C. LA NOUVELLE GOUVERNANCE DES AIDES À LA PIERRE PERMISE PAR LE FNAP CONSTITUE UNE AVANCÉE REMARQUÉE

1. Une nouvelle gouvernance depuis 2016 saluée par les différents membres du conseil d'administration
a) Un dialogue renforcé entre les parties prenantes

L'existence de deux circuits de financement avant 2016, l'un porté par des crédits budgétaires, l'autre par la péréquation entre bailleurs, rendait plus difficile la coordination entre les acteurs pour le déploiement de la politique du logement social.

La grande avancée portée par la création du FNAP a donc consisté à réunir dans une seule instance l'ensemble des financeurs et délégataires des aides à la pierre. Le conseil d'administration du fonds, en effet, est composé de quinze personnes qui sont réparties équitablement en trois collèges : cinq représentent l'État, cinq les organismes intervenant dans le domaine du logement social et cinq le Parlement et les collectivités territoriales et leurs groupements.

L'article R. 435-2 du code de la construction et de l'habitation précise l'origine de chacun des membres de chaque collège :

Pour l'État, deux administrateurs représentent le ministre chargé du logement27(*), un représentant le ministre chargé de l'économie28(*), un représente le ministre chargé du budget29(*) nommé et un dernier représente le ministre chargé des collectivités territoriales30(*). L'ensemble de ces administrateurs sont nommés par leur ministre.

Le collège de l'État représente donc bien l'ensemble des ministères concernés par le suivi de cette politique, qui mêle enjeux techniques du logement, enjeux de financement et territorialisation des aides.

Le collège des organismes intervenant dans le domaine du logement social est composé de :

- trois représentants de l'Union sociale pour l'habitat (USH), désignés par cette dernière ;

- un représentant de la fédération des entreprises publiques locales (EPL), désigné par cette dernière ;

- un représentant des fédérations des organismes agréés en application de l'article L. 365-2 du code de la construction et de l'habitation, désigné par ces dernières.

De la même façon, les différents mouvements du secteur HLM sont représentés. L'USH regroupe quatre familles d'organismes HLM ainsi qu'une fédération des associations régionales d'habitat social. Elle est ainsi représentative du mouvement dans sa diversité. Les entreprises publiques locales participent aussi à la mise en oeuvre de la politique du logement social en étant ancrées territorialement. Les EPL immobilières sont des bailleurs sociaux mais sous une forme juridique différente. Enfin, les organismes de maîtrise d'ouvrage d'insertion (MOI) agréés en application de l'article L. 365-2 du code de la construction et de l'habitation correspondent à des organismes qui oeuvrent pour le logement des personnes les plus défavorisées.

L'ensemble du spectre des bailleurs sociaux, selon les publics visés et les formes juridiques qu'ils peuvent prendre, est donc représenté.

Enfin, le collège des représentants du Parlement et des collectivités territoriales et de leur groupement est constitué comme suit :

- un député désigné par l'Assemblée nationale ;

- un sénateur désigné par le Sénat ;

- un représentant d'Intercommunalités de France désigné par cette dernière ;

- un représentant de l'Assemblée des départements de France, désigné par cette dernière ;

- un représentant de France urbaine, désigné par cette dernière.

Ceci permet de rassembler à la fois une vision nationale de la représentation citoyenne et des points de vue plus locaux de la part des associations d'élus représentées. En particulier, la présence de représentants des départements, des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et des grandes aires urbaines est stratégique : ce sont particulièrement ces échelons qui sont délégataires des aides à la pierre.

Représentation schématique des trois collèges du conseil d'administration
du Fonds national des aides à la pierre

Source : commission des finances

L'ensemble des auditions menées par le rapporteur a montré que les membres du conseil d'administration (CA) étaient satisfaits de la possibilité de dialogue unifié que ce dernier permet.

L'USH indique ainsi porter « un regard positif sur l'organisation du dialogue partenarial au sein du FNAP, et la garantie d'un partage transparent, en temps réel des informations entre les différentes parties prenantes ». Les entreprises sociales de l'habitat, membres de l'USH, saluent de même la transparence plus grande pour tous les acteurs sur le fonctionnement des agréments.

