N° 869

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 11 juillet 2023

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur la formation continue des enseignants,

Par M. Gérard LONGUET,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel.

L'ESSENTIEL

La formation continue des enseignants cristallise un certain nombre de critiques structurelles, dont le sens a peu changé depuis des décennies. Si l'attention du ministère reste concentrée sur la formation initiale, la formation continue concerne toutefois désormais une part non négligeable des enseignants, de sorte que la problématique générale semble être moins celle des moyens que de parvenir à une amélioration qualitative. Gérard Longuet, rapporteur spécial des crédits de l'enseignement scolaire, a présenté les conclusions de son travail de contrôle budgétaire en ce sens le 11 juillet 2023.

I. INSUFFISANTE, DÉCONNECTÉE, PEU LISIBLE : DES CRITIQUES RÉCURRENTES À L'ENCONTRE DE LA FORMATION CONTINUE DES ENSEIGNANTS

La loi pour une école de de la confiance du 26 juillet 2019 a instauré une obligation d'accès à la formation continue pour les enseignants. Cela ne constituait pas une innovation pour le premier degré, les obligations de service des professeurs des écoles comportant depuis 2008 dix-huit heures consacrées à des actions de formation continue, à l'inverse des enseignants du second degré, pour lesquels aucun temps de formation ne figure au niveau réglementaire. Contrairement aux idées reçues, l'accès des enseignants à la formation est, sur un plan quantitatif, assez massif, bien que très variable entre le premier et le second degré. En 2020-2021, 67 % des enseignants du premier degré public (soit 221 000 personnes) ont effectivement participé à une formation. Dans le second degré, cette proportion concerne la moitié des enseignants.

Accès à la formation continue dans l'enseignement public en 2021-2022)

Source : commission des finances d'après les données du ministère

Le temps moyen de formation reste quant à lui significativement bas pour la majeure partie des enseignants et demeure bien inférieur par rapport au reste de la fonction publique. Il était en 2019-2020 de 2 jours par enseignant dans le premier degré, et de 1,6 jour dans le second degré, contre 7,4 jours par an pour l'ensemble des personnels des autres ministères.

Les enseignants sont de plus en plus fréquemment désignés pour suivre des formations obligatoires : 57 % des enseignants du premier degré assidus à des formations en 2021-2022 n'avaient pas eux-mêmes candidatés à la formation. S'il est certain que le rôle du ministère, comme pour toute politique publique, est d'orienter la formation continue vers les besoins les plus identifiés et les thématiques qu'il juge centrales, le risque est fort de ne pas emporter l'adhésion d'une partie des professeurs ciblés.

Sur ce point, différentes enquêtes soulignent le sentiment d'inadéquation de la formation par rapport aux besoins exprimés par de nombreux enseignants. D'après l'enquête Talis de 2018 menée par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les enseignants français sont 47 % à considérer qu'il n'existe pas de formation appropriée à leurs besoins, contre 19 % en Belgique ou 24 % en Angleterre. En particulier, la formation a trop souvent pu être utilisée comme un vecteur d'information sur les réformes et les changements de programmes, prenant encore trop peu en compte le contexte social des établissements scolaires.

La formation continue souffre également d'un déficit de visibilité et de lisibilité : plus de la moitié (soit 55 %) des enseignants du premier degré considère que l'accès à l'offre de formation continue est difficile, ou ne sait pas y accéder.

Part des différents freins à la formation continue mis en avant
par les enseignants

(en %)

Source : commission des finances d'après l'enquête Talis 2018 de l'OCDE

II. DES MOYENS FINANCIERS IMPORTANTS MAIS MAL CONNUS

Les limites de la formation continue ne sont cependant pas liées à un manque de moyens humains ou financiers. Au contraire, l'offre de formation n'étant pas toujours pleinement utilisée, les crédits accordés à la formation continue sont structurellement sous-exécutés.

Mais le calcul des montants accordés au titre de la formation continue est rendu complexe par l'absence de suivi distinct des dépenses de personnel de formation initiale et continue consolidé au niveau national. Au total, 1,08 milliard d'euros ont été consacrés en 2022 à la formation des enseignants, en net recul de 11,6 % par rapport à l'année précédente et par rapport à 2017 (en baisse de 27,3 %).

38,4 % des crédits de formation (initiale et continue) sont consacrés au premier degré public et 50,8 % au second degré public, le reste (soit 10,7 %) étant destiné à l'enseignement privé.

Évolution des moyens accordés à la formation des enseignants

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les données du ministère

Les rectorats disposent, à leur niveau, de données budgétaires beaucoup plus fines. Mais l'analyse des moyens demeure cependant loin d'être simple, notamment du fait d'un pilotage partagé, s'agissant du premier degré, entre le rectorat et les directions départementales.

La sous-consommation des crédits de formation des enseignants est un phénomène constant depuis 2015. Si les crédits ouverts en loi de finances sont en augmentation sur la période (d'1,35 milliard d'euros à 1,74 milliard d'euros), les crédits exécutés liés à la formation n'ont jamais été aussi faibles et autant sous-consommés depuis 10 ans. Ainsi, en 2022, ce sont 38 % des crédits accordés à la formation des enseignants qui n'auront pas été utilisés, soit 658 millions d'euros.

La formation continue engendre principalement un coût de remplacement des enseignants. En 2020-2021, les congés liés au suivi de formation continue représentaient 18 % des absences des enseignants. Il s'agit du premier motif d'absence des enseignants à l'exclusion des congés de maladie. Or, il n'existe pas d'effectifs de remplaçants spécifiquement dédiés aux remplacements des enseignants mobilisés pour suivre des formations. Parmi les enseignants du premier degré ayant effectué des formations sur leur temps d'enseignement, seuls 44 % affirment avoir toujours été remplacés.

III. REDONNER DU POIDS À LA FORMATION CONTINUE : UNE PRISE DE CONSCIENCE PROGRESSIVE MAIS DONT LA TRADUCTION EST ENCORE INCOMPLÈTE

Si le pilotage de la formation continue a longtemps été partagé entre les différents échelons, la cohérence d'ensemble du dispositif a souvent été perçue comme difficilement lisible. À partir de 2019, le ministère a toutefois tenté de structurer son effort de formation continue par la mise en place de plans de formation à toutes les échelles.

La formation continue est donc organisée en plusieurs volets principaux organisés selon trois niveaux d'intervention : le niveau national par le programme national de formation (PNF) ; le niveau académique par le programme académique de formation et enfin les formations d'initiative locale (FIL) à l'échelle des établissements. En outre, les écoles académiques de la formation continue, mises en place par le biais d'une expérimentation en juin 2021 et qui ont pour objectif de centraliser la politique de formation continue dans l'académie, constituent une innovation fondamentale mais encore trop récente pour être évaluée. Cette structuration témoigne cependant d'une réelle volonté de prise en compte des enjeux liés à la formation continue par le ministère.

Schéma de la gouvernance de la formation continue des enseignants

Source : commission des finances

Le métier d'enseignant est trop souvent un métier solitaire, dans lesquels les échanges entre pairs ne tiennent qu'une place faible. Les plans « Mathématiques » et « Français » lancés en 2019 ont sur ce plan constitué un changement d'approche de la formation continue, au moins dans le second degré, en encourageant la formation entre enseignants et la confrontation avec les pratiques de classe. L'extension de cette logique dans le second degré et le prolongement de ce modèle au-delà des plans « Mathématiques » et « Français » est souhaitable.

IV. CLARIFIER, ÉVALUER, VALORISER : CONSTRUIRE UNE VÉRITABLE POLITIQUE PUBLIQUE DE LA FORMATION CONTINUE

Les outils informatiques dont dispose le ministère, obsolètes et limités, ne permettent pas de suivre le parcours de formation des enseignants tout au long de leur carrière, sans compter qu'il n'existe qu'une traçabilité très faible des moyens financiers. Il est donc urgent de disposer d'un système d'information plus adapté, à la fois sur le volet budgétaire et sur le volet ressources humaines.

Le dispositif d'évaluation du système de formation est plus que lacunaire, au point qu'une part très importante des formations ne contient pas de module de suivi ou d'évaluation d'impact une fois les enseignants de retour devant leurs classes. D'autre part, lorsqu'une évaluation de la formation existe, elle relève davantage de l'enquête de satisfaction des enseignants que d'une réelle mesure de l'impact de la formation sur leurs pratiques pédagogiques.

Comparaison de la proportion d'enseignants indiquant un impact positif

des activités de formation continue sur les pratiques enseignantes
dans le premier degré

(en %)

 

France

Espagne

Angleterre

Pays-Bas

Suède

Belgique (Flandre)

Danemark

Impact positif de l'une (au moins) des activités de formation continue suivies sur la manière d'enseigner

62 %

84 %

91 %

87 %

81 %

84 %

73 %

Source : commission des finances d'après la DEPP d'après Talis 2018

La certitude que le suivi d'une formation ne sera pas valorisé par le ministère contribue à la faible attractivité de la formation continue auprès des enseignants. Or, à l'heure où le ministère met en avant sa « gestion RH de proximité » et promeut une construction davantage individualisée des carrières enseignantes, la formation continue doit selon le rapporteur spécial devenir un levier de gestion des ressources humaines à part entière.

Il est donc nécessaire de tenir compte dans la mobilité géographique et la mobilité de carrière des enseignants du suivi de formations spécifiques, permettant de réellement passer d'une gestion statutaire à une gestion des ressources humaines. Ainsi, il serait envisageable que la validation de formations diplômantes puisse accélérer l'avancement dans la carrière, et l'idéal serait à terme de pouvoir envisager un positionnement prioritaire des enseignants formés sur certains postes à profil.

Enfin, le développement d'une offre de formation de proximité constitue un avantage certain pour mieux s'adapter aux besoins locaux tout en réduisant les coûts de fonctionnement. D'un point de vue budgétaire, rapprocher la formation des enseignants constitue un facteur de rationalisation non négligeable, notamment par la diminution des frais de déplacement.

Coût d'une journée de formation par stagiaire dans l'académie de Nancy-Metz
en 2021-2022

(en jours et en euros)

Source : commission des finances d'après l'académie de Nancy-Metz

Le recentrage d'une partie de la formation continue autour de l'établissement et du projet d'établissement, sans exclure les échelons locaux, académiques et nationaux va dans le sens d'une autonomie accrue (et souhaitable) des établissements et doit contribuer à rapprocher la formation continue des enseignants.

LISTE DES PRINCIPALES RECOMMANDATIONS

L'ensemble de ces recommandations s'adresse au ministère de l'Éducation nationale.

Recommandation n° 1 : distinguer les financements liés à la formation initiale et à la formation continue dans les documents budgétaires en établissant un cadre national de suivi de l'exécution des crédits.

Recommandation n° 2 : mettre fin à la sous-consommation des crédits ouverts au titre de la formation des enseignants.

Recommandation n° 3 : inscrire un nombre minimum d'heures de formation dans les obligations de service des enseignants du second degré.

Recommandation n° 4 : développer rapidement un outil informatique permettant de disposer au niveau national d'un suivi budgétaire fin et d'une base de données dynamique sur les formations suivies par les enseignants.

Recommandation n° 5 : renforcer le dispositif d'évaluation de la formation continue en systématisant le déploiement d'indicateurs adaptés et en établissant un suivi postérieur à la formation.

Recommandation n° 6 : valoriser le suivi de formations au cours de la carrière des enseignants en conditionnant l'accès à certains postes d'enseignement spécifiques à la validation de formations et en accélérant l'avancée dans la carrière pour le suivi de formations diplômantes.

Recommandation n° 7 : améliorer la reconnaissance du métier de formateur en harmonisant les heures de décharge entre académies dans le second degré et en engageant une réflexion sur leur indemnisation.

Recommandation n° 8 : encourager le développement dans les académies de plans locaux de formation en associant les personnels à leur construction.

Recommandation n° 9 : développer les formations d'initiative locale en associant davantage les chefs d'établissement à la construction des formations et en veillant à une inscription des actions de formation continue au sein du projet d'établissement.

I. LA FORMATION CONTINUE DES ENSEIGNANTS, UN « PARENT PAUVRE » LONGTEMPS MAL JUGÉ

A. INSUFFISANTE, DÉCONNECTÉE, PEU LISIBLE : DES CRITIQUES RÉCURRENTES À L'ENCONTRE DE LA FORMATION CONTINUE DES ENSEIGNANTS

La formation continue des enseignants cristallise un certain nombre de critiques récurrentes dont le sens a peu changé depuis des décennies. Si l'attention du ministère reste concentrée sur la formation initiale, il apparaît que la formation continue concerne toutefois désormais une part non négligeable des enseignants, de sorte que la problématique générale semble être moins celle des moyens que de parvenir à une amélioration qualitative.

1. Un accès des enseignants à la formation continue stable malgré des textes ambitieux
a) Le cadre juridique : une obligation légale de formation continue qui n'est pas appliquée au niveau réglementaire pour le second degré

La loi pour une école de de la confiance de 20191(*) a instauré une obligation d'accès à la formation continue pour les enseignants. L'article L. 912-1-2 du code de l'éducation a été modifié, remplaçant une incitation à la formation (« chaque enseignant est encouragé à se former régulièrement ») par une exigence (la rédaction issue de 2019 indique que « la formation continue est obligatoire pour chaque enseignant »).

Cela ne constituait pas une innovation pour le premier degré, les obligations de service des professeurs des écoles comportant depuis 2008 « dix-huit heures consacrées à des actions de formation continue, pour au moins la moitié d'entre elles, et à de l'animation pédagogique »2(*). À l'inverse, cette affirmation ne s'est pas traduite par une modification du cadre règlementaire s'agissant des enseignants du second degré3(*), pour lesquels aucun temps de formation ne figurait et ne figure encore actuellement dans les obligations de service.

La France fait ainsi partie des 12 pays de l'Union européenne (UE), dont la Finlande ou encore l'Estonie, qui imposent un développement professionnel à tous les enseignants du premier degré, sans lier celui-ci à une situation spécifique. En Allemagne, le développement professionnel est obligatoire pour tous seulement dans l'élémentaire et en République tchèque seulement dans le préélémentaire.

Contrairement aux idées reçues, l'accès des enseignants à la formation est, sur un plan quantitatif, assez massif, bien que très variable entre le premier et le second degré. L'obligation légale est formellement assez respectée dans le premier degré : sur les cinq dernières années scolaires, seuls moins de 6 % des enseignants n'ont suivi aucune formation.

Au cours de l'année scolaire 2020-2021, selon la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP), 283 900 enseignants du premier degré public, soit 86 % d'entre eux, se sont inscrits à au moins un module de formation et 67 % de ces mêmes enseignants (soit 221 000 personnes) ont effectivement participé à une formation. Ces proportions ne sont que de respectivement 65 % et 50 % pour les enseignants du second degré (ce qui représente 197 700 enseignants du secondaire ayant participé à une formation).

À cette différence s'ajoutent de fortes disparités entre catégories d'enseignants du même degré. À peine plus de la moitié des professeurs des écoles ayant des besoins spécifiques ou des professeurs remplaçants a eu accès à une formation en 2020-2021, contre 80 % pour les enseignants ayant fonction de directeur d'école. Avoir été dans le même établissement durant les cinq dernières années facilite l'accès à la formation : c'est le cas de 50 % des enseignants, contre 42 % de ceux qui ont changé d'établissement.

Public ayant suivi une formation en 2022 dans le premier degré

Source : commission des finances d'après les données du ministère

Dans le second degré, la typologie des enseignants ayant suivi une formation est liée à de nombreux facteurs. Seuls 43 % des remplaçants du second degré ont eu accès à une formation en 2020-2021. Les enseignants sont plus nombreux en formation continue dans les enseignements techniques et professionnels (taux d'accès à la formation de 61 %) et moins dans les disciplines générales (49 %).

Ventilation par discipline de l'accès à la formation continue
pour les enseignants du second degré

 

Personnes assidues

Nombre de journées de stage

Part des enseignants de la discipline ayant suivi une formation

Allemand

3 119

12 197

44,9 %

Anglais

13 953

47 445

36,8 %

Arts plastiques

3 451

15 522

43,2 %

Autres disciplines techniques

317

887

23,3 %

Autres langues

870

2 556

38,6 %

Biologie

9 006

41 150

46,5 %

Économie gestion

2 946

11 840

45,2 %

Éducation musicale

3 224

13 481

43,2 %

Éducation physique

14 936

70 273

44,9 %

Enseignements technologiques

7 816

32 533

42,5 %

Espagnol

7 169

26 698

39,1 %

Histoire-géographie

12 925

51 498

39,9 %

Lettres

17 835

71 685

36,9 %

Mathématiques

17 167

62 022

39,9 %

Philosophie

1 627

5 975

32,3 %

Sciences économiques

2 029

7 742

39,0 %

Total

177 914

725 736

40,4 %

Source : commission des finances d'après les données du ministère

Le suivi de formations est plus fréquent en milieu de carrière pour l'ensemble des enseignants, ceux en début de carrière se formant paradoxalement moins que leurs collègues plus expérimentés. Moins d'un enseignant du second degré sur cinq ayant 25 ans d'ancienneté ou plus se forme tous les ans, contre un sur quatre pour ceux ayant moins de 25 ans d'ancienneté.

