II. L'ABM DOIT GAGNER EN EFFICIENCE DANS L'ACCOMPLISSEMENT DE SES AUTRES MISSIONS, MALGRÉ UN ENVIRONNEMENT HOSPITALIER DÉGRADÉ

En 2019, la Cour relevait les bonnes performances de la France en matière de transplantations d'organes qui la classaient en troisième position en Europe, malgré un recul déjà jugé inquiétant de l'activité de greffe entre 2017 et 2018 (- 5,3 %).

En parallèle, l'augmentation significative du nombre de patients en attente de greffe a conduit à une dégradation continue des conditions d'accès à la greffe, l'écart n'ayant de cesse de se creuser entre le nombre de patients inscrits sur la liste nationale d'attente et le nombre de greffes réalisées. D'autres constats mis en lumière par le rapport de 2019 conservent leur pertinence, en l'absence d'évolution substantielle depuis quatre ans : inégalités d'accès à la greffe selon les territoires, absence de lignes directrices pour homogénéiser les conditions d'attribution des greffons, faiblesse du dispositif de biovigilance, réflexion sur les seuils d'autorisation d'activité...

Les analyses et recommandations du présent rapport s'inscrivent donc pleinement dans la continuité des précédentes.

A. UNE POLITIQUE DE PROMOTION DU DON QUI MANQUE DE SOUFFLE ET PÉNALISE LE DÉVELOPPEMENT DES ACTIVITÉS DE GREFFE ET D'AMP

La promotion du don - don d'organes, de tissus, de gamètes - figure au rang des missions prioritaires de l'ABM. Le don est un acte de solidarité, encadré par les principes d'anonymat, de gratuité et de consentement, qui caractérisent la spécificité du modèle français par rapport à celui d'autres pays européens. Comme l'Établissement français du sang (EFS), l'ABM est confrontée à la nécessité d'entretenir une dynamique du don pour pouvoir remplir ses missions et permettre le développement des activités de greffe et d'AMP. Pourtant, près de vingt ans après sa création, l'identité et la vocation de l'ABM demeurent mal connues. Pour atteindre les objectifs qui lui sont fixés, l'ABM doit urgemment oeuvrer à la visibilité de la question du don et amplifier sa communication à l'égard tant du grand public que des professionnels de santé.

Les difficultés que rencontre l'agence dans l'atteinte de ses objectifs confirment la nécessité d'investir ce champ de façon plus résolue :

- selon les données issues du baromètre de février 2023, seules 28 % des personnes interrogées connaissent les règles applicables en matière de consentement présumé pour le don d'organes ;

le taux d'opposition au don d'organes s'établit à 36,1 % en 2023 contre 33 % en 2022 ; il s'élève même à 40 % dans certains territoires, en dépit d'une cible fixée à 25 % par le COP 2022-2026 et malgré le fait que 80 % des Français se déclarent favorables au don de leurs organes après leur mort ;

- concernant la promotion du don d'ovocytes, dont la pénurie persiste depuis de nombreuses années, la Cour relevait déjà en 2019 que l'ABM « a [...] conservé une grande prudence dans sa démarche, qui demeure plus proche de l'information que de la promotion d'un geste qui n'est pas exempt de risque pour les femmes concernées. » ;

- enfin, dans la perspective du changement de cuves au 31 mars 2025, la reconstitution du stock des dons de sperme implique une action volontariste de l'ABM pour ne pas risquer d'être confronté aux mêmes difficultés que pour le don d'ovocytes12(*).

Source : Agence de la biomédecine

La Cour recommande d'agir directement auprès des coordinations hospitalières de prélèvement d'organes et de tissus (CHPOT) dans les établissements, en menant des audits qualité et en multipliant les formations « à l'abord anticipé des proches » auprès des professionnels de santé (Recommandation n° 3). On peut être raisonnablement optimiste concernant l'atteinte des objectifs d'audits qualité. En revanche, on peut penser qu'une difficulté principale devrait s'opposer à la réalisation de l'objectif cible de formations des équipes hospitalières : le manque de disponibilité des professionnels de santé dans les établissements. Face à ce constat, il apparaît que les plans ministériels successifs devraient prioritairement investir les enjeux relatifs aux ressources humaines pour soutenir l'activité des CHPOT.

Alors que l'ABM affiche la démocratie sanitaire comme un modèle d'action et un objectif à poursuivre, les associations d'usagers expriment leur souhait d'être davantage associées aux campagnes pour le don d'organes et de tissus. En 2021, plusieurs de ces associations ont décidé de créer le collectif Greffes+ pour gagner en visibilité et structurer leurs actions.

L'enjeu porte sur la capacité de l'ABM à s'adresser à l'ensemble des citoyens pour élargir le vivier des donneurs. Une réflexion sur les espaces d'information et de sensibilisation est à mener - lieux professionnels, sites à vocation éducative et culturelle - pour entrer au contact du plus grand nombre, ainsi que sur les messages à diffuser. De ce point de vue, l'ABM a tenu à souligner que les actions développées s'appuient sur un budget d'environ 2 millions d'euros, certes en augmentation, mais limité au regard des ambitions et des attentes formulées.


* 12 La reconnaissance d'un droit aux origines par la loi du 2 août 2021 faisait craindre une diminution du nombre de dons de sperme. Tel n'a pas été le cas jusqu'à présent puisque 2022 a enregistré le plus haut niveau de dons depuis 2017.

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