N° 803
SÉNAT
SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2024-2025
Enregistré à la Présidence du Sénat le 1er juillet 2025
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des finances (1) sur le Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT),
Par M. Bernard DELCROS,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Michel Canévet, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; Mmes Marie-Carole Ciuntu, Frédérique Espagnac, MM. Marc Laménie, Hervé Maurey, secrétaires ; MM. Pierre Barros, Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mmes Florence Blatrix Contat, Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Claire Carrère-Gée, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.
L'ESSENTIEL
M. Bernard Delcros, rapporteur spécial des crédits consacrés à la politique des territoires de la mission « Cohésion des territoires », a présenté le mardi 1er juillet 2025 les conclusions de son contrôle sur le bilan du fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT).
I. LE FNADT : UN FONDS D'INTERVENTION SOUPLE, EFFICACE ET BIEN IDENTIFIÉ DANS LES TERRITOIRES
A. UN OUTIL DE FINANCEMENT RATIONALISÉ, CRÉÉ POUR PORTER LES CHOIX STRATÉGIQUES DE LA POLITIQUE D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE DE L'ÉTAT
La loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire a créé le fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) en fusionnant six fonds antérieurement existants et qui portaient des politiques publiques très variées.
Pour gagner en efficacité, la doctrine d'emploi du FNADT a évolué au fil du temps et s'appuie aujourd'hui pleinement sur les services déconcentrés de l'État. Elle se caractérise également par une co-construction plus marquée avec les collectivités territoriales. Le FNADT permet ainsi d'apporter des réponses « sur-mesure » aux besoins des territoires.
Le FNADT est aujourd'hui un outil de financement essentiel à la main des préfets. Il permet de financer de très nombreuses actions qui concourent à mettre en oeuvre les choix stratégiques de la politique d'aménagement du territoire de l'État.
B. UN DISPOSITIF PARTICULIÈREMENT SOUPLE ET PLÉBISCITÉ PAR LES ACTEURS DE TERRAIN
La quasi-totalité des représentants de l'État auditionnés, tout comme l'ensemble des représentants des élus locaux, ont plébiscité le FNADT pour sa souplesse d'emploi, son efficacité et son effet levier dans la mise en oeuvre de la politique d'aménagement du territoire de l'État.
La souplesse de ce dispositif, qui en est sa grande force, tient à l'étendue de son champ d'intervention. Il se caractérise d'abord par sa capacité à financer des opérations qui ne pourraient pas l'être par le biais d'autres outils de financement tels que la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), la dotation de soutien à l'investissement départemental (DSID) ou encore la dotation politique de la ville (DPV).
Les dépenses éligibles à ce fonds d'intervention sont variées et intègrent tant le fonctionnement que l'investissement. Le FNADT permet, par exemple, de financer les dépenses relatives à l'ingénierie locale, des services à la population, la préservation des milieux naturels et des ressources, l'emploi local ou encore la mise en valeur du patrimoine culturel des territoires.
La souplesse du FNADT tient ensuite à la variété des acteurs, publics et privés, qui y sont éligibles : communes et leurs groupements, départements, régions, associations, entreprises privées, opérateurs, etc.
Le FNADT intègre historiquement une section générale et une section locale pour faciliter sa gestion.
La section générale finance essentiellement des opérations d'intérêt national pilotées par l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). Elle couvre notamment les mesures du plan France ruralités : France Services, Nouveaux lieux-Nouveaux liens, Territoires d'industrie, Action coeur de ville, Petites villes de demain, Villages d'avenir ou encore le Volontariat territorial en administration.
Le FNADT comprend également une section locale déconcentrée au niveau des préfets de région, qui assure le financement de dispositifs contractualisés entre l'État et les collectivités : la septième génération des contrats de plan État-régions (CPER) pour 2021-2027, les contrats de plan interrégionaux de fleuves et de massifs (CPIER), les pactes de développement territorial ou encore les contrats de redynamisation de site de défense (CRSD).
Le rapporteur spécial souligne l'importance de ces dispositifs contractuels, qui dépendent directement du FNADT. Ils permettent une convergence des financements en faveur de projets structurants pour l'aménagement du territoire ainsi que la mise en cohérence des politiques publiques nationales et locales, au service d'une vision stratégique partagée à l'échelle de chaque région.
II. LE FNADT : UN COÛT LIMITÉ POUR UN EFFET LEVIER DÉTERMINANT
A. UNE BAISSE DRASTIQUE DES CRÉDITS EN 2025 QUI MENACE L'EXISTENCE MÊME DES CONTRATS DE PLAN ÉTAT-RÉGION
La loi de finances pour 2025 a entériné une forte réduction des moyens destinés aux CPER. Alors que 148 millions d'euros de crédits de paiement étaient consacrés aux dispositifs contractuels en 2024, seuls 40 millions d'euros ont été inscrits dans le PLF 2025, ne respectant pas l'engagement contractuel de l'État.
Seules les dotations consacrées aux contrats de convergence et de transformation (CCT) destinés aux outre-mer ont été reconduites en 2025.
Cette baisse drastique des moyens consacrés à la politique contractuelle de l'État en faveur des territoires se traduit en 2025 par le report ou l'abandon d'opérations structurantes, pourtant prévues et concertées dans les territoires, au travers d'un engagement contractuel pluriannuel entre l'État et les collectivités locales.
Le rapporteur spécial, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2025, a souligné que s'il n'était pas opposé à un report exceptionnel, d'une année, des crédits des CPER et CPIER en raison du contexte budgétaire particulièrement difficile, celui-ci ne pourrait en aucun cas être reconduit. Les dispositifs contractuels engagent la parole de l'État et une remise en cause de ces engagements nuirait à sa crédibilité.