On note par ailleurs une forte déperdition entre les enseignants inscrits à une formation et les personnes considérées comme « assidues », c'est-à-dire ayant suivi l'intégralité de la formation. Près de la moitié des enseignants inscrits ne sont pas assidus à la formation, dans le premier comme dans le second degré.

Accès à la formation continue dans l'enseignement public en 2021-2022

Source : commission des finances d'après les données du ministère

L'inscription par la loi pour une école de la confiance de l'obligation de formation continue pour les enseignants n'a pas entraîné une hausse du taux d'accès à la formation, d'autant plus que les données ont été perturbées dès l'année suivante par la crise sanitaire. Là encore, les évolutions sont contrastées en premier et second degré. L'accès à la formation est en hausse sur la dernière décennie pour le premier degré : entre 2015 et 2019, le taux d'accès à la formation pour les enseignants en maternelle a par exemple augmenté de 24 points. Le taux d'accès à la formation est a contrario en baisse constante pour le second degré, comme l'indique le graphique ci-contre.

Évolution du taux d'accès à la formation

(en %)

Source : commission des finances d'après la DEPP

b) Un temps de formation qui ne progresse pas et reste largement inférieur à la moyenne européenne

Au-delà de l'accès à la formation, le temps moyen de formation reste significativement bas pour la majeure partie des enseignants. En d'autres termes, la prise de conscience de l'importance de la formation continue a pu se matérialiser par une augmentation du temps passé par les enseignants en formation, à tout le moins dans le premier degré, mais celui-ci reste très inégal. Dans le second degré en revanche, le temps passé en formation est stable depuis 2013 pour l'ensemble des catégories d'enseignants.

Si les carences de la formation continue n'épargnent pas l'ensemble de l'administration publique, le temps passé par les enseignants en formation est bien inférieur par rapport au reste de la fonction publique. Il était en 2019-2020 de 2 jours par enseignant dans le premier degré, et de 1,6 jour dans le second degré. Dans l'ensemble, les personnels du ministère de l'Éducation nationale suivent 1,2 jour de formation par an (personnels non-enseignants compris), contre 7,4 jours par an pour l'ensemble des personnels des autres ministères4(*).

Dans l'UE, la France fait pourtant partie des pays les plus ambitieux en matière de formation continue des enseignants, du moins pour le premier degré. Deux autres pays définissent un volume horaire annuel : 18 heures en en Finlande, soit une cible identique à la France et 15 heures ou 16 heures en Autriche. Quatre pays définissent un volume pluriannuel : par exemple 36 heures tous les trois ans de carrière en Lettonie. La Slovénie définit quant à elle une obligation de formation de 5 jours par an, soit un volume nettement supérieur à la France.

Dans le second degré, 7 pays définissent une durée minimum de formation continue pour leurs enseignants, identiques à celui du premier degré en Finlande et en Autriche.

2. Un sentiment majoritaire d'inadéquation de la formation
a) Information n'est pas formation : des formations qui restent perçues par les enseignants comme peu pertinentes

Au-delà de l'aspect quantitatif, pour lequel des progrès ont été malgré tout réalisés, l'analyse qualitative, c'est-à-dire celle du contenu de la formation continue et de sa réception par les enseignants, reste très nuancée.

Les syndicats d'enseignants entendus par le rapporteur spécial soulignent le « scepticisme des enseignants sur l'offre de formation continue », « éloignée des préoccupations des professeurs », trop peu concrètes et déconnectées du quotidien des enseignants5(*). Le constat, amplement partagé, est loin d'être nouveau et a été soulevé à maintes reprises par différents acteurs et notamment les inspections générales. « C'est le peu d'ancrage dans les réalités du travail enseignant dans la classe qui constitue le motif le plus récurrent de désaffection pour la formation » indiquait un rapport de 2018 commun à l'inspection générale de l'Éducation nationale (IGEN) et de l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR)6(*).

Ainsi, d'après l'enquête Talis de 2018 menée par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les enseignants français sont 47 % à considérer qu'il n'existe pas de formation appropriée à leurs besoins, contre 19 % en Belgique ou 24 % en Angleterre.

Part des différents freins à la formation continue mis en avant
par les enseignants

(en %)

Source : commission des finances d'après l'enquête Talis 2018

En particulier, la formation a pu trop souvent être utilisée par les inspections académiques comme un vecteur d'information sur les réformes et les changements de programmes, ce qui ne correspond pas à la vocation de la formation continue, qui doit permettre en premier lieu une amélioration des pratiques des enseignants et leur accompagnement tout au long de leur carrière. La direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO) a reconnu lors de son audition qu'il existait historiquement une tendance au détournement des formations. Comme l'indiquait déjà un rapport du Sénat de 2018, « en 2010, les inspections générales soulignaient que la politique de formation continue avait abandonné deux de ses objectifs originels - l'amélioration des compétences professionnelles et la promotion individuelle - au profit du seul accompagnement des réformes »7(*). Bien qu'anciennement identifiée, cette tendance ne semble pas avoir complètement disparu.

b) Un besoin de formation souligné par les enseignants ciblé sur certains aspects

L'inadaptation des formations provient en premier lieu d'un recueil du besoin inadapté. Ainsi, d'après l'enquête menée auprès de 1 600 enseignants par le centre national d'étude des systèmes scolaires (Cnesco) en 20208(*), seuls 53 % des enseignants du premier degré et 36 % des enseignants du second degré déclarent discuter de leurs besoins en formation avec des personnels de direction ou d'encadrement.

Lorsque le besoin est pris en compte, les syndicats entendus par le rapporteur spécial mettent en avant un possible décalage temporel entre l'identification du besoin et l'action de formation prévue en réponse, le délai entre les deux étant bien souvent trop important (par exemple dans le cas d'élèves à besoins éducatifs particuliers ou au comportement perturbateur).

D'après les données Talis, les enseignants expriment des besoins de formation supérieurs à ceux de leurs collègues européens sur des composantes essentielles de leur métier : l'enseignement aux élèves ayant des besoins spécifiques (34 % au collège contre 21 % dans l'Union européenne) ou la capacité à adopter des approches pédagogiques individualisées (24 % contre 13 %). Chez les enseignants du 1er degré, ces besoins se révèlent encore plus importants : 47 % déclarent des besoins de formation pour l'enseignement à des élèves ayant des besoins spécifiques et 35 % pour l'utilisation du numérique dans l'enseignement.

Par rapport à la précédente enquête Talis de 2013, le besoin de formation des enseignants français a même augmenté pour la quasi-totalité des compétences étudiées : concernant la gestion de classe (+ 4 points), la mise en place d'approches pédagogiques individualisées (+ 5 points), l'enseignement à élèves ayant des besoins particuliers (+ 7 points).

Besoins de formation élevés identifiés par les enseignants en exercice exerçant
en collège, comparaison France et UE entre 2013 et 2018

Source : commission des finances d'après la DEPP

Paradoxalement, alors que le besoin de formations aux compétences transversales est important, les différents acteurs entendus par le rapporteur spécial, et notamment les syndicats d'enseignants, soulignent que les enseignants sont principalement demandeurs de formations disciplinaires. Ainsi, toujours d'après l'enquête Talis, les formations les plus suivies par les enseignants sont celles pour lesquelles ils sont les moins nombreux à exprimer un besoin élevé de formation. À l'école, ce sont les formations dont les contenus portent sur les compétences pédagogiques dans la discipline enseignée (81 %), la connaissance ou la maîtrise de la discipline enseignée (70 %) ou la connaissance des programmes scolaires (62 %) qui sont les plus suivies. Au collège, ce sont celles portant sur les compétences pédagogiques dans la discipline enseignée (63 %), puis celles portant sur la connaissance ou la maîtrise de la discipline enseignée (51 %) ou les pratiques d'évaluation des élèves (51 %). La déconnexion entre le besoin exprimé et le besoin réel de formation est soulignée par un rapport de l'inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche : « les enseignants ont parfois tendance à solliciter et à effectuer des stages dans les domaines où ils sont déjà assez forts et sans besoin »9(*).

Enfin, les formations prennent encore trop peu en compte le contexte social des établissements scolaires. Ainsi, les enseignants en éducation prioritaire suivent moins de formations que leurs collègues, et ce à tous les niveaux.

Taux d'accès à la formation des enseignants du premier degré selon l'affectation en éducation prioritaire, en 2019-2020

Source : commission des finances d'après le bilan social du ministère de l'Éducation nationale

Pourtant, comme l'indique le rapport de l'IGEN-IGAENR de 2018 précédemment mentionné, « les besoins en formation des équipes enseignantes, sont fortement corrélés aux lieux d'exercice et à leur composition sociale ».

B. QUEL COÛT DE LA FORMATION CONTINUE ? UN MANQUE DE TRANSPARENCE BUDGÉTAIRE EN LIEN AVEC DES OUTILS INFORMATIQUES INADAPTÉS

Le rapporteur spécial, comme les acteurs qu'il a entendus, considère que les limites de la formation continue ne sont cependant pas liées à un manque de moyens humains ou financiers. Au contraire, l'offre de formation n'étant pas toujours pleinement utilisée, les crédits accordés à la formation continue sont structurellement sous-exécutés. Pour autant, une analyse budgétaire plus détaillée se heurte à la difficulté de disposer de données consolidées, notamment du fait de systèmes informatiques inadaptés.

1. Des montants conséquents mais mal connus
a) À l'échelle nationale

En effet, si les documents budgétaires contiennent bien des actions dédiées à la formation dans les programmes 140 (action 4) et 141 (action 10), ils ne différentient pas les dépenses de formation initiale et de celles de formation continue. Le ministère a indiqué au rapporteur spécial ne pas réaliser actuellement de suivi distinct des dépenses de personnel de formation initiale et continue mais « souhaite engager des travaux permettant de les distinguer »10(*). Le rapporteur spécial ne saurait trop insister en effet sur l'importance de procéder rapidement à cette réforme.

Cette absence de distinction conduit le ministère à formuler des approximations telles que « dans le premier degré, les crédits de la formation continue financent la formation initiale des personnels enseignants »11(*). Ces crédits sont donc en partie destinés aux instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation (INSPé), la gratification des stagiaires en master métier de l'enseignement, de l'éducation et de la formation (MEEF) et, à titre secondaire, à la formation continue. Dans le second degré, les crédits sont également destinés à accompagner le déploiement du schéma directeur de formation continue (SDFC) des personnels du ministère.

Le ministère met en avant la « réelle complexité méthodologique » de cette distinction : « la budgétisation comme le suivi de l'exécution de ce coût nécessiterait d'agréger des données budgétaires précises (indemnité de formateurs, frais de déplacements et d'hébergement liés à la formation continue...) aux dépenses de remplacement d'absences causées par des actions de formation ». Or, les systèmes d'information du ministère ne permettent à l'heure actuelle d'identifier l'origine du besoin de formation. Le rapporteur spécial estime que, étant donné les montants en jeu, un suivi précis de la destination de la dépense est indispensable pour améliorer la transparence et la performance du ministère. À ce titre, distinguer formation initiale et continue doit constituer un axe prioritaire

Recommandation n° 1 : distinguer les financements liés à la formation initiale et à la formation continue dans les documents budgétaires en établissant un cadre national de suivi de l'exécution des crédits.

La Cour des comptes, s'appuyant sur le calcul établi en réponse à l'enquête interministérielle de la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) dans le cadre du rapport annuel sur l'état de la fonction publique de 2016, a mis en avant la somme d'1,07 milliard d'euros liée à la formation professionnelle des agents du ministère de l'Éducation nationale par an, dont la majeure partie à destination des enseignants.

Ce montant n'est cependant qu'une approximation et paraît assez élevé. Il semble se rapprocher des montants accordés à la formation initiale et continue des enseignants dans son ensemble. Ainsi, 1,08 milliard d'euros ont été consacrés en 2022 à la formation des enseignants, en net recul de 11,6 % par rapport à l'année précédente (soit - 142 millions d'euros). Par rapport à 2017, les crédits accordés à la formation des enseignants ont reculé de 406 millions d'euros, soit une baisse de 27,3 %.

Évolution des moyens accordés à la formation des enseignants

(en CP en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les données du ministère

Cette baisse découle selon le ministère d'une part de la crise sanitaire qui a entraîné une diminution du nombre de formations et d'autre part de la diminution du nombre d'enseignants stagiaires. 38,4 % des crédits de formation (initiale et continue) sont consacrés au premier degré public et 50,8 % au second degré public, le reste (soit 10,7 %) étant destiné à l'enseignement privé.

Ventilation des crédits de formation des enseignants consommés en 2022

(en CP en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les données du ministère

S'agissant du nombre de personnels dédiés à la formation continue, les difficultés sont les mêmes. Le ministère n'a pas pu indiquer au rapporteur spécial quelle part des 20 000 emplois rémunérés par les actions « formation » des programmes 140 et 141 correspondait à des emplois de formateurs.

Plafonds d'emplois consacrés à la formation initiale
et continue des enseignants en 2022

(en ETPT)

 

LFI

Consommation

Premier degré

14 313

10 964

Second degré

12 506

9 161

Source : commission des finances d'après le rapport annuel de performance

Les crédits hors titre 2 relatifs à la formation sont quant à eux dédiés en majeure partie à la formation continue. Ils recouvrent les dépenses afférentes à l'organisation de la formation des personnels, y compris les frais de déplacement. Ils ne représentent toutefois qu'une part extrêmement minoritaire (6,8 %) des dépenses accordées au titre de la formation des enseignants. Par conséquent, s'il est tentant par facilité de réduire l'analyse des crédits aux dépenses hors masse salariale, celles-ci ne sont pas représentatives.

Ventilation par titre des dépenses de formation en 2022

(en %)

Source : commission des finances d'après les données du ministère

Ventilation de l'exécution des crédits hors titre 2

(en CP en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les données du ministère

Concernant l'enseignement privé, une dotation, s'élevant à 37,86 millions d'euros en 2023, est versée chaque année aux organismes de formation continue (essentiellement la fédération des associations pour la formation et la promotion professionnelles dans l'enseignement catholique - FORMIRIS, ainsi qu'à d'autres associations laïques ou confessionnelles). Sur cette somme, 1,6 million est destiné à financer la mise en oeuvre du schéma directeur de la formation continue dans l'enseignement privé.

b) À l'échelle académique

Les rectorats disposent, à leur niveau, de données budgétaires beaucoup plus fines. Mais l'analyse des moyens demeure cependant loin d'être simple, notamment du fait d'un pilotage partagé, s'agissant du premier degré, entre le rectorat et les directions départementales. En outre, chaque académie constitue une entité autonome en matière de gestion, disposant de son propre budget et sa propre organisation, de sorte que la difficulté à disposer d'une vision consolidée des moyens peut également être constatée au niveau de l'académie.

Ainsi, s'agissant de l'académie de Paris, un rapport de l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR)12(*) indiquait que « l'académie ne dispose pas, en effet, des outils de suivi et de pilotage du budget de la formation continue dont elle a besoin. Le budget académique de la formation continue n'est connu dans son ensemble par personne. [...] L'opacité est aujourd'hui totale pour la direction de l'académie concernant les moyens (en crédits, en vacations, en heures de décharge) ». Les moyens consacrés à la formation continue dans l'académie s'élevaient en 2018 à 2,7 millions d'euros. Mais les budgets fluctuaient au cours de l'année, 2 millions d'euros étant délégués en cours de gestion à la division académique de la formation et du développement professionnel (DAFOR) par le rectorat.

À titre d'exemple, les rémunérations accordées aux formateurs dans l'académie de Paris en 2018 représentaient 900 000 euros pour les seuls vacataires et 800 000 euros sous forme de décharges d'enseignement, ce qui représente l'équivalent de 14 ETP. S'y ajoutaient 450 000 euros de crédits de fonctionnement et 700 000 euros pour la rémunération du personnel administratif.

En conséquence, si le ministère ne dispose pas d'une vision académique consolidée, le travail de suivi des crédits doit avant tout s'effectuer au niveau des rectorats eux-mêmes.

Toutefois, il existe une diversité d'approches et de montants. Pour le premier degré, dans l'académie de Nancy-Metz, les moyens académiques sont passés de 18 000 euros seulement en 2017 à 153 000 euros en 2022. À l'inverse, les montants accordés aux directions départementales sont passés sur la même période de 212 000 euros à 198 000 euros. Concernant le second degré, le seuil du million d'euros (1,08 million d'euros) a été franchi dans l'académie en 2022, mais demeure inférieur aux dépenses pré-covid (1,4 million d'euros en 2019).

