N° 807

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2024-2025

Rapport remis à M. le Président du Sénat le 1er juillet 2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 1er juillet 2025

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission d'enquête (1) sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l'État,

Président
M. Pierre BARROS,

Rapporteur
Mme Christine LAVARDE, 

Sénateurs

Tome I - Rapport et annexes

(1) Cette commission est composée de : M. Pierre Barros, président ; Mme Christine Lavarde, rapporteur ; Mme Pauline Martin, MM. Cédric Vial, Pierre-Alain Roiron, Michaël Weber, Ludovic Haye, Hervé Maurey, Emmanuel Capus, Mme Solanges Nadille, M. Christian Bilhac, Mme Ghislaine Senée, vice-présidents ; Mme Agnès Canayer, MM. Christophe Chaillou, Guillaume Chevrollier, Mme Catherine Di Folco, MM. Sébastien Fagnen, Pierre-Antoine Levi, Alain Milon, Mme Anne-Sophie Patru, MM. Hervé Reynaud, Bruno Rojouan, Jean-Marc Vayssouze-Faure.

AVANT-PROPOS

103 agences, 434 opérateurs, 317 organismes consultatifs, 1 200 organismes publics nationaux... Ces chiffres, souvent diffusés dans le débat public, traduisent moins un simple démembrement de l'État qu'un véritable émiettement de l'action publique. Pourtant, ils restent rarement explicités, alimentant un sentiment de confusion générale.

C'est pourquoi le Sénat, à la demande du groupe Les Républicains dans le cadre de son « droit de tirage » annuel, a décidé de constituer une commission d'enquête sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l'État. Son président était Pierre Barros (groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky) et son rapporteur Christine Lavarde (groupe Les Républicains).

Face à l'immensité de cette tâche, la commission a dû, dès ses premières réunions, circonscrire son périmètre. Elle a notamment décidé d'exclure les universités et les centres de recherche de son champ d'enquête, considérant que ces organismes ont des missions bien déterminées et, par nature, ne concourent pas au sentiment d'illisibilité de l'action publique.

La méthodologie a reposé sur une série d'auditions transversales, d'experts, de hauts fonctionnaires, d'acteurs économiques et d'associations d'élus locaux, puis sur des auditions thématiques par grands domaines de politiques publiques. La commission a ainsi conduit 41 auditions plénières, recevant 91 personnes au total. Deux déplacements dans les départements du Val-d'Oise et du Loiret ont permis d'apprécier le fonctionnement de ces organismes sur le terrain, en lien avec les préfets, les services déconcentrés, les collectivités, les entreprises et les représentants des opérateurs territoriaux. En parallèle, 25 auditions spécifiques en format « rapporteur », ouvertes aux membres de la commission, ont permis d'approfondir l'analyse.

La commission a commandé une étude de législation comparée qui a enrichi ses travaux d'une vision du phénomène d'« agenciarisation » dans quatre autres pays. De manière générale, la commission s'est appuyée sur des dizaines, voire des centaines de rapports, publics ou confidentiels, relatifs aux agences de l'État, ainsi que sur les documents publiés par ces organismes eux-mêmes.

Ce travail, inédit par son périmètre incluant les agences, les opérateurs et les instances consultatives, permet de dresser un paysage contrasté. Certains agences jouent un rôle structurant, au point d'apparaître comme de véritables « États dans l'État », tandis que des centaines de structures, de taille plus modeste souvent à portée locale, ne présentent pas le même enjeu pour l'amélioration de l'action publique.

Plusieurs défis et problématiques clés ont été identifiés de manière récurrente :

- complexité et manque de lisibilité de l'action publique : l'enchevêtrement des structures rend difficile l'identification d'un interlocuteur unique pour les citoyens, les élus locaux et les entreprises ;

- doublons et chevauchements de compétences : de nombreux exemples ont été mis en évidence, que ce soit entre les agences et les administrations centrales ou entre les agences elles-mêmes ;

- transparence et contrôle : un manque de données financières complètes et agrégées pour de nombreux organismes a été constaté, rendant difficile un contrôle parlementaire efficace et un pilotage budgétaire rigoureux.

La commission d'enquête a également examiné l'impact des agences sur la gestion du personnel, compte tenu des différences de statut et de rémunération, ainsi que les difficultés de reclassification en cas de retour dans l'administration.

Les réformes structurelles ont été abordés avec lucidité : si certaines fusions permettent de réaliser des économies d'échelle et d'intégrer des cultures différentes de travail, d'autres sont longues et complexes, sans apporter les gains attendus, voire en entraînant des surcoûts temporaires ou définitifs.

Les relations entre les agences et les collectivités territoriales ont fait l'objet d'une attention particulière. Le préfet et ses services restent, malgré la diminution de leurs moyens, un point d'ancrage essentiel des territoires. La demande d'une ingénierie de proximité pour les petites collectivités est forte et la réponse apportée par les agences n'est pas suffisante.

Enfin, la commission s'est intéressée aux comités consultatifs ou « comités Théodule ». Derrière des coûts directs - tels que comptabilisés par l'administration - souvent limités, ces structures génèrent en réalité une charge administrative importante et ajoutent des délais, interrogeant sur leur utilité réelle.

Au total, la commission d'enquête s'est efforcée de fournir des préconisations cohérentes, argumentées et étayées. S'opposant à toute politique de la « tronçonneuse », coûteuse à court terme du fait des conséquences immédiates sur le tissu économique et social, mais aussi inefficace à long terme, elle a cherché à poser les bases d'une nouvelle méthode pour l'organisation administrative, afin que l'argent public soit utilisé de la manière la plus efficiente possible au service des Français, en rendant l'État plus proche, plus agile et plus responsable.

La commission s'inscrit dans une dynamique de transformation durable de l'action publique, consciente que les décisions prises aujourd'hui auront des conséquences sur le long terme pour la qualité du service public sur l'ensemble du territoire national. Ce rapport n'a ainsi pas pour vocation d'imposer des coupes budgétaires spectaculaires, mais de proposer une méthode de réforme cohérente et soutenable. Il s'agit de remettre l'État, sous toutes ses formes, au service des citoyens.

L'ESSENTIEL

Le paysage administratif français s'est profondément transformé au fil des dernières décennies. Pour répondre à l'accroissement des missions, à la technicité croissante de certaines politiques, ou pour contourner les rigidités de l'administration, l'État a multiplié les structures publiques. 434 opérateurs, 317 organismes consultatifs, 1 153 organismes publics nationaux... mais un seul État. Pour tenter d'y voir clair, pendant cinq mois, la commission d'enquête n'a pas ménagé ses efforts : 64 heures d'auditions plénières avec 91 personnalités entendues, 25 auditions « rapporteur », deux déplacements en région, une étude de législation comparée et la lecture de centaines de rapports publics ou confidentiels.

I. LES AGENCES DE L'ÉTAT : UN OBJET MAL CONNU DE L'ADMINISTRATION ELLE-MÊME

A. Source : Étude annuelle du Conseil d'État, 2012

UN ESSOR OPPORTUNISTE DES AGENCES, SANS STRATÉGIE COHÉRENTE D'ORGANISATION DE L'ÉTAT

La France a commencé à créer des agences dès la fin du XIXsiècle, mais le phénomène dit d'« agencification » s'est accéléré dans les années 1990 sous l'influence du « new public management », qui prône la séparation entre la prise de décision stratégique et la gestion opérationnelle. Les agences apparaissent par ailleurs comme la solution de facilité face à tout nouveau problème.

Ainsi, la création d'entités publiques distinctes des ministères a été motivée par la flexibilité de gestion en matière statutaire, comptable, financière et organisationnelle, ainsi que par la recherche de compétences techniques et de profils experts souvent éloignés de l'administration. Le recours à ces structures s'est fait au cas par cas, sans doctrine claire de l'État. 30 ans plus tard, cette politique au fil de l'eau nourrit un sentiment justifié de complexité, de redondance et d'enchevêtrement entre tous ces acteurs.

Un problème : reconstruire rapidement la cathédrale Notre-Dame

Les outils existants : Centre des monuments nationaux (CMN), Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (OPPIC)

La solution :
création en juillet 2019 de l'Établissement public chargé de la conservation et de la restauration de Notre-Dame

B. UN ARCHIPEL AUX FRONTIÈRES FLOUES QUE L'ÉTAT NE SAIT PAS CARTOGRAPHIER AVEC EXACTITUDE

1. Les agences, un concept multiforme

La commission a travaillé sur trois familles aux contours juridiques plus ou moins définis.

- Les opérateurs : clairement identifiés par la loi organique aux lois de finances (LOLF) du 1er août 2001 et recensés dans un « jaune » budgétaire ;

2012

IGF : 1 244 agences

Conseil d'État : 103

- Les agences : définies ni juridiquement, ni budgétairement, d'où un nombre très variable d'entités relevant de cette catégorie selon les rapports. En 2025, la direction du budget recense 1153 organismes publics nationaux, hors organismes de la sécurité sociale. C'est le périmètre retenu par la commission. Cependant, une analyse précise de la liste révèle qu'un grand nombre de ces organismes ont une activité très locale et représentent un enjeu budgétaire et administratif très limité. La majorité des agences « importantes », par leur nombre d'agents ou le budget géré, relèvent de la catégorie des opérateurs et, en leur sein, le secteur de l'enseignement supérieur et de la recherche occupe une place prépondérante.

Répartition des emplois des opérateurs par ministère

En équivalents temps plein travaillés (ETPT).

Source : commission d'enquête, à partir des données transmises par le Gouvernement

- Les organismes consultatifs : 317 instances listées dans un « jaune » budgétaire qui présente des lacunes : absence d'organismes importants, coûts indiqués ne correspondant qu'à certains coûts directs et pas aux coûts indirects, bien plus élevés, notamment salariaux, induits par la participation aux réunions ou à leur préparation.

2. L'État et ses agences : une maison-mère sans direction des affaires financières et sans direction des ressources humaines

La commission d'enquête a constaté, non sans surprise, l'absence de vision consolidée de la situation financière des agences, opérateurs et organismes consultatifs.

L'État dispose d'un suivi comptable des agences assuré par le ministère de l'économie et des finances. Cette vision ne dit rien de l'activité réelle des établissements, ce qui réduit fortement la capacité de pilotage du pouvoir exécutif ou de contrôle du Parlement.

« Vous êtes ministre de la fonction publique : êtes-vous en mesure de nous dire où se trouvent l'ensemble des agents publics ? » - « Bien sûr que non. »

Audition du ministre Laurent Marcangeli par la commission d'enquête le 7 mai 2025

Tout aussi préoccupant : l'État ignore le parcours de ses propres agents lorsqu'ils rejoignent une agence, entravant une gestion stratégique de la fonction publique. Seul le suivi des parcours individuels des plus hauts cadres dirigeants de la fonction publique de l'État est pour l'heure mis en oeuvre. L'administration a reconnu ne pas connaître la proportion de fonctionnaires effectuant une mobilité au sein d'une agence.

II. DEMAIN, UN SEUL PILOTE : L'ADMINISTRATION CENTRALE

1. Muscler l'exercice de la tutelle

En parallèle de la tutelle financière exercée par la direction du budget, chaque ministère doit exercer une tutelle administrative, juridique et stratégique des établissements publics relevant de son périmètre. La commission regrette, à cet égard, l'absence de conception unifiée à l'échelle de l'État de l'exercice de la tutelle. Trop d'établissements sont dépourvus de contrat d'objectifs et de performance (COP) ou de contrat d'objectifs et de moyens (COM), et l'envoi d'une lettre de mission au dirigeant n'est pas systématique.

Les réunions du conseil d'administration ont plus un caractère formel que délibératif, dans certains cas, le rapport de force pouvant être déséquilibré entre les représentants de l'État et les représentants de l'agence.

Asymétrie des moyens humains, plus haut niveau d'expertise technique, tutelle stratégique partagée entre plusieurs ministères renforcent les agences face à l'État central. Ces dernières prennent parfois l'initiative de nouvelles attributions au-delà de leur simple rôle d'exécution : conception des politiques publiques, voire élaboration de la norme en lieu et place de l'État.

« Je vois passer dans mon bureau beaucoup de hauts fonctionnaires [qui] me disent souhaiter rejoindre un opérateur, ayant l'impression que l'on y dispose de plus de marges de manoeuvre. »

Secrétaire générale du Gouvernement, audition par la commission d'enquête le 13 mars 2025

L'autonomisation des agences les rend attractives auprès des hauts fonctionnaires. Le Gouvernement a toutefois été incapable de transmettre des éléments précis permettant d'infirmer ou de confirmer qu'à poste comparable, les rémunérations sont plus élevées dans les agences qu'en administration centrale ; il n'a pas été davantage en mesure d'évaluer le phénomène supposé d'« évaporation » des hauts fonctionnaires après leur passage en agence.

2. Parler d'une seule voix

Chaque agence communique en son nom propre et, souvent, de sa propre initiative, sans supervision ni coordination particulière de l'administration centrale, parfois même en faisant appel à des cabinets de communication externes. Les inaugurations sont souvent l'occasion d'un patchwork de logos et de successions de discours, tous faits au nom de l'État.

Pour éviter malentendus, coûts supplémentaires et brouillage de l'action publique, la commission d'enquête recommande de centraliser la communication au niveau des ministères et de ne plus apposer qu'un seul logo, celui de l'État, quel que soit le financeur.

III. DEMAIN, UN SEUL CHEF D'ORCHESTRE : LE PRÉFET

Les agences devaient permettre une action publique plus souple, plus adaptée et plus performante. Force est de constater que l'objectif n'a pas été atteint, comme en témoigne le sentiment d'abandon régulièrement exprimé par les territoires. À rebours de l'intention originelle, certaines agences bénéficient davantage aux moyennes et grandes collectivités qu'à celles de taille plus restreinte.

De fait, le recul des effectifs en préfecture et l'apparition de nouvelles entités pilotant de manière quasi autonome certains pans de l'action publique a eu pour conséquence une multiplication des interlocuteurs pour les collectivités, susceptibles de rendre des avis discordants sur un même projet.

« Le maire se voit confronté à une multiplicité d'acteurs qui ont chacun leur interprétation de la norme, leurs critères et leurs injonctions. »

Véronique Pouzadoux, maire de Gannat (Allier) et représentante de l'AMF

Cet éclatement de l'action publique a également complexifié les circuits de financements, qui imposent aujourd'hui de multiples procédures à la charge des collectivités, qu'il s'agisse d'appels à projets ou à manifestation d'intérêt, conduisant parfois au dépôt de plusieurs dossiers pour un même objet. L'allocation des moyens publics peut s'avérer sous-optimale, chaque payeur ignorant la décision des autres financeurs.

Face à ce constat sévère, il convient de renforcer le rôle du préfet à l'échelle locale, en désignant la préfecture comme point d'accès unique aux financements et aux dispositifs d'aide en matière d'ingénierie territoriale sollicités par les collectivités.

Les circuits d'attribution des aides aux collectivités, comme aux particuliers ou aux entreprises, suivraient le même schéma général, avec un point d'entrée unique pour le dépôt de la demande et une centralisation des paiements. L'unification du circuit de financement permettrait de mieux mutualiser les compétences humaines comme les infrastructures techniques et faciliterait également la lutte contre la fraude.

Pour les aides aux particuliers, copropriétés, agriculteurs, à la pratique actuelle « un dispositif, une agence, une procédure » se substituerait le principe « un circuit pour toutes les aides ». Ce n'est en effet pas au citoyen de connaitre quel est le circuit administratif suivi par sa demande, mais à l'administration de savoir recevoir et transmettre sa demande.

Aides versées aux particuliers, copropriétés et agriculteurs

Pour les aides aux collectivités, de manière similaire, l'instruction serait réalisée par l'administration déconcentrée la plus adaptée en fonction du dispositif, donc le plus souvent la direction départementale des territoires (DDT) ou la direction départementale de l'emploi, du travail et des solidarités (DDETS).

Aides versées aux collectivités

Ce nouveau schéma a notamment pour conséquence un transfert vers les services préfectoraux des effectifs des directions territoriales de l'Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT), qui perdrait son existence juridique sans que les politiques publiques qu'elle porte soient atteintes.

- Pour les entreprises, le point d'entrée serait le préfet de région, puisque la compétence de développement économique est située au niveau régional.

Aides versées aux entreprises

Ce faisant, les services des préfectures retrouveraient de réelles compétences d'ingénierie et d'assistance à maîtrise d'ouvrage, peu à peu abandonnées au profit des agences. Les missions du préfet seront ainsi de nouveau portées vers l'accompagnement stratégique et technique des acteurs locaux dans leur politique d'aménagement du territoire.

IV. EN RÉPONSE AU MIRAGE DE LA TRONÇONNEUSE, UNE RÉPONSE AU CAS PAR CAS POUR UNE DÉPENSE PUBLIQUE PLUS EFFICIENTE

A. À CHAQUE SITUATION, SA SOLUTION : TAILLE CRITIQUE, COÛTS SOCIAUX, REPRISE DES ENGAGEMENTS EN COURS... RIEN NE S'IMPROVISE

Plusieurs éléments peuvent être poursuivis dans le cadre d'une démarche de rationalisation des structures : la réduction des coûts de fonctionnement, une meilleure maîtrise des emplois, la mutualisation de la trésorerie, une capacité accrue à s'autofinancer par l'obtention de ressources propres, une structure de taille viable, etc.

Ces éléments doivent être mis en regard des contraintes propres à de telles opérations de restructuration :

- d'une part, ces opérations peuvent avoir un coût social, nécessitant un dialogue important et soutenu avec les personnels et leurs représentants ;

- d'autre part, les conséquences budgétaro-comptables peuvent être significatives (reprise des engagements des structures fusionnées ou supprimées, devenir des contrats pluriannuels, etc.).

Au-delà des éventuelles primes de restructuration versées aux agents concernés, la masse salariale des opérateurs restructurés peut également faire l'objet d'une augmentation en cas d'alignement par le haut des rémunérations.

Pour maximiser les chances de succès d'une restructuration d'opérateurs et plus particulièrement d'une fusion, deux facteurs sont essentiels : un temps de préparation en amont et un portage politique de haut niveau.

1. La fusion

Quand plusieurs structures produisent le même service public, les fusionner peut avoir du sens, notamment pour favoriser les synergies. La commission envisage ainsi une réorganisation des structures de formation professionnelle pour adultes, à travers la fusion de l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) et des groupements d'établissements publics locaux d'enseignement (Greta), qui proposent des actions de formation sur l'ensemble du territoire.

2. Le transfert à une structure plus importante

Alors que certaines agences de financement présentent des tailles très limitées, manifestement inadaptées aux enjeux financiers qu'elles représentent, la commission recommande la reprise de leurs activités par des structures dotées d'une masse critique suffisante :

- l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) serait réinternalisée dans l'administration centrale du ministère des transports ;

- les activités de financement de France compétences seraient transférées à la Caisse des dépôts ;

- les activités de versement d'aides simples, par exemple celles de l'Agence nationale de l'amélioration de l'habitat (ANAH), seraient reprises par l'Agence de services et de paiement (ASP).

3. La suppression

À l'instar de la politique menée en Grande-Bretagne, une revue des missions doit être conduite systématiquement tous les cinq ans afin de déterminer si une agence possède toujours une raison d'être, afin d'éviter la perpétuation de structures administratives qui, par nature, ont tendance à justifier leur activité par l'appropriation de nouvelles missions.

4. La mutualisation des fonctions support

Même de nature proche, il peut être pertinent de conserver une autonomie administrative pour certaines structures. C'est le cas par exemple des écoles d'art ou des écoles d'architecture sous tutelle du ministère de la culture. Cependant, la mutualisation des fonctions supports, sous l'égide de la tutelle, fait sens.

B. DES GAINS POTENTIELS MAIS PAS DE MIRACLE ARITHMÉTIQUE

1. Des économies très limitées à attendre de la diminution du nombre d'organes consultatifs

En prenant l'hypothèse de coûts réels plus proches de 50 millions d'euros que des 30 millions d'euros indiqués dans les documents budgétaires, une diminution de 20 % du nombre des commissions et instances consultatives ou délibératives permettrait d'économiser quelque 10 millions d'euros, ce qui peut paraître négligeable par rapport aux besoins de financement de l'État français.

2. La réduction du coût des fonctions support permettrait une économie substantielle

Si le montant important des charges de personnel et des dépenses de fonctionnement peut laisser entrevoir des gisements conséquents d'économies - une réduction de 8 % de ces coûts se traduisant par une économie de 2,2 milliards d'euros -, un tel effort ne pourrait être à missions constantes, dans la mesure où les missions peuvent rarement être réalisées sans personnel et sans moyens de fonctionnement.

En mettant l'accent sur les seules fonctions support de manière à raisonner à missions constantes, une réduction de 20 % de leur coût - qui paraît, du reste, très volontariste pour des opérateurs ne faisant pas l'objet d'une fusion - apporterait une économie de l'ordre de 540 millions d'euros. Loin évidemment d'être négligeable, une telle économie doit toutefois être mise en regard de l'objectif, fixé par le Gouvernement, de réaliser 40 milliards d'euros d'économies en 2026, dont la moitié au titre du budget de l'État.

Si la ministre des comptes publics a chiffré à 2 à 3 milliards d'euros les économies pouvant résulter de la restructuration des agences, elle n'a pas été en mesure de préciser à la commission d'enquête la façon dont ce calcul avait été réalisé.

Jusqu'à présent, les réductions du nombre d'opérateurs en France sont loin de se traduire par une baisse homothétique des emplois. Sur la période 2015-2019, diverses fusions et suppressions d'opérateurs ont eu lieu, mais pour une baisse très limitée des emplois (- 0,8 % à périmètre constant).

Il ne faut donc pas attendre de la seule réorganisation des agences (par des fusions, des suppressions ou la mutualisation des fonctions support) des économies comparables avec celles qui résulteraient de la diminution des charges d'intervention, celle-ci supposant des mesures fortes prises sur la nature et le champ des politiques publiques mises en oeuvre par les agences.

S'il ne revient pas à la commission d'enquête de se prononcer sur l'avenir de pans entiers de politiques publiques, elle note que cinq structures portent les trois quarts des charges d'intervention de l'ensemble des opérateurs : France compétences (15,1 milliards d'euros, provenant des cotisations obligatoires des entreprises au titre de la formation professionnelle) ; l'AFITF (4,6 milliards d'euros) ; l'ANAH (3,8 milliards d'euros) ; France Travail (2,0 milliards d'euros) ; et les agences de l'eau (1,9 milliard d'euros, provenant des redevances sur l'eau).

Réorganisation des agences proposées par le rapport

LISTE DES RECOMMANDATIONS

Sortir d'un développement des agences au cas par cas

Recommandation n° 1 : Évaluer la pertinence de la création ou du maintien d'une agence nationale dès lors qu'une agence européenne intervient sur un même segment de politique publique.

Recommandation n° 2 : Définir une doctrine d'affectation des agents publics dans les agences en fonction de la sensibilité et de la technicité du sujet de politique publique.

Recommandation n° 3 : Revoir tous les cinq ans, au moyen d'une évaluation systématique, la pertinence du maintien des agences existantes et de chacune de leurs principales missions.

Recommandation n° 4 : Prévoir une date d'extinction dès la création d'un nouvel établissement, fixée par défaut au terme d'une durée de cinq ans.

Mieux suivre les agences et organismes consultatifs et mieux connaître leur coût

Recommandation n° 5 : Revoir le « jaune » relatif aux commissions et instances consultatives et délibératives en s'assurant de l'exhaustivité et de la mise à jour des informations qu'il contient par une enquête systématique auprès de l'ensemble des directions et services d'administration centrale auxquels sont rattachés des organismes consultatifs de l'État.

Recommandation n° 6 : Mesurer les coûts administratifs complets des organismes consultatifs.

Recommandation n° 7 :

- Publier le « jaune » opérateurs au format numérique en open data, élargir son périmètre à l'ensemble des organismes publics nationaux et compléter les informations actuelles par des données financières plus adaptées à l'information et au contrôle du Parlement.

- Publier ces données pour chaque opérateur et non catégorie d'opérateurs, en distinguant la gestion d'une part et les flux de financement d'autre part, tout en permettant d'élaborer en cas de besoin des regroupements par catégorie.

Recommandation n° 8 : Pour tous les organismes chargés de la distribution d'une aide, mettre en place une comptabilité analytique permettant de connaître le coût de gestion de chaque dispositif.

Recommandation n° 9 :

- Mener à bien le projet Infinoé pour l'ensemble des organismes publics nationaux pour une mise en oeuvre rapide et couvrant la plus grande partie possible des organismes publics nationaux. Inclure, au-delà des données purement comptables, des informations financières facilitant le pilotage de ces organismes.

- Ouvrir aux commissions des finances du Parlement un accès au futur infocentre Infinoé, sur le modèle de l'accès déjà ouvert au système d'information Chorus.

Pour une réforme des agences au service de la lisibilité de l'action publique et de l'efficience de la dépense

· L'administration centrale doit pleinement jouer son rôle de pilotage des politiques publiques

Recommandation n° 10 : Renforcer les services statistiques ministériels et en faire l'outil centralisateur de l'ensemble des données collectées par les agences, en s'assurant de l'interopérabilité des bases de données des agences et de l'administration centrale.

Recommandation n° 11 : Soumettre chaque agence à une seule administration de tutelle.

Recommandation n° 12 : Renforcer le rôle de pilotage des agences par les secrétariats généraux en leur confiant notamment la planification des études faites par celles-ci.

Recommandation n° 13 : Au niveau national, définir et publier une méthodologie de la tutelle s'appliquant à l'ensemble des administrations centrales et de leurs agences ; rendre compte au Parlement de l'application de cette doctrine.

Recommandation n° 14 : Afin d'unifier les modalités de contrôle, regrouper le Contrôle général économique et financier (CGefi) et les contrôleurs budgétaires comptables et ministériels (CBCM) en un seul organe de contrôle portant, selon l'organisme, sur les aspects budgétaires, économiques ou financiers.

Recommandation n° 15 :

- Approfondir les modules de formation à la tutelle dans les écoles de service public et dans l'offre de formation continue à l'attention des chargés de tutelle.

- Évaluer les directeurs d'administration centrale en fonction (notamment) de leur implication dans l'exercice de la tutelle sur les agences relevant de leur périmètre.

Recommandation n° 16 : Prévoir la présence, dans les conseils d'administration des établissements publics, d'au moins un représentant de l'État relevant de la catégorie « A + ».

Recommandation n° 17 :

- Pour la tenue du conseil d'administration, choisir un jour compatible avec l'organisation du travail parlementaire.

- Systématiser la désignation des suppléants pour les parlementaires.

- Mieux informer les membres du conseil d'administration de la mise en oeuvre des projets décidés.

- Adapter la rémunération des administrateurs (hors représentants de l'État) en conséquence de la charge de travail attendue afin de favoriser leur implication dans la préparation et le suivi des conseils d'administration.

· Généraliser et améliorer les instruments du pilotage stratégique (COP et COM)

Recommandation n° 18 : Définir un contrat d'objectifs et de performances (COP) ou un contrat d'objectifs et de moyens (COM) pour les opérateurs. Évaluer les charges de réalisation et de suivi de ces contrats.

Recommandation n° 19 : Inclure un volet outre-mer dans les COP ou COM des agences dont l'action porte, au moins partiellement, sur les outre-mer.

Recommandation n° 20 : Transmettre les projets de COP et de COM des opérateurs aux commissions parlementaires compétentes des deux assemblées.

Recommandation n° 21 : Prévoir pour tous les COP et les COM une durée par défaut de cinq ans avec une clause de revoyure au bout de trois ans.

Recommandation n° 22 : Prévoir l'envoi systématique d'une lettre de mission initiale et d'une lettre d'objectifs annuelle aux dirigeants d'opérateurs.

Recommandation n° 23 : Présenter chaque année les résultats des indicateurs du COP ou COM en cours lors du conseil d'administration.

Recommandation n° 24 : Systématiser l'évaluation des COP et COM à l'issue de la durée du contrat ; en faire le préalable à l'adoption du contrat suivant.

Recommandation n° 25 : Étendre le recours aux contrats d'objectifs et de moyens (COM), en particulier pour accompagner une trajectoire financière en baisse.

Recommandation n° 26 : Réduire le montant de la réserve de précaution pesant sur les crédits d'une mission budgétaire en proportion du montant des crédits transférés aux opérateurs qui ont signé un contrat d'objectifs et de moyens parmi ceux relevant de la mission budgétaire en question.

· L'État doit réaffirmer et se réapproprier son rôle d'employeur unique de l'ensemble des agents publics, de l'administration centrale aux agences

Recommandation n° 27 : Prévoir l'audition des candidats aux postes de directeurs d'agences par un comité présidé par le secrétariat général du Gouvernement (SGG) et au sein duquel siègerait le délégué interministériel de l'encadrement supérieur de l'État (DIESE).

Recommandation n° 28 : Afin de limiter les écarts de rémunération et faciliter la gestion administrative des agents, généraliser le recours à la position normale d'activité, plutôt qu'au détachement pour les fonctionnaires qui rejoignent un établissement public administratif.

Recommandation n° 29 : Donner davantage de responsabilités et de marges de manoeuvre aux détenteurs des postes d'encadrement supérieur dans l'administration centrale ; s'assurer que les fonctionnaires de retour dans l'administration centrale après une mobilité dans une agence disposent d'un poste à niveau de responsabilités au moins équivalent.

Recommandation n° 30 :

- À court terme, mettre en place un outil de suivi de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État, visant l'administration centrale ainsi que les agences.

- À moyen terme, étendre cet outil à l'ensemble de la fonction publique de l'État.

· Mieux articuler le cadre budgétaire des opérateurs avec celui de l'État

Recommandation n° 31 : Prévoir le vote des budgets initiaux des opérateurs après la promulgation de la loi de finances de l'exercice concerné.

Recommandation n° 32 : Pour l'ensemble des opérateurs, rendre obligatoire la transmission aux commissions des finances des deux assemblées, sous forme dématérialisée, des budgets initiaux et exécutés des agences, y compris la répartition des crédits entre les programmes gérés par un même organisme.

Recommandation n° 33 :

- Plutôt que de créer des agences pour gérer des crédits de manière pluriannuelle, s'appuyer sur les autorisations d'engagement afin d'assurer un pilotage budgétaire pluriannuel.

- Envisager l'extension aux opérateurs du budget triennal introduit par la révision de la LOLF du 28 décembre 2021.

Faire parler l'État d'une seule voix afin de faciliter la réalisation des projets et redonner de la lisibilité à l'action publique

· Le préfet devrait être le seul interlocuteur local au nom de l'État

Recommandation n° 34 : Faire de la préfecture la voie d'accès unique à l'offre de l'État et de ses agences en matière d'ingénierie territoriale.

Recommandation n° 35 : Interdire le lancement par les agences d'appels à projets et d'appels à manifestation d'intérêt à destination des collectivités territoriales. Pour les appels à projets en cours, mettre en place une obligation d'information du préfet sur les dispositifs lancés dans le département ou dans la région.

Recommandation n° 36 : Faire des services préfectoraux le point d'entrée unique des demandes d'aides ou de financement des collectivités et des entreprises. Transférer au préfet l'autorité que détiennent les agences sur les décisions de financements.

Recommandation n° 37 : Supprimer juridiquement l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), en renforçant les services préfectoraux départementaux avec les effectifs de l'Agence.

Recommandation n° 38 : Transférer les missions des agences régionales de santé (ARS) aux services déconcentrés aux niveaux régional et départemental.

· Simplifier les circuits de financement

Recommandation n° 39 :

- Supprimer le secrétariat général pour l'investissement (SGPI) et confier ses missions aux administrations de tutelle des opérateurs concernés.

- À l'avenir, organiser d'éventuels plans d'investissements similaires dans le cadre budgétaire de droit commun, tout en assurant leur traçabilité par des documents budgétaires spécifiques, indiquant l'exécution des crédits par l'État comme par les opérateurs.

Recommandation n° 40 : Rationaliser le schéma de financement des agences de l'eau, de l'Office français de la biodiversité (OFB) et des parcs nationaux par une attribution directe des crédits aux agences qui les utilisent.

Recommandation n° 41 : Déléguer directement de l'État aux régions les crédits qui transitent actuellement par l'Ademe.

· Communiquer sur l'action de l'État et non sur celle des agences

Recommandation n° 42 : Sur le sol national comme à l'étranger, apposer le seul logo de l'État et non celui des agences sur l'ensemble des supports de communication.

Recommandation n° 43 : À court terme, interdire aux agences de recourir à des prestataires extérieurs pour concevoir et mettre en oeuvre leur stratégie de communication.

Recommandation n° 44 : À moyen terme, recentraliser toute la communication de la sphère étatique, agences comprises, au sein des ministères.

Recommandation n° 45 : Inscrire tous les sites Internet des agences de l'État à l'intérieur du domaine gouv.fr ; faire apparaître le logo de l'État dans les profils des agences sur les réseaux sociaux.

Restructurer les agences par fusion, réinternalisation, mutualisation pour une action publique plus efficiente

Recommandation n° 46 : Instaurer un moratoire sur la création de nouvelles entités, sauf s'il est démontré que le nouvel organisme apporte des économies ou une simplification substantielle de l'action publique.

Recommandation n° 47 : Regrouper les réseaux de l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) et des Groupements d'établissements publics locaux d'enseignement (Greta) pour former un opérateur unique tourné vers la formation professionnelle des adultes.

Recommandation n° 48 : Réinternaliser l'Agence de financement des infrastructures de financement de France (AFITF).

Recommandation n° 49 : Transférer les activités de financement de France compétences à la Caisse des dépôts et consignations, en lien avec le ministère.

Recommandation n° 50 : Transférer les effectifs de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) vers l'Agence de services et de paiement (ASP) pour l'attribution des aides et vers les services de l'État pour les autres activités.

Recommandation n° 51 : Transférer les missions de l'Odeadom à l'ASP et à FranceAgriMer, et mettre en conséquence fin à l'existence de cet opérateur.

Recommandation n° 52 : Supprimer l'Agence Bio et réinternaliser ses missions.

Recommandation n° 53 : Ne pas renouveler l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) au terme de la réalisation du nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU) et transférer progressivement la gestion de l'achèvement des programmes aux services des préfectures.

Recommandation n° 54 : Supprimer l'Agence nationale du sport (ANS) en maintenant ses actions dans le ministère et l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP). Transférer les crédits gérés par l'ANS vers les dotations attribuées aux collectivités territoriales.

Recommandation n° 55 : Intégrer les 26 établissements CROUS régionaux au CNOUS, en maintenant un comité de gestion pour permettre la participation des acteurs locaux.

Recommandation n° 56 : Supprimer la société Pass Culture, la part collective du pass Culture étant gérée par le ministère de l'éducation nationale.

Recommandation n° 57 : Mettre en oeuvre le projet de réforme de la foncière de l'État en intégrant le patrimoine foncier et l'immobilier de bureaux des agences.

Recommandation n° 58 :

- Engager un programme pluriannuel, progressif et exhaustif, de mutualisation des fonctions supports des agences et opérateurs (notamment en matière de paie, d'achats et de systèmes d'information), dans un premier temps à l'échelle du ministère de tutelle ou d'une structure interministérielle.

- Confier l'animation de ce programme au SGG avec une implication forte du ministère chargé des comptes publics et du ministère de l'action publique, de la fonction publique et de la simplification.

Recommandation n° 59 : Pour les filières matures à rentabilité longue, transformer les subventions en prêt à taux zéro garanti par l'État.

Recommandation n° 60 : Confier le développement des centres techniques industriels (CTI) et des comités professionnels de développement économique (CPDE) aux filières.

Recommandation n° 61 :

- Favoriser le recours à la formule du groupement d'intérêt économique (GIE) pour les structures qui ont pour objet la promotion de l'activité des entreprises, avec une participation des entreprises d'au moins 50 % dans le budget de l'agence.

- Envisager en conséquence la transformation de Business France en GIE et la diminution de la subvention pour charges de service public (SCSP) d'Atout France.

PREMIÈRE PARTIE : LES AGENCES, EN FRANCE, SE SONT DÉVELOPPÉES AU CAS PAR CAS, DE MANIÈRE OPPORTUNISTE, SANS STRATÉGIE DE RÉORGANISATION DE L'ÉTAT

Si la formule de l'agence est ancienne, c'est vers la fin du XXe siècle qu'elle s'est diffusée dans de nombreux pays avec la promesse d'une modernisation de l'action publique. Avec le temps, cet espoir a été en grande partie déçu et la séparation entre un « État stratège » et des « agences agiles » s'est trop souvent traduite, en France, par une organisation administrative devenue complexe, peu lisible et donc mal connue.

I. LE MOUVEMENT D'AGENCIFICATION A ÉTÉ PROGRESSIF, RÉSULTANT DE CAUSES MULTIPLES

L'ancrage historique de certaines agences a été présenté, par plusieurs personnes entendues par la commission d'enquête, comme un argument d'autorité censé en justifier le bien-fondé et la pérennité. Ainsi, le directeur général par intérim de Business France a-t-il assuré que cet « opérateur centenaire » est chargé, depuis 1923 et la création du « Comité permanent des foires à l'étranger (CPFE) », d'assurer le développement international de l'économie française et de ses entreprises. Une telle assise historique dans le cadre national ne constitue toutefois pas la règle.

Par ailleurs, la multiplication des agences en France a souvent, au cours des auditions, été mise en lien avec le caractère supposé vertueux et efficient de pays voisins, à l'instar de la Suède dont le démembrement de l'État est un mode d'action traditionnel, et avec la diffusion vers la fin du siècle dernier de nouveaux modèles de gestion publique.

A. LE MOUVEMENT D'AGENCIFICATION EN FRANCE S'INSPIRE D'ORGANISATIONS ADMINISTRATIVES ÉTRANGÈRES, PERÇUES COMME SOUPLES ET EFFICACES

1. Le démembrement de l'action de l'État : une expérience ancienne et éprouvée par certains pays du continent européen

L'existence d'entités chargées de mettre en oeuvre des politiques publiques, éloignées de ministères cantonnés à des fonctions politiques et stratégiques, est loin d'être une conception purement contemporaine de l'organisation administrative. Une étude réalisée par la division de législation comparée du Sénat1(*) à la demande de la commission d'enquête relève ainsi que dès 1634, et à plus forte raison à partir de la Constitution de 1809 consacrant officiellement les agences, la Suède a fondé son action sur une pluralité d'agences.

Le pays de la péninsule scandinave n'est d'ailleurs pas le seul à avoir opté pour ce mode éclaté d'organisation administrative. Dès 1900, le gouvernement néerlandais comptait déjà environ 75 organismes dotés d'une certaine forme d'indépendance, tandis que les organismes consultatifs indépendants sont inscrits dans la Constitution depuis 19222(*).

Ces expériences diverses ont pu favoriser le développement, au cours du siècle précédent, des agences sur le continent européen. En 1968, au Royaume-Uni, la commission Fulton sur la réforme de la fonction publique suggère de suivre l'exemple suédois afin de pallier le manque d'expertise de la fonction publique statutaire. Les Britanniques n'en font toutefois pas encore un mode d'organisation répandu à l'ensemble de l'administration, mais expérimentent cette modalité notamment dans le domaine de la régulation.

La France n'est pas exempte de ces créations isolées et sporadiques d'agences ou d'entités aux contours juridiques peu discernables. Dans son étude de 2012 consacrée aux agences, le Conseil d'État relève ainsi avec justesse le développement à la veille de la Première guerre mondiale d'offices aux appellations et missions variées3(*) :

- Office national du commerce extérieur créé en 1898 ;

- Office national des retraites créé en 1910 ;

- Office de la navigation créé en 1912.

Plus tardivement, et au bénéfice de l'extension du champ de l'intervention de l'État, la période d'immédiat après-guerre marquera une première étape dans la création d'entités dont l'action se prolonge de nos jours :

- Office national de l'immigration créé en 1945 ;

- Centre national du cinéma créé en 1946.

Plus fondamentalement, c'est à partir des années 1960 que s'enclenchent en France les prémices d'une « agencification ». L'accroissement du nombre d'agences, notamment sur des politiques publiques sectorielles avec la création de l'office national des forêts (ONF) en 1964, de l'Agence nationale de l'amélioration de l'habitat (ANAH) en 1971 ou encore de l'Office national de la chasse (ONC) en 1972, concourt à l'irrigation progressive de ce mode de gouvernance.

Le développement des agences est toutefois exempt d'une véritable vision stratégique globale. Les gouvernements recherchent des modalités de gestion plus souples, ce qui, en l'absence d'une vision au long cours, conduit à une explosion quantitative du nombre d'agences.

Évolution historique du nombre d'agences

Source : Étude annuelle du Conseil d'État de 2012

2. Le développement des agences : une organisation administrative qui s'est banalisée à la fin du XXe siècle

À partir des années 1990, le démembrement de l'État au bénéfice des agences se fait plus vif. Sous l'influence des théories néolibérales et notamment de l'école de la nouvelle gestion publique (new public management - NPM), plusieurs pays font le choix d'une politique active en faveur du développement des agences.

L'État en mouvement : la nouvelle gestion publique (NPM),
réformer la présence de l'administration sur le territoire

La nouvelle gestion publique, en anglais New Public Management (NPM), désigne un ensemble de réformes visant à moderniser l'action publique. Elle se base notamment sur une culture du résultat et emprunte des pratiques et des outils issus du privé.

La nouvelle gestion publique a favorisé la création d'agences en proposant une séparation entre la prise de décision stratégique (pouvoir politique) et la gestion opérationnelle (administration) ; l'instauration de structures autonomes comme instrument de régulation ; le recours privilégié à des personnes hors du statut de la fonction publique ; l'introduction des mécanismes de marché dans l'offre de biens et services d'intérêt général ; la recherche de l'efficience dans l'emploi des fonds publics4(*).

Ces réformes tendent à mesurer la performance par des indicateurs de performance, influençant ainsi la création de la loi organique relative aux lois de finances en 2021 et conduisant à l'introduction de ces indicateurs dans les contrats d'objectifs et de performance des agences. Elles tendent enfin à modifier les relations entre l'administration et les usagers, désormais considérés comme des « clients ».

Source : commission d'enquête

À l'avant-garde de ce mouvement « d'agencification », la Suède compte près de 1 300 agences au début des années 1990. À la même période, les Pays-Bas comptent environ 190 « organes administratifs indépendants » (zelfstandige bestuursorganem, ZBO) et voient se développer en parallèle des « agences exécutives » (agentschappen).

Au Royaume-Uni, les politiques conduites dans les années 1980 favorisent un désengagement - à tout le moins symbolique - de l'État. Ainsi, à partir de 1988, Margaret Thatcher fait siennes les idées de modernisation de l'administration et lance l'initiative « Next steps » autorisant la création de 34 agences exécutives, aboutissant rapidement à près de 140 agences recouvrant environ 80 % du champ d'intervention de la fonction publique5(*) et employant environ 350 000 fonctionnaires. Le mouvement de démembrement ne cesse toutefois pas : en 2010, près de 800 agences sont comptabilisées au Royaume-Uni.

Ce mouvement d'agencification n'est par ailleurs pas l'apanage des États. La tentation d'une réorganisation de l'administration en structures juridiques distinctes d'un pouvoir politique centralisé fait également son chemin aussi bien dans les collectivités territoriales que dans l'Union européenne.

En conséquence, l'Union européenne compte aujourd'hui près de 47 agences européennes aux statuts juridiques et missions très variés. Certaines d'entre elles sont connues du grand public : Agence européenne pour l'environnement (EEA6(*)) créée en 1990, Agence européenne des médicaments (EMA7(*)) créée en 1995 ou encore Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA8(*)) créée en 2002. Certaines agences font l'objet d'une attention moindre : Centre européen pour le développement de la formation professionnelle (Cedefop) créé en 1975, Agence de l'Union européenne pour la formation des services répressifs créée en 2005 ou encore Office communautaire des variétés végétales (OCVV) institué en 1995.

Le mouvement d'agencification européenne n'a pas entrainé une réflexion concomitante sur le développement des agences au niveau national, alors même que certains champs de politique publique se recoupent assez largement, par exemple pour l'autorisation de mise sur le marché des médicaments. François Ecalle, président fondateur de l'association « Finances publiques et économie » (Fipeco), entendu par la commission d'enquête, a ainsi souligné les économies d'échelle potentielles qui pourraient être explorées dans la réorganisation de ce maquis d'agences.

La commission peut à cet égard s'interroger sur la pertinence qu'une agence nationale, à l'instar de l'Agence nationale de la sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), échange avec près de six agences européennes9(*) : soit l'une est trop généraliste, soit les autres sont trop spécialisées. Ce dialogue interagences, en multipliant les canaux par lesquels passe l'action publique, contribue certainement au manque de lisibilité de l'administration vue par les citoyens et par les entreprises, à rebours même de l'idée de rationalisation qui justifiait la création des agences.

La commission d'enquête considère ainsi que la création d'une nouvelle agence et son maintien dans le temps devraient être précédés d'une réflexion conduite à partir des structures existantes, en fonction d'un examen au cas par cas. En conséquence, s'il existe au niveau européen une agence susceptible de réaliser des missions qui ne justifient pas une adaptation à des particularités nationales, alors l'agence européenne devrait être considérée comme l'unique point de contact.

Une telle approche se justifie pour des politiques publiques qui font l'objet d'une appropriation forte de la part de l'Union européenne, comme celles du domaine du médicament. Pour des missions ayant trait à l'aménagement du territoire , nécessitant des échanges entre élus locaux et chargés de projet, une agence européenne ne serait naturellement pas le bon niveau d'interlocuteur.

Recommandation : Évaluer la pertinence de la création ou du maintien d'une agence nationale dès lors qu'une agence européenne intervient sur un même segment de politique publique.

B. EN FRANCE, L'AGENCE A ÉTÉ PENSÉE COMME UN OUTIL SUSCEPTIBLE DE RÉPONDRE AUX CONTRAINTES DE L'ORGANISATION DE L'ÉTAT

L'évocation des exemples étrangers permet de nuancer le développement des agences sur le territoire national. La France n'est pas la championne du nombre d'agences. Elle s'est pourtant largement appuyée sur ceux-ci dans le double objectif de souplesse et d'efficience de l'action publique.

En 1994, le rapport de Jean Picq remis au Premier ministre et au ministre de la fonction publique André Rossinot, intitulé « L'État en France : servir une nation ouverte sur le monde », établissait les linéaments de la doctrine du déploiement des agences. L'objectif était alors de responsabiliser les acteurs et d'apporter de la souplesse. Ainsi, le comité proposait que « l'État examine la transformation en agence de toutes les administrations qui assurent une fonction de prestation de services n'impliquant pas une appréciation discrétionnaire »10(*).

1. Les agences sont d'abord vues comme une manière de gérer l'action publique avec plus de souplesse et une plus grande productivité
a) L'agence : une souplesse de gestion en faveur des profils experts

Le modèle de l'agence permet de concentrer au sein d'une seule et même structure, plus ou moins autonome, les agents et les moyens nécessaires à la mise en oeuvre d'une politique publique ainsi qu'à la poursuite d'objectifs. Ce modèle s'inspire de la règle de Tinbergern11(*) selon laquelle, pour chaque objectif de politique publique, il doit exister un instrument spécifique pleinement consacré à l'atteinte de cette mission.

L'agence permettrait en outre de parvenir à d'importantes économies d'échelle entrainant une hausse de la productivité et améliorant le ratio budget confié par l'État/nombre d'équivalents temps plein (ETP). Grâce à sa spécialisation, elle est considérée comme théoriquement plus efficace et favoriserait l'internalisation de compétences et le développement d'un capital humain technique spécifique, consacrant une expertise de plus haut niveau.

Plusieurs agences entendues par la commission d'enquête ont d'ailleurs insisté sur ce volet d'expertise. Les agences disposeraient d'un pouvoir d'attraction permettant de faire venir en leur sein des profils qui, jusqu'alors, restaient éloignés du secteur public. Pascal Berteaud, directeur général du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) a ainsi indiqué disposer de « 300 spécialistes des ouvrages d'art, dont 20 à 30 experts internationaux de très haut niveau [...] répartis au niveau régional ».

Il est toutefois difficile de valider cet argument en l'absence de données statistiques consolidées. À l'occasion de l'audition de la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) et comme il sera expliqué plus en détail infra, le rapporteur de la commission d'enquête a regretté ne pas pouvoir disposer de données relatives à l'attractivité des agences, par rapport à celles de l'administration centrale ou déconcentrée.

Au-delà de l'expertise, c'est la souplesse dans la gestion, en matière statutaire, comptable, financière et organisationnelle qui a favorisé un recours aux agences. Néanmoins, les dérogations aux règles de droit commun dont peuvent faire usage les agences dépendent largement de leur statut juridique ; comme on le verra plus loin, un établissement public administratif (EPA) ne dispose pas des mêmes latitudes qu'un établissement public industriel et commercial (EPIC) et encore moins des prérogatives d'un groupement d'intérêt public (GIP). Il serait ainsi inexact de résumer la création d'une agence à la volonté première de contourner la rigidité des normes de gestion qui s'imposent à la fonction publique.

Pour autant, et bien avant l'adoption de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique qui a étendu largement le recours aux contractuels dans le secteur public, les agences ont bénéficié de dérogations aux règles de gestion du personnel.

Les GIP et les EPIC peuvent bénéficier de plein droit de l'application des règles du code du travail pour l'ensemble de son personnel - à l'exception du directeur et de l'agent comptable lorsque l'établissement en est doté12(*). En principe, les EPA sont soumis au statut général de la fonction publique d'État. Le législateur a toutefois introduit plusieurs dérogations pour certaines agences, permettant ainsi de recourir plus largement aux contractuels. Les fusions d'établissements et d'agences ont également été propices au développement au sein de nouvelles agences composées d'agents au statut dual, mêlant à la fois fonctionnaires et agents contractuels de droit privé.

Le Livre blanc sur l'avenir de la fonction publique, rapporté par Jean-Ludovic Silicani et remis au ministre du budget en 200813(*), a posé les jalons intellectuels de l'évolution d'une culture de l'emploi au sein de la fonction publique. Il insistait à l'époque sur la « redéfinition de la place et de la nature du contrat dans la fonction publique pour en faire le meilleur usage »14(*). Il mettait en avant la place importante occupée par les contractuels, place toutefois mal définie, ce qui entrainait une allocation sous-optimale des capacités des agents titulaires en poste et de ceux recrutés pour occuper certains emplois.

Au moins trois enseignements ont pu être retirés de ce rapport pour nourrir la doctrine de gestion des agences :

répondre aux besoins occasionnels de l'administration pour faire face à des pics d'activité, à des missions soudaines nouvelles ou encore à des remplacements rapides ;

bénéficier des compétences insuffisamment répandues ou disponibles au sein des agents titulaires ;

favoriser la mobilité entre le secteur public et le secteur privé afin d'enrichir l'administration par le recrutement de personnes ayant des expériences professionnelles variées.

Depuis la loi du 6 août 2019 portant transformation de la fonction publique, les dérogations sur lesquelles pouvaient s'appuyer certaines agences, notamment les EPIC et les GIP, ont été étendues à l'ensemble de la fonction publique. Un vaste mouvement de « contractualisation » a été engagé depuis lors, ne bénéficiant plus seulement aux agences de l'État. Selon une étude de la direction générale de l'administration et de la fonction publique parue en janvier 2025, à la fin 2022, plus d'un agent public sur cinq est contractuel, ce qui représente 1 258 500 agents sur un ensemble d'environ 5,7 millions15(*).

L'évolution montre que le nombre de contractuels dans la fonction publique d'État a augmenté de 46 % entre 2011 et 2022 (contre + 26 % dans la fonction publique territoriale), alors que le nombre de fonctionnaires diminuait légèrement.

Évolutions des effectifs physiques de fonctionnaires et de contractuels au 31 décembre dans la fonction publique d'État

(base 100 en 2011)

Source : commission d'enquête, à partir des données DGAFP

Un tel recours banalisé aux contractuels au sein de la fonction publique affaiblit la pertinence du modèle de l'agence qui a pu, dans certains cas, être pensé comme unique moyen pour recruter des agents contractuels.

Les différentes agences entendues par la commission d'enquête ont unanimement fait part de l'intérêt du recours aux contractuels.

Sylvain Waserman, président de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), a indiqué ses effectifs ne comptent que 3 % de fonctionnaires en détachement, « tous les autres agents relèvent d'un contrat de droit privé ». Dans le même sens, le Cerema a indiqué « avoir largement eu recours aux dispositifs prévus par la loi [...] de transformation de la fonction publique ». Ce dernier affirmait en outre qu'il devenait « de plus en plus difficile de recruter des experts au sein de la fonction publique » ce qui a justifié un élargissement du vivier de recrutement : d'abord cantonné aux fonctionnaires publics territoriaux, le spectre a ensuite été élargi au secteur privé. La logique est identique pour l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) qui compte environ « 60 % de contractuels en CDI ou en CDD, sous statut de droit public » pour seulement un « petit tiers de fonctionnaires ».

Si le recours à du personnel contractuel est à bien des égards utile pour réduire l'externalisation vers des cabinets externes compte tenu d'un manque de compétences spécifiques dans le vivier des fonctionnaires, force est de constater que cette tendance est également porteuse de risques pour le service public. En effet, l'efficience de l'euro investi pour la formation du personnel employé sur contrat est largement tributaire de la durée du contrat et de son prolongement éventuel.

Cette difficulté se pose avec davantage d'acuité lorsque les agences ont recours aux intérimaires. Le rapporteur note ainsi qu'un risque d'une perte de compétences techniques est clairement identifié au sein de l'Ademe en raison de sa dépendance aux intérimaires sur des fonctions d'expertise, malgré les hausses du plafond d'emplois successives. Compte tenu de la sensibilité et de la technicité des sujets traités par l'Ademe : fonds chaleur, suivi des filières à responsabilité élargies des producteurs (REP) ou encore politique incitative en faveur de l'acquisition de véhicule électrique, le risque d'une perte de compétences est préoccupant.

Ainsi dans son rapport16(*) portant sur les crédits ouverts au titre du projet de loi de finances pour 2021, le rapporteur relevait, en tant que rapporteur spécial de la commission des finances : « pour faire face à l'extension de ses missions, l'Ademe envisage de recruter 93 ETP en intérim. Toutefois le coût unitaire d'un intérimaire est plus élevé qu'un CDD et la durée de leur mission est limitée à 18 mois. Or, le plan de relance s'étale sur deux ans : le rapporteur spécial craint donc une perte de compétence, alors même que les projets portés par l'Ademe dans le cadre du plan de relance ne seront pas achevés. »

Cette situation est d'autant plus difficile à détecter que le personnel employé par les agences est mal connu de l'administration centrale. La commission d'enquête estime donc que, tout particulièrement sur des compétences stratégiques ou techniques, les agences devraient favoriser l'emploi de personnels titulaires.

Recommandation : Définir une doctrine d'affectation des agents publics dans les agences en fonction de la sensibilité et de la technicité du sujet de politique publique.

La commission d'enquête a conscience que l'attractivité de la fonction publique est un enjeu crucial qui mérite d'être regardé en détail. Ainsi Pascal Bertaud, directeur du Cerema, reconnaissait lors de son audition qu'il est « de plus en plus difficile de recruter des experts au sein de la fonction publique ».

b) L'agence : aux grands maux, les grands remèdes

Dans la période récente, et souvent en réponse à des évènements exceptionnels, l'action publique a eu tendance à s'adosser à des structures ad hoc : établissements publics et agences pour répondre aux circonstances, parfois exceptionnelles.

À bien des égards, ces créations ex nihilo peuvent parfois s'imposer et se justifier d'elles-mêmes. La consécration de fonds d'indemnisation découle ainsi bien souvent de crises ou d'évènements justifiant le déploiement d'un dispositif propre. Le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva), qui est un EPA, résulte des conséquences sanitaires de l'autorisation délivrée par l'État d'utilisation de produits à base d'amiante ; l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (Oniam), créé en 2002, fait suite à l'affaire du sang contaminé et aux infections nosocomiales et le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI) a été mis en place en 1986 à la suite d'une vague d'attentats en France dans les années 1980. Ces dispositifs ont été institués avec un objectif clair et délimité pour répondre à des cas particuliers.

Pour autant, ces créations d'agences ne résultent pas toujours d'une logique aussi clairement identifiable. Au contraire, elles semblent parfois s'apparenter à une réponse « réflexe », au détriment d'une réflexion sur les structures existantes et en l'absence de toute vision stratégique de long terme.

Lors de son audition devant la commission d'enquête, Bernadette Malgorn, ancienne préfète et secrétaire générale du ministère de l'intérieur, est revenue sur ce phénomène. Elle a ainsi évoqué l'exemple topique de la création de l'établissement public administratif pour la conservation et la restauration de Notre-Dame (EPRNDP) institué par la loi du 29 juillet 2019, à la suite de l'incendie destructeur qui a frappé l'édifice pluriséculaire, alors même que préexistaient à l'évènement deux agences placées sous la tutelle du ministère de la culture : l'opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (Oppic) et le Centre des monuments nationaux (CMN). Au cours de la même réunion, M. Sébastien Soriano17(*) estimait que l'État ne devrait pas avoir besoin de créer un opérateur dédié alors que l'Oppic a déjà cette mission.

L'Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (Oppic)

Cet établissement, né en 2010 de la fusion du service national des travaux (SNT) et de l'établissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels, est coutumier des travaux de restauration d'envergure.

Il est spécialisé dans la maîtrise d'ouvrage des équipements culturels et dans la restauration et la valorisation des monuments historiques, pour le compte du ministère de la culture et de ses opérateurs ou, éventuellement, d'autres ministères. Ses missions le conduisent à réaliser de nouveaux équipements et à restaurer, réhabiliter ou transformer en partie ou en totalité des bâtis anciens, protégés au titre des monuments historiques. L'Oppic était ainsi chargé de conduire les travaux du Grand Palais, dont le budget s'élevait à 450 millions d'euros, et a notamment réalisé plusieurs chantiers : château de Versailles ou encore restauration du théâtre de Napoléon III au château de Fontainebleau.

Source : commission d'enquête, à partir du rapport n° 521 (2018-2019) de M. Alain Schmitz, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 22 mai 2019

En outre, il aurait également été envisageable de confier une telle mission à la direction régionale des affaires culturelles (DRAC) d'Île-de-France dans la mesure où elle a sous sa responsabilité la cathédrale Notre-Dame de Paris.

Sans remettre en cause l'efficacité, dans le cas d'espèce, des travaux menés par cet établissement public dans des temps records, une telle création interroge l'existence des deux autres opérateurs ainsi que la vision d'ensemble de l'État sur ses démembrements. Cet exemple pose deux questions de principe qui ont d'ailleurs irrigué l'ensemble des travaux de la commission d'enquête :

· L'État a-t-il connaissance de l'étendue de son parc d'agences ?

· Le périmètre et le dimensionnement des agences font-ils l'objet d'une réflexion stratégique permettant d'appréhender une politique publique au long cours ?

2. Les agences sont à la fois la cause et la conséquence de la perte de compétences techniques et opérationnelles au sein de l'État

Le grand mouvement de développement des agences, dans les années 1980 et au début des années 2000, est intervenu alors que l'État se réorganisait substantiellement. Il a été concomitant aux deux « actes » de la décentralisation18(*) qui, de l'aveu des personnes entendues par la commission d'enquête, a entrainé d'importants transferts de l'administration territoriale de l'État (ATE) vers les collectivités territoriales. Les services et les compétences de l'État, autrefois concentrés au sein des directions départementales, ont connu un double mouvement de dispersion.

Premièrement, les agents des services départementaux déconcentrés ont été naturellement attirés vers les services des collectivités, qui ont récupéré une partie des compétences qu'ils exerçaient alors. Ce sujet n'a toutefois pas été exploré par la commission d'enquête, dans la mesure où l'axe de réflexion retenu se concentre exclusivement sur les agences et ses conséquences.

Secondement, un phénomène d'évidage s'est produit au bénéfice des agences. Ces derniers ont en effet été conceptualisés comme un catalyseur de l'expertise. Or, l'expertise administrative - ingénierie et technique - se situait principalement au sein des directions départementales de l'administration territoriale de l'État.

Cette fuite des compétences de l'administration déconcentrée départementale vers les agences a été accentuée par des réformes ayant pour objet une restructuration des services de l'État dans les territoires.

La réforme de l'administration territoriale de l'État (RéATE) :
une perte de substance de l'État départemental

Engagée au tournant des années 2010 dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), elle a procédé d'un double objectif de renforcement de l'échelon régional et de maîtrise des effectifs.

Elle a surtout fortement restructuré les services départementaux en substituant aux douze anciennes directions départementales, deux à trois directions départementales interministérielles :

- la direction départementale de la protection des populations (DDPP), qui est notamment compétente en matière de sécurité alimentaire, de surveillance des marchés et de prévention des risques sanitaires ;

- la direction départementale des territoires (DDT) et, le cas échéant, de la mer (DDTM), chargée de l'aménagement et du développement durable du territoire ;

- la direction départementale de l'emploi, du travail et des solidarités (DDETS), qui est notamment compétente en matière d'insertion sociale et professionnelle, de développement et de maintien de l'accès à l'emploi.

Source : commission d'enquête

À cet égard, Éric Freysselinard, vice-président délégué de l'Association du corps préfectoral et des hauts fonctionnaires du ministère de l'intérieur, a souligné devant la commission d'enquête que « les effectifs des services des préfectures et les services déconcentrés [ont] été réduits d'environ 35 % en l'espace d'une huitaine d'années » et que les services préfectoraux ne disposent plus que de « 1 à 3 équivalents temps plein (ETP) [par préfecture de département] pour assurer la communication de l'ensemble des ministères dans les territoires ». Vision que partage Bernadette Malgorn, estimant que la Réate a emporté « un rétrécissement du champ préfectoral ».

Le mouvement de rationalisation qu'a connu l'administration territoriale de l'État a eu pour incidence de réduire les prestations proposées par les services déconcentrés au sein des directions départementales. Ces services se sont ainsi progressivement appauvris, alors que les agences concentraient la totalité de l'offre de service à destination des collectivités. Éric Freysselinard indiquait que l'on a « supprimé l'ingénierie publique dans les directions départementales des territoires (DDT), ces dernières ne parvenant désormais plus à mener à bien leurs projets ». Il évoque, non sans émotion, le « crève-coeur de voir le caractère ridicule des effectifs de la DDT au regard de la taille plus importante d'une délégation de l'OFB ».

Ce constat d'une perte des compétences au sein des services déconcentrés de l'État, largement partagé dans la commission d'enquête, est sans équivoque. Le directeur général du Cerema évoque l'état « préoccupant » des compétences techniques au sein des DDT. Il indique en outre « qu'autrefois, un agent pouvait solliciter son subdivisionnaire pour un problème local. Si la difficulté nécessitait une expertise plus approfondie, un technicien du siège de la DDE était dépêché. Enfin, pour les cas les plus complexes, des experts de renommée étaient mobilisés, capables d'intervenir sur des infrastructures sensibles, même dans des communes rurales de quelques centaines d'habitants. Aujourd'hui, cette organisation n'existe plus, et de nombreuses collectivités se retrouvent isolées, sans appui structuré ».

La tentative récente de retrouver ces compétences d'ingénierie perdues n'est pas une réussite. Prolongeant son intervention sur les pertes de savoirs, le directeur général du Cerema estime qu'aujourd'hui, sur les 3 000 postes dédiés aux missions d'ingénierie portées par l'ANCT, « seuls 5 à 10 % des plus performants parviennent à s'adapter et à produire un travail de qualité », non pas faute de compétences intrinsèques, mais plutôt en raison de l'absence d'encadrement technique et d'équipes d'ingénieurs expérimentés permettant l'intégration au sein d'un collectif.

La disparition de l'Atesat : anatomie d'une perte de compétences

L'assistance technique fournie par les services de l'État pour des raisons de solidarité et d'aménagement du Territoire (ATESAT) était une aide des services de l'État à l'exercice des compétences des communes ou de leurs groupements par la fourniture de conseils et d'assistance dans les domaines de la voirie, de l'aménagement et de l'habitat contre le versement d'une contrepartie financière.

Elle a été définie par la loi dite « Murcef » du 11 décembre 200119(*) et constituait une porte d'entrée des services déconcentrés sur le territoire national dotée de près de 4 000 équivalents temps plein (ETP).

La loi de finances pour 2014 a mis fin à l'ATESAT, notamment pour réaliser des économies (estimées à 25 millions d'euros) et tenir compte l'évolution de l'organisation territoriale avec la montée en compétence des intercommunalités et des départements.

Le retrait des compétences « maîtrise d'oeuvre » et « application des réglementations en vigueur » aux services déconcentrés a entrainé un départ des ingénieurs et des experts techniques vers le secteur privé.

Le directeur général du Cerema, entendu par la commission d'enquête, a regretté cette suppression et estimé qu'il était nécessaire de recréer un dispositif équivalent. Regrets partagés par des membres du corps préfectoral.

Source : commission d'enquête

Cette perte de compétences n'est pas seulement un enjeu de crédibilité pour l'action administrative, elle soulève également des interrogations quant à notre capacité à agir dans un monde de plus en plus complexe sur le plan technique et technologique. Alors que nos univers se technicisent, on relève paradoxalement une plus faible présence d'ingénieurs et de techniciens au sein de l'appareil de l'État, conjuguée à une moindre spécialisation. Les fusions des corps techniques de l'État20(*) se sont accompagnées d'une fusion des formations laissant moins de temps pour aborder les spécificités de chaque filière.

Ce constat sur le recul des savoir-faire techniques au sein des administrations doit certes être nuancé, certains métiers continuent de bénéficier d'un soutien robuste permettant une formation de haut niveau. Sébastien Soriano, directeur général de l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN), estimait ainsi que « pour certains métiers, nous entretenons des compétences rares - l'information géographique pour l'IGN, les prévisions météorologiques chez nos collègues de Météo France -, mais nous le faisons dans une logique de rayonnement. Nous faisons par exemple monter en puissance des écoles sur la data science ou sur l'intelligence artificielle ».

La commission d'enquête estime toutefois qu'il faut enrayer ce processus de perte de compétences. Plus l'État confie de tâches à des agences - composées de contractuels voire d'intérimaires -, plus il risque d'entretenir son propre déficit de savoir-faire.

