II. L'AVENIR DU FNAP EST CONDITIONNÉ PAR LE DÉPLOIEMENT D'UN MODÈLE DE FINANCEMENT DURABLE ET D'UNE GOUVERNANCE MIEUX MAÎTRISÉE
A. FACE À LA DIFFICULTÉ DE FINANCER LE FNAP EN 2025, LA CRÉATION D'UN GROUPE DE TRAVAIL SUR SON AVENIR
1. Une concertation nécessaire saluée par les différentes parties prenantes
Avec l'adoption, en mars 2025, d'un budget rectificatif, le FNAP s'est assuré de pouvoir couvrir les charges auquel il fait face cette année. Ce budget rectificatif prévoit néanmoins un déficit de 178,8 millions d'euros qui ne pourrait pas être reconduit en 2026, faute de trésorerie.
Synthèse du budget rectificatif du FNAP de mars 2025
(en euros)
Dépenses en crédits de paiement |
Recettes |
||
Enveloppe de fonctionnement |
10 000 |
Cotisations CGLLS |
75 000 000 |
Restitution des crédits non engagés en 2024 sur les actions d'accompagnement |
917 503 |
||
Enveloppe d'intervention |
305 183 563 |
Prélèvement SRU |
500 000 |
Majoration SRU |
50 000 000 |
||
Total des dépenses (1) |
305 193 563 |
Total des recettes (2) |
126 416 503 |
Solde budgétaire (3) = (2) - (1) |
- 178 776 060 |
||
Trésorerie disponible (4) |
285 927 128 |
||
Trésorerie fin 2025 (p) (5) = (4) + (3) |
107 151 068 |
Source : commission des finances, Budget rectificatif n° 1 du FNAP pour 2025 et décisions associées - Délibération n° 2025-3
Il apparaît clairement qu'à paramètre constant, le FNAP ne pourrait poursuivre son activité une seconde année avec si peu de recettes. En effet, alors que le besoin de financement pour 2026 devrait demeurer de l'ordre de 300 millions d'euros, il n'est pas possible de reconduire le même niveau de recettes.
Par conséquent, le président du conseil d'administration du FNAP a proposé la création d'un groupe de travail pour travailler à son avenir, entérinée par une décision du CA en date du 12 décembre 202442(*).
L'objectif du groupe de travail était de « réfléchir au modèle économique de la production de logements sociaux ». Concrètement, il s'agissait à la fois de :
- mener une réflexion structurelle sur le financement du logement social et une éventuelle évolution du FNAP ;
- garantir le financement du logement social à partir de 2026 et apporter de la visibilité au secteur ;
- interroger le système actuel des « aides à la pierre », ses modalités, sa pertinence et son efficacité.
La DHUP a été chargée de mener la réflexion au sein d'un groupe qui a associé France Urbaine, l'Association des maires de France (AMF), l'Union sociale pour l'habitat (USH), Action Logement, la fédération des offices publics de l'habitat (OPH), la Fédération des entreprises sociales pour l'habitat (ESH) et la Caisse des dépôts.
Les réunions se sont tenues sur une période restreinte, de janvier à avril 2025, dans l'objectif d'établir des propositions à vocation interministérielle qui nourriraient les réflexions préalables au PLF 2026.
Quatre séances de travail ont eu lieu, abordant chacune une dimension du problème.
La première rencontre a eu lieu le 31 janvier 2025. Outre l'installation du groupe de travail, elle a permis le cadrage des travaux et a donné l'occasion à la DHUP de présenter les objectifs qui s'y rattachaient. Dans le fond, une présentation sur le modèle du logement social, les enjeux et les pistes pour le secteur y a été faite.
La deuxième séance du groupe de travail a eu lieu le 7 mars 2025. Elle visait principalement à interroger la situation financière du FNAP ainsi qu'un bilan de son activité depuis 2016. Une présentation du détail des restes-à-payer y a été faite. Cette dernière indique leur concentration géographique forte : 45 % des restes-à-payer se trouvent en Île-de-France. De même, selon les familles d'organismes, les entreprises sociales pour l'habitat (ESH) cumulent 53 % des restes-à-payer.
