B. LE MODÈLE ÉCONOMIQUE DES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS D'AMÉNAGEMENT COMPREND DE TRÈS FORTES DÉPENSES INITIALES, EN PRINCIPE ÉQUILIBRÉES PAR DES RECETTES ÉLEVÉES EN FIN D'OPÉRATION

Contrairement aux EPF, les EPA interviennent pour la plupart sur une opération unique (opération d'intérêt national) avec un cycle de vie comprenant un lancement, un déroulement et une fin.

1. Les EPA se distinguent les uns des autres par leur position dans le cycle global d'investissements

Les frais exposés pendant les premières années de l'opération sont importants avec les frais d'étude, les acquisitions de terrains ou de bâtiments et la réalisation des travaux d'aménagement. En conséquence, le financement repose sur des subventions publiques mais aussi sur un fort recours à l'emprunt.

Modèle économique simplifié des EPA

Source : commission des finances

En fin d'opération, les recettes de cession permettent normalement de rembourser les emprunts. L'établissement public n'a pas vocation à réaliser des bénéfices et poursuit un objectif de marge nulle. Le bilan financier ne peut donc être appréhendé que dans une échelle de temps de l'ordre d'une à deux décennies.

Le cabinet Roland-Berger, dans une étude sur les établissements publics d'aménagement réalisée en 202066(*), répartit ainsi les EPA selon leur position à différentes étapes d'un cycle de vie tendant vers un retour à l'équilibre, éventuellement suivi d'une seconde phase d'investissement.

Cycle de maturité des établissements

Source : Roland-Berger

La mise en oeuvre de ce schéma demeure toutefois soumise à des incertitudes. Certains EPA sont confrontés à des déficits opérationnels à fin d'affaire, dont le financement n'est pas encore arbitré par l'État et les collectivités des territoires concernés.

Certains établissements développent de nouvelles activités afin de préserver leurs revenus.

Exemple de nouvelles activités : la co-promotion immobilière

Le contrat d'objectifs 2022-2026 de Grand Paris Aménagement intègre ainsi la co-promotion immobilière parmi les activités de l'établissement. Les dépenses initiales se limitent à des études et l'acquisition du foncier, qui représente le principal pic de dépenses, survient au moment des premières recettes (ventes en l'état futur d'achèvement). Les recettes comprennent des honoraires et une marge à terminaison de l'opération. Le profil de l'opération est ainsi très différent de celui d'une opération d'aménagement classique, qui voit un pic de dépenses important au bout de trois ou quatre années, qui est résorbé progressivement au cours des années suivantes.

La co-promotion constitue, pour l'EPA, une diversification des activités vers l'aval. Elle permet de capter une partie de la marge résultant de l'activité de promotion. Elle peut toutefois nécessiter la formation d'équipes spécifiques pour une nouvelle compétence, ce qui ne peut se justifier que si les revenus additionnels sont suffisants.

Source : commission des finances

2. Le niveau d'endettement fait l'objet d'un plafonnement

Le niveau d'endettement global des établissements publics d'aménagement (EPA) et des établissements publics fonciers et d'aménagement (EPFA) fait l'objet d'un plafonnement depuis 2015 par un accord entre la direction du budget et la direction de l'urbanisme, de l'habitat et des paysages (DHUP), tendant à optimiser le recours à l'emprunt.

Ce plafond est établi sur la base d'une trajectoire triennale glissante définissant un plafond fixe pour l'année N+1 et deux plafonds conditionnels applicables aux années N+2 et N+3. La ventilation de ce plafond global au niveau de chaque établissement est du ressort de la DHUP.

L'étude précitée de 2020 soulignait que le modèle économique de ces établissements repose sur la mobilisation d'importantes ressources en dette, qui anticipent les recettes arrivant massivement en fin d'opération. Compte tenu du développement de nouvelles opérations, cette étude recommandait de relever le plafond de dette fixé alors à 580 millions d'euros, soulignant qu'une trop forte limitation de l'endettement entraîne des retards dans les opérations, eux-mêmes porteurs de surcoûts fonciers, notamment à cause de l'augmentation du prix des terrains et de la hausse des taux d'intérêt.

La DHUP a indiqué au rapporteur spécial que, pour 2022, le stock global d'emprunts autorisé pour les EPA et EPFA s'établissait à 684,2 millions d'euros, ce qui demeure encore inférieur au montant préconisé (768 millions d'euros en 2024), mais réduit tout de même les risques d'arbitrage entre le rallongement du calendrier des opérations (par report des dépenses) et la révision à la baisse des projets (pour réduire les coûts).

3. Les subventions occupent une importance variable selon les établissements

Les EPA reçoivent des subventions de sources diverses, dont l'État et les collectivités territoriales.

Produits et subventions des EPA

(en millions d'euros, en 2022)

Source : commission des finances, à partir des éléments communiqués par la DHUP

S'agissant plus spécifiquement des subventions apportées par le programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » de la mission « Cohésion des territoires », elles sont destinées, en très grande majorité, à des opérations de transformation urbaine, les opérations en extension urbaine étant généralement rentables.

Ces subventions ont été de 32,4 millions d'euros en 2022, dont 13,6 millions d'euros pour les EPA d'Île-de-France et 11,3 millions d'euros pour l'EPA de Saint-Étienne67(*). Ces montants sont très variables d'une année à l'autre, en fonction de l'avancement des projets. En 2021, les subventions du programme 135 avaient été de 27,9 millions d'euros en crédits de paiement, dont 9,6 millions d'euros pour les EPA d'Île-de-France, 6,7 millions d'euros pour l'EPA de Saint-Étienne et 6,6 millions d'euros pour Euroméditerranée68(*).

Les subventions versées aux établissements publics d'aménagement ont vocation à être contractualisées dans le cadre des contrats de plan État-Région (CPER) 2021-2027. Toutefois, le contrat de plan conclu avec la région Provence-Alpes-Côte d'Azur ne prévoit plus de versements dans ce cadre aux EPA Euroméditerranée et Écovallée Plaine du Var, les subventions versées depuis le programme 135 à ces établissements se faisant donc en dehors du CPER, via des protocoles spécifiques69(*).

Montant des subventions engagées au titre des CPER

(en millions d'euros d'autorisations d'engagement)

Année

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Subventions engagées au titre des CPER

25,2

24,0

25,1

35,4

24,0

27,8

26,0

27,1

Source : rapports annuels de performance annexés aux projets de loi de règlement. CPER 2017-2020 jusqu'en 2020, puis CPER 2021-2027


* 66 Roland-Berger, Étude du modèle économique des EPA, juin 2020.

* 67 Données communiquées par la DHUP au rapporteur spécial.

* 68 Rapport annuel de performances de la mission « Cohésion des territoires » annexé au projet de loi de règlement pour 2021.

* 69 Rapport annuel de performances de la mission « Cohésion des territoires » annexé au projet de loi e règlement pour 2022.

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