L'académie de Nancy Metz indique consacrer environ 155,2 ETP, dont 137 enseignants pour l'élaboration et la mise en oeuvre du plan de formation continue, répartis entre l'échelle académique et départementale, ce qui représente un montant de titre 2 de 13 millions d'euros. Ce montant incluant la part de service des enseignants maîtres formateurs et les conseillers pédagogiques de circonscription, qui sont déployés en école primaire, les emplois sont consacrés à près de 80 % sur le 1er degré. 13 ETP sont consacrés au fonctionnement de l'école académique de la formation continue (cf. infra).

Sur la base d'un coût moyen de la journée HT2 de 17,43 euros par stagiaire et du nombre de journées déjà prévues sur les six premiers mois de l'année et d'une projection sur les six derniers mois, le budget estimé pour la période 2022-2023 s'élève à 1,2 million d'euros pour le second degré.

Dans la mesure où l'académie de Nancy représente 3,5 % des effectifs nationaux d'enseignants, dans l'hypothèse où l'académie serait représentative, les dépenses de rémunération liées à la formation continue à l'échelle de l'enseignement public s'élèveraient à un peu moins de 400 millions d'euros. Ce chiffre est cependant vraisemblablement largement en-deçà de la réalité et n'est fourni qu'à titre purement indicatif par le rapporteur spécial.

2. Une sous-consommation récurrente des crédits ouverts pour la formation continue

Au-delà des aspects de pilotage et de consolidation des données, le niveau des moyens accordés ne semble pas avoir constitué une difficulté pour l'ensemble des acteurs entendus par le rapporteur spécial. En témoigne la sous-consommation des crédits de formation des enseignants, qui est un phénomène récurrent depuis 2015. Si les crédits ouverts en loi de finances sont en augmentation sur la période (d'1,35 milliard d'euros à 1,74 milliard d'euros), les crédits exécutés liés à la formation n'ont jamais été aussi faibles et autant sous-consommés depuis 10 ans.

Ainsi, en 2022, ce sont 38 % des crédits accordés à la formation des enseignants qui n'auront pas été utilisés, soit 658 millions d'euros. Après deux ans de surconsommation en 2013 et 2014, la sous-exécution des crédits est croissante d'année en année.

Exécution des crédits de formation des enseignants

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les données du ministère

L'enseignement privé est un peu moins touché par le phénomène de sous-exécution, mais n'est cependant pas complètement épargné, 24 % des crédits ouverts n'ayant pas été utilisés. En revanche, la sous-consommation atteint 40 % des crédits dans l'enseignement public, premier et second degré confondus.

Ventilation de la sous-consommation 2022 (CP)

Source : commission des finances d'après les données du ministère

L'administration justifie cette sous-consommation par la crise sanitaire qui a entraîné l'annulation de nombreuses formations. Toutefois, la sous-exécution des crédits est bien antérieure à la crise sanitaire : en 2019, près d'un quart des crédits ouverts n'avaient pas été utilisés.

Le ministère met également en avant la difficulté à évaluer en amont la demande de formations des enseignants. L'académie de Nancy-Metz a ainsi indiqué mettre en place une nouvelle procédure d'élaboration du budget prévisionnel de la formation, plus précise mais souligne différents éléments qui contribuent à éloigner le résultat de la prévision : enseignants ne demandant pas le remboursement de leurs frais, annulations de formations, absentéisme élevé aux formations, passage des formations physiques à des formations à distance.

Si ces éléments peuvent en effet être un facteur de complexité, ils ne peuvent constituer une réelle explication de la sous-exécution de plus d'un cinquième des dépenses prévues. Alors que, comme cela sera développé plus bas, les formations à public désigné et les formations généralisées au personnel du premier degré constituent une part de plus en plus importante du total des formations, il est surprenant que l'écart de consommation ne se réduise pas, mais tende au contraire à augmenter dans des proportions qui posent de réelles questions quant à la sincérité budgétaire des montants ouverts en loi de finances.

Recommandation n° 2 : mettre fin à la sous-consommation des crédits ouverts au titre de la formation des enseignants.

3. La question des remboursements des frais liés à la formation

Dans son référé de 2015 sur la formation continue13(*), la Cour des comptes soulevait une « application sélective des textes en réservant le remboursement des frais à une partie des enseignants seulement, ou bien seulement aux formateurs, ou encore de ne rembourser aucun des frais liés à la formation continue », à rebours des textes qui prévoient un remboursement intégral des frais. Dans certaines académies, la Cour montrait que seuls les frais liés à des stages obligatoires étaient remboursés. De façon étonnante, les raisons du ministère pour ne pas appliquer systématiquement les textes étaient : « le coût de la dépense qui découlerait d'une prise en charge systématique (estimée à plus d'1 million d'euros par an pour une académie comme celle de Versailles) et la lourdeur de la gestion administrative qu'elle engendrerait ».

Le ministère a fixé les frais de remboursement14(*) à hauteur de :

- 90 euros par nuitée pour les villes de plus de 200 habitants et 70 euros dans le reste du territoire, à l'exception de 110 euros pour Paris ;

- 17,5 euros par repas.

À l'exception des années 2020 et 2021, en raison de la crise sanitaire, le coût annuel des frais divers liés à la formation continue se situe annuellement entre 25 et 30 millions d'euros pour l'enseignement public, auquel s'ajoutent environ 5 millions d'euros par an pour l'enseignement privé.

Moyens consacrés au remboursement des frais de formation des enseignants
dans l'enseignement public

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les données du ministère

Il est certain que la non-application des textes s'agissant du remboursement des frais de formation était problématique et constitue un facteur de fragilité juridique. Cependant, aucun des acteurs entendus par le rapporteur spécial, y compris les syndicats enseignants, n'ont soulevé le problème du non remboursement. Le SGEN-CFDT a ainsi indiqué que « le coût n'est pas un argument souvent avancé du côté des personnels formés »15(*). De fait, le coût de la formation constitue moins un frein en France qu'ailleurs en europe : 26 % des enseignants français déclarent renoncer à des formations pour des raisons financières, contre 47 % en moyenne européenne16(*).

Il est curieux que, alors que les montants accordés aux remboursements n'ont pas augmenté depuis 2015, date du constat de la Cour, cela ne semble pas être un sujet. Une des explications réside peut-être dans une plus stricte application des textes mais pour les seuls enseignants qui demandent le remboursement de leurs frais, ce qui n'est pas le cas de tous. D'après l'enquête du Cnesco mentionnée plus haut, seuls 27 % les enseignants du premier degré répondants qui ont participé à au moins une action de formation continue au cours des deux dernières années ont effectué une demande de remboursement, contre 58 % parmi les enseignants du second degré. Les chiffres du Cnesco sont parlants : environ un enseignant sur dix sait que des démarches sont nécessaires pour être remboursés mais 13 % dans le premier degré, 10 % dans le second degré y renoncent. Ils sont respectivement 17 % et 8 % à ne pas savoir si les frais engagés pour la formation continue sont pris en charge par leur académie. Ils sont 18 % dans le premier degré et 14 % dans le second degré à indiquer que ces frais ne sont pas pris en charge dans leur académie.

C. UN PILOTAGE HISTORIQUEMENT COMPLEXE

1. Des outils informatiques devenus obsolètes qui complexifient le pilotage du ministère

Comme bien souvent dans l'enseignement scolaire et supérieur, la gestion des ressources est limitée par les systèmes d'information utilisés, pour la plupart anciens et qui ne sont plus adaptés aux nouveaux usages. Les outils informatiques existants ne permettent pas un suivi fin des formations suivies, et, par conséquent, de leur impact budgétaire.

Les limites des systèmes actuels sont consensuelles : « l'écosystème numérique qui soutient la formation continue est un peu flou »17(*), selon le Cnesco, tandis que la DGESCO elle-même reconnaît les failles du système informatique : « le système d'information permettant la gestion et le suivi de la formation continue est largement perfectible »18(*).

Actuellement, les données relatives à la formation continue proviennent essentiellement de l'application Gaia, par le biais de l'enregistrement administratif des convocations, des frais de déplacement des enseignants et de la rémunération des formateurs. Gaia est cependant limitée pour un certain nombre de raisons.

D'une part, le logiciel a été conçu comme une simple plateforme de gestion administrative et non comme un outil de connaissance et de gestion des ressources humaines.

L'IGESR, dans son rapport de 2020 sur l'ingénierie de formation mentionné plus haut, indiquait que « si la base de données existe, elle est peu exploitée en académie ». Bien au contraire, les rectorats, voire les directions départementales, ont bien souvent développé leurs propres outils numériques, facteur de fragmentation du paysage informatique et de complexification du recueil de la donnée. Si le suivi des formations dont a bénéficié chaque enseignant est bien souvent effectué au niveau académique, il n'existe pas de données consolidées aux niveaux interacadémique et national. Gaia « n'apporte pas de valeur ajoutée aux gestionnaires et formateurs en circonscription dans leur exercice quotidien, et encore moins à tous ceux qui coordonnent la construction des plans de formation »19(*).

En outre, la fiabilité des données issues de Gaia est sujette à caution : les inspections générales indiquent que « force est de constater que toutes les actions de formation ne sont pas toujours renseignées. Il en résulte une connaissance partielle et bien souvent sous-évaluée des volumes de la formation proposée et réalisée »20(*), et la DEPP va dans le même sens en précisant que « certaines formations peuvent ne pas avoir été répertoriées dans Gaia, d'autres peuvent avoir été saisies partiellement »21(*). En outre, les formations non financées ne sont pas enregistrées dans Gaia et demeurent donc invisibles dans les données du ministère.

À titre d'exemple, les outils informatiques ne permettent pas de disposer de données consolidées sur le moment où a été suivie la formation (vacances scolaires, horaires de classes, etc.) : « ce sont des informations compliquées à remonter des bases de gestion car les formations prennent des formes très variées. Ainsi dans Gaia nous disposons d'une date de début et d'une date de fin de session mais qui ne suffit pas pour être exploitable »22(*). Cela représente pourtant des informations cruciales pour le pilotage national dans l'optique de la gestion des remplacements.

L'Unsa a également souligné lors de son audition que « les modalités d'inscription ne sont pas toujours aisées », du fait de logiciels d'inscription peu ergonomiques. Gaia représente pourtant le principal mode d'inscription et de connaissance de la formation continue auprès des enseignants, comme le montre le graphique du Cnesco ci-dessous :

* : directeur d'école.

** : chef d'établissement.

Source : enquête Cnesco 2021

En outre, jusqu'à récemment, les enquêtes de la DEPP et les indicateurs académiques étaient davantage centrés sur les élèves que sur les enseignants. Les indicateurs suivis par la DEPP sur la formation continue restent assez concis : taux d'inscription, taux d'accès, part des enseignants jamais formés ou formés chacune des cinq dernières années et temps moyen passé en formation.

2. L'enjeu majeur du remplacement des enseignants formés

En 2020-2021, les congés liés au suivi de formation continue représentaient 18 % des absences des enseignants (contre 19,4 % en 2018-2019 avant la crise sanitaire). Il s'agit du premier motif d'absence des enseignants à l'exclusion des congés de maladie, pour un total évalué par le DGRH lors de son audition à 2 millions d'heures annuelles.

Répartition des principaux congés et absences
au cours de l'année scolaire 2019-2020

(en %)

Libellé du congé

Fréquence

Congé de maladie ordinaire

40,8

Autorisation d'absence pour stage de formation continue

18,0

Autorisation d'absence pour garde d'enfant malade

11,8

Autorisations d'absences diverses avec traitement

7,3

Absence autorisée en REP

2,7

Autorisation d'absence pour réunions pédagogiques

1,9

Congé de longue maladie non imputable au service

1,6

Congé de maternité

1,6

Sortie pédagogique

1,4

Autorisation d'absence pour événement familial

1,4

Autres

11,6

Source : bilan social du ministère de l'éducation nationale 2020-2021

La plupart des absences liées à la formation continue sont des absences de courtes durées, à l'exception des congés de formation professionnelle, qui permettent aux enseignants de suivre des stages de formation à caractère professionnel ou personnel qui ne leur sont pas proposés par l'administration ou des préparations aux concours administratifs. Le nombre de congés de formation professionnelle reste cependant assez faible.

Nombre de personnels ayant bénéficié d'un congé de formation professionnelle

en 2019-2020

Grade

Nombre de personnes ayant bénéficié ou en situation de congé de formation professionnelle indemnisé

Nombre de personnes ayant bénéficié ou en situation de congé de formation professionnelle non indemnisé

Total

AESH

14

 

14

Enseignant contractuel

17

 

17

Professeur agrégé

146

4

150

Professeur certifié

917

7

924

Professeur de lycées prof

126

4

129

Professeur d'EPS

80

1

81

Professeur des écoles

34

4

38

Total général

1 379

20

1 399

Source : bilan social du ministère

Or, il n'existe pas d'effectifs spécifiquement dédiés aux remplacements des enseignants mobilisés pour suivre des formations. Tous les remplaçants ont vocation à intervenir pour ce type d'absence, au même titre que toutes les catégories de congés23(*). Le cadre réglementaire rappelle que les absences de courte durée qui sont générées par l'institution, dans le cadre de la formation continue en premier lieu, doivent pouvoir être anticipées et communiquées le plus tôt possible au chef d'établissement ou à l'inspecteur de circonscription.

Le ministère a indiqué au rapporteur spécial que, dans le premier degré, les enseignants en formation sur le temps de classe « sont remplacés selon des modalités d'organisation qui varient d'un département à l'autre afin de répondre au mieux aux besoins et spécificités territoriales »24(*). Le plus souvent, les enseignants sont remplacés par des enseignants remplaçants. Dans le premier degré, le potentiel des professeurs remplaçants en septembre 2022 correspond à 975 960 demi-journées sur un mois.

Dans le second degré, il n'existe pas de remplacement extérieur pour les absences courtes : un protocole au sein de chaque établissement définit les modalités de mobilisation des enseignants de l'établissement, rémunérés en heures supplémentaires, pour un remplacement d'une durée inférieure à deux semaines25(*). Toutefois, le ministère ne semble pas disposer des données sur la part des heures supplémentaires ayant été mobilisées pour des besoins de remplacement. Il a indiqué au rapporteur spécial avoir engagé des travaux afin de se doter de nouveaux indicateurs portant sur le remplacement et de fiabiliser les données sur les absences nécessitant un remplacement de courte durée. Le rapport de l'IGEN-IGAENR de 2017 sur la formation continue des enseignants du premier degré soulignait la « faiblesse des moyens de remplacement dédiés à la formation continue ».

D'après la Cour des comptes26(*), la formation continue occasionne un tiers des absences non-remplacées. Selon l'enquête du Cnesco, parmi les enseignants du premier degré ayant effectué des formations sur leur temps d'enseignement, seuls 44 % affirment avoir toujours été remplacés. Il semble aussi que des formations soient annulées en l'absence de remplacement prévu.

D'après l'enquête Talis 2018 de l'OCDE, 61 % des enseignants français indiquent que leur emploi du temps professionnel constitue un frein à la formation continue. Les syndicats enseignants entendus par le rapporteur spécial considèrent qu'il est fréquent que des enseignants renoncent à suivre une formation par crainte de ne pas être remplacés.

3. Un foisonnement d'offres et d'acteurs qui contribue à une faible lisibilité du paysage de la formation continue
a) Une gouvernance complexe faisant intervenir de nombreux acteurs

La formation continue des enseignants implique une multitude d'acteurs institutionnels intervenant à différents échelons.

S'agissant de l'administration centrale, le pilotage de la formation continue est partagé entre la DGESCO et la direction générale des ressources humaines (DGRH). Les deux directions ont pour mission de définir les orientations générales de la politique de formation continue. Fait symptomatique de l'approche historique du ministère, la DGESCO est en première ligne, ce qui reflète une approche de la formation davantage tournée vers une approche disciplinaire que vers un outil de gestion des ressources humaines. La DGESCO établit le cadre réglementaire de la formation continue, organise les actions de formation nationales, accompagne les académies et organise le recueil des données de la formation continue.

Schéma de la gouvernance de la formation continue des enseignants

Source : commission des finances

Le schéma directeur de la formation continue (SDFC) est ainsi co-piloté par la DGESCO et la DGRH. Il est conçu avec l'expertise de l'inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (IGÉSR), de la direction de l'encadrement, de l'IH2EF, de la direction des sports (DS) et de la direction de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative (DJEPVA).

S'agissant de l'action déconcentrée du ministère, le pilotage du premier degré se fait encore largement aux niveaux des départements et des circonscriptions et celui du second degré au niveau de l'académie. Si la très récente création des écoles académiques de la formation continue (ÉAFC) (qui sera développée plus bas) va dans le sens de davantage de place à l'échelon académique, les services départementaux continuent à gérer le remplacement des enseignants dans le premier degré, y compris ceux en formation, et le budget dévolu à la formation continue.