La clarification de la gestion des aides a été remonté aussi par la fédération des entreprises publiques locales.

Ce constat positif est aussi partagé par les membres du collège des élus et représentants des collectivités, qui saluent, comme Intercommunalités de France, l'esprit de co-construction et de redistribution porté par le CA, porteur d'une approche partenariale. Les deux élus nationaux, Mme la députée Sandrine Nosbé et Mme la sénatrice Marie-Laure Phinéra-Horth, ne sont membres du CA du FNAP que depuis 2024. Ces dernières ne peuvent apprécier l'évolution permise par la création du fonds mais ne font pas remonter de difficultés dans le dialogue.

Les représentants de l'État et le cabinet de la ministre du logement, enfin, font état d'un dialogue constructif au sein du CA. La DHUP indique ainsi que la création du FNAP, qui visait « à associer plus étroitement les bailleurs, les élus, les parlementaires et les collectivités locales à la définition des orientations pour la répartition des aides à la pierre et la programmation du logement social, à travers un outil de mutualisation de ressources différentes », a atteint cet objectif.

Plusieurs acteurs ont indiqué des fruits concrets de ce travail partagé au sein du CA du FNAP.

Ainsi, l'USH mentionnait la mise en place, dès octobre 2017, de groupes de travail internes au FNAP. Ces derniers ont travaillé sur :

- la détermination des objectifs en nombre de logements à notifier en régions ;

- la traduction de ces objectifs en enveloppe financière ;

- le questionnement des méthodes de répartition en vigueur.

Ces groupes de travail ont conduit, par exemple, à la suppression de la prime spécifique pour la région Île-de-France et de l'enveloppe affectée à la surcharge foncière. De même, cela a permis d'inclure de nouveaux critères pour la répartition des objectifs en nombre de logements et des moyens financiers, notamment des indicateurs reflétant la tension de la demande et le niveau de pauvreté.

Enfin, la DHUP montrait aussi que l'engagement de crédits pour l'expérimentation « seconde vie » en 2023 avait été le fruit de propositions de l'USH discutées avec l'ensemble des membres. Le dispositif a été pérennisé en loi de finances pour 2024, malgré sa gestion hors FNAP.

b) Un système de répartition des aides entre les régions qui s'appuie sur la remontée d'informations depuis les territoires

Une des améliorations portées par le FNAP31(*) remontée en outre par les différentes auditions menées par le rapporteur consiste en la mise en oeuvre d'une méthode fondée sur les besoins locaux.

Ainsi, la programmation des aides à la pierre s'effectue d'année en année par la mobilisation de l'ensemble des échelons des administrations de l'État déconcentrées. Fondé sur des enquêtes et des échanges bilatéraux réguliers, ce processus de remontée des besoins se déroule dans l'année qui précède la programmation.

Les directions départementales des territoires et de la mer32(*) (DDTM) échangent en année N-1 avec les opérateurs de logement social et les collectivités locales pour recueillir les intentions de dépôt de projets pour l'année à venir.

Les perspectives de production de logements sont agrégées et fiabilisées. Lorsque cela est nécessaire, les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) et la direction régionale et interdépartementale de l'hébergement et du logement (DRIHL) redressent les objectifs en tenant compte de plusieurs aspects :

- les dynamiques locales pluriannuelles ;

- la cohérence des objectifs de production avec les obligations issues de la loi solidarité et renouvellement urbains (SRU)33(*) ;

- le respect des documents de planification comme le schéma régional de l'habitat et de l'hébergement34(*) (SRHH) ou les programmes locaux de l'habitat35(*) (PLH).

L'administration centrale recueille ainsi les données transmises et prépare la programmation nationale qui est adoptée en fin d'année N-1 par une délibération du conseil d'administration du FNAP. Cette programmation fixe les objectifs nationaux et procède à leur notification aux régions. La répartition annuelle est modulée en fonction des priorités nationales discutées dans le cadre des groupes de travail du FNAP.

Les priorités nationales actuelles remontées par la DHUP dans les réponses faites au rapporteur sont principalement de deux ordres.

