N° 723

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 11 juin 2025

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur la contractualisation
à la
performance dans l'enseignement supérieur,

Par Mme Vanina PAOLI-GAGIN,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Michel Canévet, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; Mmes Marie-Carole Ciuntu, Frédérique Espagnac, MM. Marc Laménie, Hervé Maurey, secrétaires ; MM. Pierre Barros, Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mmes Florence Blatrix Contat, Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Claire Carrère-Gée, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet,
MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre,
Dominique de Legge, Victorin Lurel, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek,
Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.

L'ESSENTIEL

Les contrats d'objectifs, de moyens et de performance (COMP) lancés en mars 2023 sont des contrats bilatéraux et conclus pour trois ans entre les établissements d'enseignement supérieur et l'État. Mme Vanina Paoli-Gagin, rapporteur spécial des crédits de l'enseignement supérieur, a présenté le 11 juin 2025 ses travaux sur les COMP et sur les perspectives de prise en compte de la performance dans l'enseignement supérieur.

I. LES CONTRATS D'OBJECTIFS, DE MOYENS ET DE PERFORMANCE 2023-2026 : UN EXERCICE UTILE, DES RÉSULTATS MODESTES

A. UNE IDÉE AMBITIEUSE : RÉINTRODUIRE UNE GESTION À LA PERFORMANCE DANS L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

La mise en place des COMP s'étale sur la période 2023-2026, l'objectif initial étant un déploiement expérimental du dispositif en trois vagues d'établissements. Le dispositif était conçu comme une « nouvelle étape » dans les relations entre le ministère et ses opérateurs. Les COMP contiennent un volet budgétaire, permettant à l'État de participer au financement de certaines des actions contractualisées sur les priorités stratégiques des établissements.

Nombre d'établissements d'enseignement supérieur
ayant conclu ou négociant actuellement un COMP

Source : commission des finances

L'impression générale qui se dégage des établissements de la première vague a été celle d'un déploiement dans l'urgence, ayant mis sous tension les équipes des établissements comme celles des rectorats. Toutefois, les ajustements entre 2023 et 2025 auront indéniablement contribué à améliorer la procédure et la cohérence des contrats.

Les COMP devaient contribuer à la revalorisation du rôle des rectorats. Dans la majeure partie des cas, les rectorats ont bien joué un rôle de conseil auprès des établissements, notamment sur la pertinence des indicateurs choisis, mais les décisions sont restées concentrées en administration centrale (qui définit les cibles, les objectifs et les financements associés). Il est vrai que la relative faiblesse des moyens des rectorats sur l'enseignement supérieur et le dimensionnement des équipes ne leur permettent guère pour l'instant que d'avoir un rôle autre que de « premier niveau ».

B. LE CONTENU DES CONTRATS : UN LARGE ÉVENTAIL DE PROJETS DIVERSEMENT PERTINENTS

Le pilotage des COMP se voulait innovant en priorisant la contractualisation autour de six objectifs nationaux, renforçant le pilotage du ministère autours d'orientations prioritaires. Après examen des contrats des deux premières vagues, les 6 objectifs ne revêtent pas tous la même portée.

1. Une réelle plus-value de l'axe « formation »

Les établissements comme le ministère s'accordent sur l'intérêt de l'axe « Formation ». Sur ce point, les COMP ont pu constituer un prolongement des dispositifs de la loi « Orientation et réussite des étudiants », en y intégrant une notion de performance. Au total, 204 formations devraient être transformées pour la seule vague 2.

2. Des projets trop peu transformants ou souvent anecdotiques

L'axe « Pilotage et gestion » a pu constituer un levier d'amélioration structurant. Les fonctions supports, qui représentent les très grandes masses financières, doivent néanmoins être davantage au coeur de la réflexion stratégique. La vertu des COMP est certes d'avoir inscrit ces enjeux dans un dialogue de haut niveau mais il serait souhaitable que ce soit davantage le cas à l'avenir.

L'axe « Transition écologique », faisant figure de passage obligé de l'action publique, a davantage permis aux établissements de valoriser en opportunité les actions qu'ils menaient déjà. Sans remettre en cause l'intérêt théorique de cet objectif, il apparaît que les projets de cet axe sont moins structurants (par exemple construction d'abris à vélo ou de panneaux photovoltaïques, qui ne devraient pas relever du niveau d'un contrat avec l'État). Les actions dédiées à la réussite et au bien-être des étudiants paraissent également pour certaines anecdotiques (construction d'une maison des associations ou d'une maison des étudiants, achat d'un véhicule de type « Doctobus », etc.). Enfin, l'axe « Recherche » rejoint les enjeux liés au développement des ressources propres des établissements et à l'accroissement du taux de financement européen de projets de recherche français. À cet égard, il constitue une des pistes intéressantes des COMP, malgré la faible association des organismes de recherche.

3. Une réflexion encore inaboutie autour de la définition de la « signature » des établissements

L'examen des axes « Signature », c'est-à-dire de l'axe laissé au libre choix de l'établissement et qui doit refléter ses priorités stratégiques, révèle qu'in fine, peu d'entre eux ont été capables de mettre en place un objectif relevant véritablement de la stratégie de l'établissement, réalisable et assorti d'indicateurs crédibles. Nombre de signatures demeurent assez pauvres sur le plan stratégique, mobilisant des concepts vagues et peu adaptés à une contractualisation à la performance.

C. DES FINANCEMENTS RÉDUITS EN VOLUME, UN EFFET DE LEVIER NOTABLE MAIS DIFFICILEMENT CHIFFRABLE

Les moyens alloués aux COMP représentent pour chacun des établissements concernés entre 0,62 % et 1 % de leur subvention pour charge de service public. Pour autant, les débats sur le caractère très limité de cette proportion reflètent une forme de quiproquo sur les montants du COMP. Les financements COMP n'ont en effet pas vocation à couvrir l'intégralité des projets décrits dans le contrat, mais à assurer l'amorçage. Ils ont pour objectif principal de financer des projets qui n'émargent pas au socle de la subvention pour charges de service public (SCSP) mais qui ne peuvent être intégralement financés par des appels à projet classiques. Le ministère annonçait initialement un budget de 100 millions d'euros pour chacune des trois vagues. Celui-ci a été en réalité légèrement supérieur pour la première et inférieur pour la deuxième.

Origine des crédits accordés dans le cadre des COMP

(en millions d'euros)

Ligne budgétaire

Montant annuel

Crédits spécifiques COMP

35

Ligne « dialogue contractuel » des crédits accordés dans le cadre de la LPR

30 à 50

Redéploiement des crédits prévus pour le dialogue stratégique et de gestion (DSG)

35

Source : commission des finances

Si l'effet levier des COMP est reconnu par les établissements comme le ministère, il est difficile de le chiffrer, en particulier leur capacité à mobiliser des financements extérieurs aux ressources des établissements, notamment les autres sources de financement de l'État (France 2030, Agence nationale de la recherche). L'inscription des actions figurant dans les COMP au sein d'un modèle économique plus large est quasiment inexistante : leur coût n'est quasiment jamais évoqué dans les contrats, pas plus que leur impact sur la performance de l'établissement. Les prochains COMP doivent rassembler les différentes contractualisations, en particulier avec les organismes nationaux de recherche et les collectivités territoriales.

II. UN SUIVI COMPLEXE DES COMP QUI COMPROMET L'OBJECTIF D'UNE RÉELLE CONDITIONNALITÉ DES FINANCEMENTS

A. UN NOMBRE D'INDICATEURS DÉLIRANT ET DONC CONTREPRODUCTIF

L'atteinte des objectifs du COMP doit théoriquement être quantifiable par des indicateurs et des jalons associés. En mars 2025, on dénombrait 850 indicateurs. Le nombre d'indicateurs peut varier du simple au double selon les établissements, sans qu'il n'y ait de corrélation directe avec leur taille ou avec les moyens accordés.

Nombre total d'indicateurs par objectif début 2025

(Ensemble des COMP vagues 1 et 2)

Source : commission des finances

Ce foisonnement, loin d'être un gage de qualité, rend extrêmement complexe leur consolidation au niveau national et, in fine, quasi impossible leur suivi par le ministère. Le « sur-mesure » attendu par les établissements se heurte à la nécessité de piloter au niveau national et engendre la multiplication d'indicateurs « anecdotiques », qui semblent davantage relever de la gestion interne de l'établissement que de la contractualisation avec l'État.

B. UN RETARD À CRAINDRE DANS L'EXÉCUTION DES CONTRATS

Il est fréquent, pour ne pas dire systématique, que les cibles chiffrées figurant dans les COMP ne fassent l'objet d'aucune justification quant à leur niveau ou leur méthode de calcul. Il ressort donc de l'analyse des contrats une impression générale de fixation arbitraire ou factice d'un grand nombre de cibles ou de jalons.

Par ailleurs, les contrats ne s'étalent que sur trois ans. Or les projets les plus structurants pour les universités appellent fréquemment un déploiement sur un temps plus long : rénovation énergétique des bâtiments, évaluation de l'impact d'une modification de la maquette d'une formation sur l'insertion professionnelle des étudiants... Le ministère a donc constaté des taux d'exécution très faibles, liés à une insuffisante capacité des établissements à mettre en oeuvre l'ensemble des actions dans les délais.

À l'avenir, une revoyure à 3 ans au sein de contrats de cinq ans, permettant au ministère de s'assurer de la bonne exécution des projets, permettrait de concilier la nécessité d'un suivi continu avec un rythme plus adapté de déploiement des contrats.

C. DES QUESTIONS AUTOUR DE LA CONDITIONNALITÉ DES FINANCEMENTS QUI RESTENT EN SUSPENS

Faute d'outil informatique dédié à la gestion du COMP, le travail de suivi repose encore sur un système artisanal, excessivement chronophage et consommateur d'énergie, pour les équipes des établissements comme celles des rectorats et de l'administration centrale. L'innovation de rupture des COMP résidait dans la possibilité théorique pour le ministère de « reprendre » des financements en cas de non-atteinte des objectifs figurant dans les contrats.

Le ministère ne semble pas s'être pleinement donné les moyens de mettre en place une conditionnalité effective des financements. Rien n'a été précisé sur les conditions pratiques de cette reprise lors du lancement des COMP. Un bilan intermédiaire a bien eu lieu pour la première vague. Pour autant, les dates des bilans intermédiaires de la vague 2 ne sont pas encore connues, alors même que la deuxième année de ces contrats est déjà bien avancée.

Les facteurs qui rendent peu crédible la conditionnalité des financements sont nombreux : inadaptation des indicateurs et des cibles ; temporalité trop courte des contrats ; absence de système formalisé de suivi des indicateurs ; moyens trop limités des rectorats. S'y ajoutent enfin les incertitudes sur l'articulation des COMP et de la prochaine génération de contrats.

III. LE FUTUR DES COMP : UNE EXTENSION PRÉCIPITÉE ET DES INTERROGATIONS PERSISTANTES

Le ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche a annoncé le 8 avril 2025 le déploiement de nouveaux COMP à partir de 2026, portant sur « l'intégralité de la subvention pour charges de services public » (SCSP).

Alors que les précédentes vagues de COMP n'ont pas toutes été déployées, que le ministère n'a pas lancé d'évaluation des COMP, il n'apparaissait pas nécessairement opportun de réformer intégralement le dispositif avant d'avoir disposé d'un retour d'expérience sur ses modalités actuelles. Alors que le cadre des COMP est mouvant depuis 3 ans, une nouvelle transformation, plus ambitieuse encore, pourrait devenir contre-productive.

L'analyse des COMP des vagues 1 et 2 souligne l'hétérogénéité des contrats et incite à s'interroger sur l'inégale maturité des établissements d'enseignement supérieur et la difficulté de certains à contractualiser autour de leur stratégie d'établissement.

La part libre d'emploi de la SCSP est le plus souvent réduite, les dépenses contraintes (fonctionnement et personnel) constituant l'essentiel des dépenses des établissements. Par conséquent, le ministère indique que les montants des prochains COMP ne pourront en réalité pas aller bien au-delà des montants actuellement contractualisés. Dans le contexte budgétaire contraint qui sera celui des prochaines années et alors que des hausses de crédits semblent difficilement envisageables en 2026, le lancement des COMP « nouvelle formule » à moyens constants paraît difficile.

Il n'est en outre pas réaliste d'envisager que les rectorats aient un rôle d'arbitrage budgétaire sur l'ensemble de la SCSP. Le rapporteur spécial partage la volonté, exprimée par la plupart des recteurs, que les rectorats disposent d'un rôle pleinement assumé dans le dialogue stratégique et dans l'allocation territorialisée des moyens. Une liberté accordée aux recteurs sur une portion réduite des financements irait dans le sens d'une plus grande responsabilisation des rectorats, tout en demeurant raisonnable à l'échelle de leurs moyens actuels.

IV. ÉQUITÉ, TRANSPARENCE, EFFICIENCE : LES GAINS À ATTENDRE DE LA REFONTE TOUJOURS REPOUSSÉE DU SYSTÈME D'ALLOCATION DES MOYENS À L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

La refonte de l'allocation des moyens était initialement partie intégrante de la rénovation du pilotage de l'enseignement : la création d'un nouveau modèle d'allocation des moyens était présentée comme le pendant des COMP. Alors que le montant total des SCSP versées aux établissements d'enseignement supérieur a augmenté de 2,5 milliards d'euros (+ 21 %) depuis la fin du modèle SYMPA en 2014, et dans le contexte fortement contraint des finances publiques, il n'est pas possible de renoncer à trouver un mode d'allocation des ressources adapté aux enjeux actuels de l'enseignement supérieur.

Évolution de la subvention pour charges de service public (SCSP)
versée aux établissements d'enseignement supérieur

(en milliards d'euros et en %)

Source : commission des finances d'après les données du ministère

Il est regrettable que le ministère ait renoncé à court terme à la refonte de l'allocation des moyens, sans laquelle la contractualisation ne peut avoir de rôle aussi transformant. La contractualisation à l'échelle de la SCSP ne permettra pas un rattrapage des établissements les moins dotés. Le maintien de la sédimentation actuelle des moyens constitue le principal obstacle aux « COMP à 100 % », alors que le ministère n'est plus en capacité d'indiquer le mode de calcul de la dotation des établissements et que les établissements ne comprennent plus les notifications de leur SCSP.

LES RECOMMANDATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

Recommandation 1 : recentrer les COMP sur les objectifs liés au pilotage et à la gestion des établissements d'une part, et à la formation et à la recherche d'autre part (DGESIP)

Recommandation 2 : limiter à deux au total les indicateurs au choix de l'établissement et assurer une harmonisation de la qualité des actions et des indicateurs (DGESIP et rectorats)

Recommandation 3 : associer formellement l'ensemble des co-financeurs à la signature du COMP, y compris les organismes nationaux de recherche, les collectivités territoriales et les partenaires économiques, et faire figurer dans le contrat les montants de co-financements attendus (DGESIP, organismes nationaux de recherche, collectivités territoriales, SGPI, entreprises)

Recommandation 4 : limiter le nombre d'indicateurs nationaux présents dans les contrats, dont l'atteinte sera calculée sur la base d'une méthode de calcul harmonisée au niveau national (DGESIP, Sous-direction des systèmes d'information et des études statistiques (SIES))

Recommandation 5 : développer un outil informatique spécifique à la négociation et au suivi des COMP, permettant des échanges entre la DGESIP, le rectorat et les établissements à tous les stades du processus (DGESIP, SIES)

Recommandation 6 : prévoir au sein des prochains contrats sur 5 ans une revoyure à 3 ans, complétant le suivi réalisé par le ministère tout au long du contrat (DGESIP, établissements)

Recommandation 7 : inclure dans les prochains COMP des moyens spécifiques pouvant être attribués par les recteurs, qui ne devrait pas être supérieur à 100 millions d'euros au total, les arbitrages budgétaires sur l'essentiel des moyens continuant à relever du niveau national (DGESIP, rectorats)

Recommandation 8 : intégrer dans les prochains COMP un objectif chiffré de développement des ressources propres, proportionné aux capacités des établissements (DGESIP)

Recommandation 9 : articuler davantage les COMP avec les évaluations du HCÉRES, non seulement en coordonnant les calendriers mais également en reliant formellement les indicateurs et les cibles figurant dans les contrats aux évaluations (DGESIP, établissements)

Recommandation 10 : à plus long terme, construire un nouveau modèle d'allocation des moyens, transparent et équitable, en intégrant un volet variable selon le profil des établissements, leur performance et leur territoire (DGESIP)

PRÉAMBULE : LE CONTEXTE FINANCIER DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR RENFORCE L'IMPORTANCE DE LA CONTRACTUALISATION À LA PERFORMANCE

Alors que l'ensemble des opérateurs de l'État sera appelé au cours des prochaines années à un effort budgétaire significatif, le pilotage à la performance des établissements d'enseignement supérieur, qui représentent l'essentiel des opérateurs, constitue un enjeu majeur. Pour cette raison, il a semblé nécessaire, avant l'analyse détaillée des contrats d'objectifs, de moyens et de performance ainsi que de leur évolution, de rappeler le contexte budgétaire général de l'enseignement supérieur.

I. DES BUDGETS EN HAUSSE CONTINUE DEPUIS DIX ANS

Depuis l'autonomie accordée par la loi relative aux libertés et responsabilités des universités1(*), les établissements d'enseignement supérieur ont vu leurs ressources et leurs charges croître considérablement, dans un contexte de massification de l'accès aux études supérieures et de diversification des cursus universitaires.

A. LE MONTANT TOTAL DE LA SUBVENTION POUR CHARGES DE SERVICE PUBLIC A AUGMENTÉ DE 2,5 MILLIARDS D'EUROS EN 10 ANS

La principale ressource des établissements d'enseignement supérieur public demeure la subvention pour charges de service public (SCSP). Versée à chaque établissement, elle est pour l'essentiel le résultat de l'histoire : elle se compose pour l'essentiel d'une part « socle », qui est le résultat sédimenté des années précédentes. Celle-ci évolue ensuite d'une année sur l'autre pour y intégrer les nouveaux moyens pérennes.

Au cours des dernières années, la SCSP a donc intégré des moyens nouveaux découlant des dispositions de la loi de programmation de la recherche2(*) ou de la loi ORE3(*), ainsi que de la réforme des études de santé. En outre, la part compensée des mesures de revalorisation des personnels est également « soclée » au sein de la SCSP, de même que les mesures de revalorisation catégorielles mises en place par le ministère au cours des années.

Entre 2024, le ministère a versé aux établissements d'enseignement supérieur 14,19 milliards d'euros par le biais du programme 150 « Enseignement supérieur » de la mission budgétaire « Recherche et enseignement supérieur ». Cela représente 2,47 milliards d'euros de plus que dix ans plus tôt, soit une hausse de 21 % (et donc une augmentation de 2 points par an en moyenne entre 2014 et 2024).

Évolution de la subvention pour charges de service public (SCSP)
versée aux établissements du programme 150

(en milliards d'euros et en %)

Source : commission des finances d'après les données du ministère

Pour autant, le poids relatif de la SCSP dans les ressources des universités diminue tendanciellement au cours des dix dernières années : elle représentait 81 % des recettes des établissements d'enseignement supérieur financés par le programme 150 en 2014, contre seulement 73 % dix ans plus tard.

En effet, l'augmentation des SCSP s'inscrit dans un contexte de croissance des ressources des établissements d'enseignement supérieur. Toutes recettes confondues, celles-ci ont augmenté de plus de 5 milliards d'euros sur la même période 2014-2024, soit une hausse de 35 %. Pour autant, la diminution du poids relatif de la SCSP dans les ressources des établissements ne saurait être analysée comme un signe du retrait de la part des financements de l'État vers les établissements d'enseignement supérieur. Une nette part de cette augmentation est liée au déploiement par l'État de financements dits « extrabudgétaires », c'est-à-dire liés aux programmes d'investissement d'avenir (PIA) et France 2030 (cf. infra).