Jusqu'en 2019, l'article L. 912-1-2 du code de l'éducation précisait que l'offre de formation continue était proposée « notamment par le biais des écoles supérieures du professorat et de l'éducation » (Espé). Cette mention a été supprimée depuis, contribuant à une ambiguïté sur le rôle des instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation (INSPÉ). Bien que théoriquement en charge du continuum de formation des enseignants entre formation initiale et continue, les INSPÉ n'interviennent plus que de manière marginale dans la formation continue dans certaines académies. Les instituts ont recentré leur action sur la formation initiale des enseignants, y compris dans les académies où ils continuent d'être associés en amont par le recteur. Dans l'INSPÉ de Paris, 53 formateurs sur 178 participaient totalement ou partiellement en 2022-2023 à la formation continue des enseignants de l'académie, soit environ 30 % des ressources de l'INSPÉ.

À cette gouvernance officielle s'ajoute un « écosystème parallèle » de la formation continue. Le Cnesco a montré que la moitié des enseignants ont suivi pendant leur carrière une offre de formation extérieure au ministère et le rapport des inspections générales de 2018 souligne que « le marché libre de la formation s'est en particulier beaucoup développé avec 54 000 organismes de formation actifs sur lesquels l'institution n'a que peu d'informations fiables ».

Doivent également être ajoutés parmi les acteurs de la formation continue l'ensemble des intervenants dans les établissements, directeurs d'école et chef d'établissement, mais aussi collègues enseignants et syndicats, qui représentent la principale source d'information sur la formation continue pour les enseignants du primaire comme du secondaire.

Interlocuteurs privilégiés par les enseignants pour évoquer leurs besoins de formation continue

Premier degré

Second degré

Source : Cnesco

L'articulation auprès des enseignants de ces différents intervenants n'est pas toujours évidente et semble souffrir d'un défaut de coordination, dans la mesure où leurs champs d'intervention se recoupent fréquemment.

Champ d'intervention des différents acteurs dans le déploiement
de la formation continue auprès des enseignants

Source : Cnesco

b) Un catalogue de formations foisonnant et difficilement lisible

Le manque de lisibilité de l'offre de formation continue est un constat relativement consensuel auprès des acteurs entendus par le rapporteur spécial, en premier lieu les syndicats enseignants. La DGRH elle-même a reconnu lors de son audition par le rapporteur spécial une « dispersion de l'offre de formation entre le premier et le second degré » et une « logique de catalogue de l'offre », insuffisamment pilotée.

Les inspections générales ont qualifié en 2018 l'organisation de la formation continue d'erratique, indiquant que, « si la profusion des ressources, des dispositifs et opérateurs est une richesse, leur dispersion sur de nombreuses plateformes, diversement organisées ne permet pas aux enseignants de s'en emparer aisément et en brouillent la lisibilité ». « Le paysage de la formation continue se caractérise par une profusion de ressources, une multiplicité de propositions, de dispositifs, d'acteurs, d'opérateurs et leur dissémination sur les nombreuses plateformes des sites institutionnels, publics ou privés ».

En conséquence, plus de la moitié (soit 55 %) des enseignants du premier degré, d'après l'enquête du Cnesco, considère que l'accès à l'offre de formation continue est difficile ou ne sait pas y accéder. Cette proportion est un peu moins élevée dans le second degré, mais concerne tout de même près de 40 % des professeurs.

Facilité d'accès à l'offre de formation continue (2018-2020)

Source : Cnesco, 2021

II. REDONNER DU POIDS À LA FORMATION CONTINUE : UNE PRISE DE CONSCIENCE PROGRESSIVE MAIS ENCORE INCOMPLÈTE

Il serait faux de dire que le ministère n'a pas conscience des faiblesses de la formation continue, pour importantes qu'elles soient. Au contraire, des efforts de structuration et d'adaptation peuvent être soulignés, sans qu'ils n'aient pour l'heure permis de rattraper le retard accumulé.

A. UNE STRUCTURATION À SALUER DU PILOTAGE NATIONAL ET ACADÉMIQUE

1. Un cadre de formation continue davantage formalisé à toutes les échelles

Si le pilotage de la formation continue a longtemps été partagé entre les différents échelons, la cohérence d'ensemble du dispositif a souvent été perçue comme difficilement lisible et a engendré de grandes disparités entre les académies.

À partir de 2019, le ministère a tenté de structurer son effort de formation continue par la mise en place d'un cahier des charges des plans de formation à toutes les échelles (nationale, académique et de l'établissement), le schéma directeur de la formation continue (SDFC) 2019-2022. Le SDFC constitue le cadre d'orientation et d'impulsion de la formation au niveau national. Il porte à la fois des priorités de formation, des orientations stratégiques quant aux modalités de mise en oeuvre et des éléments d'évaluation des actions menées.

Le schéma directeur de la formation continue 2022-2025 s'articule autour de six axes : incarner, faire vivre et transmettre les valeurs de la République et les principes généraux de l'éducation ; accompagner et former les équipes pédagogiques et éducatives afin de perfectionner les pratiques professionnelles et de favoriser la réussite scolaire de tous ainsi que l'éducation tout au long de la vie ; piloter la mise en oeuvre au niveau territorial des politiques de la jeunesse, de l'engagement, d'éducation populaire et des sports ; accompagner le développement professionnel de l'ensemble des agents et des collectifs de travail par la transformation des politiques RH et de formation, accompagner les encadrants dans l'exercice de leurs responsabilités pédagogiques et managériales ; consolider les connaissances, les compétences et les usages du numérique.

Le programme national de formation (PNF), destiné aux cadres des corps d'inspection, des personnels de direction et des formateurs de formateurs, en constitue le volet annuel (environ 150 séminaires par an). Il est lui-même décliné dans des programmes académiques de formation (PAF), construits dans chaque académie.

La formation continue est donc organisée en plusieurs volets principaux organisés selon trois niveaux d'intervention :

- le niveau national par le programme national de formation (PNF) ;

- le niveau académique par le programme académique de formation (PAF) ;

- les formations d'initiative locale (FIL) à l'échelle des établissements.

Organisation de la formation continue

Source : académie de Nancy-Metz

Cette structuration témoigne d'une réelle volonté de prise en compte des enjeux liés à la formation continue par le ministère, qui ressort également des auditions menées par le rapporteur spécial. Cependant, comme cela sera développé plus bas, le déploiement d'un pilotage descendant ne doit pas empêcher la prise en compte des besoins de formation au niveau des établissements et des enseignants.

2. Des récentes améliorations pour aller vers davantage de proximité
a) Une innovation fondamentale mais encore trop récente pour être évaluée : les écoles académiques de la formation continue

Les écoles académiques de la formation continue (ÉAFC) ont été mises en place par le biais d'une expérimentation en juin 2021, concernant initialement 24 académies. Les six autres académies sont entrées dans le dispositif en 2022. Toutes les académies ont à ce jour installé leur ÉAFC.

L'ÉAFC a pour objectif de centraliser la politique de formation continue dans l'académie, sous forme de « guichet unique » et constitue à ce titre un changement important dans la gouvernance de la formation continue vers davantage de lisibilité. L'ÉAFC concentre notamment les moyens humains et financiers alloués à la formation continue et a également pour avantage de centraliser l'offre de formations sur un portail unique et donc de permettre une meilleure visibilité. À ce titre, les écoles doivent être de réels éléments de pilotage académique de la formation, et doivent également permettre de fluidifier la gestion des ressources humaines s'agissant de la formation continue.

Un dispositif d'évaluation est prévu, comportant, d'une part, les indicateurs nationaux du schéma directeur, et, d'autre part, tout indicateur permettant un suivi quantitatif et qualitatif de la mise en oeuvre de la politique de formation de l'académie. La mise en place des ÉAFC est cependant encore trop récente pour réellement en tirer un bilan, d'autant plus qu'elle vise un changement des pratiques qui doit être abordé sur le temps long. Le ministère devrait bénéficier pour l'évaluation des ÉAFC de l'aide de la Commission européenne au travers d'une mission d'experts en formation professionnelle, sur une période de 18 mois.

Le rapporteur spécial considère toutefois que le déploiement de ces écoles va dans le bon sens, en particulier s'il s'accompagne d'un travail en profondeur sur l'ingénierie de formation et une synergie avec tous les opérateurs de formation.

Toutefois, l'articulation des ÉAFC avec les autres acteurs de terrain, notamment les INSPÉ comme indiqué plus haut, apparaît encore perfectible. Se pose par exemple la question de l'harmonisation avec les conseils académiques des savoirs fondamentaux créés en janvier 2023 pour aménager l'offre de formation du premier degré.

b) Le développement des formations à distance, un atout pour la formation continue ?

Si les formations en présentiel restent majoritaires, les formations hybrides (comportant des séquences ou des ressources en ligne et des sessions en présentiel) représentaient en 2021-2022 près de 40 % des formations dans le premier degré et un quart dans le second degré. Les formations intégralement à distance constituent encore une faible proportion.

Modalité des formations continues suivies par les enseignants en 2021-2022

(en nombre de stagiaires présents)

Premier degré Second degré

Source : commission des finances d'après les données du ministère

Si les formations en distanciel (webinaires, classes virtuelles) ou hybrides représentent désormais une part significative des formations suivies, cette évolution ne peut être entièrement mises sur le compte de la crise sanitaire. Ainsi, 17 % des enseignants de collège déclaraient en 2018 avoir suivi des stages ou cours en ligne. Quant à la baisse de la proportion de formations entre 2013 et 2018 sous forme de stage en présentiel, elle est davantage à mettre en relation avec une diversification des modes de formations qu'avec l'essor des stages en ligne.

Part des enseignants exerçant en collège déclarant avoir participé à différentes activités de formation continue, comparaison entre 2013 et 2018

 

2013

2018

Cours/séminaires en présentiel

54 %

50 %

Cours/séminaires en ligne

NC

17 %

Conférences pédagogiques avec chercheurs/acteurs de terrain

20 %

37 %

Programme de qualification (diplômant par ex.)

6 %

8 %

Visites d'études dans d'autres établissements

9 %

11 %

Visites d'études au sein d'entreprises/services publics/associations

5 %

5 %

Observation de collègues/auto-observation

13 %

20 %

Réseau d'enseignants axé sur la formation continue

18 %

27 %

Lecture d'ouvrages spécialisés

NC

48 %

Source : commission des finances d'après les données du ministère

Le développement des formations à distance a également été facilité par la typologie des modes de formation des enseignants français. Selon l'enquête Talis 2018, la France se distinguait déjà par une plus forte proportion d'enseignants déclarant avoir participé au cours des 12 derniers mois à des séminaires en ligne (55 % pour les enseignants du premier degré contre 7 % pour la Belgique (Flandre) ou 45 % pour l'Espagne, pays ayant le taux le plus élevé parmi les autres pays européens). S'agissant de la participation à des séminaires en présentiel pour les enseignants du second degré, l'écart entre la France et l'UE s'est creusé entre 2013 et 2018 passant de - 11 points d'écart à - 25 points d'écart.

On note là encore de fortes différences entre premier et second degré, les stages représentant les trois quarts des formations pour le secondaire mais un quart seulement pour le primaire.

Nombre de modules suivis par type de formations
pendant l'année 2021-2022

 

Premier degré

Second degré

Réunion

3,2 %

5,5 %

Stage

25,1 %

76,5 %

Séminaire

0,7 %

2,3 %

Groupe de travail

5,2 %

6,6 %

Parcours individualisé

1,5 %

1,3 %

Conférence

1,6 %

1,1 %

Animation

59,1 %

2,6 %

Autres

1,6 %

1,9 %

Autoformation

1,2 %

0,4 %

Tutorat

0,9 %

1,9 %

Source : commission des finances d'après les données du ministère

Les formations à distance, et davantage encore les formations hybrides, comportent un certain nombre d'avantages, notamment budgétaires du fait de moindre frais de déplacement. En outre, elles sont souvent moins consommatrices de temps et permettent de toucher certains enseignants réticents à se déplacer.

Toutefois, l'ensemble des acteurs soulignent la nécessité de ne pas basculer dans une logique où les formations à distance deviendraient le modèle dominant. D'après l'enquête du Cnesco, parmi les enseignants ayant participé à des actions de formation incluant une part de distanciel, environ un tiers ont rencontré des difficultés, pour l'essentiel dues à des problèmes de connexion ou de fonctionnement de la plateforme.

B. UN ENJEU D'ADAPTATION ET DE MODERNISATION : L'ÉMERGENCE DE NOUVELLES FORMES DE FORMATION CONTINUE DOIT ÊTRE ENCOURAGÉE

1. Quelle temporalité pour la formation continue ? Dégager du temps de formation, un « casse-tête » administratif

L'article L. 912-1-2 du code de l'éducation prévoit que « lorsqu'elle correspond à un projet personnel concourant à l'amélioration des enseignements et approuvé par le recteur, la formation continue des enseignants s'accomplit en priorité en dehors des obligations de service d'enseignement et peut donner lieu à une indemnisation ». Le rapporteur spécial partage avec le ministère l'idée que les formations doivent autant que possible s'effectuer en dehors du temps « devant élèves ». L'enjeu est central, dans la mesure où il importe de limiter les tensions dues au besoin de remplacement des enseignants pendant les formations.

Quand se déroulent les formations continues ? Un état des lieux en Europe

En Belgique (Communauté française), la formation continue obligatoire comprend six demi-journées réparties sur le nombre de jours de classe d'une année scolaire. Pendant leurs heures de travail, les enseignants du secondaire ont le droit de prendre six demi-journées de formation par an. En dehors des heures de travail, la formation volontaire n'est pas limitée.

En Allemagne : la formation continue dans les écoles se déroule généralement l'après-midi ou le soir. Toutefois, des cours d'une demi-journée à plusieurs jours par année scolaire sont également organisés.

En Espagne : Les enseignants peuvent participer aux activités de formation en dehors de leurs heures de cours, pendant le temps obligatoire de permanence à l'école ou pendant les heures de travail si elles sont réalisées en dehors de l'établissement d'enseignement.

En Suède : 104 heures (valeur indicative) sont réservées par employé et par année scolaire pendant le temps de travail réglementaire des enseignants. La formation continue a lieu principalement pendant les journées d'étude, les soirées ou les vacances des élèves.

Au Portugal : Les autorisations d'absence pour la formation continue organisée par l'administration de l'éducation sont accordées de préférence lorsque la formation a lieu pendant les heures non consacrées à l'enseignement de l'enseignant. Lorsque la formation ne peut se dérouler en dehors des heures de cours, les enseignants peuvent y assister pendant leur horaire de cours. Dans tous les cas, la formation ne peut être autorisée qu'à condition que l'école ou les groupes d'écoles non regroupés se soient assurés qu'il n'y aura pas d'interruption dans les cours normalement dispensés par l'enseignant. Si la formation est à l'initiative de l'enseignant, l'autorisation d'absence ne peut être accordée que pendant les vacances scolaires.

Source : DEPP d'après Eurydice

On observe de fortes disparités entre primaire et secondaire sur le moment où les enseignants suivent les formations. Selon le Cnesco, 87 % des enseignants du premier degré indiquent qu'entre 2018 et 2020 certaines de leurs formations se sont déroulées en dehors de leur temps d'enseignement et seuls 27 % d'entre eux affirment avoir suivi des formations qui se sont déroulées sur les heures d'enseignement. À l'inverse, dans le second degré, 82 % des enseignants ont suivi des formations qui se déroulaient totalement sur des heures d'enseignement.

Période de réalisation des formations

Premier degré

Second degré

Source : Cnesco

Le ministère a tenté, à compter du 1er avril 2019, d'inciter les enseignants à se former pendant les vacances scolaires en instaurant par décret une indemnité spécifique27(*). Le montant de cette allocation est de 20 euros bruts par heure, dans la limite de 120 euros par jour et de 5 jours maximum par an. Si le rapporteur spécial considère cette initiative comme souhaitable, force est de constater que les réticences des enseignants à se former pendant leurs vacances n'auront pas permis au dispositif de pleinement décoller. En outre, la réalisation de formation pendant les vacances est conditionnée à la disponibilité des formateurs, souvent enseignants eux-mêmes.

Le bilan établi par la DGRH est plus que mitigé : à peine plus de 2 000 enseignants, premier et second degrés confondus, auront bénéficié du dispositif pendant la dernière année scolaire, pour un coût anticipé d'un peu moins d'un million d'euros (contre 763 000 euros seulement en 2020-2021).

Nombre de bénéficiaires de l'indemnisation de formation pendant les vacances scolaires pour l'année scolaire 2021-2022

 

Nombre de bénéficiaires

Nombre d'heures de formation indemnisées

Premier degré

1 609

18 052

Second degré

652

8 993

Total

2 261

27 045

Source : commission des finances d'après la DGRH

L'exemple de l'académie de Nancy-Metz, sans qu'il soit possible de savoir s'il est généralisable, va dans le sens d'une absence de montée en charge du dispositif : ainsi, le nombre d'enseignants inscrits pendant les vacances a été inférieur pendant l'année scolaire 2021-2022 à celui de l'année précédente.

