N° 121

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 16 novembre 2023

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation (1) relatif au statut de l'élu,

Par Mme Françoise GATEL, MM. François BONHOMME et Éric KERROUCHE,

Sénateurs

(1) Cette délégation est composée de : Mme Françoise Gatel, présidente ; M. Rémy Pointereau, premier vice-président ; Mme Agnès Canayer, MM. Cédric Vial, Fabien Genet, Mme Corinne Féret, MM. Éric Kerrouche, Gérard Lahellec, Mme Guylène Pantel, MM. Didier Rambaud, Pierre Jean Rochette, Grégory Blanc, vice-présidents ; MM. Jean Pierre Vogel, Laurent Burgoa, Bernard Delcros, Hervé Gillé, secrétaires ; M. Jean-Claude Anglars, Mme Nadine Bellurot, MM. Guy Benarroche, François Bonhomme, Max Brisson, Mme Céline Brulin, MM. Bernard Buis, Cédric Chevalier, Thierry Cozic, Mme Catherine Di Folco, MM. Jérôme Durain, Daniel Gueret, Pascale Gruny, MM. Joshua Hochart, Patrice Joly, Mmes Muriel Jourda, Sonia de La Provôté, Anne-Catherine Loisier, M. Jean-Jacques Lozach, Pascal Martin, Jean-Marie Mizzon, Franck Montaugé, Mme Sylviane Noël, MM. Olivier Paccaud, Hervé Reynaud, Jean-Yves Roux, Mme Patricia Schillinger, MM. Laurent Somon, Lucien Stanzione, Jean-Marie Vanlerenberghe.

L'ESSENTIEL

INDEMNITÉS DES ÉLUS LOCAUX :
RECONNAITRE L'ENGAGEMENT
À SA JUSTE VALEUR

De Mme Françoise Gatel, sénateur d'Ille-et-Vilaine (Union Centriste), de M. François Bonhomme, sénateur du Tarn-et-Garonne (Les Républicains), et de M. Éric Kerrouche, sénateur des Landes (Socialiste, Écologiste et Républicain).


Il n'est point d'avenir pour nos territoires si les élus n'en ont plus.

Quelques chiffres illustrent le malaise des élus locaux : en 2020, 345 communes ne disposaient pas d'un conseil municipal complet, faute de candidats en nombre suffisant (228 communes en 2014). Par ailleurs, début avril 2023, 1 293 maires ont démissionné depuis les dernières élections municipales de juin 2020, soit environ 3,7%. Selon l'Association des Maires de France, les démissions d'élus municipaux ont atteint, à mi-mandat, un « niveau sans précédent ».

Face à ces difficultés, il y a urgence à agir. Parce que la question de la juste indemnisation des élus est un enjeu démocratique majeur, au coeur de l'engagement républicain, la délégation a fait le choix de consacrer un premier « rapport flash » au régime indemnitaire des élus, notamment municipaux. Elle a naturellement porté une attention particulière à la mise en oeuvre et au suivi des recommandations qu'elle avait formulées en 2018.

Certes, l'engagement de l'élu local s'est construit en France autour du principe fondateur de gratuité. Un mandat découle d'une élection au suffrage universel : il ne s'agit donc pas d'un métier rémunéré, mais d'un engagement civique. Ainsi, seul un tiers des élus reçoit une indemnité afin de compenser l'exercice de leur charge.

Pour autant, dévouement ne rime pas avec sacrifice. Or non seulement les élus locaux sont exposés au risque pénal mais, en outre, de nombreux facteurs les conduisent à consacrer de plus en plus de temps à leur mandat : complexité des normes, montée de l'intercommunalité, difficultés de recrutement des secrétaires de mairies...

Il convient aujourd'hui de passer à l'acte II du volet indemnitaire du statut de l'élu, avec un objectif clair : garantir une meilleure protection matérielle des élus afin de faciliter et sécuriser l'exercice du mandat d'élu local.

Tel est le sens des 8 recommandations présentées par la mission.