En outre, cette séance a été consacrée à l'étude d'une hypothèse d'un maintien des aides à la pierre, tout en questionnant celui de l'existence du FNAP. Une identification des ressources nécessaires pour conserver le fonds a été présentée, avec une estimation de 400 millions d'euros de crédits de paiement nécessaires. Les membres du groupe de travail ont contribué à la réflexion lors de cette séance en transmettant des contributions écrites défendant leur point de vue.
La troisième réunion, le 1er avril 2025 a abordé l'hypothèse d'une suppression du FNAP avec la question du traitement des restes-à-payer le cas échéant. En effet, même si les aides à la pierre étaient supprimées, la situation est proche de 2016 : de nombreuses opérations ont bénéficié d'autorisations d'engagement qui seront concrétisées dans les dix années qui suivent l'agrément. Le groupe de travail a évoqué les modalités de soutien à l'investissement des bailleurs dans le cas du maintien d'aides à la pierre hors FNAP ou d'une suppression des aides à la pierre.
Enfin, la quatrième et dernière séance, le 29 avril 2025, a conclu les travaux en présentant différents scénarii aboutis.
2. La composition du groupe de travail suit une démarche incertaine et difficilement compréhensible
Le périmètre des participants au groupe de travail a été arrêté par le conseil d'administration du FNAP le 12 décembre 2024. Le président a établi, ensuite, une liste précise de ses membres au début du mois de janvier 2025.
La démarche qui a conduit l'élaboration de la liste des participants au groupe de travail était la suivante :
- permettre un pilotage efficace du groupe de travail en limitant le nombre d'acteurs présents ;
- représenter les différents collèges des membres du conseil d'administration (CA) au sein du groupe de travail ;
- inclure certains acteurs non représentés au CA en raison de leur rôle crucial dans le financement du logement social.
Comparaison de la composition du groupe de travail
sur l'avenir du FNAP
et du conseil d'administration du FNAP
Source : commission des finances
Le rapporteur constate que le groupe de travail sur l'avenir du FNAP a inclus l'ensemble du collège des représentants de l'État présent au conseil d'administration.
En revanche, parmi les organismes oeuvrant dans le logement social siégeant au conseil d'administration, les entreprises publiques locales n'ont pas été intégrées au groupe de travail, de même que parmi les représentants d'élus, Intercommunalités de France et l'Assemblée des départements de France.
Par conséquent, le rapporteur s'étonne que l'Association des maires de France, absente du CA, ait été conviée au groupe de travail alors que d'autres associations de représentants locaux en ont été exclues. Ceci est d'autant plus étonnant que les départements et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) sont les échelons auxquels la compétence des aides à la pierre peut être déléguée.
De même, le choix de ne pas retenir la Fédération des entreprises publiques locales mais d'intégrer l'Union professionnelle du logement accompagné dans le groupe de travail interroge sur les motivations qui y ont conduit.
Le rapporteur indique ainsi qu'une réflexion sur les membres du conseil d'administration du FNAP pourrait être entreprise afin d'y inclure les groupements les plus représentatifs et stratégiques.
La présence de la Banque des Territoires, en tant que financeur de premier plan du logement social, donne un poids particulier à ce groupe de travail qui devait penser la stratégie de financement du logement social de façon large.
Le fait que les débats aient finalement porté presque exclusivement sur le FNAP peut néanmoins questionner l'opportunité de l'avoir intégrée, dans la mesure où la Banque des Territoires finance des prêts, mais pas des subventions directes similaires aux aides à la pierre. De même, la présence d'Action Logement Groupe dans le groupe de travail, alors que la participation des employeurs à l'effort de construction (PEEC) n'est plus fléchée vers le FNAP, semble intéressante mais aurait dû permettre d'engager une révision plus large de la question du financement du logement social, au-delà de la simple question du FNAP.
3. L'étude de solutions très diverses et le vote du conseil d'administration en faveur d'un retour de l'État au financement du FNAP
Lors de la séance du 29 avril 2025, les parties prenantes ont présenté les différents scénarii proposés à l'arbitrage de la ministre du logement.
a) La suppression des aides à la pierre : un saut en eaux troubles indésirable
Le premier scénario présenté consistait à envisager la suppression des aides à la pierre. Il n'y aurait ainsi plus de subventions nationales aux opérations.
