat RGE pour obtenir des aides financières. Ce délai devrait être porté à un minimum d'un an.

De manière plus générale, les moyens de la direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF) devraient être accrus, ce qui préviendra également le risque de fraudes. Comme l'a rappelé la commission des Finances du Sénat dans un rapport récent124(*), la DGCCRF apparait aujourd'hui affaiblie, au moment même où l'on a le plus besoin d'elle. Cette administration au coeur de la lutte contre les fraudes souffre, tout d'abord, de la réduction significative de ses moyens humains depuis 2007 : en effet depuis quinze ans, ses effectifs ont été réduits d'un quart, alors que ses missions se complexifient. Environ un millier d'agents supplémentaires seraient requis pour simplement compenser les emplois supprimés (2 910 ETPT en 2023, à mettre en regard des 911 ETPT supprimés au cours des quinze dernières années).

S'agissant plus spécifiquement des magistrats, la mobilisation des moyens du ministère de la Justice doit permettre de sanctionner de manière plus effective et plus lourde les pratiques problématiques du secteur de la rénovation. Les parquets ont d'ores et déjà été sensibilisés une première fois à ce sujet et la commission appelle à poursuivre ce travail de sensibilisation. Les consommateurs doivent également être mieux informés des risques de fraudes et d'escroqueries et des dispositifs publics existants (MAR, MPR...) C'est pourquoi des campagnes de communication doivent être organisées. Le démarchage a par exemple été interdit mais l'interdiction est contournée puisqu'il se poursuit : à cet égard, il est indispensable de mieux faire connaître le site « Signalconso.fr », qui permet aux particuliers de faire des signalements. Les sites internet et les publicités proposant des travaux de rénovation (comme l'installation de pompes à chaleur, des isolations...) devraient inviter les particuliers à se rapprocher d'une agence France Renov' et, surtout, inclure un lien de redirection vers la plateforme FranceRenov'. Le non-respect de ces obligations doit donner lieu à des sanctions. C'est plus généralement tout l'écosystème de la rénovation qui doit favoriser les acteurs vertueux et décourager les escrocs. ''

Proposition n° 10 :  Mieux lutter contre la fraude.

Renforcer les contrôles, assurer leur coordination et leur cohérence.

Alourdir les sanctions, notamment, porter à dix ans de prison et un million d'euros d'amende la peine encourue pour escroquerie lorsqu'il y a usurpation d'identité d'une personne chargée d'une mission de service public et préjudice au détriment de l'argent public, et généraliser la fixation des amendes à un niveau proportionné aux avantages tirés du délit, soit 10 % du chiffre d'affaires annuel.

Accroître les moyens humains de la DGCCRF, mille postes ayant été supprimés depuis 2007.

Sensibiliser les magistrats aux pratiques problématiques du secteur de la rénovation pour leur permettre de sanctionner de manière plus effective et plus lourde.

Sensibiliser les consommateurs aux risques de fraudes et d'escroqueries, en faisant mieux connaître la plateforme de signalements « SignalConso.fr » de la DGCCRF.

Obliger les sites internet et les publicités proposant des travaux de rénovation à inviter les particuliers à se rapprocher d'une agence France Renov' et, surtout, à inclure un lien de redirection vers la plateforme France Renov'.

Sécuriser le retrait du label RGE par une décision de la DGCCRF ou de l'Anah assorti d'un délai de carence d'au moins un an.


* 104 Cf. l'arrêté du 31 mars 2021 relatif au diagnostic de performance énergétique pour les bâtiments ou parties de bâtiments à usage d'habitation en France métropolitaine : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000 043 353 335.

* 105 Obligatoire lors des ventes et des locations et effectué à l'initiative du propriétaire ou du bailleur du logement à ses frais et intégré au dossier de diagnostic technique (DDT), le DPE est devenu pleinement opposable le 1er juillet 2021, conformément à la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite loi ELAN. Délivré jusqu'à cette date à titre simplement informatif, le DPE a désormais une portée juridique : d'une part, toute personne concernée (locataire, acquéreur, vendeur, bailleur) peut se retourner contre le diagnostiqueur immobilier en cas de faute, erreur ou manquement lors de l'établissement du diagnostic, d'autre part, si l'étiquette du DPE dans l'annonce du bien comporte de fausses informations, l'acquéreur ou le locataire peut engager un recours auprès du tribunal pour demander des dommages et intérêts voire l'annulation de la vente. En outre, le vendeur non professionnel peut se voir infliger une amende d'un montant maximal de 3 000 euros et le vendeur professionnel une amende d'un montant maximal de 3 000 euros s'il est une personne physique et 15 000 euros s'il est une personne morale.

* 106 Cf.  http://www.patrimoine-environnement.fr/wp-content/uploads/2023/06/Synth %C3 %A8se-finale-G7-1er-Juin-2023-VF.pdf.