3. Les agences sont trop souvent une mauvaise réponse à une vraie difficulté : l'incapacité à programmer une action transversale au long cours

Lorsqu'en 1946 Jean Monnet présente au Gouvernement de Georges Bidault son « plan de quatre ans » pour redresser l'économie française, il cherche à ancrer une action dans le temps long, là où le temps budgétaire ne permettait, par principe, que d'entrevoir une action publique annualisée. Ce besoin de prévoir une action à long terme, sur des segments de politiques publiques bien souvent interministériels, n'a depuis lors jamais quitté l'esprit du décideur public.

a) Les agences seraient une solution pour apporter une vision sur les crédits non limitée à l'année en cours

Les agences, vues comme des outils de gestion plus souples que les administrations centralisées, sont rapidement apparues comme un moyen de pallier le double déficit de transversalité et d'annualité des politiques publiques. Rapidement pourtant, la structuration retenue par la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) a limité les possibilités d'entrevoir une action qui soit véritablement pluriannuelle et gérée par plusieurs ministères. Ainsi que le soulignait Bernadette Malgorn lors de son audition devant la commission d'enquête : « la LOLF a mis un coup d'arrêt à ce qui aurait pu constituer une évolution intéressante. En effet, la rigidité de l'architecture de cette loi se prête difficilement au portage de politiques interministérielles ». La difficulté posée par le principe constitutionnel d'annualité n'a pas non plus été totalement résolue par la double présentation des crédits en loi de finances : autorisations d'engagement (AE) et crédits de paiement (CP).

Plusieurs mécanismes ont toutefois été introduits pour permettre aux agences une gestion plus souple, en respectant la règle de l'annualité budgétaire, en donnant la possibilité d'une gestion pluriannuelle.

Ainsi, une circulaire du Premier ministre du 26 mars 2010 relative au pilotage stratégique des opérateurs de l'État indiquait que les opérateurs exerçant leur activité « à une échelle pluriannuelle » devaient être adossés à un contrat de performance, devenu depuis lors « contrats d'objectifs et de performance » (COP) et « contrats d'objectifs et de moyens » (COM), afin de perfectionner le pilotage et le suivi dans le temps d'une politique publique. Ces outils issus d'un échange tripartite entre la tutelle, l'opérateur et la direction du budget sont censés donner un cap à l'opérateur en dessinant les priorités à mettre en oeuvre, en déterminant les indicateurs d'efficacité, d'efficience et de qualité du service.

Dans un rapport de janvier 2021, la Cour des comptes21(*) estimait que les contrats (COM et COP) « constituent une réponse à l'inadéquation actuelle entre la programmation pluriannuelle de l'activité de l'opérateur et la détermination annuelle de ses moyens, conséquence du principe de l'annualité budgétaire ». Le besoin de souplesse et d'une boussole pour anticiper les besoins et les objectifs sur plusieurs années a également été identifié par les personnes entendues par la commission d'enquête comme indispensable.

Pascal Berteaud, directeur général du Cerema, indiquait ainsi que l'objectif de 20 % de réduction des dépenses de personnel sur la période 2017-2022 qui lui a été assigné par le ministre était « salutaire » et qu'il avait permis une approche plus efficace que si la trajectoire de réduction des effectifs avait été fixée annuellement. Dans le même sens, Frédéric Sanaur, directeur général de l'Agence nationale des sports (ANS), estimait que l'aspect pluriannuel offert par les COM/COP constituait une plus-value notable au regard des exercices budgétaires précédents, tel qu'ils étaient exécutés par le Centre national de développement du sport (CNDS). La ministre des comptes publics, Amélie de Montchalin, a estimé lors de son audition que « les COM sont de très bons outils, qui peuvent contribuer à une meilleure performance budgétaire ».

Néanmoins, en dépit d'un intérêt certain pour cet outil qui permet d'introduire une dose de « pluriannualité », plusieurs personnes entendues ont évoqué les limites qu'induit le principe d'annualité budgétaire. Benoit Trivulce, directeur général par intérim de Business France, considère qu'« à titre personnel, [...] l'amélioration de la dépense publique passera par une réflexion de fond sur la méthode - l'annualité budgétaire étant selon moi une difficulté - et sur la responsabilité des managers et des directeurs ».

b) En pratique, les opérateurs restent largement dépendants des décisions prises dans la loi de finances de l'année

La question de la pluriannualité pourrait aussi se poser en raison de la difficulté qu'ont certains dirigeants administratifs à se saisir pleinement des outils budgétaires. Symptomatiques sont à cet égard les propos tenus devant la commission par le directeur général de la santé Grégory Emery : « Je suis médecin : les BOP22(*) et la LOLF sont des sujets que je ne maîtrise pas au quotidien ». Un tel aveu est déconcertant de la part d'un directeur d'administration centrale, désigné dans les documents budgétaires comme responsable d'un programme budgétaire doté de plus de 200 millions d'euros23(*).

La direction du budget du ministère des finances a en effet indiqué au rapporteur que, selon elle, la LOLF permet déjà de conduire une gestion pluriannuelle plus affirmée, ce qui constituait d'ailleurs l'un des objectifs de la loi organique en 2001 : elle a ainsi permis d'appliquer la notion d'autorisation d'engagement, potentiellement pluriannuelle, à l'ensemble des dépenses, hors dépenses de personnel, alors qu'elle était limitée précédemment aux dépenses d'investissement. En outre, la dernière réforme de la LOLF24(*) a prévu la présentation de budgets triennaux détaillés au niveau du programme et du titre.

D'une manière générale, la volonté de « sanctuariser » des crédits par leur inscription au budget d'une agence paraît largement illusoire, car tous les mécanismes de pluriannualité ne peuvent remettre entièrement en cause le principe d'annualité budgétaire et le vote, prévu par l'article 47 de la Constitution, de la loi de finances « fixant les ressources et les charges d'un exercice ». La loi de finances peut toujours - et elle le fait régulièrement - modifier le montant de taxe affectée à un opérateur, lui demander une contribution exceptionnelle afin de réduire le montant de sa trésorerie, ou encore contraindre ses ressources par la fixation du plafond d'autorisation d'emplois des opérateurs d'un programme budgétaire25(*) ou des crédits du programme auquel il est rattaché.

Au total, la confiance accordée à la figure de l'agence, comme gardien de fonds pouvant être reversés chaque année, se fonde peut-être moins sur une réalité juridique qu'elle ne constitue un marqueur de la défiance à l'égard de la parole de l'État et de sa capacité à honorer les engagements pris en son nom propre au cours des années passées.

En tout état de cause, une remise en cause générale du principe d'annualité, par la mise en place de budgets pluriannuels ou en tout cas portant sur deux années, serait une réforme d'envergure dont l'utilité n'est pas assurée : la France a montré au cours de la crise sanitaire que la LOLF permettait une adaptation rapide à une situation exceptionnelle, alors que le cadre financier européen, marqué par une pluriannualité plus rigoureuse, montre aussi les limites de ses rigidités.

4. Les agences, une fois créées, tendent à poursuivre et étendre leur activité, et définir elles-mêmes leur champ d'activité
a) Les agences : des entités à la main de l'administration centrale ?
(1) Le manque de connaissance globale des agences

Les réformes successives de l'administration territoriale de l'État (ATE), ayant réduit fortement les services déconcentrés, se sont également fondées sur le postulat suivant : l'administration centrale et l'administration déconcentrée disposeront, pour mener à bien leurs actions, d'agences identifiées et opérationnelles sur le territoire.

Ce postulat est néanmoins aujourd'hui largement remis en cause. La secrétaire générale du Gouvernement, Claire Landais, au cours de son audition devant la commission d'enquête a ainsi eu deux affirmations qui remettent en cause la capacité de l'administration à « disposer » des agences :

« L'administration centrale est à la main du ministre, contrairement aux opérateurs, qui en sont éloignés, car ils disposent d'une forme d'autonomie » ;

« Aujourd'hui, en voyant l'administration centrale, j'ai tendance à penser qu'elle manque de capacité à peser vis-à-vis de certains opérateurs, qui ont pris beaucoup d'ampleur ».

L'absence d'une véritable mainmise de l'administration centrale et des ministères sur les agences a pu être directement mesurée par la commission d'enquête. Dès le début de leurs travaux, à la mi-février 2025, son président et son rapporteur ont adressé à l'ensemble des ministères un questionnaire visant à lui communiquer un état des lieux exhaustif recensant : la liste des agences, opérateurs et organismes consultatifs sur lesquels le ministère exerce sa tutelle, leur nature juridique, une description sommaire des principales missions, les modalités de gouvernance, l'existence ou non d'un contrôle budgétaire ou économique et financier, la masse salariale et les emplois sous plafonds.

L'arrivée progressive des données, dans des formats et selon des périmètres variables, témoigne de l'absence de vision centralisée du phénomène des agences, de sorte que la présentation statistique qui sera faite plus loin restera nécessairement parcellaire. Le fait que le recensement d'informations aussi élémentaires s'apparente à un « parcours du combattant » administratif n'a rien de rassurant.

Les secrétaires généraux des ministères sont chargés du suivi, pour le compte de leur ministère, de l'animation de la tutelle de leurs opérateurs. Bernadette Malgorn, autrefois secrétaire général du ministère de l'intérieur a pourtant affirmé devant la commission qu'« au début, une véritable tutelle s'exerce, mais, au fil du temps, la compétence se perd chez le donneur d'ordre ».

Le sentiment de la commission d'enquête est qu'il n'a existé - ou en tout cas avant le lancement de ce travail parlementaire - aucune centralisation des informations sur les agences permettant d'identifier « qui fait quoi » et suivant quelles modalités, sauf sur le périmètre - qui reste partiel - des opérateurs au sens des documents budgétaires. La secrétaire générale du Gouvernement l'a elle-même reconnue, répondant : « Non » à l'interrogation : « Est-ce que ces informations [concernant les opérateurs] sont centralisées ? ».

(2) De l'autonomie à l'autogestion

Les créations d'agences répondent souvent d'un véritable besoin, exprimé soit par les territoires, soit par la poursuite d'objectifs ambitieux, tels que l'atteinte de nos ambitions environnementales et climatiques, la réindustrialisation de notre économie ou encore l'indépendance énergétique.

Les agences sont le fruit d'une impulsion et d'une volonté politique qui rapidement s'essoufflent et laissent à l'agence une plus grande latitude. Au début, il peut s'agir simplement d'une appropriation et d'une modulation des objectifs fixés dans les contrats d'objectif et de performance (COP) ou contrat d'objectifs et de moyens (COM). Puis, absence de regard de la tutelle se faisant, « l'opérateur en vient à définir lui-même sa mission telle que définie par le contrat d'objectif et de compétences » (Bernadette Malgorn). Le rapporteur a eu à connaitre un projet de COP directement rédigé par le directeur de l'opérateur comme en atteste la signature électronique du document.

Le risque est alors de glisser d'une logique d'autonomie à une logique d'autogestion. Cette dernière est à la fois organisationnelle, c'est-à-dire que l'agence peut être tentée de reconstituer une structure administrative entièrement autonome du ministère, mais aussi en matière de politique publique assurée par l'établissement.

La théorie économique de l'« agence », au sens large d'intermédiaire agissant pour le compte d'un « principal », met d'ailleurs en garde contre les risques de développement d'une asymétrie entre les nombreuses informations accumulées par l'agence au cours de son activité et les connaissances limitées dont dispose le donneur d'ordres (la tutelle) éloigné du terrain. De même, rien ne garantit que les objectifs d'intérêt général qui sont ceux de l'administration lorsqu'elle crée une agence sont et restent partagés par l'agence, qui comme toute organisation tend à rechercher son propre développement.

Les agences sont également parfois conduites à abandonner certains segments de politique publique qui leur avait été attribuée, sans qu'une justification soit clairement établie. En tout état de cause, cet abandon ne résulte pas toujours de la non-pertinence de la politique publique dans le temps.

À cet égard, le cas de l'Ademe est assez symptomatique d'une tendance à s'autonomiser de la décision politique pour conduire et étendre ses propres missions. Le législateur avait défini à l'article L. 131-3 du code de l'environnement les missions de l'agence, en identifiant huit missions. Parmi celles-ci, la « lutte contre les nuisances sonores » était un objectif et une mission qui lui était assignée. Or, il est bien difficile d'identifier quels travaux l'Ademe a produits sur ce thème ces dernières années26(*). Il n'est pas un acteur identifié et l'agence semble s'être désengagée de cette mission, au point qu'il n'en est fait aucune mention dans son rapport d'activité 2023. Or la tutelle elle-même ne la lui a pas rappelée puisque cette mission est absente de son contrat d'objectifs et de performance 2024-2027.

La commission d'enquête estime qu'il n'est pas de bonne pratique d'abandonner en cours de route une politique publique, a fortiori sans l'aval de l'autorité qui a créé l'agence et du simple fait de l'inaction de cette dernière. S'il se peut que dans le temps certaines missions perdent en pertinence et ne justifient plus l'engagement de l'État, le choix de cesser une politique publique doit reposer sur une évaluation rigoureuse.

De manière générale, la commission d'enquête considère qu'une évaluation périodique de la pertinence de conserver chaque agence de l'État est indispensable, cette dernière devra nécessairement s'appuyer sur une revue des politiques publiques dont elle a la charge.

Aux Pays-Bas, une loi-cadre prévoit ainsi une évaluation de chaque agence tous les cinq ans27(*).

La commission propose d'établir une méthodologie robuste permettant de déterminer si l'action d'une agence a lieu de se maintenir en tout ou partie. Pour ce faire, la méthode pourrait s'inspirer d'exemples voisins, notamment du Royaume-Uni, qui dans le cadre du programme de revue des organismes publics (public bodies review programme) conduit par le Cabinet Office en 2022, a proposé une méthodologie rigoureuse, fondée sur une combinaison d'auto-évaluation interne et de recherche externe, avec des inspections et des entretiens avec la direction et le personnel de l'organisme, ainsi qu'avec les principales parties prenantes. Cette méthodologie est décrite dans l'étude de législation comparée annexée au présent rapport.

Un mécanisme périodique de revue générale des missions des agences pourrait être un outil utile à la bonne conduite des politiques publiques. Il permettrait ainsi d'éviter qu'une agence continue de fonctionner si ses missions ont cessé d'exister.

Recommandation : Revoir tous les cinq ans, au moyen d'une évaluation systématique, la pertinence du maintien des agences existantes et de chacune de leurs principales missions.

b) L'agence : une politique publique sine fine ?

À évoquer le sujet des agences en les regardant comme des objets inertes, on aurait tendance à oublier que vit à travers cette structure une politique publique dont la longévité n'est définie que par les besoins. Ainsi que la commission d'enquête a pu le constater, certaines agences abandonnent une partie de leurs missions - c'est le cas de l'Ademe qui a été évoqué ci-dessus. A contrario, d'autres agences ont tendance à prolonger leur activité alors même que leur mission a pu cesser d'exister. La commission d'enquête a relevé plusieurs cas qui ont pu l'interloquer.

En premier lieu, celui de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), instituée par Jean-Louis Borloo en 2003 afin de procéder à la rénovation de quartiers anciens dégradés qui avaient été édifiés dans le cadre de la charte d'Athènes - vaste plan de création de quartiers de vie, de travail, de loisirs et d'infrastructures de transport. L'ancien ministre Jean-Louis Borloo, entendu par la commission d'enquête, rappelait que lors de sa création, l'objectif était « d'avoir une agence très spécifique dont le seul métier était de rénover, de réhabiliter, de résidentialiser, de détruire ». Or, avec le temps, l'ANRU serait devenue « une machine à penser, à imaginer l'urbanisme à la place des élus » ; il a ainsi estimé nécessaire que l'ANRU revienne à « ce qu'elle était au début : un bureau de bienveillance ».

Ses objectifs et ses missions ne semblent pourtant pas se recentrer vers le barycentre de ses activités originelles. Dans un rapport remis au ministre de l'aménagement du territoire, François Rebsamen, en février 2025, cosigné par la directrice générale de l'ANRU, cette dernière propose d'étendre l'action de l'agence. Ainsi, il est proposé que l'Agence développe un centre de ressources et d'ingénierie et de conseil pour accompagner les territoires, qu'elle puisse apporter son soutien à des programmes nationaux portés par d'autres opérateurs tels que l'ANCT ou l'ANAH en s'intéressant par exemple à des territoires concernés par le recul du trait de côte ou encore au phénomène d'inondation28(*).

La commission d'enquête est perplexe face à une telle extension du champ de compétences d'une agence et s'interroge sur sa justification. Il lui semble que cette stratégie révèle plutôt en réalité un « instinct d'autoconservation » visant à faire perdurer l'agence au-delà de ses missions. En outre, demander à un opérateur de définir lui-même l'avenir de la politique de renouvellement urbain, comme l'ont fait les ministres29(*) dans la lettre de mission à l'origine de ce rapport, revient à dessaisir le Gouvernement et l'administration centrale des missions d'« État-stratège » qui lui reviennent.

L'ANRU n'est bien entendu pas le seul opérateur à chercher à prolonger ses activités sans justification parfaitement établie. L'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs (ANGDM), instituée par la loi n° 2004-105 du 3 février 2004, a également de quoi interpeller. Instituée pour garantir les droits sociaux des anciens mineurs ou des conjoints survivants de mineurs, cette agence fait état dans sa lettre d'information mensuelle de propos très généraux sur le numérique, l'existence des maisons France services, sur l'utilisation du téléphone par les personnes âgées, sur la notion d'intelligence artificielle comme « nouvelle invention de l'homo sapiens »30(*).

Le rapporteur fait observer que ces éléments ne sont en aucun cas corrélés avec les missions assignées à l'agence : « garantir, au nom de l'État, en cas de cessation définitive d'activité d'une entreprise minière ou ardoisière, quelle que soit sa forme juridique, d'une part, l'application des droits sociaux des anciens agents de cette entreprise, des anciens agents de ses filiales relevant du régime spécial de la sécurité sociale dans les mines et de leurs ayants droit »31(*). Dans un rapport32(*) publié en 2024, la Cour des comptes préconise la fermeture de l'agence à l'horizon 2030.

Les agences devraient se contenir aux missions qui leur ont été attribuées initialement, au risque de voir subsister dans le temps des agences qui ont perdu toute raison d'exister. Afin de remédier à ces dérives, la commission préconise d'instituer une clause d'extinction lors de la création des agences en vue de déterminer, à intervalle temporel donné, si son maintien est justifié.

Recommandation : Prévoir une date d'extinction dès la création d'un nouvel établissement, fixée par défaut au terme d'une durée de cinq ans.

II. AGENCES, OPÉRATEURS, COMMISSIONS CONSULTATIVES, COMITÉS THÉODULES : DE QUOI PARLE-T-ON AUJOURD'HUI ?

Jean-Louis Borloo a également fait observer, au cours de son audition devant la commission d'enquête, que « dans le mot agence, il y a le plus beau et le pire » en soulignant la profonde hétérogénéité de cette catégorie.

Le terme d'« agence », depuis son origine italienne d'agenzia à la Renaissance, comprend la notion d'une action conduite par un agent pour le compte d'un principal. Les qualificatifs utilisés pour nommer les « agences » ne découlent toutefois pas d'une pratique bien établie.

Les différentes formes recensées : office ; agence ; centre ; autorité ; institut ; établissement ; fonds ; parcs ; les appellations propres telles que France compétences, FranceAgriMer, Business France, etc., ou encore les noms des différents groupements d'intérêt public (GIP) et groupement d'intérêt économique (GIE) ajoutent de la complexité et nuisent à la lisibilité et à l'identification de ces structures.

Cette complexité est d'autant plus exacerbée que l'appellation d'une entité est décorrélée de sa forme juridique. Le terme d'agence est ainsi appliqué à des organismes soumis à un contrôle très limité de la part du Gouvernement (Agence nationale pour la rénovation urbaine) comme à des services qui font partie intégrante de l'administration de l'État (services à compétence nationale comme l'Agence France Trésor ou l'Agence des participations de l'État).

Une clarification de ces différentes notions est donc indispensable.

A. AGENCES, OPÉRATEURS ET COMMISSIONS CONSULTATIVES : DES NOTIONS QUI PEUVENT SE RECOUPER, MAIS DONT LES DÉFINITIONS DEMEURENT PEU ÉTABLIES

Si l'on excepte les commissions consultatives, qui relèvent d'une nature spécifique (voir infra), les entités administratives aujourd'hui désignées sous les termes d'agences ou d'opérateurs recouvrent des réalités globalement proches, caractérisées par une distinction par rapport à l'administration centrale « classique » et par la mise en oeuvre de missions de service public, sous un contrôle plus ou moins direct de l'État.

1. Les opérateurs, une catégorie budgétaire relativement bien délimitée

Les opérateurs constituent un objet relativement bien identifié. Il s'agit d'une notion budgétaro-comptable, née avec la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) du 1er août 2001.

La LOLF a ainsi identifié la catégorie des « organismes bénéficiaires d'une subvention pour charges de service public », décrits dans le volet « opérateurs »33(*) des projets annuels de performance (PAP). Depuis 2007, un « jaune budgétaire » annexé au projet de loi de finances recense ces opérateurs et leur plafond d'emploi est fixé en loi de finances depuis 200934(*).

Si la LOLF ne définit pas elle-même les opérateurs, le jaune budgétaire les qualifie de « premier cercle » des participations de l'État et retient les trois critères cumulatifs suivants :

- une activité de service public qui puisse explicitement se rattacher à la mise en oeuvre d'une politique définie par l'État et identifiée dans la nomenclature budgétaire par destination selon la répartition en mission, programme et action ;

- un financement assuré majoritairement par l'État directement sous forme de subventions ou indirectement via des ressources affectées, notamment fiscales35(*) ;

- un contrôle direct par l'État qui ne se limite pas à un contrôle budgétaire ou économique et financier, mais doit relever de l'exercice d'une tutelle ayant capacité à orienter les décisions stratégiques, que cette faculté s'accompagne ou non de la participation au conseil d'administration.

Pour autant, ces critères ne sont pas stricts, dans la mesure où, si un organisme n'y répond pas, mais qu'il est considéré comme porteur d'enjeux importants pour l'État, d'autres critères peuvent être pris en compte, tels que :

- le poids de l'organisme dans les crédits ou la réalisation des objectifs du ou des programmes qui le financent36(*) ;

l'exploitation ou l'occupation de biens patrimoniaux remis en dotation ou mis à disposition par l'État ;

l'appartenance au périmètre des organismes divers d'administration centrale (ODAC) ;

- la présence de la direction du budget au sein de l'organe délibérant prévue par les statuts de l'organisme.

La qualification comme opérateur emporte des conséquences budgétaires importantes : seuls les opérateurs de l'État perçoivent une subvention pour charges de service public destinée à couvrir leurs dépenses d'exploitation courante (personnels rémunérés par l'opérateur et fonctionnement).

Au projet de loi de finances (PLF) pour 2025, sont inscrits 434 opérateurs de l'État rémunérant 402 218 emplois sous plafond (ETPT) et bénéficiant de 77 milliards d'euros de financements publics.

Quelques fusions et suppression ayant eu lieu après la présentation du PLF37(*), le nombre d'opérateurs au début de 2025 était de 426 opérateurs38(*).

2. Les agences, un concept à géométrie très variable

Si les opérateurs constituent une liste répertoriée dans les documents budgétaires, le concept d'agence est particulièrement difficile à appréhender, donnant lieu à des définitions plus ou moins extensives.

D'une part, l'agence ne correspond à aucune catégorie juridique ou budgétaire définie. En ce sens, les agences relèvent, comme les opérateurs, d'une approche essentiellement administrative. La majorité d'entre elles ont un statut public (EPA, EPIC, GIP, service à compétence nationale), mais certaines sont des personnes de droit privé (associations ou encore sociétés commerciales).

D'autre part, les institutions qui ont consacré aux « agences » des rapports sur la période récente retiennent des éléments de définition qui, s'ils ne sont pas nécessairement divergents, aboutissent cependant à des périmètres très différents.

Ainsi, dans son rapport publié en mars 2012, l'Inspection générale des finances (IGF) met en avant l'absence de définition juridique et administrative rigoureuse des agences pour justifier d'utiliser le terme générique d' « agence » « pour qualifier ces différentes entités dont les activités, les statuts et les relations entretenues avec l'État composent un ensemble très hétérogène »39(*). Pour l'IGF, « toutes les entités, dotées ou non de la personnalité morale, sont présumées appartenir au périmètre des agences de l'État dès lors qu'elles respectent les deux critères suivants : elles exercent des missions de service public non marchand ; un faisceau d'indices indique qu'elles sont contrôlées par l'État ».

Dans les faits, l'IGF a intégré à son périmètre d'étude toutes les entités respectant ces deux critères parmi la liste des opérateurs de l'État, des ODAC, des entités dotées d'un comptable public (EDCP), des services à compétence nationale (SCN), des autorités administratives indépendantes (AAI) et des autorités publiques indépendantes (API). Au total, ce périmètre représente 1 244 entités (1 101 dotées de la personnalité morale, et 143 en étant dépourvues).

Des périmètres administratifs complémentaires, propres à l'INSEE
et à la DGFiP : les notions d'ODAC et d'EDCP

Les organismes divers d'administration centrale (ODAC) correspondent à une catégorie suivie par l'INSEE, qui regroupe des organismes de statut varié (le plus souvent, des EPA), en général dotés de la personnalité juridique. Ils répondent à trois critères :

- l'État leur a confié une compétence fonctionnelle, spécialisée, au niveau national ;

- ils sont contrôlés et financés majoritairement par l'État ;

- ils ont une activité principalement non marchande.

Ils se distinguent des établissements publics locaux qui relèvent de la catégorie des organismes divers d'administration locale (ODAL).

La dernière liste des ODAC, qui porte sur l'année 202240(*), recensait environ 700 entités, catégorisées par grands secteurs de politiques publiques : les transports, la santé, le logement, les interventions sociales, la protection de l'environnement, l'enseignement et la recherche, la culture, défense, ordre et sécurité publics ou encore les affaires économiques.

Il convient de noter que les notions d'opérateur de l'État et d'ODAC sont proches, mais sans se recouper parfaitement : tous les opérateurs de l'État ne relèvent pas de la liste des ODAC.

Les entités dotées d'un comptable public (EDCP) font l'objet d'un suivi par la direction générale des finances publiques (DGFIP). Ce périmètre obéit avant tout à une logique fonctionnelle, qui permet à la DGFIP de suivre l'activité de ses comptables. Il regroupe plusieurs statuts juridiques différents, dont des GIP et des API.

Source : commission d'enquête, d'après l'INSEE et la DGFiP

Le Conseil d'État a quant à lui fait le choix d'une « définition plus resserrée de la notion d'agence » qui la distingue des opérateurs ainsi que des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes41(*). Il a considéré comme appartenant à la liste des agences de l'État les organismes remplissant les deux conditions cumulatives suivantes :

l'autonomie (à distinguer aussi bien de l'indépendance que de l'inscription dans le schéma hiérarchique traditionnel de l'administration centrale). Les agences n'en demeurent pas moins soumises à une tutelle, qui se traduit par un contrôle financier et la conclusion fréquente de contrats pluriannuels entre l'État et l'agence42(*) ;

l'exercice d'une responsabilité qualifiée de « structurante » dans la mise en oeuvre d'une politique nationale.

Sur le fondement de cette définition, le Conseil d'État a identifié 103 agences.

Le Conseil d'État incluait toutefois dans sa liste d'agences 14 organismes relevant de la catégorie des services à compétence nationale (SCN), qui ne sont pas retenus dans la liste des opérateurs parce qu'ils sont dépourvus de la personnalité morale ; la commission d'enquête ne les a pas considérés, même si certains d'entre eux prennent l'appellation d'« agence »43(*) en estimant que ces organismes ne présentaient pas les mêmes enjeux de « démembrement de l'État » que les autres organismes.

Les services à compétence nationale

Le décret n° 2015-510 du 7 mai 2015 portant charte de la déconcentration indique que :« placées sous l'autorité du Premier ministre et de chacun des ministres, les administrations civiles de l'État se composent, d'une part, d'administrations centrales et de services à compétence nationale, d'autre part, de services déconcentrés. ».

Les services à compétence nationale se distinguent des administrations centrales en ce qu'ils sont créés pour remplir des missions à caractère opérationnel (gestion, études techniques, formation, production de biens ou de services, etc.). Ils se rapprochent, en ce sens, des services déconcentrés, mais exercent ces activités sur l'ensemble du territoire national.

Le statut du personnel employé dans un service à compétence nationale se rapproche de celui des agents de l'administration centrale et déconcentrée ; par exemple, les vacances d'emploi font l'objet d'un avis dans les mêmes conditions pour ces trois sous-catégories de l'administration d'État.

Source : commission d'enquête

Ainsi, selon les critères retenus, le périmètre des agences peut varier du simple au décuple, traduisant en réalité une absence de définition stabilisée. De fait, l'acception de cette notion dépend largement de considérations fonctionnelles, dépendant du contexte dans lequel celle-ci est employée.

À cet égard, le critère de la responsabilité « structurante » peut apparaître excessivement restrictif pour fournir un point d'appui à une étude d'ensemble des entités visées par le vocable d'agence et du phénomène général d' « agencification » de l'État.

Au total, la commission d'enquête a été constituée pour étudier les missions des « agences et opérateurs de l'État ». À ce titre, la notion d' « organisme public national » est sans doute celle qui se rapproche le plus de son objet d'étude, en excluant toutefois de ce périmètre les organismes relevant de la sécurité sociale.

La commission d'enquête a ainsi obtenu du Gouvernement une liste de 1 169 organismes publics nationaux, connus par la direction du budget.

Hors régimes de base de la sécurité sociale44(*) et autres établissements relevant du code de la sécurité sociale, le périmètre des organismes considéré par la commission d'enquête est de 1 153 organismes. C'est ce sens qui sera retenu comme périmètre du secteur des « agences de l'État »45(*) dans le présent rapport. Il inclut les 426 opérateurs au sens budgétaire.

3. Les organismes consultatifs, une notion administrative caractérisée par l'absence de pouvoir décisionnel

Le 25 septembre 1963, lors d'un voyage à Orange, le général de Gaulle s'exclamait que l'essentiel, pour lui, « ce n'est pas ce que peuvent penser le comité Gustave, le comité Théodule ou le comité Hippolyte, l'essentiel pour le général de Gaulle, président de la République française, c'est ce qui est utile au peuple français, ce que sent, ce que veut le peuple français. » L'expression a connu un grand succès, devenant une appellation courante de toutes sortes de commissions et organismes consultatifs, au point de se retrouver dans l'intitulé d'une proposition de loi adoptée par le Sénat le 30 janvier dernier46(*).

À l'image des opérateurs, les organismes consultatifs bénéficient, sinon d'une définition claire, au moins d'une liste limitative présentée depuis près de trente ans dans un « jaune » budgétaire consacré aux « commissions et instances consultatives ou délibératives placées directement auprès du Premier ministre ou des ministres »47(*).

Dans le projet de loi de finances pour 2025, 317 commissions et instances de ce type sont ainsi recensées.

Ce document ne clarifie toutefois pas la notion de commission ou d'instance consultative, se contentant de dresser une liste d'organismes rattachés au Premier ministre, aux ministres ou à la Banque de France48(*). Contrairement au jaune budgétaire « Opérateurs », il ne cherche pas à définir des critères permettant d'identifier une commission consultative.

La commission d'enquête propose de définir un organisme consultatif comme une structure dont la mission principale est de donner des avis, des recommandations ou des expertises à destination des pouvoirs publics, sans exercer de pouvoir décisionnel ni mettre en oeuvre de politiques publiques.

Contrairement aux services administratifs précédemment évoqués (administration centrale, services à compétence nationale, administration déconcentrée) et aux agences, un organisme consultatif n'a pas de compétence de décision ou d'exécution : il ne gère pas de politiques publiques, ne distribue pas de fonds et n'exerce pas de contrôle.

Il se borne donc à rendre des avis consultatifs. À cette fin, il peut regrouper toute personne qui aidera à la formation de ces avis : experts, représentants de la société civile, élus locaux, partenaires sociaux, représentants de l'administration, etc.

Un organisme consultatif peut être créé de manière temporaire, mais n'a pas vocation, en ce cas, à figurer sur la liste établie par le jaune budgétaire.

Si l'intervention des organismes consultatifs peut soulever des difficultés en termes de complexité des procédures administratives qui concourent à l'éclatement de l'organisation de l'État dont participent les agences, la nature spécifique de leurs missions conduira, comme le montre l'examen des données relatives à ces commissions (voir infra), à relativiser fortement les enjeux budgétaires et humains qui leur sont associés.

B. DES NATURES JURIDIQUES DIFFÉRENTES, SANS DOCTRINE UNIFICATRICE

Les 1 153 organismes publics nationaux définis supra ont des formes juridiques diverses. La forme juridique d'une « agence » ou d'un « opérateur » n'est pas uniforme : ni les politiques publiques gérées, ni la nature des activités et actions entreprises par ces organismes ne permettent de déterminer avec certitude leur statut juridique. Bien souvent, il est nécessaire de se reporter à la loi ou au décret portant création de l'établissement, voire dans certains cas à la convention l'ayant institué pour connaître le statut de l'entité. En d'autres termes, le statut de l'agence ou de l'opérateur ne répond à aucune doctrine claire et établie.

Dans ce maquis de statuts d'agences, tenter de classifier les uns et les autres s'est souvent apparenté à un véritable « parcours du combattant ». Ainsi, dans son rapport consacré aux agences, le Conseil d'État relevait en 2012 que « notre droit positif ignore l'agence, qui ne correspond à aucune catégorie juridique définie » et que « les concepteurs des agences étant toujours à la recherche du “sur-mesure”, leur utilisation des catégories juridiques préexistantes est souvent assez libre et met parfois à l'épreuve la cohérence de la catégorie »49(*).

Les informations consolidées par le ministère du budget et transmises par la secrétaire générale du Gouvernement à la commission d'enquête font apparaître des entités aux statuts très divers : établissements publics administratifs (EPA) ; établissements publics industriels et commerciaux (EPIC) ; groupements d'intérêt économique (GIE) ; groupements d'intérêt public (GIP) ; établissements publics sui generis ; et même un « établissement public international », l'aéroport de Bâle-Mulhouse qui est cogéré par la France et par la Suisse ; Pass Culture est une société par actions simplifiée (SAS).

Panorama de la diversité des statuts juridiques des entités catégorisées comme des « organismes publics nationaux »

EP : établissement public. EPSCP : établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel. EPST : établissement public à caractère scientifique et technologique. OPCO : opérateur de compétences.

Source : commission d'enquête, à partir des données transmises en février 2025 par la direction du budget et le secrétariat général du Gouvernement

Le paysage des opérateurs budgétaires lui-même, bien que plus resserré, est marqué par la même diversité de statut juridique. Si la majorité d'entre eux sont des établissements publics administratifs (EPA), on relève presque toutes les catégories précitées : établissement public administratif (EPA), établissement public industriel et commercial (EPIC), établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP), établissement public à caractère scientifique et technologique (EPST), groupement d'intérêt public (GIP), plus rarement groupement d'intérêt économique (GIE) 50(*), association51(*) ou fondation52(*), auxquelles il faut ajouter des entités sui generis53(*).

1. L'hétérogénéité des statuts juridiques des agences

La commission d'enquête soulignait plus tôt la très grande diversité des statuts juridiques des agences. Étonnant aux premiers abords, cette pluralité des statuts résulte pour partie de la temporalité dans laquelle elles ont été instituées. En effet, comme l'indiquait le Conseil d'État dans son rapport consacré aux agences, « si les agences avaient été créées dans une réforme d'ensemble, il est probable que les pouvoirs publics auraient instauré un régime juridique unique, ou auraient du moins défini un nombre limité de formes juridiques pouvant être empruntées ».

a) La catégorie classique des établissements publics...

Longtemps, les pouvoirs publics se sont limités aux catégories juridiques usuelles pour définir le fonctionnement de ses établissements. La forme d'établissement public administratif (EPA) - entièrement régi par le droit public, était ainsi la norme en France jusqu'au premier quart du XXe siècle. La seule « souplesse de gestion » alors existante se bornait à la délégation de service public, sans consacrer un statut juridique ad hoc permettant à des personnes de droit privé d'exercer une compétence au nom de l'État.

Cette première délimitation juridique a été franchie dès 192154(*), avec la possibilité donnée à des personnes privées d'exercer des missions de service public selon des règles de droit privé. Ainsi des établissements, catégorisés comme exerçant une activité de nature « industrielle et commerciale » (EPIC), ont progressivement été consacrés. Ces entités doivent poursuivre un objectif comparable à celui d'une entreprise privée, être principalement financées par leur propre activité, et adopter des modalités d'organisation et de fonctionnement distinctes de celles en vigueur dans l'administration. Comme mentionné précédemment, elles permettaient notamment, en matière de recrutement, d'avoir recours à des souplesses jusqu'alors inexistantes en droit public.

Aujourd'hui, une part importante d'agences de l'État demeurent des EPA : le Cerema55(*), Santé publique France56(*), l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), l'Onisep57(*), ou encore l'Agence nationale de la recherche (ANR). C'est également le cas des administrations de sécurité sociale58(*).

Bien que majoritaire, ce statut juridique n'est pas le seul à être utilisé. Plusieurs grands établissements, à l'instar de l'Ademe ou de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), sont des EPIC.

La commission d'enquête relève ainsi que le champ de la politique publique dans lequel intervient l'agence ne permet pas de l'associer directement à un statut juridique spécifique. Ce n'est pas la mission de service public qui lui est confiée qui détermine son statut juridique.

Cette subdivision classique du droit public entre EPA et EPIC a néanmoins été assez rapidement dépassée afin d'offrir davantage de souplesse aux agences.

b) ... est désormais dépassée par le développement des groupements d'intérêt public (GIP) ou économique (GIE)

Dès 196759(*), certaines agences acquièrent le statut de groupement d'intérêt économique (GIE), qui permet de créer des structures dont la nature juridique est à mi-chemin entre l'association et la société de droit privé. Un GIE est une entité dotée d'une personnalité morale de droit privé, qui peut être constitué avec ou sans capital, pour une durée déterminée.

L'entité Atout France60(*), opérateur du ministère de l'économie, est à cet égard un GIE créé par la loi de développement et de modernisation des services touristiques de 2009 afin d'accompagner les collectivités territoriales dans le développement de leur offre touristique. Cette forme juridique, selon la directrice générale d'Atout France entendue par la commission d'enquête, offre davantage d'agilité et la possibilité de construire « un plan d'action commun avec les collectivités et les entreprises ». Il permet une participation directe des acteurs du GIE. Dans le cas d'Atout France, les 1250 adhésions au réseau de l'opérateur génèrent 2,1 millions d'euros de recettes par an. La commission d'enquête a pu constater que la forme juridique de GIE demeurait très faiblement répandue, puisqu'elle ne concerne que deux agences sur 1 15361(*) et un seul opérateur.

En revanche, le statut de « groupement d'intérêt public » (GIP), apparu en 1982 au bénéfice de la loi dite « Chevènement »62(*), est plus largement utilisé par les autorités publiques afin de favoriser l'engagement des acteurs d'un secteur en faveur d'une politique donnée.

Les caractéristiques du GIP sont déterminées par le chapitre II de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit. L'article 98 de cette loi prévoit en particulier que : « le groupement d'intérêt public est une personne morale de droit public dotée de l'autonomie administrative et financière. Il est constitué par convention approuvée par l'État soit entre plusieurs personnes morales de droit public, soit entre l'une ou plusieurs d'entre elles et une ou plusieurs personnes morales de droit privé. Ces personnes y exercent ensemble des activités d'intérêt général à but non lucratif, en mettant en commun les moyens nécessaires à leur exercice (...) ».

Un GIP peut être créé par simple convention entre ses membres dans tous les domaines, sans qu'il soit besoin d'une intervention du législateur : un arrêté interministériel d'approbation suffit. Une telle facilité de création d'un GIP rend ce statut juridique particulièrement attractif, il permet de contourner le temps inhérent à l'examen d'un texte de loi ou à un décret pris après avis du Conseil d'État.

Le directeur général de l'Agence nationale du sport (ANS), entendu par la commission d'enquête, a ainsi indiqué que l'intérêt d'un tel statut juridique était de « trouver un équilibre entre les acteurs engagés et [...] définir une gouvernance partagée ».

En théorie, cette forme juridique permet d'attirer des sources de financement diversifiées, notamment privées, pour contribuer au budget de l'agence et donc au financement de la politique publique. En pratique toutefois, dans le cadre de l'ANS, force est de constater que la quasi-exclusivité des fonds de l'agence provient de financements publics.

Les arguments avancés à la commission d'enquête par l'Agence Bio, dont le statut juridique est également celui de GIP, allaient dans un sens analogue : « le statut de GIP permettait une souplesse de fonctionnement et d'évolution dans le tour de table, dans les financements ou encore dans l'accueil de nouveaux membres ». Là encore, les financements d'État sont très majoritaires, les partenaires n'apportant qu'une participation symbolique : selon les informations communiquées au rapporteur, même sans compter les crédits de transfert destinés au fonds Avenir bio, la simple subvention pour charge de service public apportée par l'État a été de 3,0 millions d'euros en 2024, contre 87 500 euros seulement apportés par les autres partenaires. L'agence qualifie d'ailleurs cette participation des professionnels de « cotisation » plus que de financement véritable.

Au total , le statut de GIP est largement répandu, sans toujours être justifié par des financements croisés ou une réelle participation des acteurs en faveur de la politique publique portée par l'agence.

c) En outre, certains établissements sont dotés de statuts taillés sur mesure

En marge de ces statuts juridiques bien connus de la doctrine juridique, certaines agences ou organismes sont dotés de statuts beaucoup plus spécifiques.

Le directeur général de France Travail, par exemple, a rappelé que cet établissement, qualifié d'« institution nationale publique »63(*) par le code du travail64(*), est un établissement public administratif (EPA), mais que la majorité des agents relèvent du droit privé.

C'est également le cas du Haut-commissariat à la stratégie et au plan (HCSP) rattaché au service du Premier ministre et au secrétariat général du Gouvernement. Le Haut-commissaire, Clément Beaune, a ainsi estimé devant la commission d'enquête que l'organisation qu'il dirige65(*) n'est « ni une agence, ni un opérateur », mais parle davantage d'une « institution ». Le recours à de tels statuts ad hoc renforce l'illisibilité du paysage des agences. 

2. Un grand nombre d'établissements dits « nationaux » ne représentent pas d'enjeu réel au niveau national

La notion d'établissement public national (EPN) s'oppose à celle d'établissement public local. Elle est souvent utilisée par les ministères pour présenter les établissements qui leur sont rattachés66(*), ainsi que par la direction générale des finances publiques (DGFiP) pour constituer l'infocentre EPN décrit infra, qui porte également sur les groupements d'intérêt public nationaux.

Le ministère du budget le définit comme une personne morale de droit public disposant d'une autonomie administrative et financière afin de remplir une mission d'intérêt général, précisément définie, sous le contrôle de l'État67(*). Dans ses réponses au rapporteur, la direction générale des finances publiques (DGFiP) précise qu'un établissement public national remplit une mission d'intérêt général « à l'échelle du territoire national (par opposition aux établissements publics locaux qui interviennent sur un périmètre géographique déterminé) ».

En pratique, le caractère national d'un grand nombre d'établissements ainsi qualifiés est souvent difficile à percevoir puisque l'infocentre comprend un très grand nombre d'établissements dont l'activité est manifestement très locale. On pourra citer, parmi plusieurs centaines d'exemples, le centre d'élevage de Poisy Lucien Biset, la cuisine centrale de Mende, le GIP Réussite éducative de Bordeaux, le GIP Cannes Senior Le Club, ou encore 16 blanchisseries hospitalières, 39 comités de protection des personnes et 66 conseils départementaux de l'accès au droit68(*).

En conséquence, le nombre souvent donné dans le débat public de 1 000 ou 1 200 « agences »69(*) ne doit pas faire croire que tous ces organismes représentent un enjeu réel au niveau national. Une volonté de supprimer « un tiers » ou « la moitié » de ces organismes nécessiterait un travail administratif considérable sans garantir ni l'obtention d'économies, ni une réelle simplification de l'organisation administrative. La commission d'enquête a donc fait le choix de se concentrer en priorité sur les organismes qui représentent un enjeu réel en la matière.

3. Au total, le statut juridique des agences ne répond à aucune doctrine juridique explicite

En 2012, à l'occasion de son rapport précédemment cité, le Conseil d'État avait souligné la difficulté à catégoriser juridiquement les agences. Il estimait notamment que « les agences ayant été instituées dans le cadre de réformes sectorielles, les concepteurs de celles-ci ont nécessairement adopté une conception instrumentale du statut juridique et ont retenu celui qui leur paraissait le mieux correspondre à leurs besoins et aux équilibres politiques du sujet et du moment ».

Il apparaît aujourd'hui impossible de définir juridiquement les agences, tant les statuts juridiques les régissant sont nombreux et diversifiés. Les tentatives de classification sont par ailleurs un exercice d'équilibriste dans la mesure où les catégories juridiques admises - telles que celle des opérateurs au sens de la LOLF - sont mouvantes. Ainsi, par exemple, sous le bénéfice de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, l'ANRU, qui était jusqu'alors un opérateur du programme 147 « politiques de la ville » est sortie du champ des opérateurs en dépit, comme le relevait le « jaune » budgétaire annexé au projet de loi de finances pour 2019, « de ses caractéristiques relevant, en principe, du périmètre des opérateurs de l'État ».

Au cours des auditions, le rapporteur et le président de la commission d'enquête ont systématiquement questionné les personnes entendues sur la pertinence de leur statut juridique. Peu nombreuses sont les réponses qui ont permis de dégager une véritable justification et une réflexion, permettant de déceler l'existence d'une doctrine juridique. Il ressort des auditions que certains statuts juridiques ont été choisis par commodité, faute d'une réflexion vraiment structurée : le GIP pour la souplesse et l'accès, même théorique, à des financements privés, le GIE pour construire des actions communes avec des acteurs d'un secteur donné ou encore l'EPIC pour bénéficier des règles propres au droit privé. S'agissant de l'Agence Bio par exemple, il a semblé que le statut de GIP avait initialement été pensé comme un statut transitoire en vue de la consécration d'un interprofessionnel du bio. Finalement, ce dernier n'ayant abouti, le statut est resté dans sa version initiale sans fondement juridique le justifiant.

La commission d'enquête, après les nombreuses auditions qu'elle a réalisées, n'est pas parvenue à entrevoir la doctrine juridique statutaire des agences. Il lui paraît en effet que le choix d'un régime juridique en particulier ne relève pas d'une réflexion stratégique, mais plutôt d'une tendance, voire parfois d'une opportunité. La pluralité des statuts des agences, sans doctrine unificatrice, contribue à l'illisibilité du paysage institutionnel.

C. LES AGENCES SE DISTINGUENT ÉGALEMENT PAR LEUR FONCTION ET LEUR TERRITORIALISATION

Le Conseil d'État le notait en 2012 : créées au coup par coup et non dans le cadre d'une stratégie d'ensemble d'organisation de l'action publique, les agences ont été pensées pour répondre chacune à un besoin apparu à un moment donné, sans cohérence d'ensemble. Il n'est donc pas étonnant que l'on ne trouve pas plus d'homogénéité dans les fonctions remplies par les agences que dans leurs natures juridiques.

Afin, toutefois, de mieux appréhender leur diversité, la commission distinguera trois grandes fonctions remplies par les agences en tant qu'organismes participant à la mise en oeuvre des politiques publiques.

1. Financer, accompagner, contrôler : les trois fonctions assurées par les agences

En 2012, le Conseil d'État distinguait les agences de production et de prestation de services (par exemple Pôle Emploi pour l'accompagnement des demandeurs d'emploi, l'Association pour la formation professionnelle des adultes, l'AFPA, pour les prestations de formation), les agences de police et de contrôle (Office national des forêts, agences régionales de santé, etc.), les agences d'expertise (par exemple l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, l'ANSES), les agences de financement70(*) (Agence française de développement (AFD), Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), etc.), les agences de mutualisation de moyens (Réunion des musées nationaux, etc.), les agences d'animation de réseaux (comme l'ancienne Agence nationale des services à la personne).

La commission d'enquête, pour sa part, a constaté au cours de ses travaux que les problématiques rencontrées variaient selon que les agences exercent trois grandes catégories de fonctions, certaines pouvant en exercer plusieurs à la fois.

Les agences de financement disposent de fonds à répartir (crédits budgétaires, taxes affectées, etc.), selon des critères définis par l'État, entre des bénéficiaires qui peuvent être des particuliers, des entreprises ou des collectivités territoriales.

Selon le cas, l'agence aura un rôle plus ou moins étendu : organiser des appels d'offres ou des appels à manifestation d'intérêt, instruire des dossiers de demande d'aide, attribuer une aide, la verser et la contrôler (Agence de services et de paiement (ASP), FranceAgriMer, Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH), Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), Agence nationale de la recherche (ANR), agences de l'eau, etc.), ou simplement répartir une ressource publique entre plusieurs acteurs selon des règles définies par l'administration centrale ou les partenaires sociaux (AFITF, France compétences).

Le paysage des agences de financement est particulièrement complexe, depuis des agences spécialisées dans un secteur d'activité et une catégorie de bénéficiaires (FranceAgriMer pour les agriculteurs, AFITF pour les collectivités porteuses de projets d'infrastructures) à une agence généraliste comme l'ASP qui gère plusieurs centaines de dispositifs et de mesures dans des domaines aussi variés que la transition écologique, le travail ou l'agriculture. France compétences a, pour sa part, pour mission principale de centraliser le produit de taxes versées par les entreprises afin de contribuer à l'effort de formation professionnelle et d'apprentissage, et de reverser le produit de ces taxes à des opérateurs de formation.

En deuxième lieu, les agences d'accompagnement et d'expertise apportent un service à valeur ajoutée, plus qu'une aide financière, à des particuliers, des collectivités ou des entreprises. C'est le cas par exemple de France Travail, du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), de l'Office national d'information sur les enseignements et les professions (Onisep), de Business France et Atout France, enfin de l'AFPA.

Les agences qui appartiennent à cette catégorie sont ceux dont les activités présentent le plus de risques de doublons avec d'autres acteurs publics (collectivités territoriales, autres agences) mais aussi, parfois, privés (ingénierie, formation, etc.). Dans certains cas, leurs prestations peuvent d'ailleurs faire l'objet d'une facturation à leurs destinataires.

Les agences de contrôle et d'autorisation exercent des fonctions qui se rattachent plus que les précédentes au domaine régalien : elles s'assurent de l'application de normes définies par l'État, parfois au niveau européen, et certaines peuvent disposer de pouvoirs de sanction. Un exemple emblématique est l'Office français de la biodiversité (OFB), mais on peut également citer l'Agence nationale de la sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).

La frontière n'est pas toujours nette entre ces agences et certaines autorités administratives indépendantes (AAI) et autorités publiques indépendantes (API), qui ont également un rôle de contrôle et d'autorisation, mais dont les prérogatives requièrent une indépendance dont ne bénéficient pas les agences soumises à tutelle ministérielle.

De nombreuses agences exercent plusieurs de ces fonctions, ce qui contribue parfois à troubler la vision qu'a d'elles le public. L'OFB exerce aussi des actions de conseil et d'expertise, l'Ademe ou l'ANAH instruisent des dossiers de demande d'aide, mais sont également des lieux d'accompagnement et d'expertise.

2. Agences nationales, agences à délégation territoriale : les modes variés de diffusion de l'action publique

L'action territoriale des agences est très variée. Si certaines missions de contrôle ou d'accompagnement passent par une nécessaire présence locale, les missions de financement peuvent parfois être exercées au niveau national.

Certaines agences opèrent principalement au niveau national et n'ont pas de relais locaux propres. Elles se concentrent sur des missions spécifiques, de grande échelle, ou nécessitant une expertise de pointe. C'est le cas de l'Agence nationale de la recherche (ANR) qui lance des appels à projets visant l'ensemble du territoire.

Un grand nombre d'agences ont une action locale plus ou moins développée, mais à travers des organismes tiers, d'une manière encadrée par les textes légaux et réglementaires ou par voie de convention, au risque parfois de multiplier les canaux par lesquels passe l'action publique.

L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) indique ainsi au rapporteur que « la mise en oeuvre des politiques publiques pilotées par l'ANSM dépend pour partie d'un relais efficace de son action au niveau régional », relais assuré par une contractualisation avec les agences régionales de santé (ARS) et le pilotage du réseau des centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV).

L'exemple de la pharmacovigilance : une organisation locale complexe

L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), créée à la suite de l'affaire du Mediator, ne dispose pas de délégations territoriales, mais son action dépend de la remontée d'informations provenant des régions et de la contractualisation avec les agences régionales de santé (ARS).

Si elle est chargée au niveau national des missions de vigilance relatives aux produits de santé71(*), ces missions sont exercées au niveau régional par des structures telles que les centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV), souvent hébergés par des centres hospitaliers universitaires (CHU).

Ces structures peuvent agir pour le compte de l'ANSM (transmission de signalement, études et travaux), voire en complémentarité de cette agence (expertise et appui aux agences régionales de santé et aux professionnels de santé pour améliorer la qualité et la sécurité des soins), comme pour le compte du ministre de la santé. Un arrêté permet de définir la manière dont chaque centre régional agit en réponse aux demandes faites par l'ARS ou l'ANSM.

Source : commission d'enquête

Certaines agences agissent uniquement par l'intermédiaire des services déconcentrés. Le préfet est alors délégué territorial de l'agence, statut que le rapporteur examinera en détail plus loin en abordant la question des relations entre les préfets et les agences.

C'est le cas par exemple de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) qui, malgré son intitulé, ne dispose pas de personnel dans les territoires, mais dont les programmes passent par les préfets et les services déconcentrés.

Ces services instruisent et suivent également les projets locaux financés par l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), étant notamment chargés de la validation des dépenses et de la vérification du service fait : selon la directrice générale de cet établissement, environ 300 équivalents temps plein (ETP) au sein des directions départementales des territoires (DDT) et des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) participent au pilotage de la politique de renouvellement urbain, alors que l'ANRU ne compte que 135 ETP à l'échelon national.

Les services déconcentrés instruisent également les aides locales financées par l'Agence nationale de l'habitat (ANAH). La directrice générale de l'ANAH a toutefois indiqué à la commission d'enquête qu'elle n'était pas en mesure de dire combien d'agents s'occupaient de l'instruction de ces aides, ni d'évaluer le coût de traitement des dossiers, n'ayant pas d'autorité hiérarchique sur ces personnels.

FranceAgriMer, dont 348 agents sur 980 sont rattachés à des services territoriaux72(*), présente une organisation originale : les agents des anciens offices agricoles, qui ont fusionné pour former FranceAgriMer, ont été intégrés dans les directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (Draaf) et sont donc placés sous l'autorité hiérarchique du directeur régional, tout en étant rémunérés par FranceAgriMer. Le directeur général de cet établissement a présenté ce système, qui croise une organisation nationale et une organisation territoriale, comme un modèle envisageable pour d'autres organismes : il présente notamment l'intérêt de faire revenir des agents dotés d'une forte expertise technique dans les services de l'administration territoriale.

Enfin certaines agences disposent de délégations territoriales importantes.

C'est le cas par exemple de l'Office français de biodiversité (OFB), notamment en raison de ses missions de contrôle qui nécessitent une présence sur l'ensemble du territoire, mais aussi pour ses fonctions d'étude et d'expertise, au point que le préfet Éric Freysselinard, vice-président délégué de l'Association du corps préfectoral et des hauts fonctionnaires du ministère de l'intérieur, notait devant la commission d'enquête que, avec la fin de l'ingénierie publique dans les DDT, celles-ci étaient désormais de taille moins grande que les délégations locales de l'OFB.

Le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), pour sa part, est presque entièrement déconcentré. Son directeur général a indiqué à la commission d'enquête que l'établissement est installé dans 27 villes, avec 60 à 250 agents sur chaque site, mais ne dispose à Paris que de quelques bureaux dans les locaux de l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN).

3. En outre-mer, des territoires dont la spécificité et la diversité devraient être mieux appréhendées par les agences de l'État

Les spécificités ultramarines nécessitent une mise en oeuvre différenciée des politiques publiques comme de l'organisation administrative, constat général qui devrait s'appliquer également à l'action des agences. Ce constat ne justifie pas pour autant la création de structures spécifiques à ces territoires.

Une agence spécifique, l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (LADOM), a ainsi été créée en 2016 pour mettre en oeuvre des actions ayant trait à la continuité territoriale, à l'insertion professionnelle des personnes résidant outre-mer et à la gestion de certaines aides pour le compte des collectivités territoriales73(*). Il s'agit en effet de questions spécifiques aux outre-mer, qui ne se posent pas dans les mêmes termes pour les autres territoires.

Il est permis en revanche de s'interroger sur la pertinence de maintenir, pour le versement des aides agricoles, un organisme distinct de FranceAgriMer, à savoir l'Office de développement de l'économie agricole d'outre-mer (Odeadom). Créé par voie réglementaire74(*), cet organisme met en oeuvre les missions dévolues à cet établissement dans les cinq départements d'outre-mer75(*) et dans trois collectivités d'outre-mer76(*). Toutefois, basé à Montreuil (Seine-Saint-Denis), l'Odeadom ne se distingue guère de FranceAgriMer, dont il utilise les locaux et les fonctions support. La Cour des comptes note « l'absence de taille critique de l'établissement et la faiblesse de sa gouvernance »77(*), d'autant que l'Odeadom n'assure pas l'instruction et le paiement de l'ensemble des aides à l'agriculture ultramarine, une partie étant confiée à FranceAgriMer et à l'Agence de service et de paiement (ASP). Le CBCM note également que le manque de ressources internes met en difficulté le pilotage de projets informatiques qui sont pourtant nécessaires pour payer les aides du POSEI78(*) France.

La justification habituellement apportée à l'existence juridiquement distincte de l'Odeadom est qu'il s'agirait d'un lieu de dialogue entre l'État, les collectivités et les professionnels agricoles d'outre-mer. La DGOM indique ainsi, dans une réponse à la Cour des comptes, qu'une réunion de novembre 2021 « a permis de débattre des orientations stratégiques européennes à la veille de la présidence française, en présence d'un parlementaire européen et d'un membre du comité économique et social européen ».

Or il n'est pas besoin de créer un établissement doté d'une structure administrative et d'un conseil d'administration pour organiser un dialogue. La concertation évoquée par la DGOM correspond aux missions normales de l'administration centrale et en particulier du Délégué interministériel à la souveraineté agricole des outre-mer (DITAOM).

D'autres agences, au contraire, couvrent les outre-mer au même titre que l'ensemble du territoire français. L'Agence de services et de paiement (ASP), par exemple, est présente aussi bien dans les chefs-lieux des anciennes régions que dans les cinq départements d'outre-mer.

De même, l'Office français de la biodiversité (OFB) dispose de cinq délégations territoriales recouvrant l'ensemble de la France d'outre-mer79(*) et six services départementaux ultra-marins. Les représentants de l'opérateur ont souligné auprès de la commission d'enquête qu'ils menaient de nombreuses actions dans les outre-mer. Le Cerema, pour sa part, a créé en juillet 2021 une direction déléguée dédiée à l'outre-mer et s'est implanté de façon pérenne à La Réunion, à Mayotte et en Guyane80(*).

La diversité des outre-mer comme celle des politiques publiques expliquent la multiplicité des modalités d'organisation et d'action des agences en outre-mer.

La commission d'enquête a toutefois constaté des difficultés particulières de prise en compte des situations locales par des agences qui prenaient leurs décisions trop loin du terrain ou en concertation insuffisante avec les élus locaux. En matière d'offre de santé, par exemple, on ne peut pas calquer sans modification les modes d'action hexagonaux dans des territoires îliens, et plus encore archipélagiques. D'une manière générale, l'accès aux services proposés par les agences est souvent plus compliqué dans des territoires plus difficiles d'accès, que ce soit dans les Antilles, dans l'océan Indien ou dans l'océan Pacifique. La connaissance même de l'offre de services de ces agences est souvent plus difficile sur des territoires très dispersés.

En outre, la disparition de l'ingénierie autrefois réalisée par les services de l'État, point souvent évoqué dans les travaux de la commission d'enquête, a été particulièrement ressentie en outre-mer, expliquant en partie une longue période de sous-investissement dans les réseaux comme vient de le noter la Cour des comptes dans une étude sur la gestion de l'eau potable et de l'assainissement en outre-mer81(*). La Cour s'étonne à ce sujet que le retour d'une assistance technique à Mayotte passe par la création d'une antenne locale du Cerema alors même que des postes sont également créés dans la direction locale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DEAL) ; tous ces postes financés par le même acteur, l'État, viennent en appui au syndicat des eaux de Mayotte.

La commission d'enquête considère en conséquence nécessaire une meilleure prise en compte des spécificités de l'action en outre-mer par les agences et propose, pour s'en assurer, que cette prise en compte soit prévue systématiquement dans leurs contrats d'objectifs, et précisée dans les lettres de mission adressées à leurs directeurs généraux.

Recommandation : Inclure un volet outre-mer dans les contrats d'objectifs et de performance (COP) ou de moyens (COM) des agences dont l'action porte, au moins partiellement, sur les outre-mer.

D. DES ÉTABLISSEMENTS MAL SUIVIS ET DONT LE COÛT COMPLET POUR LES FINANCES PUBLIQUES EST MAL CONNU

Le manque de visibilité sur les agences résulte non seulement de leur diversité, mais de l'absence de vision véritablement consolidée de leur situation financière. Ce « flou » pousse certains observateurs à exagérer les sources d'économies que l'on peut attendre d'une restructuration des agences, mais peut aussi masquer les sources réelles d'amélioration que seule une vision orientée vers le pilotage, et non purement comptable, pourrait apporter.

Ces observations concernent aussi bien les organismes consultatifs de l'État que les opérateurs, bien que les uns comme les autres fassent l'objet d'un « jaune » annexé au projet de loi de finances.

1. Le coût des organismes consultatifs de l'État n'est retracé que de manière très partielle dans les documents budgétaires

Le secrétariat général du Gouvernement, qui a reconnu ne pas avoir de vision d'ensemble des opérateurs, assure en revanche un suivi des organismes consultatifs, dont il centralise les données pour produire le « jaune » budgétaire consacré aux commissions et instances consultatives placées auprès du Premier ministre ou des ministres.

a) Le jaune « Commissions et instances consultatives » donne des indications insuffisantes au sujet des coûts de fonctionnement

Pour chacune de ces commissions est indiqué, en application de l'article 179 de la loi de finances pour 202082(*), le texte instituant la commission consultative, le nombre de ses membres, son coût de fonctionnement et le nombre de réunions qu'elle a tenues au cours des trois années précédentes ainsi que, pour certaines d'entre elles, une justification de l'évolution de leurs coûts de fonctionnement.

Or le mode de réalisation de ce document présente des lacunes qui conduisent même à oublier des structures notables.

La commission a ainsi noté que le conseil d'orientation des infrastructures (COI)83(*), qu'elle a auditionné en raison du rôle important que joue le COI dans les débats relatifs à la programmation des infrastructures, avait été purement et simplement oublié dans ce document. Le directeur général des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM) a expliqué qu'il s'agissait d'un oubli et que sa direction n'avait pas été consultée pour la réalisation de ce document.

Recommandation : Revoir le « jaune » relatif aux commissions et instances consultatives et délibératives en s'assurant de l'exhaustivité et de la mise à jour des informations qu'il contient par une enquête systématique auprès de l'ensemble des directions et services d'administration centrale auxquels sont rattachés des organismes consultatifs de l'État.

De manière plus fondamentale, le rapporteur souligne que les coûts de fonctionnement directs, tel qu'ils sont indiqués dans ce document, ne rendent pas compte du coût réel que représentent ces organismes consultatifs. Les montants indiqués dans ce document correspondent en effet à la masse salariale directe, lorsque la commission a du personnel, et aux indemnités versées aux participants aux réunions, mais ne semble pas inclure, la plupart du temps, les coûts indirects liés à l'activité de personnels non exclusivement affectés à cette commission.

À titre d'exemple, un organisme aussi actif que le Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières (CCLRF), qui a tenu 23 réunions en 2023 et rendu 79 avis sur tous les aspects du droit bancaire, financier et assurantiel84(*), a selon ce document un coût de fonctionnement égal à zéro, au motif que les membres ne sont pas rémunérés. Le « jaune » commissions précise toutefois, par souci de précision, que « 17 euros ont été engagés pour la réalisation des chevalets des membres et experts présents lors des réunions physiques ».

Or l'activité d'une commission consultative repose sur la préparation des réunions, l'élaboration de comptes rendus, la rédaction de rapports ou d'avis. Les participants aux réunions peuvent avoir des frais de déplacement. Les personnels administratifs mis à disposition pour effectuer ces tâches n'exercent pas pendant ce temps l'activité propre à l'administration qui les emploie, et il en est de même des membres de ces commissions qui viennent aux réunions.

Il est ainsi peu réaliste de considérer, comme le fait le jaune budgétaire, que 120 commissions consultatives ont des coûts de fonctionnement nuls, alors que 91 d'entre elles ont tenu au moins une réunion en 2023.

Un effort de comptabilisation est certes fait pour certains organismes, afin d'inscrire un montant plus proche des coûts réels.

Les coûts de fonctionnement du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale (CNLE, 235 000 euros pour 10 réunions en 2023), par exemple, incluent l'accompagnement et les coûts de transport et d'hébergement des membres du cinquième collège85(*), mais pas les coûts indirects liés à la préparation des réunions ou autres coûts réels de fonctionnement.

De manière remarquable, le montant renseigné dans le jaune budgétaire pour les coûts de fonctionnement du Comité consultatif du secteur financier (CCSF)86(*) est passé de 29 050 euros en 2022 à 1,5 million d'euros en 2023, car il prend désormais en compte non seulement les coûts de fonctionnement directs, mais aussi les coûts de personnel en coûts complets. Il s'agit sans doute d'une vision plus réaliste du coût de cet organisme consultatif, mais cette comptabilité n'a été mise en place que parce que la Banque de France, qui supporte les coûts réels, a conclu une convention avec le ministère de l'économie auprès duquel la commission est rattachée.