D'une part, depuis 2023, l'exercice de programmation nationale de l'offre nouvelle s'articule avec le calendrier de finalisation des contractualisations du Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU). En effet, l'année 2026 est le dernier exercice au cours duquel l'allocation de financements dans le cadre du NPNRU pourront avoir lieu.

Par conséquent, l'objectif annuel global de chaque région est déterminé en retranchant de l'objectif théorique d'offre nouvelle les objectifs de reconstitution à réaliser dans le cadre du NPNRU. Cette méthode vise à permettre de réaliser concomitamment les programmations en offre nouvelle et en reconstitution de l'offre.

D'autre part, le FNAP cherche à garantir pour chaque région une production minimale de logements très sociaux. Ainsi, pour la programmation 2025, un plancher est fixé à 31 % pour les PLAI36(*) et un plafond à 30 % pour les PLS37(*).

La majorité des membres du CA auditionnés par le rapporteur ont fait état de leur satisfaction devant cette logique de remontée d'information qui permet un dialogue continu dans la programmation.

c) L'assouplissement du redéploiement des aides en cours de gestion

La création du FNAP a facilité, depuis 2016, le redéploiement des crédits entre les régions et entre les bailleurs en fonction de l'avancée effective des travaux.

Pour commencer, au printemps de l'année N, le CA du FNAP vote un budget rectificatif au printemps de l'année N, notamment afin de tenir compte des reliquats d'autorisations d'engagement non consommées par les collectivités délégataires des aides à la pierre. Ceci donne lieu à un premier redéploiement de crédits.

Ensuite, au cours de l'année de gestion, deux enquêtes de suivi permettent de fiabiliser les perspectives d'atterrissage en matière d'agréments, afin d'ajuster si nécessaire la répartition des enveloppes entre les régions.

Enfin, le président du FNAP est autorisé par le CA, chaque année, à procéder à des modifications de la programmation en cours d'exécution.

La dernière délibération38(*), dans la continuité de celles de l'année dernière, permet au président d'ajuster les financements et objectifs selon certaines limites. Ainsi, le président peut :

- redéployer les crédits et les objectifs entre régions dans un maximum de 10 % du total des autorisations d'engagement ouvertes ;

- modifier la répartition des crédits consacrés à la production neuve vers le financement des opérations de démolition sous un plafond de 1 % de l'enveloppe ouverte ;

- rediriger dans la limite de 1 500 000 euros une partie des crédits consacrés à la production neuve vers le financement d'actions annexes d'accompagnement et d'ingénierie sociale dans le cadre de maîtrise d'oeuvre urbaine et sociale (MOUS) ;

- répartir territorialement les enveloppes conservées en réserve nationale, notamment l'enveloppe de soutien aux opérations financées en communes carencées suite à la mobilisation du droit de préemption urbain par le préfet.

Schéma de la méthode de programmation annuelle
et de correction en cours d'exercice des objectifs régionaux du FNAP

Source : commission des finances

Le rapporteur salue ce fonctionnement souple qui donne une latitude en gestion pour redéployer efficacement les crédits ouverts en fonction de la réalité des opérations sur le terrain, à l'unisson de certains membres du CA comme la fédération des entreprises sociales pour l'habitat (ESH).

d) Un système d'octroi des aides au niveau local qui repose sur le préfet et les collectivités délégataires des aides à la pierre

Une fois les fonds répartis entre les régions, l'État ouvre les autorisations d'engagement (AE) préalables du montant inscrit dans l'avenant en vigueur à la convention entre l'État et le FNAP. C'est cette convention qui régit les relations financières entre les deux acteurs.

Ensuite, l'administration centrale délègue ces AE à chaque direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) en fonction de la répartition votée par le conseil d'administration. La répartition des crédits de paiement est réalisée suivant les prévisions de décaissement remontées par les services déconcentrées et ajustées au besoin au niveau national, selon la procédure indiquée au point précédent.

Une fois parvenus au niveau des DREAL, les crédits sont délégués aux directions départementales des territoires et de la mer (DDTM), en fonction de la répartition actée au sein des comités régionaux de l'habitat et de l'hébergement (CRHH).