Rapportée à l'inflation, la croissance de la SCSP est plus limitée. Par exemple, si la hausse entre 2016 et 2017 atteint 3,9 % en valeur, l'augmentation n'est plus que de 0,8 % une fois tenu compte de l'inflation.

Le rythme de croissance de la SCSP est toujours resté supérieur à l'inflation depuis 2014, à l'exception de 2018 (- 0,2 %) et plus encore de 2022 (- 1 %) et 2023 (- 0,7 %), dans un contexte inflationniste alors très fort.

Évolution de la SCSP sur la dernière décennie

(en milliards d'euros et en %)

Source : commission des finances d'après les données du ministère

En outre, les moyens consacrés aux établissements d'enseignement supérieur doivent être rapportés aux évolutions démographiques. Au cours des dix dernières années scolaires, les effectifs étudiants dans l'enseignement supérieur, tout type d'établissements et toutes filières confondues, ont augmenté de 15 %.

Le nombre d'étudiants est passé de 2,58 millions en 2015 à 2,97 millions en 2024.

Évolution des effectifs d'étudiants dans l'enseignement supérieur

(en nombre d'étudiants et en %)

Année scolaire

2015-2016

2016-2017

2017-2018

2018-2019

2019-2020

2020-2021

2021-2022

2022-2023

2023-2024

Effectif total

2 579 450

2 627 186

2 698 365

2 763 071

2 815 282

2 900 410

2 982 721

2 941 633

2 969 162

Évolution du nombre d'étudiants par rapport à l'année précédente

 

47 736

71 179

64 706

52 211

85 128

82 311

- 41 088

27 529

Évolution du pourcentage d'étudiants par rapport à l'année précédente

 

2 %

3 %

2 %

2 %

3 %

3 %

- 1 %

1 %

Source : commission des finances d'après les données du ministère

Ces chiffres traduisent toutefois une stabilisation depuis environ 3 ans, voire une diminution en 2022-2023, du nombre d'étudiants après les fortes hausses d'effectifs des années précédentes.

S'agissant des comparaisons internationales, la France consacre 18 880 $ en parité de pouvoir d'achat (PPA) par étudiant, soit légèrement plus que la moyenne des pays de l'OCDE (18 100 $ PPA)4(*). La dépense totale des établissements d'enseignement supérieur représentait en 2020 1,61 % du produit intérieur brut (PIB) français, proportion supérieure à celle de l'Espagne, de l'Italie ou de l'Allemagne.

B. DES FINANCEMENTS DE L'ÉTAT PLUS LARGES QUE LA SCSP ET EUX AUSSI EN TRÈS FORTE HAUSSE

L'analyse des moyens accordés par l'État aux établissements d'enseignement supérieur ne peut se limiter à la seule SCSP. En effet, le poids relatif des financements dits « extrabudgétaires » (c'est-à-dire versés en dehors de la mission « Recherche et enseignement supérieur ») a également fortement augmenté au cours des dernières années. Ainsi, les moyens accordés au titre des investissements d'avenir représentaient 4,3 % des ressources totales des établissements d'enseignement supérieur en 2024, contre seulement 2,61 % en 2018.

Entre 2018 et 2024, les montants versés aux établissements d'enseignement supérieur par les PIA et par le plan France 2030 ont quasiment doublés pour atteindre 783 millions d'euros en 2024.

Évolution des financements d'avenir perçus
par les établissements d'enseignement supérieur

(en millions d'euros et en %)

Source : commission des finances d'après les données du ministère

Les établissements d'enseignement supérieur peuvent en premier lieu bénéficier des diverses actions financées par le PIA 3 depuis 2018. Le programme 421 « Soutien des progrès de l'enseignement et de la recherche » de la mission « Investir pour la France de 2030 » a pour objet de soutenir la dynamique de différenciation du système d'enseignement supérieur et de recherche engagée par les PIA 1 et 2.

L'enveloppe du programme 421 s'élève, après redéploiement, à 2,369 milliards d'euros d'AE consommées dès la publication des conventions entre l'État et les opérateurs, dont près d'un tiers n'a pas encore été consommé.

Variation des crédits de paiement (CP) par action
du programme 421 entre 2024 et 2025

(en millions d'euros et en CP)

Source : commission des finances

Concernant les actions ciblant spécifiquement les établissements d'enseignement supérieur, l'action « Nouveaux cursus universitaires » a pour objet de financer les universités et les écoles souhaitant diversifier leur offre de formation en licence. Elle est pilotée par l'Agence nationale de recherche (ANR)5(*) et elle est dotée d'un budget pluriannuel de 280 millions d'euros.

Par ailleurs, deux actions pilotées par l'ANR, « Soutien des grandes universités de recherche » et « Constitution d'écoles universitaires de recherche », respectivement dotées au total de 670 millions d'euros et de 300 millions d'euros, ciblent les formations au niveau master et doctorat des universités de recherche.

Les financements accordés par le plan France 2030 sont tout aussi conséquents. En particulier, l'action « Adaptation et qualification de la main-d'oeuvre » de France 2030 a pour objet de financer des programmes de formation au soutien de l'adaptation des entreprises aux évolutions de l'économie. Dans le cadre de cette action, le volet « Ingénierie de formations professionnelles d'offres d'accompagnement innovantes » (IFPAI), qui est piloté par la CDC6(*), dispose d'un budget pluriannuel de 167 millions d'euros.

Le principal instrument de France 2030 à destination des établissements d'enseignement supérieur est l'appel à manifestation d'intérêt « Compétences et métiers d'avenir » (AMI CMA), dont les montants cumulés sur l'ensemble de la période atteint 1,2 milliard d'euros.

La première saison de l'AMI CMA, qui s'est achevée en mars 2023, a bénéficié à 120 lauréats, pour un montant total pour l'État de 800 millions d'euros, dont 787 millions d'euros pour les établissements d'enseignement supérieur. La saison 2, bénéficiait en 2024 à 62 dispositifs de formation, pour un financement France 2030 d'environ 345 millions d'euros.

L'appel à manifestation d'intérêt « Compétences et métiers d'avenir »

L'appel à manifestation d'intérêt « Compétences et métiers d'avenir » (AMI CMA) a été lancé en décembre 2021 et est opéré conjointement par l'agence nationale de la recherche et la Banque des territoires.

Il a pour objectifs d'anticiper et de contribuer à satisfaire les besoins en emplois ou en compétences en accélérant la mise en oeuvre des formations préparant aux métiers dits « d'avenir ». Les enjeux de réindustrialisation et de souveraineté génèrent des besoins importants dans les domaines du numérique, de la santé ou encore de l'énergie.

Le programme a pour ambition de contribuer à former 400 000 personnes par an à horizon 2030 et 1 million de nouveaux diplômés d'ici 2030, à des niveaux d'opérateurs, techniciens, assistants ingénieurs, ingénieurs, master, doctorat, et principalement dans le domaine des STIM (Science, technologie, ingénierie, mathématiques).

Source : commission des finances d'après le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche

L'articulation entre l'AMI CMA et les COMP a constitué l'un des enjeux importants des premières vagues de contrats et fera l'objet de développements infra.

C. DES DÉPENSES CONTRAINTES EN GRANDE PARTIE LIÉES AUX DÉPENSES DE PERSONNEL

Conséquence partielle de l'accroissement du nombre d'étudiants, mais aussi de mesures salariales, les dépenses des établissements d'enseignement supérieur disposant de l'autonomie financière (« responsabilités et compétences élargies », RCE) ont davantage augmenté que leurs ressources sur la période 2018-2024 (+ 23 % pour les recettes contre + 29 % pour les dépenses).

Évolution des charges des établissements RCE

(en milliards d'euros et en %)

Source : commission des finances d'après les données du ministère

Les universités ayant désormais accédé aux RCE) les emplois et dépenses de masse salariale afférentes à ces opérateurs ont été transférés aux établissements au cours des dernières années. Ces dépenses sont donc dorénavant couvertes par les SCSP versées aux opérateurs.

En conséquence, les dépenses de personnel représentent de très loin le premier poste de dépense dans l'enseignement supérieur, aux alentours de 77 % en moyenne au cours des dernières années.

Proportion des recettes des universités consacrées aux dépenses de personnel

(en %)

Source : commission des finances d'après les données du ministère

Cette proportion est relativement stable depuis 2018, en dépit de la forte augmentation en valeur des charges salariales sur la même période. En effet, les dépenses de personnel ont augmenté rapidement au cours des dernières années (+ 6,3 % en 2022 et + 6,6 % en 2023).

Taux d'évolution des dépenses de personnel

(en %)

 

2019

2020

2021

2022

2023

2024

Taux d'évolution en valeur (en euros de l'année)

1,8 %

0,1 %

4,9 %

6,3 %

6,6 %

6,3 %

Taux d'évolution hors inflation

0,9 %

- 0,1 %

3,3 %

0,9 %

1,7 %

4,1 %

Source : commission des finances

Deux types de facteurs expliquent cette croissance : le glissement vieillesse technicité (GVT) d'une part et les revalorisations salariales d'autre part.

S'agissant du GVT, celui-ci n'est plus compensé aux établissements d'enseignement supérieur dotés des RCE depuis plusieurs années, alors qu'il l'était partiellement au cours des années précédentes. Cette non-compensation découle des conclusions d'une mission commune d'inspection sur le pilotage et la maîtrise de la masse salariale des universités7(*) de 2019.

Le rapport indiquait ainsi que « compte tenu de ses effets contre-productifs, la mission considère que la compensation du GVT n'a plus lieu d'être s'agissant d'opérateurs autonomes, qui sont libres de leurs choix de structure d'emploi ; qu'il revient aux pouvoirs publics de limiter la compensation sur l'impact de la déformation de la masse salariale des titulaires à la seule compensation des mesures fonction publique relatives au point d'indice [...] ; que la maîtrise des universités en matière de recrutement, de promotion et de gestion individuelle des carrières devrait être renforcée ; que le dialogue de gestion doit permettre à chaque établissement de faire valoir sa trajectoire de masse salariale ». En d'autres termes, les opérateurs autonomes sont libres de procéder, sous réserve du respect de leur plafond d'emplois et de masse salariale, aux créations, transformations et suppressions qu'ils estiment nécessaires.

Évolution de la prise en charge du GVT pour les établissements RCE

Années

Prise en charge du glissement vieillesse technicité

2010-2011

Compensation intégrale et intégration au socle de la SCSP

2012-2014

Compensation partielle sans intégration au socle de la SCSP

2015

Compensation partielle et intégration au socle de la SCSP

2016-2017

Pas de compensation

2018

Compensation intégrale

2019

Compensation partielle sans intégration au socle de la SCS

Depuis 2020

Pas de compensation

Source : commission des finances

Le ministère indique cependant procéder à des compensations du GVT au cas par cas pour les établissements les plus en difficulté : « les établissements les moins bien dotés ont par ailleurs bénéficié d'un rééquilibrage de leur dotation qui a contribué à alléger la charge du GVT entre 2020 et 2023 ». Ainsi, en 2023, 11 millions d'euros supplémentaires ont été alloués au titre de l'accompagnement de la trajectoire financière et salariale. Il faut cependant noter que cette somme ne peut accompagner qu'une très petite partie des établissements.

Outre le GVT, les dépenses de personnel ont fortement augmenté sous l'effet des mesures de revalorisations salariales. Doivent à ce titre être distinguées les revalorisations générales, conséquence des hausses du point d'indice successives en 2022 et 2023, des mesures de revalorisation catégorielles, dont une partie sont prévues par la LPR.

Concernant la hausse du point d'indice de 3,5 % au 1er juillet 2022, l'impact sur l'année 2022 de 250 millions d'euros n'a pas été compensé aux établissements. En revanche, son coût sur les années suivantes (500 millions d'euros en année pleine) a été intégralement compensé de façon pérenne. Concernant les mesures dites du « rendez-vous salarial » en 2023, dont la revalorisation du point d'indice de 1,5 %, elle n'a pas été compensée sur 2023 (120 millions d'euros) et l'est à hauteur de 58 % sur les années suivantes (254 millions d'euros en année pleine dont 148 millions d'euros de compensés en 2025). Au total, en année pleine et depuis 2024, les revalorisations « fonction publique » auront pesé sur l'évolution du programme 150 à hauteur de 770 millions d'euros.

Les dépenses de personnel continuent également à croître en 2025 du fait de l'impact de la hausse de 4 points en 2025 des cotisations de l'État employeurs destinée à équilibrer le CAS « Pensions », correspondant à 200 millions d'euros sur le programme 150 (dont 180 millions d'euros pour les universités). Si le projet de loi initial ne comprenait pas de compensation de cette hausse, les montants correspondants ont finalement été intégralement compensés dans la LFI pour 2025.

Par ailleurs la masse salariale a cru au cours des dernières années sous l'effet des mesures de créations d'emplois prévues par la loi de programmation de la recherche (LPR) : augmentation du nombre de recrutement de contrats doctoraux ou création des chaires de professeurs juniors (CPJ). S'y ajoutent les mesures LPR regroupant à la fois des dispositions statutaires et indemnitaires de revalorisation salariale.

II. UNE TRÈS LÉGÈRE TENDANCE AU RENFORCEMENT DES RESSOURCES PROPRES QUI DOIT ÊTRE ACCENTUÉE

Les recettes propres des établissements ont, en valeur, très fortement augmenté : entre 2010 et 2024, elles ont augmenté de plus de 3,2 milliards d'euros.

Néanmoins, cette tendance doit être nuancée : les ressources propres augmentent en réalité suivant un rythme proche de celui de la SCSP. En conséquence, on constate une stabilité des ressources propres en proportion du total des ressources : les recettes propres représentaient 21,1 % des ressources des établissements en 2010 contre à peine un point de plus, soit 22,1 %, en 2023. Il convient d'ailleurs de noter que le ministère intègre dans ses données sur les recettes propres des recettes publiques, en particulier les financements de l'ANR ainsi que les financements PIA ou France 2030 ayant fait l'objet d'un appel à projet.

Évolution de la part des ressources propres
dans les ressources des établissements supérieurs

(en millions d'euros et en %)

Source : commission des finances d'après les données du ministère

Un constat similaire peut être dressé concernant les frais d'inscription versés par les étudiants. Contrairement à une idée reçue, les droits d'inscription demeurent extrêmement minoritaires dans les ressources des établissements d'enseignement supérieur. En 2024, ils ne représentaient ainsi que 2 % du total des recettes. Cette proportion est d'ailleurs stable dans le temps et ne tend pas à augmenter au cours des dernières années (2,08 % des recettes en 2022 contre 2,02 % dix ans plus tard). Cette stabilité est d'autant plus notable que le montant global des droits d'inscription a cru fortement du fait de l'augmentation du nombre d'étudiants, passant de 250 millions d'euros à près de 400 millions d'euros en dix ans.

Évolution de la part des droits d'inscription
dans les ressources des établissements supérieurs

(en millions d'euros et en %)

Source : commission des finances d'après les données du ministère

Une telle stabilité ne peut être satisfaisante dans le contexte de croissance continue des dépenses des établissements, et contribue à entériner leur dépendance à une croissance continue de la SCSP.

Les recettes propres des universités sont très limitées par le maintien de droits d'inscription identiques pour tous les étudiants, ce qui peut apparaître in fine comme un système injuste. A contrario, la progressivité des droits d'inscription irait dans le sens d'une plus grande justice sociale, en permettant aux étudiants disposant de davantage de moyens de contribuer plus largement au fonctionnement de leur établissement.

Le rapporteur spécial a pu revenir récemment8(*) sur l'exemple que constituent les instituts d'études politiques (IEP) en matière de développement des ressources propres : les IEP se caractérisent en effet par un taux important de ressources propres (entre 65 % et 70 % de leurs ressources), lié aux montants des droits d'inscription plus élevés que dans les universités. Dans le cas des IEP correspondant à des composantes des universités, les ressources propres représentent une part croissante du budget : Sciences Po Saint-Germain-en-Laye s'autofinance pour environ la moitié de son budget.

Par ailleurs, les recettes propres des IEP se caractérisent par leur dynamisme : elles ont progressé de 16,3 % entre 2019 et 2023. Cette hausse découle en partie d'une hausse des droits d'inscription (+ 12 % entre 2019 et 2023, jusqu'à + 30 % sur la même période pour Sciences-Po Paris), qui représentent eux-mêmes plus d'un tiers des recettes propres des établissements.

L'ensemble des IEP a pour particularité de moduler les droits d'inscription en fonction du revenu des étudiants ou de leurs parents, dans la plupart des cas suivant un modèle par tranche basé sur le coefficient familial plafonné pour les plus hauts revenus. À titre d'exemple, à St-Germain-en-Laye à la rentrée 2024, 8 % des étudiants payaient le montant le plus élevé, soit 5 034 euros. Une part importante des étudiants sont exonérés de droits d'inscription : à l'IEP de Toulouse, cette proportion atteint 43 % des étudiants.

Le rapporteur spécial considère que ce modèle, qui met les étudiants à contribution à raison de leurs facultés, doit constituer une piste de réflexion y compris pour les universités.

En tout état de cause, le développement des ressources propres doit constituer un axe de travail prioritaire des établissements d'enseignement supérieur. Comme cela sera développé plus bas, les COMP doivent tout particulier constituer une incitation en ce sens.

III. UNE GRANDE DIVERSITÉ DE SITUATION FINANCIÈRE DES ÉTABLISSEMENTS À NE PAS SOUS-ESTIMER DANS LE CADRE DE LEUR CONTRACTUALISATION

Au-delà des données macroéconomiques, la situation des établissements est très variable selon leurs caractéristiques. Si le schéma d'ensemble n'est pas inquiétant, dans un contexte de contraction de la dépense publique qui a jusqu'à présent comparativement préservé l'enseignement supérieur, il est néanmoins vrai que de plus en plus d'établissements font face à des difficultés financières.

Le cadre juridique visant à déterminer les établissements dont la situation budgétaire n'est plus soutenable a été très récemment rénové. Depuis un décret de décembre 20249(*) modifiant l'article R. 719-61 du code de l'éducation, l'analyse de la soutenabilité budgétaire d'un établissement repose sur trois critères : la trésorerie, le niveau du fonds de roulement et les charges de personnel. Ces critères remplacent le précédent critère de la perte au compte de résultat sur deux comptes financiers successifs. Le décret prévoit également de supprimer l'autorisation préalable du recteur de région académique pour que les établissements puissent prélever sur leurs réserves.

Les seuils d'alerte sont fixés par un arrêté également publié en décembre 202410(*). Pour se trouver dans une situation financière considérée comme soutenable, les établissements doivent :

- disposer d'un niveau de trésorerie supérieur à 30 jours de fonctionnement de l'établissement ;

- disposer d'un niveau de son fonds de roulement supérieur à 15 jours de fonctionnement ;

- ne pas voir leurs charges de personnel dépasser 83 % (ou 85 % dans le cas des établissements en lettres et sciences humaines) de leurs recettes.

Concernant le niveau de trésorerie, d'après la Cour des comptes11(*), la part de la trésorerie fléchée pour l'ensemble des opérateurs du programme 150 a nettement progressé sur les années 2020-2023 : la part des ressources non immédiatement mobilisables a augmenté de 30 % en quatre ans.

La médiane du niveau de trésorerie pour l'ensemble des établissements RCE reste deux fois supérieure au seuil d'alerte de 30 jours, malgré une dégradation par rapport aux années précédentes. En revanche, une vingtaine d'établissements sont proches du seuil d'alerte.

Évolution de la trésorerie des établissements d'enseignement supérieur

(en jours de trésorerie disponible)

Source : commission des finances d'après les données du ministère

La capacité d'autofinancement des établissements d'enseignement supérieur a diminué sur la période de 25 %. Les dettes financières atteignent ainsi un niveau élevé de 866 millions d'euros pour l'ensemble des opérateurs du programme 150.

Concernant le deuxième critère, les niveaux des fonds de roulement des établissements d'enseignement supérieur commencent à refluer après avoir atteint des niveaux particulièrement élevés au cours des dernières années.