Les crédits du FNADT devront donc nécessairement être rétablis en 2026, faute de quoi les CPER et CPIER disparaîtraient purement et simplement, ce qui porterait un coup fatal à un volet important de la politique d'aménagement du territoire de l'État et à la confiance entre l'État et les collectivités territoriales.
B. UN DISPOSITIF PEU ONÉREUX QUI GÉNÈRE UN GAIN NET POUR L'ÉTAT
Pour un montant de seulement 200 millions d'euros environ chaque année, le FNADT se caractérise par un effet levier particulièrement intéressant, que rappellent chaque année les documents annexes du projet de loi de finances et sur lequel ont insisté l'ensemble des personnes auditionnées.
Ainsi, pour 1 euro de FNADT investi sur un projet territorial, 6 euros sont mobilisés, via des financements privés, européens ou de collectivités territoriales. Il s'agit donc d'un dispositif véritablement efficace, vecteur de réussites concrètes, et qui permet de réunir autour d'une même table une grande diversité d'acteurs institutionnels et privés.
Lors des auditions, plusieurs services de l'État ont souligné l'intérêt de maintenir ce dispositif au fort effet levier, précisant ainsi : « il serait aberrant de se priver du FNADT tant son montant est modeste et son effet levier est important ».
Il est aussi intéressant de noter que cet effet levier ne cesse de progresser d'année en année (avec une hausse de 20 % en 2 ans), signe de l'efficacité croissante de ce dispositif.
III. LE FNADT : UNE CONDITION SINE QUA NON POUR LA POURSUITE DES POLITIQUES DE MASSIF
Le FNADT constitue l'essentiel du financement mobilisé par l'État pour de nombreuses politiques publiques d'aménagement du territoire, particulièrement en secteur rural. La remise en cause du FNADT, ou une nouvelle baisse des crédits alloués, entrainerait la disparition pure et simple de ces politiques, pourtant nécessaires.
Parmi celles-ci, le rapporteur spécial insiste tout particulièrement sur les politiques de massif dont le FNADT peut représenter jusqu'à 95 % de la contribution de l'État.
Il en résulte que la poursuite des politiques de massif serait rendue impossible en cas de remise en cause des crédits du FNADT.
Parmi les trois classifications de communes de montagne que la loi distingue, les massifs englobent les communes des zones de montagne, mais aussi les communes des zones qui leur sont immédiatement contigües.
Ainsi, 8 611 communes relèvent du territoire d'un des neuf massifs, dont six en métropole (Alpes, Corse, Massif central, Massif jurassien, Pyrénées, Massif vosgien) et trois dans les outre-mer (Guadeloupe, Martinique, Réunion).
La gouvernance des six massifs interrégionaux de métropole est assurée par un « comité de massif » sous le pilotage d'un préfet coordonnateur, d'un président de région et d'un commissaire de massif.
L'effet levier du FNADT est tout aussi marqué s'agissant des politiques de massif. Par exemple, pour 5 millions d'euros de FNADT mobilisés dans le massif des Alpes en 2024, plus de 32 millions d'euros complémentaires ont pu être investis via d'autres sources de financement régionaux, européens et locaux.
L'apport initial de l'État à travers le FNADT est ainsi un élément déclencheur et décisif pour les politiques publiques conduites dans les massifs, pour une contribution de l'État finalement très limitée, de l'ordre de 5 à 6 millions d'euros par massif environ sur la période.
Le FNADT finance des projets concrets très structurants pour ces territoires, tels que des activités économiques liées à des savoir-faire locaux ou le développement de filières propres à chacun des massifs.
Le FNADT permet également de financer des opérations ne relevant d'aucun autre dispositif existant comme les protocoles de classement des espèces protégées. Il complète aussi des dispositifs déjà en vigueur et valorisés localement, tels que ceux relatifs au pastoralisme, aux labels économiques locaux ou à la forêt.
Les mêmes constats peuvent être faits pour les politiques de bassin de fleuve : leur existence dépend en grande partie de la survie du FNADT.
IV. LE FNADT : UN OUTIL À FORT POTENTIEL AU SERVICE DES POLITIQUES D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE QU'IL CONVIENT DE CONSOLIDER
Le FNADT ne peut en aucun cas être une variable d'ajustement lors des discussions budgétaires pour 2026.
Si un effort exceptionnel a pu être consenti dans le cadre du vote de la loi de finances pour 2025, celui-ci ne pourra pas se réitérer en 2026 sans mettre en péril de façon irrémédiable de nombreuses actions concrètes d'aménagement du territoire qui dépendent exclusivement de cet outil de financement.
L'efficacité et la souplesse de l'utilisation de ce fonds d'intervention, son effet levier reconnu, pour un coût finalement très limité pour l'État de l'ordre de 200 millions d'euros par an, justifie son maintien et de renoncer à tout projet de dilution dans un autre outil de financement.
Au contraire, un renforcement du FNADT dès 2026 est nécessaire pour concrétiser les engagements pris par le Gouvernement, lors du comité interministériel aux ruralités du 20 juin 2025 ou encore en matière de labellisation de nouveaux espaces France services.
Le rapporteur spécial souhaite également qu'une réflexion soit engagée afin de mieux définir la politique d'aménagement du territoire conduite par l'État, de la rendre plus lisible et de redonner au FNADT le rôle central qui lui était dévolu par la loi de 1995.