Les questions posées par le rapporteur à différents organismes, au sujet du coût complet réel des réunions, sont restées sans réponse : il s'agit manifestement d'un angle mort de la réflexion administrative sur la maîtrise des coûts, ce qui empêche toute tentative de réduction de ces coûts alors que des pistes pourraient être explorées : modification des méthodes de travail afin de limiter le recours à des réunions longues, utilisation de la visioconférence, réduction des impressions en format papier, etc.

La commission d'enquête recommande, en conséquence, la mise en place d'une comptabilité des coûts administratifs complets des organismes consultatifs. Une telle comptabilité passerait idéalement par une mesure précise du coût de chaque réunion en temps passé par les personnels administratifs et par les participants. Une alternative pourrait être d'élaborer une méthodologie à partir de cas-types, permettant une extrapolation à l'ensemble des organismes consultatifs.

Recommandation : Mesurer les coûts administratifs complets des organismes consultatifs.

b) Malgré une incertitude sur les coûts réels, il apparaît qu'un petit nombre de commissions représente une grande partie de l'activité

Tout en tenant compte de ces fortes réserves sur la représentativité des données comprises dans le jaune « Commissions », il est possible d'indiquer que, au moment du dépôt du projet de loi de finances pour 2025, 317 commissions consultatives regroupaient au total 15 868 membres et cumulaient un coût de fonctionnement de 30,9 millions d'euros pour 3 909 réunions.

Ces commissions se répartissent entre tous les ministères, tout en étant moins nombreuses dans ceux mettant en oeuvre les politiques régaliennes (armées, intérieur, justice).

Nombre de commissions consultatives rattachées
à chaque ministère ou institution publique

Source : commission d'enquête, à partir des données transmises par le Gouvernement

Ces commissions sont de tailles extrêmement diverses, puisque le Conseil national des universités87(*) regroupe à lui seul 4 337 membres et a tenu 696 réunions en 2023 pour un coût de fonctionnement estimé à 5,2 millions d'euros. Cet organisme est en effet composé de 11 groupes distincts, eux-mêmes divisés en 52 sections, dont chacune correspond à une discipline88(*).

De même, les commissions professionnelles consultatives instituées auprès du ministre chargé de l'éducation nationale (620 membres au total) et les commissions pédagogiques nationales liées aux instituts universitaires de technologie (301 membres au total) sont présentées de manière groupée.

Quatre autres organismes comptent 200 membres ou plus : le Haut conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (230 membres), le Conseil national consultatif des personnes handicapées (221 membres), le Comité de coordination des aéroports français (220 membres) et le Conseil de normalisation des comptes publics (200 membres). Enfin, huit commissions comptent entre 100 et 200 membres89(*).

Le coût global indiqué par ce document, d'un montant de 30,9 millions d'euros en 2023, serait en augmentation par rapport à 2022 (29,0 millions d'euros) et 2021 (26,3 millions d'euros), évolution qui, pour certains organismes, est expliquée par la reprise des réunions en présentiel après la fin de la crise sanitaire. On a vu toutefois que, pour l'un de ces organismes, une différence de mesure comptable avait accru le montant des coûts mesurés de près de 1,5 million d'euros, ce qui doit conduire à relativiser toute considération sur l'évolution des coûts.

Ces coûts sont fortement concentrés dans quelques organismes, puisque 8 des 317 commissions consultatives concentrent 50 % des coûts de fonctionnement estimés.

Les huit commissions consultatives dont les coûts
de fonctionnement sont les plus élevés

Ministère de rattachement

Instance

Nombre de membres

Coûts de fonctionnement en 2023 (milliers d'euros)

Nombre de réunions en 2023

Enseignement supérieur et recherche

Conseil national des universités pour les disciplines de santé

4 337

5 184

696

Travail, santé et solidarités

Comité économique des produits de santé

34

1 989

70

Travail, santé et solidarités

Haut conseil de la santé publique

143

1 582

37

Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique

Comité consultatif du secteur financier

32

1 500

39

Travail, santé et solidarités

Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie

23

1 441

3

Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique

Conseil de normalisation des comptes publics

200

1 427

81

Premier ministre

Commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériels de guerre

12

1 255

11

Premier ministre

Conseil d'orientation des retraites

41

1 096

16

Source : commission d'enquête, à partir des données du jaune budgétaire

Enfin, 30 de ces commissions n'ont tenu aucune réunion en 2023.

Il convient toutefois de rappeler qu'une absence de réunion ne signifie pas nécessairement que la commission est inutile, car elle peut avoir un objet qui ne revient qu'à intervalle de plusieurs années. À titre d'exemple, la commission d'évaluation de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles ne se réunit que tous les trois ans et n'a donc tenu aucune réunion en 2022 et 2023, après s'être réunie sept fois en 2021.

2. Pour les agences : le ministère des finances assure un suivi qui n'apporte qu'une vision comptable des organismes

Le mécanisme de la tutelle permet à chaque administration centrale, par le suivi des documents soumis au conseil d'administration, d'être pleinement informée des activités de l'agence, de son budget et de ses effectifs. Cette information reste toutefois localisée au niveau de la tutelle, c'est-à-dire d'une direction ou d'un bureau, sans être partagée et consolidée au niveau du Gouvernement.

Alors qu'elle avait écrit à chaque ministre de plein exercice pour obtenir des données précises sur les effectifs, les dépenses de fonctionnement, d'intervention, etc. des agences relevant de leur périmètre ministériel, le rapporteur a reçu des informations par l'intermédiaire du secrétariat général du Gouvernement, sous forme de trois fichiers provenant de trois directions du ministère de l'économie et des finances.

a) Les organismes remontent des données comptables vers le ministère des finances

Les deux principales sources de données consolidées sur les agences proviennent de la direction du budget (DB) et de la direction générale des finances publiques (DGFiP).

Le bureau des opérateurs de l'État de la DGFiP, ou bureau 2FCE-2B, gère un infocentre des établissements publics nationaux (Infocentre EPN), qui contient des informations financières remontées par 1 163 organismes nationaux et 6 300 établissements publics locaux d'enseignement (EPLE) relevant du ministère de l'éducation nationale.

Le périmètre de l'infocentre EPN

L'infocentre EPN comprend pour l'essentiel des organismes soumis aux titres I et III du décret relatif à la gestion budgétaire et comptable publique (GBCP)90(*), soit :

- les personnes morales de droit public autres que l'État, les collectivités territoriales et la plupart de leurs établissements et les établissements de santé. Leur liste est établie par arrêté conjoint du ministre chargé de l'économie et du ministre chargé du budget ;

- les personnes morales de droit public ne relevant pas de la catégorie des administrations publiques, sauf si leurs statuts en disposent autrement.

Ces dispositions s'appliquent aux groupements d'intérêt public (GIP) lorsqu'ils sont soumis aux règles de la comptabilité publique.

Source : commission d'enquête, à partir des réponses apportées par la DGFiP et la direction du budget

Les données disponibles dans l'infocentre EPN correspondent aux principaux agrégats comptables (compte de résultat, équilibre financier, autorisations budgétaires si l'organisme applique la comptabilité budgétaire). Ces données sont utiles pour évaluer l'importance de ces organismes sur le plan financier, mais ne s'écartent pas d'un objectif de simple contrôle comptable qui est celui qui a justifié la création de l'infocentre : la remontée des données budgétaires et comptables permet de mettre en oeuvre la directive n° 2011/85/EU du Conseil de l'Union européenne, qui pose une obligation de transmission périodique des données comptables pour l'ensemble des sous-secteurs des administrations publiques.

Le fait que des opérateurs majeurs ne soient pas inclus dans cette base témoigne d'une approche qui se fonde sur un critère comptable, à savoir l'application du décret relatif à la gestion budgétaire et comptable publique (GBCP), et non sur l'activité réelle des établissements, ni même leur niveau de financement public.

En effet, cet infocentre se limite aux organismes soumis à la comptabilité publique et ne couvre donc pas la totalité des organismes qui sont recensés au compte 26 des participations de l'État, dont font partie les opérateurs au sens budgétaire. Des organismes aussi importants que le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), France compétences ou France Travail ne sont pas soumis à la comptabilité publique et sont donc absents de l'infocentre.

Pour cette raison, la direction du budget a mis en place sa propre application, dénommée OPERA (organismes publics de l'État, restitution et analyse), qui combine des données de l'infocentre à des informations financières remontées de son propre réseau de contrôle budgétaire, l'aidant à produire le « jaune « budgétaire décrit infra.

Le document de synthèse présenté ci-dessous, élaboré par la DGFiP, dresse un état d'ensemble des établissements publics suivis par ses directions et en particulier par le bureau des opérateurs de la DGFiP, en fonction des règles s'appliquant à leur comptabilité au regard du décret GBCP, comme des modalités de contrôle (budgétaire ou économique et financier) auxquels ils sont soumis.

CREPS : Centre de ressources d'expertise et de performance sportive.

EPLE : établissements publics locaux d'enseignement.

MEN : ministère de l'éducation nationale.

Source : direction générale des finances publiques (DGFiP) Ces deux périmètres ne se recouvrent pas parce qu'ils résultent de besoins différents de la part des deux directions, l'une devant produire le « jaune » budgétaire et l'autre ayant plutôt un rôle comptable.

Or, même combinés, ils ne recouvrent pas la totalité des organismes pour lesquels il serait utile de disposer de données financières. Des organismes que l'on peut pleinement considérer comme des agences, et qui présentent un enjeu financier important, comme l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) et l'Agence française de développement (AFD), sont considérés comme des organismes publics nationaux et font donc partie de la liste des 1 153 agences retenue par la commission d'enquête, mais ils ne sont pas inscrits dans la liste plus restreinte des opérateurs budgétaires pour lesquels des informations financières sont présentées dans le « jaune ». Leurs données financières sont également absentes du périmètre de l'infocentre EPN tel qu'il a été communiqué au rapporteur, car ils ne sont pas soumis au décret GBCP. En conséquence, leurs données financières ne figurent ni dans le jaune budgétaire, ni dans l'infocentre EPN.

Or ces deux organismes étaient retracés dans le « jaune » budgétaire il y a quelques années.

En effet, l'ANRU faisait partie des opérateurs jusqu'à la loi ELAN91(*), qui a prévu que l'agence serait désormais soumise aux règles applicables aux entreprises industrielles et commerciales en matière de gestion financière et comptable. Pourtant, comme le fait remarquer l'administration elle-même92(*), les caractéristiques de cet établissement relèvent, en principe, du périmètre des opérateurs de l'État (missions de service public, contrôle de l'État, financement public via des subventions budgétaires et des taxes affectées, classification de l'Insee en tant qu'organisme divers d'administration centrale).

Quant à l'AFD, considérée comme une institution financière, son insertion dans la liste des opérateurs a longtemps fait débat93(*), de sorte que le sentiment d'une nécessité pour le Parlement de bénéficier d'une meilleure information a poussé à son inclusion explicite parmi les organismes répertoriés par le jaune Opérateurs entre 2009 et 2018 ; il en a été de même de l'établissement public de la « Masse des douanes » entre 2017 et 201894(*).

b) Les données inscrites dans les documents budgétaires sont insuffisantes

Le seul document rendu public et donnant une vision globale d'une partie significative des agences de l'État est le « jaune » budgétaire relatif aux opérateurs de l'État95(*), qui contient les principaux agrégats des comptes financiers (compte de résultat, évolution de la situation patrimoniale, autorisations budgétaires en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, équilibre financier et dépenses par destination) des opérateurs au sens budgétaire. Il apporte aussi certaines informations supplémentaires, dont les effectifs, le niveau de dette ou la somme des dix plus fortes rémunérations.

Cette information présente toutefois plusieurs limites sérieuses.

Le périmètre du « jaune » est insuffisant car il ne porte que sur une partie des organismes publics nationaux, au nombre de 434 dans le projet de loi de finances pour 2025, alors que le nombre total des organismes dépendant de l'État est bien supérieur, comme on le verra plus loin.

Les données elles-mêmes apportent une vision comptable à travers des agrégats qui ne permettent pas toujours d'avoir une vision pertinente de l'activité des opérateurs, et qui en outre n'inclut pas la totalité des montants financiers qui transitent par ces opérateurs.

Ainsi, le montant des charges de personnel correspond aux charges directes de personnel, qui ne comprennent pas les charges relatives au personnel mis à disposition de l'opérateur par l'administration centrale.

Charges de personnel et personnel mis à disposition : l'exemple de l'AFITF

Le jaune budgétaire annexé au projet de loi de finances pour 2025 mentionne un montant égal à 70 000 euros seulement pour les charges de personnel de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF)96(*), alors que, selon les informations apportées par l'Agence au rapporteur, l'agence dispose d'une équipe de quatre agents permanents.

Il a été indiqué au cours de l'audition des responsables de cette agence que le montant inscrit dans le « jaune » représente uniquement les indemnités du président et de l'agent comptable. Comme les personnels sont mis à disposition, leur coût, tel que remboursé au ministère, est inscrit dans les charges de fonctionnement (685 000 euros prévus en budget initial pour 2024) et non dans les charges de personnel.

Source : commission d'enquête

De même, les crédits consacrés à des opérations pour comptes de tiers sont présentés de manière globale et non distinguées par dispositif97(*). Or les montants sont parfois considérables : 21,7 milliards d'euros pour l'Agence de services et de paiement (soit plus de 20 fois le montant des crédits de paiement inscrits à son budget propre), 1 054 millions d'euros pour le Centre national d'études spatiales (CNES), 983 millions d'euros pour l'Ademe et 836 millions d'euros pour la Société du Grand Paris.

L'un des objectifs de la gestion en compte de tiers est pourtant d'assurer une meilleure traçabilité de l'utilisation des fonds publics pour un dispositif particulier, en évitant toute fongibilité entre deux dispositifs qui modifierait l'usage prévu98(*). Il serait donc particulièrement approprié que l'information relative à chacun des comptes de tiers99(*) figure dans les documents budgétaires.

D'une manière générale, il faut rappeler que les documents budgétaires n'ont pas pour objet de vérifier la régularité formelle des comptes (enjeu qui concerne surtout la gestion pour compte propre), mais d'éclairer les votes du Parlement et de permettre son contrôle effectif sur la mise en oeuvre des politiques publiques du bon usage de deniers publics.

De même, le montant du financement public des opérateurs est présenté, au début du jaune budgétaire, de manière globale pour l'ensemble des opérateurs (77,0 milliards d'euros) et décomposé entre subvention pour charge de service public (35,4 milliards d'euros), dotations en fonds propres (25,6 millions d'euros), subventions pour charges d'investissement (881,3 millions d'euros), transferts (20,2 milliards d'euros) et taxes affectées (20,2 milliards d'euros).

Mais cette présentation, fort utile, n'est pas reprise séparément pour chaque opérateur100(*). Ces données ont toutefois été transmises à la commission d'enquête et seront présentées infra de manière synthétique.

Les recettes elles-mêmes sont présentées à un niveau trop agrégé, qui n'en facilite pas la compréhension. À titre d'exemple, la contribution versée par les agences de l'eau à l'Office français de la biodiversité (OFB)101(*) est indiquée dans le tableau des dépenses par destination des agences de l'eau, mais n'est pas isolée en tant que telle dans le tableau des recettes de l'OFB. De même, lorsqu'un organisme bénéficie de plusieurs taxes affectées, seule leur somme est présentée, alors que la loi de finances approuve le montant maximal de chacune d'entre elles séparément, lorsque l'affectation fait l'objet d'une mesure de plafonnement.

En outre, pour un grand nombre d'opérateurs, les données financières sont disponibles à un niveau agrégé et non au niveau de chaque organisme. Ainsi, le « jaune » budgétaire regroupe 71 opérateurs dans la catégorie « Universités et assimilés », 33 dans la catégorie des écoles et formations d'ingénieur, 27 dans la catégorie des centres national et régionaux des oeuvres universitaires et sociales, 37 dans la catégorie des autres opérateurs d'enseignement supérieur et de recherche, 20 dans la catégorie des écoles nationales d'architecture, 18 dans la catégorie des agences régionales de santé, etc. Dans chacun de ces cas, le nombre d'emplois et les données budgétaires sont disponibles uniquement au niveau de la catégorie.

Cette présentation semble résulter d'une interprétation de la définition du jaune budgétaire inscrite à l'article 179 de la loi de finances pour 2020, qui prévoit que certaines informations sont présentées pour les « opérateurs de l'État ou catégories d'opérateurs ». Toutefois elle ne facilite pas l'analyse et n'est pas réellement justifiée sur le fond.

D'une manière générale, le document est structuré en sections multiples qui ne favorisent pas la compréhension des moyens affectés à chaque opérateur.

Les limites de cette présentation étant en partie dues à la définition légale du « jaune » budgétaire, il apparaît nécessaire à la commission d'enquête de modifier cette définition afin d'en élargir le périmètre à l'ensemble des organismes pour lesquels la direction du budget et la direction générale des finances publiques disposent d'informations financières, ainsi que, dans la mesure du possible, d'enrichir les informations transmises afin d'en faire un réel outil de pilotage des opérateurs.

Enfin, la forme matérielle du « jaune », qui prend la forme d'un document papier102(*) contenant des dizaines de tableaux non reliés les uns aux autres, apparaît obsolète et devrait être remplacée par une mise à disposition des données en format numérique sur le portail des données publiques (data.gouv.fr), dans les mêmes délais que ceux prévus par la loi organique pour la publication des annexes au projet de loi de finances.

Recommandation : Publier le « jaune » opérateurs au format numérique en open data, élargir son périmètre à l'ensemble des organismes publics nationaux et compléter les informations actuelles par des données financières plus adaptées à l'information et au contrôle du Parlement. Publier ces données pour chaque opérateur et non catégorie d'opérateurs, en distinguant la gestion d'une part et les flux de financement d'autre part, tout en permettant d'élaborer en cas de besoin des regroupements par catégorie.

c) Les coûts de gestion sont mal connus

S'agissant des agences chargées de verser des aides, il est nécessaire de mieux connaître les coûts de gestion de ces aides.

Certains organismes mettent en place une comptabilité analytique, comme celle de l'ASP qui permet de connaître les coûts complets pour chaque dispositif dont elle a la gestion. La comptabilité analytique de FranceAgriMer porte, de manière plus partielle, sur les dispositifs d'aide européens et sur certains dispositifs nationaux.

L'Agence nationale de l'habitat (ANAH), en revanche, n'est pas en capacité de calculer le coût de gestion des dossiers lorsque leur instruction passe par les services déconcentrés. Alors que la création d'une agence devrait avoir pour effet d'améliorer la visibilité sur la mise en oeuvre d'une politique, trop souvent elle conduit, par une dispersion des moyens à travers plusieurs entités, à empêcher une évaluation précise des moyens mis en oeuvre.

Recommandation : Pour tous les organismes chargés de la distribution d'une aide, mettre en place une comptabilité analytique permettant de connaître le coût de gestion de chaque dispositif.

En l'absence d'une telle comptabilité analytique pour l'ensemble des agences, il n'est pas possible de calculer les coûts de gestion. Rapporter les charges de fonctionnement au volume des crédits d'intervention est très approximatif, notamment car l'agence peut avoir des activités non liées au versement d'aides.

Il en ressort, pour l'ANAH, que les coûts de gestion ont fortement augmenté depuis 2020, alors que l'aide principalement distribuée, MaPrimeRénov', requiert en principe un accompagnement moindre que des aides qui constituaient précédemment une activité importante de l'ANAH comme le programme « Habiter mieux », qui prévoyait des contrôles renforcés103(*). L'absence de comptabilité analytique rend toutefois difficile une analyse plus poussée des raisons de cette augmentation.

Évolution des coûts de gestion estimés
de l'ANAH

(en pourcentage)

Source : commission d'enquête, à partir des rapports annuels de performance104(*).

d) L'existence des agences fait souvent écran à un suivi précis des politiques publiques par le Parlement

La mission de contrôle de l'action du Gouvernement et d'évaluation des politiques publiques qui revient au Parlement est souvent rendue plus complexe lorsque ces politiques publiques sont mises en oeuvre par des agences.

Le nombre très élevé des agences est, en lui-même, un obstacle au contrôle. Il est difficile au Parlement d'exercer le même contrôle sur 1 153 agences, ou même sur 434 opérateurs budgétaires, que sur une quinzaine de ministères.

Ce contrôle est d'autant plus difficile que les agences ne constituent pas un milieu homogène puisque, comme on l'a vu précédemment, elles sont créées au coup par coup, selon un grand nombre de modalités et parfois avec des dérogations fortes au droit commun. Des organismes sui generis sont créés avec des dérogations fortes aux principes du droit public, souvent pour faciliter leur mise en place, comme cela a été le cas de Pôle Emploi puis de France Travail, organisme doté d'une comptabilité privée quoique rattaché à la catégorie des établissements publics administratifs.

Or, sur le plan budgétaire, une agence constitue un « État à côté de l'État », son budget étant en partie décorrélé de celui de l'État même lorsqu'elle reçoit de lui l'essentiel de ses ressources.

D'une part, l'affectation du produit d'une taxe à un opérateur donne le sentiment que cet opérateur bénéficie d'une ressource stable et à l'abri des choix faits par le Parlement chaque année lors du vote du budget. En réalité, le principe d'annualité budgétaire s'applique également dans ce cas : le Parlement vote chaque année, en le modifiant souvent à la hausse ou à la baisse, le montant à hauteur duquel certaines taxes sont affectées à chaque opérateur. Il n'en reste pas moins que cette ressource demeure acquise à l'opérateur tant que le montant n'est pas modifié en loi de finances et qu'elle ne fait pas l'objet de la même justification que celle qui est apportée, au premier euro, pour les crédits budgétaires dans les documents annexés au projet de loi de finances.

D'autre part, le versement de fonds de l'État à une agence ne signifie pas que ces fonds sont utilisés immédiatement pour leurs bénéficiaires finaux.

Lorsqu'un mécanisme d'aide passe par une agence, celui-ci reçoit des versements périodiques de la part de l'État, mentionnés dans les documents budgétaires, mais les transfère plus tard aux bénéficiaires en fonction de son propre calendrier d'instruction des dossiers. Ce mécanisme nécessite la mise en place d'une trésorerie parfois importante chez l'agence.

Flux financiers entre l'État, l'agence
et le bénéficiaire de l'aide

Visibilité pour le Parlement

Source : commission d'enquête. CP : crédits de paiement.

Ce décalage rend parfois plus difficile l'évaluation de l'efficacité des politiques, comme dans le cadre du plan de relance mis en place après la crise sanitaire et dont les crédits ont été en partie délégués à des agences.

À l'inverse, il a été possible, pendant la crise sanitaire, de suivre avec précision, et presque en temps réel, la consommation des crédits du fonds de solidarité créé pour soutenir les entreprises affectées par le confinement, car ce mécanisme avait été mis en place par la direction générale des finances publiques (DGFiP) elle-même, de sorte que les décaissements de l'État, au moment où ils étaient constatés dans le système d'information Chorus, correspondaient à un versement effectif des fonds aux bénéficiaires.

Ce décalage entre versement des fonds par l'État et utilisation effective est plus fort encore lorsque l'agence est en charge de projets pluriannuels.

Le niveau des dépenses d'une agence au cours d'une année dépend en effet des engagements pris au cours de l'année, qui peuvent être modifiés en fonction des crédits reçus en loi de finances, mais aussi des engagements pris au cours des années précédentes. Si l'Ademe s'engage à soutenir un projet d'une durée de cinq à dix ans, elle se voit obligée de programmer chaque année les dépenses correspondantes. L'État peut donc difficilement moduler de manière importante la subvention versée à l'agence, alors même que ce n'est pas lui directement, mais l'agence, qui a souscrit les engagements.

Les engagements hors bilan étaient ainsi, à la fin 2023, de 2,9 milliards d'euros pour l'Ademe (principalement des restes à payer sur les aides et concours accordés par l'agence) ; 14,2 milliards d'euros pour l'AFITF (restes à payer) ; 3,9 milliards d'euros pour les agences de l'eau (principalement des subventions sur travaux notifiées mais non encore versées) ; 3,2 milliards d'euros pour l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs ou ANGDM (pensions futures versées aux mineures et leurs ayant-droit) 105(*).

e) En conséquence, le projet de construction d'un véritable système d'information des agences doit être repris et mené à bien avec l'objectif d'en faire un véritable outil de pilotage

L'administration a identifié depuis une dizaine d'années les limites des bases de données actuelles, mal interconnectées et dont l'alimentation suppose des traitements manuels susceptibles d'entraîner des erreurs. En outre, des efforts de consolidation ont été engagés en vue de la construction d'un véritable système d'information financier permettant de suivre de plus près, y compris en cours d'année, l'évolution des comptes des établissements publics nationaux.

Le projet Infinoé a fait l'objet d'un co-financement par le fond de transformation pour l'action publique (FTAP). Selon le contrat de financement106(*), l'objectif du projet de remplacement de l'infocentre EPN par le système Infinoé était :

- d'une part, de simplifier, rationaliser et fiabiliser la production des documents budgétaires relatifs au champ des opérateurs de l'État ;

- d'autre part, de développer l'open data des données financières relatives aux organismes d'État à comptabilité publique.

Serait ainsi mis en place un flux direct entre les systèmes d'informations des organismes et la base Infinoé. Le Parlement, la Cour des comptes, les tutelles ministérielles pourraient croiser ces informations budgétaires et comptables avec celles relatives aux emplois et au patrimoine immobilier. Du point de vue des ministères, le projet éviterait des saisies manuelles dans l'application Tango, utilisée pour produire les documents budgétaires, réduisant ainsi les risques d'erreurs.

En outre, des économies notables étaient attendues. Alors que le coût de développement était estimé à 5,1 millions d'euros entre 2019 et 2022, la centralisation de l'éditique devait permettre une économie annuelle de 8,2 millions d'euros par an, outre une économie de 235 000 euros sur le transport et le stockage des comptes financiers de certains établissements non encore numérisés.

Le dossier de demande de subvention au titre du FTAP prévoyait même une économie en personnels d'environ 550 équivalents temps plein (ETP) par an dans les agences comptables financées par les organismes publics107(*).

Le projet devait alors être finalisé en 2022, pour une mise en intégration des budgets prévisionnels 2023, mais a subi d'importants retards.

Selon les informations communiquées au rapporteur, l'ouverture de ce service a été reportée une première fois en raison de l'impréparation des établissements et des éditeurs de logiciels, puis ajournée une seconde fois en septembre 2024, l'objectif étant alors de couvrir l'exercice budgétaire et comptable 2025 et de confectionner le compte financier de l'exercice 2025 en mars 2026. L'administration exprime en outre des doutes sur la possibilité de raccorder la totalité des établissements prévus.

Ces retards ne sont malheureusement pas inhabituels pour les projets numériques de l'État, comme l'a noté la Cour des comptes, qui recommandait notamment, en 2020, de faire précéder la mise en oeuvre des projets par une démarche de simplification des procédures et de décomposer les projets complexes en phases plus courtes apportant un apport visible aux utilisateurs108(*). À cet égard, la complexité du paysage des agences, qui s'ajoute à celle des administrations centrales, ne pouvait constituer qu'un handicap pour la mise en oeuvre d'un projet aussi ambitieux.

En dépit de ces difficultés, voire du fait même de l'insuffisante connaissance des agences qu'elles mettent en lumière, le rapporteur considère que l'achèvement de ce projet Infinoé doit être considéré comme une priorité.

Dans cet objectif, un appui de la direction interministérielle du numérique (Dinum) pourrait être utile afin de faire bénéficier le projet de l'expérience d'autres projets interministériels, même si un avis conforme de cette direction n'est pas obligatoire pour des projets d'un coût prévisionnel inférieur à 9 millions d'euros109(*). Surtout, le rapporteur considère qu'un portage politique de haut niveau est désormais nécessaire. Lors de son audition devant la commission, la ministre chargée des comptes publics n'a pas été en mesure de fournir des informations sur le périmètre et le calendrier du projet Infinoé, renvoyant à une réponse écrite alors que le projet relève pleinement de son ministère.

Le rapporteur considère également que les informations ainsi centralisées ne devraient pas se limiter aux informations purement comptables, mais inclure des données permettant de construire une véritable vision d'ensemble de ces organismes et de faciliter leur pilotage, telles que :

- les effectifs, en fonction des statuts et des catégories ;

- les dépenses complètes de personnel, incluant le remboursement à d'autres administrations des personnels mis à disposition ;

- la répartition des dépenses par destination portant sur l'ensemble des dépenses110(*) : par exemple les montants consacrés aux principaux dispositifs portés par l'agence, le montant des dépenses de communication, le montant des dépenses d'immobilier, etc.

Un tel projet pourrait être réalisé en plusieurs phases et pourrait nécessiter le concours d'autres administrations disposant des informations.

En complément, l'information du Parlement sur l'évolution des dépenses des agences serait améliorée en ouvrant un accès au système d'information financière de ces agences.

Recommandation : Mener à bien le projet Infinoé pour l'ensemble des organismes publics nationaux pour une mise en oeuvre rapide et couvrant la plus grande partie possible des organismes publics nationaux. Inclure, au-delà des données purement comptables, des informations financières facilitant le pilotage de ces organismes.

Ouvrir aux commissions des finances du Parlement un accès au futur infocentre Infinoé, sur le modèle de l'accès déjà ouvert au système d'information Chorus.

3. Les données disponibles mettent en évidence la diversité des opérateurs

Le budget des agences comprend trois grandes masses : les charges de personnel, les charges de fonctionnement (hors personnel) et les charges d'intervention.

Ces montants ne doivent pas être compris comme le « coût » résultant de l'existence des agences, qui serait économisé purement et simplement si ces agences étaient supprimées. En effet, si une partie de ces coûts correspond à des frais de structure, par exemple le salaire des dirigeants ou le surcoût résultant de l'absence de mutualisation des fonctions support, une grande partie du budget est lié à la mise en oeuvre des politiques publiques, qui resterait imputée sur le budget de l'État si les agences étaient supprimées.

C'est tout particulièrement vrai des charges d'intervention : si l'Ademe ou l'ANAH étaient supprimées, mais que les aides qu'elles apportent à des particuliers ou à des entreprises étaient maintenues, leur coût pèserait tout autant sur le budget de l'État.

Une réforme des structures aurait probablement des effets plus importants sur les charges de fonctionnement et de personnel - par mutualisation de fonctions support et par suppression nette de postes de dirigeants. Toutefois ces postes eux-mêmes, en cas de suppression d'une agence, seraient sans doute en grande partie transférés à l'entité - que ce soit une autre agence, l'État central ou une collectivité - à qui seraient transmises les missions de l'agence.

Avant d'envisager de telles réformes dans la suite de ce rapport, il est donc essentiel d'avoir une vision d'ensemble de ce que représente chacun de ces postes du budget des agences. Il est nécessaire aussi de connaitre leurs effectifs, ainsi que le montant des financements qu'elles reçoivent de la part de l'État.

a) Quelques très gros opérateurs, une multitude de tout petits organismes

Les données relatives aux effectifs sont disponibles sur le périmètre des opérateurs au sens budgétaire, soit, comme indiqué supra, 434 opérateurs en PLF 2025, regroupés pour certains par catégories d'opérateurs (universités, agences de l'eau, etc.) comme indiqué précédemment.

Le montant total des emplois sous plafonds des opérateurs est de 402 489 équivalents temps plein travaillés (ETPT) et le montant des emplois hors plafond est de 77 058 ETPT.

Répartition des emplois des opérateurs par ministère

(en ETPT)

Source : commission d'enquête, à partir des données transmises par le Gouvernement

Dans les débats relatifs aux effectifs des opérateurs, il est important de considérer que plus de la moitié de ces effectifs correspondent aux effectifs des établissements d'enseignement supérieur et de recherche, dont 36 % dans les universités et 6 % au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Hors de ce périmètre, France Travail est l'opérateur le plus important avec 12 % des effectifs.

À l'opposé, les 115 plus petits opérateurs concentrent, tous ensemble, moins de 1 % des effectifs. En particulier, la moitié des opérateurs emploient moins de 257 ETPT et 24 opérateurs disposent d'effectifs inférieurs ou égaux à 50 ETPT.

Les opérateurs employant moins de 1 000 ETPT

(en équivalents temps plein travaillés ou ETPT)

Lecture : 50 % des opérateurs regroupés par catégories, emploient moins de 257 ETPT.

Source : commission d'enquête, à partir des données du « jaune » budgétaire

La pertinence de la création et du maintien d'un aussi grand nombre d'opérateurs de si petite taille mérite d'être remise en question.

L'existence d'un établissement public a en effet pour conséquence la création d'une équipe de gouvernance, d'un directeur, d'une gestion des ressources humaines, d'un service de paie, d'un système informatique, qui s'ajoutent à l'exercice des missions confiées à l'opérateur.

Si certaines de ces fonctions peuvent être mutualisées entre opérateurs, voire confiée à l'administration centrale dans le cadre d'une paie à façon111(*), des fragilités demeurent et la commission d'enquête considère que des établissements trop petits ne devraient pas exister en tant qu'établissements indépendants lorsqu'ils gèrent des montants financiers importants.

Elle a été particulièrement frappée par l'audition du directeur général de France compétences, établissement doté d'un budget de 15,2 milliards d'euros pour 91 agents seulement. La vacance d'un seul de ces postes place l'établissement en difficulté parce qu'il ne dispose plus d'une compétence de data scientist nécessaire pour analyser les comptabilités analytiques des opérateurs de formation, alors même qu'il s'agit d'une compétence (maitrise du langage R) relativement courante dans des administrations de taille plus importante.

b) Les financements publics des opérateurs

Les financements publics des opérateurs sont de 77,0 milliards d'euros, dont les principales composantes sont la subvention pour charge de service public (SCSP), les transferts et les taxes affectées.

Financement des opérateurs

(en milliards d'euros)

Source : commission d'enquête, à partir du jaune « Opérateurs » annexé au projet de loi de finances pour 2025

Les financements publics sont extrêmement concentrés, puisque trois opérateurs ou catégories d'opérateurs perçoivent 45 % de leur total : France compétences (13,6 milliards d'euros, dont la moitié des taxes affectées revenant à des opérateurs), les universités et assimilées (12,8 milliards d'euros) et l'Agence de services et de paiement ou ASP (9,1 milliards d'euros)112(*).

À l'inverse, 75 % des petits opérateurs perçoivent, tous ensemble, moins de 1 % des financements publics.

Seuls 23 opérateurs bénéficient de taxes affectées, pour un montant total de 20,5 milliards d'euros, dont plus de la moitié, soit 11,6 milliards d'euros, pour France compétences.

La répartition entre les différentes catégories de financement public est très variable selon les opérateurs : alors que l'opérateur France compétences est largement financé par des taxes affectées, les universités reçoivent une subvention pour charges de service public très importante et l'Agence de services et de paiement (ASP) reçoit principalement des crédits de transfert.

Répartition des modes de financement pour les principaux opérateurs

(en milliards d'euros)

Source : commission d'enquête, à partir des données transmises par le Gouvernement113(*).

c) Les charges de fonctionnement et les charges d'intervention sont très peu liées entre elles

La structure des dépenses varie selon la catégorie d'établissements : les charges de personnel et de fonctionnement sont prépondérantes parmi les opérateurs d'enseignement et de recherche, tandis que les charges d'intervention sont majoritaires parmi les autres opérateurs.

Les ministères de l'enseignement supérieur et de la recherche, d'une part, du travail et de l'emploi, d'autre part, regroupent la très grande majorité des charges des opérateurs.

Répartition des charges des opérateurs par ministère

(en millions d'euros, budget initial 2024)

Source : commission d'enquête, à partir des données du jaune budgétaire annexé au projet de loi de finances pour 2025

Les universités et établissements d'enseignement sont, de loin, les opérateurs qui ont les charges de personnel les plus élevées en valeur absolue.

Les principaux opérateurs pour les charges de personnel

(en millions d'euros, budget initial pour 2024)

Source : commission d'enquête, à partir des données du jaune budgétaire. Opérateurs dont les charges de personnel sont supérieures à 500 millions d'euros en budget initial 2024.

S'agissant des charges de fonctionnement, celles des grands centres de recherche figurent parmi les plus importantes avec les universités.

Les principaux opérateurs pour les charges de fonctionnement,
hors personnel

(en millions d'euros, budget initial pour 2024)

Source : commission d'enquête, à partir des données du jaune budgétaire. Opérateurs dont les charges de fonctionnement sont supérieures à 600 millions d'euros en budget initial 2024.

En revanche, les charges d'intervention sont concentrées dans les opérateurs de financement de projets ou de formation. Il convient de rappeler que ces données ne correspondent qu'au budget que l'opérateur gère en propre, et non aux budgets qu'il exécute en compte de tiers, ce qui explique l'absence dans le graphique qui suit de l'Agence de services et de paiement (ASP), qui gère pourtant plus de 20 milliards d'euros d'aides par an.

Les principaux opérateurs pour les charges d'intervention

(en milliards d'euros)

Source : commission d'enquête, à partir des données du jaune budgétaire. Opérateurs dont les charges d'intervention sont supérieures à 500 millions d'euros en budget initial 2024.

4. L'État ne dispose pas d'une vision claire des ressources humaines de ses opérateurs

La commission d'enquête a constaté, non sans surprise, que l'État n'assurait qu'un suivi très lacunaire de son propre personnel lorsqu'il est employé auprès d'opérateurs, ce qui entrave une gestion stratégique et efficiente de la fonction publique.

a) Une méconnaissance surprenante de la situation des fonctionnaires en poste chez les opérateurs

Le ministre de l'action publique, de la fonction publique et de la simplification a reconnu devant la commission d'enquête qu'il n'était pas en mesure de dire où se trouvent l'ensemble des agents publics et qu'il existe un nombre important d'agents sans affectation.

De fait, l'administration du ministère de la fonction publique n'a pu apporter que des informations très limitées à la commission d'enquête. Ainsi n'a-t-elle pas été en mesure de communiquer au rapporteur la répartition des agents publics en poste dans les agences en fonction du versant de la fonction publique (fonction publique d'État, fonction publique hospitalière ou fonction publique territoriale) auquel ils appartiennent.

La délégation interministérielle à l'encadrement supérieur de l'État (DIESE) met progressivement en place l'application VINCI qui devrait permettre, à terme, de suivre individuellement les parcours de l'ensemble des cadres supérieurs de la fonction publique de l'État. Seule l'information relative aux cadres dirigeants, dont la nomination est prise en conseil des ministres, est actuellement disponible, ce qui concerne 143 personnes (39 femmes et 104 hommes) avec un âge moyen de 57,8 ans selon les informations communiquées au rapporteur.

Pourtant, il serait utile, au-delà des cadres dirigeants et supérieurs, de disposer d'une information fiable sur l'ensemble des agents employés auprès des opérateurs, qu'il s'agisse de leur affectation actuelle ou de leur parcours professionnel.

À cet égard, l'administration indique qu'il n'est pas possible de connaitre le pourcentage de fonctionnaires effectuant leur mobilité au sein d'une agence de l'État.

Le rapporteur souligne également que la connaissance de la pyramide des âges des agents est indispensable pour évaluer le coût potentiel de toute opération de restructuration des opérateurs, dans les mesures où les personnels seraient rattachés à une administration centrale et payés par elle.

b) Une surreprésentation des cadres supérieurs, mais aussi des postes d'exécution

Les dispositions transmises au rapporteur concernent la répartition des agents en fonction de leur statut (fonctionnaire, militaire, contractuel, autre) et de leur catégorie (A/A+, B, C). Le périmètre est celui des établissements publics administratifs, qui ne constituent qu'une part des agences de l'État.

Répartition des emplois selon leur statut
dans les établissements publics administratifs

(effectifs au 31 décembre 2022)

Champ : fonction publique d'État, hors ministères, établissements publics locaux d'enseignement, Caisse des dépôts et consignations et EPN ayant caractère d'administration centrale. Emplois principaux, tous statuts, France (hors Mayotte). Hors bénéficiaires de contrats aidés. EPN : établissement public national. Autre EPN administratif à compétence territoriale limitée : par exemple agences régionales de santé, agences de l'eau, CROUS, parcs nationaux, etc.

Source : commission d'enquête à partir de données SIASP/Insee, traitement DGAFP-SDessi

La proportion de contractuels (60,5 % parmi les EPA et 40,4 % parmi les EPSCP) est élevée, ce qui n'est pas surprenant dans la mesure où l'une des raisons de création des opérateurs est un objectif de flexibilité dans les recrutements. Cette proportion n'est que de 21 % dans l'ensemble de la fonction publique d'État114(*).

Une conséquence de cette proportion élevée de contractuels est une moindre visibilité des postes à pourvoir. En effet, le cadre statutaire de la fonction publique impose une publicité rigoureuse des postes à pourvoir sur une plateforme commune115(*), qui a pris par la suite l'appellation « Choisir le service public ». Cette règle vise à assurer que chaque poste vacant soit annoncé publiquement et ouvert aux candidatures des agents, dans une procédure transparente et compétitive. 

S'agissant de la catégorie, les établissements publics nationaux comprennent une majorité de fonctionnaires de catégorie A (38,2 % et 44,8 % dans les EPSCP), voire A+ (4,8 % dans les EPA et 24,7 % dans les EPSCP).

Répartition des emplois selon la catégorie dans les établissements publics administratifs

(effectifs au 31 décembre 2022)

Source : commission d'enquête à partir de données SIASP/Insee, traitement DGAFP-SDessi

Dans l'ensemble de la fonction publique d'État, le nombre total des agents de catégorie A+ était de 100 500 agents à la fin 2022, soit 1,8 % des effectifs116(*). Il apparaît donc que la catégorie A+ est très surreprésentée dans les opérateurs, surtout dans les opérateurs de recherche mais aussi dans les autres établissements. En revanche la catégorie A, hors A+, est plutôt moins bien représentée chez les opérateurs, puisqu'elle représente 54 % des effectifs dans la fonction publique, contre 38,2 % dans les EPA et 44,8 % dans les EPSCP117(*).

Les EPA, en particulier, ont une plus forte proportion d'emplois de catégorie B et C que l'ensemble de la fonction publique d'État, de sorte que les opérateurs se caractérisent par une surreprésentation des postes de cadre supérieur et des postes d'exécution.

5. Le suivi des agences est également insuffisant au niveau territorial

La commission d'enquête a également constaté que le suivi et la connaissance des agences sont également insuffisants au niveau territorial.

La situation a certes évolué au cours des dernières années avec la désignation du préfet comme délégué territorial de certaines agences (ANRU, ANCT, plus récemment l'Ademe). M. Pierre-André Durand, préfet d'Occitanie et président de l'Association du corps préfectoral et des hauts fonctionnaires du ministère de l'intérieur, a indiqué que les préfets sont souvent consultés sur la nomination des directeurs de ces agences-là.

S'agissant des agences régionales de santé (ARS), leurs directeurs généraux assistent aux réunions du comité de l'administration régionale (CAR) présidé par le préfet de région, qui préside également le conseil d'administration de l'ARS. M. Boris Ravignon a toutefois souligné que, bien souvent, les préfets de département ne sont pas suffisamment impliqués dans la politique sanitaire que conduisent ces agences.

Le directeur général de l'ANCT a également souligné que les comités locaux de cohésion des territoires (CLCT) permettent au préfet de réunir les opérateurs nationaux avec les collectivités locales et les associations d'élus, même si la Cour des comptes a récemment souligné que l'implication des préfets dans les programmes de l'ANCT est très variable d'un département à l'autre118(*).

La principale critique a porté, lors des auditions plénières mais aussi des déplacements de la commission d'enquête, sur le retard avec lequel, parfois, le préfet est informé des initiatives prises par les agences nationales, tout particulièrement lorsqu'elles lancent des appels à projets qui pourraient entrer en concurrence avec d'autres dispositifs locaux.

Or la multiplication incontrôlée des appels à projets est particulièrement dénoncée par les élus locaux, en raison de la complexité des dossiers à remplir et du temps nécessaire, qui favorisent les collectivités dotées d'une capacité d'ingénierie. Comme l'a souligné M. Sébastien Miossec, représentant d'Intercommunalités de France, ces appels à projets tendent à mettre les collectivités en concurrence et à fragmenter l'action publique.

Il est donc particulièrement regrettable que les préfets, qui incarnent au contraire l'unité nécessaire de l'action de l'État, ne soient pas systématiquement informés des appels à projets lancés par des agences. Ils sont empêchés de jouer leur rôle de coordination et de mise en cohérence de l'action de l'État, au détriment de la lisibilité des politiques publiques.

DEUXIÈME PARTIE : POUR UNE RÉFORME DES AGENCES AU SERVICE DE LA LISIBILITÉ DE L'ACTION PUBLIQUE ET DE L'EFFICIENCE DE LA DÉPENSE

I. FACE À LA DILUTION DES RESPONSABILITÉS ET À L'ÉMERGENCE D'UN « ÉTAT À CÔTÉ DE L'ÉTAT », L'ADMINISTRATION DOIT RETROUVER SON RÔLE DE DÉFINITION ET PILOTAGE DE L'ACTION PUBLIQUE

Conçues à l'origine comme des parties intégrantes de l'État censées offrir à celui-ci une plus grande agilité et une plus grande efficacité dans la mise en oeuvre et l'exécution de politiques publiques ciblées, les agences se sont rapidement multipliées, ont élargi leur champ d'action et ont acquis une autonomie croissante.

L'administration semble aujourd'hui réduite au rang de spectatrice d'un phénomène dont elle ne connaît pas précisément les contours, et qui lui fait perdre son contrôle sur la mise en oeuvre, voire sur la définition même, de pans entiers de politiques publiques.

A. L'ÉTAT N'A PAS DE DOCTRINE UNIFIÉE SUR L'EXERCICE DE LA TUTELLE, NI SUR LE RECOURS AUX AGENCES

1. Les modalités d'exercice par l'État de sa tutelle sont variables et hétérogènes d'un établissement et d'un ministère à l'autre
a) Le rôle clé de la direction du budget dans la tutelle stratégique et financière des agences de l'État

Tous les organismes détenant une personnalité morale distincte de l'État sont placés sous la tutelle d'une autorité étatique, qui est chargée d'orienter la mise en oeuvre de leurs missions, de suivre leurs activités et d'approuver un certain nombre de leurs actes, dont le budget et le compte financier.

Les établissements publics entrant dans le champ d'application du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique (décret GBCP) sont ainsi systématiquement placés sous la tutelle financière du ministère chargé du budget, sauf disposition législative contraire119(*). Cette tutelle a pour objectifs de s'assurer de la bonne mise en oeuvre par l'organisme de la politique budgétaire de l'État et du respect de la stratégie des finances publiques ; d'orienter la stratégie financière de l'organisme ; et de s'assurer de la soutenabilité de la programmation et de l'exécution des dépenses de l'organisme.

C'est la direction du budget, en particulier avec ses sous-directions sectorielles, qui met en oeuvre cette compétence120(*).

En application de la tutelle financière, le budget et le compte financier des organismes doivent être approuvés par la direction du budget une fois votés. De plus, celle-ci doit être informée de toute décision ayant un impact sur la situation budgétaire de l'établissement, participe à l'élaboration des contrats d'objectifs et de performance (COP) et peut, dans certains cas, contractualiser une trajectoire de moyens dans le cadre de contrats d'objectifs et de moyens (COM).

Outre cette tutelle financière, la direction du budget remplit une fonction d'administrateur auprès de 142 établissements ; à ce titre, elle exerce deux types de missions :

- d'une part, elle veille à ce que chacune des délibérations financières et chacun des projets de budget soumis au vote soient sincères et budgétairement soutenables ;

- d'autre part, elle se prononce, comme tout administrateur, sur toutes les questions relatives à la stratégie et à l'organisation de l'organisme et sur tout sujet technique.

Pour assurer ces fonctions, la direction du budget a indiqué au rapporteur avoir mis en place un programme spécifique de formation pour ses agents d'une durée de 10 heures121(*).

Il ressort par ailleurs des auditions menées par la commission d'enquête que la présence de la direction du budget est plus ou moins bien perçue par les agences, certaines la percevant comme une forme d'immixtion dans leur gouvernance. Certaines considèrent même que la seule et unique tutelle de l'établissement est exercée par la direction du budget.

b) Les modalités variables d'exercice de la tutelle par les autres directions d'administration centrale

Les directions d'administration centrale exercent les tutelles administrative et stratégique des établissements publics relevant de leur ministère.

Il leur revient ainsi, en tant que tutelle administrative et juridique, de créer et modifier les statuts ; ou encore de conduire la procédure de nomination du directeur et des administrateurs des établissements publics. Par exemple, la direction générale des collectivités locales (DGCL) assure la signature et la publication des mesures nominatives de l'Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU) ; en 2024, elle a modifié les textes réglementaires relatifs à l'Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT) à deux reprises.

En tant que tutelle stratégique, les directions d'administration centrale doivent construire avec l'établissement sa stratégie et élaborer les documents de cadrage tels que les COP ou COM, ou encore les lettres de mission122(*) et les lettres d'objectifs123(*) adressées aux directeurs des établissements.

Certaines directions d'administration centrale exercent en plus une tutelle dite « métier » sur leurs opérateurs s'agissant de la mise en oeuvre de politiques publiques. Ainsi, la DGCL suit le déploiement des programmes portés par l'ANRU (NPNRU, PNRQAD, etc.) ainsi que ceux mis en oeuvre par l'ANCT (Action Coeur de Ville, Petites Villes de demain, Villages d'Avenir, etc.).

Le cas de la co-tutelle

La fonction de tutelle d'un établissement public national peut être confiée à plusieurs ministères ; dans ce cas dit de « co-tutelle », un ministère chef de file (dit tutelle principale) est désigné.

La part d'établissements sous tutelle partagée ainsi que le nombre de ministères de co-tutelle sont variables d'un ministère à un autre. À titre d'exemple, un tiers des établissements publics relevant du pôle ministériel chargé de la transition écologique, de la cohésion des territoires et de la mer sont des tutelles partagées ; la moitié d'entre eux relèvent de la tutelle de trois ministres.

En outre, la tutelle peut être partagée entre plusieurs directions d'administration d'un même ministère : il en va ainsi de Bpifrance, dont la tutelle est exercée par quatre administrations distinctes du ministère de l'économie et des finances : la direction générale des entreprises (DGE), la direction générale du trésor (DGT), la direction du budget (DB) et l'Agence des participations de l'État (APE).

Source : commission d'enquête

Enfin, l'administration centrale est présente dans les instances de gouvernance des établissements publics (lesquelles prennent la forme de conseils d'administration ou de conseils de surveillance), qui comprennent toujours un collège de représentants de l'État, et plus précisément de représentants des ministres de tutelle.

Chaque ministre désigné par le décret statutaire de l'établissement peut choisir de siéger en personne, ou de se faire représenter (ce qui est le cas le plus fréquent). Les représentants de l'État sont nommés par arrêté ministériel et choisis parmi les fonctionnaires de l'État de catégorie A et agents contractuels de l'État d'un niveau équivalent, en activité ou en retraite, âgés de trente ans au moins ou ayant huit ans de services publics, ainsi que parmi les présidents, directeurs généraux, directeurs généraux adjoints ou délégués ou membres du directoire des établissements publics de l'État ou des entreprises du secteur public dont l'État détient directement ou indirectement la majorité du capital124(*).

Un rôle différent et subsidiaire à la tutelle :
le commissaire du gouvernement

Institué dès la première moitié du XXe siècle, le commissaire du gouvernement ne bénéficie pas d'un cadre juridique de référence ; les textes institutifs des établissements publics se contentent de reconnaître son existence, sans toujours décrire les prérogatives qui lui sont dévolues.

Nommé par arrêté ministériel, le commissaire du gouvernement a pour mission principale d'assurer la cohérence entre l'action de l'établissement et les politiques publiques définies par l'État. À ce titre, il éclaire le conseil d'administration sur les projets du gouvernement, et transmet au gouvernement le point de vue de l'établissement sur les projets en question. À ces fins, il dispose de quatre prérogatives principales : la participation au conseil d'administration avec voix consultative ; dans certains établissements, la convocation d'une réunion du conseil d'administration ; l'inscription d'une question à l'ordre du jour d'une réunion ; enfin, un droit d'opposition.

Afin de conforter la distinction du rôle de commissaire du gouvernement avec celui d'exercice de la tutelle, le Conseil d'État125(*) a proposé, d'une part, de maintenir la présence d'un commissaire de gouvernement auprès des seuls établissements publics dans lesquels les instruments de tutelle, notamment la représentation de l'État au sein du conseil d'administration, sont insuffisants pour lui permettre de s'assurer de la conformité de l'action de l'établissement avec les objectifs de politique publique ; et d'autre part, d'expliciter la mission dont chaque commissaire est investi ainsi que l'intérêt essentiel qu'il doit protéger.

Le Conseil d'État ne retient toutefois pas la piste de la création d'un cadre juridique unique, compte tenu de la diversité des situations, d'une part, et de la nécessité pour l'État de conserver son pouvoir d'appréciation quant à l'opportunité d'instituer un commissaire du gouvernement, d'autre part.

Source : commission d'enquête

Le secrétaire général du ministère a, pour sa part, la responsabilité de la coordination de la tutelle sur les agences relevant de son périmètre126(*). À cette fin, certains secrétariats généraux ont élaboré un guide de la tutelle ; à l'échelle de certaines directions d'administration centrale existe aussi parfois un « club des tutelles des opérateurs de l'État », qui a pour vocation d'accompagner les chargés de tutelle en favorisant la mutualisation des bonnes pratiques et le partage de retours d'expériences, ainsi qu'en mettant à leur disposition une base documentaire. Un tel « club » est ainsi animé par le secrétariat général de la direction générale des entreprises (DGE).

Ces initiatives sont indéniablement utiles ; le rapporteur s'étonne toutefois du fait qu'il incombe à chaque secrétariat général de rédiger de son côté un guide de la tutelle ou d'animer un club des tutelles. L'absence d'un document socle unique, commun à l'ensemble des ministères, est la marque de l'absence de conception unifiée à l'échelle de l'État du rôle et de l'exercice de la tutelle à l'égard des agences.

La commission juge également bienvenues les actions de formation à l'attention des agents de l'État amenés à participer à l'exercice de la tutelle. Certains ministères, à l'image des ministères chargés de la transition écologique, de la cohésion des territoires et de la mer, ont ainsi mis en place des formations destinées aux chargés de tutelle lors de leur prise de poste, d'une part, et aux administrateurs au sein des conseils d'administration des établissements publics importants, d'autre part.

Là encore, la commission regrette qu'il s'agisse d'initiatives portées par les ministères pris individuellement, en lieu et place d'une démarche unifiée à l'échelle de l'État. Elle salue toutefois la mise en place par le Contrôle général économique et financier (CGefi) d'une formation, ouverte à l'ensemble des ministères, destinée aux nouveaux cadres occupant des fonctions d'administrateurs dans les instances de gouvernance des établissements publics.

Du reste, au stade de la formation initiale de ses cadres dirigeants, l'État semble avoir pris conscience des enjeux relatifs à la tutelle : comme l'a indiqué la ministre chargée des comptes publics à la commission d'enquête, les modules relatifs à l'exercice de la tutelle ont été renforcés dans le cadre de la formation dispensée à l'Institut national du service public (INSP).

De surcroît, l'exercice pratique de la tutelle semble présenter un certain nombre de lacunes : le rapporteur a ainsi pu constater que l'envoi d'une lettre de mission au dirigeant n'était pas systématique. Le président du conseil d'administration de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) s'est dit favorable à un tel envoi127(*), indiquant donc par là que ce n'était le cas actuellement.

Par ailleurs, dans certains domaines de l'action publique, l'administration centrale apparaît comme reléguée au second rang derrière des établissements publics qui entretiennent un dialogue direct avec le ministre - tel est notamment le cas des établissements culturels128(*) -, ou encore qui sont devenus les acteurs clés d'une politique publique - à l'image de la direction des sports depuis la création de l'Agence nationale du sport (ANS). Dans ces cas-là, il a été plusieurs fois indiqué au rapporteur que l'administration centrale exerce une tutelle davantage « tatillonne » que stratégique.

Ce déséquilibre constaté dans les relations entre les agences et le ministère de tutelle - au détriment de celui-ci - semble dû à des facteurs essentiellement structurels.

D'une part, les tutelles disposent généralement de peu de moyens humains en comparaison de l'agence qui concentre, elle, des ressources non seulement nombreuses, mais également expérimentées. Au-delà de la question du nombre129(*), se pose en effet la question de la formation - les tutelles dites « métier » étant parfois insuffisamment formées aux enjeux budgétaires et financiers - et de l'expérience - les agents assurant les tutelles financières étant souvent des agents en début de carrière, avec un taux de rotation élevé. Dans ce contexte, il peut être difficile pour l'administration centrale de se mesurer à l'expertise technique dont disposent les établissements publics.

La difficulté est accrue en cas de transfert de tutelle d'une direction d'administration centrale à une autre, voire d'un ministère à un autre : ainsi, la tutelle d'Atout France, précédemment assurée par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, a été transférée en 2023 au ministère de l'économie et des finances, nécessitant un temps d'acculturation pour l'administration compte tenu de nouveaux dossiers et de l'élaboration d'un nouveau contrat d'objectifs et de performance. Les remaniements ministériels, particulièrement fréquents ces deux dernières années, ne sont pas non plus sans conséquence sur la faculté des ministres à assoir leur tutelle sur un établissement public : « la temporalité n'est pas neutre dans les rapports de pouvoir »130(*).

D'autre part, l'exercice partagé de la tutelle entre plusieurs ministères, ou entre plusieurs directions d'un même ministère, peut conduire, du fait de visions divergentes au sein de l'État, à la recherche de compromis sur la base du plus petit dénominateur commun, ou encore à l'addition des priorités portées par chaque acteur. En résulte un affaiblissement de la dimension stratégique de la tutelle, avec des orientations trop générales et imprécises, ou au contraire trop nombreuses.

c) Un contrôle dual en fonction du type d'activité de l'organisme : contrôle budgétaire ou contrôle économique et financier

Après que le budget de l'organisme a été approuvé par l'autorité de tutelle, son exécution est suivie par l'autorité chargée du contrôle, laquelle évalue également le caractère soutenable de la gestion. Selon le type d'activité de l'organisme et de son modèle économique, il s'agit d'un contrôle budgétaire ou d'un contrôle économique et financier.

Ainsi, en principe, un organisme dont l'activité n'est pas marchande et qui est financé majoritairement par des recettes publiques relève de la comptabilité budgétaire et est soumis au contrôle budgétaire, ce contrôle étant réalisé par un contrôleur budgétaire et comptable ministériel (CBCM) ou un contrôleur budgétaire en région (CBR).

Ce contrôle budgétaire, défini par l'article 221 du décret GBCP, porte sur l'appréciation du caractère soutenable de la programmation budgétaire ainsi que sur la qualité de la comptabilité budgétaire. Il doit également contribuer à l'identification et à la prévention des risques financiers auxquels l'organisme peut être confronté, ou encore à l'évaluation de la performance de l'organisme au regard des moyens qui lui sont alloués.

L'autorité chargée du contrôle participe avec voix consultative au conseil d'administration ; elle est associée à la procédure budgétaire. Les contrôleurs budgétaires remettent tous les ans un rapport annuel d'activité, dans lequel chaque organisme contrôlé fait l'objet d'une analyse financière et d'une appréciation sur la qualité de leur fonction financière. Dans le cadre de leur mission de contrôle a posteriori, les contrôleurs budgétaires réalisent également des études ponctuelles sur les organismes.

Les modalités d'exercice du contrôle sont précisées dans les arrêtés pris conjointement par le ministre chargé du budget et le(s) ministère(s) de tutelle pour chaque organisme ou catégorie d'organismes.

À l'inverse, un organisme ayant une activité marchande et dépendant principalement de recettes issues de son activité commerciale, mais prenant la forme d'un établissement public ou bénéficiant du concours financier de l'État sous une forme quelconque131(*), relève de la comptabilité générale ou de la comptabilité privée et est soumis au contrôle économique et financier (CEF) de l'État, défini par le décret n° 55-733 du 26 mai 1955.

Réalisé en principe par le contrôle général économique et financier (CGefi), ce contrôle a pour objet d'analyser les risques de l'établissement et d'évaluer sa performance en veillant aux intérêts patrimoniaux de l'État. À ce titre, le contrôleur peut assister avec voix consultative aux séances de l'organe délibérant, et a accès à tous les documents nécessaires à l'exercice de sa mission.

Grands principes du contrôle des organismes publics

Type d'activité

Type de financement

Comptabilité

Nature du contrôle et fondement juridique

Contrôleur

Activité non marchande

Recettes publiques

Comptabilité budgétaire

Contrôle budgétaire

Article 221 du décret GBCP

- Contrôleur budgétaire et comptable ministériel (CBCM)

ou contrôleur budgétaire en région (CBR)

- Autorité du ministre chargé du budget (DB)

Activité marchande

Ressources propres (issues de l'activité commerciale)

Comptabilité générale ou comptabilité privée

Contrôle économique et financier (CEF)

Décret n° 55-733 du 26 mai 1955 relatif au contrôle économique et financier de l'État

- Contrôle général économique et financier (CGefi)

- Double autorité du ministre de l'économie et des finances et du ministre chargé du budget

Source : commission d'enquête

Ces règles générales connaissent toutefois des exceptions, dont une partie sont justifiées par :

- des logiques de filiales : les filiales marchandes d'un organisme soumis au contrôle budgétaire peuvent elles-mêmes être soumises à cette nature de contrôle, alors même que leur modèle économique aurait justifié la mise en oeuvre d'un contrôle économique et financier ;

- ou encore par des logiques de filières : des organismes sont soumis à un même type de contrôle, indépendamment de leur modèle économique dominant, en raison de la proximité de leurs missions et de l'interdépendance qu'ils pourraient avoir avec d'autres structures. Ainsi, bien que le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) soit soumis au contrôle budgétaire, le CGefi a été désigné pour exercer ce contrôle, dans la mesure où il est également en charge du contrôle des sociétés liées à l'audiovisuel.

Les dérogations peuvent également être justifiées par un critère géographique : les CBR sont ainsi amenés à réaliser un contrôle économique et financier des structures qui se situent dans leur périmètre géographique d'intervention.

Au total, les CBCM et les CBR contrôlent 400 organismes, dont 233 sont soumis au contrôle budgétaire et 143 au contrôle économique et financier.

Le nombre d'organismes contrôlés par le CGefi s'élève quant à lui à 145, dont 103 sont soumis au CEF et 39 au contrôle budgétaire.

Il ressort donc qu'au total, le paysage du contrôle financier des organismes est particulièrement complexe puisque chacun des trois acteurs principaux, CBCM, CBR et CGefi, exercent aussi bien du contrôle budgétaire que du contrôle économique et financier.

Contrôle budgétaire et contrôle économique et financier
des organismes publics

Lecture : les contrôleurs budgétaires et comptables ministériels (CBCM) assurent le contrôle budgétaire sur 106 organismes, le contrôle économique et financier sur 31 organismes et un autre type de contrôle sur 11 organismes.

Source : commission d'enquête à partir des éléments transmis par la direction du budget

2. L'État n'a toujours pas élaboré de doctrine de recours aux agences

Au-delà des limites constatées dans l'exercice de la tutelle, la commission est frappée par l'absence de doctrine établie par l'État sur le recours aux agences, qui n'est probablement pas sans lien avec l'existence de doublons entre certaines agences d'une part, et l'administration ou les collectivités territoriales d'autre part.

a) Une vaine succession de circulaires relatives au pilotage des agences

Ces quinze dernières années, les premiers ministres successifs n'ont pris pas moins de quatre circulaires relatives au pilotage des opérateurs et autres organismes d'État :

- circulaire du Premier ministre n° 5454/SG du 26 mars 2010 relative au pilotage stratégique des opérateurs de l'État ;

- circulaire du Premier ministre n° 5647/SG du 9 avril 2013 relative aux modalités d'organisation des services de l'État et au recours à la formule de l'agence ;

- circulaire du Premier ministre n° 5798/SG du 23 juin 2015 relative au pilotage des opérateurs et autres organismes publics contrôlés par l'État ;

- circulaire du Premier ministre n° 6087/SG du 5 juin 2019 relative à la transformation des administrations centrales et aux nouvelles méthodes de travail.

Partant du constat que la multiplicité des agences « nuit à la lisibilité et à la cohérence des missions des administrations centrales », cette dernière circulaire pose la nécessité de « réduire substantiellement le nombre d'organismes n'ayant pas la taille critique ». À cette fin, les administrations sont invitées à « justifier le maintien des structures dont la taille n'excède pas 100 ETP » (équivalents temps plein), et à proposer « les suppressions et les regroupements rendus nécessaires par cette revue systématique ».

En outre, est posé le principe selon lequel toute création d'une nouvelle entité est conditionnée par la suppression, la transformation ou la fusion de structures déjà existantes (quelle que soit sa forme juridique), sans que des objectifs chiffrés ne soient toutefois posés, à la différence notamment du choix fait pour les commissions consultatives.

La politique de rationalisation du nombre de commissions et d'instances consultatives et délibératives

Les commissions consultatives, dont la liste est fixée par un « jaune » budgétaire annexé au projet de loi de finances132(*), font l'objet d'une politique de rationalisation depuis les années 2000, laquelle a pris trois formes principales :

- la limitation des créations par la règle du « un pour deux », en vertu de laquelle toute création d'une nouvelle commission consultative doit s'accompagner de la suppression de deux commissions existantes133(*) ;

- pour les instances consultatives de niveau réglementaire, une durée d'existence maximale de cinq ans, et l'exigence d'une étude d'impact ayant notamment pour objet d'établir que « la mission impartie à la commission répond à une nécessité et n'est pas susceptible d'être assurée par une commission existante »134(*) ;

- des suppressions et fusions d'instances, menées à intervalles réguliers par voie législative ou réglementaire.

Source : commission d'enquête

La circulaire du 9 avril 2013 est la dernière à s'être efforcée de définir les critères permettant d'évaluer la pertinence du recours à une agence, et de formaliser les règles auxquelles doit obéir la création d'une agence ; elle ne semble toutefois guère avoir été suivie d'effet.