Le nombre d'établissements en difficulté au sens du nouveau décret est néanmoins en hausse : un seul établissement disposait d'un fonds de roulement inférieur à 15 jours en 2023. Ils étaient 24 en 2024. En revanche, 44 établissements conservaient un fonds de roulement supérieur à 50 jours. Pour 21 établissements, le fonds de roulement était supérieur à 80 jours de fonctionnement.

Évolution des fonds de roulement disponibles

(en jours et en nombre d'établissements)

Note : ce graphique représente le fonds de roulement des seuls établissements RCE

Source : commission des finances d'après les données du ministère. Données 2024 non définitives.

Concernant le dernier critère, en 2024, 28 établissements ont des charges de personnels supérieures à 83 % de leurs produits.

Il faut noter que cette même année, seuls 6 établissements remplissaient cumulativement les trois critères et concentrent les plus grandes difficultés qui appellent à une vigilance accrue.

L'analyse macroéconomique de la situation des établissements d'enseignement supérieur va dans le sens d'une résilience des indicateurs financiers, dans un contexte de croissance des budgets et des moyens octroyés par l'État depuis la loi LRU, même si les dépenses augmentent, elles, parallèlement plus vite. La contractualisation avec les établissements doit constituer un outil de pilotage pour les établissements les mieux dotés et de sauvegarde pour ceux les plus en difficulté.

PREMIÈRE PARTIE
MALGRÉ DE NOMBREUX ATOUTS, L'EXPÉRIENCE INSATISFAISANTE DES COMP DEPUIS 2023

Les contrats d'objectif, de moyens et de performance (COMP) sont des contrats bilatéraux conclus pour trois ans entre l'État et les établissements d'enseignement supérieur.

Leur principe a été évoqué par le président de la République lors du colloque du 13 janvier 2022 de France Universités. Les COMP ont été présentés en mars 2023, pour être mis en oeuvre dans les mois suivants, selon un déploiement en trois vagues d'établissements.

I. UNE BONNE IDÉE LANCÉE EN HÂTE EN 2023 AVEC UNE FORTE IMPLICATION DU MINISTÈRE

A. LES PRINCIPES DES CONTRATS : UNE AMORCE DE TRANSFORMATION EN PROFONDEUR

1. Une idée à saluer : réintroduire une gestion à la performance dans l'enseignement supérieur
a) Un cadre de départ ambitieux

L'idée générale était celle d'une « nouvelle étape » dans les relations entre le ministère et ses opérateurs. Les COMP devaient être des contrats resserrés sur des priorités de politique publique : la circulaire de présentation de la première vague de contrats indiquait ainsi : « les objectifs du COMP ne couvrent pas l'intégralité des activités de l'établissement mais se concentrent sur la définition et le suivi d'objectifs stratégiques partagés entre le ministère et l'établissement ».

Les COMP contiennent un volet budgétaire, permettant à l'État de participer au financement de certaines des actions contractualisées, à hauteur d'environ 0,8 % de la subvention pour charges de service public (SCSP) des établissements. La nouveauté de ces contrats était de prévoir une conditionnalité des financements, l'absence d'atteinte des indicateurs cibles contractualisés pouvant théoriquement donner lieu à une reprise à l'issue du contrat.

Lors de la conférence de présentation de ces contrats, la ministre Sylvie Retailleau les définissait comme « la partie du contrat d'établissement sur laquelle s'applique le financement à la performance »12(*). Ils étaient donc pensés pour être complémentaires des contrats d'établissement conclus par les opérateurs tous les cinq ans, avec lesquels les COMP étaient appelés à converger.

b) Un accueil positif dans l'ensemble des établissements d'enseignement

Il ressort de l'ensemble des auditions menées par le rapporteur spécial un sentiment de relative satisfaction des établissements sur les COMP. Selon les personnes entendues : « les COMP ont permis de financer un projet crucial pour mon établissement »13(*) ; « le COMP a eu des aspects positifs et en particulier de susciter une réflexion et un dialogue stratégique. C'était une première étape vers quelque chose plus abouti »14(*). D'après la ministre Sylvie Retailleau, « les présidents d'établissement étaient satisfaits du niveau du dialogue ». De fait, si les établissements s'accordent sur les limites de l'exercice, l'impression générale est celle d'une adhésion prudente des établissements.

Selon une formule revenue à plusieurs reprises lors des auditions, la principale vertu des COMP réside dans une forme d'acculturation des établissements d'enseignement supérieur à la performance. Ce mouvement s'appuie également sur les financements des programmes d'investissement d'avenir et France 2030, qui ont déjà impliqué pour les établissements de fonctionner par une logique de projets. À ce titre, et indépendamment des résultats et de ce qu'il adviendra réellement du pilotage à la performance, le rapporteur spécial salue le progrès culturel que ces contrats représentent.

c) Une indéniable plus-value par rapport au dialogue stratégique et de gestion

Depuis 2019, les recteurs disposent d'une marge d'ajustement dans la répartition des financements accordés aux établissements d'enseignement supérieur, dans le cadre du dialogue stratégique et de gestion (DSG).

Si le DSG peut être vu comme une forme de préfiguration des COMP sur certains aspects (place des rectorats, réflexion sur la stratégie de l'établissement...), la comparaison entre les deux exercices atteint rapidement ses limites. Près de 70 % des moyens supplémentaires accordés aux établissements dans le cadre du DSG correspondaient aux dispositifs prévus par la loi Orientation et réussite des étudiants (ORE)15(*), en particulier sur la création de places dans les formations.

En dehors des créations de places, les montants globaux attribués dans le cadre du DSG sont largement inférieurs aux montants des COMP. Le DSG 2021 a permis d'allouer 68,5 millions d'euros répartis sur 105 établissements et le DSG 2022 a permis d'allouer 103 millions d'euros pour 114 établissements. En 2023, le montant des COMP était comparable à celui du DSG pour 2022, mais pour seulement 17 établissements.

Au-delà des montants totaux, la Cour des comptes constate dans son audit flash sur les COMP16(*) que les financements des COMP sont parfois inférieurs à ceux qui étaient attribués dans le cadre du DSG. Cette situation s'avère cependant rare. Parmi les établissements ayant à la fois participé au DSG et conclu un COMP :

- pour la vague 1, seuls 4 établissements ont moins reçu la première année du COMP qu'ils n'avaient reçu l'année précédente par le biais du DSG ;

- pour la vague 2, seuls 4 établissements ont moins reçu la première année du COMP qu'ils n'avaient reçu l'année précédente par le biais du DSG.

La valeur ajoutée des COMP par rapport au DSG réside notamment, à montants annuels équivalents, dans la vision pluriannuelle sur les financements attribués. France universités salue ainsi la « visibilité budgétaire légèrement améliorée » offerte par la contractualisation.

Surtout, les COMP constituent davantage un outil de pilotage pour le ministère que le DSG, le cadre national étant davantage formalisé. Ils permettent en outre un échange direct avec le ministère, ce qui représente une différence notable avec le DSG (qui donnait lieu à des échanges au seul niveau des rectorats). Les COMP devaient en effet permettre de dialoguer à la fois avec les rectorats et le ministère.

2. Un objectif de revalorisation du rôle des rectorats qui n'a été que partiellement atteint

Lors de la présentation des COMP, le ministère a mis l'accent sur la place des rectorats, premiers interlocuteurs des établissements et interface entre ceux-ci et le ministère en administration centrale. Les COMP devaient ainsi constituer l'axe phare de déconcentration du ministère.

Dans les faits, le rôle des rectorats semble avoir été assez variable d'une académie à l'autre et d'une vague de contrats à l'autre. Leur rôle est cependant resté limité à l'accompagnement des établissements, les arbitrages demeurant exclusivement la compétence de l'administration centrale, bien que les recteurs délégués aient participé aux réunions pré-conclusives du COMP aux côtés de la DGESIP et des établissements. Il est vrai que la relative faiblesse des moyens des rectorats sur l'enseignement supérieur et le dimensionnement des équipes ne leur permettent guère pour l'instant que d'avoir un rôle autre que de « premier niveau ».

En contrepoint, le niveau de la discussion a également pu être limité par le dimensionnement des équipes des établissements. Le rectorat délégué Grand Est indique ainsi : « la demande d'accompagnement sollicitée par les établissements a pu être différente entre ceux disposant d'équipes étant en capacité de prendre en charge une telle mission et les autres, dans des délais qui sont restés contraints sur l'ensemble des vagues »17(*).

Dans la majeure partie des cas, les rectorats ont joué un rôle de conseil auprès des établissements, notamment sur la pertinence des indicateurs choisis. Leur rôle a donc été celui d'un médiateur, ou, pour reprendre l'expression utilisée par la direction générale de l'enseignement supérieur (DGESIP), de « partenaire d'entraînement » du ministère, dont la tâche était essentiellement de s'assurer de la qualité de la copie présentée au ministère et de garantir que les demandes formulées dans le COMP soient réalistes. Certains recteurs délégués ont indiqué ne pas être intervenus dans le choix des indicateurs. Le rectorat de la région Auvergne-Rhône-Alpes indique ainsi : « les interventions se sont faites à la marge, sous forme de conseils lors de la phase d'élaboration des COMP. Il s'agissait principalement de limiter le nombre d'indicateurs ».

Les décisions sont donc restées concentrées au niveau de la DGESIP, qui définit les cibles, les objectifs et les financements associés.

Le rôle des rectorats a en outre été plus ou moins prononcé selon les académies d'une part et la taille des établissements d'autre part.

Les rectorats dans lesquels sont concentrés les plus grands établissements ont ainsi pu avoir un rôle plus limité, la « puissance de frappe » des recteurs délégués n'étant pas toujours à même de faire le poids face aux très grands établissements habitués à dialoguer directement avec le ministère. En outre, concernant l'Île-de-France, il est matériellement difficile de se positionner pour les équipes du rectorat face au très grand nombre d'établissements.

En revanche, les plus petits établissements ont indiqué au rapporteur spécial n'avoir eu que des interactions très limitées avec le ministère en direct, le rôle d'interface des rectorats étant plus important.

L'impression générale qui demeure est celle d'une articulation qui n'est pas toujours lisible, y compris pour les établissements et pour les rectorats. Les cas de rectorats « court-circuités » par l'administration centrale sont revenus à plusieurs reprises au cours des auditions. La DGESIP traite ainsi en direct avec les établissements sur divers domaines, par exemple sur les enjeux liés à la dévolution, alors même que d'autres établissements relèvent la valeur ajoutée des rectorats sur les sujets immobiliers. Certains rectorats ont indiqué ne pas avoir connaissance de la manière dont l'administration centrale élaborait ses arbitrages budgétaires.

3. L'enjeu de l'échelle de la contractualisation

La question de l'échelle des COMP est fréquemment revenue au cours des auditions. Les COMP ont été négociés et signés au niveau des établissements.

Le cas le plus problématique à cet égard est celui des établissements publics expérimentaux (EPE). Le ministère a fait le choix d'un COMP unique par EPE, afin de « mettre en lumière la cohérence d'ensemble entre les différents établissements-composantes et dégager la ligne politique générale »18(*). Si ce choix s'inscrit dans la logique des EPE, il est vrai que le COMP est conclu avec un EPE qui ne pilote pas budgétairement les universités composantes, ce qui n'est d'ailleurs pas sans soulever des interrogations dans la perspective d'une reprise des financements en cas de non-atteinte des objectifs.

Une part des financements du COMP est parfois fléchée vers une ou plusieurs composantes. En outre, les COMP ont été fréquemment déclinés à l'échelle des universités ou établissements composantes, ou, au sein d'une même université, entre les composantes, unités de recherche et directions, par le biais de « COMP internes ». Si cette organisation garantit une cohérence au sein des établissements, il faut néanmoins reconnaître qu'elle ne participe guère à la simplification du pilotage de l'enseignement supérieur.

L'idée d'un « COMP de site » apparaît non dénuée d'intérêts dans certains cas sur le plan théorique. Celui-ci aurait pour avantage d'impliquer directement les organismes nationaux de recherche dans la stratégie de site sur une base pluriannuelle. Son existence se heurterait pour autant à des difficultés majeures : d'une part, de nombreux établissements sont dotés de campus sur différents sites, d'autre part, le COMP est nécessairement conclu avec un établissement disposant de la personnalité morale, ce qui n'est pas le cas de toutes les composantes. Enfin, cette idée semble peu réalisable à court terme, les grands opérateurs nationaux de recherche n'ayant pas nécessairement une vision « site » au travers de leur propre processus de contractualisation avec l'État.

L'échelle de l'établissement n'est donc pas nécessairement la plus adaptée selon l'organisation propre à chacun d'entre eux. Néanmoins, la conclusion de COMP à une échelle « sur-mesure » ne paraît pas non plus optimale en termes de pilotage. Par conséquent, l'établissement reste le niveau le plus pertinent et surtout le plus efficace du point de vue de l'État.

B. LE CONTENU DES CONTRATS : UN ÉVENTAIL LARGE DE PROJETS DIVERSEMENT PERTINENTS

1. Un cadre contractuel formalisé par le ministère autour de priorités nationales, mais qui ne se retrouve pas toujours dans les contrats

Le pilotage des COMP se voulait innovant par rapport au DSG en priorisant la contractualisation autour d'objectifs nationaux, renforçant le pilotage du ministère autours d'orientations prioritaires. Ce canevas, structuré autour de 6 objectifs, devait garantir la cohérence des contrats.

Ces six objectifs sont les suivants :

- renforcer le pilotage de l'offre de formation, pour améliorer la réussite des étudiants et leur insertion professionnelle ;

- développer la recherche et l'innovation au meilleur niveau européen et international ;

- mobiliser l'enseignement supérieur et de la recherche en faveur de la transition écologique et le développement soutenable (TEDS) dans l'ensemble de ses dimensions ;

- améliorer le bien-être et la réussite des étudiants ;

- améliorer la gestion et le pilotage de l'établissement ;

- s'y ajoute un objectif dit « signature », propre à chaque établissement.

Présentation des objectifs - Extraits du guide méthodologique
de la vague 2

Source : commission des finances d'après le guide méthodologique de la vague 2

Dans le cas spécifique des COMP dits « aménagés », ces objectifs sont réduits au nombre de deux axes obligatoires (pilotage de l'offre de formation et transition écologique) et un axe facultatif.

Chacun de ces objectifs se décline en plusieurs sous-objectifs, eux-mêmes accompagnés d'indicateurs. Théoriquement, les circulaires prévoient que chaque objectif doit contenir :

- une description de la stratégie générale de l'établissement et de la manière dont le COMP permettra de franchir une étape supplémentaire ;

- une description très opérationnelle de l'action qui fera l'objet du COMP ;

- un indicateur de résultat du déploiement de l'action ;

- un modèle économique précis, exposant la trajectoire financière pendant trois ans.

Là encore, si le cadre fixé par le ministère semble pertinent, très peu d'établissements ont réellement fait figurer l'ensemble de ces indications dans leurs COMP. En particulier, l'inscription des actions dans un modèle économique plus large est quasiment inexistante, ce qui est particulièrement dommageable dans un contexte de contraction des ressources des établissements. Si de nombreuses actions sont listées, leur coût n'est quasiment jamais évoqué dans les contrats, leur impact sur la performance de l'établissement encore moins (à l'exception de l'axe « pilotage », davantage chiffré).

2. Des objectifs diversement pertinents qui mériteraient d'être recentrés sur les actions les plus structurantes

Les six objectifs n'ont cependant pas tous un intérêt identique en termes d'amélioration du pilotage de l'enseignement supérieur.

a) Une réelle plus-value de l'axe « formation »

Les établissements comme le ministère s'accordent sur l'intérêt de l'axe « Formation ». Sur ce point, les COMP ont pu constituer un prolongement des dispositifs ORE, en y intégrant, et cela constitue un important atout, une notion de performance. Le rapporteur spécial avait mis en évidence le manque de suivi de l'efficience des dispositifs et une absence de vision globale du ministère sur les places à l'université19(*). L'outil Quadrant est en partie venu répondre à ces critiques et constitue une nette amélioration du pilotage de l'offre de formations au niveau national.

Un outil de suivi des places disponibles dans les différentes formations :
une évolution positive

Le rapporteur spécial avait fait du déploiement d'un système d'information centralisé au niveau du ministère permettant le suivi des places ouvertes dans les formations une recommandation centrale de son rapport précédemment mentionné sur le suivi de la loi ORE.

De fait, le ministère a mis en place un système spécifique répondant partiellement à cette observation. Cet outil, dénommé Quadrant, permet à chaque établissement de disposer de données d'analyse de performance comparative de leur offre de formation en matière de réussite étudiante et d'insertion professionnelle.

La Cour des comptes souligne certaines limites de l'outil :

- les données de performance introduites dans l'outil sont anciennes (données remontées en années n-3) avec un risque d'obsolescence. Certains établissements ont pu recevoir des listes de formations à transformer qu'ils avaient déjà transformées, voire supprimées.

- en matière d'insertion professionnelle, seules les sorties en emploi salarié en France sont prises en compte à ce jour, ce qui peut être problématique pour les formations tournées vers l'international, mais aussi pour celles dont l'insertion en emploi peut relever pour tout ou partie de statut libéral ou indépendant.

- les données de performance ne tiennent pas compte du contexte socio-économique des formations priorisées et notamment du profil et du niveau des étudiants accueillis dans les formations. La Cour des comptes appelle donc à ancrer cet outil sur des indices de valeur ajoutée des établissements.

Si le ministère doit travailler sur ces aspects, Quadrant constitue toutefois une avancée permettant au ministère d'avoir une vision globale et à chaque établissement de pouvoir se comparer à d'autres. À cet égard, si Quadrant n'a pas vocation à être l'unique grille de pilotage de l'offre de formation, il est crucial que les établissements continuent de s'en emparer.

Source : commission des finances

Les établissements de la première vague étaient déjà incités à axer leurs réflexions sur la rénovation de leurs formations. Quadrant n'a pu être utilisé pour la construction du COMP que pour les établissements de la deuxième vague. Il a alors constitué un référentiel commun permettant aux établissements d'évaluer le nombre de formations transformées (ouvertes, fermées ou renforcées), sur la base de la performance en termes d'insertion professionnelle déterminée grâce à Quadrant.

27 COMP de la vague 2 contiennent une cible de formations transformées. Celle-ci va d'ailleurs du simple au quadruple selon les établissements, sans que les établissements les plus gros ne soient forcément ceux qui modifient le plus leurs formations. Au total, 204 formations devraient être transformées pour la seule vague 2.

Indicateur « Nombre de formations transformées parmi les moins performantes » pour les établissements de la vague 2

Établissement

 

Cible 2025 de formations transformées

Université d'Artois

 

8

Université d'Orléans

 

6

Cergy

 

6

Université Le Mans

 

8

Université du Littoral Côte d'Opale

 

7

Université Lyon 3

 

5

Université Claude Bernard - Lyon 1

 

4

Université Lumière Lyon 2

 

10

Université Paul-Valéry Montpellier 3

 

13

Université de Haute-Alsace

 

2

Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

 

11

Université de Pau et des Pays de l'Adour

 

7

Université de Reims Champagne-Ardenne

 

10

Université de Rouen Normandie

 

16

Université de Toulon

 

7

Université de Tours

 

5

Université Paris 10 - Nanterre

 

17

Université Bretagne Sud

 

3

Université d'Evry-Val d'Essonne

 

10

Université de Franche-Comté

 

8

Université de Caen Normandie

 

10

Université de Nîmes

 

6

Université Paris-Est Créteil

 

4

Université Picardie Jules Verne

 

7

Université de Perpignan

 

10

Université Savoie Mont blanc

 

4

Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines

 

Modalités de calcul à définir

Total

 

204

Source : commission des finances

b) En dehors de l'axe « pilotage et gestion », des projets moins transformants

L'axe « Pilotage et gestion » a pu réellement constituer un levier d'amélioration structurant. Les établissements s'accordent sur la plus-value d'une contractualisation avec l'État sur ces sujets, notamment la réalisation d'un schéma immobilier, dont la présence dans les COMP est fréquente. On note là encore une forte hétérogénéité des actions figurant dans les contrats, allant des ressources humaines (mise en place d'un baromètre du bien-être au travail, limitation des vacances de postes...) ; aux systèmes d'information (notamment renforcement de la sécurité des systèmes d'information), en passant par l'immobilier.

