D. DES DÉLAIS MOYENS DE PRISE DES MESURES D'APPLICATION CONSIDÉRABLEMENT ALLONGÉS
1. Un délai global moyen à la hausse
Rappelons tout d'abord que le Gouvernement s'est fixé par circulaire un délai de six mois pour publier les mesures d'application.
Après une sensible amélioration des délais de parution au titre des deux précédentes sessions, l'instabilité ministérielle engendrée après la dissolution de l'Assemblée nationale et l'adoption d'une motion de censure ont conduit à un large dépassement du délai de six mois, au-delà du délai observé pendant la période de la pandémie de Covid-19.
Le délai moyen de prise des mesures règlementaires d'application des lois a augmenté de plus de deux mois, en s'établissant pour la session 2023-2024 à 7 mois et 24 jours81(*), contre 5 mois et 20 jours pour la précédente session.
Évolution du délai moyen de prise des mesures d'application des lois
Source : Cellule d'assistance au contrôle
et de soutien au travail législatif
de la direction de la
législation et du contrôle, d'après les données de
la base APLEG
Le « retour à la normale » constaté lors de la session précédente, s'agissant du délai moyen de prise des mesures règlementaires, après la session 2019-2020, affectée par la crise sanitaire, est donc effacé.
Cet allongement des délais de parution des mesures, concerne toutes les commissions. La Présidente de la commission des lois relève que ce retard ne saurait être exclusivement attribué au contexte politique :
« Les délais de publication des mesures réglementaires se révèlent, pour l'année parlementaire 2023-2024, particulièrement insatisfaisants.
29,5 % des mesures prises l'ont ainsi été plus d'un an après la promulgation de la loi, contre 4,8 % en 2022-2023. Seules 21,6 % des mesures prises cette année ont été publiées moins de six mois après la promulgation de la loi, contre 42,9 % en 2022-2023.
Si une part des retards observés peut être attribuée à l'instabilité gouvernementale du second semestre de l'année 2024, il convient de souligner que quatre cinquièmes des mesures réglementaires prévues concernaient toutefois des lois promulguées plus de six mois avant la démission du Gouvernement en juillet 2024 »82(*).
Le retard ainsi pris dans l'édiction des mesures réglementaires a mécaniquement affecté le stock de l'année de l'ensemble des mesures restant à prendre, qui était de 269 au 31 mars 2025, avec un possible effet boule de neige sur la prochaine session. Le Gouvernement devra, en effet, mettre en application les nouvelles lois adoptées, sans oublier celles relevant des sessions antérieures. L'accumulation des stocks constatés chaque année tend à ralentir le traitement des mesures d'application à prendre.
2. Un bilan contrasté selon la nature des lois
Comme l'indique le graphique ci-après, le délai diffère selon la nature des lois. On observe en 2023-2024, un double paradoxe, l'un structurel, l'autre conjoncturel :
- la nette aggravation du délai de mise en application des mesures des lois adoptées après déclenchement de la procédure accélérée ;
- et l'amélioration du délai d'application des mesures issues de lois d'initiative parlementaire.
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Source : Cellule d'assistance au contrôle
et de soutien au travail législatif
de la direction de la
législation et du contrôle, d'après les données de
la base APLEG
a) La lenteur de la parution des mesures « urgentes »
Paradoxalement, les mesures d'application des lois examinées après engagement de la procédure accélérée ne bénéficient pas d'un traitement plus rapide. Le caractère urgent de la procédure accélérée déclenchée lors de la navette parlementaire ne se prolonge dans le cadre de la mise en application de la loi adoptée.
Le délai moyen de prise des mesures d'application des lois adoptées en urgence est non seulement bien supérieur au délai prescrit de six mois mais l'est également au délai moyen global de 7 mois et 24 jours, en se fixant à 8 mois et 8 jours83(*). Il se dégrade de manière considérable, en étant augmenté de près de deux mois84(*) par rapport à la session précédente.