La circulaire du Premier ministre du 9 avril 2013
sur le recours à la formule de l'« agence »

L'opportunité du recours à une agence doit s'apprécier au regard des critères suivants135(*) :

- condition de spécialité : les missions doivent être clairement définies, circonscrites et spécialisées, et relèvent de la mise en oeuvre de politiques publiques ;

- condition d'efficience : les missions doivent être exercées de manière plus efficace et efficiente au sein d'une agence que par les services centraux et déconcentrés de l'État ;

- critère d'expertise : l'exercice des missions doit nécessiter une expertise distincte de celle habituellement rencontrée dans les services de l'État ;

- critère de gouvernance : les missions confiées doivent impliquer la nécessité de disposer d'une certaine autonomie.

Par ailleurs, tout projet de création doit désormais être soumis à la réalisation d'une étude d'opportunité et d'impact préalable à toute création d'agences.

Source : commission d'enquête

La portée de ces circulaires successives semble avoir été d'autant plus limitée que la secrétaire générale du Gouvernement elle-même a reconnu, devant la commission d'enquête, avoir « dû [s]e replonger dans ces circulaires » rédigées par ses prédécesseurs en prévision de son audition, ajoutant : « le fait que je ne les connaisse pas par coeur est peut-être déjà un signe ... »136(*).

Par ailleurs, la délégation interministérielle à la transformation publique (DIESE) a indiqué au rapporteur qu'aucun comité interministériel de la transformation publique parmi ceux tenus au cours des cinq dernières années n'avait explicitement évoqué cette question.

Pour autant - en parallèle du lancement par la présente commission d'enquête de ses travaux -, le gouvernement actuel a remis sur le métier le travail de revue des missions ministérielles, dans l'optique notamment de disposer d'une cartographie complète des agences dépendant de chaque ministère. Le 21 février 2025, lors des rencontres des cadres dirigeants de l'État, le Premier ministre a ainsi lancé le chantier de la « refondation de l'action publique », qui doit notamment comprendre une revue des opérateurs de l'État.

Dans ce cadre, le ministre de l'action publique, de la fonction publique et de la simplification a, le 21 mars dernier, demandé à l'ensemble des ministres de lui transmettre des plans ministériels de simplification.

Lors de son audition le 7 mai, le ministre s'est montré quelque peu évasif sur l'état d'avancement de ce travail, et prudent sur les suites qui lui seront données, indiquant à la commission que « pour l'instant, la présentation de certains plans ministériels demeur[ait] incomplète », si bien que « pour quelques ministères, une seconde réunion devrait avoir lieu au cours de ce mois »137(*), les plans devant être validés dans le cadre du prochain comité interministériel de la transformation publique (CITP), qui devait initialement se tenir à la mi-juin.

Le ministre n'en a pas moins souligné devant la commission d'enquête la nécessité, pour chaque projet de transformation, d'être justifié par trois grands principes : « d'abord, la lisibilité de l'action publique ; ensuite, la compatibilité culturelle et organisationnelle entre les structures concernées ; enfin, un plan de ressources humaines clair ».

Il a également annoncé avoir proposé au Premier ministre une « approche différenciée selon la typologie des opérateurs », reposant sur trois catégories distinctes :

- la catégorie « A », regroupant les opérateurs performants, c'est-à-dire ceux qui « remplissent leur mission et apport[e]nt une véritable valeur ajoutée à la fonction publique » et auxquels il n'est pas prévu de toucher ;

- la catégorie « B », correspondant aux opérateurs redondants, qui « contribuent à une perte de lisibilité de l'action publique, du fait de compétences qui se recoupent ou de synergies demeurées inexploitées » et pour lesquels des fusions ou des rapprochements peuvent être envisagés ;

- la catégorie « C », rassemblant aux opérateurs créés pour l'agilité, pour lesquels la question de la réinternalisation au sein des ministères peut se poser.

Si une telle typologie pouvait apparaître séduisante et prometteuse, les demandes de précisions faites par le rapporteur au ministre après l'audition n'ont pas permis d'obtenir plus de précisions sur son contenu. En outre cette typologie s'est révélée totalement inconnue de la part de la ministre chargée des comptes publics, qui a indiqué, lors de son audition du 15 mai, travailler selon cinq axes :

(1) rationaliser les réseaux en un acteur unique, afin de gagner en efficience de gestion ;

(2) fusionner les opérateurs aux missions proches, afin de simplifier et d'optimiser ;

(3) supprimer les entités couvrant une mission échue ou satisfaite, de manière à redéployer les moyens ;

(4) réintégrer au sein de l'État les missions et les compétences, pour améliorer le pilotage ;

(5) réintégrer les missions en base zéro en loi de finances138(*), afin de rendre plus sincère le budget.

Cette multiplicité de discours peu coordonnés entre les membres du Gouvernement, s'agissant de la méthodologie retenue pour la revue des missions des ministères et de leurs opérateurs, paraît pour le moins déconcertante à la commission d'enquête.

En tout état de cause, l'absence persistante de cadre général de recours aux agences de la part de l'État et le caractère approximatif de la méthode employée par l'exécutif contrastent avec la pratique de pays voisins, comme il ressort de l'étude de législation comparée commandée par la commission d'enquête139(*).

Ainsi, au Royaume-Uni, des programmes de revue des organismes publics sont régulièrement menés ; le dernier en date a été lancé par le Cabinet Office en 2022 et s'est achevé en mars 2025. Son objectif est d'évaluer la gouvernance, la responsabilité, l'efficacité et l'efficience des agences existantes. En pratique, il s'agit de déterminer si la fonction exercée par un organisme « reste utile et nécessaire » en utilisant les « trois tests » du gouvernement (cf. infra) et, le cas échéant, s'il existe de meilleures alternatives pour atteindre les objectifs du gouvernement (comme la fusion ou la réintégration au sein de l'administration de l'État).

La méthode des « trois tests » du gouvernement britannique

Lorsqu'ils élaborent une proposition de création d'une nouvelle agence (appartenant à l'une des trois catégories de ALB), les ministères doivent la soumettre aux « trois tests » (three tests) élaborés par le gouvernement :

« 1. S'agit-il d'une fonction technique dont la réalisation nécessite une expertise externe ?

2. S'agit-il d'une fonction qui doit être assurée avec une impartialité politique absolue, et perçue comme telle ?

3. S'agit-il d'une fonction qui doit être exercée de manière indépendante des ministres pour établir des faits et/ou des chiffres avec intégrité ? »

La méthode des « trois tests » est également utilisée pour juger de la raison d'être d'une agence existante.

Source : division de législation comparée du Sénat

Dans le cadre du programme de revue 2022-2025, le Cabinet Office s'est engagé à passer en revue 125 agences couvrant 90 % de l'ensemble des dépenses des agences. Début 2024, 60 % des revues avaient été lancées et 35 millions de gains d'efficience identifiés140(*). La liste des agences évaluées est publiée chaque année, une priorité étant donnée aux entités les plus importantes en termes de taille ou de priorité politique. Par exemple, pour l'exercice 2024-2025, une priorité est donnée aux agences qui dépendent du ministère de la défense (10 revues sur la trentaine annoncée)141(*).

b) La dérive d'un « État à côté de l'État »

L'absence de doctrine établie sur le recours aux agences comme de revue régulière de leurs missions a conduit à l'existence de doublons entre les agences et l'administration, voire entre les agences et les collectivités territoriales.

La comparaison des organigrammes de certaines directions d'administration centrale avec ceux des agences rattachés à leur tutelle est à cet égard éloquente : dans beaucoup de cas, les intitulés et missions des services d'administration centrale recoupent, en totalité ou en partie, ceux des services de l'agence dont ils assurent la tutelle.

Ainsi, la différence, dans leurs missions et compétences, entre le bureau DS2A « Établissements du sport » de la direction des sports, d'une part, et le service « Équipements sportifs », au sein de la direction « Développement des pratiques » de l'Agence nationale du sport (ANS), d'autre part, n'apparaît pas évidente ; il en va de même entre le bureau DS2B « Fédérations sportives, sport de haut niveau et sport professionnel » de la même direction et la direction « Haute performance » de l'Agence, ou encore, entre le bureau DS2C « Services territoriaux » de la direction et le service « Développement fédéral et territorial » de l'Agence - qui compte par ailleurs également un conseiller en charge des territoires.

Si la direction des sports a indiqué, lors de son audition, que le travail mené entre janvier 2022 et juin 2023, sous la forme d'un protocole d'organisation et d'une cartographie des missions, avait permis de « préciser clairement la répartition des compétences entre l'Agence et la direction », il subsiste toutefois un grand nombre de missions partagées. Ainsi, près de la moitié des missions relevant de la gouvernance sont exercées conjointement par la direction des sports et par l'Agence. La commission s'étonne que parmi ces missions partagées, figurent des missions de conception et d'évaluation qui devraient, selon elle, relever de la seule administration centrale, telles que l'évaluation de l'ensemble des politiques publiques du sport ; l'élaboration des textes législatifs et réglementaires ; l'élaboration de la convention d'objectifs et de moyens ; le suivi et l'évaluation des objectifs contractualisés avec l'Agence ; ou encore, l'élaboration de la directive nationale d'orientation.

Un besoin similaire de clarification et de simplification apparaît également dans le domaine de la culture, où co-existent, pour chaque filière artistique, à la fois un établissement public et un service du ministère. La direction générale de la création artistique comporte ainsi une délégation aux arts visuels, une délégation à la danse, une délégation à la musique et une délégation au théâtre et aux arts associés, tandis que la direction générale des médias et des industries culturelles compte un service du livre et de la lecture. Or, chacune de ces filières a son propre centre national : le centre national des arts plastiques (CNAP) ; le centre national de la musique (CNM) ; le centre national de la danse (CND) ; le centre national du livre (CNL).

Cette structure en miroir paraît peu efficiente. Il est vrai que dans certains cas, l'établissement public exerce des missions qui ne pourraient par définition pas être portées par les services ministériels ; il en est ainsi du centre national de la danse dont la raison d'être est justifiée par ses locaux-mêmes et les services qu'il propose aux artistes du monde de la danse. Situé à Pantin, le centre met ainsi à disposition des artistes un espace de répétition pour des périodes courtes ou longues, et dispose d'une médiathèque en accès direct.

D'une manière générale, l'éclatement du ministère de la culture en un grand nombre d'opérateurs réduit fortement les possibilités de pilotage. La Cour des comptes regrette ainsi l'absence d'outils efficients de pilotage et même de connaissance en cours d'année des emplois ministériels et des opérateurs de la culture142(*).

Un des exemples probablement les plus frappants de superposition et chevauchement des attributions - et d'ailleurs déjà identifié par d'autres rapports parlementaires143(*) - est constitué par l'Établissement public du marais poitevin (EPMP), créé par le décret n° 2011-912 du 29 juillet 2011. Ayant pour mission principale de coordonner la gestion de l'eau et de la biodiversité sur le marais et sur les bassins versants qui l'alimentent - soit un périmètre d'intervention total de 639 000 ha -, il coexiste, ce faisant, avec : le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres ; les directions départementales des territoires et de la mer (DDTM) des Deux-Sèvres, de Charente-Maritime et de Vendée ; la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) ; ainsi que l'agence de l'eau du bassin de Loire-Bretagne.

Par ailleurs, est également posée la question de l'articulation entre les agences et les collectivités territoriales, dans le contexte des transferts de compétences liés à la décentralisation. Ainsi, la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a transféré les compétences d'information sur l'orientation aux régions, modifiant profondément les missions de l'Office national d'information sur les enseignements et les professions (Onisep) en région.

La décision a été prise de maintenir le réseau territorial de l'Onisep et d'en réduire les effectifs à 95 équivalents temps plein (ETP) à l'horizon de la fin 2022 - objectif qui a été atteint dans le délai fixé, même si les 95 ETP restants, ou 117 ETP selon la Cour des comptes144(*), n'exercent en fait pas uniquement des tâches nationales. Ces 95 ETP se répartissent comme suit :

- 17 directeurs territoriaux ayant des équipes de 2 à 13 agents ;

- une quarantaine de responsables de données collectant des informations sur les formations et métiers pour les bases de données du siège ;

- une quarantaine de responsables de l'accompagnement pédagogique dont les missions et l'activité varient fortement selon les implantations.

La décision du maintien du réseau territorial de l'Onisep s'est accompagnée en 2020 d'un changement de nom - elles sont devenues des « directions territoriales » - ; d'un changement de positionnement - elles sont dirigées par un directeur territorial exerçant sous l'autorité fonctionnelle du délégué régional académique à l'information et à l'orientation et sous l'autorité hiérarchique du directeur général de l'Onisep - ; et d'un changement de leur champ géographique de compétences : elles ne sont plus académiques mais régionales.

Dans son rapport de 2024, la Cour des comptes souligne que, malgré la signature de conventions, du reste souvent peu précises, le cadre nouveau met du temps à se mettre en place et le partage des rôles sur le terrain n'est pas toujours clair.

Ce manque de coordination et ce besoin de clarification sont également ressortis des auditions de la commission d'enquête145(*). Un représentant de l'association Régions de France a avancé, comme « exemple concret de non-coopération », le fait que « l'Onisep a développé [...] la plateforme numérique "Avenir(s)" sans aucune concertation avec les régions » 146(*); de son côté, la directrice générale de l'Onisep a admis que le dialogue avec les régions s'était « rompu » après la présentation des maquettes de la plateforme « Avenir(s) ».

En tout état de cause, la directrice générale de l'Onisep a mis en avant la nécessité d'attendre les conclusions de la concertation nationale et territoriale sur l'orientation lancée par les ministres en charge de l'éducation nationale le 28 novembre 2024 pour se prononcer sur le maintien à terme du réseau territorial ; d'ici là, la suppression des 17 postes de directeur territorial pourrait être envisagée, comme le suggère la Cour des comptes. En conséquence, les équipes territoriales - dont il faudrait s'assurer qu'elles n'exécutent effectivement que les missions qui ne sont pas partagées avec les régions, c'est-à-dire les missions d'élaboration et d'actualisation des données, ainsi que la mission d'accompagnement pédagogique - seraient gérées par le siège de l'Onisep.

Du reste, la commission est au moins aussi frappée par l'existence de ces formes de doublons et de chevauchements, que par l'incapacité, de la part de l'administration centrale, de se prononcer avec certitude sur l'existence de doublons entre ses propres services et ceux des agences : il s'agit d'une preuve supplémentaire du caractère approximatif de la connaissance, de la part de l'État, de l'organisation et des missions de certaines agences, et à tout le moins de l'absence d'une vision agrégée.

À certains égards, les agences paraissent ainsi obéir à un fonctionnement parallèle de celui de l'administration centrale ; en résulte l'impression d'un État à côté de l'État, renforcée par la tendance de certaines agences à accomplir elles-mêmes des fonctions stratégiques, au-delà des fonctions exécutives qui leur avaient été initialement confiées.

B. FACE À L'ABSENCE D'ÉTAT STRATÈGE, LES AGENCES DÉPASSENT LEURS FONCTIONS EXÉCUTIVES, CONTRIBUANT AU SENTIMENT D'UNE « FUITE DES CERVEAUX » AU DÉTRIMENT DE L'ADMINISTRATION CENTRALE

1. En théorie chargées de la stricte mise en oeuvre et de l'exécution de politiques publiques, les agences se retrouvent parfois à accomplir des fonctions de niveau stratégique et décisionnel

Les auditions font état d'une tendance, sinon générale, du moins fréquente, à la dérive dans la façon dont les agences exercent leurs missions : dépassant les fonctions strictement exécutives dont elles ont été initialement chargées, elles tendent à accomplir des fonctions stratégiques de conception des politiques publiques, qui devraient relever de l'État ou des élus locaux.

Dans certains cas, cette appétence à jouer un rôle stratégique paraît liée à une ambiguïté affectant la compréhension des missions de l'agence et remontant à la création même de l'agence. De façon quelque peu surprenante, le président du conseil d'administration de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) définit ainsi les missions de l'agence par la « conception », le « pilotage » et l'« animation d'actions » ; dit autrement, l'ANCT « doit accomplir des missions d'État stratège, en vertu de la loi »147(*).

Pourtant, aux termes des articles L. 1231-1 à L. 1231-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT), l'ANCT a uniquement des missions de conseil, de soutien, de veille, d'alerte, d'information, d'orientation auprès des collectivités territoriales, ainsi que de mise en oeuvre de la politique de l'État en matière d'aménagement durable et de cohésion des territoires, lesquelles se distinguent précisément des missions de conception et d'élaboration qui correspondent aux missions de l'État stratège.

Les cinq principales missions de l'ANCT (article L. 1231-2 du CGCT)

(1) L'Agence a pour mission de conseiller et de soutenir les collectivités territoriales [...] dans la conception, la définition et la mise en oeuvre de leurs projets, notamment en faveur de l'accès aux services publics, de l'accès aux soins [...], du logement, dont la rénovation de l'habitat dégradé, des mobilités, de la mobilisation pour les quartiers prioritaires de la politique de la ville et les quartiers urbains en difficulté, de la revitalisation, notamment commerciale et artisanale, des centres-villes et centres-bourgs, de la transition écologique, de la lutte contre l'artificialisation des sols, du développement économique ou du développement des usages numériques. À ce titre, elle facilite l'accès des porteurs de projets aux différentes formes, publiques ou privées, d'ingénierie juridique, financière et technique, qu'elle recense. Elle apporte un concours humain et financier aux collectivités territoriales et à leurs groupements. Elle favorise la coopération entre les territoires et la mise à disposition

de compétences de collectivités territoriales et de leurs groupements au bénéfice d'autres collectivités territoriales et groupements. Elle centralise, met à disposition et partage

les informations relatives aux projets en matière d'aménagement et de cohésion des territoires dont elle a connaissance. Elle soutient les réseaux associatifs dans le cadre des compétences qui lui sont attribuées. [...] [Elle] assure une mission de veille et d'alerte afin de sensibiliser et d'informer les administrations ainsi que les opérateurs publics et privés sur les impacts territoriaux de leurs décisions en matière de cohésion et d'équité territoriales. L'agence informe et oriente, le cas échéant, les porteurs de projets dans leur demande de subvention au titre des fonds européens structurels et d'investissement auprès des autorités de gestion compétentes. [...] »

(2) L'agence assure la mise en oeuvre de la politique de l'État en matière d'aménagement durable et de cohésion des territoires en conduisant des programmes nationaux territorialisés et en prévoyant la mise en oeuvre déconcentrée de ces programmes au moyen de contrats de cohésion territoriale [...].

(3) L'agence veille à la prise en compte des spécificités des territoires de montagne et contribue au développement, à la valorisation et à la protection de ceux-ci [...].

(4) L'agence [...] favorise l'aménagement et la restructuration des espaces commerciaux et artisanaux dans certains territoires [...].

(5) L'agence a pour mission d'impulser, d'aider à concevoir et d'accompagner les projets et les initiatives portés par l'État, les collectivités territoriales et leurs groupements, les réseaux d'entreprises et les associations dans le domaine du numérique. [...].

Source : article L. 1232-2 du code général des collectivités territoriales

En outre, certaines personnes auditionnées ont défini le rôle originel de l'ANCT comme celui d'un « opérateur d'opérateurs »148(*), sans sembler se rendre compte, du reste, de tout ce qu'une telle formule révélait des rapports entre l'État, cette agence et les collectivités territoriales.

Se dessine ainsi une organisation singulière, où l'agence apparaît comme un acteur non seulement autonome de l'État, mais qui tend à se situer sur le même niveau que lui. Si la « vocation ensemblière » de l'ANCT et sa façon de « faire dialoguer des politiques publiques » ont été mises en avant au cours des auditions comme des atouts majeurs, elles semblent surtout s'éloigner de la lettre et de l'esprit de la loi, et brouiller la répartition des compétences entre l'État - qu'il soit central ou déconcentré - et cette agence.

Le rôle joué par l'ANCT de « maîtrise d'ouvrage déléguée pour le compte d'un ministère donneur d'ordres » est assurément utile, de même que son objectif d'offrir des réponses territorialisées ; le fait que l'ANCT se soit érigée en coordonnateur de politiques publiques ou encore de « trait d'union » entre l'administration centrale et les collectivités territoriales apparaît toutefois caractéristique d'une logique faussée, pour ne pas dire inversée, des relations entre l'État et cet opérateur. La vision selon laquelle le « réseau » territorial de l'ANCT « inclut l'État déconcentré », selon les termes entendus en audition, semble à ce titre procéder d'une inversion, ou à tout le moins d'une dérive, des principes régissant l'organisation de l'État.

À côté des agences qui ont d'emblée entendu jouer le rôle stratégique qui devrait incomber à l'État et à lui seul, s'ajoutent les cas des agences qui ont acquis, au fur et à mesure de leur existence, un poids significatif, soit parce que leur expertise s'est confirmée et enrichie, soit parce que le public cible s'est élargi, voire les deux. Lorsque la compétence technique et les financements sont principalement portés par l'opérateur lui-même, la capacité de pilotage stratégique de l'État se trouve logiquement affaiblie ; tel est notamment le cas de France Travail s'agissant des dispositifs de retour à l'emploi.

Par ailleurs, le fait que, dans certains domaines, les opérateurs concentrent les spécialistes et personnalités reconnues d'un secteur donné contribue à un rapport de force déséquilibré en défaveur de l'administration centrale : les opérateurs du ministère de la culture sont à cet égard emblématiques.

Un ministère de la culture réduit à peau de chagrin ;
des opérateurs très puissants

D'après les données transmises par l'intermédiaire du secrétariat général du Gouvernement, 86 entités (la quasi-totalité ayant le statut d'opérateur avec des statuts variés) ont pour ministère de tutelle le ministère de la Culture. Les domaines d'intervention sont également divers : l'enseignement supérieur et la recherche, les musées, ou encore le soutien financier et la régulation. Ces structures sont aussi de taille très différente. Ainsi, s'agissant des opérateurs, 6 comptent moins de 50 ETPT quand 9 dépassent les 1 000.

Les plus petits et les plus grands opérateurs du ministère de la Culture

Source : Commission d'enquête, à partir des données des projets annuels de performance des missions « Culture » et « Médias, livre et industries culturelles », annexés au projet de loi de finances pour 2025

N.B. Les écoles d'architectures sont considérées comme un opérateur unique dans les tableaux de la documentation budgétaire, quand bien même il s'agit de 20 structures juridiques autonomes.

Ce très fort démembrement du ministère se trouve illustré par la place importante qu'occupent les opérateurs dans le programme annuel de performance de la mission Culture.

Sur les 28 485 emplois rémunérés par le ministère en 2023, 8 969 emplois, soit 31 %, relèvent du titre 2 (personnels directement rémunérés par le ministère) et 19 526 emplois, soit 69 %, relèvent du titre 3 (dépenses de fonctionnement, pour les agents affectés au sein des opérateurs). Cependant, pour avoir une vision complète des effectifs présents dans les opérateurs, il convient d'ajouter les agents titulaires qui sont directement payés sur les crédits du ministère mais affectés dans les opérateurs (le personnel fonctionnaire des écoles d'architecture représente 60 % de cette cohorte). Ainsi, le personnel affecté en administration centrale et dans les DRAC représente seulement 13,5 % des effectifs du ministère. À titre de comparaison, le ratio est de 65,2 % pour le ministère chargé de l'écologie ou 72 % pour celui chargé de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Comme l'a résumé Roch-Olivier Maistre devant la commission d'enquête, « Le ministère de la Culture est caractérisé par un « réseau d'opérateurs considérable ».

* Comprend les Archives Départementales (AD), les Bibliothèques Municipales Classées (BMC) et les élèves fonctionnaires de l'École de Chaillot et de l'Institut National du Patrimoine (INP)

Source : Rapport social unique 2023, périmètre ministériel, ministère de la Culture, présenté lors du comité social d'administration ministériel du 16 mai 2025

Les effectifs de l'administration centrale du ministère représentent 5 % des effectifs du ministère. Or comme l'a souligné le secrétaire général du ministère, l'administration centrale assure une partie des fonctions support des opérateurs : les actes de gestion RH/paie des agents titulaires des opérateurs gérés sur le budget du ministère, groupements de commande, financement et fourniture du matériel informatique, des logiciels et du support utilisateurs pour les services à compétence nationale (essentiellement des musées), accompagnement des opérateurs dans l'expression de leurs besoins immobiliers et la recherche des locaux adaptés, assistance juridique.

Les effectifs du ministère consacrés à la définition de la politique culturelle, à la rédaction de la réglementation, à l'audit interne ou à la tutelle des opérateurs, prérogatives de l'administration centrale, sont donc réduits à une portion congrue : 310 A+ et 713 A. Le ministère de la Culture apparait limité à un simple rôle de gestionnaire, donnant le champ libre à ses opérateurs pour définir la politique culturelle.

Source : commission d'enquête

2. Les agences en arrivent parfois à créer de la norme au lieu de se limiter à l'appliquer

Il est fréquemment déploré que certaines agences élaborent désormais la norme en lieu et place de l'État.

Selon l'AMF, les agences de l'eau « établissent des critères qui ne sont pas définis par la loi ni par le règlement, très techniques, mais qui infléchissent l'aménagement du territoire par les financements qu'ils procurent, rendant possibles ou impossibles des projets sans que vous compreniez toujours pourquoi »149(*). Dès lors, l'existence d'un « système hybride, où il existe toujours une administration « administrante » aux côtés d'agences qui sont parfois en concurrence avec les services de l'État peut donner lieu à des interprétations contradictoires qui conduisent à bloquer des projets locaux »150(*).

Le même constat a été avancé devant la commission d'enquête par les syndicats agricoles, indiquant recevoir des avis contradictoires de la part de l'agence de l'eau et des services préfectoraux pour la constitution de retenues d'eau, alors même que le préfet est en théorie associé à la gouvernance de cette agence151(*).

Cette véritable dérive est un signe fort de l'autonomisation croissante des agences par rapport aux administrations centrales et contribue au sentiment de complexité des citoyens face à l'action publique.

3. Comme employeur public, l'administration centrale sort perdante de la concurrence qui se joue entre elle et les agences

Une plus grande liberté couplée à une plus forte responsabilité dans l'exercice de ses missions, une culture d'établissement marquée, une équipe soudée autour d'activités relevant d'une thématique identifiée : les postes de dirigeants d'établissements publics ne manquent pas d'attraits supposés pour les agents de l'encadrement supérieur de l'État.

Si les mobilités effectuées par les agents publics depuis l'administration centrale vers les agences ne font, de façon surprenante, l'objet d'aucun recensement particulier de la part de la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP), la secrétaire générale du Gouvernement a indiqué avoir été témoin de l'envie exprimée par de nombreux hauts fonctionnaires de « rejoindre un opérateur, ayant l'impression que l'on y dispose de plus de marges de manoeuvre »152(*). Que cette impression soit fondée ou non153(*), il n'en reste pas moins que les postes de direction dans les établissements publics disposent d'une force d'attraction certaine, en particulier auprès des jeunes hauts fonctionnaires.

a) Le statut de la fonction publique permet aux fonctionnaires de rejoindre une agence

Les fonctionnaires des ministères peuvent rejoindre une agence (qu'ils relèvent ou non du périmètre du ministère d'origine de l'agent) sous différentes modalités :

- en position normale d'activité (pour les seuls établissements publics administratifs) : le fonctionnaire poursuit alors sa carrière et perçoit son traitement comme s'il travaillait en ministère ;

- par la voie du détachement : le fonctionnaire est rémunéré par l'établissement d'accueil ; il est placé hors de son corps ou cadre d'emplois d'origine, mais continue à bénéficier, dans ce corps ou cadre d'emplois, de ses droits à l'avancement et à la retraite154(*), conformément au principe de la « double carrière » ;

- par la voie de la mise à disposition : le fonctionnaire demeure dans son corps ou cadre d'emplois d'origine, continue à percevoir la rémunération correspondante mais exerce ses fonctions dans une autre administration155(*) ;

- par la voie de la disponibilité : le fonctionnaire cesse alors de bénéficier de ses droits à l'avancement et à la retraite et est rémunéré par l'établissement d'accueil.

Si le pourcentage de l'ensemble des fonctionnaires effectuant une mobilité au sein d'une agence n'est pas connu, des données sont en revanche disponibles pour les cadres dirigeants.

D'après la base de données couvrant les établissements publics ainsi que les autorités administratives ou publiques indépendantes dont dispose la délégation interministérielle à l'encadrement supérieur de l'État (DIESE), comme indiqué supra, 143 cadres dirigeants issus des trois versants de la fonction publique, dont 39 femmes et 104 hommes, occupent les plus hautes fonctions exécutives dans des établissements publics ou des autorités administratives ou publiques indépendantes156(*), pour lesquelles ils ont été nommés en conseil des ministres. Sur ces 143 cadres, 112 ont le statut de fonctionnaires ; la grande majorité d'entre eux, soit 92, relèvent de la fonction publique d'État.

Statut des agents publics occupant les postes de direction des établissements publics et des autorités administratives ou publiques indépendantes

Corps ou cadre d'emplois ou emploi

Nombre d'agents

Fonctionnaires

112

Fonction publique d'État (92)

Administrateur de l'État

26

Administrateur des affaires maritimes

1

Administrateur des finances publiques

1

Directeur de recherche de l'IRD

1

Ingénieur de l'armement

4

Ingénieur des mines

8

Ingénieur des ponts, des eaux et des forêts

19

Ingénieur des travaux publics de l'État

1

Inspecteur général de l'INSEE

1

Inspecteur général des affaires sociales

4

Inspection de santé publique vétérinaire

1

Inspection générale des finances

3

Magistrat de la Cour des comptes

7

Médecin inspecteur de santé publique

1

Membre du Conseil d'État

7

Ministre plénipotentiaire

1

Officier de l'armée de terre

1

Préfet

1

Professeur des universités

4

Fonction publique territoriale (10)

Administrateur territorial

1

Conservateur du patrimoine

2

Conservateur général du patrimoine

7

Fonction publique hospitalière (10)

Directeur d'hôpital

8

· Praticien hospitalier

1

· Professeur des universités praticiens hospitaliers

1

Agents publics contractuels

31

Source : commission d'enquête à partir des éléments transmis par la DIESE

Si les données transmises ne permettent pas de retracer de façon précise et exhaustive les parcours des fonctionnaires issus du versant étatique, la DIESE a en revanche indiqué que les fonctionnaires hospitaliers occupent tous des fonctions dans des opérateurs rattachés au ministère chargé de la santé et des affaires sociales. De façon analogue, tous les conservateurs du patrimoine sont en poste dans des établissements dont le ministère de la culture assure la tutelle.

Les fonctions exécutives de haut niveau des établissements publics qui appartiennent au périmètre dit des « emplois supérieurs de l'État » sont énumérées par le décret n° 2022-760 du 29 avril 2022157(*) ; en théorie, ce sont donc pas moins de 205 postes qui sont susceptibles d'être occupés par des hauts fonctionnaires. Ils constituent pour ces derniers des débouchés pour ainsi dire naturels et d'autant plus attractifs du fait de l'organisation pyramidale de l'administration et du nombre restreint de postes d'encadrement.

b) Des rémunérations plus élevées dans les agences qu'en administration centrale ?

Avant tout, la commission d'enquête est frappée par l'incapacité du pouvoir exécutif à transmettre des éléments précis et chiffrés permettant d'infirmer nettement ou au contraire de confirmer l'hypothèse selon laquelle, à poste comparable, les rémunérations sont plus élevées dans les agences qu'en administration centrale.

En tout état cause, il convient de distinguer à la fois les dirigeants des établissements publics du reste du personnel, d'une part, et les contractuels des fonctionnaires, d'autre part.

(1) Le personnel non dirigeant des établissements publics

S'agissant tout d'abord des personnels non dirigeants au statut de fonctionnaires, leur rémunération est cadrée (pour le régime indemnitaire) et fixée (pour le traitement indiciaire brut et les indemnités accessoires pour charges de famille ou de résidence) par voie réglementaire, sans que l'établissement ne puisse s'en écarter.

La rémunération des fonctionnaires : principes généraux

La rémunération des fonctionnaires comprend deux parties :

- le traitement brut, qui repose sur une grille indiciaire liée au grade de l'agent ;

- et une partie indemnitaire, qui est liée à l'employeur, aux fonctions exercées, à la réalisation d'heures supplémentaires ou à des sujétions particulières. Les primes et indemnités comprennent notamment :

ü l'indemnité de résidence, qui dépend de la commune d'affectation ;

ü le supplément familial de traitement, dont le montant dépend du nombre d'enfants à charge ;

ü des primes ponctuelles ou accessoires, telles que le complément indemnitaire annuel (CIA), introduit dans le cadre du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP), déployé à partir de 2014. Le CIA tient compte de l'engagement professionnel et de la manière de servir de l'agent, évalués lors de l'entretien professionnel annuel mené par son supérieur hiérarchique direct. Il est compris entre 0 et 100 % d'un montant maximal par groupe de fonctions fixé par arrêté ministériel.

La part des primes et indemnités (y compris l'indemnité de résidence et le supplément familial de traitement) dans le salaire brut s'établit en 2022 à 23,8 % en moyenne dans la fonction publique de l'État ; cette part varie fortement selon les catégories, s'élevant de 19,2 % pour la catégorie A à 34 % pour la catégorie B, en passant par 28,4 % pour la catégorie C158(*).

Source : DGAFP, Rapport annuel sur l'état de la fonction publique, novembre 2024

La rémunération proposée par l'agence aux fonctionnaires détachés est par ailleurs examinée et visée préalablement par le contrôleur budgétaire et comptable ministériel (CBCM) qui veille à ce qu'il ne soit pas accordé d'avantage lié au détachement.

La rémunération des personnels non dirigeants qui sont recrutés sur contrat est quant à elle fixée en fonction des choix de gestion de l'établissement public concerné.

En outre, les mesures salariales des EPIC doivent être approuvées par les ministres chargés des tutelles technique et financière avant d'entrer en vigueur159(*). Cette approbation prend la forme du cadrage de l'évolution de la rémunération moyenne des personnels en place (RMPP) :

- chaque année, le ministre chargé du budget détermine un cadrage transversal de l'évolution de la RMPP qui intègre l'ensemble des mesures salariales des entreprises : mesures générales, catégorielles et individuelles (GVT), hors primes d'intéressement ou de participation.

- le cadrage transversal est ensuite décliné pour chaque organisme, sous le contrôle du cabinet et en liaison avec le ministère de tutelle concerné. Seul le cadrage individuel s'impose à ces organismes.

Au-delà de ces principes généraux, la comparaison entre le salaire moyen en administration centrale et le salaire moyen en établissement pour un agent non dirigeant, à poste et niveau de responsabilités comparable, n'est pas aisée.

D'après les données disponibles160(*), le salaire mensuel moyen perçu par les agents des ministères est supérieur à celui des agents des établissements publics administratifs (2 808 euros nets contre 2 546 euros nets). Cet écart est notamment dû :

- à la plus forte proportion de fonctionnaires dans les ministères (8 agents sur 10) que dans les EPA (4 agents sur 10) ; or, les fonctionnaires sont en moyenne mieux rémunérés que les contractuels ;

- à une répartition différente des agents entre les catégories hiérarchiques : dans les ministères, les agents de catégorie A sont ainsi plus nombreux (62 %) que dans les EPA (56 %), tandis que les agents de catégorie C y sont moins nombreux (18 % dans les ministères, contre 21 % dans les EPA)161(*).

Au-delà de cette vision agrégée, toutefois, apparaissent des variations importantes selon les ministères. Dans la majorité des ministères, le salaire net moyen mensuel est supérieur au salaire net moyen mensuel des EPA relevant de leur tutelle respective ; toutefois, trois ministères présentent des salaires nets mensuels moyens inférieurs à ceux des établissements publics administratifs relevant de leur tutelle respective : les ministères de l'intérieur et de l'outre-mer ; les ministères économiques et financiers ; le ministère de l'Europe et des affaires étrangères.

Salaires nets mensuels moyens dans les ministères et dans les EPA selon le département ministériel en 2022 (en euros)

Source : commission d'enquête d'après la DGAFP, Rapport sur l'état de la fonction publique, novembre 2024. Transition-Cohésion : Transition écologique et solidaire, Logement et Habitat durable et Cohésion des territoires

(2) Le personnel dirigeant des établissements publics

La rémunération des dirigeants des établissements publics administratifs de l'État soumis à la gestion budgétaire et comptable publique162(*), ainsi que celle du directeur général de France Travail, sont régies par les dispositions du décret n° 2017-870 du 9 mai 2017, dont la mise en oeuvre est précisée par la circulaire du ministre de l'économie et des finances et du ministre chargé des comptes publics en date du 27 novembre 2020.

Ces textes distinguent le cas du dirigeant en position statutaire de celui du dirigeant recruté sur contrat.

Lorsque le dirigeant exerce ses fonctions en position d'activité ou qu'il est détaché, le ministre chargé du budget peut compléter sa rémunération statutaire par une indemnité dont le montant est fixé au vu la situation de l'intéressé. Le versement de cette indemnité vise à « favoriser la mobilité des dirigeants et cadres dirigeants au sein de la fonction et du secteur publics ».

C'est le ministre de tutelle de l'établissement qui saisit le ministre chargé du budget d'une proposition d'indemnité, « accompagnée des éléments permettant d'en apprécier la pertinence ». L'attribution de l'indemnité est ensuite laissée à la discrétion du ministre chargé du budget.

Dans tous les cas, le montant de l'indemnité décidée ne peut conduire à porter la rémunération annuelle brute totale de l'agent public à un montant supérieur à celui de la rémunération annuelle brute totale qu'il a perçue lors des douze derniers mois précédant sa nomination en exerçant des fonctions de niveau équivalent.

Lorsque le dirigeant est recruté sur contrat, et que la rémunération n'est donc pas déterminée par un statut d'emploi ni par l'occupation de l'emploi ou de la fonction en position d'activité ou de détachement dans un corps, la rémunération annuelle brute totale est fixée par décision du ministre chargé du budget, sur saisine du ou des ministres exerçant la tutelle sur l'établissement. Cette décision est ensuite transmise au ministre de tutelle. Enfin, le contrat conclu entre celui-ci et l'intéressé est soumis au visa du contrôleur budgétaire et comptable ministériel près le ministre de tutelle, qui s'assure du respect des termes de la décision du ministre chargé du budget.

La rémunération du dirigeant est fixée pour la durée de son mandat ou, le cas échéant, pour la durée de son détachement dans l'emploi ; elle ne peut donner lieu à aucune revalorisation annuelle ou infra-annuelle.

Cette rémunération comprend :

une part fixe composée d'une part fonctionnelle liée à l'importance de l'emploi163(*) et, le cas échéant, d'un complément personnel non reconductible pour le successeur, permettant de tenir compte de la carrière ou de la rémunération antérieure de l'intéressé, dans la limite de 20 % de la part fonctionnelle ;

- une part variable plafonnée à 25 % de la part fonctionnelle.

Les objectifs et les indicateurs quantitatifs et qualitatifs permettant de déterminer la part variable sont définis et notifiés au dirigeant avant le 30 juin de l'année considérée par le ministre de tutelle. La circulaire du 27 novembre 2020 préconise qu'ils soient « cohérents avec le contrat d'objectifs de l'établissement quand il existe » ; en effet, la lettre de mission adressée par le ministre de tutelle à chaque dirigeant d'établissement au vu des priorités et objectifs retenus par le contrat de performance permet elle aussi de définir les indicateurs de performance à partir desquels est calculée cette part variable.

En outre, le président du conseil d'administration peut être associé à la procédure de définition et de notification de la part variable.

Après évaluation par le ministre de tutelle, la part variable est versée en une seule fois l'année suivant celle au titre de laquelle elle est attribuée, et après information du contrôleur budgétaire.

En pratique, l'aspect réellement incitatif de la part variable est remis en cause, dans certains ministères, par les contrôleurs budgétaires qui soulignent le caractère assez formel de certains objectifs ou indicateurs utilisés pour la déterminer.

Les rémunérations des dirigeants des établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) sont fixées, quant à elles, par le ministre chargé du budget, conjointement avec le ministre chargé de l'économie, selon les mêmes règles de procédure et la même structuration de la rémunération en part fixe et en part variable.

Un exemple : la rémunération du personnel dirigeant de l'Ademe

Les deux directeurs généraux délégués, le secrétaire général ainsi qu'un directeur régional bénéficient d'une part variable dans leur rémunération, basée sur des objectifs fixés par le président de l'agence.

Par ailleurs, une prime modulable de résultat managérial peut être versée aux agents de l'agence qui exercent des responsabilités d'encadrement ; d'une valeur moyenne de 2 000 € bruts par an164(*), cette prime a été augmentée à 2/3 d'un mois de salaire en 2024, pouvant varier de 50 % autour de cette valeur.

La rémunération du président est quant à elle établie sur la base d'objectifs annuels fixés par les ministres de tutelle, avec un contrôle annuel par le CBCM.

Source : éléments transmis au rapporteur par l'Ademe

En tout état de cause, les données du « jaune » budgétaire invitent à nuancer l'idée selon laquelle les agences de l'État offriraient des rémunérations plus élevées que les ministères pour les postes de direction.

Ainsi, le salaire moyen brut d'un dirigeant appartenant au « top 10 » des dirigeants les mieux rémunérés d'un opérateur (au sens du « jaune » budgétaire) s'élève à 7 986,58 euros en 2023165(*), contre 16 799 euros dans les ministères166(*).

De plus, seuls quatre opérateurs présentent, en 2023, un salaire brut mensuel des dirigeants du « top 10 » qui est supérieur à cette moyenne ministérielle : la Société du Grand Paris ; le Centre national d'études spatiales ; l'Opéra national de Paris ; et l'Institut français du pétrole et des énergies nouvelles.

Pour autant, même dans ces cas-là, le salaire brut mensuel moyen des dirigeants du « top 10 » n'est pas toujours supérieur au salaire brut mensuel moyen des dirigeants du ministère de tutelle. Ainsi, dans le monde de la culture, un haut dirigeant gagne davantage à l'Opéra national de Paris qu'en ministère ; en revanche, dans le domaine de l'environnement et de l'écologie, la situation est plus contrastée, un dirigeant de la Société du Grand Paris167(*) gagnant moins qu'un directeur du ministère de la transition écologique.

Les dix opérateurs dont la somme des dix plus importantes rémunérations brutes est la plus importante et comparaison avec le ministère de tutelle

(rémunération brute mensuelle en euros)

Opérateur

Ministère de tutelle

Opérateur

Statut

Salaire individuel moyen brut des 10 plus importantes rémunérations (2023)

Ministère de tutelle en 2023

Salaire individuel moyen brut des 10 plus importantes rémunérations (2023)

Société du Grand Paris

EPIC

18 583

Transition écologique et solidaire168(*)

20 120

Centre national d'études spatiales

EPIC

18 183

Enseignement supérieur et recherche

14 950

Opéra national de Paris

EPIC

17 633

Culture

14 924

Institut français du pétrole et des énergies nouvelles169(*)

EPIC

16 917

Transition écologique et solidaire

20 120

Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives

EPIC

16 500

Enseignement supérieur et recherche

14 950

Agence pour l'enseignement français à l'étranger

EPA

15 583

Europe et affaires étrangères

12 841

École navale

EPSP

14 700

Armées

16 410

France Travail

EPA

14 333

Ministères sociaux

16 022

Solideo

EPIC

13 725

Sport

14 950

Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire170(*)

EPIC

13 692

Transition écologique et solidaire171(*)

20 120

Source : commission d'enquête à partir du jaune budgétaire « Opérateur » et du rapport de la DGAFP sur l'état de la fonction publique

Dans ces conditions, la rémunération versée aux dirigeants du « top 10 » des opérateurs ne constitue pas en elle-même un facteur d'attractivité déterminant par rapport aux postes de direction en administration centrale. Il convient toutefois de souligner que les chiffres indiqués dans le jaune budgétaire sont une moyenne des 10 plus hautes rémunérations et n'informent donc pas directement sur la rémunération du directeur général.

c) Une « évaporation » des hauts fonctionnaires après leur passage en opérateur ?

Après avoir travaillé dans une agence, un fonctionnaire peut regagner son administration d'origine selon les règles qui régissent sa position administrative au sein de l'opérateur d'accueil.

Ainsi, un agent affecté en position d'activité au sein d'un opérateur ne bénéficie pas d'un droit automatique au retour dans son administration d'origine : il doit effectuer une mobilité dans les conditions de droit commun (identification d'un poste vacant, candidature, processus de sélection, etc.).

En revanche, un agent en détachement au sein d'un opérateur dispose d'un droit au retour dans son administration d'origine, au besoin en surnombre, à la date d'expiration prévue de son détachement si lui ou l'opérateur d'accueil n'a pas souhaité sa prolongation172(*). Si le fonctionnaire détaché souhaite un retour anticipé (c'est-à-dire avant la date d'expiration du détachement), il ne sera réintégré dans son administration d'origine que dans le cas où un poste vacant correspondant à son grade est disponible. Dans le cas contraire, il sera placé en disponibilité (donc non rémunéré) jusqu'à ce qu'intervienne sa réintégration à l'une des trois premières vacances dans son grade. Si c'est l'opérateur d'accueil qui sollicite la fin anticipée du détachement, il doit continuer à rémunérer le fonctionnaire jusqu'à ce que son administration d'origine puisse le réintégrer sur un emploi vacant173(*).

De même, un agent contractuel de l'État employé pour une durée indéterminée qui a été mis à disposition d'un opérateur de l'État ou qui bénéficie d'un congé de mobilité pour exercer au sein de cet opérateur peut réintégrer son administration d'origine, sur son précédent poste s'il est vacant ou, à défaut, sur un poste équivalent.

Ainsi, les difficultés de reclassement sont limitées aux cas d'absence de poste vacant au sein de l'administration d'origine, lorsque celle-ci n'a pas anticipé le retour potentiel de son agent.

Au-delà de ces éventuelles difficultés à retrouver un poste au sein de l'administration d'origine, le fonctionnaire qui a rejoint un opérateur peut subir une perte de rémunération dans l'hypothèse où il a été détaché sur contrat au sein d'un opérateur recrutant selon cette modalité, et où la rémunération prévue par son contrat était supérieure à celle qu'il percevait dans son administration d'origine. En revanche, le fonctionnaire en activité au sein d'un opérateur ne voit pas sa rémunération affectée en cas de retour dans son administrateur d'origine, dans la mesure où il a conservé au sein de l'opérateur la rémunération correspondant à son grade et à son échelon, et qu'il a bénéficié du régime indemnitaire de son corps d'appartenance ; il en va de même pour un fonctionnaire en détachement sur un emploi permanent de l'opérateur si celui-ci est un établissement public à caractère administratif.

Il n'en reste pas moins une conséquence indéniablement négative pour l'agent qui quitte un poste au sein d'un opérateur, à savoir l'absence de garantie de retrouver un poste en administration centrale offrant un niveau de responsabilités comparable à celui qui était le sien au sein de l'opérateur. Cette perte de responsabilité et de reconnaissance associée, ainsi que l'impression de régression qui peut en découler pour l'agent public semblent constituer un frein non négligeable au retour en administration centrale, et favoriser a contrario la poursuite de la carrière à l'extérieur des ministères - même si aucune donnée n'est disponible à ce sujet non plus de la part de la DGAFP, ce que la commission d'enquête ne peut que déplorer.

Dans ce contexte, il paraît nécessaire que l'administration centrale de l'État retrouve sa primauté décisionnelle et stratégique. En renforçant son rôle de pilotage des politiques publiques, l'administration centrale pourra à la fois mieux contrôler l'action des agences, et bénéficiera d'une plus grande attractivité en tant qu'employeur.

C. L'ADMINISTRATION CENTRALE DOIT PLEINEMENT JOUER SON RÔLE DE PILOTAGE DES POLITIQUES PUBLIQUES

Faute d'une tutelle exercée de manière rigoureuse, les agences ont fini par exercer des prérogatives qui ne leur reviennent pas, à l'instar de l'édiction de normes. Cette dernière partie vise à redonner les moyens aux ministères d'être les seuls à concevoir les politiques publiques, notamment par l'élaboration de la réglementation, puis à les piloter. Les agences doivent redevenir des structures au service de la mise en oeuvre desdites politiques.

1. L'administration centrale doit disposer de l'ensemble des données nécessaires à la conception et au pilotage des politiques publiques

Il ressort des auditions menées par la commission d'enquête un constat pour le moins surprenant : l'État, en dépit du service statistique public existant, est tributaire, dans certains domaines, des données détenues par ses agences, auxquelles il n'a pas accès directement.

Le service statistique public

Le service statistique public comprend l'Institut national de la statistique et des études économique (Insee) et seize services statistiques ministériels (SSM), dont la liste figure en annexe du décret n° 2009-250 du 3 mars 2009 relatif à l'Autorité de la statistique publique. (insérer le tableau qui suit dans l'encadré).

Source : décret n° 2009-250 du 3 mars 2009 et site Internet de l'Insee

Par exemple, la direction générale des entreprises (DGE) a indiqué au rapporteur n'avoir pas immédiatement accès au suivi des aides versées aux entreprises. Se dessine ainsi une relation déséquilibrée où l'administration centrale manque de moyens d'expertise face à des agences tels que la Banque publique d'investissement (BPI).

Dans le domaine de la culture, comme souligné par la Cour des comptes177(*), les données récoltées par la société pass Culture sont « sans commune mesure avec les enquêtes ou les bases de données éparses exploitées par les services du département des études, de la prospective, des statistiques et de la documentation (DEPS) en administration centrale [...] » : il s'agit d'une source d'information inédite tant sur l'offre disponible dans l'ensemble du territoire, que sur les pratiques culturelles de la population âgée de 15 à 20 ans.

La Cour des comptes déplore en conséquence le fait que « ces données exploitées par la société pass Culture font aujourd'hui l'objet d'un partage insuffisant avec le ministère, que ce soient les directions centrales ou les DRAC178(*), en dépit d'une convention entre la société et le DEPS censée faciliter l'accès aux données ».

En résulte la nécessité identifiée, pour les systèmes d'information de la société, de « pouvoir exporter plus facilement leurs bases vers celles du ministère, financeur quasi-exclusif, afin de créer ce `commun numérique', en conformité avec les exigences réglementaires, par la voie d'une interface de programmation d'application (API) spécifique », l'objectif final étant que les données puissent être mises au service des politiques publiques portées par le ministère.

Dans ces conditions, la commission suggère de renforcer les services statistiques ministériels et d'en faire l'outil centralisateur de l'ensemble des données collectées par les agences, en s'assurant de l'interopérabilité des bases de données des agences et de l'administration centrale.

Recommandation :  Renforcer les services statistiques ministériels et en faire l'outil centralisateur de l'ensemble des données collectées par les agences , en s'assurant de l'interopérabilité des bases de données des agences et de l'administration centrale.

2. Le rôle de pilotage et de contrôle de l'État vis-à-vis de l'action des agences doit être renforcé

Afin d'asseoir son rôle de pilotage des politiques publiques, l'État doit exercer une tutelle plus efficace sur ses agences. Ce renforcement de la tutelle peut s'appuyer sur les leviers principaux suivants : clarification et unification ; responsabilisation et contractualisation.

a) Clarifier et unifier les modalités d'exercice de la tutelle

Comme vu plus haut, les cas de tutelles multiples, c'est-à-dire l'exercice partagé de la tutelle entre plusieurs ministères, posent des difficultés d'ordre pratique - dans la mesure où une même agence se retrouve face à plusieurs interlocuteurs179(*) - et stratégique - en ce qu'une co-tutelle est souvent confrontée à deux écueils : des orientations trop vagues et générales, ou au contraire trop précises voire contradictoires. De surcroît, la co-tutelle paraît également problématique en tant qu'elle matérialise le fait que l'agence ne met pas en oeuvre une seule politique publique, mais plusieurs, ce qui entre en contradiction avec le principe de spécialité par lequel devraient être régies les agences.

Dans ces conditions, la commission d'enquête juge nécessaire de clarifier l'organisation actuelle en soumettant chaque agence, par principe, à une seule administration de tutelle.

Recommandation : Soumettre chaque agence à une seule administration de tutelle.

Dans cette même optique de clarification des champs de compétence, il semble opportun à la commission d'enquête de renforcer le rôle de pilotage qui incombe aux secrétariats généraux des ministères, notamment en leur confiant la mission de planification des études faites par les agences, afin d'éviter la production d'études en doublon par l'administration centrale, d'une part, et les agences, d'autre part - ces derniers décidant eux-mêmes, à ce jour, de leur programme d'études.

Recommandation : Renforcer le rôle de pilotage des agences par les secrétariats généraux en leur confiant notamment la planification des études faites par celles-ci.

Cet effort de clarification doit aller de pair avec une démarche d'unification.

De manière générale, il est plus que temps pour l'État de définir, au niveau national, une méthodologie de la tutelle qui aurait vocation à s'appliquer à l'ensemble des administrations centrales et à leurs agences. Afin de garantir que la doctrine ainsi définie ne constitue pas seulement un texte de plus, à l'image des circulaires qui se sont succédé sur la question depuis une quinzaine d'années180(*), mais qu'elle soit bel et bien suivie d'effet, la commission d'enquête recommande d'obliger le Gouvernement à rendre compte au Parlement de l'application de cette doctrine.

Recommandation : Au niveau national, définir et publier une méthodologie de la tutelle s'appliquant à l'ensemble des administrations centrales et de leurs agences ; rendre compte au Parlement de l'application de cette doctrine.

Cet effort d'unification doit également porter sur les modalités particulières du contrôle budgétaire, économique et financier. En théorie, la répartition des attributions, ainsi que des établissements contrôlés, entre le contrôleur général économique et financier (CGefi), d'une part, et les contrôleurs budgétaires et comptables ministériels (CBCM), d'autre part, obéit à des règles claires découlant du modèle économique de la structure.

En pratique, toutefois, comme vu plus haut, le modèle économique, la nature du contrôle et l'autorité chargée du contrôle sont loin d'être toujours cohérents, si bien que la direction du budget a indiqué au rapporteur mener, depuis plusieurs années, des démarches de rationalisation en ce sens. Fondamentalement, la frontière entre ces deux types de contrôle est poreuse, et les règles de répartition plus souples qu'il n'y paraît à première vue :

- d'une part, l'exercice du contrôle budgétaire peut être confié aux CBCM, aux directeurs régionaux des finances publiques représentés par les CBR, ou aux responsables des missions de contrôle du CGefi, désignés par un arrêté du ministre chargé du budget ;

- d'autre part, l'exercice du contrôle économique et financier peut être confié aux missions de contrôle du CGefi, aux CBCM ou aux CBR.

Afin de remédier au manque de lisibilité du système actuel, la commission d'enquête propose ainsi d'unifier les modalités de contrôle budgétaire, économique et financier des agences en regroupant le CGefi et les CBCM en un seul organe de contrôle portant, selon l'organisme, sur les aspects budgétaires, économiques ou financiers.

Recommandation : Afin d'unifier les modalités de contrôle, regrouper le CGefi et les CBCM en un seul organe de contrôle portant, selon l'organisme, sur les aspects budgétaires, économiques ou financiers.

b) Valoriser les enjeux de la tutelle pour les responsables de l'administration centrale

L'exercice de la tutelle sur ses agences par l'administration centrale n'est pas qu'une affaire de procédures : c'est également une affaire d'hommes et de femmes et, en l'occurrence, d'agents publics.

Clarifier et unifier les modalités d'exercice de la tutelle constitue assurément une première étape afin de rendre celle-ci plus efficace ; il importe, également, à cette fin, de consacrer l'exercice de la tutelle comme une mission à part entière des hauts fonctionnaires de l'administration centrale, de manière à ce que ces derniers soient acculturés et formés à ces enjeux.

Dans cette perspective, la commission d'enquête suggère d'approfondir les modules de formation à la tutelle aussi bien dans la formation initiale des fonctionnaires et dans les écoles de service public, que dans leur formation continue, une fois en poste. Afin de favoriser le développement d'une culture de la tutelle chez les directeurs d'administration centrale, la commission d'enquête préconise également que leur évaluation professionnelle tienne compte de leur implication dans l'exercice de la tutelle sur les agences qui relèvent de leur périmètre, par exemple en faisant figurer expressément dans leur lettre de mission des objectifs à ce sujet181(*).

Recommandations : Approfondir les modules de formation à la tutelle dans les écoles de service public et dans l'offre de formation continue à l'attention des chargés de tutelle.

Évaluer les directeurs d'administration centrale en fonction (notamment) de leur implication dans l'exercice de la tutelle sur les agences relevant de leur périmètre.

c) Faire du conseil d'administration un lieu de contrôle et de débat

Si les règles de fonctionnement et de composition des conseils d'administration des agences sont régies par des dispositions particulières, variables d'un établissement à l'autre182(*), un certain nombre de limites communes ressortent des travaux du rapporteur.

Tout d'abord, le rapport de force entre les représentants de l'État, d'une part, et les représentants de l'agence et personnalités qualifiées siégeant au conseil d'administration, d'autre part, peut être déséquilibré en défaveur des premiers, au regard de l'expérience et de la reconnaissance dont jouissent les secondes dans le domaine en question. Dans ces conditions, l'État peut avoir du mal à asseoir sa légitimité, et en conséquence à faire entendre sa voix.

En l'état du droit, les conditions fixées pour le choix des représentants de l'État dans le conseil d'administration des établissements publics semblent assez peu contraignantes : l'ensemble des fonctionnaires de l'État de catégorie A ainsi que les agents contractuels de l'État d'un niveau équivalent, qu'ils soient en activité ou en retraite, sont éligibles dès lors qu'ils sont âgés de trente ans au moins ou qu'ils ont huit ans de services publics183(*) . Les représentants de l'État sont ensuite nommés par arrêté ministériel.

De façon probablement plus surprenante encore, les représentants de l'État peuvent également être choisis parmi « les présidents, directeurs généraux, directeurs généraux adjoints ou délégués ou membres du directoire des établissements publics de l'État ou des entreprises du secteur public dont l'État détient directement ou indirectement la majorité du capital »184(*) : peut ainsi se trouver le cas d'un conseil d'administration ne comportant pas de membre de l'administration centrale.

Pour la commission d'enquête, il conviendrait, afin de rééquilibrer le rapport de force entre les différents collèges siégeant au conseil d'administration de chaque agence, de s'assurer que siège, du côté de l'État, un représentant dont l'expérience et la stature soient comparables avec celles des représentants de l'établissement public en question. Aussi la commission d'enquête préconise-t-elle d'imposer que les représentants de l'État dans les conseils d'administration des établissements publics soient choisis parmi les fonctionnaires de l'État de catégorie « A + » ou les agents contractuels de l'État d'un niveau équivalent.

Recommandation : Prévoir la présence, dans les conseils d'administration des établissements publics, d'au moins un représentant de l'État relevant de la catégorie « A + ».

Par ailleurs, certaines modalités de fonctionnement des conseils d'administration paraissent devoir être ajustées afin d'en faire des lieux de débats, et non pas de simples chambres d'enregistrement de décisions qui ont déjà été prises antérieurement.

Le rapporteur, sur ce point, a complété les informations recueillies au cours des auditions de la commission d'enquête par le témoignage d'une vingtaine de sénateurs membres de conseils d'administrations d'organismes extra-parlementaires, qui permettent de dégager les marges d'amélioration à ce titre.

En premier lieu, les sénateurs sollicités font généralement état de la qualité des documents transmis à l'attention des administrateurs en amont des conseils d'administration. Souvent - mais pas toujours - ils indiquent que les délais dans lesquels ces documents sont envoyés - entre sept et dix jours en moyenne - permettent généralement d'en prendre connaissance avant la tenue du conseil.

En revanche, certaines réponses mettent avant le manque d'efficacité des réunions, dont la durée est jugée trop longue, en raison, notamment, des interventions des dirigeants des établissements qui confinent aux « monologues », ainsi que d'un ordre du jour trop fourni. Le caractère relativement espacé des réunions - la plupart des conseils d'administration se réunissant une fois par trimestre185(*) - favorise indéniablement leur longue durée ; pour autant, la « bonne » fréquence est, pour la commission d'enquête, celle qui répond à la fois à l'exigence de régularité, et à la contrainte de la disponibilité des administrateurs : des conseils d'administration trop fréquents risqueraient de se solder par un absentéisme élevé.

À ce sujet, la commission d'enquête identifie tout de même deux points d'attention particulièrement importants pour garantir la présence des parlementaires aux conseils d'administration dont ils sont membres : le jour retenu ainsi que la nécessité de prévoir des suppléants. Ainsi, compte tenu de l'organisation hebdomadaire des travaux parlementaires, les députés et sénateurs sont davantage susceptibles d'être disponibles un lundi ou un vendredi qu'un mardi ou mercredi ; en outre, la désignation de suppléants pour les parlementaires n'est pas systématiquement prévue186(*).

Par ailleurs, les réponses transmises par les sénateurs sollicités par le rapporteur déplorent, pour certaines d'entre elles, le caractère essentiellement formel de la réunion : dans la majorité des cas, les décisions semblent avoir été préparées en amont et sont simplement entérinées par le conseil d'administration sans réel débat187(*) ; et même lorsqu'il y a un débat, « il est difficile, voire impossible, de faire évoluer les décisions au cours de la séance ». Ce manque global de discussion n'est du reste pas dépourvu de lien avec le fait que « l'implication des administrateurs est à géométrie variable ». En tout état de cause, la dimension technique et spécialisée de certains sujets peut rendre difficile leur appropriation par les administrateurs extérieurs à l'établissement public concerné, ne permettant pas un débat « à armes égales » avec les représentants de l'établissement.

Se dégage en tout cas de la consultation lancée à l'initiative du rapporteur la volonté de ne pas se limiter, en tant que parlementaire, à une simple présence ponctuelle au conseil d'administration, mais d'être mieux associés en continu au suivi et à la mise en oeuvre des projets décidés, ainsi qu'à l'élaboration et au suivi du contrat d'objectifs et de performance.

Enfin, le levier indemnitaire pourrait également être utilisé de manière à favoriser l'implication des administrateurs ne faisant pas partie de la tutelle, en particulier les experts et personnalités qualifiées dont l'appui est utile à la définition des orientations de l'organisme.

Recommandations : Pour la tenue du conseil d'administration, choisir un jour compatible avec l'organisation du travail parlementaire.

Systématiser la désignation des suppléants pour les parlementaires.

Mieux informer les membres du conseil d'administration de la mise en oeuvre des projets décidés.

Adapter la rémunération des administrateurs (hors représentants de l'État) en conséquence de la charge de travail attendue afin de favoriser leur implication dans la préparation et le suivi des conseils d'administration.

d) Généraliser et améliorer les instruments du pilotage stratégique (COP et COM)
(1) Généraliser le recours aux contrats d'objectifs et de performance (COP) pour l'ensemble des opérateurs

La circulaire du Premier ministre du 26 mars 2010 relative au pilotage stratégique des opérateurs de l'État a consacré le contrat d'objectifs et de performance (COP) comme document clé de l'exercice du pilotage stratégique de l'opérateur par le ministère de tutelle. Issu d'un échange entre l'administration de tutelle, l'opérateur et la direction du budget, le COP précise les priorités fixées à l'organisme ainsi que les modalités de suivi de son action. Il ne contient aucun engagement financier de la part de l'État : l'opérateur s'engage sur des résultats.

La circulaire du Premier ministre du 23 juin 2015 préconise la généralisation des COP pour les « organismes à enjeux ».

Pourtant, le taux de couverture en COP des opérateurs reste largement perfectible, malgré des efforts accomplis ces dernières années : lors de la publication du « jaune » budgétaire annexé au PLF pour 2025, moins de la moitié des opérateurs (environ 43 %) disposaient d'un COP couvrant la période allant au moins jusqu'en 2024, mais seulement 30 % des opérateurs avaient un COP couvrant l'année 2025. Ce taux est certes supérieur à celui constaté par la Cour des comptes en 2020, où seuls 22 % des opérateurs disposaient d'un contrat à jour188(*).

Ces chiffres incluent l'absence systématique de COP pour l'ensemble des opérateurs liés au monde universitaire (universités, communautés d'universités, chancelleries, réseau régional des oeuvres universitaires - soit 78 opérateurs au PLF pour 2025), qui résulte de l'autonomie qui a été reconnue par la loi aux universités189(*). La grande majorité des autres établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP), tels que les écoles nationales supérieures d'architecture, n'en disposent pas non plus compte tenu de leur régime de tutelle spécifique.

Ces cas de figure spécifiques mis à part, figurent, parmi les opérateurs ne disposant pas de COP à jour, des opérateurs importants au regard des financements de l'État qu'ils représentent ou des enjeux des politiques publiques associées. Peuvent ainsi être cités : l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) ; l'Agence de l'environnement et de maîtrise de l'énergie (Ademe) ; l'Agence de services et de paiement (ASP) ; l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) ; l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) ; l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) ; ou encore, France compétences ou l'Institut national du service public (INSP). En outre, aucune agence régionale de santé ne dispose d'un COP à jour.

De plus, la proportion d'opérateurs disposant d'un COP varie fortement selon les missions budgétaires : ainsi, aucun des deux opérateurs de la mission « Immigration, asile et intégration » ne dispose d'un COP à jour190(*) ; c'est le cas également d'un nombre important d'opérateurs de la mission « Culture », dont en particulier de nombreux musées191(*).

Au total, pour une large majorité d'opérateurs, le COP n'est pas renouvelé de manière systématique ; et quand il est renouvelé, il n'est pas rare que sa validation intervienne en plein milieu de la période qu'il est censé couvrir : ainsi, le contrat de l'AEFE pour 2021-2023 a été validé en janvier 2022, si bien qu'il a porté en pratique sur seulement deux exercices budgétaires.

Pour la commission d'enquête, le constat de l'absence d'anticipation dans la préparation, l'établissement et la validation des COP - pouvant se solder par un délai de latence de plus de trois ans entre deux COP192(*) - n'est pas satisfaisant, en ce qu'il reflète un effort variable et inégal de la part de l'administration dans l'exercice de la tutelle sur l'opérateur.