Les fonctions supports, qui représentent les très grandes masses financières, doivent être davantage au coeur de la réflexion stratégique. La vertu des COMP est certes d'avoir inscrit ces enjeux dans un dialogue stratégique mais il serait souhaitable que ce soit davantage le cas à l'avenir.

L'axe « transition écologique », faisant figure de passage obligé de l'action publique, s'est pour de nombreux établissements uniquement traduit par la mise en place d'actions de formation au développement durable, figurant obligatoirement dans les COMP des trois vagues20(*). Cet axe a davantage permis aux établissements de valoriser en opportunité les actions qu'ils menaient déjà, alors que le principal levier sur la réduction de l'impact environnemental des universités est la rénovation thermique des bâtiments, et alors même que l'immobilier relève de l'axe « Pilotage ». Sans remettre en cause l'intérêt théorique de cet objectif, il apparaît que les projets portés sont moins structurants (citons ainsi la construction d'abris à vélo ou de panneaux photovoltaïques, dont on peut se demander s'ils relèvent du niveau d'un contrat avec l'État).

Les actions dédiées à la réussite et au bien-être des étudiants paraissent pour certaines anecdotiques (construction d'une maison des associations ou d'une maison des étudiants, achat d'un véhicule de type « Doctobus », etc...). En outre, les établissements disposent déjà d'un financement fléché sur ces actions par le biais de la contribution vie étudiante et de campus (CVEC). Certains établissements ne se sont d'ailleurs pas du tout emparés de cet axe (le COMP de l'université Lyon 3 ne mentionne aucun sous-objectif et aucun indicateur sur ce volet).

Enfin, l'axe « Recherche » rejoint les enjeux liés au développement des ressources propres des établissements et à l'accroissement du taux de financement européen de projets de recherche français. À cet égard, il constitue une des pistes intéressantes des COMP, malgré la faible association des organismes de recherche (cf. infra).

Recommandation : recentrer les COMP sur les objectifs liés au pilotage et à la gestion des établissements d'une part, et à la formation et à la recherche d'autre part (DGESIP)

3. Une réflexion encore inaboutie autour de la définition de la « signature » des établissements

Les COMP se voulant un outil de développement stratégique des établissements, les axes nationaux ont été complétés par un axe dit « signature ». Celui-ci a vocation à présenter l'enjeu ou l'axe de développement principal de l'établissement. L'existence de cet axe « signature » a été salué par beaucoup d'établissements - et par la Cour des comptes - comme ayant permis de cristalliser la réflexion des établissements sur la définition de leur profil stratégique.

La circulaire méthodologique de la vague 3 est très claire : la « signature » du COMP n'est pas une partie descriptive exhaustive des activités de l'établissement. Elle exige de l'établissement qu'il choisisse un angle de présentation et expose les points saillants qui constitueront pour les trois années du COMP les défis auxquels il entend se confronter et qu'il s'engage à relever ». Le ministère indique que « la « signature » doit donc correspondre à l'élément clé qui permettra à l'établissement, au terme de la durée du COMP, d'être immédiatement identifié et reconnu sur le segment choisi ».

Là encore, la réalité des contrats montre de grandes différences de compréhension de cette consigne selon les établissements. L'examen des axes « signatures » des établissements de la vague 2 révèle qu'in fine, peu d'entre eux ont été capables de mettre en place un objectif relevant véritablement de la stratégie de l'établissement, réalisable et assorti d'indicateurs crédibles.

Si plusieurs établissements ont fait le choix d'une thématique spécifique (l'intelligence artificielle et le développement international étant deux enjeux récurrents), nombre d'entre eux n'ont pas réussi à sélectionner un seul objectif stratégique. Certains établissements ont au contraire accumulé plusieurs items, parfois sans aucun lien et fréquemment sans que ceux-ci ne soient assortis d'indicateurs. Ainsi, l'université Lyon 2 a pour axe signature un triple objectif « structurer la démarche partenariale ; mettre en place des collaborations innovantes ; lancer une politique structurée du Réseau Alumni ». De même, l'université de Reims Champagne-Ardenne accumule également plusieurs signatures : « renforcer l'identité et la visibilité de l'URCA et la positionner comme le leader académique dans le domaine de la bioéconomie et de l'environnement ; Consolider l'engagement, attirer et fidéliser les talents et passer du sentiment d'appartenance au sentiment de fierté ; Identifier les valeurs et construire l'image renouvelée de l'URCA ».

D'autres établissements ont indiqué comme étant leur objectif « signature » des enjeux qui relèvent clairement des autres axes du contrat. À titre d'exemple, l'axe signature de l'université du Littoral Côte d'Opale, est « améliorer la réussite étudiante et l'insertion professionnelle », ce qui constitue un doublon avec les axes « réussite étudiante » et « bien-être étudiant », communs à tous les établissements. L'université Paris-Est Créteil a pour objectif signature la production d'un schéma directeur des ressources humaines, qui aurait eu toute sa place dans l'axe « Pilotage ».

Certaines signatures demeurent assez pauvres sur le plan stratégique, mobilisant des concepts vagues et peu adaptés à une contractualisation à la performance. L'université du Mans a pour objectif d'être « un acteur du développement socio-économique du territoire et une université efficiente et agile au service de ses communautés ». L'INSA Lyon a pour objectif de « développer le Groupe INSA et les grands réseaux internationaux pour répondre aux enjeux socio-écologiques ». Enfin, l'axe signature de l'Université d'Orléans consiste à « construire la signature de l'établissement ».

Si le principe d'un axe adapté aux priorités de l'établissement doit être conservé, les prochains COMP devront nécessairement s'accompagner d'un travail d'harmonisation afin de parvenir à une amélioration générale de la qualité des actions et des indicateurs.

Recommandation : limiter à deux au total les indicateurs au choix de l'établissement et assurer une harmonisation de la qualité des actions et des indicateurs (DGESIP et rectorats)

Axes « signature » des établissements de la vague 2

Université d'Artois

Développer des outils d'intelligence artificielle (IA) appliqués au domaine de la logistique

Sciences-Po 

Promotion des valeurs de la République - Exemplarité en matière de lutte contre toutes les formes de discrimination

Université d'Orléans

Construire la signature de l'établissement (réalisation de cartographies comparatives, actions de communication ...)

École centrale de Marseille

Soutenir et transformer la politique RH

IAE Paris-Sorbonne

Obtenir une accréditation internationale dédiée aux écoles de management

Inalco

Accompagner la numérisation des outils de pilotage et de diffusion de l'offre de formation de l'Inalco

INSA Toulouse

Rénover le modèle social de l'INSA

INSA Lyon

Développer le Groupe INSA et les grands réseaux internationaux pour répondre aux enjeux socio- écologiques

Université Le Mans

Construire une stratégie de marketing universitaire et territorial ; Être un acteur du développement socio-économique du territoire ; Une université efficiente et agile au service de ses communautés

Université du Littoral Côte d'Opale

Améliorer la réussite étudiante et l'insertion professionnelle

Université de Lorraine

Développer de nouvelles formes de présence de l'université dans les territoires

Université Lyon 3

Renforcer l'accessibilité et l'inclusion

Université Claude Bernard - Lyon 1

Mettre en place des « Graduate schools »(GS) ; Structurer et pérenniser les partenariats académiques et socio-économiques de l'UCBL

Université Lumière Lyon 2

Structurer la démarche partenariale ; Mettre en place des collaborations innovantes ; Lancer une politique structurée du Réseau Alumni

Université Paul-Valéry Montpellier 3

Développer une recherche intensive en Lettres Langues Arts Sciences Humaines et Sociales (LLASHS)

Université de Haute-Alsace

Sensibiliser la communauté à l'IA

Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Faire de Paris 1 Panthéon-Sorbonne une université internationale

Université de Pau et des Pays de l'Adour

Déployer un programme de formation au développement d'une carrière international (DUI) pour être un acteur du dynamisme des territoires à l'échelle régionale, nationale, européenne et internationale

Université de Reims Champagne-Ardenne

Renforcer l'identité et la visibilité de l'URCA et la positionner comme le leader académique dans le domaine de la bioéconomie et de l'environnement ; Consolider l'engagement, attirer et fidéliser les talents et passer du sentiment d'appartenance au sentiment de fierté ; Identifier les valeurs et construire l'image renouvelée de l'URCA

Université de Rouen Normandie

Affirmer la signature/identité de l'université autour de la transition socio-écologique et du développement soutenable

Université de Toulon

Renforcer la communication externe de l'UTLN ; Élaborer et lancer le schéma directeur de la communication

Université de Tours

Porter à l'échelle européenne l'offre de master et doctorat sur les domaines d'excellence du projet "Loire Val-Health" (biomédicaments, infectiologie et one healt , santé mentale) ; Poursuivre la structuration des plateformes d'analyse biologique et de bioproduction et leur insertion dans des infrastructures nationales ; Structurer les échanges avec les ONR

Université Paris 10 - Nanterre

Développer la signature "innovation sociale" de l'établissement en équipant de nouvelles salles (EAD et Coil) et en améliorant la connectivité de l'établissement

Université Bretagne Sud

Consolider la notoriété spontanée de l'UBS per l'attractivité de l'UBS ; Développer un sentiment d'appartenance à l'UBS et de fierté auprès de toute notre communauté ; Attirer des collaborateurs et fidéliser ceux déjà en poste (marque employeur)

Université d'Evry-Val d'Essonne

Créer une société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU)

Université de Caen Normandie

Soutenir le déploiement de Services Publics + ; Lutter contre les VSS, les discriminations et le harcèlement (cellule d'écoute, projet INEDI)

Université de Nîmes

Mettre en oeuvre le transfert de la gestion de l'antenne de Mende de l'université de Perpignan vers l'université de Nîmes

Université Paris-Est Créteil

Produire un SDRH (Schéma Directeur des Ressources Humaines)

Université Picardie Jules Verne

Améliorer l'accompagnement des mobilités ; Développer l'internationalisation des formations

Université de Perpignan

Renforcer la marque UPVD

Université Savoie Mont blanc

Établir une cartographie de l'ensemble des partenariats internationaux et renforcer l'attractivité de l'USMB

Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines

Développer une filière ingénieur NewSpace

Source : commission des finances

C. UNE APPROPRIATION PROGRESSIVE DU DISPOSITIF PAR LE MINISTÈRE

1. Le choix d'un déploiement par vagues représentatives

Le déploiement des COMP s'étale sur la période 2023-2025, l'objectif initial étant un déploiement expérimental du dispositif en trois vagues d'établissements, la totalité d'entre eux devant avoir conclu un COMP à l'issue de la vague 3. La première vague a été lancée en 2023, la deuxième en 2024 et la troisième est en cours de négociation.

D'après les réponses fournies par le ministère, le nombre d'établissements ayant signé un COMP était de 17 pour la première vague, de 39 pour la deuxième et devrait être de 50 dans la dernière vague, encore en cours de négociation. Ce nombre diffère légèrement de celui annoncé en amont par le ministère (42 établissements pour la vague 2 et 54 établissements pour la vague 3).

Nombre d'établissements d'enseignement supérieur ayant conclu un COMP

NB : s'agissant de la vague 3, il s'agit des établissements dont le COMP est en cours de négociation

Source : commission des finances

La mise en place des COMP s'est déroulée dans un temps très contraint ; dès lors, la clé de répartition des vagues avait pour objectif d'aller vite en gardant une relative cohérence. Le ministère a indiqué avoir pondéré chaque vague en fonction des critères suivants :

- répartition géographique la plus large possible sur le territoire ;

- profil d'établissement (université, école, grand établissement, établissement public expérimental). En réalité, on note une proportion importante d'EPE dans la première vague (près de 50 % des établissements), contre un seul dans la deuxième ;

- la taille des établissements ;

- les calendriers électoraux des établissements.

Afin d'assurer un équilibre budgétaire entre les différentes vagues, le montant cumulé des subventions pour charges de service public (SCSP) des établissements de chaque vague représentait un tiers des SCSP totales versées par le ministère. En conséquence, les plus gros établissements ont pour la plupart été inclus dans la première ou de la deuxième vague ;

Pendant les premières années des COMP, les établissements des vagues 2 et 3 ont bénéficié d'un dialogue de performance, sur le modèle du DSG.

Conséquence de ce calendrier glissant, les contrats des établissements de la première vague se terminent dans quelques mois, alors que ceux de la vague 3 ne sont pas encore formellement signés.

2. Une négociation au pas de course de la première vague

L'impression générale qui se dégage des établissements de la première vague a été celui d'un déploiement dans l'urgence, ayant mis sous tension les équipes des établissements comme celles des rectorats. Celles-ci ont échangé de mi-mars à mi-mai, les arbitrages budgétaires étant rendus en juillet. Ce calendrier contribue à expliquer certaines lacunes des COMP de la première vague, notamment en termes de réflexion stratégique.

L'audit flash de la Cour des comptes a critiqué le « calendrier à marche forcée dans son élaboration et sa mise en oeuvre ». Elle mentionne qu'à titre d'exemple, l'université de Montpellier a dû élaborer un projet de contrat d'objectifs, de moyens et de performance en deux mois, en avril et mai 2023.

La Cour indique que ce calendrier a conduit les établissements à faire figurer des projets déjà engagés ou prêts à l'être. Ce constat n'implique pour autant pas nécessairement une dégradation de la qualité des projets financés, qui s'inscrivent davantage dans le projet général de l'établissement que des actions ad hoc inscrites dans le COMP à la hâte.

Calendrier de la première vague des COMP

(En 2023)

Dates

Étapes

Acteurs

Mi-mars

Lancements du dialogue COMP (circulaire « dialogue COMP »

DGESIP

De mi-mars à fin mai

Accompagnement des établissements dans l'élaboration des bilans et perspectives

Recteurs

22 mai

Retour des projets de COMP des établissements au ministère, et avis des recteurs sur les projets de COMP

Établissements
Recteurs

Du 8 juin au 13 juillet

Dialogue COMP avec établissements, en présence des recteurs (un calendrier glissant avec l'ordre de passage des établissements sera précisé)

DGESIP DGRI
Recteurs
Établissements
(et si nécessaire partenariats)

Fin juillet

Communication des arbitrages aux rectorats et aux établissements

DGESIP

Septembre

Retour d'expérience de la campagne

Établissements
Recteurs

Automne

Circulaire 2024

MESR
Recteurs
Établissements

Source : circulaire du 22 mars 2023

3. Un cadre continuellement mouvant entre 2023 et 2025 mais un consensus sur l'amélioration du processus de négociation des contrats

Conséquence de ce déploiement très rapide, le choix a été fait de procéder à une rectification des limites constatées pendant le déploiement de la première vague par le biais d'ajustements au fur et à mesure des vagues suivantes.

L'exemple le plus flagrant est celui de l'apparition de Quadrant, utilisé à partir de la deuxième vague, et qui donne une tout autre ampleur à l'axe « formation » au travers de la mise en place quasi systématique d'indicateurs de formations transformées. Pour autant, si la DGESIP avait fixé pour la vague 2 une obligation de modification de 15 % de l'offre de formation sur la vague 2, ce ne sera qu'une cible indicative pour la vague 3.

Autre exemple, les établissements de la vague 1 étaient autorisés à recruter en mobilisant des financements COMP. Le COMP de Sorbonne universités permet ainsi 13 recrutements anticipés par an dans des domaines stratégiques. Cette possibilité a été exclue par le ministère pour la suite des contrats, ce qui est logique dès lors que les dépenses de personnel engagent les établissements au-delà des trois ans du contrat.

La méthodologie de négociation des contrats a également évolué depuis 2023, au fur et à mesure que les rectorats devenaient familiers de l'exercice. France universités souligne ainsi « un accompagnement ministériel plus structuré au fil du temps ». Pour la vague 3, une note de la DGESIP aux recteurs de septembre 2024 démontre un renforcement de la comitologie interne au ministère, sur la base de la réalisation d'une contre-expertise du COMP par les services du ministère, celui-ci pouvant par exemple proposer aux établissements des objectifs de substitution relevant de la même politique publique.

Les ajustements entre 2023 et 2025 auront indéniablement contribué à améliorer la procédure et la cohérence des contrats. Pour autant, les consignes mouvantes constituent une source de complexité et d'incertitudes pour les établissements comme pour le ministère. Une stabilisation du cadre contractuel aurait été bienvenue, une politique publique ne pouvant s'élaborer en modifiant tous les ans le cadre applicable aux opérateurs, comme cela a été le cas sur les trois dernières années.

II. DES FINANCEMENTS RÉDUITS MAIS UN EFFET DE LEVIER SOULIGNÉ PAR LES ÉTABLISSEMENTS

A. DES FINANCEMENTS PUBLICS RÉDUITS EN VOLUME

1. Un montant total d'environ 110 millions d'euros par vague de COMP

Concernant les moyens budgétaires associés aux COMP, le ministère annonçait initialement un budget de 100 millions d'euros pour chacune des trois vagues. Celui-ci a été en réalité légèrement supérieur pour la première et inférieur pour la deuxième.

Montant total contractualisé pour l'ensemble des établissements
de chacune des vagues

(en millions d'euros)

Vague de COMP

Montant contractualisé

Vague 1

112,42

Vague 2

107,74

Vague 3

Environ 120 (à déterminer)

Source : réponses au questionnaire du rapporteur spécial

S'agissant de l'origine de ces moyens, 35 millions supplémentaires avaient été prévus pour la première vague en LFI pour 2023 et conservés ensuite. Le reste du déploiement des COMP s'est fait à moyens constants, en mobilisant des crédits déjà consacrés au dialogue contractuel au sens large. En particulier, les moyens consacrés avant 2023 au dialogue stratégique et de gestion ont été logiquement réintégrés dans les COMP.

Origine des crédits accordés dans le cadre des COMP

(en millions d'euros)

Ligne budgétaire

Montant annuel

Crédits spécifiques COMP

35

Ligne « dialogue contractuel » des crédits accordés dans le cadre de la LPR

30 à 50

Redéploiement des crédits prévus pour le DSG

35

Source : réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Les 110 millions d'euros correspondant environ à 0,8 % du total des SCSP versés aux établissements de chacune des vagues, cette proportion devait constituer la cible pour l'attribution des moyens à chaque établissement.

En réalité, on constate de légères variations selon les établissements. Le ministère indique que cette répartition s'est fondée sur un ensemble de critères : « les avis formalisés objectif par objectif par les experts sectoriels ; l'avis et les propositions des recteurs prenant en considération la pertinence de chaque COMP au regard du contexte local ; les échanges avec le directeur général et son adjoint lors de la réunion préparatoire dédiée à chaque établissement ; la qualité de la réunion de dialogue COMP et les réponses apportées par chaque établissement ». Alors que la majeure partie des projets n'était pas complètement chiffrée dans les contrats et que les montants ne sont pas définis par projet mais par objectif, il est cependant douteux que la définition des montants ait à ce point été adaptée à la réalité de la dépense attendue.

Certains recteurs, interrogés par le rapporteur spécial, ont clairement assumé leur volonté d'assurer par le biais des COMP un très léger rééquilibrage de la SCSP pour les établissements considérés comme sous-dotés. De surcroît, les arbitrages budgétaires n'étant pas motivés, établissements comme recteurs ont indiqué ne pas avoir d'explication concernant les différences entre les montants demandés et obtenus.

En tout état de cause, les montants versés s'écartent en réalité assez peu de la cible générale. Les montants versés à la vague 1 représentent 0,81 % de la SCSP de l'ensemble des établissements concernés, ceux versés à la vague 2 représentent 0,77 %. Pour la vague 2, les montants vont de 0,76 % de la SCSP (INSA de Lyon) à 0,99 % (Université Bretagne Sud). Pour la vague 1, ils vont de 0,55 % (Paris Saclay) ou 0,64 % (Université de Rennes) à 1,01 % (Université de Guyane).