La question centrale, dans ce scénario, est celle du traitement des 2,5 milliards d'euros de restes-à-payer du FNAP. Il serait envisagé de les financer par les ressources socles actuelles du FNAP : majoration SRU et cotisations des bailleurs sociaux jusqu'à extinction des restes-à-payer, à horizon dix ans.
En outre, la perte de subvention impliquerait une compensation par d'autres ressources pour assurer l'équilibre des opérations. Il conviendrait alors de rehausser les ressources locatives pour les bailleurs ou d'accroître les mécanismes de soutien indirect, notamment fiscaux.
Dans le contexte de besoins élevés d'investissement en termes de rénovation et de construction de logements sociaux, ce scénario ne convainc pas. Il mobiliserait en effet pour les dix prochaines années les ressources dont bénéficie actuellement le FNAP tout en créant certainement un déséquilibre dans les opérations et demanderait de réviser la politique des loyers et de dépenses fiscales en faveur du logement, avec des effets de bord budgétaires importants.
b) La piste du maintien d'aides à la pierre en dehors du FNAP, centrées sur les ménages les plus modestes
Un second scénario envisagé consistait à maintenir des aides à la pierre, mais en dehors du FNAP. Dans ce cadre, l'action de l'État serait recentrée sur les ménages les plus modestes, qui pourrait être compatible avec un acte de décentralisation ou une généralisation des délégations.
Les logements types visés dans le plan Logement d'abord II seraient ainsi ciblés en priorité par des appels à projets financés par les majorations SRU et des crédits budgétaires.
Les majorations SRU devraient cependant aussi être utilisées pour financer les restes à payer, qui seraient traités avec les cotisations des bailleurs sociaux.
Pour le logement social classique, il conviendrait de créer un système de péréquation interne entre les bailleurs sociaux, afin de stimuler la rénovation énergétique et la production neuve de logements.
Ce scénario demande un soutien accru aux opérations par les collectivités territoriales, ainsi qu'un recours plus systématique aux fonds européens en fonction des priorités régionales.
À nouveau, ce scénario n'a pas convaincu. Pour commencer, il consiste finalement à revenir à la situation qui préexistait au FNAP : deux circuits de financement distincts pour les aides à la pierre, l'un géré par l'État et spécialisé sur le logement très social, l'autre par les bailleurs sociaux, qui recréeraient un équivalent au FNDOLLTS 43(*).
c) Trois trajectoires possibles au sein du scénario de maintien du FNAP
Le troisième scénario proposé lors de l'ultime réunion du groupe de travail le 29 avril 2025 a consisté à proposer le maintien du FNAP, tout en y apportant des évolutions.
L'ensemble des contributions reçues par les participants au groupe de travail appelle au retour de l'État dans le financement du FNAP. En effet, il apparaît difficile de maintenir une trajectoire ambitieuse de construction de logements sociaux sans que le pilier budgétaire ne revienne durablement, d'une part, et alors que la fraction de cotisation à la CGLLS des bailleurs est fortement réduite pour compenser les effets délétères de la RSL sur leurs fonds propres, d'autre part.
Parmi les éléments présentés par le groupe de travail comme pouvant faire l'objet d'une redéfinition, ont été cités le périmètre d'intervention, la pertinence des enveloppes de bonification, le possible recentrage des subventions sur certains produits, la remise à plat des montants moyens de subvention et la possibilité d'introduire davantage de souplesse pour les échelons territoriaux et locaux.
Le groupe de travail a établi, au sein de ce scénario, trois trajectoires potentielles, en fonction de l'ambition du FNAP pour les années à venir.