Recommandation : Définir un contrat d'objectifs et de performances (COP) ou un contrat d'objectifs et de moyens (COM) pour les opérateurs. Évaluer les charges de réalisation et de suivi de ces contrats.

En outre, le rapporteur souligne que les outils de suivi de l'élaboration des COP sont eux-mêmes perfectibles : si la détention d'un COP par les opérateurs figure au sein du jaune budgétaire « Opérateurs », dans la partie relative à la « gouvernance », elle repose sur la seule base déclarative de la part des opérateurs eux-mêmes. Cette limite méthodologique explique probablement pourquoi seuls 374 opérateurs figurent dans cette base de données, loin des 434 listés par le « jaune » en octobre 2024.

Par ailleurs, l'implication du Parlement dans la mesure de la performance de la plupart des opérateurs est actuellement insuffisante. Il existe certes quelques procédures particulières, comme rappelé par les députés Lise Magnier et Jean-Paul Mattei dans leur rapport d'information fait au nom du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques en juin 2021193(*) : s'agissant des opérateurs de la mission « Action extérieure de l'État », « le projet de convention pluriannuelle conclu entre l'État et l'établissement public est transmis aux commissions permanentes compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat. Ces commissions peuvent formuler un avis sur ce projet de convention dans un délai de six semaines »194(*). Ainsi, les contrats de performance de l'AEFE, d'Atout France, de Campus France et de l'Institut français sont systématiquement examinés par les commissions des affaires étrangères des deux assemblées.

La commission d'enquête suggère d'étendre cette pratique, afin que les COP de l'ensemble des opérateurs soient transmis, pour avis, aux commissions parlementaires compétentes.

Recommandation : Transmettre les projets de contrats d'objectifs et de performance et les projets de contrats d'objectifs et de moyens des opérateurs aux commissions parlementaires compétentes des deux assemblées.

En tout état de cause, disposer d'un COP ne constitue assurément pas une fin en soi : l'intérêt du COP dépend à la fois du degré d'implication de la tutelle lors de la phase d'élaboration, d'une part, et de la pertinence des indicateurs retenus, d'autre part.

Il peut en effet arriver que l'opérateur élabore seul le COP et le soumette ensuite à sa tutelle, alors qu'il revient aux directions métiers d'être à l'origine de ce document. Ceci suppose pour l'administration centrale de disposer aussi bien des compétences nécessaires à ce travail de conception - mené en concertation avec les organismes - que de temps, l'élaboration d'un COP nécessitant un investissement conséquent. Lorsque le COP couvre une durée de trois ans seulement, la préparation des COP peut s'apparenter à un exercice continu, un COP ayant à peine débuté qu'il conviendrait déjà de préparer le suivant. Comme indiqué à la commission d'enquête, l'Onisep est par exemple en train de travailler à un avenant au COP des années 2021-2023, destiné à couvrir les années 2024 et 2025, tout en amorçant la préparation du COP 2026-2028. En pratique, ce rythme ne permet pas d'aboutir à un enchaînement continu de COP, en témoignent les délais fréquents entre deux COP successifs.

Dans ce contexte, la commission suggère d'allonger la durée des COP, qui couvre aujourd'hui une période comprise entre trois et cinq ans selon les opérateurs, et de prévoir, par défaut, une durée de cinq ans, avec une clause de revoyure au bout de trois ans. Ainsi, la tutelle pourrait mieux anticiper l'exercice de conception du COP, et conserverait la possibilité, à l'initiative de la tutelle, d'ajuster en tant que de besoin certains objectifs, tandis que les cas de carence entre deux COP devraient, en toute logique, se réduire.

Une telle durée n'est pas sans exemple : l'opérateur Voies navigables de France dispose actuellement d'un COP couvrant la période 2023-2032, qui constitue une modification d'un précédent COP de même durée portant sur la période 2020-2029.

Recommandation : Prévoir pour tous les COP et COM une durée par défaut de cinq ans avec une clause de revoyure au bout de trois ans.

Selon la circulaire de 2010, le contrat d'objectifs doit s'accompagner d'une lettre de mission de la tutelle adressée à chaque dirigeant d'opérateur, qui peut être déclinée en lettres annuelles d'objectifs.

L'envoi de la lettre de mission est pourtant encore loin d'être systématique : selon le « jaune » budgétaire, 175 dirigeants d'établissements publics n'en ont pas reçu ; en soustrayant les entités relevant de l'enseignement supérieur (universités, instituts d'études, écoles nationales), on arrive à une trentaine d'opérateurs dont le dirigeant n'a pas reçu de lettre de mission initiale, dont l'AFPA, le Collège de France, la Comédie française, le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) ou encore l'Opéra national de Paris.

Or, l'envoi systématique d'une lettre de mission initiale à chaque dirigeant d'opérateur, ainsi que d'une lettre d'objectifs annuelle, permettrait de garantir un niveau minimal d'implication de la part de la tutelle. Certains dirigeants d'opérateurs ont eux-mêmes regretté, devant la commission d'enquête, de ne pas en avoir reçu une. 

Recommandation : Prévoir l'envoi systématique d'une lettre de mission initiale et d'une lettre d'objectifs annuelle aux dirigeants d'opérateurs.

Enfin, l'efficacité des COP et des COM en tant qu'outils de pilotage stratégique dépend de la qualité des indicateurs retenus. Or, les trois écueils identifiés par la Cour des comptes en 2021 conservent leur actualité :

- les indicateurs ne sont pas toujours en lien avec les indicateurs de performance des programmes budgétaires qui les financent ;

- certains indicateurs ont une portée trop générale, ou sont axés sur les moyens plutôt que sur les résultats ;

- les indicateurs sont parfois en trop grand nombre.

Si le nombre moyen d'indicateurs semble aujourd'hui varier entre la douzaine et la trentaine195(*), leur pertinence paraît inégale au regard de l'enjeu de pilotage stratégique de l'opérateur par l'État196(*).

Dans ce contexte, il paraîtrait utile de mieux hiérarchiser et réduire les objectifs stratégiques.

En outre, afin que le suivi des indicateurs ne se limite pas à un exercice abstrait, mais qu'il permette au contraire de prendre des mesures correctives quand les objectifs du COP ou du COM ne sont pas atteints, il conviendrait de généraliser la pratique de la présentation annuelle des résultats des indicateurs en conseil d'administration.

Recommandation : Présenter chaque année les résultats des indicateurs du COP ou COM en cours lors du conseil d'administration.

Enfin, dans le même objectif de tenir compte des résultats obtenus pour améliorer le pilotage, la commission d'enquête suggère de systématiser l'évaluation des COP et COM à l'issue de la durée du contrat.

Recommandation : Systématiser l'évaluation des COP et COM à l'issue de la durée du contrat ; en faire le préalable à l'adoption du contrat suivant.

(2) Étendre les contrats d'objectifs et de moyens (COM), tout particulièrement pour accompagner les trajectoires financières en baisse

La circulaire du 26 mars 2010 a prévu que le contrat d'objectifs peut être assorti d'engagements financiers de l'État dans trois cas :

- s'il s'agit d'un opérateur de l'État qui vient d'être créé ou dont les missions, ou encore l'organisation, ont fait l'objet d'une modification substantielle ;

- si l'opérateur exerce une activité comportant, à une échelle pluriannuelle, des enjeux budgétaires et financiers élevés ;

- si sa situation financière est fragile.

Dans ces cas-là, le contrat doit être cosigné par le ministre du budget et sa mise en place doit être « réalisée en concomitance avec le cycle budgétaire triennal, afin de garantir la cohérence des deux exercices ». En outre, l'engagement de l'État doit « obligatoirement trouver sa contrepartie dans des engagements précis, souscrits par l'organisme, de maîtrise ou de réduction de ses dépenses et de ses emplois et, le cas échéant, d'amélioration de sa performance ».

Comme rappelé par la Cour des comptes, le comité interministériel de la transformation publique (CITP) du 1er février 2018 a proposé d'expérimenter des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (COM) entre le ministère chargé du budget et certains opérateurs. L'opérateur en retire une plus grande visibilité concernant ses moyens financiers et ses effectifs sur la durée du contrat ainsi qu'une plus grande souplesse dans leur utilisation sur la période du contrat ; en contrepartie, il doit s'engager sur des objectifs précis de performance, d'efficience et de transformation, matérialisés par des indicateurs.

En février 2019, la direction du budget a lancé un appel à candidature auprès des secrétaires généraux des ministères afin de développer les COM, dont le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée nationale a rappelé le cahier des charges :

- l'existence d'un projet stratégique clair et explicite ;

- une pratique vertueuse sur la période récente, seuls les opérateurs financés sur le budget général étant éligibles ;

- une solide fonction financière.

Du fait de ces conditions précises à remplir, les COM concernent très peu d'opérateurs. Lors de son audition par le rapporteur, la direction du budget a ainsi cité le COM de Météo France, conclu pour accompagner le projet de transformation de l'établissement entre 2018 et 2022, ainsi que le COM de Business France pour les périodes 2018-2022, puis 2023-2026, visant notamment à optimiser les moyens alloués à l'action publique en faveur de l'internationalisation des entreprises françaises.

La commission d'enquête a aussi entendu avec intérêt les représentants des administrations de sécurité sociale197(*) présenter le fonctionnement des conventions d'objectifs et de gestion (COG) auxquels sont soumis leurs établissements sur une durée de cinq années, ce qui selon eux donne à ces établissements une véritable vision de moyen terme sans empêcher des évolutions ponctuelles dans le cadre du dialogue de gestion annuel.

Comme l'a indiqué le directeur général de la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM), qui avait précédemment occupé le même poste à l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), « lorsqu'il s'agit de convaincre des élus de s'engager dans des projets ambitieux, qui nécessitent dix années de travail et transforment durablement leur ville, il est indispensable d'apporter des garanties. Si l'on ne peut pas assurer que des moyens seront disponibles dans deux ans, aucun élu ne s'engagera ».

Tout en étant bien conscient que la signature d'un COM n'exclut pas la remise en cause soudaine, par des décisions ministérielles ou dans le cadre du projet de loi de finances, des trajectoires stratégiques et financières qui y sont définies, le rapporteur estime que le COM constitue un outil intéressant en ce qu'il concilie le besoin de programmation pluriannuelle de l'activité de l'opérateur avec la détermination annuelle de ses moyens dans le PLF. En outre, il s'agit d'un outil de juste négociation, dans la mesure où, « en cas de réduction de la trajectoire de crédits, l'opérateur serait [...] fondé à demander la révision de ses objectifs »198(*).

En conséquence, la commission d'enquête partage la recommandation formulée par la Cour des comptes en faveur de l'extension du recours aux COM. Elle suggère la mise en place d'un COM tout particulièrement lorsque le contrat prévoit une trajectoire financière en baisse, de manière à rendre les économies plus prévisibles, et donc plus supportables à l'opérateur.

Recommandation : Étendre le recours aux contrats d'objectifs et de moyens (COM), en particulier pour accompagner une trajectoire financière en baisse.

Dans cette hypothèse, il conviendra également de prendre en compte les conséquences que la fixation d'une stratégie pour un opérateur aurait sur les autres opérateurs d'un même ministère, qui se retrouveraient en charge de l'intégralité de la régulation budgétaire. Dans son rapport de 2021, le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée nationale souligne ainsi que « le ministère de la transition écologique craint [...] la régulation de ses marges de manoeuvre au motif qu'une trajectoire fixe pour un opérateur transfère la régulation budgétaire sur les autres opérateurs du programme à partir d'une base réduite aboutissant à un effort plus douloureux pour eux »199(*).

Afin que la réserve de précaution ne pèse pas plus lourdement sur les autres missions budgétaires du ministère, la commission d'enquête suggère donc de réduire en proportion le montant de la réserve de précaution pesant sur les crédits de la mission budgétaire correspondante : par exemple, si un programme transfère 20 % de ses crédits à des opérateurs disposant d'une COM, alors il conviendra de réduire de 20 % la réserve de précaution du programme en question.

Recommandation : Réduire le montant de la réserve de précaution pesant sur les crédits d'une mission budgétaire en proportion du montant des crédits transférés aux opérateurs qui ont signé un contrat d'objectifs et de moyens parmi ceux relevant de la mission budgétaire en question.

3. L'État doit réaffirmer et se réapproprier son rôle d'employeur unique de l'ensemble des agents publics, de l'administration centrale aux agences

Un dernier levier sur lequel doit s'appuyer l'État pour renforcer son rôle de pilotage des politiques publiques et son contrôle des agences est celui des ressources humaines : l'État doit réaffirmer son rôle d'employeur unique de l'ensemble des agents publics, qu'ils travaillent dans l'administration centrale ou dans un établissement public.

À cette fin, se dessinent deux axes principaux d'évolution : l'encadrement des procédures de recrutement dans les agences, d'une part ; le renforcement de l'attractivité de l'administration centrale, d'autre part.

a) Encadrer davantage les procédures de recrutement dans les agences

En conséquence de l'article 13 de la Constitution, les dirigeants d'établissements publics sont nommés par décret du Président de la République selon deux types de procédures :

- une nomination en conseil des ministres, en application du quatrième alinéa de l'article 13 de la Constitution et de l'article 1er de l'ordonnance n° 58-1136 du 28 novembre 1958 portant loi organique concernant les nominations aux emplois civils et militaires de l'État ; la liste des emplois concernés figure en annexe du décret n° 59-587 du 29 avril 1959 relatif aux nominations aux emplois de direction de certains établissements publics, entreprises publiques et sociétés nationales.

Parmi les 45 emplois listés, se trouvent notamment les emplois de directeur de l'Agence centrale des organismes de la sécurité sociale (Acoss), de directeur général de l'Établissement français du sang, de directeur général de l'Agence de services et de paiement (ASP), d'administrateur général de la Comédie française ou encore de directeur de FranceAgriMer ;

- une nomination après avis public de la commission permanente de la chaque assemblée, conformément à la procédure du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution ; le Président ne peut procéder à la nomination lorsque l'addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions.

Aux termes de la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010, 21 emplois ou fonctions à la tête d'établissements publics sont concernés, dont les emplois de président du conseil d'administration de l'AFITF, de directeur général de l'ANRU, de directeur général de France Travail, ou encore de président du conseil d'administration de Voies navigables de France.

En outre, pour d'autres emplois dirigeants d'établissements publics, le Président de la République nomme les dirigeants par décret sur proposition du ministre de tutelle : il en va ainsi de la nomination du directeur général de l'Onisep ou encore de celle du président du CNOUS, sur les propositions respectives des ministres chargés de l'éducation national et de l'enseignement supérieur, et celle du ministre chargé de l'enseignement supérieur200(*).

En comparaison des directeurs d'administration centrale, qui sont tous nommés en Conseil des ministres en application de l'article 13 de la Constitution, la procédure de nomination des dirigeants d'agences apparaît donc plus hétérogène.

En outre, il n'existe pas, pour ces emplois-là, de comité d'audition analogue à celui existant pour les directeurs d'administration centrale201(*) ; si un comité avait été prévu en 2016 pour les emplois de chefs de service et de sous-directeurs des administrations centrales ainsi que pour ceux des établissements publics administratifs de l'État202(*), il semble avoir été supprimé en 2019203(*).

Pour la commission d'enquête, cette asymétrie entre les règles applicables aux directeurs d'administration centrale et celles applicables aux dirigeants d'établissements publics n'est pas justifiée ; a contrario, un alignement des règles lui paraît de nature à restaurer l'unité du fonctionnement de l'État comme employeur. Aussi préconise-t-elle, pour les a d'une taille minimale, de prévoir l'audition des candidats aux emplois de dirigeants d'agences par un comité présidé par le secrétaire général du Gouvernement et au sein duquel siègerait le délégué interministériel à l'encadrement supérieur de l'État (DIESE).

Recommandation : Prévoir l'audition des candidats aux postes de directeurs d'agences par un comité présidé par le SGG et au sein duquel siègerait le DIESE.

Par ailleurs, afin de limiter les écarts de rémunération entre les fonctionnaires travaillant dans un ministère et les agents travaillant au sein d'une agence relevant de la tutelle de ce même ministère, la commission d'enquête suggère de généraliser le recours à la position normale d'activité, plutôt qu'au détachement204(*). Une telle recommandation faciliterait, en outre, la gestion administrative des agents, et pourrait également favoriser les allers-retours entre l'administration centrale et les agences.

Recommandation : Afin de limiter les écarts de rémunération et faciliter la gestion administrative des agents, généraliser le recours à la position normale d'activité, plutôt qu'au détachement pour les fonctionnaires qui rejoignent un établissement public administratif.

b) Au-delà, renforcer l'attractivité des emplois en administration centrale

Dans le contexte d'une baisse de l'attractivité, pour les hauts fonctionnaires, de l'administration centrale au profit des agences, la commission d'enquête juge nécessaire de prendre des mesures concrètes afin que les agents en administration centrale retrouvent du sens et de l'intérêt à leurs fonctions.

À ce titre, il convient d'aller plus loin que les formules à visée performative telles qu'énoncées par la secrétaire générale du Gouvernement ; lors de son audition par la commission d'enquête, elle a ainsi souligné qu'« il est important de dire qu'il existe aussi, au sein de l'administration centrale, des marges de manoeuvre, des leviers d'action, de la confiance avec le politique : répondre à la commande politique n'empêche pas de pouvoir faire des propositions. Il faut corriger l'impression de déséquilibre entre les administrations centrales, où l'on serait contraint, et les opérateurs, où l'on serait très libre. Au sein des opérateurs, il doit être clair que l'on reste contraint par une commande politique et par une tutelle ; au sein des administrations centrales, on doit disposer de leviers stratégiques et exercer correctement la tutelle ».

Pour la commission d'enquête, le rééquilibrage dans l'attractivité entre l'administration centrale et les agences nécessite, outre les mesures déjà présentées visant à renforcer le contrôle de la première sur les secondes, un changement de culture au sein de l'administration centrale, dans le but de donner davantage de responsabilités et de marges de manoeuvre aux détenteurs des postes d'encadrement supérieur.

En outre, afin d'éviter les départs définitifs de l'administration centrale vers les agences, et donc les pertes définitives de talents, il conviendrait de favoriser les reclassements et les allers-retours en proposant, dans l'administration centrale, des postes à niveau équivalent de responsabilités aux fonctionnaires qui ont effectué une mobilité dans une agence. La commission d'enquête est certes consciente des difficultés pratiques en la matière, eu égard à l'organisation pyramidale de l'administration centrale et au nombre, somme toute limité, de postes avec des responsabilités managériales importantes.

Recommandation : Donner davantage de responsabilités et de marges de manoeuvre aux détenteurs des postes d'encadrement supérieur dans l'administration centrale ; s'assurer que les fonctionnaires de retour dans l'administration centrale après une mobilité dans une agence disposent d'un poste à niveau de responsabilités au moins équivalent.

En tout état de cause, il paraît indispensable - et plus que temps - que la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) joue enfin le rôle de direction des ressources humaines de l'État qui lui a été formellement confié en 2016205(*), et que soient mis en place un suivi et une gestion unifiée des ressources humaines à l'échelle de l'administration centrale et des agences.

L'ignorance du nombre d'agents publics travaillant dans les agences que le ministre de l'action publique, de la fonction publique et de la simplification a reconnu devant la commission d'enquête, ou encore l'incapacité de la DGAFP à connaître la part de fonctionnaires effectuant une mobilité au sein d'une agence sont à ce titre symptomatiques du manque de vision unifiée de la part de l'État de l'ensemble de ses agents.

La mise en oeuvre d'un outil de suivi de l'ensemble de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État, dont la DIESE a indiqué qu'elle était un objectif « à terme »206(*), constitue à tout le moins une première étape indispensable.

Recommandation : À court terme, mettre en place un outil de suivi de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État, visant l'administration centrale ainsi que les agences.

À moyen terme, étendre cet outil à l'ensemble de la fonction publique de l'État.

D. MIEUX ARTICULER LE CADRE BUDGÉTAIRE DES OPÉRATEURS AVEC CELUI DE L'ÉTAT

Comme le relève le Conseil d'État dans son étude annuelle de 2012207(*), la LOLF n'a traité le sujet des agences « que de manière ponctuelle et en restant centrée pour l'essentiel sur l'État strictement entendu ». S'il va de soi que le Parlement ne peut voter le budget des agences comme il vote celui de l'État, la mise en place d'un cadre budgétaire commun à l'État et à ses agences permettrait de garantir que les agences s'inscrivent de manière cohérente dans la trajectoire d'évolution des comptes publics et, plus largement, dans les objectifs des politiques publiques inscrits dans la loi de finances.

Dans cette optique, deux approches, esquissées par le Conseil d'État, sont possibles, de manière non exclusive. Une approche dite « ambitieuse » viserait à inclure l'ensemble des organismes relevant de l'État, agences comprises, dans le périmètre de la LOLF, à travers une modification de la loi organique. Cependant, une telle révision du cadre organique nécessiterait, en toute hypothèse, une modification constitutionnelle afin d'élargir le champ de la LOLF tel que prévu à l'article 34 de la Constitution208(*).

Sans aller jusqu'à réformer la LOLF, une approche alternative, à cadre constitutionnel et organique constant, peut permettre de renforcer la prise en compte des agences et leur inscription dans la trajectoire budgétaire de l'État.

Ainsi, plusieurs ajustements utiles apparaissent possibles, en vue d'assurer une insertion plus étroite des agences dans le cadre relatif à la gestion budgétaire de l'État, d'un point de vue aussi bien formel que substantiel.

1. Au plan formel : subordonner plus strictement le vote des budgets des agences au vote de la loi de finances de l'exercice concerné

D'après les éléments transmis par la direction du budget209(*), la dotation budgétaire des opérateurs fait l'objet d'une « pré-notification indicative » par les ministères de tutelle, portant sur les crédits et les emplois pour l'année N+1, qui intervient à l'issue des arbitrages interministériels sur le projet de loi de finances, avant la fin du mois de septembre de l'année N.

Cette pré-notification aurait effectivement une valeur purement indicative et resterait subordonnée au vote du projet de loi de finances par le Parlement. Pourtant, l'administration reconnaît elle-même que c'est sur le fondement des montants prévisionnels des emplois et des subventions communiqués dans la pré-notification que le budget initial de l'organisme est établi, et non à partir des montants votés en loi de finances.

Ainsi, pour des organismes dont, très souvent, la quasi-totalité des ressources sont publiques (SCSP, taxes affectées210(*)), le rapporteur souligne l'incohérence d'un vote du budget au début du mois de décembre, sans certitude sur les mesures définitives qui seront actées au terme de l'examen du projet de loi de finances et qui auront pourtant un impact direct sur le niveau des crédits de l'opérateur. L'examen de la loi de finances pour 2025 l'a montré : les restrictions budgétaires décidées en cours de discussion de ce texte par le Parlement, en raison de l'état catastrophique des finances publiques, ont eu un impact pour les opérateurs aussi bien que pour les administrations centrales.

À l'évidence, une telle organisation de la procédure budgétaire ne saurait être considérée comme satisfaisante, en ce qu'elle tend à méconnaître, en pratique, la primauté de l'autorisation parlementaire, consacrée à l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen211(*). Il convient donc de réaffirmer l'appartenance des opérateurs et autres agences à la sphère de l'État, qui assure leur financement de manière prépondérante. Si les agences doivent pouvoir bénéficier d'une autonomie suffisante pour la mise en oeuvre de leurs missions, elles ne sauraient constituer des « îlots budgétaires » déconnectés de la procédure d'examen du projet de loi de finances par le Parlement.

Recommandation: Prévoir le vote des budgets initiaux des opérateurs après la promulgation de la loi de finances de l'exercice concerné.

En complément, l'information du Parlement sur les budgets des opérateurs212(*) pourrait être améliorée en rendant obligatoire la transmission, sous forme dématérialisée, des éléments correspondants aux commissions des finances des deux chambres.

Recommandation Pour l'ensemble des opérateurs, rendre obligatoire la transmission aux commissions des finances des deux assemblées, sous forme dématérialisée, des budgets initiaux et exécutés des agences, y compris la répartition des crédits entre les programmes gérés par un même organisme.

2. Mieux utiliser la discussion avec les ministères sur les autorisations d'engagement, afin de renforcer la pluriannualité

Auditionnée par la commission d'enquête213(*), la ministre chargée des comptes publics, Amélie de Montchalin, a indiqué qu'une piste possible pour développer un pilotage budgétaire pluriannuel pouvait consister, plutôt qu'en la création d'agences échappant aux contraintes de l'examen du projet de loi de finances, en une mobilisation accrue des autorisations d'engagement.

Citant l'exemple de la loi de programmation militaire, dont les autorisations d'engagement « créent, de facto, de la pluriannualité », la ministre a ainsi déclaré que ce type de loi pouvait être considéré comme « une forme de COM, qui fonctionne », sans que le ministère des armées ait eu besoin de créer des agences. Dans ce cadre, la responsabilité des programmes pluriannuels est confiée à une administration centrale « classique », la direction générale de l'armement (DGA).

De même, le secrétariat général pour l'investissement (SGPI), service administratif rattaché au Premier ministre, gère les crédits du plan France 2030 de manière pluriannuelle à travers des autorisations d'engagement214(*).

En outre, la révision de la LOLF du 28 décembre 2021215(*) a prévu que les projets annuels de performance présentent les crédits de chaque programme, par titre, pour les trois années à venir, ce qui, sans mettre à l'abri ces crédits de l'application du principe d'annualité budgétaire, apporte une véritable vision pluriannuelle, encore insuffisamment exploitée. L'extension d'un tel principe aux opérateurs, ou au moins à certains d'entre eux, permettrait d'améliorer aussi bien l'information du Parlement que la visibilité des opérateurs sur leurs crédits.

Recommandation : Plutôt que de créer des agences pour gérer des crédits de manière pluriannuelle, s'appuyer sur les autorisations d'engagement afin d'assurer un pilotage budgétaire pluriannuel

Envisager l'extension aux opérateurs du budget triennal introduit par la révision de la LOLF du 28 décembre 2021.

II. L'ÉTAT PARLE DE PLUSIEURS VOIX, CE QUI COMPLEXIFIE LA RÉALISATION DES PROJETS ET BROUILLE LA LISIBILITÉ DE L'ACTION PUBLIQUE

A. LE PRÉFET DEVRAIT ÊTRE LE SEUL INTERLOCUTEUR LOCAL AU NOM DE L'ÉTAT

1. Agences à l'échelle locale : une promesse non tenue
a) La multiplication des agences à l'échelle locale portait le projet de territorialisation et de simplification de l'action publique

Le développement des agences à l'échelle locale s'est orchestré concomitamment à de multiples réformes de l'État territorial : tandis que les services préfectoraux connaissaient une réorganisation profonde par la succession de la réforme de l'administration territoriale de l'État (RéATE) à partir de 2007 puis de la modernisation de l'action publique (MAP) à partir de 2012, dont il est ressorti un recul global des effectifs en services déconcentrés216(*), des agences ont repris à leur charge le déploiement de politiques publiques en prise directe avec les intérêts des collectivités.

Il en va ainsi des politiques de la ville et du logement, désormais pour partie pilotées par l'ANRU et l'ANAH, des politiques de santé, avec l'implantation des ARS, ou du champ de la transition écologique et du développement durable, avec le renforcement de l'ONF, de l'OFB, de l'Ademe ou des agences de l'eau. Le domaine de l'ingénierie territoriale, en particulier, a connu un profond remaniement à compter de la disparition de l'Atesat217(*) chargée de l'accompagnement des plus petites collectivités dans l'exercice de leurs compétences, définitive en 2014 mais engagée depuis une trentaine d'années avec la décentralisation, et de l'éclatement de ces compétences au sein de plusieurs agences et certaines collectivités locales.

Il est à cet égard pertinent de rappeler que la création de l'ANCT, en 2017, constituait la première tentative de rationalisation du paysage des agences en matière d'ingénierie, domaine particulièrement symptomatique de la complexité administrative locale. Les travaux de préfiguration de cette agence avaient en effet pour ambition initiale une fusion globale de l'ensemble des agences intervenant dans ce domaine, incluant le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET), l'ANAH, l'Agence du numérique, l'Epareca218(*), l'ANRU et le rapprochement avec d'autres structures comme l'Ademe, le Cerema, Atout France, Business France et l'Agence française de développement (AFD), afin d'aboutir à un « paysage simplifié des opérateurs de l'État » et « permettre une meilleure visibilité de son action »219(*).

En dépit du rejet de ce scenario maximaliste par le Gouvernement, au motif qu'il « aurait alimenté de longs débats organiques en vue de fusionner des organismes aux statuts très divers, ce qui n'aurait pas manqué de nuire à l'action de l'agence »220(*), l'ambition de faire de l'ANCT un guichet unique pour les collectivités en besoin d'accompagnement a été maintenu, tout comme l'objectif de cibler en priorité les petites communes rurales présentant les plus forts besoins.

Toutefois, la création de l'ANCT selon un scenario plus restrictif a conduit au maintien de l'existence de plusieurs structures intervenant localement en matière d'accompagnement et d'ingénierie territoriale parmi lesquelles l'Ademe, le Cerema, l'ANAH, l'ANRU, les agences de l'eau, le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) - coexistence qui, selon la Cour des comptes, a rendu « plus théorique la mise en place du guichet unique [...] et plus difficile la coopération entre les opérateurs intervenant sur le même champ d'action ».

Plus largement, la prolifération de structures nouvelles intervenant sur des champs de politiques publiques constitue, depuis plusieurs années, une nouvelle forme de gestion publique, face à laquelle le Sénat soulignait, dès 2021, le besoin d'une clarification du rôle de l'État dans les territoires221(*). En effet, si le recours aux agences portait, à l'égard des collectivités comme des entreprises, la promesse d'une action publique plus souple, plus adaptée et plus performante, force est de constater qu'après une décennie, le sentiment d'abandon des politiques publiques régulièrement exprimé par les territoires témoigne d'un engagement non tenu.

b) Le point de vue des collectivités : la multiplication des agences et la disparition de l'État
(1) Une dilution de la parole étatique dans une multitude de services et d'agences qui pose la question de la responsabilité

La promesse d'une action publique plus agile et calibrée du fait de la profonde restructuration de l'État et de ses agences apparaît en effet en profond décalage avec les retours des acteurs des territoires entendus par la commission d'enquête. Ces derniers dénoncent de manière unanime une perte d'efficacité de l'action publique à l'échelon locale, résultant d'une dilution des responsabilités, d'un recul dans l'accompagnement ainsi que d'un enchevêtrement délétère des compétences de l'État et de ses agences.

Les travaux conduits par la commission d'enquête ont tout d'abord permis de mettre en lumière le sentiment des collectivités d'avoir perdu un interlocuteur unique au cours des vingt dernières années, du fait du transfert de nombreuses compétences des services déconcentrés vers les agences de l'État.

De fait, le recul des effectifs en préfecture, qualifié par l'Assemblée des Départements de France de « grand désarmement de l'État », et l'apparition de nouvelles entités pilotant de manière quasi autonome certains pans de l'action publique ont eu pour conséquence première d'exiger des collectivités d'identifier d'elles-mêmes l'interlocuteur approprié pour les accompagner dans leur projet.

Or, en matière d'ingénierie, par exemple, la coexistence d'une multitude d'agences nationales aux modes d'intervention divers, en parallèle de bureaux d'études privés, du conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) ou d'agences techniques des collectivités concourt à une complexité du panorama des interlocuteurs susceptibles de les accompagner dans leurs projets et donc d'une perte d'opportunité pour les élus qui se privent, faute de les connaître, de dispositifs prévus pour répondre à certains besoins.

Cela a notamment été illustré par le président du conseil d'administration de l'ANCT, qui rappelait, à juste titre, que « les maires qui souhaitent mettre en place un réseau de chauffage urbain doivent solliciter l'Ademe pour mobiliser le fonds Chaleur, encore faut-il qu'ils sachent que l'Ademe peut les accompagner dans ce projet »222(*).

Les compétences complémentaires et les modalités d'intervention hétérogènes des différentes agences imposent en outre aux bénéficiaires de nouer des contacts multiples, conduisant à un dialogue qualifié d'« extrêmement compliqué »223(*) , voire même d'incompréhensible lorsque des doublons sont constatés.

Dans le cadre d'un projet d'extension de zone urbaine, un élu observait ainsi que « la commune ou l'intercommunalité doit aujourd'hui coordonner une pluralité d'acteurs, dont l'expertise se révèle malheureusement indispensable pour se conformer aux trop nombreuses réglementations qui s'imposent aux projets locaux ». Or ces acteurs sont multiples : services techniques internes, organismes spécialisés tels que le Cerema, le CAUE ou l'Ademe, bureaux d'étude privés ; administration déconcentrée, notamment les DREAL et les ministères en charge de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; agences de l'eau pour évaluer l'impact du projet sur les ressources et milieux aquatiques, tandis que l'IGEDD peut s'assurer de la qualité des études environnementales menées.

Or chacun de ces organismes possède ses propres procédures, exigences, délais, ce qui alourdit la coordination et rallonge les délais de mise en oeuvre.

De la même manière, l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) a transmis à la commission d'enquête la liste des structures consultées par une métropole pour un projet de transport urbain par câble : cette liste comprend plus de cinquante entités, qu'il s'agisse de services déconcentrés, d'agences, de services des collectivités territoriales, d'associations, d'organisations professionnelles et d'entreprises concernées par le projet.

L'identification des missions assurées par chaque interlocuteur est d'autant plus difficile que des redondances se font jour entre les périmètres d'intervention de certaines agences.

L'enchevêtrement de compétences est notamment notable en matière d'ingénierie :

- l'Ademe est susceptible de distribuer des aides pour financer de l'ingénierie pré-opérationnelle par des bureaux d'étude tiers et de mettre à disposition son expertise et des outils d'analyse ;

- le Cerema réalise des prestations d'ingénierie pré-opérationnelle et opérationnelle et finance, à la marge, de l'ingénierie de bureaux d'étude et propose son expertise et des outils d'analyse aux collectivités ;

- l'ANCT passe des marchés à bon de commande d'ingénierie pré-opérationnelle dont peuvent ensuite bénéficier les collectivités en contrepartie du financement de la prestation. L'agence finance également des chefs de projet dans les collectivités.

Bien que l'offre de chacune de ces structures présente ses propres spécificités, on imagine aisément les difficultés que rencontrent des élus de petites communes pour comprendre laquelle est en mesure de lui apporter l'aide escomptée, et à accepter qu'il faudra très certainement les solliciter successivement, en fonction de l'évolution du projet.

De telles redondances sont par ailleurs également observables pour certaines prestations proposées par des agences nationales et par certaines collectivités. Laurent Dejoie, vice-président de la région des Pays de la Loire et représentant de Régions de France, rappelait ainsi que l'ANCT, qui « a été créée pour aider les collectivités territoriales (...) déploie parfois des dispositifs concurrents avec ceux des régions », soulignant qu'en conséquence « le temps que l'ANCT passe sur ces dispositifs est autant de moins pour le conseil aux collectivités, un conseil qu'elle sous-traite alors à des cabinets privés très coûteux : cela questionne l'efficacité du système »224(*).

Le constat d'une multiplication des partenaires à consulter pour la conduite de projet est également partagé par les acteurs du monde économique. La création d'un hôtel avec restaurant et piscine a notamment été décrite comme « un parcours du combattant »225(*) par le secteur hôtelier en raison du nombre de démarches à effectuer et des autorisations à obtenir auprès :

- de la mairie pour le permis de construire, les autorisations d'occupation du domaine public et la licence IV pour vente d'alcool ;

- de la préfecture (classement en ERP226(*)) ;

- des architectes des Bâtiments de France (ABF), si l'hôtel se situe en zone protégée ;

- de la direction régionale des affaires culturelles (DRAC), s'il s'agit d'un site patrimonial ;

- de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) pour les impacts environnementaux ;

- du service départemental d'incendie et de secours (SDIS), pour la conformité à la réglementation relative à la sécurité incendie ;

- de l'ARS, pour les normes sanitaires de la piscine et la cuisine du restaurant ;

- de la direction départementale de la protection des populations (DDPP), pour l'hygiène alimentaire ;

- d'Atout France, pour le classement hôtelier ;

- du centre de formalités des entreprises (CFE), pour l'immatriculation ;

- des bureaux d'études spécialisés et des bureaux de contrôle pour la conformité aux normes PMR, HQE227(*), d'acoustique et d'hygiène ;

- et enfin, des banques, de BPI France, de fonds d'investissements, de la région (fonds FEDER) pour les financements.

Pour les acteurs du secteur, cette accumulation de points de contact a conduit à un allongement net de la durée de réalisation d'un tel projet : alors que la construction d'un hôtel haut de gamme s'étend en moyenne sur une période de trois à cinq ans en France, elle ne serait que de deux ans aux États-Unis ou au Royaume-Uni.

Ainsi, outre un sentiment d'illisibilité des interlocuteurs à mobiliser, les collectivités et les entreprises déplorent que ce paysage complexe aboutisse à une dilution de la décision étatique, autrefois incarnée par le préfet et aujourd'hui inégalement distribuée entre chaque agence, aboutissant à un ralentissement critique de la conduite de leurs projets. Elles sont ainsi les premières concernées par la tendance de certaines agences, évoquée précédemment, à créer de la norme.

L'émiettement des compétences se traduit ainsi du point de vue des collectivités par une dilution des responsabilités, donnant le sentiment que des arbitrages cruciaux ne sont aujourd'hui plus rendus par l'État.

Comme rappelé par Véronique Pouzadoux, maire de Gannat (Allier) et vice-présidente de l'AMF, « le maire se voit confronté à une multiplicité d'acteurs, de services de l'État, qui ont chacun leur interprétation de la norme, leurs critères et leurs injonctions ». Pour les petites collectivités, la multiplication des agences à l'échelle locale vient dès lors « faire écran entre les élus locaux et les services préfectoraux, entre lesquels le lien était autrefois direct »228(*). Par ailleurs, les maires se trouvent en position de devoir arbitrer entre différentes injonctions.

De tels propos sont notamment à mettre en lien avec les réticences très fortement ancrées vis-à-vis de l'OFB, dont la double compétence en matière de conseil et de contrôle de la politique environnementale place les exploitants agricoles dans l'incompréhension et contribue d'un sentiment de rejet de l'agence à l'échelle locale. L'AMF soulignait également que le positionnement ambigu de l'OFB est « souvent mal perçu par les maires » qui, méfiants, ont tendance à renoncer aux missions de conseils et d'accompagnement de celui-ci.

En matière d'aides financières également, l'autonomie et le fonctionnement en silo de ces agences tendent à placer les collectivités dans des situations qualifiées « d'ubuesques » par les élus, notamment lorsqu'un même projet peut faire l'objet de financements concurrents et qu'il revient aux collectivités d'effectuer plusieurs démarches distinctes afin de sécuriser l'obtention de l'une d'entre elles.

Les dispositifs parallèles d'accompagnement de projet, notamment s'agissant des circuits de financement autonomes tels que les appels à projets et les appels à manifestation d'intérêt, supposent, d'une part, une charge administrative démultipliée pour les collectivités, et tendent, d'autre part à les placer en situation de concurrence pour l'obtention de financements, favorisant mécaniquement celles disposant de davantage de moyens. En outre chaque appel à projet a son propre calendrier, ses propres procédures, rendant difficile la conciliation entre plusieurs sources de financement.

La commission ne s'étonne donc guère que 75 % des communes plébiscitent la contractualisation comme modalité de financement229(*) plutôt que les appels à projet, qui font l'objet d'un fort rejet.

Il convient de souligner que la création de l'ANCT avait été l'occasion pour les élus de demander de mettre un terme à la logique d'appel à projet, jugée trop chronophage et injuste, au profit d'une logique de contrats intégrateurs pouvant regrouper les multiples contrats avec l'État et ses agences (contrats avec l'Ademe, l'ANAH), sans que cette demande n'ait finalement été prise en compte.

La commission note à cet égard que le recours à ces outils de financement amène également des interrogations sur la capacité des bénéficiaires à identifier la provenance de l'aide qu'ils perçoivent, alors que la visibilité des interventions de l'État constitue un enjeu politique majeur face au sentiment d'abandon dans certains territoires. Il est en effet peu audible pour certains élus que des projets de territoire puissent faire l'objet de financements de la part de la préfecture mais ne pas être soutenus par certaines agences : l'AMF mentionnait à ce propos l'exemple d'une maison de santé significativement soutenue par la dotation d'équipement des territoires ruraux mais n'étant aucunement financée par l'ARS.

(2) Une dégradation de l'accompagnement proposé

La commission a également constaté que l'accompagnement proposé par les agences semble fréquemment en décalage avec les attentes des collectivités et témoigne de leur statut ambivalent, à mi-chemin entre l'aide aux collectivités et la mise en oeuvre de programmes nationaux. En effet, alors que les plus petites communes nécessitent un accompagnement en ingénierie de proximité, les élus locaux estiment qu'ils se font fréquemment imposer « des études qui ne sont pas leur priorité, mais qui entrent dans la politique publique promue par telle ou telle agence »230(*), expliquant que les services déconcentrés demeurent souvent leur contact par défaut.

La commission s'est en outre vu communiquer des données concluant à un ciblage déséquilibré de l'accompagnement fourni par les agences, au détriment des plus petites collectivités. De fait, selon des données transmises par le Gouvernement, plus une commune est de taille restreinte, moins elle bénéficie d'un accompagnement des agences en matière d'ingénierie territoriale - dont l'existence repose pourtant sur le besoin d'accompagner les plus petites collectivités. Selon cette étude, les communes de moins de 2 000 habitants s'appuient dès lors davantage sur les services déconcentrés de l'État que les autres types de collectivités. Ces résultats corroborent des données plus anciennes publiées par le Sénat, en 2022, indiquant que l'ANCT est avant tout mise à contribution par les communes les plus peuplées (plus de 5 000 habitants) et de manière très marginale par les communes de moins de 1 000 habitants231(*).

La commission a également été alertée de disparités dans l'accompagnement proposé d'un territoire à un autre. Dans le champ social notamment, les élus départementaux ont affirmé observer des différences de traitement en matière de politiques publiques concernant les ARS réparties à l'échelle nationale, notamment au sujet de la question des enfants à double vulnérabilité, pour laquelle des solutions sont proposées par certaines ARS, mais pas par d'autres. Ces disparités conduisent également des élus à exprimer le sentiment « qu'à travers les agences et leurs programmes, les territoires et les collectivités territoriales sont regardés comme des lieux d'expérimentation. Nous avons notre projet, pour lequel nous avons été élus, mais nous devons nous en écarter pour répondre aux objectifs énoncés par les agences, aux critères précis des programmes, qui ne sont pas forcément ceux du territoire. »232(*)

Enfin, dans certains champs d'activité, le développement des agences semble avoir entraîné un véritable recul de l'accompagnement des collectivités. L'AMF souligne ainsi que l'ONF ne dispose aujourd'hui pas de moyens lui permettant d'accomplir les missions qui lui sont confiées, ce qui emporte des conséquences pour les collectivités qui doivent y contribuer. Selon l'Assemblée des Départements de France, dans le secteur social et sanitaire également, l'élaboration de structures indépendantes a conduit à un accompagnement dégradé des élus qui font face à « de nombreuses sollicitations laissées sans réponses, des blocages, par exemple pour la construction d'une maison ou la nomination d'un directeur d'une maison de retraite »233(*).

En définitive, pour les élus locaux, la multiplication des structures locales, qui devait supposer un accompagnement plus agile des collectivités, s'est traduite par une charge administrative démultipliée, mais surtout par la perte d'un référent permettant d'apporter une réponse unique et de proposer des services d'accompagnement cohérents et efficaces. L'ensemble des strates de collectivités a ainsi dit regretter la « destruction du maillage historique de l'administration territoriale »234(*).

Face à cette perte de repères, la demande des élus, notamment communaux, est une redéfinition d'un interlocuteur unique en mesure de rendre des arbitrages et de répondre à l'ensemble des sollicitations de terrain.

c) Le point de vue de l'État : l'inexorable perte de contrôle du préfet sur l'action publique locale

Du point de vue des services déconcentrés de l'État, la segmentation de l'action publique au niveau local a engendré une perte d'efficacité en raison d'une mauvaise coordination des interventions en parallèle avec celles des agences.

En effet, si certaines agences s'appuient, pour le déploiement de leurs interventions, sur l'instruction de dossiers par les services déconcentrés235(*), d'autres agences disposent d'une implantation locale autonome ou appliquent directement des décisions arrêtées au niveau national.

Le fonctionnement de ces dernières, dont les circuits de décisions contournent les services déconcentrés, engendre une perte significative d'information pour les services préfectoraux comme pour ces agences, aboutissant à des prises de décisions sous-optimales à l'échelle locale. L'attribution de financements peu efficients ou mal coordonnés avec ceux pilotés par la préfecture a ainsi été fréquemment mentionnée : lors d'un déplacement effectué par la commission d'enquête, une préfète indiquait notamment constater que le calendrier d'attribution de certains financements concurrents par les agences et par la préfecture pouvait présenter des incohérences particulièrement lourdes pour les collectivités ; avançant notamment l'exemple des subventions attribuées par l'Agence nationale du sport (ANS), non coordonnées avec celles de la préfecture concernant la répartition de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) et de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR). Dès lors, certaines collectivités ayant répondu à l'appel d'offres de l'ANS se trouvent dans l'incertitude quant à la possibilité de percevoir les financements de la préfecture.

Ces circuits de financements parallèles affaiblissement en outre le positionnement du préfet sur son territoire, notamment dans les cas, décrits par la Cour des comptes, où « le service compétent du siège informe directement les collectivités concernées, y compris en cas de rejet ou de suspension d'un projet, sans informer au préalable le délégué territorial, informé a posteriori par les élus »236(*), et conduit à des financements peu satisfaisants en matière de performance de la dépense publique, la non-association des préfets au processus d'attribution de subvention des agences « pouvant les amener à financer des entités qui ne l'auraient pas été si le préfet avait été associé à la décision, dans la mesure où celui-ci peut disposer sur le candidat d'informations auxquelles l'agence n'a pas accès »237(*).

L'absence de tutelle des préfets sur certaines agences gérant des politiques publiques centrales, telles que la santé, peut également conduire à un manque de coordination et de pilotage de l'ensemble des parties prenantes. À ce sujet, les ARS ont régulièrement été mentionnées par les personnes auditionnées par la commission d'enquête comme symbole d'une profonde désarticulation de l'action des agences avec celle des services territoriaux de l'État. Cela tient premièrement à son financement singulier - l'essentiel du budget des ARS provenant de l'assurance maladie - mais plus encore à son autonomie d'action.

Cette problématique est particulièrement notable en matière de gestion de crise, qui nécessite une coordination fine de l'ensemble des acteurs. La gouvernance de l'ARS, notamment dans la gestion de la crise de la Covid-19, a ainsi pu être perçue comme un symbole de l'affaiblissement de l'unicité de la parole de l'État, amenant Éric Freysselinard, vice-président délégué de l'Association du corps préfectoral et des hauts fonctionnaires du ministère de l'intérieur à conclure, devant la commission d'enquête, « qu'il était illusoire de penser qu'une crise aussi violente que celle de la covid-19 pouvait être gérée uniquement par une agence qui n'aurait pas eu de contact avec les préfets »238(*).

d) Le délégué territorial : une tentative en demi-teinte de coordination de l'action publique

Face à ces constats, plusieurs dispositifs ont vu le jour au cours des vingt dernières années afin de redonner au préfet un pouvoir de coordination et de centralisation vis-à-vis de l'action des agences, dispositifs dont la commission estime néanmoins que la portée doit être amplifiée.

(1) La présence du préfet dans certaines instances locales de pilotage

En premier lieu, la présence du préfet a été renforcée dans certaines instances de pilotage des agences ne reposant pas sur ses services.

En matière de politique sanitaire notamment, le positionnement du préfet vis-à-vis des agences régionales de santé a été clarifié au moyen de trois dispositifs :

- en application de l'article 119 de la loi dite « 3DS »239(*), le conseil de surveillance, jusqu'alors simple organe de dialogue à la portée restreinte, présidé par le préfet de région, a été transformé en conseil d'administration, composé de représentants des collectivités territoriales et de leurs groupements, et chargé de déterminer les grandes orientations de la politique menée par l'agence. La présidence du conseil d'administration par le préfet vise ainsi à assurer la cohérence de l'action de l'ensemble des services et agences de l'État, et à réaffirmer la compétence de l'État sur les politiques de santé. Elle apporte ainsi au préfet un suivi et une compréhension globale renforcés des enjeux de l'institution et de ses difficultés, pouvant aboutir à des demandes conjointes auprès du ministère de la santé s'agissant de besoins locaux ;

- par ailleurs, pour affirmer la cohérence des prises de position des structures de l'État, tous les directeurs généraux d'ARS participent désormais régulièrement aux réunions du comité d'administration régionale sous la présidence du préfet de région, et chaque directeur départemental participe, en principe chaque semaine, à la réunion des chefs de service de l'État organisée par les préfets de département. Les ARS sont également régulièrement associées, au même titre que les autres agences de contrôle et dans leurs domaines d'expertise, aux opérations diligentées par les préfets dans le cadre des comités opérationnels départementaux anti-fraude (CODAF) ;

- enfin, pour garantir une réponse optimale en cas de crise sanitaire ou sécuritaire, l'article 27 de loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur permet au préfet de département de prendre la direction fonctionnelle de l'ensemble des établissements publics de l'État, dont les ARS. Pour la préparation aux crises, le décret n° 2024-8 du 3 janvier 2024 relatif à la préparation et à la réponse du système de santé pour faire face aux situations sanitaires exceptionnelles a également prévu que le dispositif ORSAN soit complété par neuf dispositions spécifiques transversales développées par l'ARS soumises à l'avis des préfets afin de garantir qu'elles s'articulent au mieux avec les dispositifs de préparation au titre du dispositif ORSEC.

De la même manière, en application de l'article 153 de la loi 3DS, le préfet coordonnateur de bassin assure désormais systématiquement la présidence du conseil d'administration des agences de l'eau, afin de réaliser l'unité et la cohérence des actions déconcentrées de l'État en ce domaine.

En outre, afin de disposer d'une vision complète des dispositifs faisant l'objet de co-financements au niveau local, plusieurs préfets de région ont désormais institué des comités régionaux des financeurs associant plusieurs agences et des collectivités territoriales, afin de permettre une information complète de l'ensemble des parties prenantes et un dialogue étayé en amont des prises de décision.

À titre d'exemple, en Nouvelle-Aquitaine comme dans les Pays-de-la-Loire, un comité régional des financeurs présidé par le préfet de région en présence des agences et des préfets de département permet d'effectuer un suivi des déploiements des programmes de l'ANCT et de faire part de retours d'expérience sur les programmes « Action coeur de ville » et « Petites villes de demain ». De même, dans les Hauts-de-France, le préfet de région préside la commission régionale des aides de l'Ademe, composée du directeur régional de l'Ademe, des services de l'État en région, de six personnalités qualifiées, du président du conseil régional ou de son représentant, afin d'examiner et de rendre un avis sur les projets, dont le concours financier sur le budget de l'opérateur est supérieur à 200 000 euros. Ces avis essentiellement techniques, administratifs et juridiques permettent d'alimenter la réflexion avant que l'Ademe ne prenne sa décision de financement. Dans la même région, la programmation régionale des crédits de l'ANAH, ainsi que l'ensemble des crédits du fonds national des aides à la pierre (FNAP) est validée en comité régional de l'habitat et de l'hébergement (CRHH), seule instance de concertation avec les collectivités locales, les bailleurs sociaux et les associations en charge du logement des personnes défavorisées qui aborde l'ensemble des politiques publiques relatives à l'habitat et à l'hébergement.

(2) Le statut de délégué territorial du préfet

Par ailleurs, afin de garantir un alignement de l'action locale des agences sur les orientations gouvernementales et les besoins identifiés par les services de l'État à l'échelle du territoire, le préfet se voit désormais désigné délégué territorial de certaines agences.

Ce dispositif, instauré par le décret n° 2010-146 du 16 février 2010, trouvait initialement à s'appliquer à l'égard des établissements publics comportant un échelon territorial et figurant sur une liste établie par un décret en Conseil d'État.

Pour ceux-là, aux termes des articles 59-1 à 59-3 du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004, le préfet, en sa qualité de délégué territorial, coordonne les actions de l'établissement avec celles conduites par les administrations et les autres établissements de l'État. Il joue ainsi un rôle de contrôle de la cohérence de l'action territoriale de l'établissement public avec les orientations gouvernementales, l'activité des services de l'État et dans le partenariat avec les collectivités territoriales.

La mission de délégué territorial du préfet

Sous réserve de dispositions spécifiques prévues par la loi, le décret de 2004 prévoit que le préfet, en tant que délégué territorial :

- assure la représentation de l'établissement dans la région ou le département. À ce titre, il peut recevoir délégation de pouvoir de l'organe compétent pour négocier et conclure au nom de l'établissement toute convention avec les collectivités territoriales et leurs groupements ou, en l'absence d'une telle délégation, contresigner ces conventions ;

- adresse des directives d'action territoriale (DAT) à l'attention du représentant territorial de l'établissement public visant à orienter son action conformément à des orientations des ministères de tutelle et des enjeux territoriaux diagnostiqués par la préfecture ;

- contribue à l'évaluation du responsable territorial de l'établissement, non pas en tant qu'autorité hiérarchique, mais en tant qu'autorité fonctionnelle, afin d'évaluer, au nom de l'État, la qualité de la participation de l'établissement public aux politiques publiques de l'État sur le territoire.

Source : commission d'enquête, à partir du décret du 29 avril 2004

La fonction de délégué territorial n'a ainsi pas pour effet d'amoindrir ni le fonctionnement de l'établissement public doté d'une autonomie inhérente à son statut juridique, ni les compétences des instances de gouvernance de cet établissement, dès lors qu'elle ne s'exerce que dans le strict respect du cadre des attributions et des décisions des organes délibérants et exécutifs de l'établissement. Elle vise en revanche à faire du préfet le représentant local de l'agence concernée, et est à ce titre l'unique personne à prendre la parole au nom de l'État.

En définitive, ce statut vise à renforcer le préfet en tant que relai institutionnel et opérationnel du pouvoir exécutif dans les territoires et le qualifie comme interlocuteur unique au niveau déconcentré pour garantir l'unicité de la parole de l'État.

Si la commission reconnaît que la désignation du préfet comme délégué territorial de certains établissements publics a constitué une avancée utile et nécessaire au rapprochement de l'action des agences de celle des services déconcentrés, elle constate toutefois que cette fonction fait l'objet d'une mise en oeuvre disparate en fonction des établissements ainsi que des zones géographiques, interrogeant la cohérence d'ensemble du dispositif. Elle considère en outre que la désignation du préfet comme délégué territorial est une mesure bien trop timide alors que la crise de confiance des collectivités comme des citoyens vis-à-vis des agences de l'État nécessite une véritable reprise en main du représentant de l'État sur ces entités, afin de rendre à l'action publique toute sa cohérence et son efficacité.

De fait, initialement prévue pour les agences s'appuyant directement sur les services déconcentrés de l'État240(*), la désignation du préfet comme délégué territorial s'est développée ces dernières années, y compris à l'égard d'agences disposant de leurs propres services territoriaux. Des textes spécifiques ont également désigné le préfet comme délégué territorial de groupements d'intérêt public tels que l'Agence nationale du service civique (ANSC) et l'Agence nationale du sport (ANS), alors que le décret de 2004 modifié ne vise explicitement que les établissements publics de l'État241(*).

La Cour des comptes note à cet égard que le rôle du délégué territorial s'exerce de manière différente selon que l'agence s'appuie sur les services déconcentrés de l'État pour son action territoriale (ANRU, ANCT, ANS), ou qu'elle dispose de services territoriaux propres (Ademe, OFB)242(*) : dans le premier cas, la désignation du préfet comme délégué territorial évite que des services placés en temps normal sous son autorité le contournent quand ils exercent des missions pour le compte d'une agence ; dans le second, elle a pour effet d'introduire le préfet dans des processus dans lesquels il n'intervenait pas précédemment.

Le préfet est désormais délégué territorial de neuf agences.

Liste des agences dont le préfet est délégué territorial

Agence

Préfet délégué territorial

Date d'attribution

Agence nationale de l'habitat (ANAH)

région et département

2003

Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU)

département

2003

Agence nationale du service civique (ANSC)243(*)

région

2020

FranceAgriMer

région

2012

Office de développement de l'économie agricole d'Outre-mer (Odeadom)

département

2016

Agence nationale du sport (ANS) 244(*)

région

2019

Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT)

département

2019

Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe)

région

2022

Office français de la biodiversité (OFB)

département

2022

Source : commission d'enquête, à partir du décret n° 2012-509 du 18 avril 2012 et de textes spécifiques

S'appuyant sur quatre exemples d'agences pour lesquelles le préfet a été désigné délégué territorial, la commission a constaté une mise en oeuvre très hétérogène de cette fonction.

· Le délégué territorial de l'ANRU, une fonction cohérente et stabilisée

Dès la création de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), en 2003, le préfet de département est désigné délégué territorial de l'établissement245(*). L'article 12 du décret n° 2004-123 du 9 février 2004 précise qu'en sa qualité de délégué territorial de l'agence, le préfet assure l'instruction des demandes de financement et des dossiers de conventions pluriannuelles des différents programmes (PNRU, NPNRU, PNRQAD246(*)) et les transmet au directeur général pour avis du comité d'engagement ; et signe, sur délégation du directeur général, les conventions pluriannuelles et les conventions de délégation de gestion des concours financiers (PNRU et NPNRU).

Le préfet attribue également, sur délégation de pouvoir, les subventions prévues dans les conventions pluriannuelles et les subventions ne nécessitant pas de convention, instruit les demandes de versement de subvention et contrôle l'exécution des prestations. Enfin il émet, le cas échéant, des demandes de reversement et établit chaque année à l'attention du directeur général un rapport relatif à l'avancement de chaque convention pluriannuelle signée dans le département.

La fonction de délégué territorial permet ainsi au préfet de garantir un contrôle de la cohérence des subventions attribuées par l'agence au regard des priorités identifiées par la préfecture, et d'incarner l'agence au niveau territorial du fait de son rôle pivot pour l'articulation des orientations nationales de l'agence avec leur déploiement local. Comme relevé devant la commission d'enquête par François de Mazières, maire de Versailles et représentant de France urbaine, la structure même de l'ANRU, dont l'action locale repose pleinement sur les services déconcentrés de l'État, rend « le lien avec la préfecture assez évident ».

· Le délégué territorial de l'Ademe, une coordination en progression avec les délégations territoriales de l'agence

La commission d'enquête a constaté que l'effectivité du rôle de délégué territorial pouvait également être observée pour certaines agences disposant de leurs propres services locaux.

Le préfet de région a notamment été, dans le cadre de la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration (dite « loi 3DS), nommé délégué territorial de l'Ademe, agence qui dispose de directions régionales sur l'ensemble du territoire pour la gestion des fonds confiés par l'État (fonds chaleur, fonds économie circulaire, fonds verts et programmes France 2030). La présence « autonome » de l'agence sur le territoire n'a pourtant pas empêché la mise en oeuvre des prérogatives du délégué territorial prévues par le décret de 2004.

Le préfet délégué territorial assure en effet la synchronisation de l'action de l'agence avec celles conduites par les administrations et les autres établissements publics de l'État en région en pilotant le comité régional d'orientation, instance d'examen des dossiers de financement supérieurs à 200 000 euros, en contresignant toutes les aides aux collectivités, dès le premier euro ; ainsi que par l'élaboration d'une convention avec l'agence pour la répartition du fonds vert et examine les dossiers candidats, qu'il valide afin de permettre le transfert du budget à l'agence. Conformément au décret de 2004, le préfet de région est également amené à édicter des directives d'action territoriale à l'attention du directeur général ainsi qu'à se prononcer sur la nomination des directeurs régionaux de l'agence.

Le rôle du préfet dans l'animation locale des missions portées par l'Ademe témoigne ainsi qu'une telle coordination est tout à fait possible, y compris à l'égard des agences disposant de services territoriaux. Aussi, la commission déplore qu'une telle articulation ne se retrouve pas dans l'ensemble des établissements desquels le préfet a été désigné délégué territorial.

· Le délégué territorial de l'Office français de la biodiversité, une fonction « amoindrie » ?

Le rôle du préfet de département auprès de l'Office français de la biodiversité (OFB) semble bien plus restreint. Également conféré par la loi du 21 février 2022 dite « loi 3DS », le statut de délégué territorial de l'OFB se limite aux seules missions de coordination de la police administrative de l'eau et de l'environnement, s'éloignant ainsi du cadre juridique prévu par le décret de 2004.

Au demeurant, la mission de coordination dévolue au préfet à l'égard de l'OFB semble se heurter à de multiples difficultés puisque, si le préfet s'assure de la présence des services de l'OFB aux instances stratégiques qu'il préside, tout particulièrement la mission interservices de l'eau et de la nature (MISEN), le développement de plan de contrôles en lien avec les services de l'État demeure assez marginal et ne semble pas produire les effets escomptés sur le terrain selon les élus.

Les missions de l'OFB font l'objet d'un pilotage partagé entre le préfet et le procureur de la République

Le décret du 13 septembre 2023247(*) consacre deux instances complémentaires pour un meilleur pilotage de la police de l'environnement et une meilleure articulation entre police administrative et police judiciaire :

- la mission interservices eau et nature (MISEN), instance présidée par le préfet en sa qualité de délégué territorial, au sein de laquelle, en présence du procureur de la République, il réunit l'ensemble des acteurs concernés et pilote la stratégie de contrôle ;

- le comité de lutte contre la délinquance environnementale (COLDEN) est une instance présidée par le procureur de la République au sein de laquelle il réunit ces mêmes acteurs pour améliorer le pilotage des procédures judiciaires.

Source : décret n° 2023-876 du 13 septembre 2023 relatif à la coordination en matière de politique de l'eau et de la nature et de lutte contre les atteintes environnementales

· Le délégué territorial de l'ANCT, vers une incarnation de l'offre d'ingénierie territoriale ?

À cet égard, l'évolution singulière du rôle du préfet auprès de l'ANCT témoigne bien du besoin accru de pilotage et de lisibilité de l'action publique en matière d'ingénierie territoriale, sans pour autant parvenir à relever clairement ce défi.

L'article L. 1232-2 du code général des collectivités territoriales, tel qu'issu de la loi n° 2019-753 du 22 juillet 2019 portant création d'une Agence nationale de la cohésion des territoires, prévoyait ainsi initialement que le délégué territorial de l'agence « assure la cohérence et la complémentarité des actions de l'agence avec les soutiens apportés aux projets locaux par les acteurs locaux publics ou associatifs intervenant en matière d'ingénierie ».

Pour ce faire, le dispositif confie au préfet la responsabilité de réunir régulièrement, au moins deux fois par an, un comité local de cohésion territoriale (CLCT) devant constituer l'instance « pivot » de l'animation locale en matière d'ingénierie territoriale.

Les comités locaux de cohésion territoriale (CLCT)

Présidé par le préfet, le CLCT réunit quatre collèges représentant les services déconcentrés, les établissements publics de l'État, les collectivités territoriales ainsi que les structures d'accompagnement de projets afin de faire le bilan de l'avancement des dispositifs de contractualisation (CRTE), des programmes (Petites Villes de Demain, France services, Villages d'avenir, Territoires d'industrie, Action Coeur de ville) ainsi que des financements provenant de l'État et des agences (ANCT, Ademe, ANAH).

L'instance doit ainsi permettre une meilleure coordination des différentes parties prenantes s'agissant des besoins et de l'offre d'ingénierie locale, et définir les priorités d'intervention de l'ANCT à travers l'élaboration d'une feuille de route partagée. Elle vise également à garantir une certaine lisibilité de l'offre d'ingénierie sur le territoire, et a à ce titre conduit, dans certains départements, à la réalisation de cartographies des acteurs locaux de l'ingénierie à destination des collectivités territoriales et de guides de l'ingénierie territoriale recensant les différents outils à disposition des élus248(*), et à l'organisation de forum de l'ingénierie249(*).

Selon une étude menée par l'ANCT, à l'été 2024, 88 départements ont installé au moins un CLCT depuis 2020. 19 % des répondants en ont organisé six ou plus depuis 2020. Seuls 15 départements n'ont pas réuni le comité au cours de l'année 2024.

Source : ANCT

Les CLCT semblent ainsi assurer leur rôle d'aiguillage et d'accompagnement des collectivités, Mme Isabelle Dugelet, représentante de l'Association des maires ruraux de France (AMRF) indiquant que, « si leur répartition sur le territoire n'est pas homogène, leur mise en place a permis d'élaborer un guide de l'ingénierie, offrant aux communes une meilleure visibilité sur l'ensemble des services et agences pouvant répondre à leurs besoins. Cette initiative contribue à pallier le manque d'information auquel sont confrontés les élus ruraux, qui ne peuvent compter que sur leurs secrétaires de mairie, déjà fortement sollicités ».

Afin de renforcer le pouvoir de coordination du préfet, le décret n° 2024-97 du 8 février 2024 relatif au rôle du délégué territorial de l'ANCT l'a également rendu compétent pour l'instruction et la signature de conventions avec les collectivités territoriales en matière d'accompagnement et d'ingénierie, rôle non prévu lors de sa création. Chaque préfet bénéficie ainsi d'une enveloppe dédiée à l'ingénierie de 150 000 euros par département, soit une enveloppe déconcentrée de 15 millions d'euros en tout.

Enfin, l'instruction du 28 décembre 2023 relative au renforcement de l'appui en ingénierie aux collectivités invite les délégués territoriaux à mettre en place plus formellement un guichet unique qui permettraient aux élus locaux de disposer d'un point d'entrée dans l'offre d'ingénierie locale existante. Ce guichet se traduit concrètement par la mise à disposition d'une adresse email standardisée depuis laquelle les agents des services déconcentrés réceptionnent les demandes d'élus ne trouvant pas spontanément de réponse à leur besoin d'ingénierie et établissant pour eux les contacts avec les acteurs locaux de l'ingénierie.