Répartition des montants accordés au titre des COMP sur 3 ans

(en euros)

Vague

Établissements

Dotations COMP

pour 3 ans

Vague 1

Aix-Marseille Université

13 100 000 

Sorbonne Université

12 360 000 

Université de Lille

12 100 000 

Université Paris Saclay

10 784 000 

Université de Bordeaux

9 200 000 

Université de Strasbourg

8 900 000 

Université de Rennes

8 000 000 

Université de Montpellier

7 900 000 

Nantes Université

6 700 000 

Université Clermont Auvergne

6 400 000 

Paris Sciences & Lettres (PSL)

5 774 000 

Université de Poitiers

5 000 000 

Université Gustave Eiffel

2 050 000 

La Rochelle Université

1 540 000 

Université Le Havre Normandie

1 500 000 

Université de Guyane

760 000 

INSA Val-de-Loire

350 000 

Vague 2

Université Claude Bernard Lyon 1

7 781 000 

Université Lumière Lyon 2

3 210 000 

Université Jean Moulin Lyon 3

2 282 000 

INSA Lyon

2 214 000 

Université Savoie Mont Blanc

2 438 000 

Université de Franche Comté

4 064 000 

Université Technologique de Belfort

760 000 

ENSMM

296 000 

Université Bretagne-Sud

2 014 000 

Université d'Orléans

3 414 000 

Université de Tours

4 284 000 

Université de Haute Alsace

1 970 000 

Université de Lorraine

12 464 000 

Université de Reims Champagne Ardennes

4 351 000 

Université d'Artois

2 132 000 

Université du Littoral Côte d'opale

1 881 000 

Université d'Amiens Picardie Jules Verne

4 270 000 

Sciences Po

2 100 000 

INALCO

1 168 000 

Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

4 611 000 

IAE Paris

127 000 

Université Paris 10 - Nanterre

4 408 000 

Université Paris Est Créteil - Paris 12 

4 924 000

Université CY Cergy Paris

3 136 000 

Université d'Évry Val d'Essonne

1 807 000 

Université de Versailles Saint Quentin

2 757 000 

Université de Rouen Normandie

4 507 000 

INSA Rouen

601 000 

Université de Caen Normandie

4 877 000 

ENSI Caen

306 000 

Université de Pau et des Pays de l'Adour

2 417 000 

Université Montpellier 3 Paul Valéry

2 700 000 

Université de Nîmes

558 000 

Université de Perpignan Via Domitia

1 678 000 

INSA Toulouse

1 015 000 

Le Mans Université

1 898 000 

Centrale Méditerranée

373 000 

Université de Toulon

1 951 000 

Source : commission des finances d'après les données de la DGESIP

2. Une difficulté à suivre l'exécution de ces financements
a) Un suivi de la ventilation par objectif établi grâce aux contrats

Les crédits alloués au titre des COMP sont notifiés dans le cadre de la SCSP ne sont pas fléchés et ne donnent pas lieu à un suivi comptable distinct par l'État. En conséquence, le ministère ne peut disposer d'une vision consolidée sur l'exécution que par le biais de questionnaires spécifiques aux établissements. Ce point constitue une limite notable à la reprise des financements, comme indiqué infra.

Les contrats ne prévoient pas de financements par action, mais au niveau de l'objectif. En conséquence, il est possible d'indiquer la proportion des différents objectifs sur le total des financements.

Si, à première vue, la répartition des financements contractualisés est à peu près équivalente entre tous les objectifs, trois d'entre eux ont davantage concentré les financements dans le cadre des vagues 1 et 2 (jusqu'à 20 % pour l'axe « Adaptation de l'offre de formation », contre seulement 13 % pour l'axe « bien-être étudiant »).

Répartition des financements des deux premières vagues par axes

(en %)

Source : commission des finances

Le montant moyen accordé par objectif varie tout de même presque du simple au double entre les objectifs.

Montant moyen accordé par objectif

(en euros)

Source : commission des finances

Exemple de ventilation des moyens par objectif :
le COMP 2024-2026 de l'université de Perpignan

(en euros)

Objectif

Sous-objectif

Total des moyens contractualisés

Part de l'objectif dans les financements

Pilotage de l'offre de formation

Transformer l'offre de formation pour augmenter la réussite et l'insertion professionnelle des étudiants

385 940

23,0 %

Former tous les étudiants à la transition écologique et à la responsabilité sociétale

Enrichir l'offre de formation et favoriser l'agilité du parcours de l'étudiant

Recherche et Innovation

Développer la transdisciplinarité en matière de recherche et d'innovation

453 060

27,0 %

Transition écologique et développement soutenable

Réduire l'impact environnemental et énergétique de ses campus et de ses activités

134 240

8,0 %

Bien-être et réussite des étudiants

Créer un îlot vert et aménager des espaces extérieurs pour en faire des lieux de partage pour les
étudiants

218 140

13,0 %

Gestion et pilotage

Se doter d'un dispositif de pilotage des heures d'enseignements en vue de mieux les maîtriser

352 380

21,0 %

S'engager dans la gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences ( GPEEC )

Améliorer la qualité des processus de gestion relevant du domaine du patrimoine immobilier et réorganiser les 7 services du patrimoine immobilier

Définir une politique « qualité de vie au travail », professionnaliser les acteurs impliqués par la formation et doter université d'un outil de diagnostic

Objectif propre à l'établissement

Renforcer la marque « université de Perpignan »

134 240

8,0 %

Total

1 678 000

 

Source : COMP de l'université de Perpignan

On note par ailleurs d'importantes différences entre les vagues. La vague 1 a principalement financé les actions liées à l'axe « signature » (la vague 2 représente moins d'un tiers des financements totaux pour cet axe) ou l'axe « recherche ». À l'inverse, deux-tiers des actions liées à l'objectif « formation » ont été financées par la vague 2.

Répartition des financements par objectif selon les vagues

(en millions d'euros)

Source : commission des finances

b) Un retard à craindre dans l'exécution des financements

Le versement des financements prévus au titre des COMP doit s'étaler sur trois ans : 50 % sont versés la première année du COMP ; 30 % la deuxième et enfin le solde (20 %) ne devrait théoriquement l'être que sous réserve de l'atteinte des cibles prévues dans le contrat.

Du fait de la courte durée des contrats, il est cependant probable que les établissements n'aient pas pu engager suffisamment rapidement les dépenses pour que l'exécution budgétaire soit satisfaisante. Ainsi, pour la première vague, les établissements n'ont pas pu exécuter les crédits des fonds versés au titre de la première année sur l'année 2023, car ils ont été versés tardivement. Par ailleurs, l'université Reims Champagne-Ardenne indique avoir par exemple rencontré des difficultés notamment liées aux délais de recrutements, aux contraintes liées aux marchés publics (coûts et délais), ainsi que les contraintes budgétaires nationales (absence de vote de PLF et période des services votés ayant limité l'engagement de dépenses nouvelles).

Si le ministère n'a pas pu fournir au rapporteur spécial des taux d'engagement consolidés, la DGESIP a indiqué avoir constaté des taux d'exécution très faibles, liés à l'incomplète capacité des établissements à mettre en oeuvre l'ensemble des actions dans les délais.

À titre d'exemple, l'université Clermont-Auvergne, dont le COMP s'inscrit dans la première vague (et porte donc sur la période 2023-2025) n'avait engagé à fin 2024 (c'est-à-dire au cours de la deuxième année de son contrat) qu'un quart des financements prévus. À la fin 2026, c'est-à-dire un an après la fin théorique du contrat, l'université anticipe n'avoir exécuté que 80 % de la dépense. D'après le ministère, ces taux sont comparables à ceux des autres établissements.

Par ailleurs, les taux d'exécution des dépenses de personnel, pour les établissements qui avaient contractualisé sur des recrutements, sont moins élevés que les dépenses de projets, lesquels ont pu être plus facilement lancés. Ainsi, pour Clermont-Auvergne, les taux d'exécution fin 2024 sont de 36 % en fonctionnement et investissement et de 20 % seulement en personnel. Ces taux seraient de respectivement de 98 % et 71 % à fin 2026.

Un exemple : l'exécution du COMP de l'université Clermont-Auvergne

(en euros et en %)

 

Montant prévu

Exécution à fin 2024

Exécution prévisionnelle à la fin 2026

Formation

814 200

26,3 %

67,7 %

Recherche et Innovation

1 320 600

36,3 %

95,3 %

Transition écologique et développement soutenable

1 208 400

22,7 %

84,7 %

Bien-être et réussite des étudiants

1 024 000

34,1 %

84,6 %

Gestion et pilotage

1 102 400

11,8 %

62,3 %

Objectif propre à l'établissement

390 400

28,4 %

95,9 %

Total

5 860 000

26,6 %

81,7 %

Source : commission des finances d'après les documents transmis par l'université de Clermont-Auvergne

B. UN FINANCEMENT PAR L'ÉTAT QUI N'AVAIT PAS VOCATION À ÊTRE INTÉGRAL

1. Une mécompréhension sur la cible des 0,8 % de la subvention pour charges de service public

Comme indiqué plus haut, les moyens alloués aux COMP représentent pour chacun des établissements concernés entre 0,62 % et 1 % de leur subvention pour charge de service public. Pour autant, les débats sur le caractère très limité de cette proportion reflètent une forme de qui pro quo sur les montants du COMP. Les financements COMP n'ont en effet pas vocation à couvrir l'intégralité des projets décrits dans le contrat, mais à servir d'amorçage. Ils ont pour objectif principal de financer des projets qui n'émargent pas au socle de la SCSP mais qui ne peuvent être intégralement financés par des appels à projet « recherche » classiques.

D'autre part, les COMP ne portent pas uniquement sur les financements : les financements sont « assortis » aux COMP, mais les aspects contractualisés ne font pas nécessairement l'objet d'un financement.

En outre, la cible des 0,8 %, si elle est effectivement arbitraire, doit être mise en perspective. Alors que les dépenses des universités sont en quasi-totalité des dépenses dites « contraintes », les crédits COMP représentent en réalité environ 10 % des crédits libres d'usage. Leur effet de levier est donc d'autant plus important. France universités l'indique ainsi clairement : « depuis une dizaine d'années la SCSP n'a pas été actualisée, faute d'un modèle d'allocation des moyens. Dans ces conditions, pour les établissements, notamment ceux qui ne sont pas à recherche intensive, le COMP en dépit de son montant modeste, peut avoir un réel effet de levier ».

Les établissements regrettent que les COMP ne puissent compenser la progression des dépenses contraintes des établissements. Pour autant, ils ont pour objectif de financer des projets stratégiques spécifiques, et non de constituer une marge d'ajustement budgétaire, même s'ils peuvent de fait avoir ce rôle pour certains établissements en difficulté.

2. Une absence de vision globale sur les co-financements liés au COMP

Un des objectifs des COMP avancés par le ministère était d'inciter les établissements à développer des cofinancements extérieurs. Les collectivités territoriales et les acteurs locaux peuvent en effet être associés à la réalisation de certains objectifs.

Il n'est cependant pas certain que le mode actuel de contractualisation ait incité la majeure partie des établissements à accroître leurs ressources propres. Il est plus vraisemblable que les financements COMP aient été utilisés pour compléter le financement de projets déjà engagés.

Les COMP ont permis de mobiliser des financements de l'AMI CMA, en particulier pour les actions de transformation de l'offre prévues dans l'axe « formation ». Le ministère indique que, pour les établissements ayant bénéficié du COMP en 2023, seuls 17 millions d'euros sont financés au titre des COMP sur 140 millions d'euros de projets portant sur la formation, les 123 millions d'euros restants provenant de l'AMI CMA. L'université Paris Saclay a précisé en audition que les financements obtenus par l'AMI CMA s'élèvent à la moitié du montant total de son COMP, tous objectifs confondus.

Il est en revanche difficile de chiffrer l'effet levier des COMP, en particulier leur capacité à mobiliser des financements extérieurs aux ressources des établissements, notamment les autres sources de financement de l'État. Le ministère indique dans ses réponses au rapporteur spécial que « les cofinancements évoqués par les établissements ne font pas l'objet d'un engagement du cofinanceur dans le COMP. Ils ne sont donc pas recensés ». En effet, si la maquette de la vague 2 des COMP contient un encart « cohérence des projets stratégiques », les établissements sont invités à « inscrire la source de financement et non le montant », ce qui complexifie la remontée d'informations.

Le ministère liste quelques projets co-financés par les collectivités ou par des acteurs privés dans le cadre des COMP, parmi lesquels :

- le Havre université a inscrit dans son COMP la création d'un « Hub Plateformes Numériques et Technologique » dont l'un des enjeux consistera à intensifier la relation entre l'université et les acteurs socio-économiques ;

- l'INSA de Lyon propose de former les cadres et décideurs de la transformation socio-écologique et numérique, avec le soutien de la Région ;

- l'université de Pau et des Pays de l'Adour ambitionne de créer un laboratoire transfrontalier des socio-écosystèmes pyrénéens ayant vocation à fédérer l'ensemble des acteurs dont les collectivités, notamment la région Nouvelle Aquitaine qui financerait le volet lié à l'observation ;

- la Rochelle Université souhaite développer une offre de formation sur le Niortais autour du numérique et de l'intelligence artificielle en prenant appui sur une coopération engagée sur ce territoire à partir de financements de l'agglomération ;

- l'université de Bordeaux s'est engagée dans une formation aux premiers secours en santé mentale financée par la région Nouvelle-Aquitaine.

Il existe vraisemblablement d'importantes différences entre établissements sur leurs capacités à utiliser le COMP pour développer leurs cofinancements. Si, comme l'indique France universités, certains établissements ont su utiliser les COMP comme levier pour renforcer des financements complémentaires, les plus petits établissements manquent parfois des moyens d'ingénierie. Ainsi, les réponses de Paris Saclay au questionnaire du rapporteur spécial démontrent un réel travail sur la complémentarité des financements. Toutes les universités n'ont cependant pas des moyens identiques.

Ce constat rejoint celui effectué plus haut sur l'absence d'inscription des projets COMP dans un contexte économique général. Les prochains COMP devront donc impérativement appuyer sur la nécessité de construire les actions en y intégrant un objectif chiffré de co-financement, afin de garantir la cohérence entre les financements COMP et la stratégie globale de l'établissement. Ce chiffrage contribuera également à améliorer l'articulation des COMP avec France 2030, dès lors que le Secrétariat général pour l'Investissement (SGPI) devrait également être associé à la négociation des contrats lorsque ceux-ci reposent en grande partie sur des financements « relance », notamment sur l'AMI-CMA.

Le cabinet du ministre a indiqué au rapporteur spécial que les prochains COMP avaient vocation à associer l'ensemble des co-financeurs. En particulier, il est souhaitable que les collectivités territoriales soient également signataires des COMP, dans la mesure où elles sont associées au financement de projets.

Recommandation : associer formellement l'ensemble des co-financeurs à la signature du COMP, y compris les organismes nationaux de recherche, les collectivités territoriales et les partenaires économiques, et faire figurer dans le contrat les montants de co-financements attendus (DGESIP, organismes nationaux de recherche, collectivités territoriales, SGPI, entreprises)

III. UN SUIVI COMPLEXE QUI COMPROMET LA PERSPECTIVE D'UNE RÉELLE CONDITIONNALITÉ DES FINANCEMENTS

A. RÉPONDRE À L'IMPÉRATIF DE SIMPLIFICATION DES CONTRATS EN LES RESSERRANT SUR UN PETIT NOMBRE D'INDICATEURS

1. Des indicateurs si nombreux qu'ils sont contreproductifs

L'apport principal des COMP, sur le principe, est que les contrats reposent sur des objectifs de performance, donnant in fine lieu à un ajustement des financements. Le guide méthodologique de la vague 1 précise que l'atteinte des objectifs du COMP doit être quantifiable par des indicateurs et des jalons annuels associés, matérialisant leur réalisation.

Les indicateurs des COMP sont de deux ordres :

- d'une part, des indicateurs choisis librement par les établissements, sous le contrôle des rectorats ;

- d'autre part, des indicateurs nationaux construits par le ministère. Ces derniers sont une minorité. Pour la vague 2, il n'existait que 3 indicateurs communs : le nombre de formations transformées parmi les moins performantes ; la formation de tous les étudiants de premier cycle à la transition écologique et au développement soutenable et le dépôt de demandes de financements et taux de succès au European Research Council (ERC).

La Cour des comptes a effectué un recensement des indicateurs, en soulignant leur « dispersion », dès lors qu'il existait plus de 650 indicateurs différents. Les informations fournies par le ministère indiquent que le nombre d'indicateurs recensés par le ministère a continué de croître depuis les travaux de la Cour des comptes. En mars 2025, on en dénombrait 850. Lors des auditions fin mai 2025, la DGESIP évoquait un nombre supérieur à 900.

Nombre total d'indicateurs par objectif début 2025

(Ensemble des COMP vagues 1 et 2)

Source : commission des finances

Les indicateurs sont nettement plus nombreux dans les objectifs sur lesquels des indicateurs nationaux sont obligatoires. A contrario, l'axe « signature » ne représente que 10 % des indicateurs, ce qui semble indiquer que les établissements se sont moins engagés dans la réalisation d'actions concrètes sur cet aspect.

Répartition des indicateurs par objectif

(en %)

Source : commission des finances

Le nombre d'indicateurs peut varier du simple au double selon les établissements, sans qu'il n'y ait de corrélation directe avec leur taille ou avec les moyens accordés. Ainsi, pour les établissements de la vague 1, le nombre moyen d'indicateurs par établissement est de 13.

Nombre d'indicateurs dans les COMP des établissements de la vague 1

 

Nombre d'indicateurs dans le COMP

Aix-Marseille Université

17

Université Gustave Eiffel

8

Université de Montpellier

8

Nantes Université

12

Université de Lille

14

INSA Centre - Val de Loire

13

Université de La Rochelle

13

Université Paris Sciences & Lettres

14

Sorbonne-Université

10

Université de Bordeaux

17

Université Clermont Auvergne

16

Université de Guyane

14

Université Le Havre Normandie

12

Université de Strasbourg

17

Université Paris-Saclay

16

Université de Rennes

11

Université de Poitiers

13

Total

225

Source : commission des finances

Ce foisonnement n'est cependant pas signe de qualité, mais rend extrêmement complexe leur consolidation au niveau national et, in fine, leur suivi par le ministère quasi impossible. Le sur-mesure attendu par les établissements se heurte à la nécessité de piloter au niveau national et engendre la multiplication d'indicateurs « anecdotiques », qui semblent davantage relever de la gestion interne de l'établissement que de la contractualisation avec l'État.

En conséquence, il est impératif de recentrer les contrats sur un petit nombre d'indicateurs, communs à l'ensemble des établissements. Cela n'empêchera d'ailleurs pas les établissements qui le souhaitent de conserver leurs propres indicateurs de performance en interne.

Enfin, au-delà de la diversité des indicateurs, il n'existait pas non plus de modalités communes de définition des objectifs. Ainsi, si les indicateurs mesurant le taux de réussite des étudiants, il n'existe pas de définition de la réussite au niveau national, comme l'avait indiqué le rapporteur spécial dans son rapport sur la loi ORE précédemment mentionné. Afin de s'assurer de la cohérence du pilotage, il sera nécessaire que les prochains indicateurs s'appuient également sur des définitions et des méthodes de calcul communes.

Recommandation : limiter le nombre d'indicateurs nationaux présents dans les contrats, dont l'atteinte sera calculée sur la base d'une méthode de calcul harmonisée au niveau national (DGESIP, Sous-direction des systèmes d'information et des études statistiques (SIES))

2. Des indicateurs dont la qualité est hétérogène

La circulaire de la vague 2 mettait l'accent sur la nécessité de distinguer les indicateurs de réalisation de l'action des indicateurs de résultat « si l'établissement souhaite installer des compteurs électriques qui permettront de mieux vérifier (et donc réguler) la consommation électrique de chaque bâtiment, l'indicateur ne doit pas être « Installation de X compteurs » mais pourrait être « Réduction de X % de la consommation électrique » ». Les rectorats ont cependant indiqué avoir dû mener un travail approfondi sur ce point avec les établissements.