Nombre de convoqués par année scolaire dans l'académie de Nancy-Metz

Source : commission des finances d'après les données du rectorat. NB : données non complètes pour l'année 2022-2023

Il semble indispensable de limiter le plus possible les absences pendant le service d'enseignement, et donc de réduire le besoin de remplacement. Afin de s'aligner sur les autres pays qui ont déjà une obligation de formation dans le second degré, et dans une optique d'harmonisation entre primaire et secondaire, le rapporteur spécial préconise d'aligner les obligations de formation entre le premier et le second degré, et par conséquent d'introduire dans les obligations réglementaires de service des professeurs un seuil minimal de temps de formation. Celui-ci pourrait être, comme dans le primaire, de 18 heures de formation par an. Cela permettrait d'isoler du temps de formation en dehors du temps d'enseignement et par conséquent reviendrait à ce que les professeurs se forment pendant leur temps de travail (donc en dehors de leurs périodes de vacances) mais en dehors du temps devant élèves.

Recommandation n° 3 : inscrire un nombre minimum d'heures de formation dans les obligations de service des enseignants du second degré.

2. Formation par les pairs et constellations : le modèle à saluer des plans nationaux dans le premier degré

Le rapporteur spécial a fréquemment été amené à le souligner dans ses derniers travaux : le métier d'enseignant est trop souvent un métier solitaire, dans lesquels les échanges entre pairs ne tiennent qu'une place faible. La formation continue a longtemps participé à ce constat. Ainsi, d'après l'enquête Talis, 27 % des enseignants de collège déclarent participer à des réseaux d'enseignants spécialement formés pour le développement professionnel, contre 40 % dans l'OCDE, et 20 % déclarent avoir participé à des observations entre collègues, contre 44 % dans l'OCDE.

Deux plans ont été lancés en 2019 afin d'améliorer l'acquisition des savoirs fondamentaux dans le premier degré, l'un consacré au français et l'autre aux mathématiques. La formation continue des enseignants est le pilier de ces plans, qui doivent également contribuer à la revalorisation du métier d'enseignant. À ce titre, le rapporteur spécial souligne que les plans « Mathématiques » et « Français » ont constitué un changement d'approche de la formation continue.

Leur objectif est de porter dans leur discipline respective un changement radical dans la formation continue. Ils fonctionnent sur le modèle des constellations. Il s'agit d'un petit groupe d'enseignants de 6 à 8 personnes, se réunissant périodiquement autour d'un formateur, appelé référent de circonscription. Les enseignants sont supposés choisir eux-mêmes un thème de travail, en fonction des difficultés rencontrées dans les classes. Outre les réunions en groupe, les enseignants de la constellation participent également à des observations croisées de classe.

Pour les mathématiques, en 2021-2022, plus de 1 800 référents mathématiques de circonscription ont formé quelque 45 000 professeurs des écoles, et près de 110 000 professeurs ont été formés en mathématiques depuis 2019. Pour le français, le formateur est un conseiller pédagogique de circonscription - référent français. Les 1 500 référents français ont formé 80 000 enseignants entre les rentrées scolaires 2020 et 202228(*).

L'objectif est qu'au cours des années 2020-2026, l'intégralité des professeurs des écoles puisse bénéficier d'une année de formation renforcée en français, d'une année de formation renforcée en mathématiques et de quatre années au cours desquelles les 18 heures d'animation pédagogiques annuelles seront pour un tiers consacrées au français et un tiers aux mathématiques.

Le lancement de ces plans a parfois été plus lent que prévu du fait des suites de la crise sanitaire et surtout de la complexité de cette nouvelle méthode, du point de vue d'abord des référents de formation et ensuite de la gestion sous-jacente des ressources humaines pour former un sixième des professeurs des écoles par an. Le bilan dressé début 2022 du plan mathématiques par l'IGESR l'indique clairement : « original dans ses principes et ambitieux dans ses objectifs, le schéma de formation par constellations s'est révélé assez complexe à organiser », alors que les formateurs étaient « engagés mais surchargés »29(*).

Les premières évaluations de ces plans semblent très satisfaisantes. D'après la DGESCO30(*), l'ensemble des enseignants qui ont répondu à l'enquête portant sur les plans nationaux du premier degré (94 133 répondants) ont un regard très positif sur tous les aspects de la formation. 67,4 % d'entre eux estiment qu'ils ont renforcé leur savoir didactique et 77,3 % que la formation est ancrée dans leur pratique. Les enseignants semblent particulièrement apprécier le principe des constellations et l'ancrage dans la réalité de leurs pratiques pédagogiques.

Le rapporteur spécial souligne les trois aspects les plus importants de ces plans : la possibilité d'échanger entre pairs autour d'un pair formateur ; une implication des enseignants dans la construction de la formation et enfin des observations en classe qui permettent d'aller au-delà des échanges de bonnes pratiques.

Le rapporteur spécial souligne deux axes de travail qui ne doivent pas être laissés de côté. D'une part, il existe un fort enjeu et une demande importante de pérennisation du travail en constellation pour les enseignants ayant suivi la formation. Si l'ambition de former tous les enseignants en six ans est louable, l'intérêt de la méthode d'échanges entre pairs et d'observation des pratiques va au-delà et doit constituer un modèle pour l'ensemble de la formation continue qui doit perdurer au-delà des plans mathématiques et français.

D'autre part, ces expérimentations positives doivent désormais s'étendre à d'autres domaines. Le « plan maternelle » annoncé en 2022 devrait s'accompagner à la rentrée 2023 de constellations spécifiques à la maternelle. Concernant le second degré, le plan Mathématiques s'est traduit par la mise en place de laboratoires de mathématiques dans certains établissements afin d'expérimenter un lieu de formation au sein de chaque établissement où les professeurs puissent se former et mener des recherches, tout en favorisant les discussions entre les professeurs du secondaire et de l'enseignement supérieur. Le rapporteur spécial a souligné dans un rapport d'information l'efficacité de ce dispositif. Toutefois, le besoin d'échanges avec leurs collègues touchant toutes les disciplines, il appelle à étendre la logique de constellation pour irriguer le second degré.

3. Les inspirations des comparaisons internationales

Le rapporteur spécial souligne l'intérêt que représente la confrontation de notre modèle avec les pratiques des autres pays.

En Allemagne, système scolaire auquel le rapporteur spécial a consacré une longue analyse en 202231(*), chaque Land est autonome dans la façon dont il met en oeuvre la formation continue à destination des enseignants. Dans le Land de Saxe, les enseignants sont « tenus de suivre régulièrement une formation complémentaire, en particulier pendant la période où les cours n'ont pas lieu, d'une façon adaptée. Cette obligation comprend non seulement la formation continue professionnelle et pédagogique, mais aussi l'élargissement des compétences de diagnostic et des connaissances en psychologie du développement », sous la responsabilité du chef d'établissement32(*).

En Angleterre, les enseignants doivent également participer à des actions de formation continue, mais sans qu'un volume horaire minimal ne soit prévu. Les enseignants doivent être présents dans l'école cinq jours par an en dehors des jours d'ouverture habituelle, dans le cadre de leurs obligations réglementaires de 1 265 heures annuelles, notamment pour se former.

Au Danemark, les enseignants doivent actualiser leurs compétences en suivant des cours et des examens écrits, financés par le Gouvernement.

En Écosse, une attention particulière est attachée à la formation continue, au travers de la mise en place d'un quota de 35 heures de formation obligatoire et l'obligation pour les établissements d'assurer un large panel de formations continues à destination des enseignants.

Aux États-Unis, la formation continue des enseignants est obligatoire. Des modules de formations internes à l'établissement et aux districts leurs sont proposés, soit en présentiel, soit en ligne. Les modules de formation à distance sont en général certifiants et, dans certains états, donnent lieu à la délivrance de badges ouverts (open badges), qui constituent une forme de reconnaissance de la formation suivie.

En Italie, une réforme de 2015 a également rendu la formation continue obligatoire, mais a surtout mis en place une forme de « Pass culture » ou de « Pass formation » à destination des enseignants. Les enseignants reçoivent un carte électronique dotée de 500 euros par an à utiliser dans le cadre de la formation continue pour l'achat de livres, de matériels informatiques, de participation à des manifestations de recherche ou culturelles. Le rapporteur spécial considère qu'il serait intéressant de disposer d'un bilan de cette réforme, d'autant plus que les moyens budgétaires déployés sont très importants : durant les trois premières années de la réforme et jusqu'à la crise sanitaire, l'IGÉSR indiquait que 270 millions d'euros avaient été consacrés à la mise en place du plan national de formation et 1,4 milliard au financement de la carte électronique individuelle de formation.

L'exemple le plus intéressant est selon le rapporteur spécial celui du Japon qui a mis en place des groupes d'études (lesson studies)33(*) : des enseignants (souvent du même établissement mais pas nécessairement) se regroupent autour d'une problématique de classe, en s'appuyant sur des enseignants experts et sur les résultats de la recherche en sciences de l'éducation. Le groupe ainsi constitué crée un scénario, mis en place dans sa classe par un des enseignants, en étant observé par ses collègues. Ce modèle s'approche de celui des constellations, mais y ajoute un aspect expérimental sur les pratiques de classe.

C. MIEUX ARTICULER PRIORITÉS NATIONALES ET DROIT INDIVIDUEL À LA FORMATION

1. Un déploiement de plus en plus fréquent de grands plans nationaux de formation

Au-delà des plans Français et Mathématiques qui ont été évoqués plus haut, le rapporteur spécial constate le recours de plus en plus fréquent à des plans nationaux de formation continue sur différentes thématiques prioritaires pour le ministère.

Ainsi, le plan de formation à la laïcité et aux valeurs de la République lancé à la rentrée 2021 prévoit que, chaque année, un quart des agents de l'éducation nationale doit bénéficier de 3 demi-journées de formation à la laïcité et aux valeurs de la République. Cette formation est assurée notamment par 1 300 formateurs, lesquels ont reçu 36 heures de formation réparties sur 6 journées d'octobre 2021 à juillet 2022.

De même, la généralisation du programme pHARe (« programme de lutte contre le harcèlement à l'école »), contenant un volet de formation des professeurs afin de les sensibiliser à la prise en compte des problématiques de harcèlement, s'est traduit par la mise en place de 1 500 formateurs académiques dédiés.

Dans le second degré, le plan « langues vivantes » a également pour objectif d'accompagner les professeurs de langue pendant leur formation continue, notamment en voulant doubler le nombre de professeurs en mobilité à l'étranger grâce à Erasmus + .

Si le rapporteur spécial ne nie pas l'intérêt de ces formations généralisées, qui permettent de créer une culture commune sur des thématiques désignées et relèvent de la légitime construction d'une politique publique, il considère que la formation continue n'a pas vocation à constituer une réponse unique aux divers problèmes de l'école.

2. Une part croissante des formations à public désigné

Dans le premier degré, il n'est pas rare que l'ensemble des 18 heures de formation suivies par les enseignants du premier degré soient imposées par le rectorat. D'après l'enquête sur Cnesco, c'est le cas de 52 % d'entre eux sur les années 2018-2019 et 2019-2020. 39 % avaient pu choisir le contenu d'une partie des heures de formation, pour une durée moyenne de 8 heures sur le total de 18 heures.

Choix des enseignants dans les formations obligatoires dans le premier degré
sur les années 2018-2020

Source : Cnesco, 2020

Par rapport à 2018, la proportion a encore augmenté dans le premier degré, notamment du fait des plans français et mathématiques. 57 % des candidats assidus à des formations en 2021-2022 avaient été désignés par leur hiérarchie, contre 60 % en 2022-2023 et n'avaient pas eux-mêmes candidatés à la formation. Cette proportion était légèrement inférieure dans le second degré, mais concerne tout de même plus de la moitié des enseignants. Cela ne signifie pas pour autant que l'ensemble de ces enseignants ont été désignés pour suivre ces formations. Là encore, toutes les académies ne sont pas concernées de la même façon. D'après les syndicats d'enseignants, dans l'académie de Rennes, 85 % des formations s'adressaient à un public désigné.

Type de candidature aux formations suivies en 2022-2023

(en nombre de stagiaires assidus à la formation)

Premier degré Second degré

Source : commission des finances d'après les données du ministère

Ainsi, d'après les données du ministère, plus des trois-quarts des formations dans le second degré effectuées en 2021-2022 et 85 % des formations dans le premier degré correspondaient à des priorités nationales.

Part des formations correspondant à des priorités nationales (2021-2022)

Premier degré

84,8 %

Second degré

78,8 %

Source : commission des finances d'après les données du ministère

Les différents acteurs entendus par le rapporteur spécial soulignent que les formations à public désigné ne sont pas bien perçues par une frange importante des enseignants. SE-Unsa a par exemple indiqué au rapporteur spécial : « nous ne sommes pas opposés à ce que des formations soient à l'initiative de l'administration lorsque celles-ci répondent à de vrais besoins mais elles ne doivent pas accaparer l'essentielle de l'offre de formation au détriment du choix et des besoins des agents ». Le SGEN-CFDT va dans le même sens : « les formations imposées sont mal perçues et décrédibilisent la formation elle-même ». Les différents recteurs d'académie entendus par le rapporteur spécial soulignent tous l'enjeu de dialogue social que représente le développement des formations à public désigné.

Or, d'après l'enquête du Cnesco, seuls 53 % des enseignants du premier degré et 36 % des enseignants du second degré déclarent discuter de leurs besoins en formation avec des personnels de direction ou d'encadrement. 83 % des enseignants de collège disent n'avoir jamais été consultés sur l'offre de formation.

S'il est certain que le rôle du ministère, comme pour toute politique publique, est d'orienter la formation continue vers les besoins les mieux identifiés et les thématiques qu'il juge centrales, le risque est fort de ne pas emporter l'adhésion d'une partie des professeurs ciblés. À ce titre, la formation continue ne peut être perçue par les enseignants comme uniquement descendante, sous peine d'accentuer l'impression de déconnexion et d'éloignement de l'offre avec leurs besoins. Le rapporteur spécial trouve donc intéressant l'objectif du rectorat d'Aix-en-Provence de sanctuariser un quart du total des journées de formation dans l'académie pour celles demandées par les enseignants. En outre, le recentrage d'une partie de la formation continue autour de l'établissement, qui sera développé plus bas, semble aller dans le sens de davantage de proximité avec les enseignants.

3. Le compte personnel de formation, une utilisation très marginale

Les enseignants bénéficient, comme les autres personnels de la fonction publique, d'un compte personnel de formation (CPF)34(*). Le CPF relève cependant moins de la formation continue au sens strict du terme que du développement professionnel. Le CPF dans l'Éducation nationale ne concerne pas les actions de formation relatives à l'adaptation aux fonctions exercées, mais permet de financer d'une part l'acquisition d'un diplôme ou d'une certification, et d'autre part les formations nécessaires à la mise en oeuvre d'un projet d'évolution professionnelle.

Les académies reçoivent du ministère une enveloppe qu'elles ont ensuite la charge de gérer, et chacune d'entre elle possède sa propre procédure et son propre calendrier pour instruire les demandes d'utilisation des droits de formation. Le plafond de financement par projet d'évolution professionnelle est de 1 500 euros par personne, soit un montant équivalent à d'autres ministères (ministère des Armées, ministères financiers...), mais sans prise en charge des frais de déplacement35(*).

Cependant, l'administration ne prend en charge les formations que dans la limite des crédits disponibles au titre du CPF au niveau de l'académie, ce qui entraîne des refus faute de financements disponibles. En cas de refus, les enseignants ne peuvent être inscrits à la formation demandée. Au bout de trois refus consécutifs pour la même demande de formation, l'enseignant devra se tourner vers l'instance paritaire compétente. Les syndicats d'enseignants entendus par le rapporteur spécial ont mis en avant un nombre très élevé de refus au titre du CPF de la part des académies. En réalité, la proportion est très variable selon la formation demandée, mais il est vrai que le taux d'acceptation n'atteint que 57 % de demandes formulées au titre des projets de reconversion.

Taux d'acceptation des financements de formation
au titre du CPF en 2021-2022

(en %)

Source : commission des finances d'après les données du ministère

La DGRH souligne la « problématique de l'équilibre entre promotion des plans nationaux de formation, mobilisant fortement les crédits de formation, et promotion des formations à l'initiative des agents et de l'accompagnement personnalisé des trajectoires »36(*). Alors que la formation nationale est prioritaire, il est certain que le CPF voit malgré tout son développement freiné.

En valeur absolue, le nombre de demandes acceptées est extrêmement faible par rapport au nombre total d'enseignants. Le nombre de formations financées au titre d'un CPF s'élève en 2021-2022 à 854 sur le 1,2 million d'agents employés par le ministère.