Le CRHH, outil local de répartition des financements du FNAP

Prévus par l'article L. 364-1 du code de la construction et de l'habitation, les Comité régional de l'habitat et de l'hébergement (CRHH) sont les instances de concertation au niveau régional de l'ensemble des acteurs intervenant dans le domaine de l'habitat et de l'hébergement.

Les CRHH émettent des avis sur différents thèmes comme la satisfaction des besoins en logement de toutes les catégories de population, les orientations de la politique de l'habitat dans la région, la programmation annuelle des aides publiques au logement sur la base des dotations de l'État notifiées dans la région, les modalités d'application qui régissent l'attribution des logements sociaux ainsi que les politiques menées dans la région en faveur des populations défavorisées et des populations immigrées.

Il est présidé par le préfet de région, à l'exception de l'Île-de-France où le CRGG est co-présidé par le préfet de région et le président du Conseil régional.

Dans le cadre des crédits du FNAP, le CRHH est l'instance dans laquelle les crédits sont répartis entre les préfets de département qui délèguent à leur tour, le cas échéant, aux territoires sous gestion délégué.

Le préfet propose une déclinaison entre les territoires de gestion de l'enveloppe d'autorisations d'engagement que l'administration centrale lui notifie. Une fois validée, cette déclinaison est mise en oeuvre au niveau plus fin.

La répartition locale des aides dépend des orientations que les CRHH souhaitent donner à la production. Ainsi, certaines régions ont mis en place des zonages spécifiques fondés sur la tension et les perspectives de développement, comme Bretagne ou les Pays de la Loire. D'autres régions ciblent certains modes de production, comme les Hauts de France qui encouragent le modèle d'acquisition-amélioration. Enfin, des régions préfèrent cibler certaines communes. En Provence-Alpes-Côte d'Azur et en Île-de-France, les communes déficitaires du point de vue des ratios SRU sont ciblées plus particulièrement.

Source : commission des finances, à partir des réponses aux questionnaires du rapporteur

La répartition infrarégionale, une fois adoptée en CRHH, suit alors deux logiques :

- soit les territoires destinataires des subventions ne sont pas délégataires des aides à la pierre, auquel cas le préfet de département est responsable de répartir les crédits en fonction du déroulé des opérations ;

- soit les territoires destinataires bénéficient d'une délégation de compétence des aides à la pierre39(*), auquel cas le préfet de département et les présidents de territoires délégataires signent un avenant à la convention de délégation en précisant les objectifs et les moyens pour l'année.

La procédure de délégation aux territoires présentée diffère légèrement entre les régions, mais reprend habituellement le même schéma.

Une fois l'avenant signé entre l'État et le président du territoire délégataire, l'État délègue 80% des crédits, ce qui permet d'ajuster en cours de gestion les 20 % restants. Si l'objectif de construction peut-être atteint, voire dépassé, les crédits non délégués le sont par un nouvel avenant de fin de gestion. A l'inverse, si les objectifs risquent de ne pas être atteints, les crédits sont redirigés vers d'autres projets.

Ce système souple, proche de celui au niveau national, permet un redéploiement des crédits si certains territoires dépassent leurs perspectives.

Le système de délégation est néanmoins relativement lourd : la convention de délégation initiale est signée pour six ans, et fait l'objet d'un avenant annuel précisant les objectifs et moyens pour l'année ainsi que d'un avenant de fin de gestion, soit au minimum deux avenant par an. Ces avenants font l'objet d'une validation par les conseils communautaires qui peut allonger significativement les délais sur certains territoires. Comme l'indique la DHUP, selon les calendriers de CRHH et de conseils communautaires, les avenants peuvent n'être signés qu'en juin et les crédits délégués en juillet d'une année N, ce qui retarde la livraison des crédits.

Au bout du processus, les aides à la pierre sont versées aux bailleurs sociaux. Dans les collectivités délégataires, ces derniers bénéficient, outre les aides du FNAP, des engagements pris par les collectivités à la livraison des logements.

e) La prégnance de l'État sur la répartition des aides demeure, menant à de possibles améliorations dans la prise en compte des réalités locales

En vertu de l'article R. 435-8 du code de la construction et de l'habitation, « le ministre chargé du logement met à disposition de l'établissement à titre gratuit les moyens humains et matériels nécessaires [au fonctionnement du conseil d'administration du FNAP] ».