Cette instruction s'inscrit ainsi dans la continuité des mesures prévues en loi de finances initiale pour 2024 à l'instar de celle relative au relèvement du plafond d'emploi de l'Agence de quatre équivalents temps plein (ETP) au titre du renforcement du maillage territorial par le doublement de l'équipe des chargés de missions territoriaux pour 2024, constituant ainsi le point d'entrée unique de l'ANCT au niveau central et des interlocuteurs transversaux de proximité pour les délégués territoriaux.

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Globalement, la commission a ainsi observé que le rôle de délégué territorial n'est pas encore harmonisé, avec des pratiques très variables en fonction des structures, ce qui s'explique également par la diversité de l'organisation territoriale des établissements publics concernés.

Pour les élus, ces disparités dans les missions confiées au préfet en sa qualité de délégué territorial ne constituent qu'un facteur de complexité supplémentaire, ne permettant pas une simplification globale de l'articulation de l'action de l'État et des agences à l'échelle locale.

Par ailleurs, les collectivités interrogées sur le nouveau rôle des préfets en tant que délégués territoriaux demeurent partagées, devant les prérogatives limitées des préfets sur les agences découlant de ce statut. Selon l'AMF, « cette réforme n'est qu'une fausse simplification, qui compromet la parole de l'État puisque le préfet se trouve affaibli quand un service déconcentré ou une agence n'a pas la même réponse que lui, et cela se voit ».

En somme, le préfet délégué territorial se trouve au milieu du gué, disposant de prérogatives nouvelles et disparates en fonction des agences, qui traduisent une prise de conscience de la nécessité de réarticuler les circuits de décisions à l'échelle locale, sans pour autant que ce statut fragile parvienne à assurer une pleine cohérence des interventions des agences, qui demeurent largement autonomes sur certaines de leurs opérations.

La conduite d'une telle réforme ne saurait aboutir sans inversement de la trajectoire des moyens accordés aux services déconcentrés de l'État, en baisse constante depuis une décennie. La commission regrette à cet égard que la désignation des préfets comme délégués territoriaux ne se soit accompagnée d'aucun effectif supplémentaire pour l'exercice de cette mission, alors que les réformes successives de l'administration territoriale de l'État ont entraîné une diminution des capacités de ces services et une fuite de ses compétences en matière d'ingénierie. Elle appelle donc à un transfert des effectifs de certaines agences au sein des services déconcentrés. (Voir infra).

2. Un nécessaire renforcement du rôle des préfets comme clé de voûte des politiques publiques locales
a) Face au mythe du guichet unique, le préfet comme point d'entrée unique de l'ingénierie territoriale au service des collectivités territoriales

Devant ces constats, la commission d'enquête appelle à une profonde restructuration du fonctionnement des agences au niveau local, replaçant le préfet au centre de l'action de l'État dans les territoires.

Ce réagencement doit premièrement se concrétiser par la création d'une véritable voie d'accès unique à l'ingénierie territoriale en préfecture. Si, depuis plusieurs années, le débat public a vu l'émergence d'un concept vague et sans cesse plébiscité tenant à la constitution d'un « guichet unique » des aides de l'État, dont la création de l'ANCT est l'un des symptômes, la constitution d'une telle structure ex nihilo apparaît aujourd'hui complexe du fait de la diversité des besoins d'accompagnement exprimés par les citoyens, les entreprises et les collectivités. Un tel projet conduisait notamment Bernadette Malgorn à souligner ironiquement devant la commission d'enquête les limites du mythe du guichet unique, constatant qu'il faudrait aujourd'hui « 67 millions de guichets uniques » pour répondre à l'ensemble des problématiques recensées.

La demande d'un guichet unique traduit néanmoins en creux un véritable besoin de simplification d'accès aux services publics, autrefois coordonnés par les services déconcentrés de l'État. Pour la commission, cette simplification doit se matérialiser par le retour d'un point d'accès unique des collectivités vers les offres d'ingénierie de l'ensemble des agences par l'intermédiaire de la préfecture. De fait, le développement de plusieurs structures dédiées à l'ingénierie territoriale et l'enchevêtrement de leurs compétences ne permettent pas aujourd'hui aux élus locaux de trouver l'interlocuteur approprié, étant rappelé qu'une majorité d'entre eux reconnaissaient ne même pas connaître l'ANCT en 2022250(*). Comme rappelé par Marc Chapuis, préfet des Alpes-de-Haute-Provence, devant la commission d'enquête, « l'accès à l'ingénierie, c'est finalement souvent un problème de visibilité ».

À cet égard, le projet de « guichet unique de l'ingénierie territoriale » institué par l'instruction du 28 décembre 2023, consistant en l'élaboration d'une adresse mail unique vers la préfecture est une initiative pertinente qui doit, selon la commission, prendre de l'ampleur, par l'allocation de moyens additionnels, afin de généraliser un parcours unique d'accès à l'ingénierie via la préfecture et, dans un second temps, la mise en place d'une logique « d'allers vers » à l'égard des plus petites collectivités.

La généralisation de la préfecture comme centre d'aiguillage des élus vers les agences ou services compétents permettrait en outre une rationalisation des moyens d'intervention, en s'assurant que seuls les interlocuteurs réellement amenés à intervenir seront mobilisés. De plus, sur la base des cartographies en cours d'élaboration en préfecture, la centralisation des demandes d'appui de la part des collectivités facilitera l'identification d'éventuels outils manquants parmi l'offre locale et, le cas échéant, la mobilisation des moyens annexes, au niveau national ou auprès d'autres territoires.

Un tel mécanisme n'aura d'ailleurs pas pour effet de priver les élus de saisir directement une agence une fois celle-ci identifiée, par exemple pour poursuivre un projet ou en entreprendre un similaire.

Recommandation : Faire de la préfecture la voie d'accès unique à l'offre de l'État et de ses agences en matière d'ingénierie territoriale.

b) Les préfets, tours de contrôle des financements à destination des particuliers, des collectivités et des entreprises

En deuxième lieu, la commission appelle à élargir et consacrer un réel pouvoir de coordination des préfets vis-à-vis de l'ensemble des politiques publiques au niveau local, y compris celles actuellement mises en oeuvre par des agences disposant de relais territoriaux.

S'agissant des financements publics, alors que la visibilité des interventions de l'État devient un enjeu politique majeur face au sentiment d'abandon de certains territoires, il apparaît indispensable à la commission de redonner au préfet un droit de regard et une coordination accrue sur les financements accordés par les agences permettant d'assurer un accompagnement financier optimal ; ainsi que sur la programmation budgétaire des agences. Le préfet doit ainsi être réintégré à tous les stades du processus aboutissant à l'attribution d'une subvention publique à une collectivité ou une entreprise.

En particulier, la commission d'enquête demande la fin de la pratique du lancement d'appels à projets et des appels à manifestation d'intérêt par les agences, en raison, comme décrit précédemment, de la complexité importante pour les collectivités territoriales et les entreprises et des risques de doublons avec d'autres sources de financement.

Recommandation : Interdire le lancement par les agences d'appels à projets et d'appels à manifestation d'intérêt à destination des collectivités territoriales. Pour les appels à projets en cours, mettre en place une obligation d'information du préfet sur les dispositifs lancés dans le département ou dans la région.

Un corollaire nécessaire est la reprise en main des financements des agences par le préfet, à tous les stades de la procédure.

Les services préfectoraux doivent désormais constituer un point d'entrée unique pour les collectivités et les entreprises dans leur demande d'aides ou de financements assurés par l'État et ses agences. Cela permettrait aux services préfectoraux d'accompagner les plus petites collectivités dans la constitution de leurs dossiers mais également de garantir une cohérence dans les financements sollicités au regard de l'offre existante sur le territoire et du projet concerné.

Comme évoqué ci-avant, cette réarticulation de la chaîne de financement vise à mettre un terme à la situation actuelle dans laquelle, bien que l'ANCT et les préfectures aient constitué des « guides de l'ingénierie » répertoriant toutes les sources éventuelles d'appui dans leurs projets, la charge administrative de l'identification de l'offre la plus pertinente repose encore sur les élus.

Les préfets et leurs services doivent également disposer d'un réel pouvoir de décision sur les financements octroyés par les agences, en étant associés de manière systématique d'une part, à la programmation budgétaire locale des agences afin de garantir la cohérence d'ensemble des différentes programmations et, d'autre part, à l'instruction des dossiers. Pour ce faire, les services territoriaux des agences, en particulier ceux assurant l'instruction de dossiers, devront être rattachés au préfet et aux services déconcentrés afin de constituer un véritable pôle d'assistance à maîtrise d'ouvrage bénéficiant aux collectivités qui n'ont pas la possibilité de constituer cette compétence en interne.

La commission plaide ainsi en faveur de la généralisation des principes et de la méthode utilisés pour l'attribution du fonds vert :

· des crédits déconcentrés : les crédits sont délégués aux préfets de région et de département ;

· des crédits fongibles : la distribution de l'enveloppe n'est pas pré-fléchée par thématique de façon à pouvoir s'adapter aux besoins des territoires et des élus ;

· des critères d'octroi adaptés aux spécificités locales ;

· le soutien des agences de l'Etat disposant de l'expertise technique (Ademe, agences de l'eau, etc.) pour l'instruction des dossiers ;

· un dépôt numérique des dossiers via une interface unique « Démarches simplifiées » accessible sur le site « Aides-territoires » ;

· la possibilité pour les préfets de financer un accompagnement en ingénierie à la hauteur des besoins qu'ils identifient pour que toutes les collectivités soient en mesure de porter des projets.

Le schéma général sera donc de faire du préfet un « guichet numérique unique », c'est-à-dire un portail Internet sur lequel les collectivités et les entreprises pourraient déposer tous leurs dossiers de demande d'aide.

La demande sera ensuite dirigée vers les services préfectoraux chargés d'instruire le dossier, renforcés par le transfert d'agents précédemment affectés dans les directions territoriales des opérateurs.

La commission d'enquête propose de décliner ce schéma à trois niveaux.

Pour les aides aux particuliers, copropriétés, agriculteurs, au principe actuel « un dispositif, une agence, une procédure » se substituerait le principe « un circuit pour toutes les aides ». Ce n'est en effet pas au citoyen de connaitre quel est le circuit administratif suivi par sa demande.

Un guichet numérique - doublé lorsque c'est nécessaire d'une assistance physique dans les lieux consacrés localement à l'accès aux services publics - permettrait de déposer les demandes d'aide (chèque énergie, subvention pour la rénovation thermique, soutien au bio, aides à l'hectare, etc.) qui sont actuellement adressées à différentes agences (ANAH, Ademe, FranceAgriMer, ASP, etc.). L'instruction serait réalisée ensuite par l'ASP, au moins pour les aides simples, puis le paiement et le contrôle par la même agence.

Aides versées aux particuliers, copropriétés, agriculteurs

Source : commission d'enquête

Du point de vue de l'État, l'unification du circuit de paiement permettrait de mieux mutualiser les compétences humaines et les infrastructures techniques, faciliterait également la lutte contre la fraude et permettrait de mieux déterminer l'ensemble des aides dont une personne a bénéficié au cours d'une année.

Une meilleure lutte contre la fraude aux aides publiques apparaît en effet nécessaire afin de garantir un bon usage des deniers publics. Si le montant de la fraude sur les aides versées par les opérateurs de l'État est difficile à évaluer, la commission d'enquête a entendu avec intérêt les dirigeants d'organismes de sécurité sociale donner des estimations chiffrées, d'un montant élevé, pour les fraudes aux prestations sociales : soit environ 6 milliards d'euros pour les cotisations éludées aux Urssaf, entre 3 et 4 milliards d'euros pour les fraudes à l'assurance familiale et entre 1,5 et 2 milliards d'euros pour celles à l'assurance maladie251(*). S'agissant des opérateurs de l'État, la ministre des comptes publics a indiqué le 17 juin dernier, devant la commission des finances du Sénat, que 20 % des montants versés au titre de MaPrimeRénov' en 2024 ont fait l'objet de fraudes avérées.

Pour les collectivités, le point de contact sera leur interlocuteur le plus naturel, qui est le préfet de département.

Pour les aides aux collectivités, l'instruction serait donc réalisée par l'administration déconcentrée la plus adaptée en fonction du dispositif, donc le plus souvent la direction départementale des territoires (DDT)252(*) ou la direction départementale de l'emploi, du travail et des solidarités (DDETS). Le paiement, la liquidation et le contrôle seront effectués par la direction départementale des finances publiques (DDFiP), en qui les communes voient un partenaire privilégié sur les questions financières253(*).

Un comité d'attribution, ayant un pouvoir décisionnel, composé d'élus locaux, de parlementaires, de représentants des services instructeurs, décide de la ventilation des crédits.

Ce dispositif présentera des avantages pour les collectivités territoriales pour l'État.

Les collectivités bénéficieront d'un point d'entrée unique pour l'ensemble des dispositifs dont elles peuvent bénéficier, que ce soit par des dispositifs aujourd'hui gérés par différentes agences (fonds vert, Ademe, Agence nationale des sports, etc.) ou les dotations locales qui, parfois, peuvent contribuer aux mêmes projets (DETR, DSIL). Un seul point d'entrée permettra de réduire le nombre de dossiers déposés et d'harmoniser les procédures et les calendriers.

Aides versées aux collectivités

Source : commission d'enquête

Du point de vue de l'État, la rationalisation des procédures d'attribution des aides à l'investissement donnera une vision beaucoup plus directe, en temps réel, de l'état de traitement des dossiers comme des fonds versés. L'unification des chaînes de paiement apportera également une connaissance de l'ensemble des aides versées au cours d'une période donnée à chaque collectivité. Enfin, la mutualisation des ressources et des compétences techniques réduira les coûts de structures.

Pour les entreprises, le point d'entrée sera le préfet de région ou, en pratique, son site Internet, puisque la compétence de développement économique est située au niveau régional. L'instruction des dossiers reviendront, de manière générale, à la direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS) et le paiement pourra être effectué par l'Agence de services et de paiement (ASP), agence qui, comme il sera indiqué plus loin, est particulièrement qualifiée pour ce type de tâche.

Aides versées aux entreprises

Source : commission d'enquête

Au-delà de la seule question des aides financières, un schéma analogue pourrait être mis en place pour le soutien aux entreprises dans leurs démarches de toutes sortes, pour lesquelles elles doivent également faire face à une multiplicité d'agences, de procédures, de dossiers à fournir et de délais à respecter.

L'administration déconcentrée la plus compétente étant la direction départementale de l'emploi, du travail et des solidarités (DDETS), c'est plutôt à ce niveau-là que pourrait être instauré le guichet numérique unique, chaque département organisant ensuite la redirection de la demande vers l'acteur le plus à même d'accompagner l'entreprise : chambre consulaire, direction départementale des finances publiques (DDFiP), URSSAF, etc.

Soutien aux entreprises

CCI : chambre de commerce et d'industrie. CMA : chambre des métiers et de l'artisanat. CA : chambre d'agriculture.

Source : commission d'enquête

Recommandation : Faire des services préfectoraux le point d'entrée unique des demandes d'aides ou de financement des collectivités et des entreprises. Transférer au préfet l'autorité que détiennent les agences sur les décisions de financements.

Ces schémas d'instruction et d'attribution des aides ont pour conséquence naturelle une disparition de l'ANCT.

Les effectifs localisés en région devraient venir renforcer les équipes du préfet de département.

Les services chargés de mettre en place des politiques publiques ou de les évaluer doivent être réintégrés à l'administration centrale.

Recommandation : Supprimer juridiquement l'ANCT, en renforçant les services préfectoraux départementaux avec les effectifs de l'Agence.

S'agissant de l'établissement Bpifrance, il sera maintenu mais il ne versera plus d'aides et ne lancera plus d'appel à projets : ces missions sont en effet reprises par les directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS) et par la direction générale des entreprises. Le transfert des équipes chargées de ces missions devra donc être prévu.

Quant au Cerema, son périmètre n'évolue pas, mais ses agents peuvent être mobilisés en tant que de besoin par les préfets de département pour des missions de maitrise d'oeuvre.

De même, FranceAgriMer est maintenu mais ne verse plus aucune aide simple.

L'établissement reprend les missions de l'Odeadom qui ne sont pas transférées à l'ASP.

c) Un exemple d'amélioration nécessaire de l'action publique au niveau local : les agences régionales de santé

La commission d'enquête a pu constater, au cours de ses auditions comme de ses déplacements, les nombreuses critiques dont font l'objet les agences régionales de santé (ARS) :

- lenteur bureaucratique et inefficacité des procédures ;

- éloignement des réalités locales et déficit de concertation ;

- poids financier et recherche d'économies.

Parmi de nombreux exemples, Isabelle Dugelet, représentante de l'Association des maires ruraux de France (AMRF), a regretté un « manque de proximité entre les ARS et les élus, ainsi qu'une connaissance insuffisante des réalités locales ». Véronique Pouzadoux, vice-présidente de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité, a dénoncé « des situations ubuesques : une maison de santé peut très bien être soutenue par de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), mais pas par l'ARS ». Les ARS en sont d'ailleurs conscientes : Denis Robin, président du collège des directeurs généraux d'ARS, reconnaissait que, selon un sondage, « 60 % des maires les jugeaient trop éloignées de leurs communes ».

La formule de l'agence a pu être nécessaire au moment de leur création en 2010, pour permettre la mise en commun de personnels et de ressources d'origines diverses : agences régionales de l'hospitalisation (ARH), pôles santé et médico-social des directions régionales des affaires sanitaires et sociales (DRASS) et des directions départementales de l'action sanitaire et sociale (DDASS), unions régionales des caisses d'assurance maladie (UCRAM).

Toutefois la commission d'enquête constate que cette réforme, utile en soi, a présenté l'inconvénient de constituer des acteurs perçus comme manquant de légitimité, car trop éloignés du niveau départemental indispensable pour la proximité opérationnelle.

Elle propose en conséquence de clarifier l'organisation de la politique de santé dans les territoires en transférant les attributions des ARS aux services déconcentrés de l'État, sous l'autorité des préfets.

(1) Une clarification des circuits administratifs, pour une meilleure responsabilisation des acteurs

Une telle réforme supprimerait les ambigüités actuelles dans la répartition des responsabilités entre le préfet et l'ARS et permettrait d'exercer chaque branche de la politique de santé au niveau territorial le plus approprié :

au niveau régional : une direction régionale de la santé (DRS), rattachée à la préfecture de région, reprendrait les fonctions de pilotage stratégique aujourd'hui dévolues à l'ARS : notamment l'élaboration du projet régional de santé ou PRS et la coordination en cas de crise sanitaire régionale. Le personnel du siège de l'ARS siège (direction générale, pôles métiers) y serait affecté. Le préfet de région, en tant que délégué du gouvernement, présiderait les instances de coordination sanitaire à l'échelle régionale ;

au niveau départemental : les délégations départementales des ARS seraient placées sous l'autorité du préfet de département pour exercer les missions de proximité : suivi des établissements de santé et médico-sociaux du département, inspections sanitaires, animation des contrats locaux de santé, gestion des situations d'urgence sanitaire locale aux côtés du préfet.

Cette organisation vise à articuler une chaîne de commandement unifiée (ministère - préfet de région - préfet de département) tout en maintenant un échelon de coordination régionale. La répartition entre agents de droit public et de droit privé, qui fonctionne actuellement au sein des ARS sans trop de difficultés254(*), pourrait être conservée au sein des préfectures.

(2) Une rationalisation des circuits budgétaires, source d'économies

La suppression des ARS en tant qu'entités juridiques permettrait également de simplifier les circuits budgétaires : la subvention pour charges de service public serait réintégrée dans les crédits du ministère et les contributions de l'Assurance maladie pourraient transiter via un fonds national fléché vers les préfectures.

Plusieurs sources d'économies sont attendues de ce scénario :

- une rationalisation des fonctions support : en intégrant les ARS aux préfectures, on pourrait supprimer les doublons dans les services administratifs (ressources humaines, informatique, communication). Les préfectures et DRS mutualiseraient ces fonctions support, générant des économies d'échelle ;

- une réduction des postes de direction : en revenant à une structure unifiée par région/département, certains postes de direction haut niveau pourraient être supprimés ou réaffectés. Moins d'agences, c'est moins de frais de structure ;

- une meilleure allocation des ressources aux soins : en supprimant un niveau intermédiaire de décision budgétaire, on peut espérer accélérer la distribution des crédits vers le terrain. Les fonds auparavant immobilisés pour le fonctionnement des ARS pourraient être redéployés vers les hôpitaux, la médecine de ville ou les actions de prévention. Le fonds d'intervention régional (FIR), géré jusqu'ici par les ARS (5,2 milliards d'euros en 2023255(*)), pourrait être piloté directement par le ministère et les préfets, ce qui simplifierait son utilisation.

Concernant la répartition État/Assurance maladie, plusieurs options existent. La plus simple serait de maintenir l'actuel partage (financement mixte) mais en transférant la part Assurance maladie vers un programme ou un fonds dédié dont les préfets disposeraient. Alternativement, l'État pourrait reprendre à son compte la totalité des coûts de fonctionnement des services de santé déconcentrés, l'Assurance maladie se concentrant sur le financement des soins et investissements. Cette décision sera autant politique que technique, mais ne modifie pas in fine la source des fonds (publics), seulement leur canal d'acheminement. Des indicateurs de suivi devront être mis en place pour s'assurer que les économies réalisées sur les frais de structure se traduisent en gain net pour les finances publiques ou en réallocation vers l'offre de soins.

(3) Une simplification des liens avec les collectivités, les professionnels et les usagers

Le principal apport du passage sous l'autorité des préfets tiendrait sans doute à la simplification et la fluidification des relations entre l'administration sanitaire et les acteurs locaux : collectivités territoriales, professionnels de santé de terrain, usagers du système de soins.

S'agissant des collectivités locales, les préfets, en tant que représentants de l'État dans les territoires, sont déjà les interlocuteurs naturels des maires et des présidents de conseils départementaux ou régionaux. En leur confiant les missions de santé, on crée un guichet unique local de l'État pour les élus. Par exemple, un maire confronté à la fermeture d'un service d'urgence ou à la désertification médicale n'aurait plus à interpeller une agence régionale relativement autonome, mais pourrait saisir directement le préfet de département, avec qui il travaille au quotidien, ce qui faciliterait la remontée des problèmes et la co-construction de solutions. Cette reconnexion au terrain répond aux critiques selon lesquelles les ARS n'ont pas su tisser des liens étroits avec les communes et départements.

Les professionnels de santé (médecins libéraux, directeurs d'hôpitaux, responsables d'Ehpad) reprochent souvent aux ARS leur trop grande centralisation et un manque de connaissance fine du terrain. Sous l'égide des préfets, en cas de dossier urgent (ex : autorisation d'un nouvel équipement médical, recrutement d'un praticien à l'étranger, plan d'appui à un établissement en difficulté), la décision préfectorale pourrait être prise plus vite, en lien direct avec le ministère si un arbitrage est nécessaire. Le préfet ayant autorité pour coordonner l'ensemble des services de l'État, il pourrait mobiliser d'autres compétences (par exemple faire appel aux moyens de la Sécurité civile). Cette coordination interservices est un atout du préfet, qui pourra inclure la santé dans le champ des crises déjà gérées comme le plan Orsec.

Cette proposition tire parti de la légitimité de l'État pour incarner la gouvernance sanitaire. Elle tire également parti des leçons de la pandémie en réunifiant le pilotage des crises au niveau préfectoral, évitant les chevauchements de compétences. Elle promet également une plus grande simplicité institutionnelle (suppression d'un niveau administratif) et une réduction du sentiment de distance ressenti par le terrain.

Recommandation : Transférer les missions des agences régionales de santé aux services déconcentrés aux niveaux régional et départemental.

B. L'AGENCIFICATION CONDUIT À DES CIRCUITS DE FINANCEMENT INUTILEMENT COMPLEXES

1. France 2030 : quand il devient nécessaire de créer un comité de pilotage et un comité d'amélioration continue

La gestion du plan France 2030 illustre de manière évidente la complexité administrative qui peut résulter de la multiplication des structures et des agences, pour un bénéfice incertain.

Le plan France 2030 a succédé aux programmes d'investissements d'avenir (PIA) et consacre des moyens considérables, s'élevant au total à 54 milliards d'euros256(*), au développement de projets innovants. Ces projets sont mis en oeuvre par des entreprises industrielles, des organismes de recherche, des établissements publics ou des collectivités territoriales : à la fin du premier semestre 2024, 4 900 structures avaient bénéficié des aides, dont, en proportion du montant d'aide accordée, 34 % de grandes entreprises, 22 % d'organismes de recherche, collectivités et établissements publics et 19 % de petites et moyennes entreprises257(*).

Si les sommes versées proviennent toutes de crédits budgétaires, elles ne sont pas distribuées directement par l'État, mais par quatre organismes désignés comme opérateurs du plan parmi ceux qui avaient été sélectionnés en 2010 lors du lancement des PIA258(*), à savoir l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), l'Agence nationale de la recherche (ANR), Bpifrance et la Caisse des dépôts et consignations (CDC).

Ces opérateurs sont placés chacun sous la tutelle de ministères métier pour leurs autres activités259(*), mais leurs activités dans le cadre de France 2030 font l'objet d'une convention avec un organisme créé ad hoc, le secrétariat général pour l'investissement (SGPI), qui est placé sous l'autorité du Premier ministre. Les quatre opérateurs lancent des appels à projets ou des appels à manifestation d'intérêt sur la base des instructions et priorités définies par le SGPI, en lien avec les ministères concernés. La décision d'investissement est toutefois prise par le Premier ministre.

L'État entretient ainsi des relations multiples avec chacun de ces opérateurs, d'une part par l'intermédiaire des ministères chargés de leur tutelle (métier ou financière), d'autre part par le SGPI qui sélectionne, pour chaque régime d'aide, l'opérateur le plus approprié.

Le SGPI ne joue toutefois, selon ses propres mots, qu'un rôle de « chef d'orchestre », vis-à-vis des opérateurs comme des autres ministères.

S'agissant des opérateurs, ceux-ci, selon les réponses apportées au questionnaire du rapporteur, contribuent activement à la conception des dispositifs d'aide, alors que, dans la perspective de l'État stratège décrite précédemment, cette conception devrait relever des ministères eux-mêmes. Selon les mêmes réponses, l'expertise juridique de ces opérateurs est nécessaire pour assurer au mieux le respect des règles d'encadrement des règles d'État au regard des règles européennes, compétence qui, là encore, devrait appartenir pleinement à l'administration centrale.

Quant aux ministères, leur participation est requise à chaque étape du fonctionnement de France 2030, car il faut assurer la cohérence entre les dispositifs soutenus par ce véhicule budgétaire ad hoc et les politiques de droit commun définies et mises en oeuvre par ces ministères, telles que la stratégie nationale bas carbone, la stratégie hydrogène ou les projets de développement du numérique. Certaines de ces politiques font d'ailleurs l'objet d'une coordination interministérielle par une autre structure qui est le secrétariat général à la planification écologique (SGPE).

Ces ministères sont donc associés au SGPI et aux opérateurs dans le cadre d'un comité de pilotage ou comité stratégique pour chaque action majeure de France 2030, soit 14 comités de pilotage au total260(*). En outre un comité d'amélioration continue a été mis en place entre les mêmes acteurs afin d'évoquer les difficultés éventuelles, simplifications ou améliorations qui pourraient être apportées au dispositif.

Exemple de relations entre acteurs du plan France 2030
pour une thématique

échanges

convention

tutelle pour activités
en compte propre

tutelle financière

État

Un comité ministériel de pilotage pour chacune des 14 thématiques France 2030

Ministère
sectoriel

SGPI

Opérateur

Direction du budget

Bénéficiaire

Bénéficiaire

Bénéficiaire

Bénéficiaire

sélectionne et contractualise

Source : commission d'enquête

Dans ces conditions, l'exercice du contrôle par l'administration centrale est dispersé entre les ministères sectoriels et le SGPI, qui a insisté, lors de son audition par la commission d'enquête, sur le fait qu'il avait une relation conventionnelle et non de tutelle avec les opérateurs.

L'existence d'une liste prédéfinie d'opérateurs, dont il n'est pas possible de s'écarter, conduit d'ailleurs occasionnellement le SGPI à sélectionner un opérateur qui n'a pas de réelle compétence sur le domaine envisagé. L'Ademe a ainsi été chargée d'une mission de renouvellement forestier alors que l'opérateur ne disposait pas de cette compétence.

L'Ademe et le renouvellement forestier

L'Ademe a été désigné comme opérateur du secteur forêt-bois dans le cadre du plan France 2030, pour les mesures de soutien à l'aval de la filière dès 2022 et pour les mesures de soutien au renouvellement forestier dès 2023261(*). Le président-directeur général de l'Ademe a ainsi expliqué que, le 31 juillet 2024, le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et l'Ademe avaient signé une convention visant à confier à cet opérateur une mission de souveraineté forestier afin de planter des arbres avant l'automne. L'Ademe a alors recruté en deux mois une équipe de 23 personnes, dont des intérimaires compte tenu de la rapidité du projet.

L'Ademe n'a pas été choisi en raison de ses compétences, mais parce que les mesures du plan France 2030 ne peuvent être confiées qu'à une liste de quatre opérateurs, difficile à modifier car fixée par un décret en Conseil d'État. En conséquence, l'Ademe a pris en charge l'aide pour les propriétés privées, tandis que les fonds transitaient par l'Ademe pour être reversés à l'ONF en ce qui concerne les forêts publiques.

Le dispositif ne s'inscrivant pas dans la logique de France 2030, il y a été mis un terme et il a été repris par le ministère de l'agriculture.

Source : commission d'enquête, à partir de l'audition de l'Ademe et du secrétariat général pour l'investissement

La multiplicité des acteurs se reflète dans la dispersion de l'information sur les projets bénéficiaires.

L'Ademe publie ainsi un jeu de données sur les projets auxquelles elle attribue des aides de France 2030 sur le portail gouvernemental data.gouv.fr262(*) portail sur lequel la Caisse des dépôts publie un jeu de données distinct263(*). L'ANR fait le choix de publier ses jeux de données sur son propre portail de données264(*). Le Gouvernement, pour sa part, présente une liste de projets bénéficiaires, mais l'absence de date de mise à jour et le caractère très limité des informations données indique que cette liste a surtout un objectif de communication265(*).

Au total, l'architecture générale de France 2030 ajoute un acteur supplémentaire, le SGPI, dans un paysage des agences déjà passablement complexe, alors même qu'il connaît nécessairement moins bien ces agences que les ministères qui assurent leur tutelle. Les liens avec cet intermédiaire impliquent nécessairement des coûts de coordination (rédaction de conventions, comités et réunions, etc.) avec de multiples acteurs et politiques sans constituer un gage en termes de transparence sur les opérations financées par l'État.

Le suivi budgétaire est particulièrement difficile car les crédits sortent du budget de l'État selon un calendrier déconnecté du versement des aides par les opérateurs à leurs bénéficiaires. La Cour des comptes souligne les faiblesses du pilotage par le SGPI, qui n'est pas en mesure de mesurer les retours financiers qui sont censés remonter au budget de l'État par les opérateurs, alors que le « retour sur investissement » pour l'État est l'une des justifications d'un plan doté de montants aussi considérables266(*).

Une telle organisation ne saurait constituer un modèle pour l'organisation de futurs systèmes d'aide. Lorsque le recours aux opérateurs s'avère nécessaire pour bénéficier de leur expertise technique ou de leur capacité à ajuster la taille de leurs équipes au traitement de nombreux dossiers, il convient de limiter le nombre des acteurs, côté État, chargés de les orienter et de les contrôler.

Recommandation : Supprimer le secrétariat général pour l'investissement (SGPI) et confier ses missions aux administrations de tutelle des opérateurs concernés.

À l'avenir, organiser d'éventuels plans d'investissements similaires dans le cadre budgétaire de droit commun, tout en assurant leur traçabilité par des documents budgétaires spécifiques, indiquant l'exécution des crédits par l'État comme par les opérateurs.

2. Le financement de l'OFB et des parcs nationaux : quand une taxe affectée est réaffectée en cascade

Le mode de financement des agences de l'eau, de l'Office français de la biodiversité (OFB) et des parcs nationaux présente des caractéristiques qui relèvent plus de l'histoire que de motifs objectifs.

Les agences de l'eau reçoivent le produit de neuf taxes affectées267(*), pour un montant estimé à 2,2 milliards d'euros en loi de finances pour 2025. Parmi ces taxes, sept sont en relation directe avec la préservation de la ressource en eau et la lutte contre la pollution268(*) alors que deux concernent en fait l'exercice de la chasse (redevances cynégétiques et droit de validation du permis de chasse269(*)). Le produit de ces taxes est réparti entre les six agences de l'eau selon des règles fixées par le code de l'environnement.

Chacune de ces agences reverse toutefois une partie du produit de ces taxes, pour un montant total de 418 millions d'euros en 2025270(*), à l'Office français de la biodiversité (OFB), qui est par ailleurs affectataire d'autres taxes liées à l'exercice de la chasse (droit d'examen et redevance pour délivrance initiale du permis de chasse, pour un montant respectif de 600 et 900 millions d'euros) ainsi qu'à l'énergie éolienne en mer pour un montant de 2,9 millions d'euros271(*).

L'OFB verse à son tour une contribution financière aux établissements publics des parcs nationaux, pour un montant de 74,7 millions d'euros272(*).

Schéma de financement par taxes affectées des agences de l'eau, de l'OFB et des parcs nationaux

Taxes affectées
aux 6 agences
de l'eau : 2 161 M€

Contribution des
6 agences de l'eau
à l'OFB : 418 M€

(en millions d'euros)

Contribution de
l'OFB aux 11 parcs nationaux : 74,7 M€

Agence de l'eau

Agence de l'eau

Agence de l'eau

Agence de l'eau

Agence de l'eau

Parcs nationaux

Parcs nationaux

Parcs nationaux

Parcs nationaux

Parcs nationaux

Parcs nationaux

Parcs nationaux

Parc national

Parc national

Parcs nationaux

Parcs nationaux

OFB

Agence de l'eau

État

Source : commission d'enquête, à partir des documents budgétaires et des arrêtés de fixation des contributions

On est ainsi face à un transfert en cascades de crédits qui proviennent pourtant tous de la même source, à savoir l'État sous la forme de taxes affectées. Un schéma plus lisible serait celui où l'ensemble de ces organismes - s'ils restent séparés - recevraient un financement direct de la part de l'État, que ce financement prenne la forme de crédits budgétaires ou de l'affectation du produit ou d'une part du produit d'une taxe. C'est en effet l'État qui décide, par arrêté, du montant précis affecté à chacun d'entre eux et même de l'échéancier de versement en cours d'année et c'est également l'État qui recouvre les taxes et peut donc facilement en distribuer le produit aux établissements concernés.

Les agences de l'eau ont indiqué que, depuis 2023, la contribution des agences de l'eau à l'OFB ne portait plus sur le financement de la dynamique relative à la stratégie nationale biodiversité (SNB), mais uniquement sur des actions relatives à l'eau en outre-mer au titre de la solidarité interbassins.

Ce schéma de financement résulte d'un montage financier contestable. Pour mémoire, l'article 135 de la loi de finances pour 2018 a supprimé la subvention pour charge de services publics (SCSP) dont bénéficiaient auparavant les parcs nationaux et a créé simultanément une contribution annuelle des agences de l'eau au profit, d'une part, de l'Agence française pour la biodiversité (AFB), et, d'autre part, de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), deux organismes qui ont été fusionnés par la suite pour former l'OFB. En outre, l'article 137 de la même loi de finances pour 2018 a institué une contribution annuelle de l'AFB au profit des établissements publics chargés des parcs nationaux.

Ce schéma de financement apparaissait, dès sa création, comme inutilement complexe, conduisant à substituer une taxe affectée à une dépense budgétaire de l'État. Le Sénat l'avait d'ailleurs rejeté lors de l'examen du projet de loi de finances, au motif, notamment, que la contribution de l'agence de l'eau au financement de l'AFB et de l'ONFS rompait avec le principe selon lequel « l'eau paye l'eau »273(*).

Recommandation : Rationaliser le schéma de financement des agences de l'eau, de l'Office français de la biodiversité et des parcs nationaux par une attribution directe des crédits aux agences qui les utilisent.

3. Ademe et région : quand un opérateur délègue à un tiers des fonds qu'il a reçus de l'État alors qu'il existe par ailleurs un lien contractuel direct entre l'État et ce même tiers

Un autre exemple de financement à plusieurs étages est la possibilité, introduite par la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (loi 3DS), de déléguer aux régions des crédits attribués à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe)274(*).

Sur demande de la région, l'Ademe lui délègue l'attribution de subventions et de concours financiers en matière de transition énergétique et d'économie circulaire prévus au titre de sa contribution au contrat de plan État-Région (CPER). Une « convention de transition écologique régionale », conclue entre l'agence et la région, définit la durée de la délégation, le montant des subventions et concours délégués, les critères d'attribution des aides, les objectifs à atteindre ainsi que les modalités de règlement des charges afférentes à cette délégation.

Lors de son audition devant la commission d'enquête, le président-directeur général de l'Ademe a indiqué que les régions Grand Est, Nouvelle-Aquitaine, Provence-Alpes-Côte d'Azur et Bretagne avaient fait ce choix.

Or l'Ademe est financée presque exclusivement par des subventions de l'État275(*), au point qu'il est d'ailleurs permis de s'interroger sur le statut d'établissement public industriel et commercial (EPIC) attribué à un organisme qui ne perçoit presque pas de recettes propres.

En conséquence, la délégation de ces crédits aux régions revient à transférer de l'Ademe aux régions des fonds auparavant transférés par l'État à l'Ademe, alors que ces fonds pourraient aussi bien être transférés directement de l'État à la collectivité régionale. La convention serait alors signée par l'État et non par une agence et s'articulerait plus naturellement avec le CPER. Elle pourrait même en constituer un simple volet, réduisant ainsi les coûts et les délais induits par la négociation, la conclusion et le suivi d'une convention séparée, tout en donnant aux services de l'État, notamment au niveau du préfet de région, une meilleure visibilité sur l'action respective de l'État et des collectivités en matière de transition écologique.

Il existe d'autres systèmes de délégation de gestion d'aides dans lesquels c'est l'État, et non l'agence, qui contractualise avec l'autorité locale.

S'agissant de la délégation des aides à la pierre relative au logement social, bien que les règles générales de répartition de celles-ci soient définies au niveau national par un établissement public spécifique276(*), l'attribution au niveau local peut être déléguée à une intercommunalité ou au département par une convention signée par celui-ci avec l'État277(*). Les aides en faveur de l'habitat privé, pour leur part, peuvent faire l'objet d'une délégation de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) à l'intercommunalité, mais l'ANAH continuer à en assurer le paiement.

Recommandation : Déléguer directement de l'État aux régions les crédits qui transitent actuellement par l'Ademe.

C. COMMUNIQUER SUR L'ACTION DE L'ÉTAT ET NON SUR CELLE DES AGENCES

Le brouillage de l'action publique résulte également de l'absence de stratégie de communication décidée par l'État qui engloberait les agences. À l'heure actuelle, chaque agence communique en son nom propre et de sa propre initiative, sans supervision ni coordination particulière de l'administration centrale.

L'agencification produit ainsi une déresponsabilisation des acteurs publics et une opacité de la parole publique. Or, dans une démocratie, seul le Gouvernement est politiquement responsable devant le Parlement et les élus locaux et les parlementaires devant leurs électeurs.

Il est essentiel d'établir un lien clair et une unicité de la parole pour que la responsabilité soit perceptible. Cela n'est possible que si elle est clairement communiquée.

Le brouillage des rôles contribue à opacifier la responsabilité de l'État, qui est le pilote des politiques publiques. Cette situation est particulièrement visible dans le domaine de la politique familiale, où les actions menées de manière « autonome » par les caisses d'allocations familiales (CAF) illustrent ce phénomène.

Un constat similaire peut être fait avec l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), qui communique à la place du ministère de l'aménagement du territoire (ANCTour), brouillant ainsi le message adressé aux élus locaux et accordant une autonomie trompeuse à une agence au détriment du ministère concerné.

Dans le meilleur des cas, l'administration centrale est associée ou consultée en amont de certaines opérations de communication relatives aux dispositifs mobilisant les agences pour le compte de l'État ; les conventions liant l'administration centrale et les agences, d'une part, et les agences et les bénéficiaires, d'autre part, peuvent également comporter des clauses spécifiques afin de garantir que les agences et les bénéficiaires finaux de ces dispositifs communiquent sur l'origine des fonds et assurent la visibilité de leur financement par l'État278(*).

En pratique, toutefois, les agences se contentent souvent de faire figurer leur propre logo, en lieu et place de celui de l'État, notamment sur les panneaux de travaux indiquant les sources des financements.

Ce constat est encore plus problématique s'agissant des actions menées par la France à l'étranger, à travers notamment l'Agence française de développement (AFD) ou encore l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) voire les Instituts français de recherche à l'étranger, dont les logos sont parfois mis sur le même plan que ceux d'entreprises ou de grands groupes internationaux, voire du pays d'accueil ; il est d'autant plus important de réaffirmer le rôle de l'État stratège et de veiller à l'unité de la parole étatique que le financement public bénéficie à des individus et des structures au-delà des frontières nationales.

Ainsi le rapporteur a été étonné lors d'un déplacement en Jordanie, effectué dans le cadre d'une autre structure sénatoriale, que le panneau explicatif portant sur la restauration et la réhabilitation de l'église d'Aqaba, considérée comme la plus ancienne église chrétienne du monde, ne comporte aucun signe caractéristique de l'État français alors même que l'Institut français du Proche-Orient (Ifpo)est financé sur deniers publics.

Recommandation : Sur le sol national comme à l'étranger, apposer le seul logo de l'État et non celui des agences sur l'ensemble des supports de communication.

Bien plus, certaines agences délèguent leur marché de communication auprès d'organismes privés. Il est ainsi surprenant que, pour contacter une agence aussi importante que l'Ademe, on doive s'adresser à un cabinet privé, lequel diffère même selon la région279(*). Cette agence dispose pourtant d'équipes internes étoffées sur cette fonction et en arrive même à « communiquer sur la communication », puisqu'elle a récemment édité un guide relatif aux bons usages de la communication280(*), dont le lien avec les missions que lui a données la loi mériterait d'être discuté.

Pour la commission d'enquête, il convient de mettre un terme à ces pratiques préjudiciables au bon usage des deniers publics comme à la lisibilité de l'action de l'État.

Recommandation : À court terme, interdire aux agences de recourir à des prestataires extérieurs pour concevoir et mettre en oeuvre leur stratégie de communication.

Fondamentalement, la commission d'enquête estime qu'il revient à l'administration centrale de gérer la communication de l'ensemble de la sphère étatique, agences comprises.

Par exemple, le nouveau circuit d'accès à l'offre d'ingénierie locale décrit précédemment, reposant sur le préfet, implique l'arrêt des dispositifs spécifiques de communication locale de chaque agence autour de leur offre et de leur « marque », au profit d'une communication unifiée au niveau local, en fonction du territoire (échelon régional ou départemental selon le cas).

Recommandation : À moyen terme, recentraliser toute la communication de la sphère étatique, agences comprises, au sein des ministères.

Enfin, ce besoin d'unification ne doit pas oublier les actions de communication et de promotion menées sur Internet. À l'heure actuelle, les intitulés des sites internet des agences ne rendent pas tous explicite l'appartenance de ceux-ci à l'État : tous ne sont en effet pas hébergés par le domaine « gouv.fr »281(*).

De manière similaire, le lien avec l'État n'apparaît pas toujours clairement dans le profil des agences sur les réseaux sociaux, comme dans le cas de l'Ademe.

Page du compte de l'Ademe sur le réseau X

Source : réseau social « X »

Or, les campagnes menées sur les réseaux sociaux constituent aujourd'hui un vecteur important, si ce n'est essentiel, de la communication institutionnelle des agences. Par exemple, 70 % des actions de promotion développées par Atout France passent par Internet282(*).

Recommandation : Inscrire tous les sites Internet des agences de l'État à l'intérieur du domaine gouv.fr ; faire apparaître le logo de l'État dans les profils des agences sur les réseaux sociaux.

III. POUR DIMINUER LA DÉPENSE PUBLIQUE DE MANIÈRE EFFICIENTE, QUE PEUT-ON FAIRE ?

Face à la difficulté de rationaliser l'organisation administrative existante, il apparaît nécessaire au préalable d'instaurer un moratoire sur la création de toute nouvelle entité.

Comme le relève Christian Charpy, président de chambre à la Cour des comptes et ancien directeur général de Pôle Emploi, auditionné par la commission d'enquête283(*), « la première chose à faire, avant de créer un établissement, est d'être certain que cela soit nécessaire ; le supprimer est très compliqué ». Ainsi, avant de créer un nouvel établissement, il est crucial de savoir s'il est possible de « confier cette compétence - si elle est nécessaire - à un établissement existant, plutôt que de créer une nouvelle structure, puis, dix ans plus tard, de songer à les fusionner ».

Le rapporteur rappelle que ce principe de bon sens figure déjà dans la doctrine administrative. En effet, comme évoqué supra, le secrétariat général du Gouvernement (SGG) élabore des circulaires pour encadrer la création de ces structures, qui sont régulièrement révisées : avril 2013, septembre 2014, juin 2015 et juin 2019. Malheureusement, comme l'a souligné la secrétaire générale du Gouvernement, « il arrive que la création d'un opérateur découle avant tout d'un besoin politique pressant, sans qu'il y ait eu le temps d'anticiper, et que l'étude d'impact serve ensuite à rationaliser cette décision a posteriori. »

Recommandation : Instaurer un moratoire sur la création de nouvelles entités, sauf s'il est démontré que le nouvel organisme apporte des économies ou une simplification substantielle de l'action publique.

A. LA FUSION D'OPÉRATEURS OU LA RÉINTERNALISATION, UNE OPÉRATION QUI PEUT CONDUIRE À DES ÉCONOMIES SOUS CONDITIONS

1. Les fusions d'opérateurs dans la période récente en France n'ont pas permis d'enregistrer, au global, de baisse notable des crédits ou des emplois, à la différence de l'exemple du Royaume-Uni
a) L'expérience française 2015-2019 : des fusions sans économies

Ainsi que le souligne la Cour des comptes dans son rapport de 2021284(*), les réductions du nombre d'opérateurs en France sont loin de se traduire par une baisse homothétique des emplois.

Ainsi, sur la période 2015-2019, diverses suppressions ou fusions d'opérateurs ont eu lieu.

Fusions et suppressions d'opérateurs sur la période 2015-2019

 

Suppressions

Fusion d'opérateurs

Résultat de la fusion

PLF 2015

1 suppression

- Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances

1 fusion de 3 opérateurs

- Université de Bordeaux

PLF 2016

 

0 suppression 

11 fusions concernant 57 opérateurs

- Business France

- 16 ARS285(*)

- Centrale Supélec

- Réseau Canopé (fusion des 30 CRDP et du CNDP)

- Université de Grenoble

- GIP Agence du service civique

PLF 2017

0 suppression

4 fusions concernant 17 opérateurs

- Agence française de biodiversité

- Agence nationale de santé publique

- Université Clermont-Auvergne

- Institut Mines Télécom

PLF 2018 

1 suppression 

Fonds de solidarité

2 fusions concernant 5 opérateurs

- Sorbonne université

- Université de Lille

PLF 2019

5 suppressions 

- 3 COMUE

- GIP Réinsertion et citoyenneté

- Établissement public du Palais de justice de Paris

1 fusion de 2 opérateurs 

- L'Université de Limoges intègre l'École nationale supérieure de céramique industrielle

Source : documents transmis par le secrétariat général du Gouvernement

Or, les fusions d'opérateurs, qui auraient pu conduire à une baisse des effectifs totaux dans le cadre de réorganisation, n'ont conduit, selon le calcul de la Cour des comptes, qu'à une baisse très limitée des emplois (- 0,8 % à périmètre constant286(*)), avec en outre une évolution très différente des emplois sous plafond (en baisse de 1,3 %) et des emplois hors plafond (+ 3,1 %).

b) L'expérience britannique : une économie cumulée de l'ordre de 146 millions d'euros sur 2010-2015, un nouveau mouvement de rationalisation initié en mars 2025

Adoptée en 2011 à l'initiative du Premier ministre David Cameron, la loi sur les organismes publics (Public Bodies Act) poursuivait une réforme globale des agences, notamment par voie de fusions ou de suppressions. Selon un memorandum du ministère de la Constitution de 2016 sur l'évaluation des effets de la loi, sa mise en oeuvre a effectivement permis la baisse du nombre d'agences. Ainsi, entre 2011 et 2016, 52 organismes publics ont été réformés par 33 arrêtés (orders). À titre d'illustration, la Commission des jeux de hasard (Gambling Commission) et la Commission de la loterie nationale (National Lottery Commission) ont été fusionnées.

Cette restructuration d'ensemble des agences britanniques s'est traduite par une économie en termes de coûts administratifs de près de 122 millions de livres sterling (146 millions d'euros) cumulés sur la période 2010-2015. Le Bureau national d'audit (National Audit Office, NAO) retient pour sa part une estimation plus large des économies liées à la réforme des organismes publics (y compris les entreprises publiques) à 793 millions de livres sterling en 2012-2013, contre une évaluation gouvernementale de 3,1 milliards de livres sterling entre 2011 et 2015. Selon le NAO, cette différence s'explique par le fait que la méthodologie retenue par le gouvernement comprend des baisses de dépenses qui ne sont pas directement liées au programme de réforme des organismes publics, par exemple des économies décidées dans le cadre des revues de dépenses en vue de réduire l'activité de certains organismes.

Plus récemment, dans un discours sur la réforme de l'État britannique prononcé le 13 mars 2025 et critiquant le recours trop important aux agences, le Premier ministre Keir Starmer a annoncé la « suppression » (abolition) du Service national de santé en Angleterre (NHS England).

La réforme du Service national de santé britannique

Le NHS England est l'agence en charge de la gestion administrative des services de santé en Angleterre. Organisme public non départemental (OPND) exécutif rattaché au ministère de la santé, elle représente l'agence la plus importante du paysage britannique, ayant reçu un financement gouvernemental de 159 milliards de livres sterling (190,8 milliards d'euros) en 2022-2023.

La question du déclin de la qualité des services du NHS est au coeur des débats politiques depuis sa transformation en OPND en 2012. En effet, la satisfaction citoyenne vis-à-vis de cette agence est actuellement faible. Selon le King's Fund, un groupe de réflexion indépendant, le service n'a jamais été aussi mal évalué par ses utilisateurs depuis 1983, avec seulement 24 % de satisfaction. Les causes de cette insatisfaction sont principalement les longs délais pour obtenir un rendez-vous chez le médecin et à l'hôpital (71 %), le manque de personnel (54 %) et le manque d'investissement financier de l'État (47 %).

Le nouveau Premier ministre Keir Starmer a ainsi annoncé le 13 mars 2025 « l'abolition du NHS » et sa réintégration au sein du ministère de la santé et des services sociaux. L'objectif du gouvernement est d'achever cette réforme dans un délai de deux ans, ce qui nécessitera préalablement l'adoption d'une loi par le Parlement. Les principaux points du projet de réforme sont les suivants :

- la reprise du contrôle de l'agence par l'administration de l'État - elle réintégrera le ministère de la santé et des services sociaux et ne sera plus un OPND exécutif ;

- la suppression de 9 000 emplois au sein de l'agence et du ministère de la santé, soit la moitié des postes dans les deux structures ;

- la déconcentration du processus de prise de décision au niveau régional : cette démarche est expliquée par la nécessité de donner davantage de contrôle aux professionnels de santé locaux sur le système ;

une amélioration du service par une réallocation des fonds publics ;

La question du financement de la réforme sera étudiée cet été. À terme, si les suppressions d'emplois annoncées sont effectives, la réforme permettrait d'économiser environ 500 millions de livres sterling (environ 600 millions d'euros).

Source : commission d'enquête, d'après l'étude de législation comparée

c) L'exemple suédois : un premier mouvement de réduction impulsé par la contrainte financière, suivi d'un mouvement de rationalisation qui montre aujourd'hui ses limites

Comme l'indique l'étude de législation comparée, sous la pression budgétaire du choc pétrolier des années 1980, l'État suédois a amorcé une décentralisation de sa gestion publique en responsabilisant ses agences, notamment par l'instauration d'un régime de rémunération individualisée. Face à la récession sévère des années 1990, une vaste réorganisation a réduit de moitié le nombre d'agences entre 1990 et 2000 (plus de 1 300 à environ 600) et baissé les effectifs de l'État de 375 000 à 240 000 agents, tout en généralisant, dès 1992, un pilotage par les résultats fondé sur des objectifs contractualisés.

À partir de 2005, l'effort se porte moins sur la réduction des moyens que sur la rationalisation de l'architecture étatique : chaque mission confiée à une agence unique, éventuellement dotée d'antennes régionales, donnant naissance aux « guichets communs » dans toutes les communes. Des réformes sectorielles suivent, comme la fusion des 23 services de police en 2015, puis, dès 2012, la consolidation horizontale des fonctions de back-office : la création du Statens servicecenter, chargé de fournir des services partagés (notamment la paie, rendue obligatoire en 2015). Ces transformations, critiquées pour leurs coûts internes, leurs lenteurs et les tensions entre centralisation et autonomie locale, ont relancé début 2025 le débat public, y compris sur l'importation possible aux États-Unis d'un modèle à la DOGE (Department of Government Efficiency).

2. La nécessité d'une approche adaptée à chaque cas particulier d'agence

D'après l'analyse de la direction du budget, il serait « impossible de définir une doctrine générale sur les avantages d'une fusion ou d'une suppression d'opérateurs ». En effet, selon l'administration, les effets d'une telle opération seraient, sur le plan budgétaire, spécifiques à chaque opérateur.

Néanmoins, les mesures de rationalisation de structures peuvent, dans certains cas, permettre une réduction des coûts de fonctionnement, une meilleure maîtrise des emplois, une mutualisation de la trésorerie, une capacité accrue à s'autofinancer par l'obtention de ressources propres, d'atteindre une taille de structure davantage viable, etc.

À cet égard, la direction du budget souligne que, d'une manière générale, les fusions ou suppressions d'opérateurs sont des « processus lents qui impliquent de mener une conduite du changement et d'engager les personnels et leurs représentants ». Ainsi, une telle opération est susceptible de soulever diverses problématiques :

- d'une part, elle peut avoir un coût social, nécessitant un dialogue important et soutenu avec les personnels et leurs représentants ;

- d'autre part, elle peut présenter des effets importants sur les ressources humaines, sans compter les questions techniques posées pour la mobilité des fonctionnaires et des agents contractuels à durée indéterminée ;

- enfin, les conséquences budgétaro-comptables peuvent être significatives : reprise des engagements des structures fusionnées ou supprimées, devenir des contrats pluriannuels, etc.

De fait, la simple application des règles de la fonction publique peut empêcher, du moins à court terme, la réalisation d'économies en dépenses de personnel, à travers le détachement d'office des fonctionnaires dont l'activité est transférée ou encore la reprise des clauses substantielles pour les agents contractuels, en particulier celles concernant la rémunération.

Les conséquences des suppressions ou fusions d'agences
du point de vue des ressources humaines

En cas de suppressions/fusions d'agences, les conséquences sur leurs agents sont variables en fonction du statut et de la position administrative de ces derniers, ainsi que du devenir des missions exercées par les agences concernées.

En application de l'article L. 441-1 du code général de la fonction publique (CGFP), lorsqu'une activité d'une personne morale de droit public employant des fonctionnaires est transférée à une personne morale de droit privé ou à une personne morale de droit public gérant un service public industriel et commercial, un fonctionnaire exerçant cette activité peut être détaché d'office, pendant la durée du contrat liant la personne morale de droit public à l'organisme d'accueil, sur un contrat de travail conclu à durée indéterminée auprès de l'organisme d'accueil.

De même, s'agissant des agents contractuels, le transfert d'activité vers une personne publique impose à celle-ci de proposer aux agents un contrat qui reprend les clauses substantielles du contrat dont ils sont titulaires, en particulier celles qui concernent la rémunération (article L. 445-1 et suivants du CGFP).

En cas de restructuration d'un service de l'État ou de l'un de ses établissements publics, les fonctionnaires, les ouvriers d'État et les agents contractuels en contrat à durée indéterminée qui y sont affectés peuvent bénéficier de mesures d'accompagnement : accompagnement, accès prioritaires à la formation, priorités de mutation et de détachement (articles L. 442-1 et suivants du CGFP et décret n° 2019-1441 du 23 décembre 2019 relatif aux mesures d'accompagnement de la restructuration d'un service de l'État ou de l'un de ses établissements publics).

Par ailleurs, en cas de restructuration d'une administration de l'État, de l'un de ses établissements publics ou d'un établissement public local d'enseignement, une prime de restructuration de service peut être versée aux magistrats, aux fonctionnaires, aux personnels ouvriers des établissements industriels de l'État, aux personnels militaires détachés sur un emploi conduisant à pension civile ne bénéficiant pas de l'indemnité d'état militaire et agents non titulaires de l'État de droit public recrutés pour une durée indéterminée, au bénéfice des agents mutés ou déplacés dans le cadre de la restructuration du service dans lequel ils exercent leurs fonctions. Les opérations de restructuration de service ouvrant droit à la prime sont fixées par arrêté ministériel, pris après avis des comités sociaux d'administration compétents. Cette prime peut, le cas échéant, être complétée par une allocation d'aide à la mobilité du conjoint (décret n° 2008-366 du 17 avril 2008 instituant une prime de restructuration de service et une allocation d'aide à la mobilité du conjoint)287(*).

Source : commission d'enquête, d'après la réponse de la DGAFP au questionnaire du rapporteur

À ces données juridiques s'ajoutent également des éléments d'ordre sociologique ou politique, qui tirent les mesures d'alignement des statuts des personnels fusionnés vers le haut, en particulier en matière de rémunération.

À titre d'exemple, la fusion de l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) et des Associations pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (Assédic) pour former Pôle emploi (aujourd'hui France Travail)288(*), est particulièrement révélatrice.

Comme le relève la Cour des comptes dans un rapport de juillet 2020289(*), « la gestion des ressources humaines de Pôle emploi est marquée par les conditions de la fusion entre l'ANPE et les Assédic », « la préservation et le cumul des avantages des deux régimes entraîn[ant] (...) une perte significative de productivité de l'établissement », résultant notamment d'un temps de travail annuel inférieur à la durée légale, d'un niveau très élevé d'absentéisme et de moyens excessifs consacrés au dialogue social.

Interrogé sur ce point en audition par la commission d'enquête, Christian Charpy, ancien directeur général de Pôle Emploi et délégué général de l'instance nationale provisoire chargée de sa mise en place, a rappelé les conditions très favorables aux personnels imposées par le pouvoir exécutif pour la mise en oeuvre de la fusion : « le président de la République avait (...) donné publiquement pour instruction de prendre le meilleur des deux systèmes : autant dire que la négociation n'a pas été facile ! L'alignement s'est donc plutôt fait vers le haut pour l'ensemble des personnels »290(*).

S'agissant du rapprochement d'administrations plus « classiques », la fusion de la direction générale des impôts (DGI) et de la direction générale de la comptabilité publique (DGCP), au sein de la direction générale des finances publiques (DGFiP), s'est également accompagnée d'un alignement par le haut en matière de rémunérations.

D'après un rapport de la Cour des comptes de juin 2018, si les nouvelles règles relatives aux statuts et aux modes de gestion des ressources humaines de la DGFiP ont résulté de compromis entre les deux régimes antérieurs, le principe de l'alignement par le haut a en effet été retenu et appliqué pour les rémunérations et notamment les régimes indemnitaires291(*).

Ainsi, les coûts supportés à court terme dans le cadre d'une fusion entre plusieurs entités publiques peuvent représenter des montants élevés, qui réduisent d'autant le gain net attendu des synergies susceptibles d'être réalisées à moyen-long terme.

Par ailleurs, pour qu'une fusion aboutisse avec succès, plusieurs facteurs clés de réussite apparaissent nécessaires, notamment au regard du temps de préparation en amont et du portage politique du rapprochement.

Facteurs clés de réussite mis en avant par les auditionnés
lors de la table-ronde sur la démarche de fusion

Facteur n° 1 (« critère du projet ») : l'opération doit avoir un sens du point de vue de l'exercice des missions des entités concernées, en s'inscrivant dans un projet clairement défini, et ne doit pas être conduite pour de simples motifs d'économies ou de mutualisation292(*).

Facteur n° 2 (« critère de la préparation ») : la réalisation de l'opération doit pouvoir s'appuyer sur une préfiguration sur un temps relativement long, afin de permettre une maturation sans difficulté et notamment l'adhésion des différentes parties prenantes (en particulier le personnel).

Facteur n° 3 (« critère de la novation ») : la nouvelle entité doit, autant que possible, ne pas juxtaposer les anciennes structures, mais imbriquer réellement les compétences.

Facteur n° 4 (« critère du portage politique ») : compte tenu des contraintes et des délais d'une telle opération, une fusion doit faire l'objet d'un soutien politique au plus haut niveau.

Source : commission d'enquête, d'après les réponses orales des personnes auditionnées

La fusion entre le Conseil supérieur de l'audiovisuel et la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet

À la lumière de l'expérience de la fusion en 2022 entre le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi), pour former l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), la phase de préparation de la fusion est la plus importante. Étalée sur un peu plus d'un an, elle a notamment permis de disposer dès la création de l'Arcom d'une organisation des services immédiatement opérationnelle.

L'association de l'encadrement au projet de préfiguration a facilité son implication dans le dialogue avec les équipes. Chaque agent a ainsi pu, en lien avec son futur encadrement, se positionner assez tôt et se projeter dans ses futures fonctions. Le très faible recoupement des missions des directions métiers de l'Hadopi et du CSA a permis à chacun de trouver sa place dans l'organigramme de l'Arcom et n'a engendré aucune suppression d'emploi.

Le très faible dimensionnement des fonctions support de l'Hadopi n'a généré que quelques « doublons » qui ont été redéployés vers les besoins métiers. Les quelques recrutements de l'année 2021, à l'Hadopi comme au CSA, ont par ailleurs été réalisés en mutualisant les besoins.

Le dialogue social entretenu tout au long de la phase de préfiguration par la réunion conjointe des instances sociales a par ailleurs permis de fluidifier et désamorcer les inquiétudes. Un baromètre social, déployé à trois reprises auprès de l'ensemble des collaborateurs, a permis d'objectiver la nature et l'intensité des problèmes.

Source : commission d'enquête, d'après la réponse de M. Roch-Olivier Maistre, ancien président du CSA et de l'Arcom, au questionnaire du rapporteur

a) Les structures de formation professionnelle pour adultes : fusionner l'AFPA et les Greta, laisser le CNAM autonome

L'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) et les Groupements d'établissements publics locaux d'enseignement (Greta) proposent tous deux des actions de formation sur l'ensemble du territoire. L'Afpa est un opérateur national dédié du ministère du travail, avec un statut d'EPIC, tandis que les Greta sont des réseaux locaux adossés au ministère de l'Éducation nationale, fortement liés aux établissements scolaires.

Bien que relevant de statuts différents, ils poursuivent des objectifs comparables : favoriser la montée en compétences des actifs, notamment les demandeurs d'emploi, dans une logique de service public. Cette proximité de missions conduit parfois à des concurrences locales293(*), à une dispersion des moyens, et à une difficile coordination de l'offre. Elle nuit à la lisibilité du service public de la formation professionnelle pour les bénéficiaires, qui peinent à identifier l'interlocuteur pertinent.

Le CNAM, créé en 1794, pour « perfectionner l'industrie nationale » et visant les emplois qualifiés, dispose également d'un réseau national et international étendu. Rattaché au ministère chargé de l'enseignement supérieur, le CNAM a le statut d'établissement public de l'État à caractère scientifique, culturel et professionnel.

Lors de son audition, la vice-présidente de la fédération services publics CFE-CGC, Christine Caraty, indiquait elle-même qu'il était possible d'« envisager le regroupement de l'AFPA avec les Groupements d'établissements publics locaux d'enseignements (GRETA) et le Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) pour créer un pôle important de formation professionnelle pour adultes au sein de la fonction publique. Cela permettrait potentiellement des économies en termes d'immobilier et de budget. » Des rapprochements sont d'ores et déjà mis en oeuvre ou envisagés entre ces structures, notamment le GRETA et l'AFPA, à l'instar de la mutualisation des plateaux techniques, comme cela a été indiqué au rapporteur.

Afin de clarifier l'offre de formation, de renforcer la complémentarité des dispositifs et de mutualiser les moyens, il est proposé de fusionner l'Afpa et les Greta au sein d'un opérateur public unifié, présent sur l'ensemble du territoire. Cette structure unique incarnerait un véritable service public de la formation professionnelle, avec une gouvernance simplifiée, une stratégie d'implantation rationnalisée, et des parcours de formation mieux articulés avec les besoins économiques et sociaux locaux. Dans un premier temps, le rapprochement avec le CNAM n'apparait pas prioritaire, cette structure appartenant au réseau des grandes écoles et étant très orientée vers les métiers industriels.

Si les GRETA sont situés dans les lycées, leur lien avec l'Éducation nationale est ténu. Les publics accueillis dans les deux structures sont différents. Les professeurs de l'éducation nationale lorsqu'ils enseignent en GRETA sont rémunérés par cette structure. Dans les faits, le rôle des recteurs se limite à vérifier la soutenabilité financière des établissements sans même pouvoir s'opposer aux décisions prises par le conseil d'administration. À l'intérieur d'une académie, les schémas d'organisation peuvent même varier.

Ce mouvement de mutualisation doit permettre de conforter la formation publique en renforçant le réseau de l'APFA. Il y a 20 ans, l'Afpa était l'opérateur unique de l'État pour la formation professionnelle continue et était financée en subvention. La décentralisation de la compétence formation professionnelle aux conseils régionaux et l'ouverture à la concurrence se sont traduites par l'apparition et le développement de très nombreux organismes de formation. La formation professionnelle est devenue un véritable marché, avec des acteurs privés de plus en plus spécialisés.