Présentation des trajectoires
envisagées en cas de maintien du FNAP
lors de la dernière
séance du groupe de travail sur l'avenir du FNAP
Trajectoire de continuité |
Trajectoire ambitieuse |
Trajectoire de contraction |
|
Budget prévisionnel |
500 millions d'euros d'AE |
600-700 millions d'euros d'AE |
350 millions d'euros d'AE |
Périmètre |
Offre nouvelle, inchangée |
- Offre nouvelle pour 400 millions d'euros - Rénovation énergétique pour 200 à 300 millions d'euros |
Ciblage accru des subventions sur les produits les plus sociaux |
Évolutions dans la gouvernance |
Possibilité de renvoyer aux CRHH les priorités d'intervention |
Non précisé |
Renvoi aux CRHH des priorités d'intervention |
Source : commission des finances, réponses de la DHUP au questionnaire
Le scénario de continuité, privilégié par le ministère du logement, pourrait exiger un accroissement de 200 millions d'euros en 2026 du besoin de financement du FNAP. Dans le projet de loi de finances pour 2026, il souhaiterait permettre une réduction de 100 millions d'euros supplémentaires de la RLS, qui passerait de 1,1 milliard d'euros à 1 milliard d'euros. En contrepartie, les bailleurs contribueraient au FNAP à hauteur de 275 millions d'euros, contre 75 millions d'euros depuis 2020.
Les arbitrages interministériels ne sont pas rendus, et pourraient ne pas être favorables dans le contexte budgétaire tendu qui rend difficile toute réduction des recettes de l'État.
d) Un vote du conseil d'administration appelant au retour d'un financement budgétaire par l'État
À la suite des travaux du groupe de travail, le CA du FNAP s'est réuni le 22 mai 2025 et a voté en faveur de l'un des scénarii proposés. Celui-ci se rapproche de la trajectoire ambitieuse présentée lors de la dernière séance du groupe de travail.
Lors de ce CA, le collège de l'État n'était représenté que par la direction du budget et la direction générale du Trésor. En effet, les ministères non financiers n'y ont pas participé. L'adoption de la résolution s'est faite contre l'avis de l'État, qui ne pouvait s'engager alors que les arbitrages pour le projet de loi de finances pour 2026 n'étaient pas rendus.
Le scénario retenu rentre dans le détail du financement, du périmètre des activités du FNAP et de la programmation.
En termes de financement, le conseil d'administration a adopté la proposition suivante :
Les dépenses seraient réparties comme suit :
- 700 millions d'euros d'autorisations d'engagement, dont 400 millions d'euros pour la construction et 300 millions d'euros pour la rénovation énergétique du parc social ;
- 525 millions d'euros de crédits de paiement.
Les recettes, d'un montant total de 525 millions d'euros, seraient réparties comme suit :
- 375 millions d'euros issus des contributions versées à la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) par les bailleurs sociaux ;
- 50 millions d'euros issus des majorations et prélèvements SRU ;
- 100 millions d'euros issus de crédits budgétaires versés par l'État dans le cadre du plan Logement d'abord II ;
- l'utilisation de financements provenant du Fonds européen de développement régional (FEDER) qui viendraient en déduction des financements apportés par l'État.
La prise en compte des taux de chute et les ressources complémentaires mobilisables au travers de la trésorerie du FNAP et des reports de crédits accumulés sur le programme 135 complète le schéma de financement.
Le périmètre d'activité serait élargi à la rénovation des logements sociaux.
En termes de programmation, le conseil d'administration a retenu les objectifs suivants à compter de 2026 :
- la reconduction d'un objectif de production de 100 000 logements locatifs sociaux, dont 32 000 logements financés en PLAI ;
- la rénovation énergétique de 30 000 logements grâce à un soutien du FNAP, à droit constant.
Le rapporteur considère cet objectif assez peu réaliste au vu du contexte budgétaire, mais s'engage pour le maintien du FNAP, dans une trajectoire qui pourrait être plus proche de la continuité tout en prenant en compte les difficultés financières auxquelles le pays fait face. Des améliorations dans la gouvernance pourraient également être envisagés.
* 42 Délibération n° 2024-7 du 12 décembre 2024 portant budget initial du FNAP pour 2025.
* 43 Pour rappel, le fonds national pour le développement d'une offre de logements locatifs très sociaux, créé en 2009, était financé par les bailleurs sociaux et participait au financement de l'amélioration et de la construction de logements sociaux en abondant un fonds de concours avant que le FNAP ne soit créé.