Par conséquent, l'ensemble des documents préparatoires aux conseils d'administration du FNAP sont produit par l'administration centrale, en l'occurrence la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP). Le lien avec les besoins locaux est en outre mené entre l'administration centrale et l'administration déconcentrée, ce qui a pour conséquence d'avoir une chaîne d'expression des besoins entièrement gérée par la fonction publique d'État.

Certains auditionnés par le rapporteur ont ainsi fait part d'un non-choix de la part de l'État entre décentralisation et déconcentration de la gestion des aides à la pierre. Si la délégation de compétence est en effet encouragée et semble une solution efficace sur le terrain, la remontée d'information et la préparation des réunions du FNAP demeure très liée à l'administration de l'État.

Intercommunalités de France fait ainsi remonter que les réunions du conseil d'administration sont fondées sur une approche descendante de l'administration vers les membres du CA. Ainsi, il s'agit souvent de présentation faites par les services de l'État sur lesquelles il est difficile d'apporter des observations.

Le rapporteur souhaite ainsi que soient explorées des pistes pour que la prise en compte des réalités locales et les possibilités de dialogue au sein du CA soient mieux mises en oeuvre.

2. Le suivi centralisé des aides offre une vision globale qui manque cependant de précision
a) Le rassemblement en un fonds unique des diverses solutions d'aides précédentes facilite la lecture de l'effort de la Nation en faveur du logement social

L'avantage principal du FNAP a consisté en l'unification de l'ensemble des aides à la pierre. Le rapporteur salue cette évolution qui permet d'apporter une lisibilité plus grande à la politique du logement et de l'effort de la Nation pour le logement social.

En effet, la politique du logement suit une double logique :

- une logique d'abord nationale au vu de l'enjeu d'aménagement du territoire et d'accès de l'ensemble des citoyens à un logement40(*) ;

- une logique locale, puisque l'incarnation concrète des projets d'offre nouvelle, de rénovation ou de réhabilitation de logements sociaux s'insère dans un écosystème de proximité et doit prendre en compte les contraintes qui y sont associées.

L'équilibre entre ces deux logiques est en grande partie atteinte par le FNAP, qui réunit l'ensemble des aides à la pierre dans un seul fonds dont la programmation s'appuie sur des remontées locales.

b) Depuis 2023, un guichet numérique unique pour la demande et le suivi des aides facilite leur gestion

La mise en oeuvre concrète du travail de centralisation du suivi des aides à la pierre a connu, en avril 2023, une avancée que le rapporteur salue.

Avant cette date, le suivi des opérations de production de logements locatifs sociaux était fragmenté entre de nombreux acteurs. Plusieurs outils informatiques distincts étaient nécessaires pour accompagner ce suivi.

En particulier, les systèmes d'information SPLS-Galion et EcoloWEB, étaient utilisés, l'un pour les aides à la pierre, l'autre pour l'exploitation informatisée des conventions et des loyers et correspondaient à deux plateformes distinctes qui empêchaient de suivre le devenir des logements sociaux, de leur production jusqu'à leur sortie du parc social.

L'ensemble des données et opérations présentes dans ces deux applications ont été transférées dans le système d'information des aides à la pierre (SIAP), qui permet désormais aux bailleurs sociaux, dès le début de l'exercice de programmation, de se connecter pour déposer de manière dématérialisée leurs projets de demandes de financement et de convention APL, et d'y récupérer les décisions de financement et les conventions des opérations passées.

Mis en oeuvre d'abord par une expérimentation à grande échelle dans six régions de France métropolitaine, le déploiement du SIAP a été organisé pendant l'été 2022. L'ensemble des acteurs de la production de logements sociaux ont été consultés pour permettre des adaptations de la plateforme et répondre aux besoins des territoires et des bailleurs. Une vingtaine de mises à jour ont depuis été déployées depuis son lancement.