Nombre de personnes ayant bénéficié de formations financées par le CPF
en 2021-2022

 

Enseignants titulaires

Enseignants contractuels

Personnels d'encadrement

Femmes

495

26

29

Hommes

152

5

11

Total

647

31

40

Source : commission des finances d'après les données du ministère

En conséquence, le nombre de formations financées par le biais du CPF est significativement plus bas dans l'Éducation nationale que pour les autres ministères, et extrêmement marginal au vu du nombre d'agents du ministère. D'après les données du ministère de la fonction publique, en 2017, le nombre total de jour de formations financées par le CPF pour l'ensemble du ministère de l'Éducation nationale et du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche était presque trois fois inférieur à celui du ministère de la culture. Depuis 2018, ce sont également les seuls ministères pour lesquelles les données ne sont pas disponibles dans l'enquête de la DGAFP.

Nombre de jours de formation dans le cadre du CPF selon le ministère et l'année

 

2017

2018

2019

2020

Agriculture et Alimentation

-

770

1 240

620

Armées

1 010

1 200

2 850

6 210

Culture

1 930

1 260

1 820

1 310

Europe et Affaires étrangères

50

80

240

240

Ministères économiques et financiers

4 230

4 700

12 010

9 110

Ministères d'enseignements

790

-

-

-

Intérieur et Outre-mer

1 280

2 060

340

950

Justice

310

200

2 050

2 210

Services du Premier ministre

-

170

170

610

Ministères sociaux

2 650

2 650

-

Transition écologique et solidaire, Logement et Habitat durable et Cohésion des territoires

1 640

1 860

2 580

1 450

Formation interministérielle

-

10

-

10

Hors ministère de l'Éducation nationale

13 090

-

-

-

Ensemble

13 880

14 950

23 300

22 720

Source : Enquêtes annuelles Formation, DGAFP, 2022

III. CLARIFIER, ÉVALUER, VALORISER : CONSTRUIRE UNE VÉRITABLE POLITIQUE PUBLIQUE DE LA FORMATION CONTINUE

A. CRÉER UN PARCOURS DE FORMATION PAR LE DÉPLOIEMENT D'OUTILS INFORMATIQUES ADAPTÉS

1. Un suivi de la formation continue qui doit passer par la mise en place de nouveaux outils informatiques

Comme cela a été largement développé plus haut, les outils informatiques dont dispose le ministère, obsolètes et limités, ne permettent pas de suivre le parcours de formation des enseignants tout au long de leur carrière, sans compter qu'il n'existe qu'une traçabilité très faible des moyens financiers. Il est donc urgent de disposer d'un système d'information plus adapté, à la fois sur le volet budgétaire et sur le volet ressources humaines.

Concernant le premier aspect, le ministère a lancé le projet de logiciel Virtuo, dont l'objectif est de permettre de dépasser la gestion actuelle pour retracer les formations et aboutir à une cartographie des compétences, en remplaçant Gaia. Cet outil, qualifié de future « révolution » par la direction des ressources humaines lors de son audition, devait initialement être déployé à la fin 2024. Cette première échéance a déjà fait l'objet d'ajustements, et Virtuo devrait être en place d'ici à la fin 2025, sous réserve de ne pas être repoussé une nouvelle fois.

Il est certain que Virtuo est un projet coûteux et de grande ampleur. Le ministère a ainsi indiqué au rapporteur spécial que le coût total de Virtuo était de 20,8 millions d'euros sur 8 ans. Mais le rapporteur spécial insiste sur le fait que la mise en place d'un nouveau système n'est pas une option dans l'objectif de déploiement d'une réelle gestion des ressources humaines de proximité voulu par le ministère. À ce titre, Virtuo ne doit pas être considéré comme une variable d'ajustement, d'autant plus qu'une partie des montants ont déjà été engagés.

En revanche, le rapporteur spécial attire l'attention sur la nécessaire réflexion sur l'utilisation des données et des informations contenues dans Virtuo. En particulier, dans la mesure où le logiciel est amené à recouper un certain nombre d'informations sur les formations suivies par les enseignants tout au long de leur carrière, se pose par exemple la question de l'accès des chefs d'établissement à ces données. Enfin, il semble indispensable que le nouveau logiciel soit également pensé comme un portail national d'information et de recensement des formations proposées, afin d'améliorer la lisibilité de l'offre par rapport à Gaia. Il conviendrait sur ce point de s'inspirer des bonnes pratiques de certaines académies. Selon le rapport de 2020 de l'IGESR, l'académie de Créteil a par exemple relié la base de données des formations dispensées (public, thématique, formateur...) à un logiciel de cartes géographiques afin de pouvoir disposer de données objectives et précises selon des critères multiples (type de formation, public cible, zone géographique...) créant ainsi un outil de cartographie dynamique.

L'enjeu principal de pilotage est d'opérer une véritable coordination entre toutes les bases de données et les informations existantes au niveau académique ou infra-académique, dans l'objectif de disposer d'une véritable consolidation des informations au niveau national.

Recommandation n° 4 : développer rapidement un outil informatique permettant de disposer au niveau national d'un suivi budgétaire fin et d'une base de données dynamique sur les formations suivies par les enseignants.

2. Développer la politique d'évaluation de la formation continue

Selon le rapport de l'IGESR de 2020 précédemment mentionné, l'évaluation constitue le « point faible du dispositif » de formation continue, ajoutant que « s'il existe une prise de conscience de l'existence de marges de progrès importantes sur le sujet, les réflexions engagées demeurent modestes et non prioritaires ».

D'une part, le dispositif d'évaluation est plus que lacunaire, au point qu'une part très importante des formations ne contient pas de module de suivi ou d'évaluation d'impact une fois les enseignants de retour devant leurs classes. D'après l'enquête Talis, seuls 27 % des enseignants français déclarent que leur formation prévoyait des activités de suivi contre 52 % dans l'OCDE.

D'autre part, lorsqu'une évaluation de la formation existe, elle relève davantage de l'enquête de satisfaction des enseignants que d'une réelle mesure de l'impact de la formation sur leurs pratiques pédagogiques. Celles-ci sont plus fréquentes, et concernent d'après l'enquête du Cnesco 90 % des enseignants du second degré mais uniquement 55 % de ceux du premier degré.

Évaluation de la satisfaction des enseignants
après le suivi d'une formation continue

(en %)

Source : Cnesco

Les indicateurs suivis par le ministère se concentrent sur le volet quantitatif (nombre de modules suivis, nombre de diplômés, taux de participation, etc), mais ne permettent aucunement de déterminer l'efficacité de ces formations et leur effet sur les apprentissages des élèves.

Cela semble d'autant plus regrettable que, d'après les enquêtes auprès des enseignants, peu déclarent qu'ils considèrent l'impact de la formation suivie comme étant positif. D'après la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP), dans le premier degré, les enseignants français sont 62 % à déclarer qu'au moins une des formations suivies au cours des douze derniers mois a eu un impact positif sur leur manière d'enseigner, ce qui est beaucoup moins que dans la plupart des pays européens ayant participé à l'enquête Talis (91 % en Angleterre par exemple ou 73 % au Danemark pour le taux le plus bas). Au collège, les enseignants français sont 71 % à déclarer un impact positif, soit un écart de 10 points avec la moyenne de l'Union européenne en 2018.

Comparaison de la proportion d'enseignant indiquant un impact positif
des activités de formation continue sur les pratiques enseignantes
dans le premier degré

(en %)

 

France

Espagne

Angleterre

Pays-Bas

Suède

Belgique (Flandre)

Danemark

Impact positif de l'une (au moins) des activités de formation continue suivies sur la manière d'enseigner

62 %

84 %

91 %

87 %

81 %

84 %

73 %

Source : commission des finances d'après la DEPP d'après Talis 2018

À l'école comme au collège, les enseignants français sont moins nombreux que leurs collègues européens à déclarer (par ordre décroissant d'écart) que l'activité de formation continue ayant eu l'impact le plus positif sur leur manière d'enseigner se déroulait sur une longue période, se déroulait dans l'établissement, prévoyait des activités de suivi, ou était construite sur des connaissances préalables avec, pour le collège, des écarts avec la moyenne UE allant de - 30 points à - 18 points.

Le rapporteur spécial considère que l'amélioration du dispositif de performance de la formation continue constitue un axe fondamental pour le ministère. S'il est conscient de la difficulté de mesurer l'évaluation de pratiques enseignantes, le rapporteur spécial insiste sur le fait qu'une gestion efficace des ressources humaines d'une part, et des financements publics d'autre part, ne peut faire l'économie d'une réflexion approfondie sur le sujet.

Recommandation n° 5 : renforcer le dispositif d'évaluation de la formation continue en systématisant le déploiement d'indicateurs adaptés et en établissant un suivi postérieur à la formation.

B. FAIRE DE LA FORMATION CONTINUE UN VÉRITABLE OUTIL DE CARRIÈRE POUR LES ENSEIGNANTS

1. Certifier et diplômer : un enjeu de valorisation de la formation continue

Lors de son discours du 26 mai 2021 présentant les conclusions du Grenelle de l'éducation, le ministre de l'Éducation nationale a présenté les douze engagements du ministère. « Faciliter l'accès à une formation continue davantage diplômante » était le dernier de ces engagements.

Cette déclaration allait dans le sens des évolutions législatives introduites par la loi pour une école de la confiance. Ainsi, l'article L. 912-1-2 du code de l'éducation, dans sa rédaction postérieure à 2019, prévoit que la formation continue « peut donner lieu à l'attribution d'une certification ou d'un diplôme ».

Cette possibilité reste pour l'instant marginale et constitue un des facteurs de la faible incitation à suivre une formation dont les enseignants ne pourront par la suite se prévaloir, d'autant plus que, comme indiqué plus haut, toute mobilité interacadémique entraîne la perte des informations concernant les formations suivies précédemment. Selon l'enquête Talis 2018, 8 % des enseignants français de collège ont suivi des formations qualifiantes contre 15 % dans l'OCDE. La certification constitue un outil de reconnaissance du travail effectué pendant la formation et des compétences acquises, et contribue donc à améliorer l'attractivité des formations proposées d'une part et, indirectement, celle du métier d'enseignant d'autre part.

Le rapporteur spécial plaide donc pour un développement des formations diplômantes et certifiantes, ce qui suppose également de maintenir un lien étroit avec l'enseignement supérieur. Une telle dynamique est déjà en cours, dans la mesure où le ministère indique avoir engagé les écoles académiques de la formation continue à mettre en place des formations en lien avec les universités et à développer des diplômes d'université (DU) à destination des enseignants. Au niveau national toutefois, les diplômes d'université ou inter-universités créés en partenariat avec la DGESCO restent limités : il existe ainsi un DU « droit et grands enjeux du monde contemporain » à destination des professeurs de lycée enseignant cette spécialité, un DU « laïcité et principes républicains », ou encore un DU « enseigner l'informatique au lycée ».

En outre, les acteurs entendus par le rapporteur spécial ont pour la plupart exprimé une demande d'approfondissement du lien entre la formation continue et la recherche, notamment en sciences de l'éducation, mais pas uniquement. Le rapporteur spécial estime qu'il s'agit d'un axe à approfondir, permettant de positionner les enseignants comme des praticiens des sciences de l'éducation.

2. Valoriser la formation continue dans l'évolution de carrière

L'article L. 912-1-3 du code de l'éducation prévoit depuis 200537(*) que « la formation continue des enseignants est prise en compte dans la gestion de leur carrière ». Il s'agit cependant à l'heure actuelle d'un énoncé purement performatif, qui ne s'est pas traduit par une inflexion en termes de gestion des ressources humaines, notamment faute d'outils informatiques adaptés.

Les seuls cas où la formation continue débouche sur une prise en compte dans la carrière sont les formations suivies pour devenir personnel d'encadrement, pour préparer les concours internes (agrégation notamment) ou pour devenir formateur. Seuls 6 % des professeurs français de collège contre 18 % en moyenne dans l'Union européenne considèrent que leur participation à la formation continue peut avoir une incidence positive sur le déroulement de leur carrière38(*).

À la différence des autres corps de l'éducation nationale, le fait que le pilotage de la formation continue des enseignants relève de la DGESCO et non de la DGRH est encore une fois révélateur du décalage entre la conception actuelle de la formation continue et la gestion des ressources humaines. Le rapporteur spécial a en outre été confronté à de grandes difficultés à obtenir des informations de la part de la DGRH.

La certitude que le suivi d'une formation ne sera pas valorisé par le ministère contribue à la faible attractivité de la formation continue auprès des enseignants. Or, à l'heure où le ministère met en avant sa « gestion RH de proximité » et promeut une construction davantage individualisée des carrières enseignantes, la formation continue doit selon le rapporteur spécial devenir un levier de gestion des ressources humaines à part entière.

À peine la moitié des enseignants déclarent selon le Cnesco avoir abordé le sujet de la formation continue et de leurs besoins en formation lors des rendez-vous de carrière prévus tous les 7 ans. Le rapporteur spécial considère que ce sujet doit être systématiquement abordé et incite le ministère à agir en ce sens auprès des inspecteurs.

Les enseignants contractuels : des besoins de formation continue différents
qui doivent être pris en compte

À l'heure où le recrutement d'enseignants contractuels s'élargit très largement et où les contractuels représentent une part de plus en plus importante du vivier d'enseignants, ils ne disposent pas d'un cadre de formation continue différent de celui des enseignants titulaires.

Il est vrai qu'il existe dans certaines académies des parcours de formation adaptés pour les contractuels. Ce n'est toutefois pas le cas au niveau national.

Alors que la formation initiale de ces enseignants est le plus souvent réduite à sa portion congrue, le rapporteur spécial considère comme peu compréhensible l'absence d'attention spécifique portée à ce public s'agissant de leur formation continue. En outre, se pose également la question de la valorisation de la formation continue au moment du passage en CDI ou de la titularisation de ces enseignants.

Deux pistes existent pour valoriser la formation continue dans la carrière des enseignants. D'une part, le ministère pourrait mettre en place un levier d'incitation financière à la formation. Toutefois, cela a été fait dans le cadre des vacances scolaires avec un succès plus que limité. La deuxième option, privilégiée par le rapporteur spécial, consisterait à tenir compte dans la mobilité géographique et la mobilité de carrière des enseignants du suivi de formations spécifiques, permettant de réellement passer d'une gestion statutaire à une gestion des ressources humaines. Ainsi, il serait envisageable que la validation de formations diplômantes puisse accélérer l'avancement dans la carrière, ce qui suppose, le rapporteur spécial en est bien conscient, de ne plus raisonner uniquement en termes d'ancienneté.

L'idéal serait à terme de pouvoir envisager un positionnement prioritaire des enseignants formés sur certains postes à profil. Le rapporteur spécial s'était notamment étonné dans un récent rapport sur la prise en charge des élèves allophones que les enseignants disposant d'une certification pour l'enseignement du français langue seconde ne soient pas ceux prioritairement affectés en unité pédagogique pour élèves allophones arrivants (UPE2A)39(*). Concernant les enseignants en UPE2A, au-delà de la certification FLS, de nombreux enseignants sont affectés à des UPE2A sans formation particulière. Dans la mesure où les conditions d'enseignement sont sensiblement différentes de celles expérimentées en classes ordinaires, le rapporteur spécial notait qu'il était souhaitable de généraliser des modules de formation continue à ces enseignants et de mobiliser prioritairement en UPE2A les enseignants formés.

Recommandation n° 6 : Valoriser le suivi de formation au cours de la carrière des enseignants en conditionnant l'accès à certains postes d'enseignement spécifiques à la validation de formations et en accélérant l'avancée dans la carrière pour le suivi de formations diplômantes.

3. Le pacte enseignant : une réponse possible aux difficultés de remplacement

Le ministre de l'Éducation nationale a présenté le 20 avril 2023 ses mesures pour améliorer la rémunération des enseignants. Une partie de ces mesures de revalorisation devrait être liée à la réalisation par les enseignants de missions supplémentaires. Ce « pacte enseignant » devrait entraîner un coût supplémentaire d'1,1 milliard d'euros à partir de la rentrée 2023.

Beaucoup reste encore à préciser sur les modalités concrètes d'adhésion au pacte.

Toutefois, la réalisation de remplacements devrait constituer une des missions prioritaires du pacte, et donc une des trois unités possibles pour bénéficier d'un « pacte complet ». Les enseignants adhérents au Pacte pourront donc effectuer 18 heures de remplacement annuelles pour une rémunération de 1 250 euros, soit une rémunération supérieure à celle dont ils bénéficient aujourd'hui par le mécanisme des heures supplémentaires.

Le rapporteur spécial considère qu'il s'agit d'une réponse intéressante aux difficultés de remplacement des enseignants, notamment en lien avec la formation continue. Toutefois, le fonctionnement de ce système nécessite d'atteindre une masse critique d'enseignants qui ont adhéré au pacte dans tous les établissements. Alors que les syndicats d'enseignants ont fait part des grandes réticences d'une part non négligeable des professeurs, il n'est pas certain que la gestion des remplacements s'en trouvera fluidifiée dès la rentrée 2023.