* 107 Une rubrique consacrée à la présence ou non de volets et de masques solaires (végétaux ou non, et si végétaux à feuillage caduc ou non) existe bel et bien dans les questionnaires actuels des DPE mais cette rubrique n'est pas systématiquement renseignée et quand elle l'est, elle le serait de manière très subjective, en fonction de la perception et de la rigueur du diagnostiqueur.

* 108 Cf. la publication Insee Première, n° 1918, août 2022.

* 109 Pour le seul été 2022, on dénombre 10 000 personnes mortes de plus par rapport à la moyenne des années précédentes.

* 110 En raison de sa consommation d'énergie et son impact carbone, la climatisation pourrait n'être encouragée -- par les DPE et les dispositifs d'aide -- que dans le cas de bâtiments accueillant des personnes fragiles (hôpitaux, Ehpad) et non pour les logements individuels.

* 111 Cf. l'étude de la division de la législation comparée annexée au présent rapport.

* 112 Cf. le rapport (n° 129, 2022-2023) de nos collègues Pierre Henriet, député, et Gérard Longuet, sénateur, Pour une rénovation énergétique des bâtiments pilotée, encouragée et accélérée : https://www.senat.fr/rap/r22-129/r22-129_mono.html.

* 113 Cf. leur site français : https://www.energiesprong.fr/

* 114 L'accompagnement n'est que recommandé et reste facultatif, il est toutefois obligatoire dans deux cas qui expliquent ce calendrier : 1- depuis le 1er janvier 2023 pour les ménages modestes et certains propriétaires bailleurs conventionnés réalisant des travaux de plus de 5 000 euros bénéficiant d'aides de l'Anah et conditionnées à une amélioration d'au moins 35 % de la performance énergétique globale du logement, comme c'est le cas de MaPrimeRénov' Sérénité ; 2- à partir du 1er septembre 2023 pour les bouquets de travaux d'au moins deux gestes et faisant l'objet d'une demande d'aide au titre de MaPrimeRénov' supérieure à 10 000 euros.

* 115 Mis en place en 2020, le programme d'information « Service d'accompagnement pour la rénovation énergétique » dit programme Sare est coporté par les régions et l'Ademe, avec un coût supporté à 50 % par les CEE. Les collectivités territoriales volontaires peuvent, dans chaque région, signer des conventions avec les préfets de région en vue du déploiement de ce service d'accompagnement des particuliers.

* 116 Cf.  https://www.gouvernement.fr/upload/media/content/0001/06/1dd52b2f5ff8e475763a295fa7cbab5b0a3b0a8c.pdf.

* 117 Ce problème de qualité s'explique notamment par le système de contrôles des entreprises RGE : l'organisme de qualification contrôle des chantiers désignés par l'entreprise. L'entreprise peut ainsi sélectionner les chantiers de meilleure qualité, qui ne sont pas forcément représentatifs de la qualité de l'ensemble des travaux de rénovation énergétique menés.

* 118 Contrôler 5 chantiers d'une grosse entreprise qui en réalise des centaines n'est pas équivalent au fait de contrôler 5 chantiers d'une petite entreprise qui en réalise 7.

* 119 Le nombre d'artisans labellisés stagne, comme il a été vu, à 15 % de son niveau potentiel (70 000 entreprises), soit un nombre sensiblement inférieur à l'objectif fixé par le Gouvernement de 250 000 entreprises labellisées RGE. Il convient de relever que les petites entreprises sont de moins en moins souvent labellisées.

* 120 Ce Comité est une association tripartite regroupant usagers, distributeurs d'énergie et installateurs électriciens, dont la mission est de prévenir d'éventuels incidents électriques et d'assurer la sécurité des personnes et la conservation des biens.

* 121 Deux exemples récents peuvent être donnés : par une décision du 15 mars 2021, le directeur départemental de la protection des populations (DDPP) du Gard a infligé une amende administrative de 366 930 euros, dont 330 750 euros pour non-respect de l'interdiction sectorielle de démarchage téléphonique (1 225 manquements), à la SAS Groupe Beaumet énergies ; et la SAS Protherm énergie s'est vue infliger le 24 mai 2022 par la DDPP de Seine-et-Marne une amende de 75 000 euros pour non-respect de l'interdiction sectorielle de démarchage téléphonique, recueil de données téléphoniques sans informer le consommateur de son droit d'inscription à la liste d'opposition au démarchage téléphonique et non communication des coordonnées du médiateur de la consommation.

* 122 Par une décision du 1er juillet 2021, le DDPP de Gironde a par exemple infligé une amende administrative de 24 804 euros prononcée à l'encontre de la société ENR Grenelle Habitat pour manquement à l'article L.221-11 du code de la consommation (remise non conforme des informations précontractuelle relatives au droit de rétractation).

* 123 8 % des 26 millions d'euros de budget annuel de Qualibat prend ainsi la forme de provisions pour risques contentieux en raison de la multiplication des contestations de ses décisions de retrait du label.

* 124 Cf. https://www.senat.fr/rap/r21-903/r21-903.html.