Aujourd'hui, les services instructeurs, les collectivités délégataires des aides à la pierre et les services de l'État peuvent instruire les demandes de financement :

- soit directement via le SIAP, qui par ailleurs intègre les dernières évolutions de la réglementation, notamment la forfaitisation, la simplification de l'octroi des aides et les nouvelles aides à la rénovation ;

- soit via leurs propres outils d'instruction qui dialoguent avec la plateforme par le biais d'une interface.

c) Les difficultés de suivi des aides dans les territoires où les aides à la pierre sont mises en oeuvre par des collectivités délégataires

Le rapporteur souligne cependant que l'unification des aides à la pierre dans un fonds unique et le déploiement d'une interface numérique commune n'est pas suffisant pour s'assurer d'une répartition équitable et efficiente entre les territoires.

Lors de ses échanges avec la DHUP, il est ainsi apparu que le suivi précis des aides à la pierre dans les territoires où la compétence est déléguée n'est aujourd'hui pas possible. En effet, l'application Chorus, interconnectée au SIAP, permet de fiabiliser le suivi financier des opérations lorsque l'administration déconcentrée déploie des aides : les restes-à-payer par opération peuvent ainsi être obtenus dans ces territoires.

En revanche, il n'est pas possible d'obtenir les mêmes informations dans les territoires sous gestion déléguée. Le décaissement des crédits de paiement aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et aux conseils départementaux est ainsi assuré en dehors de Chorus, ce qui empêche de connaître la ventilation précise de ces paiements.

Dans le délai permis par les travaux du rapporteur, il n'a donc pas été possible de produire un tableau recensant, pour l'année en cours, le montant de crédits engagés et de restes-à-payer par opération ou par bailleur.

Le rapporteur pointe donc le risque que l'encouragement au déploiement de la délégation de compétences pour les aides à la pierre ne s'accompagne d'une absence de remontées d'informations précises sur les opérations menées et sur leur suivi budgétaire.

3. La répartition des aides interroge sur la correspondance entre les besoins et les crédits accordés

Le manque de données précises sur la déclinaison fine au plan territorial des aides à la pierre pousse à interroger la correspondance entre les besoins et les engagements de subvention dans chaque territoire.

Le rapporteur est sensible à ce que les centres urbains majoritaires ne soient pas avantagés de façon indue par rapport à d'autres villes moyennes, voire à certains territoires ruraux. La crise du logement, et notamment du logement social, touche en effet la France sans faire de distinction.

a) La répartition régionale consacre la prégnance de la région parisienne

L'analyse de la répartition des aides entre les différentes régions tel qu'adopté dans le budget rectificatif n°1 du FNAP pour 202541(*) fait clairement apparaître que la répartition des aides consacre la place centrale de l'Île-de-France parmi les autres territoires.

La région capte ainsi près de 39,4 % des autorisations d'engagement programmées, soit 169,8 millions d'euros. La seconde région la plus dotée, l'Auvergne-Rhône-Alpes, bénéficie d'un montant de subventions à répartir entre les bailleurs qui est quatre fois moindre, avec 42,8 millions d'euros doit 9,9 % des autorisations d'engagement programmées.

La région francilienne est en outre la seule à bénéficier d'une bonification spécifique de 2,040 millions d'euros d'autorisations d'engagement, inscrite au budget du FNAP, pour le financement d'opérations de logements étudiants en prêt locatif à usage social (PLUS).

Les autres enveloppes réparties de façon plus précise concernent des problématiques d'envergure nationale, comme par exemple une ligne de 45 millions d'euros au titre de la bonification des opérations contribuant au recyclage foncier et immobilier, ou encore 22 millions d'euros au titre de la bonification des opérations de résidences sociales et de pensions de famille.

Répartition régionale des autorisations d'engagement programmées
pour l'année 2025

(en millions d'euros et en pourcentage)

Source : commission des finances, données FNAP

La comparaison entre les montants de subvention reçus et la population résidant dans les régions fait ressortir de façon encore plus flagrante la concentration francilienne des aides à la pierre. Avec 18,8 % de la population, l'Île-de-France capte près presque 40 % des aides.

Cette répartition est d'autant plus étonnante qu'il s'agit de la région qui cumule la part de restes-à-payer la plus importante : 43,8 %. L'ouverture massive de nouvelles autorisations d'engagement, alors que l'objectif du fonds est justement de rationaliser les restes-à-payer et d'apurer les reports de crédits, interroge.