Seul un peu plus d'un quart des mesures prévues, prises pour les lois promulguées sur la session 2023-2024, après engagement de la procédure accélérée, respecte le délai de six mois. Plus de la moitié de ces mesures ont été publiées dans un délai de six mois à un an.
Répartition des mesures prévues
prises pour les lois examinées
après engagement de la
procédure accélérée
au cours de l'année
parlementaire 2023-2024
Source : Cellule d'assistance au contrôle
et de soutien au travail législatif
de la direction de la
législation et du contrôle, d'après les données de
la base APLEG
Les lois de finances (LF) et les lois de financement de la sécurité sociale (LFSS) - régies de droit par la procédure accélérée - n'échappent pas à cette tendance d'allongement des délais de publication des textes d'application. Le délai moyen les concernant est de 7 mois et 4 jours85(*).
Il est légèrement inférieur au délai moyen global mais est supérieur de près d'un mois à celui de la session précédente86(*). La proportion des mesures prises conformément au délai de six mois est toutefois supérieure concernant les lois de finances (40 %) aux autres lois adoptées après engagement de la procédure d'urgence (26%).
Répartition des mesures prévues
prises pour les lois de finances (LF et LFSS)
au cours de l'année
parlementaire 2023-2024
Source : Cellule d'assistance au contrôle
et de soutien au travail législatif
de la direction de la
législation et du contrôle, d'après les données de
la base APLEG
b) Une légère amélioration du délai de parution des mesures d'application des lois d'initiative parlementaire
En revanche, contrairement aux périodes précédentes, le délai moyen de publication des mesures réglementaires d'application des lois issues de propositions de lois est source de satisfaction. Il s'établit à 6 mois et 30 jours87(*) pour 2023-2024. Ce délai est donc non seulement inférieur au taux global moyen de la session (7 mois et 24 jours) mais également à celui de la session précédente (7 mois et 9 jours).
Plus de la moitié des mesures d'application des lois d'origine parlementaire ont été prises dans un délai inférieur à six mois. (Cf. Graphique ci-dessous)
Rappelons que les lois d'initiative parlementaire représentent plus de 53 % des lois adoptées nécessitant au moins une mesure d'application et concentrent 17,3 % des mesures réglementaires d'application prévues.
Répartition des mesures prévues
prises pour les lois d'initiative parlementaire
au cours de l'année
parlementaire 2023-2024
Source : Cellule d'assistance au contrôle
et de soutien au travail législatif
de la direction de la
législation et du contrôle, d'après les données de
la base APLEG.
Paradoxalement, le délai de parution des normes réglementaires des lois adoptées selon la procédure accélérée est donc plus long que celui des autres lois, y compris celui des lois d'initiative parlementaire.
* 81 Ce délai est calculé pour les mesures réglementaires prévues par la loi. Il s'établit à 7 mois et 25 jours en prenant en compte l'ensemble des mesures prises, y compris celles non prévues. Ce taux est une moyenne des délais de publication des décrets dont certains paraissent dès promulgation de la loi alors que le délai maximal observé cette session est de 1 an, 4 mois et 6 jours.
* 82 Cf. contribution de la commission des lois au bilan de l'application des lois de la session 2023-2024.
* 83 Ce délai est calculé pour les mesures réglementaires prévues par la loi. Il s'établit à 8 mois et 1 jour en prenant en compte l'ensemble des mesures prises, y compris celles non prévues.
* 84 6 mois et 12 jours.
* 85 Ce délai est calculé pour les mesures réglementaires prévues par la loi. Il s'établit à 7 mois et 18 jours en prenant en compte l'ensemble des mesures prises, y compris celles non prévues.
* 86 6 mois et 5 jours.
* 87 Ce délai est calculé pour les mesures réglementaires prévues par la loi. Il s'établit à 6 mois et 28 jours en prenant en compte l'ensemble des mesures prises, y compris celles non prévues.