Dans certains cas, les indicateurs du COMP ont pu faire écho aux travaux menés en amont par les établissements. Paris Saclay indique ainsi que « le COMP a ainsi été l'opportunité de poursuivre nos efforts en matière de définition et de choix d'indicateurs de résultat ». Là encore, le résultat est variable selon la maturité des établissements.

Il est fréquent, pour ne pas dire systématique, que les cibles chiffrées figurant dans les COMP ne fassent l'objet d'aucune justification concernant leur niveau ou leur méthode de calcul. Faute d'explication, il ressort donc de l'analyse des contrats une impression générale de fixation arbitraire ou factice d'un grand nombre de cibles ou de jalons.

Certains établissements admettent le caractère irréalisable de certains indicateurs. Par exemple, l'URCA a fait figurer dans son COMP une réduction des gaz à effets de serre de 20 % en 3 ans, dont l'université indique qu'il est « absolument impossible à tenir ».

Tout aussi étonnant, plusieurs établissements font figurer dans leur contrat des indicateurs dont la cible reste « à déterminer ». 5 des 14 indicateurs du COMP de PSL ont ainsi des cibles 2025 notées comme « à déterminer ». D'autres indicateurs sont peu fiables : le rectorat délégué de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur indique ainsi que, pour la vague 1, « on constate cependant que certaines valeurs initiales sont erronées, ce qui fausse l'objectif cible fixé ».

Une partie de ces limites découle du peu de temps de négociation des contrats. Cet aspect est par exemple explicité Paris Saclay : « les périodes d'arbitrage dans le cadre d'échanges pas toujours normés n'ont pas permis une adaptation progressive des indicateurs. En résulte une certaine décorrélation entre les indicateurs retenus et les actions explicitées dans la version définitive ».

B. FAUTE DE SYSTÈME D'INFORMATION, UN PROCESSUS DE SUIVI ARTISANAL, LOURD ET CHRONOPHAGE

Le rapporteur spécial l'a déjà indiqué dans nombre de ses travaux : le fait d'avoir confié l'autonomie aux universités en l'absence de système d'information consolidé entre l'État et les établissements d'enseignement constitue le « péché originel » de la loi LRU21(*). À défaut d'avoir anticipé cet aspect, cela fait bientôt vingt ans que les établissements et le ministère sont réduits à échanger sur la plupart des sujets par le biais d'enquêtes et de transmission par e-mails de documents dactylographiés.

L'élaboration et le suivi des COMP ne font à cet égard pas exception. La DGESIP n'a pas déployé d'outil informatique dédié à la gestion du COMP. De ce fait, les établissements et les services des rectorats multiplient les transferts de documents, sans qu'il n'existe d'ailleurs de plate-forme permettant de transmettre des documents de façon centralisée. Ce travail est excessivement chronophage et consommateur d'énergie, pour les équipes des établissements comme celles des rectorats et de l'administration centrale. Alors que nombre de projets des COMP ont trait à l'intelligence artificielle ou au déploiement de systèmes d'information, il est paradoxal que le suivi de ces contrats repose encore sur un système artisanal qui peut être qualifié d'archaïque.

Recommandation : développer un outil informatique spécifique à la négociation et au suivi des COMP, permettant des échanges entre la DGESIP, le rectorat et les établissements à tous les stades du processus (DGESIP, SIES)

C. UNE DURÉE TROP COURTE DU CONTRAT, DÉSYNCHRONISÉE AVEC LES AUTRES TEMPORALITÉS DE L'ÉTABLISSEMENT

1. Une difficile articulation avec les autres temporalités de l'établissement

La circulaire de la vague 1 indiquait que « les COMP s'articuleront avec le contrat pluriannuel en permettant de démontrer une vision globale et cohérente de l'utilisation des différents financements [...] La durée des COMP sera cohérente avec les actions portées et financées ainsi qu'avec la vie de l'établissement (gouvernance et évolution interne) et l'évolution des politiques publiques ». Là encore, la réalité n'est pas à la hauteur des intentions louables exprimées lors du lancement des contrats.

Dans son audit flash, la Cour des comptes note que le calendrier des COMP, sur une durée cible de trois ans, aggrave la désynchronisation existante entre les différents cadres de dialogue entre l'État et les établissements : le dialogue budgétaire se décline à un rythme annuel, les contrats d'établissement et les évaluations du Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (Hcéres) ont lieu tous les cinq ans, l'élection de la gouvernance des établissements est organisée tous les quatre ans.

La Cour recommande donc de parvenir à un contrat unique liant les établissements au ministère, aligné sur les mandats des présidents et les campagnes d'évaluation du Hcéres. La fusion des contrats quinquennaux et des COMP avait d'ailleurs été présentée comme un objectif dès 2023 par la ministre Sylvie Retailleau.

Ces recommandations semblent avoir été entendues du fait de l'annonce de la nouvelle génération de COMP (cf. infra). Il faut cependant noter que ces nouveaux contrats ne pourront pas davantage être contraignants que les précédents sur le plan budgétaire, les moyens restant attribués annuellement.

2. Une temporalité trop contrainte pour une réelle mesure des réalisations

Les objectifs des COMP sont d'autant plus ambitieux que les contrats ne s'étalent que sur trois ans. La mise en place des actions a en outre été retardée par le délai de contractualisation, ce qui a conduit les établissements à considérer que les objectifs des contrats étaient « irréalisables » dans le temps du COMP (cf supra).

Par ailleurs, si certaines actions peuvent être réalisées dans les trois ans, les projets les plus structurants pour les universités nécessitent fréquemment de se déployer sur un temps plus long : rénovation énergétique des bâtiments, évaluation de l'impact d'une modification de la maquette d'une formation sur l'insertion professionnelle des étudiants...

Certains établissements intègrent ainsi dans leurs COMP des hypothèses de financement qui s'étendent bien au-delà des trois ans du contrat. Par exemple, le COMP de l'Université de Montpellier (vague 1) prévoit que seront versés 100 000 euros au titre du COMP pour le « projet de création d'une filière d'ingénieurs répondant à la stratégie nationale portée par France 2030 pour la réindustrialisation, le développement de l'hydrogène vert et la décarbonation de l'industrie ». Le COMP mentionne pourtant d'ores et déjà que seront versés ensuite 300 000 euros par an à partir de 2026, intégrés dans la SCSP au titre des actions spécifiques, puis, qu'après 2028, la somme sera ensuite intégrée à partir de 2028 dans la dotation globale de l'établissement.

Dans ces conditions, il est difficile de réellement évaluer la performance des établissements sur les temporalités initialement prévues dans les contrats. Les prochains contrats devront donc être plus longs. À cet égard, l'annonce du ministre des prochains COMP en cinq ans paraît davantage adaptée au rythme des établissements.

La circulaire de la première vague des COMP justifiait la durée de 3 ans en indiquant qu'elle permettrait « un suivi plus fin des actions de remédiations demandées et qui n'étaient pas questionnées réellement entre les deux points d'évaluation distants de 5 ans ».

Pour autant, une durée de cinq ans pour les contrats ne doit pas impliquer une réduction des échanges entre le ministère et les établissements au cours de cette période. En conséquence, il serait pertinent d'intégrer un ou plusieurs points d'étape avant l'échéance du contrat. Une revoyure à 3 ans, permettant au ministère de s'assurer de la bonne exécution des projets, permettrait de concilier la nécessité d'un suivi continu avec un rythme de déploiement des contrats davantage adapté aux établissements.

Recommandation : prévoir au sein des prochains contrats sur 5 ans une revoyure à 3 ans, complétant le suivi réalisé par le ministère tout au long du contrat (DGESIP, établissements)

D. LA CONDITIONNALITÉ DES FINANCEMENTS AURA-T-ELLE VRAIMENT LIEU ?

1. Un cadre de suivi insuffisamment formalisé
a) Des modalités de reprise inconnues

La rupture des COMP résidait dans la possibilité théorique pour le ministère de « reprendre » des financements en cas de non-atteinte des objectifs chiffrés figurant dans les contrats. Cependant, le ministère ne semble pas s'être pleinement donné les moyens de mettre en place une conditionnalité effective des financements. Rien n'a été précisé sur les conditions pratiques de cette reprise lors du lancement des COMP.

Il n'est pas encore clair pour tous les établissements si ces crédits seront versés la dernière année du contrat ou à l'échéance de celui-ci. Plusieurs établissements indiquent, dans leurs réponses, que les montants pouvant être repris équivalent à la dernière tranche de versement des crédits, soit 20 %. Cela correspond en effet à ce qu'indiquait la circulaire de la première vague.

Or, les réponses du ministère semblent laisser croire que la conditionnalité sera en réalité assurée par le biais d'une reprise sur le contrat suivant, dès lors que la DGESIP indique que le bilan final des contrats ne pourra être réalisé qu'à l'issue des trois années. La Cour des comptes soulignait le « risque réel de non effectivité » de cette option. Le rapporteur spécial partage d'autant plus cette crainte que les prochains COMP n'auront pas le même périmètre que la première génération, et que rien n'est indiqué pour l'instant sur l'articulation entre les deux contrats.

Ainsi, alors que la première vague des COMP doit théoriquement prendre fin dans quelques mois, établissements comme rectorats ne disposent pas d'une vision sur le calendrier ou le mode de reprise des financements. Les réponses du ministère se contentent de préciser « qu'il n'est pas encore possible d'indiquer si les cibles ont été atteintes et [que] le montant des crédits non alloués ne peut être déterminé à ce stade du processus ».

Les questions sur la méthode de reprise des financements sont nombreuses. Dès lors que les contrats ne flèchent pas les financements sur la réussite de certaines actions et que les financements sont attribués par objectif et non par action, il est impossible de savoir comment serait répartie la reprise des crédits à l'issue du contrat.

b) Un dialogue de suivi qui ne devrait déboucher sur aucune conséquence concrète

Le ministère indique qu'une campagne de bilans intermédiaires des COMP est réalisée chaque année par les rectorats pour s'assurer du suivi des actions mises en place et le cas échéant, faire remonter des alertes. Ce point d'étape doit permettre d'échanger sur l'avancée des actions mises en oeuvre au titre du COMP et le degré d'avancement des indicateurs et des cibles.

Un bilan intermédiaire a bien eu lieu pour la première vague. Pour autant, les dates des bilans intermédiaires de la vague 2 ne sont pourtant pas encore connues, alors même que la deuxième année de ces contrats est déjà bien avancée.

Ce bilan dépasse le seul cadre du COMP, et doit également permettre de balayer les objectifs du contrat quinquennal, l'achèvement des projets antérieurement financés par le DSG et plus largement, dresser un « bilan des politiques publiques » au niveau de chaque établissement. Si, sur le principe, il est souhaitable que l'ensemble de ces sujets soient abordés entre les établissements et les rectorats, les sujets relevant strictement du COMP ne doivent pas être noyés dans les différents enjeux abordés au cours des échanges.

Là encore, la temporalité très contrainte du COMP implique que, si l'établissement n'a pas lancé ses projets en amont, la réalisation est trop peu avancée pour permettre un bilan intermédiaire pertinent sur les projets et leurs indicateurs.

Par ailleurs, il est difficile de déterminer l'impact concret de ce dialogue de suivi. Ce dernier s'effectue sur la base de tableaux fournis par la DGESIP et renseignés par les établissements. Il s'agit donc uniquement de déclaratif que, suivant leurs propres mots, les rectorats n'ont pas les moyens de contrôler finement.

D'après la circulaire sur le suivi adressée aux recteurs en avril 2024, ces échanges peuvent donner lieu à des « ajustements » en cas d'éléments extérieurs imprévus limitant la capacité de l'établissement à avoir atteint ses objectifs. Le rapporteur spécial n'a pas connaissance de cas où le dialogue de suivi aurait réellement donné lieu à une renégociation partielle du contrat.

Par ailleurs, le ministère n'a pas relié le bilan effectué à la moitié de la première vague, qui a conduit à une analyse et un avis des recteurs, avec le versement suivant : comme l'indique un rectorat, « le bilan intermédiaire permet cependant un temps d'échange entre le recteur et l'établissement, mais n'a aucun impact sur les financements du COMP ».

Ces bilans intermédiaires permettent néanmoins aux établissements de mettre à jour l'atteinte des cibles figurant dans leurs contrats. Les établissements semblent quant à eux avoir pour la plupart déployé une comitologie et des outils de suivi spécifiques.

2. Des doutes sur l'effectivité de la reprise des crédits en cas de non-atteinte des cibles

En l'état actuel des contrats, et au vu de la faiblesse des taux d'exécution et du décalage dans le temps des projets, le faible taux de suivi ne constitue pas nécessairement un indice fiable de la réalisation finale des contrats.

Pour autant, les facteurs qui rendent peu crédible la conditionnalité des financements sont nombreux et ont pour la plupart été déjà abordés : inadaptation des indicateurs et des cibles ; temporalité trop courte des contrats ; absence de système formalisé de suivi des indicateurs ; moyens trop limités des rectorats. S'y ajoutent les incertitudes sur l'articulation des COMP avec la prochaine génération de contrats, qui seront développées plus bas.

Dès lors, si le ministère dément avoir renoncé à l'idée de conditionnalité, il est probable que celle-ci se limitera dans le meilleur des cas à un contrôle de l'erreur manifeste. Les établissements comme les rectorats l'admettent d'ailleurs : « la conditionnalité des financements sera difficilement applicable. Elle pourra être appliquée que si l'établissement s'est beaucoup trop éloigné des attendus ou n'a pas lancé la réalisation des projets »22(*).

DEUXIÈME PARTIE
AVANT LA GÉNÉRALISATION DES COMP,
RÉFLEXIONS SUR LE FUTUR
DE LA CONTRACTUALISATION À LA PERFORMANCE DANS LE SUPÉRIEUR

I. UNE EXTENSION PRÉCIPITÉE DU CHAMP DES COMP, AVEC UN PÉRIMÈTRE RESTE INCERTAIN

A. UNE ANNONCE INATTENDUE QUI SOULÈVE DES QUESTIONS DE MÉTHODE

Le ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche a annoncé le 8 avril 2025 le déploiement de nouveaux COMP à partir de 2026, portant sur « l'intégralité de la subvention pour charges de services public ».

Ces contrats seront déployés dans deux régions académiques Provence-Alpes-Côte d'Azur et Nouvelle Aquitaine en 2025 et leur négociation sera confiée aux recteurs. L'ensemble des régions académiques devrait ensuite être concerné dès 2026.

L'annonce d'une fusion avec le contrat quinquennal n'est pas une nouveauté issue du rapport de la Cour, mais avait été évoquée comme horizon dès le lancement de la vague 1 des COMP.

Pour autant, cette annonce, qui répond à la publication dans les jours précédents de l'audit flash de la Cour des comptes, pose de nombreuses questions. D'une part, le calendrier, comme la méthode, ne peuvent que surprendre, dans la mesure où l'annonce est intervenue pendant la négociation de la troisième vague de COMP. Alors que les précédentes vagues de COMP n'ont pas toutes été déployées, que le ministère n'a pas lancé d'évaluation des COMP - l'audit flash de la Cour ne portant que sur la méthode et non sur le fond des contrats - et que les bilans intermédiaires de la vague 2 ne sont toujours pas prévus, il n'apparaissait pas opportun de réformer intégralement le dispositif avant d'avoir disposé d'un retour sur ses modalités actuelles.

Par ailleurs, il est douteux que les contrats puissent réellement être déployés en 2025 dans les régions PACA et Nouvelle-Aquitaine, sous peine de reproduire les erreurs des premiers contrats sur une négociation à marche forcée dont le cadre évoluera au fil de l'eau. Le calendrier paraît d'autant plus serré qu'à l'heure actuelle, très peu d'informations concrètes ont été transmises aux recteurs comme aux établissements des deux académies concernées. D'après un rapport de l'inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (IGESER), l'élaboration du contrat quinquennal est un processus dont la durée est estimée globalement à deux ans entre la phase d'auto-évaluation, préparatoire au travail d'évaluation du HCÉRES et sa signature23(*). Si ce délai peut être raccourci, il est peu probable qu'il puisse être limité à quelques mois sans nuire à la qualité du contrat, comme cela a été le cas sur les premières vagues des COMP.

Sur la méthode, il est regrettable que, comme dans nombre de domaines de politique publique, l'annonce de la généralisation ait précédé le bilan de l'expérimentation. Il eut été préférable d'attendre la fin des COMP précédents pour en tirer le bilan d'une part, et de laisser un intervalle de temps suffisant entre le déploiement dans les deux académies et l'extension des nouveaux COMP d'autre part.

Enfin, comme indiqué plus haut, l'articulation entre les deux types de contrats (anciens et nouveaux COMP) reste incertaine. Rien n'est indiqué pour l'instant sur la possibilité de mettre en oeuvre une reprise des financements dans les prochains contrats en cas de non-atteinte des objectifs des COMP précédents, les deux contrats n'ayant pas le même périmètre.

B. DES INQUIÉTUDES PERSISTANTES SUR LES PROCHAINS CONTRATS

1. L'ambiguïté de la « contractualisation à l'échelle de la SCSP »

Le ministère indique dans ses réponses au questionnaire du rapporteur spécial que « prenant acte des critiques qu'ont pu susciter les COMP et afin d'avoir un effet transformant plus fort, ils seront négociés sur l'intégralité de la subvention pour charge de service public ».

Le communiqué d'annonce des nouveaux contrats se réfère explicitement aux travaux de la Cour : « comme l'a souligné la Cour des Comptes dans son audit flash de mars 2025, les COMP ont aujourd'hui une portée trop faible, limitée à 0,8 % de la SCSP ». Outre que, comme décrit plus haut, les COMP fonctionnent sur le principe d'un effet de levier qui dépasse le montant contractualisé, l'extension à l'intégralité de la SCSP fait abstraction de la seconde partie du raisonnement de la Cour des comptes : celle-ci note que l'ancrage à 0,8 % de la subvention pour charges de service public constitue « une cible peu lisible et inéquitable ». En particulier, indexer les financements sur les SCSP conduit à avantager les établissements les plus importants et les plus intensifs en recherche, d'autant plus que les SCSP « n'ont pas fait l'objet d'actualisation récente, faute d'un modèle d'allocation des moyens actualisé permettant la convergence et le rattrapage d'établissements sous-dotés ».

Par ailleurs, il est possible d'émettre des doutes sur le concept de « contractualisation sur l'ensemble de la SCSP » pour plusieurs raisons.

D'une part, la part libre d'emploi de la SCSP est le plus souvent réduite, les dépenses contraintes (fonctionnement et personnel) constituant l'essentiel des dépenses des établissements. Par conséquent, le ministère indique que les montants contractualisés ne pourront en réalité pas aller au-delà de 2 %, qui constituent le plafond de la part variable pour de nombreux établissements.

D'autre part, les COMP actuels ont déjà permis de contractualiser sur des projets financés par de la SCSP (notamment sur le volet formation), d'autant plus que les financements COMP ont été intégrés aux SCSP des établissements des vagues 1 et 2.

2. Des inquiétudes sur le risque d'une annonce contre-productive au vu des limites constatées dans le contenu et le suivi des COMP actuels

L'analyse des COMP des vagues 1 et 2 souligne l'hétérogénéité des contrats et, comme cela a été montré plus haut, incite à s'interroger sur l'inégale maturité des établissements d'enseignement supérieur et la difficulté de certains à contractualiser autour de leur stratégie d'établissement. Il est peu probable que ces limites aient disparu d'ici quelques mois.

Alors que le cadre des COMP est mouvant depuis 3 ans, il est possible de craindre qu'une nouvelle transformation, plus ambitieuse, ne devienne contre-productive.