Dans une moindre mesure, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur présente un profil similaire : elle est la seule, avec l'Île-de-France et la Corse, à bénéficier d'une part d'AE programmées supérieure à celle de la part de la population qui y réside. Par ailleurs, la part des restes-à-payer qu'elle doit assumer dépasse la part des AE qu'elle reçoit.

Comparaison par région, entre la part d'autorisations d'engagement
programmées pour 2025 par le FNAP, la part des restes-à-payer fin 2024
et la population en 2025

(en pourcentage)

Source : commission des finances, données FNAP et INSEE

Si la répartition brute par autorisations d'engagement peut sembler indiquer une disproportion en faveur de la région francilienne, il convient néanmoins de nuancer cette analyse. En effet, même si la région bénéficie d'un montant d'autorisations d'engagement programmées très au-delà de ce que reçoivent les autres régions, il n'en demeure pas moins qu'il s'agit, de même, de la région qui construit le plus, et de loin.

En programmant 23 157 logements sociaux pour l'année 2025, la direction régionale et interdépartementale de l'hébergement et du logement (DRIHL) d'Île-de-France prouve qu'il s'agit là de la région la plus dynamique en termes de construction. Cela correspond ainsi par exemple au double de ce que prévoit la région Auvergne-Rhône-Alpes, alors que le rapport de population est de 1,5 entre les deux régions.

Comparaison par région, entre la part d'offre nouvelle de logement programmée
et la population en 2025

(en pourcentage, à gauche, et en nombre de logements, à droite)

Source : commission des finances, données FNAP et INSEE

Le graphique fait apparaître deux régions qui ont une part d'objectif de construction particulièrement ambitieuse au regard de leur population : les Pays de la Loire et la Bretagne. Au cours des auditions, Intercommunalités de France a rappelé l'existence d'une spécificité de la région Bretagne en matière d'organisation du secteur du logement social.

b) La répartition locale laisse à l'État la maîtrise des fonds et doit être plus territorialisée pour mieux répondre aux besoins locaux

L'impossibilité pour la DHUP de produire des données précises, au niveau départemental ou régional, empêche de prendre conscience de la manière dont sont réparties les autorisations d'engagement et les projets de logements sociaux sur le territoire.

Les effets de métropolisation, présents dans tous les territoires, risquent en effet de concentrer sur certaines aires urbaines déjà denses les opérations nouvelles, au détriment du développement de certaines villes secondaires voire d'EPCI plus ruraux.

La facilité plus grande, pour les métropoles et les EPCI dotés de moyens humains et financiers importants, de devenir délégataire de la compétence des aides à la pierre, tend à accroître la fracture entre grandes villes et petites entités urbaines.

Le contrôle fin, par le conseil d'administration du FNAP et par le Parlement, de la répartition des aides dans les territoires, doit par conséquent être développé. Plusieurs auditionnés, dans le collège des bailleurs sociaux et celui des élus locaux, ont fait remonter le souhait de bénéficier d'un document récapitulatif qui centraliserait toutes les programmations infrarégionales. Ce suivi serait très utile et éclairant.

c) Certains bailleurs sont particulièrement dotés en subventions malgré des restes-à-payer particulièrement élevés

Outre la répartition régionale des aides, le rapporteur souhaite indiquer que la répartition entre les différents bailleurs semble, à certains égards, revenir pour une grande part à un petit groupe de grandes structures, au risque d'empêcher le développement de certains projets d'ampleur moindre ou situés dans des lieux plus reculés.

Le rapporteur relève en outre que la plupart des grands montants d'aides sont captés par des sociétés d'économie mixte, ce qui tend à montrer que certains bailleurs, sous d'autres formes juridiques, pourraient être moins souvent retenus dans les projets d'aménagement.

Par exemple, Adoma, filiale de CDC Habitat, est, depuis la création du FNAP, la structure qui capte le plus d'aides du fonds. En 2023, elle a ainsi obtenu 60,1 millions d'euros de subventions, soit 14,7 % des crédits versés par le FNAP aux bailleurs. Cette même année, 407 structures ont bénéficié de subventions du FNAP, ce qui montre à quel point la place prise par cet acteur est clé.

