B. UN PAYS EN CRISE

1. Les effets du Covid 19 puis de la guerre en Ukraine

L'économie de l'Égypte a été violemment frappée par la succession de la crise sanitaire et de la guerre en Ukraine. Devant la mission, le vice-ministre de la défense a placé au premier rang de ses préoccupations la crise économique, en raison de ses possibles implications sur la stabilité du pays. En effet, l'Égypte est l'un des pays au monde pour lesquels les effets du conflit en Ukraine sont les plus graves. Le pays est le premier importateur mondial de blé, avec une dépendance aux importations de l'ordre de 80 %, dont 50 % viennent de Russie et d'Ukraine, et de 95% pour l'huile de tournesol. Le pays est donc particulièrement exposé au risque de ruptures d'approvisionnement et à la hausse des prix. L'Égypte est également concernée par les conséquences du conflit sur le plan touristique : les Russes et les Ukrainiens constituaient les plus gros clients du secteur.

La population égyptienne est directement affectée par cette crise. Elle s'appauvrit alors que, déjà en 2019, les deux tiers des Égyptiens vivaient soit sous le seuil de pauvreté, soit juste au-dessus. Le pouvoir d'achat des ménages s'est fortement dégradé en 2022, avec une inflation qui a atteint des niveaux très élevés. La livre égyptienne s'est dépréciée de 89 % depuis le début de 2022. Les subventions de produits de première nécessité sont le seul instrument dont dispose les autorités, mais des appels à manifester ont eu lieu à l'automne 2022, ce qui est rare dans ce pays très contrôlé par l'appareil sécuritaire.

2. Une mainmise en plus en plus forte des monarchies du Golfe et du FMI

L'Égypte a donc été contrainte de solliciter de nouveau l'aide du FMI et a obtenu, difficilement, un nouveau programme d'aide pour 3 milliards de dollars, le 3ème prêt depuis 2016. Le FMI impose au pays de remédier à ses vulnérabilités macroéconomiques et d'assurer une croissance et la création d'emplois par le secteur privé à travers : (i) une politique monétaire permettant le maintien d'un taux de change flexible pour absorber les chocs externes, (ii) la poursuite de la consolidation budgétaire (baisse du ratio dette/PIB) tout en renforçant les dépenses sociales, (iii) des réformes structurelles importantes visant à réduire l'empreinte de l'État (notamment de l'armée) et à accroître le rôle du secteur privé dans l'économie. Ces réformes s'annoncent difficiles pour l'Etat égyptien, particulièrement en ce qui concerne la réduction de l'empreinte de l'armée dans l'économie, car le rôle de celle-ci est central dans de nombreux secteurs.

Enfin, les monarchies du Golfe ont longtemps soutenu l'Égypte à fonds perdus et exigent désormais des contreparties en capital. Ainsi, il a été indiqué à la mission que la quasi-totalité des médias appartiennent désormais à des entreprises des pays du Golfe.