Par ailleurs, dans le contexte budgétaire contraint qui sera celui des prochaines années et alors que des hausses de crédits semblent difficilement envisageables en 2026, il ne serait pas souhaitable que la nouvelle formule des COMP ne conduise à des augmentations de crédits. Par conséquent, le lancement des COMP « nouvelle formule » devra se déployer à moyens constants, ce qui paraît difficilement acceptable pour les établissements.

Les SCSP demeurent variables selon les établissements. Par conséquent, la contractualisation à l'échelle de la SCSP ne permettra pas un rattrapage des établissements les moins dotés. La contractualisation avec les établissements doit constituer un outil de pilotage pour les établissements les mieux dotés et de sauvegarde pour ceux les plus en difficulté.

C. LA CRAINTE D'UN MANQUE DE MOYENS DES RECTORATS POUR FAIRE FACE AUX ENJEUX

Les nouveaux COMP ont pour objectif de pousser plus loin l'expérience des COMP actuels en matière de déconcentration. Le ministère a annoncé vouloir s'inscrire davantage dans une logique de contractualisation territorialisée, les recteurs ayant désormais un rôle de pilote.

Sur le principe, la poursuite du mouvement de renforcement des recteurs et l'adaptation du cadre de pilotage aux territoires ne peut être que saluée. Pour autant, le rapporteur spécial l'a déjà indiqué dans son précédent rapport d'information mentionné supra sur le suivi de la loi ORE : « le transfert de la compétence au rectorat, si elle répond à une déconcentration de l'action publique et, en théorie, à une meilleure connaissance des universités, implique la poursuite du renforcement du rôle du recteur délégué à l'enseignement supérieur ». Le rapporteur spécial partage la volonté exprimée par la plupart des recteurs de disposer d'un rôle pleinement assumé dans le dialogue stratégique et dans l'allocation territorialisée des moyens. La Cour des comptes a également formulé des recommandations dans le même sens dans son rapport Universités et territoires de 202324(*).

Cette volonté se heurte cependant à la réalité des moyens des rectorats et rectorats délégués à l'enseignement supérieur, lesquels demeurent trop peu dimensionnés. Les équipes des rectorats ont pourtant déjà été fortement sollicitées pour les vagues 1 et 2 des COMP, ainsi que pour la négociation de la vague 3, encore en cours. Les rectorats soulignent le « travail très lourd à moyens humains constants » qui a dû être réalisé depuis 2023, éloigné du contrôle de légalité et de contrôle budgétaire qui constitue le coeur de travail des rectorats délégués à l'enseignement supérieur. En outre, les moyens ne sont pas équivalents dans l'ensemble des rectorats.

Les recteurs délégués sont inégalement armés face à des établissements susceptibles d'avoir, pour certains, une envergure nationale. De plus, si les prochains contrats ont vocation à être davantage centrés sur les sujets recherche et sur les liens avec les opérateurs de recherche, les compétences des recteurs délégués restent limitées sur ces aspects qui sont du ressort de la direction général de la recherche et de l'innovation (DGRI), alors que les recteurs ont principalement pour interlocuteurs la DGESIP.

Par ailleurs, le rôle du rectorat doit être crucial sur le suivi des contrats et non pas uniquement sur leur élaboration. La ministre Sylvie Retailleau indiquait ainsi qu'il appartenait aux recteurs de « mener un suivi opérationnel des contrats »25(*). Elle précisait néanmoins également que « les rôles des rectorats et des directions du ministère doivent probablement être reprécisés suite à la phase d'expérimentation ».

Les rectorats ont exprimé des inquiétudes quant à l'évocation par le ministère d'un « COMP à 100 % de la SCSP » : « actuellement, les équipes ne sont pas dimensionnées ni outillées et ne disposent pas des compétences pour conduire des COMP qui emportent l'intégralité de la SCSP » (rectorat Auvergne-Rhône-Alpes) ; « les moyens d'accompagnement académique devraient être précisés pour soutenir efficacement l'exercice » (rectorat Provence-Alpes-Côte d'Azur) ; « La question des moyens se posera avec l'extension des COMP à l'intégralité de la subvention pour charges de service public, qui devrait impliquer un renforcement du rôle des rectorats, avec des besoins d'analyse, d'expertise et de connaissance plus approfondis » (rectorat Grand Est).

Le cabinet du ministre a tenté de répondre à ces craintes en indiquant que le suivi des prochains contrats serait simplifié par rapport aux précédents du fait d'une diminution du nombre d'indicateurs. Le processus de négociation demeure pour autant complexe pour les équipes des rectorats.

En réalité, comme indiqué plus haut, il est peu crédible que les prochains contrats permettent de refondre l'intégralité des moyens accordés aux établissements et que les rectorats puissent avoir un rôle d'arbitrage budgétaire sur l'ensemble de la SCSP.

Le cabinet du ministre, auditionné par le rapporteur spécial, semble aller dans le sens d'un montant restreint que les recteurs pourraient répartir comme ils le faisaient dans le cadre du DSG, le reste de la SCSP continuant à être attribué par l'administration centrale. Si ce montant reste à déterminer, il ne devrait pas être inférieur au montant du DSG, sans aller nécessairement jusqu'au montant des précédents COMP. Le rapporteur spécial considère que cette liberté accordée aux recteurs sur une portion réduite des financements va dans le sens d'une plus grande responsabilisation des rectorats, tout en demeurant raisonnable à l'échelle de leurs moyens actuels.

Recommandation : inclure dans les prochains COMP des moyens spécifiques pouvant être attribués par les recteurs, qui ne devrait pas être supérieur à 100 millions d'euros au total, les arbitrages budgétaires sur l'essentiel des moyens continuant à relever du niveau national (DGESIP, rectorats)

II. DES ANNONCES TOUTEFOIS POSITIVES CONCERNANT LES PROCHAINS CONTRATS

L'IGESER indiquait dans son rapport de 2022 précédemment mentionné que le contrat quinquennal entre l'État et les établissements s'inscrivaient dans le cadre d'une « relation historique qui a du mal à exister, faute de moyens associés ». En dépit d'un certain scepticisme sur la capacité des prochains COMP à réellement permettre de contractualiser sur l'ensemble des moyens, les annonces d'extension des COMP contribuent tout de même à aligner le cadre contractuel applicable aux établissements d'enseignement supérieur avec celui des autres opérateurs de l'État.

A. UN CONTENU DES NOUVEAUX CONTRATS QUI DEVRAIT ÊTRE RECENTRÉ

Les prochains COMP ne devront pas chercher à couvrir l'ensemble des enjeux auxquels font face les établissements. Ils devront au contraire se recentrer sur ceux qui sont davantage liés à la relation entre l'État et les établissements et qui s'inscrivent dans un cadre général de politique publique.

Comme indiqué plus haut, il sera également impératif que la nouvelle génération de contrats porte sur les aspects liés au pilotage et à la gestion des établissements, notamment sur l'immobilier. Ces thématiques ont constitué une des plus-values des COMP précédents par rapport aux contrats antérieurs et elles doivent être conservées.

Afin de limiter la dépendance à la croissance continue de la SCSP, la contractualisation doit en outre impérativement aller dans le sens du renforcement des ressources propres des établissements. Le développement des ressources propres doit constituer un axe de travail prioritaire des établissements d'enseignement supérieur et donc être inscrit dans les nouveaux COMP.

Recommandation : intégrer dans les prochains COMP un objectif chiffré de développement des ressources propres, proportionné aux capacités des établissements (DGESIP)

B. L'INDISPENSABLE EXTENSION DU PÉRIMÈTRE DU CONTRAT

Le rapport de l'IGESER de 202226(*) regrettait que le « dialogue contractuel ne prenne pas suffisamment en considération tous les acteurs (collectivités territoriales, partenaires économiques, etc.) et les outils extrabudgétaires qui se sont développés (financements sur projets, actions de transformation portées par le programme d'investissement d'avenir (PIA), etc.), ce qui en réduit leur portée stratégique ». Ces critiques, adressées en 2022 au contrat quinquennal, restent d'actualité sur les COMP.

Les vagues 1 et 2 des COMP ont échoué à réellement associer les opérateurs de recherche, en dépit des incitations du ministère27(*) qui avait pour objectif d'utiliser les COMP comme instrument de structuration de l'écosystème de l'enseignement supérieur et de la recherche. La vague 3 imposait une association avec les organismes de recherche, qui reste en réalité très limitée. Or le lien avec les organismes de recherche est un sujet stratégique transversal qui n'est pas limité au seul axe « recherche » des COMP actuels.

Les COMP de certains organismes de recherche contiennent une feuille de route sur leurs liens avec les universités partenaires. Cela reste néanmoins limité, les plus grands opérateurs (le CNRS en particulier) n'ayant pas mis en place une contractualisation globale avec l'ensemble des établissements d'enseignement supérieur partenaires.

Les prochains COMP doivent donc aller plus loin et rassembler dans le contrat de l'établissement d'enseignement supérieur les différentes contractualisations avec les ONR, lesquels doivent également s'engager formellement dans le cadre du COMP. Pour que l'association des organismes de recherche soit effective, ces derniers doivent être impliqués dès le début du processus de négociation, et non être associés à l'issue de la négociation, sans quoi le lien ne pourrait être que superficiel.

C. ARTICULER DAVANTAGE AVEC LES ÉVALUATIONS DES ÉTABLISSEMENTS

Les COMP ont été insuffisamment articulés avec les évaluations des établissements, en particulier celles menées par le Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (HCÉRES).

Il a théoriquement été demandé aux établissements d'expliciter en quoi elles répondent aux recommandations du HCÉRES, ce qui a été en réalité assez rare. En revanche, le HCÉRES n'a pas eu de rôle dans l'évaluation des COMP, même si certains établissements ont indiqué avoir réorienté leurs indicateurs après avoir été évalué par HCÉRES lui. Cela reste peu fréquent, notamment parce que les calendriers des COMP et des évaluations HCÉRES n'ont pas été synchronisés.

L'expertise du HCÉRES en matière d'évaluation des établissements et sa connaissance de leur profil stratégique auraient dû être davantage mobilisées dans l'élaboration des COMP. À l'avenir, les calendriers des COMP et du HCÉRES ne devraient pas être identiques, mais intégrer une durée permettant aux établissements de s'approprier les analyses du HCÉRES afin de les traduire dans leur COMP sous forme d'indicateurs.

Il faut d'ailleurs noter que certains opérateurs de recherche se sont appuyés sur le HCÉRES pour leur COMP. L'Inria a indiqué au rapporteur spécial que les deux derniers contrats « ont été élaborés à l'issue d'une évaluation HCÉRES, dont les conclusions ont joué un rôle clé pour le COP qui s'en est suivi. Ainsi, le COMP 2024-2028 commence par une présentation du contexte dans lequel Inria inscrit son action et par les recommandations du HCÉRES, auxquelles des actions concrètes du COMP répondent explicitement ». Cette méthodologie doit être reprise dans l'enseignement supérieur, afin de créer une synergie entre évaluation et contractualisation.

Recommandation : articuler davantage les COMP avec les évaluations du HCÉRES, non seulement en coordonnant les calendriers mais également en reliant formellement les indicateurs et les cibles figurant dans les contrats aux évaluations (DGESIP, établissements)

III. UNE REFONTE DU MODE D'ALLOCATION DES MOYENS DONT L'URGENCE EST TOUJOURS PLUS CRIANTE POUR PLUS DE TRANSPARENCE, D'ÉQUITÉ ET DE PERFORMANCE

La refonte de l'allocation des moyens faisait initialement partie intégrante de la rénovation du pilotage de l'enseignement supérieur portée par la ministre Sylvie Retailleau. Le nouveau modèle d'allocation des moyens était ainsi initialement présenté comme le pendant des COMP.

Schéma de la refonte de l'axe 3 de la transformation du paysage de la recherche, présenté par le ministère de l'enseignement supérieur en septembre 2024

Source : ministère de l'enseignement supérieur

Cet aspect ne semble plus d'actualité. Il est regrettable que le ministère ait renoncé à court terme à la refonte de l'allocation des moyens, sans laquelle la contractualisation ne peut avoir de rôle aussi transformant : pour avoir un sens, la contractualisation ne peut faire l'économie d'une clarification des moyens alloués.

L'urgence d'une actualisation des modes de calcul des moyens accordés aux établissements d'enseignement supérieur est soulignée depuis des années par le rapporteur spécial et ses prédécesseurs. Elle est également soulignée par la Cour des comptes dans son audit flash sur les COMP.

Comme indiqué précédemment, la SCSP des universités se compose pour l'essentiel d'une part « socle », qui est le résultat sédimenté de la décennie précédente. Cette part augmente d'une année sur l'autre pour y intégrer les nouveaux moyens pérennes. Depuis 2017, se sont ajoutés à cette part socle les crédits liés à la LPR et à la loi ORE, ainsi qu'à la réforme des études de santé, puis aux COMP. Ce mode de calcul est aujourd'hui illisible : les universités mettent en avant l'opacité de leur dotation et le ministère ne sait plus ce qu'il finance. Il est en outre inéquitable, en ce qu'il conduit à fossiliser des divergences entre établissements.

Les enjeux de la refonte du mode d'allocation sont réactivés par les annonces de COMP qui porteraient désormais sur l'intégralité de la SCSP. Le maintien de la sédimentation actuelle des moyens constitue le principal obstacle aux « COMP à 100 % » ou à la « contractualisation au premier euro » souhaitée par le ministère, alors que celui-ci n'est plus en capacité d'indiquer le mode de calcul de la dotation des établissements et que les établissements ne comprennent plus les notifications de leur SCSP.

De nombreuses versions d'un nouveau modèle d'allocation des moyens sont envisageables et envisagées. Le système le plus fréquemment évoqué consisterait à accorder aux établissements une part fixe, calculée selon des indicateurs d'activité et le profil des établissements, à laquelle s'ajouterait une part variable, qui serait contractualisée à la performance. Le rapporteur spécial ne saurait trop inciter le ministère à présenter un modèle sur la base de ces hypothèses.

En outre, le retour d'un modèle d'allocation des moyens ne doit pas signifier le renoncement à une différenciation ciblée, selon les territoires ou les politiques publiques. Il s'apparenterait davantage à un modèle d'aide à la décision pour le ministère, tout en apportant la transparence indispensable à la répartition des 15 milliards d'euros du programme 150.

Les critiques émises à l'encontre du modèle d'allocation précédent, le modèle « SYMPA », sont peu pertinentes, dans la mesure où l'utilisation du modèle SYMPA a pris fin il y a plus de 10 ans. Le principal obstacle à la refonte du système d'allocation est la difficulté à ne pas faire de perdants parmi les établissements comparativement les mieux dotés, en l'absence de moyens supplémentaires spécifiques.

Alors que le montant total des SCSP versées aux établissements d'enseignement supérieur a augmenté de 2,5 milliards d'euros depuis la fin du modèle SYMPA (+ 21 %), et dans le contexte actuel des finances publiques, il n'est pas acceptable de renoncer à trouver un mode d'allocation des ressources adaptés aux enjeux actuels de l'enseignement supérieur.

Recommandation : à plus long terme, construire un nouveau modèle d'allocation des moyens, transparent et équitable, en intégrant un volet variable selon le profil des établissements, leur performance et leur territoire (DGESIP)

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 11 juin 2025 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a entendu une communication de Mme Vanina Paoli-Gagin, rapporteur spécial, sur la contractualisation à la performance dans l'enseignement supérieur.

M. Claude Raynal, président. - Nous allons maintenant entendre une communication de Mme Vanina Paoli-Gagin, rapporteur spécial des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », sur la contractualisation à la performance dans les établissements d'enseignement supérieur.

Mme Vanina Paoli-Gagin, rapporteur spécial. - J'ai souhaité consacrer mon travail de contrôle budgétaire pour 2025 à l'évaluation des contrats d'objectifs, de moyens et de performance - les COMP. Ces contrats, conclus entre l'État et les établissements d'enseignement supérieur pour 3 ans, ont été lancés en 2023 avec un petit nombre d'universités. Ils ont ensuite été étendus à l'ensemble des établissements en 2024 et 2025.

Avant de rentrer dans les détails de l'analyse des COMP, je voudrais profiter de ma présence aujourd'hui pour revenir sur les grandes dynamiques du financement de l'enseignement supérieur. L'enseignement supérieur public représente aujourd'hui environ 15 milliards d'euros. Depuis l'autonomie accordée par la loi relative aux libertés et responsabilités des universités en 2007, les établissements d'enseignement supérieur ont vu à la fois leurs ressources et leurs charges croître considérablement, dans un contexte de massification de l'accès aux études supérieures.

En 2024, le ministère a versé aux établissements d'enseignement supérieur 14,19 milliards d'euros de subventions pour charges de service public (SCSP). Cela représente 2,47 milliards d'euros de plus que dix ans plus tôt, soit une hausse de 21 %.

Rapportée à l'inflation, la croissance du total des SCSP est plus limitée : + 2 % seulement entre 2014 et 2024. En outre, les moyens doivent être rapportés aux évolutions démographiques. Au cours des dix dernières années scolaires, les effectifs étudiants dans l'enseignement supérieur ont augmenté de 15 % !

En conséquence, les dépenses des établissements d'enseignement supérieur ont davantage augmenté que leurs ressources sur la période 2018-2024 : + 23 % pour les recettes contre + 29 % pour les dépenses. Les dépenses de personnel représentent de très loin le premier poste de dépense dans l'enseignement supérieur, aux alentours de 77 % en moyenne au cours des dernières années.

Les ressources propres des établissements sont loin d'avoir augmenté dans les mêmes proportions que les ressources publiques. Contrairement à une idée reçue, les droits d'inscription demeurent extrêmement résiduels dans les ressources des établissements d'enseignement supérieur. En 2024, ils ne représentaient ainsi que 2 % du total des recettes.

La faiblesse des ressources propres ne peut être satisfaisante dans le contexte de croissance continue des dépenses des établissements, et contribue à entériner leur dépendance à une croissance continue de la SCSP. Or, les recettes propres des universités sont limitées par le maintien de droits d'inscription identiques pour tous les étudiants.

La mise en place de droits d'inscription progressifs, longtemps taboue dans l'enseignement supérieur, va dans le sens de plus de justice sociale. Elle permet aux étudiants disposant de davantage de moyens de contribuer plus largement au fonctionnement de leur établissement, tout en diminuant le poids de leur scolarité pour les étudiants les moins favorisés. Je réitère donc mon appel, déjà formulé pendant le dernier PLF, à engager un débat sur la progressivité des droits d'inscription.

Une fois ces éléments généraux présentés, j'en viens au sujet des contrats d'objectifs, de moyens et de performance - les COMP.

Ces contrats étaient présentés comme l'un des piliers de la refonte du fonctionnement de l'enseignement supérieur. Leur objectif, très ambitieux, était d'introduire un pilotage à la performance dans l'enseignement supérieur. Lors de la conclusion du contrat, les établissements reçoivent des financements spécifiques, en échange de la réalisation d'actions spécifiques. Ces actions portent sur des objectifs nationaux ainsi que sur les priorités stratégiques des établissements.

L'intention de départ de ces COMP me semble donc très louable. Ils constituent sans nul doute un progrès dans les relations entre l'État et les établissements d'enseignement supérieur. Mais comme bien souvent quand il s'agit d'enseignement supérieur, l'écart entre les ambitions et les réalisations est significatif. Le contenu des contrats est tout d'abord très hétérogène. Chacun est organisé autour de six objectifs, dont cinq nationaux, qui sont ensuite déclinés par chaque établissement en actions spécifiques, assorties d'indicateurs.

Malgré l'existence d'un cadre national, les établissements ont inscrit dans les contrats des actions très diverses, parfois très structurantes pour les établissements, parfois aussi tout à fait anecdotiques. L'inscription des actions dans un modèle économique plus large est fréquemment inexistante : leur coût n'est quasiment jamais évoqué dans les contrats, leur impact sur la performance de l'établissement encore moins. Quant aux cibles, il est fréquent qu'elles ne fassent l'objet d'aucune justification concernant leur niveau ou leur méthode de calcul. Il ressort donc de l'analyse des contrats une impression générale de fixation arbitraire ou factice d'un grand nombre de cibles ou de jalons, d'autant plus que certains paraissent irréalisables en trois ans.

