II. UNE POLITIQUE ÉTRANGÈRE SOUCIEUSE DE RAYONNEMENT INTERNATIONAL MAIS SUR LA DÉFENSIVE

A. LE « MULTI-BILATÉRALISME » ET LA DIPLOMATIE DES SOMMETS

L'Égypte s'efforce de mettre en oeuvre une politique étrangère équilibrée et fait preuve actuellement, en comparaison de l'ère Moubarak, d'un certain activisme.

1. Des relations toujours privilégiées avec les États-Unis mais renforcées avec la Russie, la Chine et l'Union européenne

Afin de disposer du maximum de leviers et faute de disposer par elle-même de ressources d'influence majeures, l'Égypte cherche à développer le plus possible ses relations bilatérales, sans exclusive ni partenaire privilégié :

· L'alliance avec les États-Unis reste essentielle, mais l'administration américaine a conditionné une partie (130 millions de dollars) de son aide militaire à des avancées en matière de droits humains ;

· L'Égypte s'est cependant rapprochée de la Russie, avec laquelle la coopération en matière économique et militaire s'est renforcée, ce qui explique en partie sa réticence à prendre parti sur le confit en Ukraine ;

· Elle entretient également une relation économique croissante de la Chine, étant devenue le 1er pays au Moyen-Orient bénéficiaire des investissements des « Nouvelles routes de la Soie » ;

· Avec l'Union européenne, les échanges sont relancés depuis la reprise du dialogue d'association à l'été 2017, l'Égypte étant désormais le 2ème bénéficiaire des instruments de voisinage après le Maroc, et un Conseil d'association UE-Égypte s'étant tenu en juin 2022 ;

· La relation avec l'Arabie saoudite et les Émirats Arabes Unis reste forte, ces pays apportant un soutien financier essentiel au pays, tandis que les tensions importantes avec le Qatar sont en voie d'apaisement.

2. Le rapprochement avec la Turquie et la Syrie
a) Avec la Turquie : une détente très progressive

Les relations avec la Turquie sont en voie d'amélioration, avec des visites croisées des ministres des affaires étrangères au printemps 2023. En Méditerranée orientale, l'Égypte estime avoir à gagner à une amélioration des relations avec la Turquie car la sécurisation maritime de ses gisements gaziers est très coûteuse. Toutefois, le vice-ministre des affaires étrangères, Hamdi Loza, a souligné devant la mission que le ministre égyptien avait au préalable pris contact avec Chypre et la Grèce, dont l'Égypte reste très proche. Ainsi, le rapprochement avec la Turquie reste prudent.

b) Le rétablissement des relations avec la Syrie

Un début de rapprochement s'opère également entre l'Égypte et la Syrie à la suite du tremblement de terre qui a frappé ce pays et la Turquie, après 10 ans d'interruption des relations. En avril 2023, le ministre égyptien des affaires étrangères a reçu son homologue. L'Égypte estime que ce rapprochement est nécessaire pour contrecarrer la progression de l'influence iranienne. La Syrie a été réintégrée au sein de la ligue arabe le 7 mai à l'initiative de l'Arabie Saoudite, l'Égypte n'ayant pu qu'accepter ce retour.

3. Une diplomatie des sommets

En rupture avec l'ère Moubarak, l'Égypte fait preuve d'un certain activisme dans les enceintes internationales, avec la présidence de l'Union africaine en 2019 et l'organisation d'événements de dimension internationale : forum mondial de la jeunesse annuel à Charm-el-sheik, la COP14 pour l'environnement en novembre 2018, le sommet UE-Ligue arabe en février 2019 et récemment la COP27 en novembre 2022 à Charm-el-Sheikh. Durant son mandat en tant que membre non permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, elle a également voulu être le porte-parole des intérêts africains.

4. La relation privilégiée avec l'Irak et la Jordanie

Une coopération tripartite avec l'Irak et la Jordanie a été progressivement mise en place lors de quatre sommets consécutifs des trois chefs d'État, dont le sommet de Bagdad du 27 juin 2021. Il s'agit pour les trois pays d'augmenter leur coopération sécuritaire et économique. Pour l'Égypte, un tel partenariat doit permettre de contrer l'influence iranienne en Irak et au Levant, et sans doute d'équilibrer la puissance des pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG) en intégrant, à terme, le Liban, la Syrie et les territoires palestiniens.