Cette réforme visant à faire de l'Afpa l'opérateur unique pour l'État doit impérativement être accompagnée d'un changement de gouvernance pour juguler le déficit chronique de l'agence. Comme l'a souligné la Cour des comptes dans sa note d'exécution budgétaire294(*), « cette crise pérenne de trésorerie intervient alors que les effets du plan de transformation initié en 2018, dans un contexte de déficit cumulé de plusieurs centaines de millions d'euros, étaient censés se traduire sur le plan budgétaire. Bien au contraire, l'Afpa continue de peser davantage sur le budget de l'État. Si la mise en oeuvre du plan de sauvegarde de l'emploi avait effectivement été repoussée à décembre 2019, et que le contexte sanitaire a pu retarder l'effectivité de certaines mesures du plan de restructuration de l'établissement, celui-ci a produit des effets qui ne suffisent manifestement pas à retrouver une trajectoire soutenable sans un soutien massif de l'État. » La mutualisation avec les infrastructures des Greta doit permettre d'accélérer la réduction du parc immobilier.

S'agissant des gains possibles en matière de ressources humaines, le rapporteur n'a pas réussi à trouver le nombre d'agents travaillant actuellement dans les Greta. Cette information ne figure même pas dans un rapport récent de l'Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (IGESR) portant spécifiquement sur ce réseau295(*). En 2016, toutefois, les GRETA et les FCIP GIP comptaient 7 897 équivalents temps plein (ETP) consacrés à l'enseignement, dont plus de la moitié de personnels non permanents, et 3 391 ETP pour les fonctions administratives, techniques ou de service296(*). En conséquence, un gain éventuel de 5 % sur les fonctions d'enseignement de 10 % sur les fonctions autres que d'enseignement permettrait de réduire le nombre d'ETP de près de 400. Par ailleurs, 5 810 ETPT travaillaient à l'AFPA au 31 décembre 2024.

Recommandation : Regrouper les réseaux de l'AFPA et des Greta pour former un opérateur unique tourné vers la formation professionnelle des adultes.

b) Les centres nationaux du ministère de la culture : une réponse à adapter au cas par cas

Au sein de l'écosystème du ministère de la culture, certains opérateurs occupent une position structurante dans l'organisation des filières professionnelles dans lesquelles elles opèrent. Le rapporteur a regardé la situation particulière de trois d'entre eux, chargés de porter une politique publique dédiée à un secteur des industries culturelles : le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) ; le Centre national du livre (CNL) ; le Centre national de la musique (CNM). Alors que le CNC et le CNL ont été créés en 1946, le CNM est issu d'une volonté plus récente de structuration sectorielle297(*).

· Le CNC (la Cinémathèque française et la FEMIS) : redéfinir le rôle et la place de l'État avant de définir l'évolution des agences

Plusieurs rapports récents de la Cour des comptes, portant sur le CNC298(*), la Cinémathèque française299(*) ou la FEMIS300(*), ont souligné les fragilités de la politique en faveur du patrimoine cinématographique (conservation/diffusion) par le CNC et la Cinémathèque française, aujourd'hui distincts, ainsi que l'absence de tutelle ministérielle.

La Cour indique dans le rapport relatif à la Cinémathèque française que le statut d'association subventionnée à hauteur de 75 % de ses ressources par l'État (via le CNC, avec une subvention de l'ordre de 20 millions d'euros) rend de facto cette structure dépendante de l'État et la Cour relève que « Rien ne justifie que le ministère de la culture soit absent du conseil d'administration d'un de ses opérateurs et le CNC n'y a au demeurant qu'une voix consultative ».

L'État est également absent de la FEMIS. En effet, une note du secrétariat général du ministère en date du 11 janvier 2012, complétée par une note en date du 22 septembre 2014, indique que le CNC exerce désormais la tutelle financière et de contenu de l'école. Le secrétariat général ne regarde que les aspects administratifs (plafond d'emplois, sujets immobiliers, etc.). Le ministère n'est même pas signataire du COP et en conséquence, comme l'écrit la Cour, « aucun document ne permet de savoir ce que ce dernier attend précisément de la politique publique de formation mise en oeuvre par l'école ni de l'éventuelle hiérarchisation entre les différents objectifs d'excellence, d'ouverture, de volume, etc. »

L'absence de l'État dans la gouvernance de la Cinémathèque française ou de la FEMIS constitue une curiosité institutionnelle qui n'est pas sans conséquence sur la politique du cinéma : pas de stratégie claire ou de visibilité pluriannelle pour l'école ; absence de stratégie de long terme en matière de patrimoine cinématographique.

Si des gains d'efficacité, par la mise en commun de moyens, sont certainement à attendre d'une intégration de la Cinémathèque française au sein du CNC, préalablement à toute évolution du statut des agences, il est impératif de redéfinir le rôle joué par l'État dans la définition de la politique de soutien à la filière cinématographique.

· Le CNL : envisager une reprise des missions par le ministère

Le CNL et le Service du livre et de la lecture de la direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) interviennent conjointement en faveur du livre et de la lecture.

Pourtant, le partage des compétences entre ces deux entités demeure flou. Ainsi, à titre d'exemple, le programme 363 « Compétitivité » de la mission « Plan de relance » comportait un plan filière livre qui a été mis en oeuvre par le ministère directement pour le programme EAC « Jeunes en librairie », par le CNL pour le financement des achats de livres auprès des librairies par les bibliothèques, par le CNL et les DRAC pour le soutien aux investissements de modernisation en direction des librairies.

Missions du CNL

« Le Centre national du livre est le 1er soutien du livre et de la lecture en France. Il a pour mission d'encourager la création et la diffusion d'ouvrages de qualité à travers de nombreux dispositifs d'aide aux acteurs de la chaîne du livre (auteurs, éditeurs, libraires, bibliothèques, organisateurs de manifestations littéraires) et de favoriser le développement de la lecture, auprès de tous les publics. »

« Le service du livre et de la lecture a pour mission :

· d'élaborer, coordonner et évaluer l'action du ministère de la culture et de la communication dans le domaine du livre et de la lecture ;

· de veiller à l'équilibre entre les différents acteurs qui interviennent dans le domaine du livre et de la librairie et au développement du secteur de l'édition ;

· de suivre les questions économiques, juridiques et sociales intéressant la création, l'édition, la diffusion, la distribution et la promotion du livre ;

· de mettre en oeuvre la tutelle sur les opérateurs relevant de son domaine de compétences ;

· de favoriser le développement de la lecture et de procéder à l'évaluation des politiques dans le domaine de la lecture publique. Il contribue à la modernisation des bibliothèques et des médiathèques, et notamment au renforcement des réseaux et services de coopération. Il veille à la conservation, à l'enrichissement et à la valorisation de leur patrimoine ;

· d'exercer le contrôle technique de l'État sur les bibliothèques et des médiathèques des collectivités territoriales ;

· de réaliser des enquêtes concernant le livre et la lecture. »

Source : Commission d'enquête à partir des sites internet du CNL et du ministère

Malgré les efforts déployés la politique de soutien à la lecture mérite une attention renouvelée alors que la part des Français se déclarant spontanément lecteurs diminue sur toutes les catégories et que la part de lecture quotidienne atteint son niveau le plus bas depuis 10 ans.301(*)

Depuis la suppression en 2019 des taxes affectées qui alimentaient son budget, le CNL est financé par une subvention du ministère de la Culture. Cette évolution renforce sa proximité fonctionnelle avec les services centraux du ministère. Dans ce contexte, une intégration du CNL (65 ETPT) à la DGMIC apparaît pertinente et renouerait avec l'efficacité d'une gouvernance unique de la politique du livre qui avait été mise en place en 1976 lorsque le directeur du livre du ministère était également président du CNL. La DGMIC reprendrait ainsi ses missions afin d'assurer une meilleure cohérence des actions menées en faveur du livre et de la lecture (par une unification des dispositifs d'aide), et de renforcer la gouvernance de la politique publique en faveur de l'ensemble de la filière du livre.

· Le CNM : envisager une fusion avec l'ASTP pour unifier le soutien au spectacle vivant

Un rapport de l'Inspection générale des affaires culturelles (IGAC), publié en juillet 2024, a mis en évidence les limites du modèle actuel de l'Association pour le soutien du théâtre privé (ASTP) : « L'Association est cependant, malgré les utiles réformes d'ouverture en cours, gouvernée par un trop petit nombre d'acteurs et insuffisamment ouverte aux professionnels du secteur. Son système d'aide, ancien et complexe, soulève des questions d'équité et de transparence. La mission propose une évolution de la gouvernance de l'Association et une modernisation de ses statuts, ainsi qu'une réforme des aides qu'elle administre en vue notamment de les adapter aux enjeux de la politique publique du ministère de la Culture. » 302(*)

Cet opérateur de statut associatif, financé pour moitié par une taxe affectée prélevée sur les recettes de billetterie des spectacles dramatiques, lyriques et chorégraphiques, partage de nombreux points communs avec le Centre national de la musique (CNM).

Les deux structures sont financées par une taxe sur la billetterie des spectacles qui repose sur une assise législative unique et désormais codifiée. Elles mènent des activités largement similaires de collecte de la taxe, de gestion d'un dispositif de soutien à un secteur culturel du spectacle vivant, d'observation des pratiques et des besoins.

Pendant la crise sanitaire, les deux structures ont soutenu le spectacle vivant. Ainsi, un communiqué de presse du 11 février 2022 portant sur le soutien économique de l'État à la filière indique que « les dispositifs de soutien sectoriels portés par le CNM et l'ASTP seront réactivés, pour tenir compte à la fois des annulations de spectacles liées à ce nouvel épisode de l'épidémie et des mesures de restriction sanitaire (limitation de jauge jusqu'au 2 février, interdiction des concerts en configuration debout jusqu'au 16 février). Le CNM mobilisera à ce titre le Fonds d'urgence du spectacle vivant ; l'ASTP réactivera également son Fonds d'urgence ainsi que le Fonds de compensation annulation ».

Une fusion de l'ASTP et du CNM permettrait de rationaliser les dispositifs de soutien, de simplifier leur gouvernance, et de mutualiser les fonctions support (collecte, instruction, suivi). Elle participerait également à une meilleure allocation des ressources publiques dans le secteur du spectacle vivant, tout en garantissant une équité renforcée entre les filières musicales et théâtrales, du fait d'une simplification de la gouvernance des dispositifs d'aides à la création musicale et au théâtre privé, financés tous deux par des taxes affectées.

* * *

Comme ces trois exemples le montrent, il n'existe pas une réponse unique et automatique au devenir des centres nationaux. Dans un contexte de rationalisation de l'action publique et de recherche d'une meilleure efficacité des politiques culturelles, des réorganisations ciblées pourraient être envisagées pour mettre fin aux doublons susceptibles d'affaiblir la portée des politiques de l'État dans les domaines où agissent ces opérateurs et d'autres structures ou institutions.

3. Les agences de financement peuvent voir leur activité reprise par une structure à spectre plus large sans nuire à la qualité de la politique publique

La commission d'enquête a déjà largement présenté les inconvénients que présentent certaines structures dont la taille, très limitée, est manifestement inadaptée aux enjeux financiers qu'ils représentent.

a) L'Agence de financement des infrastructures de transport de France

L'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) est dépourvue de toute autonomie et s'appuie intégralement sur les effectifs de l'administration centrale. Son existence n'est justifiée que par la volonté d'apporter une visibilité pluriannuelle sur les financements destinés aux infrastructures.

Or ce surcroît de visibilité apparaît largement illusoire. Tant qu'un marché public n'est pas signé, le principe d'annualité budgétaire permet de réduire les crédits, quelle que soit la forme juridique de l'opérateur ; et, une fois le marché signé, l'engagement de l'État - matérialisé budgétairement par la consommation d'autorisations d'engagements - est effectif et, là encore, indépendant de l'existence ou non d'un établissement public qui constitue une entité à côté de l'État, mais indépendante de lui.

Une réinternalisation de l'AFITF donnerait une meilleure visibilité au Parlement sur l'emploi des fonds, qui sont d'un montant considérable, et ne présenterait aucune difficulté administrative, puisque l'agence n'a pas d'administration propre.

Recommandation : réinternaliser l'AFITF.

b) France compétences

De même, France compétences est une structure très réduite (91 ETP) qui gère des crédits d'intervention de 15 milliards d'euros. La quasi-totalité de cette activité, sur le plan financier, consiste en la répartition de taxes entre organismes chargés de la formation professionnelle.

Le financement de la formation professionnelle est assuré de manière partagée entre France compétences, qui joue un rôle de répartition des fonds mutualisés et de régulation du système, et la Caisse des dépôts et consignations, opérateur et financeur central du Compte personnel de formation (CPF).

Comme indiqué supra, la fragilité de l'établissement a été reconnue par le directeur de l'opérateur lui-même, Stéphane Lardy, devant la commission d'enquête. Cette faiblesse de France compétences n'est pas nouvelle. Dans un rapport303(*) de 2020, l'IGAS et l'IGF relevaient que « la nature des missions confiées à France compétences nécessite de repositionner le personnel en veillant à l'adaptation de ses ressources humaines. Bien que France compétences bénéficie de l'expérience et des compétences des agents des entités fusionnées, la nature des missions qui lui sont confiées et les enjeux financiers associés posent la question de l'adéquation des compétences de son personnel et de son plafond d'emploi. En effet, les questions de mise en place d'une comptabilité privée, d'un contrôle de gestion et l'appropriation du métier de la régulation supposent des compétences spécifiques non nécessairement présentes dans l'ensemble des entités préexistantes. » En cinq ans, la situation semble s'est améliorée partiellement, alors même que le plafond d'emplois de l'opérateur a été augmenté de plus de 20%.

Par ailleurs, comme l'a souligné Ghislaine Senée, membre de la commission d'enquête et rapporteure spéciale de la mission « Travail et Emploi », France compétences est régulièrement en déficit, par suite des décisions de l'État car ses ressources sont en déséquilibre structurel avec ses charges304(*). L'opérateur doit donc activer au dernier moment des lignes de trésorerie, qui engendrent des frais, voire des pénalités.

Au regard de son assise financière plus large et du large panel de compétences dont elle dispose, centraliser l'ensemble des flux financier au niveau de Caisse des dépôts apparait pertinent. Les deux organismes entretiennent des liens étroits, comme l'a souligné Stéphane Lardy lors de son audition : comité de trésorerie bimensuel afin de faire le point sur les besoins inhérents à la gestion du CPF, participation de France compétences aux commissions visant le déréférencement des organismes de formation frauduleux, animation conjointe des ateliers de sensibilisation sur les responsabilités des organismes certificateurs.

Une gestion en compte de tiers permettrait à la Caisse des dépôts de ne pas subir les conséquences des déficits de l'activité, même s'il serait souhaitable que celle-ci soit réformée afin d'être équilibrée.

France compétences serait recentrée autour de sa mission première de régulation, de certification et de contrôle. Cette clarification améliorerait l'efficience financière du système, tout en assurant une séparation nette entre opérateurs techniques et autorités de régulation.

Recommandation : transférer les activités de financement de France compétences à la Caisse des dépôts, en lien avec le ministère.

c) Les structures limitées au versement d'aides simples sont supprimées, leurs missions sont reprises par l'ASP

Il convient de constater les conséquences du principe d'instruction et d'attribution des aides par l'ASP. L'ANAH, agence de versement des aides MaPrimeRenov', doit voir une grande partie de son personnel transféré à l'ASP (tous les agents concernés par le contrôle, le versement et la liquidation). Les agents ayant un profil expert pourraient venir renforcer les services déconcentrés de l'État dans les directions départementales des territoires (DDT) ou ceux de l'administration centrale (DHUP).

Recommandation : Transférer les effectifs de l'ANAH vers l'ASP pour l'attribution des aides et vers les services de l'État pour les autres activités.

Par ailleurs, comme indiqué supra, l'Office de développement de l'économie agricole d'outre-mer (Odeadom) a des attributions trop limitées pour justifier l'existence d'un établissement public distinct.

Ses missions pourraient être exercées par l'ASP, opérateur par principe du versement d'aide aux particuliers et aux agriculteurs (voir supra), et à FranceAgriMer pour l'organisation d'une concertation locale.

Recommandation : Transférer les missions de l'Odeadom à l'ASP et à FranceAgriMer, et mettre en conséquence fin à l'existence de cet opérateur.

4. Réinternaliser les missions de l'Agence Bio

Comme indiqué supra, la formule du GIP n'a pas permis de faire de l'Agence Bio une structure réellement co-financée par plusieurs partenaires, ni d'aboutir à la création d'une interprofession.

En outre, cette agence ne gère qu'une petite partie du financement public à l'agriculture bio, qui bénéficie de près de 700 millions d'euros de crédits nationaux et européens en 2025. En conséquence, l'existence de cette agence ne se justifie pas et ses missions pourraient aisément être assumées par le ministère chargé de l'agriculture. La commission d'enquête propose donc de supprimer l'Agence Bio en tant qu'entité distincte de l'État et de ramener ses activités dans le ministère.

Recommandation : Supprimer l'Agence Bio et réinternaliser ses missions.

5. Savoir prendre acte de la fin de l'exercice d'une agence de mission

Comme indiqué supra, une revue des missions devrait être conduite tous les cinq ans afin de déterminer si une agence possède toujours un objet et si cet objet nécessité le maintien de cette agence sous la forme actuelle, afin d'éviter la perpétuation de structures administratives qui, par nature, continuent à justifier leur activité.

La lecture du rapport remis en février 2025 à ce sujet, commandé, comme indiqué supra, à trois personnalités dont la directrice générale de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), convainc le rapporteur que la prolongation de cette agence au-delà du PNRU 2 ou nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU), qui lui a été confié en 2014, ne relève pas d'une utilité évidente.

Le rapport fait un diagnostic pertinent sur la nécessité d' « une approche par le projet urbain face aux situations de territoires en déprise (villes moyennes, tissu pavillonnaire du périurbain, friches industrielles & zones commerciales désaffectées) ou de territoires confrontés aux conséquences du changement climatique, potentiellement inhabitables demain (inondation, recul du trait de côte, ...) », mais il est difficile de voir en quoi l'ANRU disposerait d'une plus-value par rapport à d'autres établissements en état de conduire l'action publique, telles que les établissements publics fonciers ou le Conservatoire du littoral.

Or la priorité est sans doute moins l'extension de la politique de renouvellement urbain à tous les territoires, suggérée par ce rapport, que le traitement social de ces quartiers qui, malgré la rénovation urbaine, continuent à connaître un très fort écart de revenu et d'emploi avec les quartiers environnants305(*).

Recommandation : Ne pas renouveler l'ANRU au terme de la réalisation du NPNRU et transférer progressivement la gestion de l'achèvement des programmes aux services des préfectures.

6. Réintégrer l'Agence nationale du sport au ministère et à l'INSEP

Le principe d'une nouvelle agence du sport s'est appuyé sur un rapport paru en 2018, intitulé Nouvelle gouvernance du sport306(*), produit par la directrice des sports de l'époque.

Or le travail préparatoire d'évaluation de l'univers institutionnel préexistant ainsi que le travail d'introspection sur la politique publique du sport n'ont pas été effectués à l'époque. Ainsi, la création d'une nouvelle agence du sport, sans regard sur les établissements existants, et notamment l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP), a reposé sur une vague approximation des reculs supposés de la performance de haut niveau de l'équipe de France sur les épreuves olympiques.

En outre, la décision de créer cette structure a négligé les alertes et recommandations formulées la Cour des comptes et le Conseil d'État :

- en 2013 déjà, la Cour des comptes, dans un rapport intitulé Sport pour tous et sport de haut niveau : pour une réorientation de l'action de l'État, préconisait de « donner à l'INSEP une plus grande capacité d'action », en envisageant de le consacrer comme « tête de réseau opérationnelle » de la politique du sport. Cette approche a été écartée, sans justification claire ;

- en 2019, dans l'avis qu'il a rendu au Gouvernement sur le projet de décret portant création du groupement d'intérêt public (GIP) instituant l'ANS, le Conseil d'État soulignait que « pour atteindre l'objectif qu'il recherche, le Gouvernement aurait pu - de façon expédiente et appropriée - ériger le CNDS en agence conservant le statut d'établissement public national ».

À l'occasion de la parution en septembre 2022 d'un rapport intitulé L'Agence nationale du sport et la nouvelle gouvernance du sport - Des défis qui restent à relever, la Cour des comptes évoquait « les ambiguïtés et contradictions de la réforme engagée » et regrettait que « la création de l'Agence n'a entrainé à ce stade ni mutualisation des moyens ni coordination des politiques publiques en faveur du sport et l'articulation entre le secteur public et le secteur privé est resté au niveau de l'intention ».

En outre, la commission d'enquête a pu constater, notamment lors de ses déplacements, les difficultés que causent les multiples sources de financement des équipements sportifs, chacune ayant ses propres procédures et calendriers.

La commission d'enquête considère que la création de l'ANS répond d'un pur mécanisme réflexif, en l'absence de vision stratégique. Elle a répondu au triptyque qui résume bien souvent la création d'une agence : un problème, une solution, une création.

Recommandation : Supprimer l'Agence nationale du sport en maintenant ses actions dans le ministère et l'INSEP. Transférer les crédits gérés par l'ANS vers les dotations attribuées aux collectivités territoriales.

7. Réunir les CROUS et le CNOUS en un établissement unique

Les 26 centres régionaux des oeuvres universitaires et sociales (CROUS) paraissent, plus que d'autres organismes, prêts à être fusionnés en un organisme unique, à savoir le Centre national des oeuvres universitaires et sociales (CNOUS).

Ces établissements ont déjà un portail commun et un projet de système d'information de gestion des ressources humaines (SI-RIH) commun. Le CNOUS répartit les dotations de l'État (SCSP, bourses, aides diverses) entre les CROUS, anime leur activité et contrôle leur gestion. Il effectue un véritable suivi des opérations exécutées par les organismes du réseau.

La fusion permettra de supprimer 26 conseils d'administration (à titre d'exemple, le CROUS de Créteil a 51 membres). Ces conseils d'administration seraient remplacés par des comités de gestion locaux, sur le modèle des parcs marins, permettant aux acteurs locaux de participer à la définition et au financement (par exemple via des fonds de concours) de projets locaux conduits en partenariats avec l'établissement.

Le versement des aides sera assuré par l'ASP (aides individuelles). Elles seront accessibles depuis le guichet numérique unique ou les maisons France services (expérimentation lancée dans six départements en avril 2023).

Au total, une fusion des CROUS pourrait constituer un modèle pour des fusions ultérieures : une telle fusion doit en effet être précédée d'une phase progressive de rapprochement entre les organismes pour ce qui concerne les fonctions support et le statut des personnels, plutôt que dans l'urgence en annonçant des plans de réduction « d'un tiers » ou « de la moitié » des opérateurs.

Recommandation : Intégrer les 26 établissements CROUS régionaux au CNOUS, en maintenant un comité de gestion pour permettre la participation des acteurs locaux.

8. Supprimer la société Pass Culture, pour une meilleure lisibilité des aides aux pratiques culturelles

La commission d'enquête considère que la société Pass Culture constitue un exemple de structure non nécessaire et qu'il convient de la supprimer, plutôt que de la transformer en opérateur.

Expérimenté depuis juin 2019 puis généralisé et élargi en 2021, le pass Culture consiste en une application gratuite, qui révèle et relaie les offres culturelles et artistiques accessibles à proximité pour les jeunes âgés de 15 à 18 ans. Ces jeunes disposent d'une somme comprise entre 20 et 300 euros, variant en fonction de l'âge, afin de pouvoir répondre à ces offres.

La société Pass Culture constitue un exemple typique d'opérateur dont les crédits limitent les marges de manoeuvre du gestionnaire de programme, puisqu'il représente 25 % des crédits du programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Cette société est le deuxième opérateur du ministère de la Culture, derrière la Bibliothèque nationale de France.

Le pass Culture comporte désormais deux parts :

- une part individuelle applicable à chaque jeune de 15 à 17 ans, financée par le ministère de la Culture ;

- une part dite collective, destinée exclusivement à financer des activités rattachées à l'éducation artistique et culturelle effectuées en groupes et encadrées par des professeurs. Cette part s'applique aux élèves de la sixième à la terminale scolarisés dans un collège ou lycée public ou privé sous contrat, ainsi qu'à tout élève inscrit en certificat d'aptitude professionnelle sous statut scolaire. Cette part est financée au prorata de leurs effectifs concernés par les ministères en charge de l'éducation nationale, de la mer, des armées et de l'agriculture.

Dans leur rapport de contrôle sur le pass Culture en juillet 2023, Vincent Éblé et Didier Rambaud, rapports spéciaux, considéraient que ce dispositif « prend le risque de confirmer les habitudes culturelles et s'avérer être un effet d'aubaine pour ceux qui ont déjà une pratique culturelle ». Toutefois, « le volet collectif semble plus enclin à atteindre l'objectif de diversification des pratiques culturelles assigné au pass que le volet individuel ».

Le pass Culture profite à 56 % au livre, 19 % au cinéma et 25 % aux autres formes culturelles.

La société Pass Culture est une société par actions simplifiée (SAS) créée en 2019. Son capital social est de 1 million d'euros, détenu à 70 % par l'État et à 30 % par la Caisse des dépôts et consignations.

Les frais de fonctionnement de la société sont estimés à 29,2 millions d'euros en 2023307(*), soit 11,2 % des dotations versées à la structure.

Au total, la commission d'enquête considère que la part collective devrait être gérée par le ministère de l'éducation nationale, en cohérence avec les autres actions menées dans les lycées. Quant à la part privée, sa capacité à développer la pratique culturelle n'étant pas acquise, il est proposé de la supprimer.

En conséquence, la société Pass Culture n'aurait plus d'objet et serait supprimée.

Recommandation : Supprimer la société Pass Culture, la part collective du pass Culture étant gérée par le ministère de l'éducation nationale.

B. LA MUTUALISATION DES FONCTIONS SUPPORT, UNE SOURCE D'ÉCONOMIES LORSQUE LES CONDITIONS D'UNE FUSION NE SONT PAS RÉUNIES

Qu'il s'agisse d'opérateurs ou d'administrations « classiques », la réalisation de fusions entre plusieurs entités publiques entraîne nécessairement à court terme des coûts relatifs à l'intégration des services. De telles opérations de restructuration ne peuvent produire des économies en ressources qu'à moyen-long terme, sous réserve de la mise en oeuvre d'évolutions importantes en matière d'exercice des missions. Or ces « évolutions métiers » ne sont pas toujours réalistes.

Dans ces dernières situations, qui apparaissent les plus fréquentes, seule la mutualisation des fonctions supports peut être poursuivie, pour des gains non négligeables mais plus limités.

1. Le rapprochement des fonctions métiers : un processus à la dynamique compliquée

Au-delà des questions d'alignement des conditions d'emplois évoquées précédemment, les expériences de fusions réalisées d'entités publiques en France dans la période récente révèlent que les rapprochements de métiers différents, même intervenant dans des domaines d'activité proches et auprès de publics identiques, s'avèrent particulièrement complexes, voire illusoires.

Ainsi, dans le cas de Pôle emploi (aujourd'hui France Travail), résultant de la fusion de l'ANPE et des Assédic, le rapprochement des métiers relevant, d'une part, du versement des allocations aux demandeurs d'emplois et, d'autre part, de l'accompagnement vers le retour à l'emploi, à travers des conseillers polyvalents, n'a pas abouti.

Adopté en 2017, le référentiel des métiers de Pôle emploi retient ainsi deux filières de spécialisation, d'une part, les conseillers « gestion des droits » (GDD) en charge de la gestion des dossiers d'indemnisation, et, d'autre part, les conseillers « emploi ». Dans son rapport de juillet 2020, la Cour des comptes souligne que « cette séparation des domaines d'activité consacre la fin de l'organisation imaginée lors de la fusion de l'ANPE et des Assédic, fondée sur des conseillers multi-compétents, en mesure de prendre en charge un demandeur d'emploi pour l'ensemble des questions soulevées ».

Dans certains cas, la mise en oeuvre d'un rapprochement, notamment pour les structures de dimensions importantes, peut concentrer à ce point les efforts et les ressources que les autres projets, tels que ceux concernant les évolutions métiers, se retrouvent relégués au second plan.

Concernant l'évolution de la DGFiP après la fusion de la DGI et de la DGCP, la Cour des comptes constatait à cet égard que « l'analyse de l'évolution de la DGFiP depuis 2008 ainsi que les témoignages recueillis au cours de l'enquête montrent que la fusion a eu pour effet de recentrer les services sur leurs blocs métier respectifs et de geler durant plusieurs années les projets d'évolution, le temps d'asseoir et de stabiliser le nouvel ensemble ».

Ce risque d'immobilisme dans les premières années suivant une fusion peut ainsi réduire fortement les synergies attendues. Dans le cas de la DGFiP, si cette administration a été la principale contributrice aux économies réalisées par l'État en matière d'effectifs civils entre 2008 et 2018, la Cour des comptes relève que :

- d'une part, si la fusion a permis de regrouper les fonctions de soutien, les structures opérationnelles sont restées largement distinctes, à l'exception des interlocuteurs fiscaux uniques pour les particuliers et les collectivités308(*) ;

- d'autre part, les économies supplémentaires qui devaient être réalisées sur les fonctions de soutien sont peu évidentes : alors que le rythme de suppression des postes était déjà de l'ordre de 2 % par an entre 2006 et 2008 pour la DGI et la DGCP, la fusion n'a pas conduit à accélérer ce rythme de suppression des postes, qui est demeuré à 2 % par an entre 2009 et 2016.

2. Dès lors, la mutualisation de ressources et fonctions supports entre plusieurs agences peut représenter une mesure plus efficace et réaliste
a) Mutualiser les occupations immobilières des ministères et des opérateurs par la mise en oeuvre de la foncière de l'État

À organisations inchangées, la mutualisation des occupations immobilières peut constituer un levier important de rationalisation des coûts des agences et opérateurs.

Annoncée en février 2024, la réforme de la foncière de l'État vise,
à travers la création d'une foncière interministérielle publique, à assurer
« une gestion immobilière responsable, durable et sobre », avec un objectif de réduction des surfaces de bureaux occupées de 25 % d'ici 2032. Dans ce cadre, l'incitation à la rationalisation, à la mutualisation et à la rénovation des bâtiments passerait, pour les administrations occupantes, par le versement de loyers auprès de la foncière.

À terme, la foncière interministérielle publique a vocation à se déployer sur l'ensemble du périmètre des immeubles de bureaux et locaux d'activités de l'État, à l'exception des logements isolés, des biens occupés par le ministère des armées et des biens situés à l'étranger ou des biens trop spécifiques (musées, cathédrales, barrages, etc.), soit environ 20 millions de mètres carrés, sur un patrimoine immobilier total de l'État de 96 millions de mètres carrés.

La réduction de 25 % des surfaces occupées, soit 5 millions de mètres carrés, se composerait pour moitié de libérations de baux et pour moitié de cessions de bâtiments domaniaux309(*). Si la cession des biens domaniaux peut constituer une source de recettes, l'essentiel des gains financiers devrait donc résulter de la diminution du « mur » d'investissements nécessaires pour la mise aux normes des bâtiments.

D'après une estimation gouvernementale, la résiliation des baux consécutive à la mise en oeuvre de la réforme de la foncière de l'État représenterait une économie à terme d'un milliard d'euros en dépenses annuelles d'entretien et de loyers310(*).

De fait, cette évolution avait été recommandée par un rapport conjoint de l'Inspection générale des finances et du Conseil général de l'environnement et du développement durable311(*) d'avril 2022, lequel visait le patrimoine foncier et l'immobilier de bureaux de l'ensemble des ministères (hors ministère des armées et biens situés à l'étranger) et, « selon des règles à définir, [ceux] des opérateurs de l'État ».

Les recommandations du rapport IGF-CGEDD d'avril 2022

« Confier la mission de représenter l'État propriétaire et d'accompagner les occupants publics sur l'ensemble de la chaine des besoins immobiliers à une entité publique opérationnelle dédiée, placée sous la tutelle de la DIE et dotée d'antennes régionales. Cette agence, bras armé opérationnel de la politique immobilière de l'État, assurerait la gestion du propriétaire, la conduite de projet et la valorisation du patrimoine foncier et de l'immobilier de bureaux de l'ensemble des ministères (hors ministère des armées et biens situés à l'étranger) et, selon des règles à définir, celles des opérateurs de l'État, et elle apporterait son expertise en matière de maîtrise d'ouvrage pour l'ensemble du parc immobilier de l'État. Elle serait soit affectataire, soit propriétaire des biens dont elle assurerait la gestion. »

« Mettre en place des loyers versés par les administrations occupantes à l'agence représentant l'État propriétaire, qui financeraient les dépenses du propriétaire, en prévoyant un dispositif financier incitatif pour les administrations qui rationalisent leur organisation immobilière. »

Source : Inspection générale des finances, Conseil général de l'environnement et du développement durable, « Immobilier de l'État : une nouvelle architecture pour professionnaliser », avril 2022

Certes, la foncière interministérielle publique constituerait techniquement une nouvelle agence, qui serait placée sous la tutelle de la direction de l'immobilier de l'État (DIE) et qui devrait prendre la forme d'un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC).

Pour autant, une telle réforme apparaît particulièrement nécessaire pour rationaliser la gestion de l'immobilier des ministères et des opérateurs, ce qui justifie de faire une exception à la recommandation de la commission d'enquête visant à instaurer un moratoire sur la création de toute nouvelle agence.

À ce sujet, il convient de noter que la nouvelle structure procéderait de la transformation en EPIC de la société anonyme Agile, déjà détenue entièrement par l'État. Dans ce cadre, cette opération n'emporterait pas création d'une personne morale nouvelle. Par ailleurs, cette agence aurait un objet dédié (la gestion du parc immobilier de l'État) et une tutelle bien identifiée, chargée de définir la politique de l'exécutif en la matière. Les risques de doublon, de dispersion ou encore d'autonomie sont écartés.

Recommandation : Mettre en oeuvre le projet de réforme de la foncière de l'État en intégrant le patrimoine foncier et l'immobilier de bureaux des agences.

La mise en place du projet de foncière prévoyait, dans un premier temps, le déploiement d'un « pilote » à compter de 2025312(*). Cependant, ce dispositif a fait l'objet d'une censure sur la forme par le Conseil constitutionnel lors de sa décision sur la loi de finances pour 2025, au motif que la mesure constituait un cavalier budgétaire313(*).

Auditionné par la commission des finances du Sénat au mois d'avril dernier314(*), le directeur de l'immobilier de l'État, Alain Resplandy-Bernard, a réaffirmé l'importance de cette réforme pour la rationalisation de la gestion du parc immobilier, non seulement de l'État, mais également des agences et opérateurs : « Notre organisation est très fragmentée, répartie sur 47 programmes budgétaires dédiés à la gestion de la dépense immobilière. Chaque ministère ou opérateur dispose de structures, parfois embryonnaires, destinées à couvrir tout ou partie des fonctions de l'immobilier de l'État. Cette situation, qui n'existe nulle part ailleurs, conduit à une certaine déresponsabilisation, car aucun gestionnaire n'est responsable de la valeur des actifs. »

Certains opérateurs pratiquent déjà une forme de mutualisation de leur occupation immobilière. Ainsi, FranceAgriMer gère un bâtiment entier, nommé « l'Arborial », sur un ancien site industriel de déroulage du bois à Montreuil, qui accueille les personnels de cinq agences et opérateurs : l'Agence Bio, l'Institut national de l'origine et de la qualité (Inao), l'Office de développement de l'économie agricole d'outre-mer (Odeadom), l'équipe nationale de l'Agence de services et de paiement (ASP) et 600 agents de FranceAgriMer. Cette organisation rationalisée permet ainsi la mutualisation des charges immobilières et de la logistique.

b) Plus généralement, mutualiser les fonctions supports (paie, achats, systèmes d'information)

La consolidation ou mutualisation des fonctions supports, entendue comme « l'ensemble des compétences qui fournissent des services aux fonctions métier de l'établissement, mais sans être en lien direct avec le coeur de métier »315(*), constitue une piste prioritaire de rationalisation des organisations et de réduction des coûts de fonctionnement des agences.

Cette voie a fait l'objet d'une mise en oeuvre particulièrement avancée en Suède, avec la création d'une agence centrale chargée de fournir des services supports à l'ensemble des administrations de l'État.

De fait, la mutualisation de fonctions telles que la paie, les achats ou encore les systèmes d'information pourrait permettre des gains d'efficience importants, en réduisant les « coûts de démutualisation (...) sans économie d'échelle »316(*) inhérents à la fragmentation de l'organisation administrative actuelle :

- s'agissant de la paie des agents, celle-ci serait assurée dans les administrations centrales, en mesure de se doter des logiciels les plus adaptés et de suivre les évolutions de la réglementation ;

- concernant les achats, notamment la passation des marchés publics, la mutualisation au sein de la direction des achats de l'État (DAE) garantirait une plus grande capacité de négociation vis-à-vis des prestataires et fournisseurs, et ainsi de meilleures conditions tarifaires ;

- dans la même logique, le rapprochement des systèmes d'information, notamment lors du renouvellement de ces systèmes, serait particulièrement pertinent, en offrant des conditions de négociation plus favorables, une interopérabilité entre services accrue317(*) ainsi qu'une sécurité renforcée.

D'après la direction interministérielle du numérique (DINUM)318(*), sur les systèmes d'information supports (processus financiers ou ressources humaines) ou bureautiques, la mutualisation permet des « gains significatifs ». En matière de sécurité des systèmes d'information, alors que toutes les administrations, en ce compris les opérateurs et agences, doivent respecter des normes strictes, la DINUM dénonce la dispersion des ressources, qui démultiplie les coûts pour l'État et creuse des écarts importants en fonction des budgets de chaque entité. Dans ce contexte, « l'homogénéisation de la sécurité du système d'information de l'État devient alors un véritable défi, et l'augmentation des failles est un risque prégnant si les ressources ou l'expertise sont insuffisantes, en particulier en termes de contrôle ».

À cet égard, l'exemple de France compétences est particulièrement éloquent.

Quand la dispersion des ressources en matière informatique fragilise
le fonctionnement d'une agence : l'exemple de France compétences

Pour l'analyse des comptabilités analytiques des opérateurs de compétences (Opco) auxquels sont versés les financements publics pour la formation professionnelle et l'apprentissage, les agents de France compétences utilisent le langage informatique R.

À la suite du décès du directeur informatique, statisticien de l'Insee, et des problèmes de santé rencontrés par un collaborateur qui travaillait en binôme avec le directeur, les personnels de France compétences ont perdu la maîtrise en interne du langage R.

Dans ce contexte, le recrutement de nouveaux agents a été engagé, mais les profils recherchés sont très spécifiques et rares. La situation perdure ainsi depuis le mois d'octobre 2024.

Alors que le marché des data scientists est très tendu, la rémunération susceptible d'être offerte par France compétences, structure aux ressources de fonctionnement relativement limitées (91 ETP pour 2025), s'avère peu compétitive.

Source : commission d'enquête, d'après les réponses orales en audition de M. Stéphane Lardy, directeur général de France compétences

Auditionnée par la commission d'enquête319(*), la ministre chargée des comptes publics, Amélie de Montchalin, a également défendu cette solution, sans pour autant en préciser les modalités d'application : « on peut envisager qu'un ministère ou un secrétariat général reprenne certaines fonctions mutualisables : les ressources humaines, les systèmes de paye, les systèmes d'information, la cybersécurité, la protection des données ».

Cette voie fait déjà l'objet d'initiatives de la part de certaines agences et opérateurs, lesquels ont souligné devant la commission d'enquête la nécessité de rationaliser les ressources consacrées à ces fonctions supports.

Ainsi, à titre d'exemple, depuis 2020, un groupement comptable réunit les agences comptables de FranceAgriMer, de l'Odeadom, de l'INAO et de l'Agence Bio. Interrogé en audition par la commission d'enquête, le directeur général de FranceAgriMer320(*), Martin Gutton, a indiqué que des progrès étaient encore possibles, notamment pour la fonction achats, considérant qu'« il est clair qu'une structure de vingt ou cinquante personnes ne peut pas se permettre de financer des postes spécialisés dans certains domaines ».

Une démarche de mutualisation analogue est également déployée par les administrations de sécurité sociale, à l'image du réseau des Urssaf, qui a adopté un modèle de « mutualisation sans centralisation » 321(*) : ainsi, la paie pour l'ensemble du réseau, en ce compris pour la Caisse nationale, est gérée dans trois Urssaf régionales (Midi-Pyrénées, Rhône-Alpes et Centre-Val-de-Loire).

La démarche de mutualisation des fonctions supports des Urssaf

Dans la période récente, des mutualisations sur un certain nombre d'activités support ont été mises en oeuvre par les Urssaf pour gagner en efficience, notamment :

- le pilotage des services bancaires pour l'ensemble du régime général de la sécurité sociale ;

- un outil de gestion de la paie commun (CNAF, CNAM, Urssaf) ;

- la mutualisation de l'éditique (répartie entre la CNAM et l'Urssaf) ;

- la mutualisation des achats sur les postes les plus consommateurs (énergie, déplacements) avec un objectif de plus de 70% de taux de mutualisation des achats à fin 2024.

Des projets de mutualisation dans les systèmes d'information sont envisagés également et formalisés dans un système d'information commun, avec notamment un projet de cloud communautaire pour le régime général.

Enfin, l'Urssaf a mis en place une centralisation de la gestion des flux entrants (courriers postaux sur trois sites), des centres de gestion de la paie (trois sites) et des centres de formation Campus (deux sites créés depuis 2023).

Source : commission d'enquête, d'après les réponses des Urssaf au questionnaire du rapporteur

On peut également citer le domaine de la culture, où deux opérateurs ont été créés pour mutualiser les fonctions support des musées.

La démarche de mutualisation des musées nationaux

Le rapporteur s'est interrogé à de multiples reprises sur l'intérêt d'avoir constitué une entité juridique propre à chaque musée national, certains comme les musées parisiens étant situés dans une aire géographique proche. Au cours des auditions, personne n'a remis en cause l'efficience de l'organisation actuelle, citant au contraire les musées comme des candidats « naturels » au statut d'agence afin d'assurer des fonctions telles que la sécurité, l'accueil du public ou la gestion du patrimoine, avec un certain degré de mutualisation pour les fonctions support.

En effet, comme l'a indiqué le secrétaire général du ministère de la Culture, le Centre des monuments nationaux (CMN) mutualise pour son réseau de près de 100 monuments les fonctions financière, juridique, ressources humaines, communication, systèmes d'information, mécénat et partenariats. La Réunion des musées nationaux - Grand Palais (RMN-GP) assure quant à elle des prestations pour le compte des musées SCN : support administratif et financier (politique tarifaire, gestion flux financiers, acquisition d'oeuvres, etc.), gestion opérationnelle sur site (accueil du public, billetterie, visites conférences, audioguides, boutiques, etc.) et diffusion (communication, édition, publications, mise à disposition site web, etc.).

S'agissant de la paie, elle est assurée par le ministère pour l'ensemble des musées services à compétence nationale, ainsi que pour certains établissements publics. Les grands établissements publics, en revanche, assurent eux-mêmes la paie de leurs agents. Certaines fonctions apparaissent toutefois de plus en plus difficiles à exercer au niveau d'un établissement et justifieraient une plus grande mutualisation. C'est le cas tout particulièrement de la cybersécurité, comme l'a montré l'attaque coordonnée qui a porté sur une quarantaine de musées au début d'août 2024.

Source : commission d'enquête

S'agissant plus particulièrement de la mutualisation de la paie, il convient cependant de tirer les enseignements de l'échec de l'opérateur national de la paie (ONP), responsable du projet de refonte du circuit de paie des agents de l'État entre 2007 et 2014, dont la Cour des comptes322(*) a mis en avant le coût de 346 millions d'euros pour des « résultats quasi nuls ».

Alors que les concepteurs du programme ONP s'étaient fixés des objectifs trop nombreux et avec un niveau d'ambition trop élevé, les services ministériels chargés de la maîtrise d'ouvrage pour le développement des systèmes d'information pour les ressources humaines (SIRH), et notamment le raccordement au circuit de paie rénové, ont rencontré de difficultés techniques, organisationnelles ou budgétaires qui ont été révélées trop tardivement pour éviter l'allongement des calendriers des projets SIRH ministériels puis, l'abandon de leur raccordement au nouveau circuit de paie « SI-Paye ».

Selon la Cour des comptes, cet échec aurait pu être prévenu si l'État avait privilégié une « conception prudente » et une « gouvernance forte et constante, placée sous l'égide d'une autorité centrale unique ».

Comme l'illustre la création le 1er juillet 2023 du Centre ministériel de gestion des personnels (CMGP), rattaché au ministère chargé de la transition écologique, il n'est pas impossible de regrouper la gestion administrative et la paie sur un périmètre restreint.

Enfin, la mutualisation peut aussi porter sur des fonctions spécifiques à certains opérateurs. Le rapporteur s'est particulièrement intéressé au cas des écoles d'architecture. Si le positionnement spécifique de chacune d'entre elles justifie leur existence séparée, les établissements pourraient mettre en commun les concours, afin que l'étudiant ne soit pas obligé de déposer autant de dossiers que d'écoles, comme les recrutements d'enseignants.

Les écoles d'architecture : la poursuite de la mutualisation des fonctions support et le renfort de la tutelle aurait beaucoup plus de sens que le regroupement des écoles

Lors de son audition devant la commission d'enquête, la ministre Amélie de Montchalin a évoqué 14 réseaux parmi les opérateurs, désignant sous ce vocable « des opérateurs ayant les mêmes missions, mais répartis sur différents territoires. [...] Lorsqu'on évoque des fusions, il ne s'agit pas de dire : « On va créer un grand IRA. » Il faut plutôt tenir compte de ce qui existe déjà, à l'instar des parcs nationaux, des agences régionales de santé (ARS), ou encore des écoles d'architecture. Ce n'est pas nécessairement le modèle que nous allons adopter, mais cette piste est intéressante pour gagner en efficacité. »

Le rapporteur s'est intéressé au réseau que constituent les 20 écoles nationales supérieures d'architecture323(*) sous tutelle du ministère de la Culture. Elle a pu constater que chaque structure dispose d'un site internet propre qui permet de prendre connaissance des spécificités du cursus qu'elle propose. Ainsi, l'École nationale supérieure d'architecture de Paris la Villette (ENSAPLV) se distingue par son ouverture particulière aux sciences humaines et aux arts plastiques et visuels quand l'ENSA Normandie met en avant l'enseignement de projet en binôme et l'école Paris-Malaquais une pédagogie centrée sur l'enseignement du projet architectural. Alors que l'autonomie des universités n'est pas remise en cause, il pourrait paraitre surprenant de revenir sur celle des écoles d'architecture.

Certes, ces structures sont de taille plus petite ; l'ENSAPLV, la plus grande école, compte environ 2250 étudiants. Les effectifs des établissements sont dans la moyenne des écoles d'architecture à travers le monde (entre 500 et 2000 étudiants). Si l'on poursuit la comparaison internationale, on constate rapidement que les écoles les plus réputées au monde sont des composantes de grands ensembles universitaires : Bartlett School of Architecture (University college of London), Graduate School of Design (Harvard), faculté d'architecture de l'école polytechnique fédérale de Zurich. Ce mouvement a été engagé par les écoles françaises : Paris-Malaquais appartient à PSL324(*), Paris-Belleville est associé à la Communauté Paris-Est Sup. Pour améliorer la qualité de leur formation, les ENSA cherchent avant tout à développer leurs ressources propres, les frais de scolarité étant réglementés.

Constatant que le nombre d'entretiens d'admission assurés au sein des 20 écoles correspond au nombre de candidats, mais que certains candidats passent plusieurs entretiens, là où d'autres ne sont reçus dans aucune école, les directeurs travaillent à une procédure d'admission mutualisée, moins pour diminuer les coûts que pour donner les mêmes chances à l'ensemble des candidats. Restent encore en suspens les modalités de répartition des candidats dans les écoles.

Comme cela a été mentionné supra, les deux-tiers voire les trois-quarts des ETPT des écoles d'architecture sont rémunérés sur les crédits du ministère et géré administrativement par le secrétariat général. Comme cela a été mentionné au rapporteur, cette organisation rend les écoles dépendantes de la doctrine d'emplois du ministère et rend compliqué les recrutements. Pour les ETPT rémunérés directement par les écoles, les procédures RH sont totalement homogènes et ont été alignées sur celles prévalant dans l'enseignement supérieur.

Le secrétariat général du ministère a également indiqué au rapporteur que le SI de gestion de la scolarité des écoles d'enseignement supérieur Culture est en cours de mutualisation (projet OGESCA) sous l'égide du SNUM. Ce nouveau SI doit prendre la suite de l'outil TAIGA, développé en 2007 pour répondre au besoin spécifique de gestion des écoles d'architecture et étendu à partir de 2015 aux écoles d'art325(*) (sans convention de partenariat !)

Périmètre cible de OGESCA

Source : Outil de gestion des écoles supérieures de la culture automatisé, Point de situation, SNUM, ministère de la Culture, 11 octobre 2023

Bien que juridiquement indépendantes, la mutualisation des fonctions supports des écoles d'art ou d'architecture est une réalité. À l'occasion du comité social d'administration ministériel du 21 janvier 2025, la ministre de la Culture, Rachida Dati, a annoncé la création d'une direction générale de l'enseignement et de la recherche. Cette nouvelle direction générale vise à rendre « la tutelle plus efficace » et à permettre « un meilleur accompagnement de l'enseignement supérieur Culture dans toute sa diversité ». Elle regroupera les sous-directions aujourd'hui consacrées à la tutelle des écoles au sein de la direction générale des patrimoines et de l'architecture (DGPA) et de la direction générale de la création artistique (DGCA).

Le regroupement des 20 écoles d'architecture au sein d'une structure unique et des 9 écoles d'art au sein d'une autre ne serait source d'aucune économie substantielle. Elle viendrait par ailleurs fragiliser toute stratégie de développement des ressources propres. En conséquence, le rapporteur préconise le statu quo sur l'organisation administrative et salue l'initiative de renforcer l'exercice de la tutelle.

Source : commission d'enquête

Recommandation : Engager un programme pluriannuel, progressif et exhaustif, de mutualisation des fonctions supports des agences et opérateurs (notamment en matière de paie, d'achats et de systèmes d'information), dans un premier temps à l'échelle du ministère de tutelle ou d'une structure interministérielle.

Confier l'animation de ce programme au secrétariat général du Gouvernement avec une implication forte du ministère chargé des comptes publics et du ministère de l'action publique, de la fonction publique et de la simplification.

C. QUELLES ÉCONOMIES SONT-ELLES ENVISAGEABLES À POLITIQUES PUBLIQUES INCHANGÉES ?

Compte tenu de l'ensemble des faits qu'elle a rassemblés, la commission d'enquête est persuadée que des coûts non négligeables découlent de l'insuffisante organisation de l'action publique d'une manière générale, et plus particulièrement de l'éparpillement des agences et opérateurs, sans compter le coût difficilement chiffrable de la multiplicité des organismes consultatifs.

1. Quelles économies pour les organismes consultatifs ?

Selon le « jaune » consacré aux commissions consultatives, dont la fragilité des données a déjà été signalée, les 317 commissions consultatives rattachées aux différents ministères ont tenu 3 909 réunions en 2024, pour un coût de fonctionnement estimé à 30,9 millions d'euros.

Or, comme on l'a déjà constaté supra ce coût ne mesure pas le temps passé par les membres de la commission, souvent des cadres de haut niveau, parfois en venant de loin, ni par le secrétariat qui prépare la réunion, rédige des notes et des rapports, puis met au point ensuite les comptes rendus.

Faute de comptabilité de ces coûts, il n'est pas possible de connaître le coût complet des organismes consultatifs. En posant des hypothèses réalistes sur le nombre de membres de la commission venant aux réunions, leur niveau de rémunération brute, le temps de préparation et d'organisation par le secrétariat, le rapporteur en est arrivé à la conclusion qu'une réunion d'un organisme consultatif a un coût moyen de l'ordre de 4 000 à 6 000 euros, soit un surcroît de coûts réels de fonctionnement global de l'ordre de 20 millions d'euros.

Ce coût n'inclut pas le temps passé à rédiger, le cas échéant, des rapports qui peuvent être demandés par le ministère et dont le coût peut être de plusieurs milliers, voire plusieurs dizaines de milliers d'euros en fonction du temps passé par des cadres administratifs.

Lors de son audition devant la commission d'enquête, Clément Beaune, Haut-commissaire au plan, s'est félicité « qu'avant même la fusion326(*), nous réalisons un effort significatif d'économies : une baisse de 12 % des dépenses de fonctionnement est attendue pour 2025. France Stratégie, qui compte 73 agents à la fin avril, enregistrera cette année une réduction de 4 emplois ». Cependant, il s'est montré incapable de chiffrer le cout complet de réalisation d'un rapport en valorisant le coût passé par les experts. À titre d'exemple, pour la rédaction du rapport « Repenser la mutualisation des risques » publié en juin 2025, un groupe de travail de plus de 30 experts (très majoritairement actifs dans le secteur public) s'est réuni dix fois.

On peut donc estimer que, avec des coûts réels sans doute plus proches de 50 millions d'euros que des 30 millions d'euros indiqués dans les documents budgétaires, une diminution de 20 % de ces commissions permettrait d'économiser quelque 10 millions d'euros.

Même en partant d'hypothèses beaucoup plus élevées sur les coûts de préparation d'une réunion, le coût peut paraître négligeable par rapport aux besoins de l'État français, qui a consacré, en 2024, 155 milliards d'euros au financement du déficit et le même montant au renouvellement d'emprunts arrivés à échéance.

Une simplification du système des organismes consultatifs n'en aurait pas moins un effet qualitatif sur le travail des agents et membres de commission fortement sollicités.

2. Quelles économies sur les agences et opérateurs ?

La ministre des comptes publics a annoncé vouloir faire une économie de 2 à 3 milliards d'euros sur le périmètre des agences et opérateurs, hors universités, mais n'a pas été en mesure de préciser au rapporteur de quelle manière ce calcul avait été réalisé.

Or, il ressort du jaune budgétaire qu'une diminution des financements publics plus importante encore, d'un montant de près de 3,6 milliards d'euros, a été réalisée entre 2024 et 2025, puisque le total des financements publics pour les opérateurs était de 80,6 milliards d'euros en loi de finances pour 2024 mais n'était plus que de 77,0 milliards d'euros dans le projet de loi de finances pour 2025.

Cette diminution s'est toutefois réalisée presque intégralement par une réduction des transferts, nourrissant les dépenses d'intervention, qui ont diminué de 3,2 milliards d'euros, s'agissant notamment de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) et des dispositifs confiés par le ministère du travail à des opérateurs.

Évolution des financements publics entre 2024 et 2025

(en millions d'euros)

Source : commission d'enquête, à partir du jaune budgétaire

De fait, interrogé par le rapporteur sur les économies qu'il choisirait de réaliser si le budget de l'Office français de la biodiversité (OFB) était, par hypothèse, soudainement réduit de 30 %, le directeur général de cet établissement, Olivier Thibault, a répondu sans hésiter qu'il serait contraint d'arrêter les missions d'accompagnement. Les frais de fonctionnement ne pourraient pas être réduits immédiatement, pas plus que certaines dépenses contraintes comme le financement des parcs nationaux. Ce cas n'est pas isolé : le personnel n'est pas flexible à court terme, pas plus que les dépenses d'immobilier, de fluides ou d'informatique.

Des économies structurelles sont pourtant possibles lorsqu'elles ne prennent pas la forme d'une coupe non anticipée en loi de finances, voire d'un gel en cours d'année. Si au contraire une réduction du financement est annoncée et programmée sur plusieurs années, par exemple avec son inscription dans le contrat d'objectifs de l'agence comme l'a proposé la commission d'enquête supra, l'organisme peut s'organiser pour y faire face en réduisant progressivement son personnel, en cédant des locaux, en abandonnant des activités annexes et en se recentrant sur son coeur d'activité. Un processus bien conduit peut conduire à une plus grande efficacité tout en préservant l'essentiel des missions de l'organisme.

C'est le processus déjà décrit supra concernant le Cerema au moment de sa création, comme l'a expliqué le directeur général de cet établissement, Pascal Berteaud, devant la commission d'enquête, dressant un portrait-robot de ce que pourrait être un plan d'économies dans un opérateur :

« L'État nous avait fixé pour objectif une réduction de 20 % des effectifs au cours du premier quinquennat 2017-2022, ce que nous avons réalisé. Parallèlement, nous avons revu notre organisation et nos missions en nous fondant sur deux critères essentiels : d'une part, l'importance du sujet en matière de politique publique et, d'autre part, la nécessité pour la puissance publique d'en assurer la prise en charge. Nous avons également évalué si le Cerema était la structure de référence sur ces thématiques ou si d'autres entités disposaient d'une expertise plus pertinente. Ce travail a conduit à une rationalisation de notre structure : nous sommes passés de 66 pôles de compétences à 22 secteurs d'activité. Cette restructuration a entraîné la suppression de 350 postes et la modification substantielle de 800 autres. » 

Il n'est donc pas impossible de réaliser des économies sur les coûts de personnel et de fonctionnement, qui seront d'autant plus réalistes qu'elles portent sur les fonctions support : à titre d'exemple, qu'une mission de police administrative soit rattachée à une agence ou à un service déconcentré, l'agent qui l'exerce aura toujours besoin d'un véhicule et d'équipements indispensables à sa mission (qui font partie des coûts de fonctionnement), mais est-il indispensable que l'établissement dispose d'une direction des ressources humaines en propre, d'une agence comptable isolée, d'une gestion de l'immobilier séparée ?

Un domaine dans lequel les efforts sont souvent insuffisants est la gestion du parc immobilier.

Une circulaire de 2009, renouvelée en 2016327(*), impose aux opérateurs de l'État la réalisation de schémas pluriannuels de stratégie immobilière (SPSI) afin de faciliter la mutualisation de moyens et de bonnes pratiques à l'intérieur de la sphère de l'État. La circulaire de 2016 rappelait que « ce chantier de modernisation doit également permettre la réalisation d'économies, la fonction immobilière représentant, notamment pour les opérateurs, un enjeu financier très significatif ». Or un nombre significatif d'opérateurs ne disposent pas de SPSI : on peut citer l'Agence nationale de la recherche ou l'ONISEP.

La Cour des comptes vient ainsi de souligner une nouvelle fois le niveau élevé des dépenses consacrées par l'Epide328(*) à son parc immobilier et la difficulté de cet établissement à le gérer efficacement329(*). Comme dans l'exemple de France compétences déjà cité, le départ d'un seul agent, en l'occurrence le directeur du patrimoine, a suffi à aggraver les difficultés de l'opérateur qui n'est pas en mesure de définir sa stratégie immobilière.

D'une manière générale, certaines agences ont dit avoir entrepris des efforts : le directeur général de l'OFB, Olivier Thibault, a indiqué à la commission d'enquête que son agence était passée de 215 implantations de bureau en 2020, lors de la création de l'Office, à 189 aujourd'hui. Ce nombre demeure élevé et le rapprochement avec les DDT doit être approuvé.

Ces insuffisances plaident pour professionnaliser la gestion immobilière au niveau de l'État avec la mutualisation, évoquée supra, dans une foncière de l'État.

Les marges qui paraissent inexistantes en fonctionnement normal se révèlent parfois lorsqu'un opérateur est en difficulté : les contrôleurs budgétaires attirent alors l'attention des organismes ou de leurs tutelles sur la nécessité de réduire les surfaces immobilières, de diminuer les frais de fonctionnement ou les effectifs afin de retrouver une trajectoire budgétaire soutenable. Par exemple, le SPSI du Réseau Canopé pour la période 2022-2026 prévoit une diminution des surfaces de 30 % et une diminution des dépenses de fonctionnement du même ordre.

Afin de fixer les idées et d'éviter les estimations trop fantaisistes, le rapporteur a fait un calcul simple.

Les charges de personnel des opérateurs, hors établissements d'enseignement et de recherche, étant de l'ordre de 14 milliards d'euros330(*) et les dépenses de fonctionnement (hors personnel) de 13,2 milliards d'euros, une réduction de 8 % des coûts de personnel et de fonctionnement - volontariste, mais atteignable sur une période de plusieurs années - réduirait leur coût de 2,2 milliards d'euros.

Il est toutefois certain qu'un tel effort ne serait pas réellement à missions constantes. Ainsi, pour France Travail, qui représente à lui seul plus du quart des charges de personnel des opérateurs, hors universités et recherche, la réalisation des missions est directement liée à la présence du personnel.

À missions constantes, l'économie possible sur les coûts de personnel et de fonctionnement serait nettement inférieure, puisqu'il conviendrait de mettre l'accent sur les seules fonctions support.

Les données disponibles ne permettent pas de connaître de manière précise le montant des fonctions support dans chaque opérateur. Il ressort toutefois de certains rapports d'audit, portant sur des opérateurs ou des secteurs particuliers, que la part des ressources humaines affectées aux fonctions support est de l'ordre de 15 % à 20 %.

La question a été particulièrement analysée à l'époque de la RGPP, au début des années 2010 : une base de la direction générale de la modernisation de l'État (DGME), relative au secteur privé, prenait comme référence une part des fonctions support de 12,1 % dans l'industrie et de 11,1 % dans le secteur bancaire, et cette proportion était de 14,6 % à l'INSERM, 15,2 % au CNRS, 20 % ou plus pour des petits organismes331(*). En 2007, une mission d'inspection estimait la part des fonctions support à 20 % des effectifs pour les agences sanitaires.

Il paraît donc raisonnable d'estimer cette part à 15 % environ pour des opérateurs importants, c'est-à-dire ceux pour lesquels une mutualisation aurait un effet non négligeable pour les finances publiques, et peut-être moins pour des opérateurs dont les processus présentent des possibilités d'industrialisation comme l'Agence de services et de paiement (ASP).

S'agissant du coût des fonctions support, les audits RGPP estimaient que ces fonctions représentaient un peu moins de 10 % des charges pour le CNRS et l'INSERM, 13 % à 14 % pour des établissements de plus petite taille.

En retenant une moyenne de 10 %, appliquée aux charges de personnel et de fonctionnement des opérateurs en 2024 (hors charges d'intervention), hors universités et centres de recherche, le coût total des fonctions support est évalué à 2,7 milliards d'euros.

Une réduction de 20 % du coût des fonctions support, ce qui paraît très volontariste pour des opérateurs ne faisant pas l'objet d'une fusion, mais pourrait l'être plus en cas de fusion entre des opérateurs de nature proche, apporterait donc une économie de l'ordre de 540 millions d'euros.

D. L'ENJEU VÉRITABLE, EN TERMES D'ÉCONOMIES, PORTE SUR LE PÉRIMÈTRE DES POLITIQUES PUBLIQUES PORTÉES PAR DES OPÉRATEURS ET AGENCES D'INTERVENTION

La commission ayant été constituée pour enquêter sur les agences, opérateurs et organismes consultatifs de l'État, elle avait vocation - et l'a fait dans les pages qui précèdent - à formuler des propositions sur le fonctionnement de ces organismes, sur la répartition des compétences entre eux et d'autres organismes de la sphère publique, aboutissant au constat que certains d'entre eux pourraient être supprimés non seulement sans nuire à l'exercice de leurs missions, mais en améliorant même leur lisibilité et leur efficacité.

Elle n'avait pas vocation à décider que l'État, ou plus largement la sphère publique, doit abandonner complètement un champ d'intervention ou cesser d'accorder des aides332(*).

Or, c'est bien là que se situent les marges de manoeuvre les plus importantes. Si, comme on l'a montré, des économies sont possibles sur les charges de fonctionnement, elles ne peuvent être que limitées car sans charges de fonctionnement, comme leur nom l'indique, l'établissement ou l'administration ne fonctionne pas.

Le Gouvernement souhaite réaliser 40 milliards d'euros d'économie, dont la moitié environ sur l'État. Or, en comptabilité générale, les opérateurs ont reçu 77 milliards d'euros de financements publics (53 milliards d'euros hors établissements universitaires et de recherche) alors que la somme des produits régaliens de l'État était de 323 milliards d'euros333(*). Un effort des opérateurs identique à celui de l'État représenterait donc une diminution de leurs financements de 4,8 milliards d'euros (ou 3,3 milliards d'euros hors universités et recherche).

Il apparaît donc clair qu'une simple réorganisation des agences n'apporterait pas un tel quantum d'économies, surtout dès l'année 2026.

Seules des décisions fortes sur les dispositifs eux-mêmes permettraient de réaliser des économies sur les charges d'intervention et, par voie de conséquence, sur les charges de personnel et de fonctionnement sous-jacentes.

Sans qu'il revienne à la commission d'enquête de formuler des propositions, elle peut rappeler que cinq opérateurs portent, à eux seuls, les trois quarts des charges d'intervention en propre :

- France compétences (15,1 milliards d'euros, provenant des cotisations obligatoires des entreprises au titre de la formation professionnelle) ;

- AFITF (4,6 milliards d'euros) ;

- ANAH (3,8 milliards d'euros) ;

- France Travail (2,0 milliards d'euros) ;

- agences de l'eau (1,9 milliard d'euros, provenant des redevances sur l'eau, conformément à la logique historique selon laquelle « l'eau paie l'eau »).

Ces montants ne comprennent pas les dispositifs gérés en compte de tiers, par exemple par l'ASP ou l'Ademe, mais indiquent où des économies devraient principalement porter si des économies réellement importantes sur les opérateurs étaient recherchées.

L'effet d'entraînement d'une réduction des dépenses d'intervention sur les dépenses de fonctionnement serait très variable selon les opérateurs. Pour des agences de financement comme France compétences et l'AFITF, les frais de personnel et de fonctionnement sont déjà négligeables par rapport au poids des charges d'intervention. Pour France Travail, la situation est inverse : les charges d'intervention, quoi qu'importantes, sont encore largement dépassées par les charges de personnel (3,8 milliards d'euros) et de fonctionnement (1,2 milliard d'euros), qui ne diminueraient que légèrement si les charges d'intervention étaient réduites.

Enfin, entre abandon du soutien public ou subvention, un choix intermédiaire est parfois possible : pour les aides aux entreprises ou aux collectivités, par exemple, une étude devrait être conduite au préalable afin de déterminer dans quel cas les subventions peuvent être transformées en avances remboursables ou en prêt à taux zéro.