S'agissant des financements assortis aux COMP, ils sont d'un montant assez réduit : environ 110 millions d'euros par vague de contrats, soit 330 millions d'euros au total. L'essentiel de ces financements proviennent de redéploiements. Les financements COMP n'ont en effet pas vocation à couvrir l'intégralité des projets décrits dans le contrat, mais à assurer leur amorçage.

Le suivi de l'exécution des financements, tout comme celui des indicateurs, est extrêmement complexe. Comme sur la quasi-totalité des sujets dans l'enseignement supérieur, il n'existe pas de système d'information permettant les échanges entre les établissements, les rectorats et l'administration centrale. En conséquence, le suivi des 900 indicateurs s'effectue par l'envoi de documents électroniques au ministère, lequel n'est bien évidemment pas en capacité d'assurer une concaténation puis un suivi individuel de chacun des 900 indicateurs. Alors que nombre de projets des COMP ont trait à l'intelligence artificielle ou au déploiement de systèmes d'information, il est paradoxal que le suivi de ces contrats repose encore sur un système artisanal chronophage et inefficace.

L'innovation de rupture des COMP résidait dans la possibilité théorique pour le ministère de « reprendre » des financements en cas de non atteinte des objectifs chiffrés figurant dans les contrats. Au vu de ce que je viens de vous présenter, il est douteux que le ministère en ait réellement la possibilité, alors que rien n'a été concrètement anticipé pour la fin des contrats. Vous comprendrez à l'issue de ces quelques remarques mes réticences en l'état actuel des choses sur l'extension des COMP. Le ministre de l'enseignement supérieur a pourtant annoncé en avril dernier la prochaine génération de contrats, qui porteraient non pas sur 0,8 % de la SCSP, comme actuellement, mais sur l'intégralité de celle-ci.

D'une part, le calendrier, comme la méthode, peuvent surprendre. Alors que les précédentes vagues de COMP n'ont pas toutes été déployées, que le ministère n'a pas lancé d'évaluation des COMP, que les bilans intermédiaires de la vague 2 ne sont toujours pas prévus, il n'apparaissait pas nécessairement opportun de réformer intégralement le dispositif avant d'avoir disposé d'un retour sur ses modalités actuelles.

D'autre part, il est possible d'émettre des doutes sur le concept de « contractualisation sur l'ensemble de la SCSP ». La part libre d'emploi de la SCSP est le plus souvent réduite, les dépenses dites « contraintes » constituant l'essentiel des dépenses des établissements. Par conséquent, le ministère indique que les montants contractualisés ne pourront en réalité pas aller au-delà de 2 %, soit en définitive à peine plus qu'aujourd'hui. D'autre part, les COMP actuels ont déjà permis de contractualiser sur des projets financés par la SCSP, notamment en faisant évoluer le catalogue de formations des établissements.

En revanche, les prochains contrats seront l'occasion de tirer les leçons de certaines limites observées depuis 2023. Je formule dans mon rapport dix recommandations portant sur le contenu, la temporalité et le périmètre des prochains contrats.

Je voudrais conclure par une réflexion plus large. La refonte de l'allocation des moyens aux établissements d'enseignement supérieur était initialement présentée comme le pendant des COMP. En effet, le mode de calcul actuel est illisible. Depuis l'arrêt du dernier modèle d'allocation des moyens il y a dix ans, les universités mettent en avant l'opacité de leur dotation et le ministère ne sait plus ce qu'il finance. Le système actuel est en outre inéquitable, en ce qu'il conduit à fossiliser des divergences budgétaires entre établissements.

Il est regrettable que le ministère ait renoncé à court terme au chantier de l'allocation des moyens, sans lequel la contractualisation ne peut avoir de rôle transformant. Ce chantier, toujours repoussé, finira bien un jour par être mis en oeuvre, et le plus vite sera le mieux.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - J'ai connu le rapporteur plus enthousiaste lors de ses travaux passés. La synthèse de votre rapport, à commencer par son titre, est en ce sens évocateur, avec le sentiment que les engagements pris à l'égard de l'enseignement supérieur n'ont pas été tenus.

Le rapport souligne plusieurs éléments importants, dont l'augmentation significative de 15 % du nombre d'étudiants en dix ans. Néanmoins, le sujet préoccupant est la grande complexité organisationnelle portant pourtant sur un montant de dépenses relativement modeste. En effet, comment expliquer l'existence de 850 indicateurs ? Alors que ce nombre particulièrement élevé semble contreproductif, pourquoi le dialogue entre les universités et le ministère de tutelle ne permet-il pas d'amélioration sensible ?

M. Marc Laménie. - J'ai deux interrogations. D'une part, connait-on le nombre d'établissements concernés par les contrats d'objectifs, de moyens et de performances en métropole et en Outre-mer ? D'autres part, les dix recommandations soulignent le grand nombre d'organismes concernés par les COMP, parmi lesquels les collectivités territoriales ou encore la sous-direction des systèmes d'information et des études de statistiques (SIES). Aussi, connait-on le nombre d'équivalents temps plein mobilisés ?

M. Michel Canévet. - Tout d'abord, malgré leurs ambitions extrêmement fortes, les universités sont significativement limitées dans leur capacité à agir de façon efficiente au niveau budgétaire en raison de leur incapacité à emprunter. Dès lors, comment améliorer la situation des universités afin de garantir leur autonomie effective ? Par ailleurs, outre le sujet des moyens d'enseignement et du matériel associé, je souhaiterais évoquer la question de la vie étudiante et plus particulièrement des moyens alloués par les CROUS. Quelle est l'articulation entre les COMP, qui visent l'amélioration de la situation dans les établissements d'enseignement supérieur, et l'action menée au niveau des CROUS ? Cette dernière est en effet importante parce qu'elle affecte la façon dont les étudiants peuvent vivre effectivement sur le territoire de l'université.

M. Vincent Delahaye. - Je souhaite insister sur une idée évoquée par le rapporteur, à savoir la revalorisation des droits d'inscription. Je considère que les droits d'inscription sont globalement assez faibles dans notre pays et que leur revalorisation serait un moyen de redonner du potentiel d'action à nos universités.

Dans quelle proportion pensez-vous que ces frais pourraient être augmentés ? Cela devrait s'accompagner d'une revalorisation et d'un meilleur ciblage des bourses sur critères sociaux, afin de ne pas pénaliser les étudiants les moins favorisés.

M. Claude Raynal, président. - Je trouve qu'on déduit de votre rapport que ces contrats seront difficilement améliorables. Avec les neuf pistes d'amélioration que vous envisagez, on a presque envie de se poser la question : le plus simple ne serait-il pas de les supprimer ? On a un peu le sentiment qu'on fait des contrats par principe.

D'autre part, au point 9, vous dites qu'il faut articuler davantage ces objectifs, plus exactement ces contrats, avec les évaluations du Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (HCÉRES). Or, j'avais compris que le Sénat avait voté pour la suppression du HCÉRES, et d'ailleurs l'Assemblée nationale aussi. Partagez-vous cette ligne ou pensez-vous qu'il faille conserver le HCÉRES ?

Mme Vanina Paoli-Gagin, rapporteur spécial. - Le problème est de mon point de vue structurel. La loi sur l'autonomie des universités, dite loi LRU, n'a pas été accompagnée de l'obligation, pour ces universités devenues autonomes, de rendre compte à la tutelle d'un certain nombre d'indicateurs. Cette défaillance, combinée au fait qu'il n'y a absolument pas d'interopérabilité entre les systèmes d'information de nos universités et le ministère, a abouti à une usine à gaz. Quelques années plus tard, on ne peut malheureusement que constater le résultat : on se trouve dans un avion où il y a un cockpit, un pilote, mais il n'y a pas de cadran, pas d'indicateur et de moins en moins de carburant dans le réservoir. Je pense donc que l'atterrissage va être difficile, d'autant qu'on augmente le nombre de passagers de façon assez arithmétique.

Je crains qu'on ait un problème systémique au bout du bout du voyage si on ne prend pas des mesures d'ordre structurel. Au fil de mes investigations dans ce domaine, c'est l'impression que j'ai : personne ne dispose d'une vision d'ensemble, y compris s'agissant des financements, puisqu'on trouve des financements via France 2030, via les dotations de l'État et d'autres financements par d'autres vecteurs. Il y a des chiffres qu'on ne peut pas obtenir parce que je pense que, très honnêtement, ils ne les ont pas. C'est tout de même inquiétant.

Monsieur le Président, un mot pour vous préciser que le Sénat n'a pas voté la suppression du HCÉRES. L'Assemblée nationale avait voté un amendement en ce sens, mais ce texte n'a pas encore été définitivement adopté. Donc, à date, il existe toujours et j'ai d'ailleurs reçu sa présidente dans le cadre des auditions.

La problématique n'est pas tant le travail de ce Haut conseil que la temporalité de la conduite de ses travaux de contrôle, par rapport à l'arrivée des nouvelles mandatures à la tête de la gouvernance des universités. Les calendriers ne se recouvrent pas et cela complexifie le paysage.

S'agissant des montants globaux : ils s'élèvent à 110 millions d'euros par vague d'établissements, soit un total de 330 millions d'euros. Ainsi, cela représente environ 300 000 euros pour les plus petites universités, et jusqu'à 4 ou 5 millions pour les plus grandes.

Michel Canévet, sur les moyens dédiés par les CROUS : la vie étudiante représente 3,2 milliards d'euros. C'est au sein de la vie étudiante que le problème des CROUS est géré. La question de l'articulation des objectifs des CROUS avec ces contrats d'objectifs, de moyens et de performance est intéressante. Il y a bien un axe « vie étudiante » dans ces contrats d'objectifs, de moyens et de performance mais sans coordination avec les CROUS.

La progressivité des droits d'inscription a été évoquée. Je pense qu'il serait plus simple de se caler sur un système qui fonctionne bien, qui va dans le sens d'une plus grande justice sociale pour nos étudiants, qui est le système en vigueur dans les instituts d'études politiques. Ce système est beaucoup plus progressif et redistributif au profit des étudiants et des établissements. Comme cela a été rappelé, nos droits d'inscription n'ont aucun sens en France. À l'échelle du monde, c'est même presque contre-productif, au regard de la qualité de l'enseignement qui est dispensé dans certains établissements. Sur la question de la réforme des bourses, le deuxième axe de cette réforme doit être traité normalement à l'automne 2025. L'idée est d'être plus progressif dans le mode d'allocation des bourses et d'avoir moins d'effets de seuil, parfois brutaux.

Mme Nathalie Goulet. - J'espère que nous aurons quelques réponses avant la discussion budgétaire car il s'agit d'un sujet important. Si on ne nous fournit pas les chiffres, nous rencontrerons encore une difficulté au moment du débat.

La commission a adopté les recommandations du rapporteur spécial et autorisé la publication de sa communication sous la forme d'un rapport d'information.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

- Mme Sylvie RETAILLEAU, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche de mai 2022 à septembre 2024 ;

- Mme Naomi PERES, directrice de cabinet de Mme RETAILLEAU de septembre 2023 à septembre 2024.

Cabinet du ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

- M. François GERMINET, conseiller spécial du ministre ;

- M. Thomas DELOEIL, conseiller budgétaire ;

- Mme Justine ROUSSE, conseillère parlementaire.

Direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle (DGESIP)

- M. Olivier GINEZ, directeur général ;

- Mme Cécile BATOU-TO VAN, sous-directrice du dialogue stratégique avec les établissements.

France Universités

- M. Jean-François HUCHET, vice-président

- M. Antoine GUERY, chargé de mission.

Table ronde de recteurs délégués pour l'enseignement supérieur, la recherche et l'innovation

- Mme Isabelle PRAT rectrice déléguée pour l'enseignement supérieur, la recherche et l'innovation de la région Île-de-France ;

- Mme Véronique PERDEREAU, rectrice déléguée pour l'enseignement supérieur, la recherche et l'innovation de la région Grand Est ;

- M. Gabriele FIONI, recteur délégué pour l'enseignement supérieur, la recherche et l'innovation de la région Auvergne-Rhône-Alpes ;

- M. Emmanuel ROUX, recteur délégué pour l'enseignement supérieur, la recherche et l'innovation de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.

Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (HCÉRES)

- Mme Coralie CHEVALLIER, présidente.

Table-ronde de présidents d'établissements d'enseignement supérieur et d'organismes de recherche ou de leurs représentants

- M. Damien JOUET, vice-président délégué aux ressources humaines de l'université Reims Champagne Ardennes ;

- M. Christophe COLLET, président de l'université technologique de Troyes ;

- M. Camille GALAP, président de l'université Paris Saclay ;

- M. Julien SEMPÉRÉ, directeur général des services de l'université Paris Saclay ;

- Mme Sandrine MAZETIER, directrice générale déléguée à l'appui aux politiques publiques de l'Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria) ;

- M. Étienne PEYRAT, directeur de Sciences-Po Lille.

Table-ronde de directeurs généraux des services d'universités et de secrétaires généraux d'établissements

- Mme Florence HOUSSET, directeur général des services de Sorbonne universités ;

- Mme Sylvie MONSINJON, directeur général des services par intérim de l'université de Rouen Normandie ;

- M. Alban HAUTIER, secrétaire général de Sciences-Po Paris ;

- M. François PAQUIS, directeur général des services de l'université Clermont-Auvergne ;

- M. Régis BRANDINELLI, directeur général des services de l'université Côte d'Azur.

Auteurs du rapport de la Cour des comptes sur les contrats d'objectifs, de moyens et de performance (COMP) dans l'enseignement supérieur

- M. Michel BOUVARD, conseiller maître ;

- Mmes Delphine CERVELLE, conseillère référendaire ;

- Mme Dorine PARRAVANO, conseillère référendaire.

TABLEAU DE MISE EN OEUVRE ET DE SUIVI

N° de la proposition

Proposition

Acteurs concernés

Calendrier prévisionnel

Support

1

Recentrer les COMP sur les objectifs liés au pilotage et à la gestion des établissements d'une part, et à la formation et à la recherche d'autre part

DGESIP

2025 pour les régions académiques qui expérimentent les nouveaux COMP, puis 2026

Circulaire et guide méthodologique et prochains COMP

2

Limiter le nombre d'indicateurs nationaux présents dans les contrats, dont l'atteinte sera calculée sur la base d'une méthode de calcul harmonisée au niveau national

DGESIP, Sous-direction des systèmes d'information et des études statistiques (SIES)

2025 pour les régions académiques qui expérimentent les nouveaux COMP, puis 2026

Circulaire et guide méthodologique et prochains COMP

3

Limiter à deux les indicateurs au choix de l'établissement et assurer une harmonisation de la qualité des actions et des indicateurs

DGESIP et rectorats

2025 pour les régions académiques qui expérimentent les nouveaux COMP, puis 2026

Circulaire et guide méthodologique et prochains COMP

4

Associer formellement l'ensemble des co-financeurs à la signature du COMP, y compris les organismes nationaux de recherche, les collectivités territoriales et les partenaires économiques, et faire figurer dans le contrat les montants de co-financements attendus

DGESIP, organismes nationaux de recherche, collectivités territoriales, SGPI, entreprises

2025 pour les régions académiques qui expérimentent les nouveaux COMP, puis 2026

Prochains COMP

5

Développer un outil informatique spécifique à la négociation et au suivi des COMP, permettant des échanges entre la DGESIP, le rectorat et les établissements à tous les stades du processus

DGESIP, SIES

2025 ou dès que possible

Tout support

6

Prévoir au sein des prochains contrats sur 5 ans une revoyure à 3 ans, complétant le suivi réalisé par le ministère tout au long du contrat

DGESIP, établissements

2025 pour les régions académiques qui expérimentent les nouveaux COMP, puis 2026

Nouveaux COMP

7

Inclure dans les prochains COMP des moyens spécifiques pouvant être attribués par les recteurs, qui ne devrait pas être supérieur à 100 millions d'euros au total, les arbitrages budgétaires sur l'essentiel des moyens continuant à relever du niveau national

Parlement, ministère de l'enseignement supérieur

2025 pour les régions académiques qui expérimentent les nouveaux COMP, puis 2026

Projet de loi de finances pour 2026 puis circulaire

8

Intégrer dans les prochains COMP un objectif chiffré de développement des ressources propres, proportionné aux capacités des établissements

DGESIP

2025 pour les régions académiques qui expérimentent les nouveaux COMP, puis 2026

Nouveaux COMP

9

Articuler davantage les COMP avec les évaluations du HCÉRES, non seulement en coordonnant les calendriers mais également en reliant formellement les indicateurs et les cibles figurant dans les contrats aux évaluations

DGESIP, établissements

2025 pour les régions académiques qui expérimentent les nouveaux COMP, puis 2026

Nouveaux COMP

10

À plus long terme, construire un nouveau modèle d'allocation des moyens, transparent et équitable, en intégrant un volet variable selon le profil des établissements, leur performance et leur territoire

DGESIP

2026-2027

Tous supports puis projet de loi de finances pour 2027


* 1 Loi n° 2007-1199 du 10 août 2007.

* 2 Loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur.

* 3 Loi n° 2018-166 du 8 mars 2018 relative à l'orientation et à la réussite des étudiants.

* 4 L'État de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation en France 2024, juin 2024.

* 5 Convention du 14 février 2017 entre l'État et l'ANR.

* 6 Convention du 29 décembre 2017 entre l'État et la CDC.

* 7 Le pilotage et la maîtrise de la masse salariale des universités, rapport de l'inspection générale des finances et l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche, avril 2019.

* 8 Projet de loi de finances pour 2025 : Recherche et enseignement supérieur, Rapport général n° 144 (2024-2025), tome III, annexe 24, déposé le 21 novembre 2024.

* 9 Décret n° 2024-1108 du 2 décembre 2024 relatif au budget et au régime financier des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel.

* 10 Arrêté du 5 décembre 2024 relatif aux seuils de soutenabilité budgétaire des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel du ministère chargé de l'enseignement supérieur.

* 11 Analyse de l'exécution budgétaire 2023 sur la mission « Recherche et enseignement supérieur », Cour des comptes, avril 2024.

* 12 Sylvie Retailleau, conférence de présentation des COMP, mars 2023.

* 13 Audition de France universités.

* 14 Réponse au questionnaire d'audition de Paris-Saclay.

* 15 Bilan du financement de la loi orientation et réussite des étudiants (ORE), rapport d'information de Vanina PAOLI-GAGIN, n° 790 (2022-2023), déposé le 28 juin 2023.

* 16 Les contrats d'objectifs, de moyens et de performance (COMP) conclus entre l'État et les établissements d'enseignement supérieur, Cour des comptes, mars 2025.

* 17 Réponse au questionnaire du rectorat délégué pour la région académique Grand Est.

* 18 Guide méthodologique de la vague 2.

* 19 Bilan du financement de la loi orientation et réussite des étudiants (ORE), rapport d'information de Vanina PAOLI-GAGIN, n° 790 (2022-2023), déposé le 28 juin 2023.

* 20 Il faut cependant noter que certains COMP font figurer l'action de formation aux enjeux écologiques dans l'axe « formation » et non dans l'axe « transition écologique ».

* 21 Loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités.

* 22 Réponses d'un rectorat délégué au questionnaire du rapporteur spécial.

* 23 Les relations entre les administrations centrales, les services déconcentrés et les opérateurs : stratégies nationales et subsidiarité, IGESER, septembre 2022.

* 24 Rapport public thématique Universités et territoires, Cour des comptes, février 2023.

* 25 Audition de Mme Sylvie Retailleau.

* 26 Les relations entre les administrations centrales, les services déconcentrés et les opérateurs : stratégies nationales et subsidiarité, IGESER, septembre 2022.

* 27 Le guide méthodologique de la vague 2 indiquait que « les organismes nationaux de recherche doivent ainsi naturellement être associés à l'élaboration de l'objectif relatif à la recherche et à l'innovation, et peuvent être cosignataires des COMP en cas de mobilisation conjointe de ressources, financières ou humaines ».

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