4. Maintenir l'attractivité des fonctions d'enseignant formateur 

Au-delà des enseignants, le rapporteur spécial insiste sur le fait que la politique de formation continue ne doit pas laisser de côté la question des formateurs. Ce sont pour l'essentiel des enseignants, ainsi que des inspecteurs d'académie-inspecteurs pédagogiques régionaux (IA-IPR) et des conseillers pédagogiques.

Dans le premier degré, les maîtres formateurs sont des enseignants du premier degré, titulaires du certificat d'aptitude aux fonctions d'instituteur ou de professeur des écoles maître formateur (CAFIPEMF). Dans le second degré, les formateurs académiques sont des professeurs ou des conseillers principaux d'éducation, titulaires du certificat d'aptitude aux fonctions de formateur académique (Caffa). Dans l'académie de Nancy-Metz, à titre d'exemple, le volume des professeurs formateurs académique intervenant à l'INSPÉ équivaut à 14 ETP.

Le maintien du lien du formateur avec l'enseignement est selon le rapporteur spécial essentiel pour limiter les critiques de déconnexion de la formation qui sont souvent formulées par les enseignants.

La question de l'attractivité des fonctions de formateur ne doit pas non plus être mise de côté, dans la mesure où ils sont pour l'instant très faiblement rémunérés. Les maîtres formateurs perçoivent une indemnité de 1 250 euros annuels bruts40(*). Les formateurs académiques perçoivent une indemnité de 834 euros annuels bruts41(*). Ils bénéficient en revanche de décharges d'enseignement, d'un tiers de leur service d'enseignement et de 72 heures annuelles de leur service hors enseignement pour les maîtres formateurs et de trois à six heures de leur service hebdomadaire d'enseignement pour les formateurs académiques42(*). La reconnaissance financière pour l'exercice des fonctions de formateurs est donc faible et devrait constituer une piste d'amélioration pour le ministère.

Dans le cas des formateurs académiques, le temps de décharge peut donc aller du simple au double, en fonction d'un nombre de critères fixés par la circulaire du 18 octobre 2016 : nombre de formateurs académiques et de tuteurs dans chaque académie ; volume horaire des formations dans les champs disciplinaire concernés ; temps consacré à la définition des contenus de formation, à la préparation et à l'animation des séquences de formation initiale et continue. Chaque académie est libre de moduler ces critères pour construire son propre mode de calcul. La Cour des comptes a, à plusieurs reprises, souligné que la différence entre académies, qui peut atteindre 48 heures par an, « ne paraît pas justifiée par des particularités locales d'exercice des missions des enseignants », et a appelé à « promouvoir un mode de calcul plus homogène », « facteur d'équité entre enseignants »43(*). Le rapporteur spécial reprend à son compte cette remarque.

Les formateurs sont également indemnisés de leurs frais de déplacement sur le budget académique, dans la plupart des académies sur les mêmes bases que les enseignants formés.

Un rapport du Sénat de 2018 l'indiquait déjà44(*) : « la montée en gamme de la formation continue passe par l'extension du vivier de professeurs formateurs, leur professionnalisation et une meilleure reconnaissance de leur fonction ».

Enfin, les recommandations du rapporteur spécial sur la nécessité de professionnaliser la gestion des ressources humaines en matière de formation continue s'appliquent également aux formateurs. Le ministère doit mettre en place, notamment par le biais de nouvelles applications informatiques, une réelle gestion de la ressource que constitue son vivier de formateurs. En particulier, la formation continue des formateurs doit concentrer une part des efforts, alors que la circulaire de 2016 précitée se contente d'indiquer qu'il « est attendu d'eux qu'ils poursuivent une démarche individuelle de formation dans les domaines qui relèvent de leur(s) champ(s) d'intervention ».

Recommandation n° 7 : Améliorer la reconnaissance du métier de formateur en harmonisant les heures de décharge entre académies dans le second degré et en engageant une réflexion sur leur indemnisation.

C. RAPPROCHER LA FORMATION CONTINUE DES ENSEIGNANTS

1. Pour le développement de la formation continue à l'échelle infra-académique

Le rapporteur spécial considère qu'il en va de la formation continue comme de la plupart des politiques publiques, à savoir que le développement d'une offre de proximité constitue un avantage certain pour mieux s'adapter aux besoins locaux tout en réduisant les coûts de fonctionnement.

Les formations de proximité représentent un réel atout pour personnaliser l'offre, et l'adapter au contexte. La traduction des besoins concrets des territoires a par exemple été expérimentée dans des plans locaux de formation (PLF) dans l'académie de Metz-Nancy. Ce dispositif de formation, qui ne se substitue pas aux priorités nationales et académiques, a pour objectif de prendre en compte les besoins locaux des personnels, le parcours personnel et professionnel de chacun ainsi que les difficultés spécifiques des élèves du territoire. Ce nouveau dispositif a été expérimenté en 2020-2021, sous le pilotage de l'école académique, dans deux bassins d'éducation et de formation (BEF) de l'académie préfigurateurs, puis a été généralisé à l'ensemble des 17 BEF en 2021-2022. Les personnels du bassin, enseignants du premier et second degrés mais aussi les personnels non-enseignants, peuvent être impliqués à plusieurs niveaux pour participer à l'élaboration du PLF et peuvent également animer des formations. Étant donnée l'implication de différentes catégories de personnels, les plans locaux de formation semblent particulièrement adaptés pour harmoniser les pratiques des équipes inter-degrés, inter-établissements ou inter-cycles.

De bonnes pratiques peuvent être identifiées à l'intérieur d'autres académies. L'IGESR45(*) cite ainsi le cas de l'académie de Toulouse, ayant mis en places des ateliers pédagogiques interétablissements qui permettent à des enseignants du second degré de se réunir afin de travailler ensemble à la résolution de problèmes directement liés aux pratiques pédagogiques disciplinaires. Plusieurs d'entre elles mènent régulièrement des enquêtes auprès des personnels afin de faire émerger des besoins locaux, mais sans nécessairement aller jusqu'à la co-construction avec les personnels d'un plan local de formation.

La DGESCO indique notamment que les regroupements interacadémiques sont possibles et existent, notamment pour la mise en place de plans nationaux touchant un nombre important de stagiaires, pour les préparations aux concours, pour la formation de catégories de personnels à faible effectif, etc. Mais les limites sont avant tout organisationnelles et financières, du fait d'une gestion budgétaire indépendante dans chaque académie.

D'un point de vue budgétaire, rapprocher la formation des enseignants constitue un facteur de rationalisation non négligeable, notamment par la diminution des frais de déplacement. Selon les données de l'académie de Nancy, une journée de formation effectuée dans le cadre du plan local de formation coûte trois fois moins cher que la moyenne des journées de formation. Dans le détail, une formation locale est légèrement moins chère (7,21 euros) qu'une journée de formation classique (8,47 euros), mais plus de 10 fois moins chère qu'une formation dans le cadre du plan national de formation (formation des encadrants notamment).

Coût d'une journée de formation par stagiaire dans l'académie de Nancy-Metz
en 2021-2022

(en jours et en euros)

Source : commission des finances d'après l'académie de Nancy-Metz

Le rapporteur spécial considère comme particulièrement intéressante l'expérimentation nancéenne concernant la mise en place de plans locaux de formation, qui gagnerait à être étendue à d'autres académies.

Recommandation n° 8 : encourager le développement dans les académies de plans locaux de formation en associant les personnels à leur construction.

2. Recentrer la formation continue autour de l'établissement

La formation continue a longtemps été pensée en dehors de l'établissement, dans une logique purement descendante. Si les choses ont commencé à évoluer et la place de l'établissement dans l'écosystème de la formation à se renforcer, le modèle de la formation construite autour des besoins spécifiques d'un établissement est encore très largement minoritaire.

Il est cependant certain que les formations d'initiatives locales (FIL) représentent une part croissante des formations. D'après les données de la DGESCO, les FIL constituent environ un quart des formations dispensées au niveau national. Dans l'académie de Paris, en 2018, il existait déjà 320 FIL dans le second degré et 40 dans le premier degré46(*), malgré un succès qualifié par l'inspection générale de « mitigé ».

Pour répondre aux critiques générales exprimées à l'encontre de la formation continue, les FIL ne peuvent être une réplique au niveau de l'établissement des formations académiques, mais doivent en constituer une transposition en fonction des besoins spécifiques de l'établissement. Cela suppose l'investissement du chef d'établissement qui doit disposer d'une marge d'autonomie.

Le plus souvent, en dehors des FIL, les chefs d'établissement n'ont qu'une vision très limitée, voire inexistante sur les formations suivies par leurs enseignants, qui ne peut donc que difficilement être valorisée au niveau de l'établissement.

À l'étranger : l'objectif de « l'établissement formateur »

En Allemagne, dans le Land de Saxe, la responsabilité de la formation interne des enseignants (SCHILF) incombe au directeur de l'école concernée. Les écoles ont reçu des moyens financiers pour la mise en oeuvre de la formation continue des enseignants, qu'elles peuvent utiliser sous leur propre responsabilité et qui sont orientés vers les objectifs spécifiques du développement de leur école.

Au Danemark, le chef d'établissement et l'enseignant définissent ensemble un plan de formation prenant en compte la pertinence des ressources et leur adéquation aux besoins exprimés par ce dernier. Ce plan est pensé comme un droit à la formation continue.

En Angleterre, le chef d'établissement identifie, dans le cadre de son évaluation, les besoins en formation continue de l'enseignant de même que les actions de nature à y répondre. En fonction des ressources dont l'établissement dispose, il peut s'agir de quelques heures, plusieurs jours, parfois une reprise d'études à temps plein aboutissant à une qualification reconnue au niveau national.

Source : L'ingénierie de formation en académie (premier et second degrés) : organisation, intervenants, utilisation des moyens, évaluation des actions, IGÉSR, 2020-138, octobre 2020

Le recentrage d'une partie de la formation continue autour de l'établissement et du projet d'établissement, sans exclure les échelons locaux, académiques et nationaux va selon le rapporteur spécial dans le sens d'une autonomie accrue (et souhaitable) des établissements. En outre, comme indiqué dans le paragraphe précédent, les FIL peuvent engendrer des économies non négligeables et constituer une réponse à la réticence de certains enseignants à se déplacer. Enfin, s'agissant de la gestion des remplacements, les FIL permettent d'anticiper le besoin en amont en simplifiant le pilotage au niveau de l'établissement.

Il est évident que l'intégralité de la formation continue n'a pas vocation à être réalisée sous forme d'initiative locale, du fait d'une part de la faiblesse du taux d'encadrement dans certains établissements, d'autre part de la nécessité de maintenir un pilotage académique et enfin de celle de conserver une dimension individuelle à la formation continue. L'approche locale doit être complémentaire des autres dimensions.

Le rapporteur spécial considère toutefois que la formation continue des enseignants doit continuer de se développer et représenter une proportion plus importante des formations dispensées. Les FIL doivent constituer un volet du projet d'établissement47(*). L'article R. 421-3 du code de l'éducation prévoit déjà que « le projet d'établissement assure la cohérence des différentes activités de formation initiale, d'insertion sociale et professionnelle et de formation continue des adultes dans l'établissement ». Il serait sans doute nécessaire, à défaut d'aller plus loin, de s'assurer de la pleine application de cet article.

Recommandation n° 9 : développer les formations d'initiative locale en associant davantage les chefs d'établissement à la construction des formations et en veillant à une inscription des actions de formation continue au sein du projet d'établissement.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 11 juillet 2023 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a entendu une communication de M. Gérard Longuet, rapporteur spécial, sur la formation continue des enseignants.

M. Claude Raynal, président. - Nous examinons à présent le rapport de M. Gérard Longuet, rapporteur spécial de la mission « Enseignement scolaire », sur la formation continue des enseignants.

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. - Pourquoi parler de formation continue des enseignants à la commission des finances plutôt qu'à la commission de la culture ? Parce que, dans le monde de l'enseignement, déplacer une virgule coûte 50 millions d'euros, un point-virgule 100 millions d'euros, sans parler du point final, tout à fait inaccessible... Cela nous oblige à entrer dans le détail de toutes les formes de dépenses.

En ce qui concerne le personnel, charge principale du ministère de l'éducation nationale, il faut rappeler, d'une part, que nos résultats scolaires ne sont pas satisfaisants au regard des comparaisons internationales et, d'autre part, que les recrutements sont de plus en plus difficiles ; je vous renvoie sur ce point aux travaux sur le niveau de salaire en Europe que je vous ai présentés l'année passée. La formation continue apparaît donc comme une solution pour améliorer la compétitivité, la performance ou, plus prosaïquement, le professionnalisme de nos enseignants.

Actuellement, la formation de ceux-ci se limite pour la plupart à deux années de formation initiale en master, après trois années de licence disciplinaire ; ces deux années ne peuvent constituer le seul support de la compétence professionnelle de nos enseignants.

La formation continue existe, mais elle ne fonctionne pas entièrement. Elle est massive, puisque plus de la moitié des enseignants du secondaire ou du primaire, soit près de 500 000 personnes, suivent, d'une manière ou d'une autre, une formation continue chaque année. Cela peut paraître de prime abord formidable, mais la durée moyenne de formation des enseignants s'élève à 1,2 jour par an, alors qu'elle est de 7,4 jours par an pour les autres fonctionnaires de l'État.

Par ailleurs, le budget dédié à la formation, initiale comme continue, est important - il s'élève à 1 milliard d'euros en loi de finances initiale -, mais il est rarement consommé à plus de 60 %. Ainsi, plus de 600 millions d'euros par an ne sont pas consommés. La sincérité du budget ne paraît donc pas totale... En outre, l'écart entre crédits votés et crédits consommés ne fait qu'augmenter d'année en année, et c'est d'autant plus étonnant que les formations proposées sont de plus en plus fréquemment décidées par le ministère. Surprenant aussi est le coût apparent que constituent les frais de déplacement, qui aurait pu être dissuasif mais qui, au bout du compte, ne représente que 25 millions d'euros, sur ce budget de 1 milliard d'euros.

Le coût principal est celui du remplacement des enseignants formés : la formation continue représente 18 % des absences des enseignants et environ un tiers des absences non remplacées. Cela pose un véritable problème. Or il n'existe pas de vivier d'enseignants pour remplacer ceux qui suivent une formation continue.

Il faut néanmoins distinguer l'enseignement primaire du secondaire. Le primaire prévoit statutairement dix-huit heures de formation professionnelle continue par an ; en général, 60 % de ces heures sont effectuées sur un temps de travail qui n'est pas un temps de présence devant les élèves.

Certes, certains enseignants se censurent par crainte de ne pas être remplacés, mais, de ce point de vue, les propositions du ministère sur la formule dite du « pacte enseignant » constitueraient, si elles étaient appliquées, un progrès : pour une rémunération de 1 250 euros, les adhérents au pacte pourraient effectuer dix-huit heures de remplacement annuelles.

Un deuxième problème concerne plus spécifiquement le contenu des formations : les enseignants considèrent que celles-ci ne sont pas appropriées à leurs besoins. Selon eux, une part trop importante de la formation relève en réalité davantage de l'information sur les priorités politiques du ministère que de leur métier à proprement parler.

Le Gouvernement agit-il ou non pour leur apporter des solutions ? La réponse est nuancée. Les efforts sont réels, mais ne permettent pas de rattraper le retard accumulé, notamment par rapport à nos voisins européens.

Au niveau des rectorats, la formation continue se structure par le biais des écoles académiques de la formation continue, qui doivent constituer des guichets uniques de la formation pour les enseignants. Toutefois, il n'est pas encore établi que ces écoles aient convaincu ces derniers de se mobiliser plus fortement en faveur de la formation continue.

À mes yeux, il y a donc deux idées simples pour comprendre les enjeux qui sont devant nous.

La formation continue permet à l'enseignant, du secondaire ou du primaire, d'échapper à la solitude inhérente à la situation du maître dans sa classe, tradition française qui fait de l'enseignement une profession libérale, dans laquelle chaque enseignant est maître de sa classe et de son enseignement. Au contraire, nous avons une demande de plus en plus forte, de la part des jeunes enseignants en particulier, de travailler en équipes et en réseau.

C'est pourquoi, à côté des écoles académiques placées aux côtés des recteurs, le succès des plans « Mathématiques » et « Français » doit attirer notre attention. Ces plans fonctionnent sur la base de petits groupes formés au niveau d'un établissement. Les enseignants y travaillent ensemble en échangeant sur leur métier, notamment à partir d'observations croisées sur la réalité de l'enseignement de ces deux matières.