I. POUR UNE NOUVELLE VALORISATION DES INDEMNITÉS À LA HAUTEUR DU FORT ENGAGEMENT CITOYEN DES ÉLUS LOCAUX

A. En 2018, la délégation a proposé une revalorisation des indemnités de fonction des maires

Dans son rapport de 2018, la délégation ne plaidait pas pour « une professionnalisation de la fonction élective », mais pour l'ajustement du modèle. Partant du constat de l'insuffisance, de l'iniquité et de l'inadaptation du régime indemnitaire en vigueur, la première recommandation du rapport consistait à « revaloriser le niveau maximal des indemnités de fonction des maires des communes de moins de 100 000 habitants, en particulier celles en deçà de 1 000 habitants ».

B. Cette demande de revalorisation a été suivie d'effet

À l'initiative du Sénat, l'article 92 de la loi « engagement et proximité » de 2019 a conduit à une revalorisation significative de 20 à 50% des indemnités des maires et des adjoints des communes de moins de 3 500 habitants.

C. Le nouveau contexte nécessite de remédier à la dégradation des conditions matérielles d'exercice des mandats

L'inflation et la crise des vocations ont changé la donne, de sorte que l'équilibre atteint par le législateur en 2019 n'est plus satisfaisant.

Trop souvent, le mandat local pénalise souvent ceux qui l'exercent : ainsi, la quasi-totalité des maires et adjoints perçoivent une indemnité inférieure, voire nettement inférieure au salaire moyen brut en France.

Remplacer les maires et adjoints par des fonctionnaires de catégorie A, à temps plein ou partiel selon les strates démographiques, coûterait 3,4 milliards d'euros, soit 2,3 fois plus cher qu'actuellement.

La mission a également souligné l'existence d'interrogations sur d'autres évolutions indemnitaires possibles :

- corrélation entre indemnité et temps consacré au mandat : en moyenne un élu municipal consacre 32 heures par semaine à son mandat. Or, les indemnités sont déterminées de façon forfaitaire en fonction de grandes strates de population et du niveau de responsabilité exercé par l'élu, sans lien avec le temps passé. Cette situation favorise les retraités et compromet l'objectif de diversification des profils. C'est pourquoi la question de la corrélation entre le temps passé par l'élu et le niveau de l'indemnité, bien qu'elle pose des difficultés techniques et juridiques, mérite d'être posée ;

- statut de l'élu étudiant : la mission souligne également la situation particulière des élus étudiants, et appelle de ses voeux la création d'un statut dédié, pour aménager les conditions de poursuite des études avec l'exercice d'un mandat ;

- enfin, le principe même de gratuité soulève certaines interrogations, comme l'illustre la proposition de loi du rapporteur Éric Kerrouche. Selon l'exposé des motifs du texte précité, « tant que subsistera cette contradiction entre une vision idéalisée, voire mythifiée, de l'élu amateur et bénévole et la réalité d'exercice des mandats locaux qui exige des compétences toujours plus pointues et un investissement en temps toujours plus important, le projet d'instaurer un véritable statut de l'élu sera condamné ». Partant du constat que « les fonctions exécutives requièrent aujourd'hui un investissement en temps suffisamment important pour les considérer désormais comme une profession », le texte propose de « rémunérer », et non plus d' « indemniser » les élus détenteurs de mandats exécutifs. Ces derniers seraient liés à la collectivité territoriale ou au groupement dont ils sont élus par un contrat de droit public à durée déterminée dont l'échéance serait fixée à la cessation de leurs fonctions.

RECOMMANDATION 1 : Remédier à la dégradation des conditions matérielles d'exercice des mandats, sans revenir à ce stade sur le principe de gratuité des mandats :

- à partir du 1er janvier 2024, indexer chaque année sur l'inflation les montants d'indemnités des élus ; le coût de cette indexation serait de 52 millions d'euros en 2024.

- avant le renouvellement municipal de 2026, proposer, en concertation avec les associations d'élus locaux, une revalorisation des indemnités pour toutes les strates démographiques ;

- à plus long terme, réfléchir, pour certaines catégories d'élus, à la création d'un nouveau statut rémunéré.

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