E. LA PLACE DES ÉLUS LOCAUX DANS LA GESTION DES ÉMEUTES : UNE RELATION À CONFORTER

En première ligne sur le terrain, les élus locaux ont occupé une place centrale dans la réponse des pouvoirs publics aux émeutes de 2023, parfois au péril de leur propre sécurité. Comme l'a indiqué l'Association des maires des Hauts-de-Seine lors de son audition par le rapporteur, les « élus locaux ont été particulièrement réactifs avec de nombreux élus d'astreinte qui ont été sur le terrain avec les polices municipales en cellule de crise ».

Preuve du rôle essentiel joué par les élus locaux face à ces violences, c'est à l'occasion d'un discours prononcé à la Sorbonne devant des maires que la Première ministre Elisabeth Borne a présenté, le 26 octobre 2023, le plan du Gouvernement en réponses aux événements de juin et de juillet, saluant alors l'action des élus locaux « pour aider au retour au calme »145(*).

La mobilisation des services municipaux à Saint-Fons

Lors du déplacement de la mission à Saint-Fons, son maire, Christian Duchêne, a insisté sur l'importante mobilisation des services municipaux dans le cadre de la situation de crise résultant des violences qui ont touché la ville.

Ainsi, une « cellule de crise », active jusqu'à la fin du mois de juillet, ayant été mise en place dès le 30 juin 2023. Le centre communal d'action sociale a organisé une cellule de relogement pour les sinistrés de l'immeuble incendié, tandis que la direction du développement urbain a accompagné la relocalisation des entreprises de la coursive incendiée. Une équipe propreté, dédiée spécifiquement au nettoyage de la voie publique, a été missionnée chaque matin pour effacer les stigmates des heurts de la nuit. Afin de ne pas « exciter » les émeutiers, le choix a été fait de ne pas laisser les policiers municipaux à l'intérieur du commissariat, l'accueil du public ayant été temporairement déplacé à l'hôtel de ville.

De manière générale, les personnes entendues par la mission d'information, à commencer par les maires et les associations représentant les élus locaux, ont jugé satisfaisante la façon dont les élus ont été associés à la gestion de crise aux côtés des services de l'État.

Partageant ce constat, la maire de Pontoise, Stéphanie Von Euw a ainsi tenu, lors de son audition, « à saluer la coordination avec les services de l'État, en particulier avec la préfecture, et à remercier pour son écoute et son efficacité le préfet du Val-d'Oise, Philippe Court, auquel [elle] téléphonai[t] une à deux fois par jour ».

Toutefois, le degré de coordination n'a pas été homogène sur l'ensemble du territoire ni avec l'ensemble des services de l'État.

D'une part, près de 25 % des communes consultées par la mission d'information ont indiqué avoir manqué d'informations de la part des services de l'État et des forces de l'ordre à propos de l'état de la situation sécuritaire et des différentes interventions conduites sur leur territoire. Ainsi, certaines communes ont estimé que le « partage de l'information à l'égard du maire, encore trop peu intégré dans le moment le plus tendu », constituait une piste d'amélioration pour l'avenir.

À cet égard, les services de l'État dans les territoires ont également été soumis à de fortes contraintes au cours de la crise, rendant parfois plus complexe la communication avec l'ensemble des maires concernés. Ainsi, la préfète de la région Auvergne-Rhône-Alpes, dont le témoignage a été recueilli par la mission lors de son déplacement à Lyon le 7 décembre 2023, a fait part au rapporteur des difficultés rencontrées par les services de la préfecture pour assurer l'information l'ensemble des acteurs concernés lorsque plus de 30 communes étaient simultanément le théâtre de violences urbaines.

D'autre part, plusieurs maires interrogés par la mission d'information ont qualifié leurs relations avec le procureur de la République d'« inexistantes »146(*). De même, Emmanuel François, maire de Saint-Pierre-des-Corps, a confié à la mission d'information : « concernant nos relations avec la préfecture, le parquet et la police nationale, quelque chose me gêne : à aucun moment nous n'avons été interrogés à l'occasion des enquêtes menées par la police ou le Parquet ».

Pour assurer la complète information du maire sur la situation de l'ordre public sur le territoire de la commune et, le cas échéant, l'opérationnalité de la coordination avec les services municipaux, la mission recommande donc que le maire, officier de police judiciaire, puisse être présent, dans les centres territoriaux de crise et aux réunions locales de sécurité.

Par ailleurs, s'il s'est félicité de ses bonnes relations avec le commissaire de police147(*), le maire de Mont-Saint-Martin, Serge De Carli, a regretté de n'avoir pas été informé de l'intervention du RAID sur le territoire de sa commune. Cette intervention est en effet, selon lui, à l'origine de l'attaque de son domicile en représailles de cette intervention, les émeutiers lui attribuant la responsabilité de cette décision.

Proposition n° 20 : Assurer l'information systématique du maire quant aux interventions organisées sur le territoire de la commune, singulièrement celles lourdes ou à effet médiatique fort et permettre sa présence, en qualité d'officier de police judiciaire (OPJ), aux centres territoriaux de crise et aux réunions locales de sécurité.

Acteurs essentiels de la réponse des pouvoirs publics aux émeutes, les maires ont également été pris pour cible par les émeutiers et victimes de violences d'une extrême gravité. Exposés de façon croissante aux agressions physiques et verbales, les élus locaux doivent être mis en mesure d'apaiser les tensions et de réagir de façon appropriée lorsqu'ils sont confrontés à des situations de conflit. Depuis plusieurs mois, sont organisées, en lien avec le RAID et le GIGN, des formations à la désescalade de la violence afin de permettre aux élus d'acquérir les bons réflexes lorsqu'ils font face à des administrés adoptant des comportements agressifs ou violents. 

Les émeutes ont démontré l'intérêt de telles formations, en particulier lorsque les élus sont confrontés à la violence de jeunes individus violents et imprévisibles. La mission d'information invite donc à ce qu'elles soient développées.

Proposition n° 21 : Faciliter la formation des élus locaux à la conduite à tenir face à des jeunes violents.


* 145 Discours de d'Élisabeth Borne, Première ministre, Présentation aux maires des mesures du Gouvernement après les émeutes de l'été 2023, 26 octobre 2023.

* 146 Serge De Carli et Stéphanie Von Euw (audition du mercredi 20 décembre 2023).

* 147 « Une fois par mois, nous organisons en mairie des réunions de sécurité, pour faire le point. La gendarmerie s'est occupée de la sécurité de ma famille. Ce sont des agents d'une immense bienveillance et très consciencieux » (Serge De Carli, maire de Mont-Saint-Martin, audition du mercredi 20 décembre 2023).

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