Répartition par bailleur des aides versées par le FNAP en 2024

(en millions d'euros et en pourcentage)

Source : commission des finances, données DHUP

En soi, le fait que certains bailleurs reçoivent plus de subventions que d'autres est tout à fait logique, dans la mesure où ce sont eux qui concentrent le plus la production de logements sociaux. Selon la fédération des entreprises publiques locales, la production de logements est concentrée sur 3 structures principales que sont CDC Habitat, Adoma et la Régie immobilière de la ville de Paris (RIVP), avec près de 62 % des logements sociaux produits par des sociétés d'économie mixtes.

Cependant, le rapporteur questionne l'opportunité de concentrer les aides sur quelques bailleurs, qui plus est pour beaucoup franciliens, au risque de limiter la capacité de construction d'autres structures plus petites.

Le rapporteur relève par ailleurs que les deux bailleurs recevant le plus d'aide, à savoir Adoma et la RIVP, sont aussi ceux pour lesquels demeurent le plus de restes-à-payer. Sur 2,3 milliards d'euros de restes-à-payer pour l'offre nouvelle fin 2024, Adoma en compte 215 millions d'euros, soit 8,5 %, et la RIVP 139 millions d'euros, soit 5,0 %.

S'il est logique que les structures qui portent le plus d'opérations soient celles envers qui le FNAP a le plus re restes-à-payer, le rapporteur questionne néanmoins cette concentration : pour Adoma, la part de restes-à-payer est supérieure à celle des subventions reçues, ce qui pourrait indiquer une difficulté pour le bailleur à mettre en oeuvre concrètement ses opérations. Le rapporteur note ainsi que l'existence de restes-à-payer massifs est aussi, dans certains cas, le signe d'un retard pris par le bailleur dans les opérations pour lesquelles il a été subventionné.


* 27 Issus de la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP), inclue dans la direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN).

* 28 Issu de la direction générale du Trésor (DGT).

* 29 Issu de la direction du budget (DB).

* 30 Issu de la direction générale des collectivités territoriales (DGCL).

* 31 La DHUP indique que cette méthode a été mise en oeuvre dès 2013. Cependant, l'unification de la gouvernance du FNAP a permis à l'ensemble des acteurs de bénéficier de cette méthodologie commune.

* 32 Ou directions départementales des territoires (DDT) dans les départements non côtiers.

* 33 En application de l'article 55 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, les communes de plus de 3 500 habitants - et de 1 500 habitants dans l'agglomération parisienne - appartenant à des agglomérations ou intercommunalités de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants doivent disposer de 25 % de logements sociaux au sein de leur parc de résidences principales, ou 20 % dans les territoires moins tendus.

* 34 Le SRHH est un schéma spécifique à l'Ile-de-France qui effectue un diagnostic du logement et de l'habitat, fixe des objectifs globaux et leur déclinaison territoriale au niveau des intercommunalités ainsi que des indicateurs pour le suivi de sa mise en oeuvre.

* 35 Les programmes locaux de l'habitat (PLH) sont des documents stratégiques d'orientation, de programmation et de mise en oeuvre de la politique locale de l'habitat sur le territoire intercommunal. Ils sont élaborés par les EPCI compétents en matière d'habitat pour une durée de six ans et déclinent les réponses locales à apporter aux besoins en matière d'habitat et d'hébergement.

* 36 Les logements PLAI, pour prêt locatif aidé d'intégration, sont destinés aux ménages en grande précarité.

* 37 Les logements PLS, pour prêt locatif social, sont attribués ont attribués aux candidats locataires ne pouvant prétendre aux locations HLM, mais ne disposant pas de revenus suffisants pour se loger dans le privé.

* 38 Délibération du CA du FNAP n° 2024-8 du 12 décembre 2024 portant budget initial pour 2025.

* 39 Cette délégation de la compétence des aides à la pierre a été mise en oeuvre depuis l'a publication de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

* 40 Le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 dispose, en son paragraphe 10, que « La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement ». De ce principe découle le droit au logement opposable, consacré par la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.

* 41 Délibération n° 2025-3, Budget rectificatif n°1 du FNAP pour 2025 et décisions associées, Conseil d'administration du 7 mars 2025.

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