Répondre au besoin de confiance en soi-même de l'enseignant est ainsi la première raison de soutenir la formation continue. L'enseignant aura d'autant plus confiance en lui-même qu'il verra, grâce au travail d'équipe, ce que font les autres, ce qui illustre la formule du Président Nicolas Sarkozy : « Quand je m'observe, je m'inquiète ; quand je me compare, je me rassure. »

La deuxième raison de soutenir la formation continue est d'offrir un véritable outil de gestion de ses ressources humaines au ministère de l'Éducation nationale. Premièrement, à ce jour, celui-ci n'est pas en mesure de gérer le patrimoine des formations acquises par ses enseignants ; ainsi, lorsque l'enseignant quitte une académie pour en rejoindre une autre, les informations concernant ses formations ou ses expériences ne l'accompagnent pas. Deuxièmement, les formations acquises, l'expertise consolidée dans telle ou telle discipline, telle ou telle spécialité de public scolaire difficile ne sont pas valorisées pour les choix de carrière. Dans l'Éducation nationale, au contraire, c'est la règle de l'ancienneté - dans les grades et dans les postes - qui prévaut. Troisièmement, il faudrait lier la formation continue aux universités, notamment afin de délivrer une formation diplômante ou certifiante, qui constitue une reconnaissance de leurs qualifications.

Enfin, la formation continue doit être offerte dans le cadre d'une certaine proximité, afin de mieux s'adapter aux besoins locaux. Aujourd'hui, les formations d'initiative locale constituent environ un quart des formations dispensées au niveau national. Il faudrait viser désormais un objectif de 40 %, non pas pour économiser des frais de transport ou d'hébergement, mais pour créer un climat de solidarité, d'échanges, de confiance mutuelle, au travers d'expériences comparées.

En conclusion, je veux souligner que la formation continue, plus que le facteur de l'ancienneté, doit avoir un impact sur la carrière de l'enseignant. À l'occasion d'un effort diffusé de formation continue, nous pourrions renforcer la personnalité des établissements et faire en sorte qu'ils soient reconnus pour la qualité des équipes qu'ils rassemblent et qu'ils mobilisent.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Un travail est-il fait, soit par l'Éducation nationale, soit par un organisme, pour apprécier la part des enseignants qui suivent des formations ? Je suis à peu près certain que ce sont toujours les meilleurs enseignants, qui sont à la recherche de performance et de méthodes nouvelles, qui suivent les formations. Par ailleurs, a-t-on étudié la relation entre les compétences de ces enseignants, toujours en quête de formation, et les résultats de leurs élèves aux différentes épreuves ?

M. Marc Laménie. - Je m'interroge tout d'abord sur le budget de 1 milliard d'euros et sur les crédits non consommés, qui s'élevaient à 650 millions d'euros en 2022. On dit souvent qu'il faudrait davantage de moyens pour l'Éducation nationale ; ces crédits sont-ils affectés à d'autres postes budgétaires ?

Par ailleurs, comment expliquer cette sous-consommation ? Les formations sont-elles dispensées loin du lieu d'exercice de l'enseignant ? Les rectorats et les inspections d'académie font-ils un bon travail de communication ?

M. Stéphane Sautarel. - Je partage le constat sur l'insuffisance du mélange entre les formations de l'Éducation nationale et celles qui sont dispensées par des opérateurs extérieurs. Notre rapporteur a-t-il, sur ce sujet, des préconisations, notamment sur des formations ouvertes sur d'autres environnements ou d'autres pédagogies ?

Par ailleurs, il y a beaucoup d'organismes de formation spécialisés sur telle administration ou telle collectivité, par exemple, le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) pour les collectivités territoriales. Ainsi, j'aimerais connaître le sentiment de notre rapporteur sur l'équilibre souhaitable entre les formations « métier », qui nécessitent sans doute des organismes spécialisés, et des formations plus ouvertes, qui gagneraient à mélanger les publics, ce qui pourrait favoriser un recrutement plus diversifié.

M. Vincent Delahaye. - Je m'étonne également du volume de crédits non consommés. Compte tenu de l'état de nos finances, ne pourrions-nous pas travailler à un amendement qui nous permettrait de récupérer les 650 millions d'euros non utilisés ? Ou bien cet excédent est-il déjà utilisé par ailleurs ?

En ce qui concerne le contenu des formations, qui ne semble pas adapté aux besoins des enseignants, ne faudrait-il pas le concentrer sur la gestion de groupe, la pédagogie et la discipline, relativement sous-estimés par ailleurs ?

M. Michel Canévet. - Comme Vincent Delahaye, je me demande si la formation initiale des enseignants fournit les outils concernant la discipline de classe. Je ne le pense pas, d'où l'intérêt de la formation continue.

Les actions massives que nous observons dans la formation continue consistent-elles à diffuser les évolutions pédagogiques à l'ensemble du corps professoral ou sont-elles conçues en fonction de chaque discipline concernée, de telle sorte que les enseignants approfondissent leurs connaissances de la matière ?

La répartition des crédits entre l'enseignement privé et l'enseignement public - 10 % pour l'un et 90 % pour l'autre - reflète-t-elle la part des deux enseignements dans le monde de l'éducation?

Au Sénat, la question de l'insertion professionnelle des élèves nous préoccupe. Les difficultés rencontrées dans ce domaine sont liées en partie au fait que les enseignants connaissent mal le tissu économique autour de leur établissement. La formation continue permet-elle aux enseignants de prendre conscience de l'importance de leur environnement économique, particulièrement pour les aider à orienter professionnellement leurs élèves vers des filières qui recrutent ?

M. Claude Raynal, président. - Cher collègue, vous demandez beaucoup à nos enseignants, vous exigez d'eux beaucoup de connaissances...

M. Michel Canévet. - Surtout du bon sens !

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial - Pour ce qui concerne la part des enseignants qui choisissent le contenu de la formation suivie, elle est minoritaire dans le premier degré, sans être négligeable, et nous avons de réelles lacunes en matière de suivi de l'impact de la formation sur les résultats des élèves. Il s'agit d'un axe de progrès. L'Éducation nationale ne connaît pas le patrimoine intellectuel et l'expérience que représentent ses 900 000 enseignants. Ainsi, elle consacre un centième de son budget à la formation continue sans savoir ce qu'il en ressort ; c'est d'ailleurs le cas de bien des entreprises, reconnaissons-le.

Le principal opérateur de formation continue dans l'Éducation nationale est Canopé, au travers des formations en ligne.

Les crédits non consommés sont généralement annulés dans le cadre du projet de loi de finances rectificative. Ainsi, l'argent n'est pas perdu pour l'État, mais il est perdu pour la formation de nos enseignants et donc, au bout du compte, pour la formation de nos jeunes. Dans ces conditions, pourquoi sont-ils inscrits au budget ? Dans la mesure où l'enseignant n'y trouve pas son compte en termes de carrière et où le ministère n'a pas une vision offensive de la mobilisation des talents de ses ressources humaines, les incitations à se former sont parfois faibles. Le climat est par conséquent différent de celui d'une entreprise privée, où la personne ayant suivi une formation cherche ensuite à en tirer un bénéfice, soit matériel, soit en termes de responsabilités.

Les formations les plus attractives sont celles qui sont les plus orientées vers la façon d'enseigner, dans les matières principales - mathématiques, français, langues étrangères. Je rappelle que ce qui rassemble les enseignants, c'est le besoin de partager du temps avec celles et ceux qui rencontrent les mêmes difficultés, sur la matière enseignée en elle-même pour le secondaire et sur la tenue de la classe et l'autorité pour le primaire, en particulier.

Les enseignants sont nombreux à exprimer leur déception concernant le contenu des formations proposées, qui relèvent plus de l'information sur l'administration que sur le métier en lui-même ; on n'y aborde ni la gestion de groupe, ni la sociodynamique, ni les comportements de discipline, comparables à ceux que l'on apprenait dans les cours de caserne pendant le service militaire, quand on voulait devenir caporal-chef, sergent ou maréchal des logis.

Monsieur Canévet, il existe bien des contacts entre les chambres de métiers, les chambres de commerce et les enseignants, notamment pour obtenir des stages pour les élèves, mais, pour répondre clairement sur l'insertion professionnelle, je confirme que ces contacts ne sont pas systématiques et que nous n'avons pas de vision globale sur le sujet.

Le rapport enseignement public-enseignement privé est mathématique et date de 1959 : il est de 80 %-20 %. C'est un système qu'il conviendrait un jour de remettre en cause, car les rentes de situation engendrent des effets pervers qui nuisent aux uns et aux autres. Toutefois, nous n'allons pas aujourd'hui ouvrir cette guerre civile...

Les évolutions pédagogiques disciplinaires, évoquées par M. Canévet, concernent en effet les jeunes qui sont plus souvent penchés sur des écrans que sur des livres. La formation de la génération « Petite poucette », pour reprendre l'expression de l'historien des sciences M. Michel Serres, implique de repenser l'apprentissage de la langue et de la lecture.

Parmi les recommandations contenues dans ce rapport, certaines sont très importantes : distinguer les financements liés à la formation initiale et à la formation continue, mettre fin à la sous-consommation des crédits, valoriser le suivi de la formation au cours de la carrière des enseignants en conditionnant l'accès à certains postes d'enseignement spécifique à la validation de formations et en accélérant l'avancée dans la carrière pour le suivi des formations diplômantes. Cette suggestion pourrait officiellement susciter une levée de boucliers de la part des organisations représentatives du personnel ; officieusement, toutefois, sachez qu'elles n'y sont pas opposées. Ce serait une révolution, que je laisserai à d'autres le soin de mener...

La commission a adopté les recommandations du rapporteur spécial et autorisé la publication de sa communication sous la forme d'un rapport d'information.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Ministère de l'Éducation nationale et de la Jeunesse

- M. Pap NDIAYE, ministre de l'Éducation nationale et de la jeunesse ;

- M. Thomas LEROUX, conseiller aux affaires pédagogiques et aux savoirs fondamentaux ;

- Mme Lila MAHNANE, conseillère parlementaire.

Direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO)

- M. Édouard GEFFRAY, directeur.

Direction générale des ressources humaines (Ministère de l'Éducation nationale)

- M. Boris MELMOUX-EUDE, directeur général ;

- Mme Virginie GOHIN, sous-directrice de la formation, des parcours professionnels et des relations sociales ;

- Mme Françoise LOPEZ, adjointe à la sous-directrice de la gestion prévisionnelle, de la formation et des affaires statutaires et réglementaires.

Institut national supérieur du professorat et de l'éducation (INSPÉ)

- M. Alain FRUGIÈRE, directeur ;

- Mme Anne-Lise ROTUREAU, déléguée générale, conseillère du président.

Centre national d'étude des systèmes scolaires (Cnesco)

- M. Jean-François CHESNÉ, coordinateur exécutif ;

- Mme Lucile PIEDFER-QUÊNEY, chargée de mission.

Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP)

- Mme Fabienne ROSENWALD, directrice ;

- Mme Christelle RAFFAELLI, cheffe du bureau des études sur les pratiques enseignantes.

Table ronde des recteurs

Rectorat de l'académie de Lille et Conférence des recteurs

- Mme Valérie CABUIL, présidente de la Conférence des recteurs, rectrice de l'académie de Lille.

Rectorat de l'Académie de Paris

- M. Christophe KERRERO, recteur.

Rectorat de l'académie de Nancy-Metz

- M. Richard LAGANIER, recteur.

Table ronde des syndicats

SNES-FSU (Syndicat national des enseignants de second degré - Fédération syndicale unitaire)

- M. Pierre CLAUSTRE, secrétaire national, responsable du secteur « Formation initiale et continue - Entrée dans le métier ».

SGEN-CFDT (Syndicat général de l'Éducation nationale - CFDT)

- M. Laurent ALEXANDRE, secrétaire fédéral « Enseignement supérieur et recherche » ;

- M. Alain REI, secrétaire fédéral « premier degré, direction d'école, pénitentiaires ».


* 1 Loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance.

* 2 Décret n° 2008-775 du 30 juillet 2008 relatif aux obligations de service et missions des personnels enseignants du premier degré.

* 3 Décret n° 2014-940 du 20 août 2014 relatif aux obligations de service et aux missions des personnels enseignants exerçant dans un établissement public d'enseignement du second degré.

* 4 La formation statutaire et professionnelle dans la fonction publique de l'État en 2020, Direction générale de l'administration et de la fonction publique, 2022.

* 5 Audition des syndicats d'enseignants.

* 6 La formation continue des enseignants du second degré : de la formation continue au développement professionnel et personnel des enseignants du second degré ? Rapport public IGEN-IGAENR, n° 2018-068, septembre 2018.

* 7 Métier d'enseignant : un cadre rénové pour renouer avec l'attractivité, rapport d'information de M. Max BRISSON et Mme Françoise LABORDE, n° 690, 2018.

* 8 Les parcours de formation des enseignants des premier et second degrés en France, Cnesco, 2021.

* 9 L'ingénierie de formation en académie (premier et second degrés) : organisation, intervenants, utilisation des moyens, évaluation des actions, IGÉSR, 2020-138, octobre 2020.

* 10 Réponses du ministère au questionnaire.

* 11 Idem.

* 12 Organisation de la formation continue des enseignants (académie de Paris). Mission d'appui aux académies, IGAENR, septembre 2018.

* 13 Cour des comptes - Référé n° 71653, janvier 2015.

* 14 Décret n° 2019-139 du 26 février 2019 modifiant le décret n° 2006-781 du 3 juillet 2006 fixant les conditions et les modalités de règlement des frais occasionnés par les déplacements temporaires des personnels civils de l'État et • Arrêté du 11 octobre 2019 modifiant l'arrêté du 3 juillet 2006 fixant les taux des indemnités de mission prévues à l'article 3 du décret n° 2006-781 du 3 juillet 2006 fixant les conditions et les modalités de règlement des frais occasionnés par les déplacements temporaires des personnels civils de l'État.

* 15 Audition des syndicats d'enseignants.

* 16 Talis 2018.

* 17 Audition du Cnesco.

* 18 Réponse de la DGESCO au questionnaire du rapporteur spécial.

* 19 Évaluation de la politique publique sur la formation continue des professeurs du premier degré, rapport de diagnostic, IGEN-IGAENR, juin 2017.

* 20 Idem.

* 21 Réponses de la DEPP au questionnaire du rapporteur spécial.

* 22 Idem.

* 23 Circulaire n° 2017-050 du 15 mars 2017 relative à l'amélioration du dispositif de remplacement.

* 24 Réponse au questionnaire du rapporteur spécial.

* 25 Décret n° 2005-1035 du 26 août 2005 relatif au remplacement de courte durée des personnels enseignants dans les établissements d'enseignement du second degré.

* 26 La gestion des absences des enseignants, Cour des comptes, rapport public thématique, décembre 2021.

* 27 Décret n° 2019-935 du 6 septembre 2019 portant création d'une allocation de formation aux personnels enseignants relevant de l'éducation nationale dans le cadre de formations suivies pendant les périodes de vacance des classes.

* 28 Réponses au questionnaire budgétaire du PLF 2023. Les chiffres datent donc de la rentrée 2022.

* 29 Suivi du Plan mathématiques, inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche, rapport n° 2021-228, janvier 2022.

* 30 Réponses de la DGESCO au questionnaire du rapporteur spécial.

* 31 Comparaison européenne des conditions de travail et de rémunération des enseignants, rapport d'information n° 649 (2021-2022), 2022.

* 32 L'ingénierie de formation en académie (premier et second degrés) : organisation, intervenants, utilisation des moyens, évaluation des actions, IGÉSR, 2020-138, octobre 2020.

* 33 Cité par le Cnesco dans sa conférence de comparaisons internationales, 2020.

* 34 Ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique.

* 35 Arrêté du 21 novembre 2018 portant fixation des plafonds de prise en charge des frais liés au compte personnel de formation dans les services et établissements du ministère de l'éducation nationale.

* 36 Réponses de la DGRH au questionnaire du rapporteur spécial.

* 37 Loi n° 2005-380 du 23 avril 2005 d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école.

* 38 Enquête Talis 2018, OCDE.

* 39 Scolariser les allophones, une politique encore fragile et insuffisamment évaluée, rapport d'information n° 427 (2022-2023), mars 2023.

* 40 Arrêté du 8 septembre 2014 fixant le taux de l'indemnité de fonctions allouée aux personnels enseignants du premier degré exerçant les fonctions de maître formateur ou chargés du tutorat des enseignants stagiaires.

* 41 Arrêté du 8 septembre 2014 fixant le taux de l'indemnité de fonctions pour les formateurs académiques.

* 42 Circulaire n° 2016-148 du 18-10-2016.

* 43 Cour des comptes - Référé n° 71653, janvier 2015.

* 44 Métier d'enseignant : un cadre rénové pour renouer avec l'attractivité, Rapport d'information n° 690 (2017-2018) de M. Max Brisson et Mme Françoise Laborde, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, juillet 2018.

* 45 Source : L'ingénierie de formation en académie (premier et second degrés) : organisation, intervenants, utilisation des moyens, évaluation des actions, IGÉSR, 2020-138, octobre 2020.

* 46 Organisation de la formation continue des enseignants (académie de Paris). Mission d'appui aux académies, IGAENR, septembre 2018.

* 47 La réalisation d'un projet d'établissement est rendue obligatoire par la loi pour une école de la confiance. Cette obligation a été codifiée à l'article L. 401-1 du code de l'éducation.

Les thèmes associés à ce dossier