Recommandation : Pour les filières matures à rentabilité longue, transformer les subventions en prêt à taux zéro garanti par l'État.

Par ailleurs, s'agissant du soutien aux entreprises, l'État n'a pas vocation à prendre la place des filières. Le rapporteur a notamment étudié le cas des CTI et des CPDE.

Les CTI et les CPDE

Par exemple, les centres techniques industriels (CTI)334(*) et les comités professionnels de développement économique (CPDE)335(*) sont des établissements de droit privé mais d'utilité publique, dotés de la personnalité morale. Ils sont créés à l'initiative d'une organisation professionnelle qui, ayant créé un groupement en vue de conduire des programmes en commun, peut demander à l'État de lui attribuer le statut de CTI ou de CPDE.

Le CTI ou le CPDE est chargé d'une mission de service public. Par exemple, les CTI conduisent des travaux de laboratoires et des ateliers expérimentaux. Ils participent également aux enquêtes sur la normalisation et à l'établissement des règles permettant le contrôle de la qualité.

Ils bénéficient de recettes par une taxe fiscale affectée et, en retour sont soumis à une tutelle ministérielle et au contrôle économique et financier de l'État.

Source : commission d'enquête

Après avoir auditionné des représentants de ces organismes, le rapporteur a considéré que l'action, utile, de ces organismes, ne justifiait pas l'existence de prérogatives de puissance publiques telles que le financement par une taxe affectée, puisque leurs actions se placent au bénéfice d'une filière économique.

La commission d'enquête propose en conséquence que l'État retire la reconnaissance de mission d'intérêt général pour ces établissements, ainsi que l'affectation de taxe, et laisse aux filières professionnelles la responsabilité de gérer ces établissements si elles les estiment nécessaires.

Recommandation : Confier le développement des CTI et des CPDE aux filières.

Le rapporteur considère également que, lorsque la participation de l'État reste souhaitable, la forme du groupement d'intérêt économique devrait être privilégiée, avec une participation effective des entreprises. Cette formule « permet de mobiliser des compétences et des savoir-faire », comme l'a souligné Rose-Marie Abel, directrice générale par intérim d'Atout France, devant la commission d'enquête.

En conséquence, la formule du GIE devrait être retenue pour des structures qui ont pour objet direct la promotion de l'activité des entreprises, comme Business France. Il est toutefois nécessaire que la participation financière des entreprises soit effective et ne se limite pas à une participation à la gouvernance.

Recommandation : Favoriser le recours à la formule du groupement d'intérêt économique (GIE) pour les structures qui ont pour objet la promotion de l'activité des entreprises, avec une participation des entreprises d'au moins 50 % dans le budget de l'agence.

Envisager en conséquence la transformation de Business France en GIE et la diminution de la SCSP d'Atout France.

CONCLUSION

Consacrée aux missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l'État, la commission d'enquête avait une feuille de route ambitieuse de par l'étendue de son périmètre. Cinq mois de travail effectif avec les ressources d'une commission d'enquête parlementaire ne permettent pas d'avoir une vision aussi exhaustive que la revue générale des politiques publiques lancée en juillet 2007. Cependant, le grand nombre d'auditions réalisées et la diversité des sources consultées permettent de formuler des orientations claires pour améliorer l'action publique.

La première des priorités est la lisibilité : rendre l'État compréhensible dans ses structures et accessible dans son action, au bénéfice des citoyens, des entreprises et des collectivités. Une fois cette clarification opérée, se posera inévitablement la question de la répartition entre l'État, notamment déconcentré, et les collectivités territoriales.

En effet, si la commission a cherché à mieux incarner l'action de l'État autour de la figure du préfet, s'opposant à la multitude et, finalement, à l'anonymat des agences, elle fait également le constat que l'élu local incarne de plus en plus, aux yeux des citoyens, l'acteur légitime de l'action publique de proximité.

La commission d'enquête appelle à une poursuite du travail en ce sens, une fois l'État réorganisé, sachant qu'il ne pourra s'agir d'abandonner une politique aux collectivités sans leur donner les moyens de l'exercer. La commission a pris soin de prévoir que toute réinternalisation de l'action d'une agence territorialisée s'accompagne du transfert à l'administration déconcentrée des personnels et des moyens. Il devra en être de même demain pour toute décision de transfert de certaines de ces compétences vers les régions, départements, intercommunalités ou communes.

Plutôt que de promettre des milliards illusoires, ce rapport assume un réalisme ambitieux : il démontre comment l'État peut dégager autour de 550 millions d'euros d'économies de fonctionnement et ouvrir la voie à une action publique plus lisible et performante. À ces économies directes sur le budget de l'État viennent s'ajouter les économies pour les bénéficiaires du seul fait de la simplification de l'action publique. Au-delà des centaines de millions d'euros gagnés sur les charges de fonctionnement par la mutualisation et la rationalisation, les gains les plus durables et les plus importants résideront dans une meilleure mise en oeuvre des politiques publiques, recentrées sur les véritables priorités. Ce seront alors des euros de subvention en moins pour les particuliers, les entreprises ou les collectivités.

Dans les derniers paragraphes, le rapport invite à questionner le périmètre d'action de l'État et ses modalités d'intervention. L'État doit-il continuer à soutenir les secteurs où l'initiative privée pourrait prendre le relais ? Cette réflexion, stratégique et politique, dépasse le mandat de la commission d'enquête. Il lui revient d'avoir ouvert la voie, en posant des bases solides pour une action publique plus efficace, plus claire et plus respectueuse des deniers publics.

ANNEXE 1 : L'EXEMPLE D'UNE RATIONALISATION POSSIBLE DANS LA GOUVERNANCE DE LA POLITIQUE DE TRANSITION ÉCOLOGIQUE

La carte des opérateurs est en quelque sorte le négatif de la carte de l'administration centrale : des organismes extérieurs se sont développés sur des secteurs de politiques publiques délaissées par des services nationaux ou déconcentrés qui s'en occupaient autrefois.

Une rationalisation de cette carte nécessite donc une réflexion ambitieuse sur l'organisation de l'administration elle-même. La commission d'enquête ne pouvait bien sûr pas définir une nouvelle « révision générale des politiques publiques » dans le délai strict de six mois qui lui était imposé336(*). Son travail devra être poursuivi et approfondi.

Cependant, à titre d'exemple, le rapporteur s'est consacré à la politique de la transition écologique, qui peut servir de banc d'essai à une reprise en main, par une administration rénovée et opérationnelle, d'opérateurs dont certains tendent à accroître leur domaine d'action de manière insuffisamment coordonnée.

1. Une organisation actuelle peu lisible qui plaide pour une mutualisation des structures transverses

Les organismes mettant en oeuvre des politiques publiques en lien avec la transition écologique relèvent de ministères différents, ce qui illustre le caractère transversal de cette politique. Ainsi, l'Ademe est rattachée au programme 181 « Prévention des risques » ; l'ONF au programme 149 « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » ; le BRGM au programme 172 « Recherche et enseignement supérieur » ; l'OFB, les agences de l'eau, le Conservatoire du littoral au programme 113 « Paysages, eau et biodiversité » ; Météo-France, l'IGN et le Cerema au programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie ».

Cet éclatement nuit à la lisibilité budgétaire. Par exemple, l'Ademe gère notamment le fonds chaleur dont l'objectif poursuivi relève davantage du programme 174 « Energie, Climat, et après-mines » que du programme 181. Le programme 113 transfère à l'ONF 19,285 M€ en autorisations d'engagement (AE) et crédits de paiement (CP) au budget 2025, au titre de la mission d'intérêt général (MIG) Biodiversité que l'établissement réalise.

En 1998, le BRGM et l'INERIS anticipent la réforme du code minier et structurent leur activité commune dans ce domaine, à travers la création d'un pôle d'appui à la DRIRE Lorraine nommé GEODERIS. Compte tenu de la pérennité des problèmes à traiter et la vocation d'étendre aux autres régions l'expérience acquise en Lorraine dans la gestion de l'après-mine, le BRGM et l'INERIS décident, en septembre 2001, de structurer leur activité après-mine sous la forme d'un groupement d'intérêt public intitulé GIP GEODERIS qui est constitué pour une durée de 10 ans. La constitution d'un GIP permet de pallier les contraintes budgétaires dues au fait que les entités BGRM et INERIS sont rattachées à des programmes LOLF différents. Ainsi cette structure qui vise à faire travailler ensemble deux entités publiques compte aujourd'hui 24 ingénieurs et techniciens mis à disposition et est administrée par un conseil d'administration qui mobilise 11 agents de l'État. La question de son avenir se pose d'autant plus que le GIP a été renouvelé pour la dernière fois en 2018337(*) et que sa date d'extinction est actuellement prévue au 31 décembre 2026.

Le besoin de transversalité est à l'origine de la création du Commissariat général au développement durable (CGDD) par décret du 9 juillet 2008. Cette structure a pour objectif de promouvoir le développement durable au sein des politiques publiques mais aussi dans les actions de l'ensemble des acteurs socio-économiques. Toutes les fonctions transversales du ministère chargé de l'écologie ont ainsi été regroupées au sein du commissariat : l'observation, la statistique, la recherche, les études économiques, l'évaluation et l'intégration du développement durable. Ces compétences mutualisées sont ensuite mises au service des autres directions centrales du ministère qui peuvent ainsi avoir accès aux réflexions en cours, aux études, etc.

Le 7 juillet 2022, presque jour pour jour 14 ans après la création du CGDD, un décret institue le secrétariat général à la planification écologique (SGPE), placé sous l'autorité du Premier ministre. Cette nouvelle instance coordonne l'élaboration des stratégies nationales en matière de climat, d'énergie, de biodiversité et d'économie circulaire. Elle veille à la mise en oeuvre de ces stratégies par l'ensemble des ministères concernés et à leur déclinaison en plans d'actions. L'ambition de transversalité est accentuée mais avec des moyens limités : le SGPE compte 30 agents lorsque le CGDD compte 603 ETPT dans le PLF 2025.

Trois ans après sa création, le SGPE peine à trouver sa place. Le départ récent du secrétaire général historique, Antoine Peillon, et son remplacement controversé laissent planer un doute sur la pérennité de la structure et sur son rôle. Dans le paysage administratif de la transition écologique, le SGPE dispose de marges de manoeuvre limitées et peine à assurer la mise en oeuvre effective des feuilles de route qu'il définit.

Les événements climatiques récents et leur impact sur l'économie soulignent que le périmètre de la transition écologique ne peut se résumer aux seules ressources naturelles et à la biodiversité. Une politique publique de transition écologique efficace, qui associe l'environnement, l'économique et le social, ne peut ignorer les secteurs de l'agriculture, de l'énergie, des transports ou encore de l'aménagement du territoire.

Il convient donc de renforcer la coordination de l'action interministérielle en donnant des moyens d'action concrets à ce secrétariat général, qui devra également avoir la capacité de penser la transition écologique en s'appuyant sur l'action des collectivités territoriales. Au regard des rôles complémentaires du SGPE et du Commissariat général au développement durable (CGDD), un rapprochement entre les deux structures fait sens. Ainsi, avec des moyens humains renforcés car fusionnés, la nouvelle structure, rebaptisée SGTE - secrétariat général à la transition écologique - pour insister sur ses missions opérationnelles, exercerait notamment la tutelle de tous les opérateurs et agences ayant pour mission la mise en oeuvre de politiques relevant de ce champ.

Le SGTE serait garant de la cohérence des politiques environnementales entre les différents ministères et de la coordination efficace de la conception et de la mise en oeuvre des politiques publiques sur l'ensemble du territoire. Il en assurerait une évaluation en continu notamment grâce aux moyens issus du CGDD.

2. Une mutualisation des fonctions support

Par un arrêté du 14 juin 2023338(*), les ministères chargés de la transition écologique, de la cohésion des territoires et de la mer se sont dotés d'un outil de gestion des ressources humaines ayant compétence pour l'ensemble des agents relevant de leur périmètre, le Centre ministériel de gestion des personnels (CMGP).

La création du CMGP

Jusqu'à la création du CMGP, l'organisation ministérielle en matière de gestion administrative et de paye était opérée par 13 pôles supports intégrés (PSI) en régions au sein des DREAL et par une partie de la direction des ressources humaines (DRH) de l'administration centrale (le service de gestion, le bureau des pensions et une partie du service du pilotage des moyens et des réseaux RH). Ces 14 centres ministériels de gestion avaient en gestion environ 59 000 agents et produisaient 45 000 actes de gestion administrative et 490 000 mouvements de paie. Ainsi, l'organisation de la GA-Paie était fragmentée entre plusieurs niveaux organisationnels et éclatée géographiquement.

Pour renforcer le pilotage fonctionnel, il a été décidé de créer un service à compétence nationale (SCN) multi-sites, rattaché à la DRH, inspiré du Service des ressources humaines civiles (SRHC) du ministère des Armées et, au sein du MTECT-MTE-SMer339(*), du Centre ministériel de valorisation des RH (CMVRH), également multi-sites. Ainsi, le CMGP regroupe depuis juillet 2023 plus de 400 agents dans 22 équipes réparties sur le territoire national.

Source : Réorganisation de la gestion administrative de la paie, étude d'impact RH, ministères Transition écologique, Cohésion des territoires, Transition énergétique, Mer, 15 février 2023

Par extension, le CMGP prendra en charge la gestion administrative et la paie de l'ensemble des agences et opérateurs sous tutelle du SGTE. Cette gestion opérationnelle doit s'accompagner d'une harmonisation et d'une « modernisation » des différents statuts340(*), notamment pour favoriser les mobilités et ainsi réallouer les moyens humains sur les politiques jugées prioritaires. Il pourrait par ailleurs être envisagé que le CMGP s'occupe également de la gestion administrative des personnels du ministère de l'agriculture, certains corps étant communs aux deux ministères.

Au-delà de la gestion des ressources humaines, l'ensemble des fonctions support (juridique, systèmes d'information, communication, immobilier, achats, affaires européennes) peuvent être mutualisées. Le SGTE assurerait un rôle de coordination avec les équipes du secrétariat général du MTE dont une partie des effectifs pourrait lui être transférée, ainsi qu'avec les services du Premier ministre.

Un gisement particulier de mutualisation des fonctions support existe pour les six agences de l'eau, qui sont des établissements publics distincts et dépourvus de maisons mères malgré la similarité de leurs activités.

Dans le schéma prévu par la commission d'enquête (voir en annexe 1), la tutelle serait transférée au secrétariat général à la transition écologique (SGTE). La mutualisation des fonctions amorcée en 2018 doit se concrétiser rapidement :

- finaliser la mise en place d'un système d'information commun ;

- mettre en place une politique de ressources humaines commune ;

- finaliser la mise en place d'un groupement comptable commun ;

- renforcer le partage des données sur la connaissance des milieux via les directions communes études et recherche du SGTE ;

Les agences de l'eau ne lanceront plus de programme de recherche de leur propre initiative. Elles participeront aux travaux définis par le SGTE.

Par ailleurs, compte tenu du mode de gouvernance des agences de l'eau, où l'État n'est pas majoritaire, il est nécessaire de permettre à l'État de fixer, en dernier ressort, les taux et tarifs des redevances afin de garantir le respect des trajectoires prévues dans les contrats d'objectifs et de performance, comme l'a suggéré, à titre personnel, François Rebsamen, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.

3. Un renforcement de la police environnementale (police judiciaire)

Plusieurs organismes et dispositifs existent dans notre droit national pour punir les atteintes à l'environnement :

Office français de la biodiversité (OFB) : surveille les milieux naturels, lutte contre les pollutions, le braconnage et les trafics d'espèces protégées, réalise des contrôles sanitaires portant sur la faune sauvage. Ses agents réalisent de l'ordre de 20 000 contrôles chaque année ;

Office national des forêts (ONF) : surveille et punit les infractions liées à l'exploitation illégale du bois, lutte contre les dégradations des espaces boisés, contrôle les activités de chasse et de cueillette dans les forêts publiques ;

Parcs nationaux : disposent d'une police de l'environnement qui protège la faune et la flore contre les atteintes humaines, contrôle les activités touristiques et sportives pour éviter les nuisances écologiques, surveille les pollutions et la dégradation des milieux naturels sur le territoire des parcs nationaux ;

Gendarmerie et police nationale : interviennent sur les délits environnementaux graves, notamment les pollutions industrielles et les atteintes aux écosystèmes ;

Douanes : luttent contre le trafic d'espèces protégées et les infractions liées aux déchets dangereux.

Le même éclatement des moyens humains s'observe, à un degré moindre, dans le domaine maritime. C'est pour cette raison que la création de la fonction garde-côtes (FGC) a été décidée par le comité interministériel de la mer du 8 décembre 2009, pour mettre en place un dispositif global.

Le centre opérationnel de la fonction garde-côtes (COFGC), actif depuis le 20 septembre 2010 et placé sous l'autorité du secrétaire général de la mer341(*), est armé par une quinzaine d'agents issus de sept administrations (Marine nationale, Gendarmerie nationale, Gendarmerie maritime, Douane, Police nationale, Sécurité civile, et Affaires maritimes). Le COFGC effectue de la veille et de l'analyse de la situation maritime, partage ses informations entre les autorités politiques et administratives, déclenche des alertes et suit les crises. Les différentes entités composant la FGC se complètent avec des savoirs-spécifiques, dont les moyens humains et matériels peuvent être mutualisés dans le cadre d'une coordination zonale par les préfets maritimes en métropole et en outre-mer par les délégués du gouvernement pour l'action de l'État en mer342(*).

Dans le même esprit, le SGTE disposerait d'un centre opérationnel de la fonction garde de l'environnement (COFGE). Les moyens des différentes entités dont certains agents exercent la fonction de garde de l'environnement (FGE) seraient mutualisés dans le cadre d'une coordination zonale exercée par le préfet de département en application d'un plan départemental de contrôle.

Actuellement, les plans de contrôle existent déjà pour le champ eau et biodiversité sous la coordination du préfet, mais ils impliquent peu la gendarmerie, les douanes ou l'ONF. C'est surtout l'affaire de l'OFB et des DDTM. Il s'agirait d'étendre le champ concerné et les moyens humains mobilisés. L'enjeu est d'impliquer davantage la gendarmerie sur ces polices techniques (effet de masse critique) et de faciliter la réponse judiciaire en cas d'atteinte manifeste à l'environnement.

En effet, la loi du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée343(*) a créé la possibilité pour des inspecteurs de l'environnement d'obtenir une habilitation d'officier de police judiciaire, habilitation leur permettant de travailler, sous l'autorité d'un magistrat, avec l'ensemble des prérogatives du code de procédure pénale. Une collaboration renforcée avec la Gendarmerie, notamment en milieu rural, et les services des douanes est en cours de mise en oeuvre, notamment pour les affaires relatives au commerce international des espèces sauvages.

Hors police environnementale judiciaire, la coordination interministérielle assurée par le SGTE pourrait également favoriser un rapprochement des différents contrôles administratifs dont les agriculteurs et les entreprises, notamment devant la commission d'enquête, critiquent moins le principe que le manque de cohérence. Ainsi le principe de la « visite administrative unique » dans les exploitations agricoles, annoncé par la ministre de l'agriculture le 31 octobre dernier, pourrait-il plus facilement trouver sa concrétisation.

4. Un lieu unique de centralisation des données et de définition des études et des projets de recherche

La stratégie recherche 2021-2027 de l'Ademe344(*) revendique 10 domaines d'expertise (l'air / l'agriculture, l'alimentation, les forêts et la bioéconomie / le bâtiment / la société et les politiques publiques / le changement climatique / l'économie circulaire et les déchets / l'industrie et la production durable / l'énergie / la mobilité et les transports / l'urbanisme, les territoires et les sols) qui nourrissent quatre priorités thématiques de recherche : la préservation et la restauration des milieux et ressources, l'économie circulaire dans une optique de résilience, les systèmes énergétiques et industriels bas carbone, la transition écologique et la société. À la lecture, on identifie aisément les zones de recoupement avec d'autres établissements du périmètre du futur SGTE, notamment l'OFB ou le Cerema. Conscient de cette difficulté, les établissements organisent depuis quelques mois une réunion de coordination de leurs travaux de recherche et de leurs appels à projets.

Pour gagner en efficacité et en efficience, le SGTE assurera désormais la coordination de la politique de recherche et d'études ainsi que de son financement. La réalisation de tout ou partie des travaux pourra être réalisée par des équipes situées dans les établissements ou dans le cadre de projets associant des universités ou des centres de recherche.

Le SGTE assurera également la centralisation des données utiles pour suivre et évaluer l'efficacité des politiques. Les données produites par les agences ou par des prestataires extérieurs seront centralisées au niveau du SGTE qui mutualisera la fonction de rapportage européen et les systèmes d'information nationaux (activités dispersées entre le CGDD et plusieurs établissements actuellement).

5. Des appels à projets lancés par le SGTE et instruits par les agences

Le SGTE, en lien avec les établissements de son périmètre, aura la responsabilité de définir les appels à projets ou à manifestation d'intérêt bénéficiant de financements publics. Il revient aux agences et aux opérateurs l'instruction, qui nécessite de l'expertise. Comme pour les autres aides, le paiement, la liquidation et le contrôle sont ensuite confiés à l'ASP.

Source : commission d'enquête.

N.B. GEODERIS et l'Établissement public du Marais poitevin n'apparaissent pas sur le schéma car la commission d'enquête propose leur suppression. La liste des établissements mis sous la tutelle du SGPE peut évoluer, notamment pour ce qui concerne l'ONF en fonction des orientations figurant dans son prochain COP.

L'Ademe serait maintenue dans un format très restreint limité à la mise en oeuvre des politiques du ministère de la transition écologique (MTE) et à l'accompagnement de la décarbonation des entreprises (calcul des bilans carbone et de bilans de gaz à effet de serre) avec tutelle unique du SGTE.

L'agence ne versera donc plus aucune aide, ne communiquera plus en son nom propre et ne lancera plus d'études de sa propre initiative, celles-ci étant coordonnées par le SGTE.

Le Conservatoire du littoral est supprimé.

Cet établissement public à caractère administratif a été créé en 1975 pour conduire une politique foncière de sauvegarde des espaces naturels dans les cantons côtiers et les communes riveraines des lacs de plus de 1 000 hectares, en métropole et dans les outre-mer. Il acquiert des espaces naturels littoraux ou lacustres soumis à des pressions importantes, dégradés ou menacés. Il conduit des travaux de restauration du patrimoine naturel, culturel et bâti et des travaux d'aménagement pour en préserver la biodiversité et la qualité patrimoniale tout en veillant à favoriser l'accueil du public et le maintien d'activités économiques traditionnelles. La gestion courante des terrains est confiée à d'autres acteurs : collectivités, associations, etc.

Il met également en oeuvre des opérations exemplaires de gestion souple du trait de côte en faveur de l'adaptation des territoires littoraux au changement climatique.

Ses attributions et personnels sont transférés à l'Office français de la biodiversité (OFB), qui dispose de compétences proches sur le reste du territoire. Une direction des acquisitions foncières sera créée afin de réaliser les achats de terrains, seule compétence majeure qui manque actuellement à l'OFB.

Pour mémoire, le Conservatoire du littoral compte 180 personnes, réparties en 3 services centraux, 10 délégations de rivages, 1 délégation Europe et international et une délégation communication et mécénat.

L'Établissement public du Marais poitevin (EPMP) est supprimé.

Comme le remarquait le rapporteur spécial Bernard Delcros en 2017, « La superposition et la juxtaposition de structures publiques dans le Marais poitevin mobilise des moyens financiers importants »345(*). Ces observations ont été reprises par la chambre régionale des comptes qui constatait, sur le Marais poitevin, « une gestion morcelée, une organisation particulièrement complexe »346(*) : associations syndicales de propriétaires, syndicats mixtes, Conservatoire du littoral, Conservatoire régional d'espaces naturels, établissement public territorial de bassin...

Dans ce contexte, l'existence en supplément d'un établissement public national distinct de l'État lui-même ne se justifie pas.

Il conviendra de définir la structure reprenant les activités de l'établissement.

À la place du conseil d'administration actuel, un comité de gestion sera mis en place, associant les acteurs locaux pour construire une vision partagée de l'avenir du marais, afin de concilier le développement maîtrisé des activités, notamment l'agriculture, et la protection des écosystèmes.

Le GIP Geoderis est supprimé.

Pour mémoire, ce GIP réunit l'État, le BRGM (établissement public de l'État) et l'Ineris (autre établissement public de l'État).

Le secrétariat général à la transition écologique doit être en mesure de faire travailler ensemble des agents provenant de deux opérateurs de l'État. Pour mémoire, Geoderis compte 24 ingénieurs et techniciens ; son conseil d'administration compte 11 fonctionnaires.

Le périmètre de plusieurs opérateurs existants (IGN, Inéris, Météo France) n'est pas modifié, mais leurs fonctions support sont mutualisées au sein du SGTE.

S'agissant de l'Office français de la biodiversité (OFB), sa tutelle est transférée au secrétariat général de la transition écologique.

Ses fonctions de police administrative sont transférées, ainsi que le personnel afférant, aux directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), à l'instar des actions de ces directions dans le cadre du contrôle des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE). Ses agents assermentés deviennent « garde de l'environnement ».

L'OFB ne lance plus d'appel à projets et ne produit plus d'études de sa propre initiative. Les parcs naturels sont intégrés à l'OFB et perdent donc leur personnalité juridique, ainsi que le Conservatoire du littoral.

Les établissements publics portant les parcs nationaux sont supprimés.

Les onze parcs nationaux perdent leur autonomie juridique et sont intégrés dans l'OFB. Dans les faits, une grande partie des fonctions support sont déjà mutualisées avec l'OFB. Les missions réalisées par ces parcs ne sont pas remises en cause.

Comme c'est le cas actuellement des parcs naturels marins, chaque parc est doté d'un conseil de gestion, composé d'usagers professionnels et de loisirs, d'élus locaux, d'associations de protection de l'environnement, d'experts et de services de l'État permettant de construire une vision partagée de l'avenir du parc, afin de concilier le développement maîtrisé des activités et la protection des écosystèmes.

ANNEXE 2 : ÉTUDE DE LÉGISLATION COMPARÉE

2025

- LÉGISLATION COMPARÉE -

NOTE

sur

AGENCES, OPÉRATEURS
ET ORGANISMES CONSULTATIFS
DE L'ÉTAT

_____

Canada - Pays-Bas - Royaume-Uni - Suède

_____

Cette note a été réalisée en avril 2025 à la demande
de la Commission d'enquête sur les missions des agences, opérateurs
et organismes consultatifs de l'État.

DIRECTION DE L'INITIATIVE PARLEMENTAIRE

ET DES DÉLÉGATIONS

 

AVERTISSEMENT

Ce document constitue un instrument de travail élaboré à la demande des sénateurs, à partir de documents en langue originale, par la division de la Législation comparée de la direction de l'initiative parlementaire et des délégations. Il a un caractère informatif et ne contient aucune prise de position susceptible d'engager le Sénat.

SOMMAIRE

Pages

1. Synthèse 247

2. En Suède, une autonomie ancienne et un pilotage par objectif des agences 249

a) Regard historique sur le développement des agences 249

b) Les différentes catégories d'agence 251

(1) Typologies des agences 251

(2) L'évolution du nombre, de la taille et du périmètre des agences 254

c) Le degré d'autonomie et d'indépendance des agences 257

d) Le financement et le coût des agences 261

e) Les réflexions sur l'efficacité du système d'agences 263

(1) Les réformes passées 263

(2) Les principaux défis actuels 265

3. Le Royaume-Uni : un système d'agences rationalisé mais qui reste sujet à controverse 267

a) Regard historique sur le développement des agences 267

b) Les différentes catégories d'agences 269

(1) Les agences exécutives (executive agencies) 272

(2) Les organismes publics non départementaux (Non Departmental Public Bodies) 274

(3) Les départements non ministériels (Non Ministerial Departments) 276

c) Le degré d'autonomie et d'indépendance des agences 277

(1) Les agences exécutives 277

(2) Les organismes publics non départementaux 278

(3) Les départements non ministériels 278

d) Le financement et le coût des agences 280

e) L'évaluation des agences : les « programmes de revue » 281

f) Les réflexions sur l'efficacité du système d'agences 284

(1) La qualité des services publics 284

(2) Les oscillations du système d'agences : suppressions, fusions, reclassements, réintégrations et nouvelles créations 285

4. Les Pays-Bas : un modèle dual d'agences au cadre juridique perfectible 291

a) Regard historique sur le développement des agences 292

b) Les différentes catégories d'agences 293

(1) Les organes administratifs indépendants (ZBO) 293

(2) Les agences exécutives 295

(3) Les organismes consultatifs (adviescolleges) 296

(4) Les agences de planification (planbureaus) 297

c) Le degré d'autonomie et d'indépendance des agences 299

(1) Les ZBO 299

(2) Les agences exécutives 301

d) Le financement et le coût des agences 301

(1) Les ZBO 302

(2) Les agences exécutives 302

e) Les réflexions sur l'efficacité du système d'agences 303

(1) La volonté de limiter le nombre de ZBO et d'agences 303

(2) La question de la responsabilité ministérielle 304

(3) Les insuffisances du cadre juridique 305

5. Au Canada, une approche pragmatique mais dépourvue de vision d'ensemble des agences 307

a) Regard historique sur le développement des agences 307

b) Les différentes catégories d'agences 308

(1) Les organismes ministériels (departmental agencies) 309

(2) Les établissement publics et organismes de services (Departmental corporations and Service agencies) 310

(3) Les organismes de services spéciaux (Special operating agencies) 311

(4) Deux catégories d'organismes fédéraux à la frontière avec les agences 311

c) Le degré d'autonomie et d'indépendance des agences 313

d) Les contrôles opérés par le Bureau du vérificateur général du Canada 314

(1) Le vérificateur général du Canada 314

(2) Méthode d'audit 314

e) Le financement et le coût des agences 315

f) Les réflexions sur l'efficacité du système d'agences 316

(1) La qualité des services publics 316

(2) L'inclusion des agences dans les objectifs de réduction des dépenses publiques 317

À la demande de la commission d'enquête sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l'État, la division de la Législation comparée a réalisé une étude visant à éclairer les membres de la commission sur la façon dont certains pans de l'action publique ont été pris en charge par des agences dans quatre pays : la Suède, le Royaume-Uni, les Pays-Bas ainsi que le Canada.

L'étude aborde successivement pour chaque pays le développement historique des agences, les différentes catégories d'agences existantes et leur nombre, le degré d'autonomie et d'indépendance de ces entités, leur financement et, lorsque des données sont disponibles, leur coût. Enfin, elle identifie les réflexions passées ou actuelles concernant l'efficacité de chaque système d'agences.

1. Synthèse

Les agences gouvernementales occupent une place centrale dans l'organisation des administrations publiques des quatre pays étudiés, mais selon des logiques différentes. La Suède, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et le Canada ont en commun d'avoir recours à ces structures pour mettre en oeuvre les politiques publiques, tout en recherchant une certaine autonomie de gestion, notamment financière et administrative. Cependant, leur encadrement juridique, leur autonomie réelle, leur nombre et leur degré d'intégration au sein de l'appareil d'État varient considérablement.

La Suède se distingue par une tradition ancienne de séparation entre le pouvoir politique et les fonctions exécutives. Les agences, très nombreuses (368), bénéficient d'une forte autonomie encadrée par des lettres d'objectifs et une culture du pilotage par la performance. Leur rôle est stable et structurant, malgré quelques tensions sur la complexité du pilotage et le maintien de leur autonomie.

Le Royaume-Uni a également un recours très important aux agences, avec 305 entités représentant 60 % des dépenses de l'État central. Leur degré d'autonomie est différencié selon leur statut, allant des agences intégrées aux ministères à celles opérant de façon indépendante. Ce système, régulièrement restructuré depuis les années 1980, reste instable : une nouvelle vague de réformes est prévue en 2025, illustrant un usage fonctionnel mais parfois contesté de ces entités.

Aux Pays-Bas, il existe deux modèles d'agences : les organes administratifs indépendants (ZBO), qui forme un ensemble hétérogène d'entités à l'autonomie assez large mais aux statuts variés, coexistent avec des agences exécutives internes aux ministères. Malgré des tentatives de rationalisation, les ZBO continuent de proliférer, posant des problèmes de lisibilité et de gouvernance, tandis que le nombre d'agences exécutives a été considérablement réduit.

Le Canada adopte une approche plus pragmatique et moins structurée. Bien que les agences jouent un rôle clé, il n'existe ni classification officielle ni stratégie d'ensemble. Leur développement s'est fait de manière opportuniste, et leur intégration dans les réformes récentes repose surtout sur des objectifs budgétaires.

Ces quatre modèles illustrent des équilibres différents entre autonomie, contrôle, efficacité et cohérence administrative. Tandis que certains pays misent sur une structuration rigoureuse ou une réforme continue, d'autres privilégient la flexibilité au détriment de la lisibilité institutionnelle.

Le tableau ci-après les différents types d'agences publiques identifiés dans la présente étude, ainsi que leur nombre.

Tableau comparatif des types et du nombre d'agences gouvernementales

Pays

Types d'agences

Nombre (2024)

Suède

Pas de typologie officielle même si fonctions diverses (exécution, inspection, évaluation, soutien, etc.)

368

Royaume-Uni

- Agences exécutives (38)
- Organismes publics non départementaux (246)
- Départements non ministériels (20)

305

Pays-Bas

- Organes administratifs indépendants (ZBO)
- Agences exécutives

Environ 150 ZBO
10 agences exécutives

Canada

- Organismes ministériels
- Établissements publics
- Organismes de services spéciaux
- Tribunaux administratifs

Environ 100
(estimation)

2. En Suède, une autonomie ancienne et un pilotage par objectif des agences

Le système suédois d'agences repose sur une séparation ancienne entre fonctions politiques et exécutives. Depuis 1974, en vertu d'un principe constitutionnel, les ministres ne peuvent intervenir dans les affaires individuelles traitées par les agences. Ce modèle a été renforcé dans les années 1980 avec l'introduction du pilotage par objectifs et la professionnalisation de l'administration.

Bien qu'il n'existe pas de typologie juridique officielle, les agences peuvent être réparties en catégories fonctionnelles : exécution, inspection, évaluation, soutien, agences commerciales et administratives. En 2024, on compte 368 agences sous tutelle du gouvernement. Certaines disposent du pouvoir réglementaire ; la plupart sont dirigées par un directeur général ou un conseil.

Les agences gèrent leurs ressources humaines et disposent de crédits votés par le Parlement, précisés dans des lettres d'objectifs. Elles peuvent reporter des fonds, emprunter, et parfois conserver leurs recettes. La supervision de l'État passe par la définition et le suivi d'objectifs de performance. Plus l'autonomie est forte, plus les exigences de résultats sont élevées, selon un équilibre mouvant. Le financement repose sur un système de crédits de base et de crédits fléchés, avec une part budgétaire stable dans les finances publiques.

Les réformes ont suivi trois cycles : décentralisation (années 1980), rationalisation (années 1990), et spécialisation (depuis 2005). Depuis 1990, leur nombre a été divisé par quatre, mais les effectifs ont crû, atteignant 248 500 équivalents temps plein en 2023. Le modèle privilégie une agence par mission, avec des guichets communs à plusieurs agences dans les communes. La création d'un service central en 2012 illustre la mutualisation des fonctions support.

Des défis subsistent : complexité du pilotage, cas de remise en cause de l'autonomie et débats sur une gestion plus performante. Le modèle reste néanmoins stable et structurant au sein de l'administration de l'État suédois.

a) Regard historique sur le développement des agences

Le modèle suédois d'agences publiques s'inscrit dans une tradition historique ancienne, fondée sur une conception duale du pouvoir exécutif : d'un côté, des ministères restreints et centrés sur les fonctions politiques et stratégiques ; de l'autre, des agences exécutives autonomes responsables de la mise en oeuvre des politiques publiques. Cette organisation remonte aux origines de l'État suédois moderne et s'est profondément enracinée dans son ordre constitutionnel et administratif347(*). Les premières agences ont été créées dès 1634 et leur existence fut consacrée par la Constitution de 1809348(*).

Si dès le XIXe siècle, le recours à des autorités administratives spécialisées était courant, c'est surtout dans la seconde moitié du XXe siècle que le paysage administratif suédois s'est structuré autour d'agences dites « exécutives » (centrala förvaltningsmyndigheter). La réforme la plus décisive en ce sens fut l'adoption en 1974 d'un nouvel instrument de gouvernement (Regeringsformen), qui interdit toute ingérence ministérielle dans la gestion quotidienne des agences et garantit ainsi leur indépendance fonctionnelle349(*).

Le rôle des agences en Suède s'est renforcé à partir des années 1980, avec l'introduction progressive des principes de la nouvelle gestion publique (New Public Management). Celle-ci préconisait un État stratège se concentrant sur la définition des objectifs, laissant aux agences une large autonomie pour la mise en oeuvre. Cette logique a été amplifiée dans les années 1990 par des réformes structurelles visant à déléguer davantage de responsabilités aux agences, notamment en matière d'évaluation, de statistiques et de contrôle350(*).

Au début des années 2000, la Suède a opéré une institutionnalisation plus nette du rôle évaluatif de certaines agences, à travers la création d'agences spécialisées dans l'évaluation ex post des politiques publiques (utvärderingsmyndigheter). C'est dans ce contexte qu'a été créé l'Institut d'évaluation du marché du travail et des politiques d'éducation (Institutet för arbetsmarknads- och utbildningspolitisk utvärdering - IFAU), exemple emblématique d'une agence disposant à la fois d'un rôle opérationnel et d'un lien fort avec la recherche universitaire351(*).

Les agences suédoises ont connu une croissance rapide en nombre jusqu'au début des années 1990, époque à laquelle le pays en comptait plus de 1 300. Depuis, un mouvement de rationalisation s'est engagé, avec de nombreuses fusions et suppressions d'agences. Ce mouvement a conduit à une division par quatre du nombre d'agences nationales, qui s'élevait en 2023 à environ 340352(*).

Ce changement quantitatif s'est accompagné d'une montée en puissance qualitative de ces agences. Elles couvrent aujourd'hui tous les domaines de l'action publique : éducation, emploi, santé, environnement, sécurité, culture, innovation, numérique. La Constitution suédoise organise cette répartition des rôles en interdisant aux ministres d'intervenir dans la gestion des affaires individuelles relevant des agences (ministerstyre), ce qui fonde leur autonomie vis-à-vis du pouvoir politique, tout en maintenant leur responsabilité générale devant le gouvernement. En vertu de l'article 2 du chapitre 12 de la Constitution de 1974353(*), « Aucune autorité, y compris le Riksdag ou l'organe décisionnel d'une municipalité, ne peut déterminer la manière dont une agence doit décider dans un cas particulier dans une affaire concernant l'exercice de l'autorité publique à l'encontre d'un individu ou d'une municipalité ou concernant l'application de la loi ».

Une autre caractéristique historique du système suédois est la forte tradition de transparence (offentlighetsprincipen) et d'évaluation. Dès les années 1950, la création d'offices chargés de l'éducation (comme le Conseil suédois de l'éducation (Skolöverstyrelsen)) a illustré cette volonté d'adosser les décisions publiques à des données objectives et à des procédures d'évaluation rigoureuses354(*). Les agences sont également tenues de publier l'intégralité de leurs travaux, y compris les évaluations, conformément au principe constitutionnel d'accès aux documents publics (Tryckfrihetsförordningen)355(*).

Au fil du temps, des agences ont été créées spécifiquement pour répondre à de nouveaux enjeux transversaux : c'est le cas de l'Agence pour l'administration numérique (Myndigheten för digital förvaltning - DIGG) en matière de gouvernance numérique ou encore de l'Agence suédoise pour la gestion publique (Statskontoret), dont la mission est d'évaluer et d'orienter l'évolution du système administratif dans son ensemble356(*).

La structuration actuelle du paysage des agences reflète ainsi une construction historique longue, marquée par une volonté constante de garantir l'efficacité de l'administration, tout en respectant les principes d'indépendance, de spécialisation et de transparence. La Suède est ainsi souvent décrite comme une « société d'évaluation » (utvärderingssamhälle), où chaque organe public est soumis à des obligations d'analyse et de résultats, tant au niveau opérationnel que politique357(*).

Ce modèle original, fondé sur un dualisme administratif ancien, a influencé d'autres pays européens. Il continue à faire l'objet de réflexions critiques, notamment sur la manière de mieux articuler autonomie des agences et cohérence des politiques publiques.

b) Les différentes catégories d'agence
(1) Typologies des agences

En Suède, le terme générique myndighet (agence ou autorité selon les traductions) recouvre une grande diversité d'entités, dont les appellations - inspection, institut, comité, administration - ne constituent en rien une base formelle de classification. Il ne s'agit donc pas d'une typologie juridique au sens strict, mais d'une classification fonctionnelle issue de la pratique administrative et budgétaire358(*).

Le gouvernement suédois ne propose pas, dans ses informations publiques, de classification officielle des agences fondée sur des critères de mission, de taille ou de statut. Les entités sont recensées de manière uniforme sous la catégorie générique d'agences gouvernementales (myndigheter under regeringen), sans distinction typologique explicite359(*). La Direction nationale du contrôle de la gestion publique (Riksrevisionen) tient à jour sur son site internet une liste exhaustive et actualisée des agences nationales360(*) placées sous l'autorité du gouvernement361(*). En revanche, comme l'indique clairement le gouvernement suédois dans ses publications officielles, il n'existe pas de typologie officielle et systématique des agences selon des critères opérationnels ou juridiques : l'inventaire est descriptif, non catégorisé362(*).

Afin de donner un aperçu de la diversité des agences, il est toutefois proposé ici de reprendre la typologie fonctionnelle élaborée par le Conseil d'État français qui distingue les agences d'exécution, les agences d'inspection, les agences de soutien, les agences d'évaluation, les agences commerciales et les agences territoriales.

(a) Les agences d'exécution

Il s'agit de très petites agences, souvent spécialisées, qui n'ont pas le pouvoir de recruter elles-mêmes leurs agents et sont chargées de l'application d'une loi spécifique. Ces entités techniques ont un champ d'action restreint et sont fréquemment dépourvues d'organes consultatifs ou de direction collective363(*). À titre d'exemples, on peut citer l'Autorité suédoise de l'environnement de travail (Arbetsmiljöverket), chargée de l'application des règles en matière de santé et sécurité au travail, ainsi que les autorités sectorielles désignées pour faire respecter la législation sur la cybersécurité (NIS-tillsynsmyndigheter).

(b) Les agences d'inspection (inspektioner)

Ces agences disposent de compétences de surveillance, de régulation ou de sanction. Ces structures ont vocation à exercer une autorité publique dans des domaines variés : santé, éducation, travail, environnement, etc. Elles sont généralement administrées par un directeur général sous l'autorité d'un conseil de surveillance. Cette catégorie correspond à des entités investies d'un pouvoir de contrôle, mais non de prestation directe364(*).

(c) Les agences de soutien aux ministères (stabsmyndigheter)

Ces entités fournissent une expertise transversale, des données économiques ou des services logistiques à l'administration centrale. Trois agences occupent une position structurante dans ce groupe : Statskontoret (Agence pour la gestion publique), Ekonomistyrningsverket - ESV (Autorité de la gestion financière), et Konjunkturinstitutet - KI (Institut de conjoncture)365(*). Ces agences sont centrales dans la production de prévisions, l'analyse des politiques publiques, la coordination budgétaire ou la conception des outils de gestion.

(d) Les agences d'évaluation (utvärderingsmyndigheter)

Celles-ci sont spécifiquement chargées d'évaluer l'efficacité, la qualité ou la pertinence des politiques publiques. On en dénombre une dizaine à l'échelle nationale. Elles interviennent souvent dans un secteur unique (santé, éducation, emploi, fiscalité, criminalité, environnement) et peuvent prendre la forme d'instituts, de conseils ou de comités d'experts. Leur indépendance vis-à-vis de l'exécutif est souvent plus marquée que pour les autres agences, en particulier lorsqu'elles produisent des évaluations à visée scientifique366(*). Le rôle de ces agences d'évaluation est double : d'une part, produire des évaluations ex post dans un objectif de transparence et d'amélioration continue ; d'autre part, assurer une mission de transfert de connaissance et de diffusion des résultats auprès du public et des décideurs. Certaines agences (comme l'Institut d'évaluation des politiques de l'emploi et de l'éducation - IFAU, l'Inspection des assurances sociales - ISF ou l'Agence d'analyse et d'évaluation des politiques de croissance - Tillväxtanalys) mènent des recherches originales, d'autres synthétisent la littérature existante ou collectent les données nécessaires au suivi des politiques publiques367(*).

(e) Les agences commerciales (affärsverk)

Ces agences réalisent des activités de nature marchande tout en restant, pour certaines, sous statut public. Elles étaient historiquement nombreuses, mais ont été largement transformées en sociétés anonymes depuis les années 1990. Il ne subsiste aujourd'hui que quatre entités dans cette catégorie : Svenska Kraftnät (réseau électrique), Luftfartsverket (navigation aérienne) et Sjöfartsverket (navigation maritime)368(*). Ces agences se distinguent par leur autonomie budgétaire renforcée, leur gestion commerciale et leur capacité à conserver leurs recettes.

(f) Les agences d'administration territoriale

Enfin, certaines agences sont classées selon leur ancrage territorial, bien qu'en Suède la décentralisation reposant sur les collectivités territoriales soit plus importante que la déconcentration. Il subsiste néanmoins 21 préfectures administratives (länsstyrelser), qui représentent l'État dans chacun des comtés (län). Elles ont pour mission de coordonner les actions de l'État sur le territoire, de veiller à la légalité des décisions des collectivités et de mettre en oeuvre localement les politiques nationales. Ces agences territoriales constituent une forme spécifique de présence de l'État dans un modèle très centralisé d'organisation verticale des agences369(*).

(g) Autres agences

À cette typologie fonctionnelle, peuvent être ajoutées des structures atypiques ou transversales (comme les comités temporaires ou les organes d'arbitrage), qui échappent à toute classification stricte mais font partie du même univers administratif.

(2) L'évolution du nombre, de la taille et du périmètre des agences

Depuis plusieurs décennies, l'évolution du nombre et de la taille des agences suédoises s'inscrit dans un processus de rationalisation guidé par la recherche d'efficacité, de lisibilité et de cohérence. Cette tendance se manifeste clairement par une réduction continue du nombre d'agences, associée à une concentration croissante des ressources humaines et budgétaires au sein de structures de plus en plus vastes.

Entre 2011 et 2023, le nombre total d'agences placées sous l'autorité du gouvernement est passé de 401 à 368, soit une diminution de près de 13 %370(*). Ce mouvement de réduction s'est opéré principalement par fusions d'agences ayant des missions proches, notamment dans les domaines de l'enseignement supérieur, de la culture ou encore de la police (la fusion de 23 entités en une seule autorité de police ayant fortement contribué à cette baisse)371(*).

Évolution du nombre d'agences gouvernementales

Source : Statskontoret

Dans le même temps, les effectifs des agences ont connu une croissance significative. Le nombre d'équivalents temps plein (ETP) est passé de 201 000 en 2011 à 248 500 en 2023, soit une augmentation de 24 %372(*). Cette hausse s'est concentrée dans certaines grandes structures, si bien qu'aujourd'hui 55 % des effectifs des agences sont concentrés dans des entités employant plus de 5 000 agents373(*).

Cette concentration s'accompagne d'une transformation de la structure même du paysage administratif : la taille moyenne d'une agence est passée de 500 à près de 700 ETP sur la même période. Cette évolution résulte non seulement de fusions, mais également d'une extension continue des missions confiées aux agences. Ainsi, même si le nombre de structures diminue, le périmètre des politiques publiques couvertes par les agences, lui, ne cesse de s'étendre374(*).

L'analyse par secteur montre que tous les domaines d'action publique ont vu croître leurs effectifs, mais à des rythmes très différents. Les plus fortes hausses concernent les secteurs de la sécurité, de la défense, de l'éducation, de la santé et de l'environnement375(*). Divers facteurs expliquent ces évolutions : l'adaptation aux nouvelles exigences européennes (mise en oeuvre du règlement sur les produits chimiques REACH, directive NIS2376(*),règlement général sur la protection des données), la croissance des besoins sociaux, le développement du numérique, le renforcement de la gouvernance locale via le contrôle et l'accompagnement des collectivités locales, ou encore la réorganisation du dispositif de défense civile.

Nombre d'agences par ministère en 2024

Ministère

Nombre

Part

Ministère du travail

15

4 %

Ministère des finances

60

16 %

Ministère de la défense

15

4 %

Ministère de la justice

126

34 %

Ministère du climat et de l'économie

25

7 %

Ministère de la culture

23

6 %

Ministère de l'agriculture et des infrastructures

17

5 %

Ministère des affaires sociales

22

6 %

Chancellerie du Premier ministre

3

1 %

Ministère de l'éducation

52

14 %

Ministère des affaires étrangères

9

2 %

Total

367

-

Source : Statskontoret

Cette expansion ne s'explique pas par une extension massive du périmètre des missions de l'État, mais davantage par une densification des tâches au sein des missions existantes : renforcement des exigences de contrôle, de reporting, de transparence, d'interopérabilité ou encore d'adaptation aux priorités transversales (transition numérique, égalité, développement durable, cybersécurité)377(*). Les travaux menés par Statskontoret confirment que l'intensification des exigences réglementaires et le développement des missions de coordination contribuent fortement à cette évolution378(*).

L'une des conséquences de cette évolution est la polarisation croissante entre les très grandes agences, concentrant une part significative des moyens, et les très petites agences (souvent composées de moins de 100 agents), dont le nombre tend à diminuer ou qui sont absorbées dans des structures plus larges379(*). Ce phénomène se traduit aussi par une difficulté croissante à maintenir une gouvernance de proximité, notamment pour les autorités dont les missions s'étendent à des domaines complexes ou très spécialisés.

Par ailleurs, cette dynamique pose des défis en termes de pilotage. Statskontoret observe que si la réduction du nombre d'agences peut faciliter la coordination d'ensemble, la croissance des grandes agences peut aussi rendre plus difficile leur pilotage par les ministères, notamment en raison de leur complexité organisationnelle, de leur poids administratif et de leur autonomie de fait dans l'allocation des ressources internes380(*).

Les principales agences nationales suédoises

Parmi les agences nationales, certaines se distinguent par leur taille, leur rôle stratégique et l'ampleur de leur périmètre d'action. Statskontoret désigne ainsi comme « grandes agences » (stora myndigheter) celles qui comptent plusieurs milliers d'agents et exercent des missions transversales à haute intensité administrative. Il s'agit notamment de Skatteverket (administration fiscale), Försäkringskassan (caisse d'assurance sociale), Arbetsförmedlingen (Agence publique pour l'emploi), Polismyndigheten (Autorité nationale de la police), Migrationsverket (Office des migrations), Kriminalvården (Administration pénitentiaire), Statens institutionsstyrelse - SiS (Établissements fermés pour jeunes ou personnes en soins contraints), Trafikverket (Agence des transports), Statistiska centralbyrån - SCB (Institut national de statistique) ou encore Universitetskanslersämbetet - UKÄ (Autorité de supervision de l'enseignement supérieur). Ces agences concentrent à elles seules une part significative des effectifs et des ressources de l'administration centrale et jouent un rôle essentiel dans la mise en oeuvre de politiques publiques structurelles.

c) Le degré d'autonomie et d'indépendance des agences

Le modèle suédois repose sur un équilibre particulier entre une forte autonomie fonctionnelle des agences et un pilotage stratégique exercé par l'État selon des modalités formalisées mais indirectes. Ce compromis structurel découle d'une culture administrative ancienne et profondément ancrée, caractérisée par le refus de l'intervention ministérielle individuelle (ministerstyre), constitutionnellement prohibée depuis 1974 (voir supra).

Dans ce cadre, l'autonomie s'exerce principalement à travers trois dimensions : l'organisation interne, la gestion des ressources humaines et l'autonomie financière. Chaque agence dispose d'un directeur général (generaldirektör), nommé par le gouvernement pour six ans, ou d'un conseil d'administration (styrelse), conformément aux articles 3 et 4 du décret n° 2007 : 515 du 7 juin 2007 relatif aux agences381(*) (cf. infra).

La gouvernance des agences gouvernementales382(*)

La gouvernance des agences publiques suédoises repose principalement sur trois formes de direction définies par le décret de 2007 (voir supra) : la direction unique (enrådighet), la direction par un conseil d'administration (styrelsemyndighet) et la direction collégiale par une commission (nämndmyndighet). Ces modalités sont précisées dans l'instruction propre à chaque agence.

La forme de direction la plus répandue reste la direction unique : en 2024, 130 agences sont dirigées par un directeur général unique, directement responsable devant le gouvernement, soit 35 % du nombre total d'agences. Malgré des réformes ayant converti certaines d'entre elles en agences à conseil d'administration, cette part reste stable depuis 2014. Par défaut, c'est ce modèle de gouvernance qui est retenu lors de la création de nouvelles agences.

Le nombre d'agences à conseil d'administration est en augmentation : (41 en2024 contre 32 en 2014). Cette forme est courante pour les grandes agences comme Skatteverket ou Socialstyrelsen. Le conseil dispose alors de l'autorité globale sur l'agence, tandis que le directeur général en assure la gestion quotidienne sous sa supervision. La parité y est relativement bien respectée : 54 % des directeurs d'agence et 49 % des membres des conseils sont des femmes.

Les agences dirigées par une commission sont en recul (70 en 2024 contre 80 en 2014). Ces structures, souvent très petites, ont en général une activité spécialisée et un périmètre d'intervention limité.

Enfin, les agences peuvent comporter des organes particuliers, soit décisionnels (100 en 2024), soit consultatifs (78). Ces organes sont souvent désignés par la réglementation, leur rôle étant soit de prendre des décisions spécifiques (comme l'allocation de subventions), soit d'apporter une expertise à l'organe exécutif. Leur nombre a régulièrement augmenté depuis 2013.

Sur le plan de la gestion des ressources humaines, les agences suédoises disposent depuis les années 1990 d'une compétence pleine en matière de recrutement, de négociation salariale et d'organisation interne. Elles sont libres de licencier leurs agents, de définir leur propre organigramme et de mettre en oeuvre leur stratégie de ressources humaines, sous réserve des règles relatives au droit du travail383(*).

En matière financière, les agences reçoivent chaque année une lettre d'objectifs (regleringsbrev) définissant leurs crédits (anslag) et les priorités d'action fixées par leur ministère de tutelle. Ces lettres précisent également les règles de gestion budgétaire et les modalités de reddition de comptes384(*). Bien que le Parlement vote le budget global, les agences disposent d'une certaine flexibilité : elles peuvent reporter une partie de leurs crédits sur trois exercices ou emprunter auprès de l'Agence de la dette publique (Riksgäldskontoret)385(*).

Cette configuration institutionnelle confère aux agences un haut degré d'autonomie, mais ne les soustrait pas au contrôle. Une étude portant sur 1 752 lettres d'objectifs entre 2003 et 2017 montre que plus une agence bénéficie d'une autonomie managériale ou structurelle, plus elle est soumise à des demandes d'information sur ses résultats. Ce phénomène, appelé « paradoxe de l'autonomisation », révèle une forme de pilotage par l'évaluation a posteriori386(*). À l'inverse, les agences disposant d'une autonomie politique (compétence normative) ou financière (recettes propres) ne sont pas nécessairement plus surveillées. Ces formes d'autonomie sont moins corrélées à des mécanismes de contrôle renforcés, ce qui suggère une hiérarchisation implicite des risques perçus par les autorités politiques387(*). Par ailleurs, l'étude montre que les agences dirigées par un conseil d'administration (styrelsemyndigheter) sont davantage contrôlées que celles dirigées par un directeur général seul. Cela s'explique par la formalisation plus poussée de la responsabilité collective et la distance accrue entre l'exécutif politique et les gestionnaires opérationnels388(*).

Une réforme du pilotage par les résultats a été lancée en 2009 pour simplifier les lettres d'objectifs, en réduire le volume et améliorer la pertinence des indicateurs. Pourtant, selon Statskontoret, les ambitions politiques n'ont eu qu'un effet limité sur les pratiques réelles, marquées par une forte inertie et une surcharge d'objectifs standardisés389(*).

D'autres études montrent que l'autonomie institutionnelle des agences suédoises favorise en réalité leur capacité de collaboration. En jouissant de garanties constitutionnelles solides, les agences peuvent collaborer plus facilement avec d'autres entités sans craindre pour leur périmètre ou leur légitimité. Cette autonomie « sécurisée » facilite les échanges horizontaux dans l'administration390(*). L'étude montre que les agences suédoises auraient davantage recours que leurs homologues norvégiennes à des formes de coopération complexes, comme la mise en place de programmes intersectoriels ou de structures communes de pilotage391(*).

Malgré cette autonomie, les agences suédoises ne disposent pas de la personnalité juridique. Elles n'agissent pas pour leur propre compte, mais pour celui de l'État. Le système suédois ne connaît donc pas l'équivalent des autorités administratives indépendantes françaises. Même lorsqu'elles disposent d'un pouvoir réglementaire délégué (föreskrifter), ces agences exercent leur mission sous le contrôle du gouvernement, dans un cadre hiérarchique formel392(*).

Enfin, cette configuration duale, où les ministères définissent les objectifs et les agences sont chargées de la mise en oeuvre, suppose un équilibre délicat. Plusieurs rapports soulignent les difficultés rencontrées par les ministères pour exercer un contrôle stratégique sur des agences devenues expertes, puissantes et parfois politiquement sensibles393(*).

d) Le financement et le coût des agences

Le financement des agences repose principalement sur le mécanisme des autorisations administratives annuelles (anslag), votées par le Parlement (Riksdag) dans le cadre de loi de finances. Ces crédits sont ensuite alloués par le gouvernement aux différentes agences par le biais de lettres d'objectifs (regleringsbrev), qui précisent le montant alloué, les objectifs assignés et les éventuelles restrictions d'utilisation394(*). La lettre d'objectifs constitue l'outil central de pilotage stratégique, mais il n'empiète pas sur la gestion quotidienne, laissée à l'initiative des agences.

Les crédits votés se répartissent selon deux grandes catégories : les crédits de fonctionnement globaux (förvaltningsanslag), qui couvrent les coûts fixes des agences (salaires, charges de structure, outils, loyers), et les crédits fléchés (sakanslag), affectés à des politiques publiques spécifiques ou à des opérations ponctuelles395(*). Cette distinction est déterminante dans l'autonomie budgétaire réelle des agences : les crédits de fonctionnement globaux donnent une certaine marge de manoeuvre interne, tandis que les crédits fléchés limitent la liberté d'allocation des ressources, puisqu'ils doivent être utilisés à des fins prédéterminées.

Les agences bénéficient également de la possibilité de reporter d'un exercice à l'autre les crédits non consommés, dans une certaine limite, et sous réserve d'approbation du ministère des finances. Cette faculté vise à éviter la logique du « tout dépenser » en fin d'année budgétaire et à favoriser une gestion plus rationnelle des ressources396(*). En complément, certaines agences peuvent emprunter auprès de l'Agence de la dette publique (Riksgäldskontoret), notamment pour des investissements immobiliers, informatiques ou logistiques397(*).

La part des ressources propres est marginale pour la majorité des agences. Celles qui en perçoivent doivent, en règle générale, les reverser à l'État. Seules les agences à vocation commerciale (affärsverk) conservent l'intégralité de leurs produits : c'est le cas notamment de Sjöfartsverket, Svenska Kraftnät ou Luftfartsverket, qui financent leur activité par des redevances ou des services payants398(*). Pour les autres, la règle est celle d'un financement public intégral, assurant leur neutralité fonctionnelle.

L'évolution des budgets alloués aux agences depuis 2011 révèle une croissance continue en valeur absolue. Les dépenses de fonctionnement (förvaltningsanslag) ont augmenté de manière constante, accompagnant l'expansion des missions confiées aux agences et la hausse des effectifs (+24 % entre 2011 et 2023)399(*).

Parallèlement à l'accroissement des dépenses, la réduction du nombre d'agences a permis de concentrer les moyens sur des structures plus larges, plus stables et plus spécialisées, contribuant à des économies d'échelle400(*). Le coût global des agences, rapporté au budget total de l'État, est ainsi resté relativement stable au cours de la dernière décennie401(*).

Le rapport annuel pour 2024 de Statskontoret montre une gestion fine et encadrée des ressources : les crédits sont consommés avec une marge de flexibilité encadrée, les excédents sont justifiés et les investissements font l'objet d'un plan pluriannuel validé. Le rapport fait état de reports de crédits sur trois ans, de remboursements au Trésor, d'une gestion autonome des dotations d'amortissement et d'une tenue rigoureuse des comptes d'avances402(*). Ce modèle illustre les exigences comptables élevées imposées aux agences, qui doivent conjuguer autonomie d'exécution et transparence budgétaire.

L'autonomie financière relative des agences suédoises se traduit donc par une capacité à gérer leur budget avec souplesse, dans les limites définies par l'État. Cette autonomie est l'un des piliers du système suédois : les ministères ne gèrent pas eux-mêmes les crédits des agences, et n'interviennent pas dans leur exécution403(*). Ce choix permet de renforcer la responsabilité des agences, tout en protégeant les ministères d'une gestion trop lourde des moyens opérationnels.

Néanmoins, le recours croissant à des crédits ponctuels ou ciblés (sakanslag) pour financer des missions nouvelles introduit une incertitude pour les agences concernées, qui peinent à planifier à moyen terme leurs besoins humains et logistiques404(*). Cette situation est fréquente dans les petites agences ou celles dont le périmètre est dépendant de priorités politiques mouvantes. Une réflexion est donc en cours pour mieux stabiliser les financements de base, notamment dans les secteurs transversaux (numérique, égalité, développement durable).

Le tableau suivant présente les plus grandes agences du pays en termes d'ETP. Les universités, les collèges et les bureaux du gouvernement ne sont pas inclus dans le tableau.

Principales agences de l'État suédois

Agence

Effectifs en ETP 2022

Dépenses 2023

en millions de SEK

en millions d'EUR

Agence nationale de la police (Polismyndigheten)

32 153

37 427

3 402

Forces armées suédoises (Försvarsmakten)

22 228

29 842

2 713

Caisse d'assurance sociale (Försäkringskassan)

12 437

9 830

894

Administration pénitentiaire (Kriminalvården)

11 743

14 550

1 323

Agence pour l'emploi (Arbetsförmedlingen)

9 769

7 675

698

Agence des impôts (Skatteverket)

9 348

8 597

782

Administration des transports (Trafikverket)

9 284

122 807

11 164

Office des migrations (Migrationsverket)

4 490

4 707

428

Agence des établissements publics pour jeunes et personnes souffrant de troubles mentaux

(Statens institutionsstyrelse)

3 551

(donnée non disponible)

Administration des douanes (Tullverket)

2 155

2 640

240

Administration des matériels de la défense (Försvarets materielverk)

2 044

3 072

279

Administration de recouvrement (Kronofogdemyndigheten)

2 024

2 202

200

Administration du cadastre et de la cartographie (Lantmäteriet)

1 994

(donnée non disponible)

Agence de la sécurité des transports (Transportstyrelsen)

1 900

2 486

226

Administration nationale de l'agriculture

(Statens jordbruksverk)

1 565

(donnée non disponible)

Administration des retraites (Pensionsmyndigheten)

1 367

(donnée non disponible)

Source : Statskontoret

e) Les réflexions sur l'efficacité du système d'agences
(1) Les réformes passées

Comme évoqué précédemment, depuis les années 1980, le système suédois d'agences publiques a fait l'objet de plusieurs vagues de réformes successives visant à rationaliser le système.

La première série de réformes, amorcée dans les années 1980, s'inscrit dans un contexte de pression budgétaire croissante après le second choc pétrolier. L'État suédois engage alors une décentralisation de la gestion publique, fondée sur l'idée de responsabilisation des agences. Il s'agit de donner aux entités opérationnelles une plus grande autonomie de gestion, notamment en matière de ressources humaines. Dès 1984, un nouveau régime de rémunération individualisée remplace la grille nationale des salaires405(*).

Les années 1990 marquent une rupture plus radicale. En réponse à une sévère récession économique, le gouvernement lance une politique de réorganisation massive de l'administration. Le nombre d'agences est divisé par deux entre 1990 et 2000, passant de plus de 1 300 à environ 600, principalement par fusions. Dans le même temps, les effectifs de l'État sont réduits de 375 000 à 240 000 agents406(*). Cette réforme s'accompagne de la généralisation du pilotage par les résultats : en 1992, le gouvernement introduit un système de gestion basé sur des objectifs contractualisés et mesurables407(*).

Une troisième vague débute à partir de 2005, avec une logique de spécialisation : il ne s'agit plus de réduire les moyens, mais de rationaliser l'architecture de l'État en confiant chaque mission publique à une agence unique, dotée si nécessaire d'antennes régionales. C'est dans ce cadre que naît la logique des « guichets communs » (servicekontor) présents dans toutes les communes408(*). L'objectif est d'éviter la fragmentation des responsabilités et de clarifier la lisibilité de l'action publique.

Parallèlement, plusieurs réformes sectorielles illustrent cette dynamique : en 2015, la fusion des 23 services de police en une seule agence nationale (Polismyndigheten) en est l'exemple emblématique409(*). D'autres restructurations ont concerné la culture, l'enseignement supérieur, ou la santé410(*).

En 2009, une réforme importante du pilotage stratégique vise à simplifier les lettres de mission budgétaires et à renforcer la cohérence des objectifs assignés aux agences. Toutefois, l'évaluation de cette réforme montre qu'elle a eu peu d'impact sur les pratiques effectives de gouvernance, restées marquées par une certaine inertie dans l'élaboration des indicateurs411(*).

Enfin, à partir de 2012, la Suède engage une nouvelle phase de réforme administrative centrée non sur la réduction du nombre d'agences, mais sur la consolidation horizontale de certaines fonctions de gestion. L'exemple le plus emblématique de cette évolution est la création du service national de l'État (Statens servicecenter), une agence centrale chargée de fournir des services partagés à l'ensemble des administrations de l'État412(*). Inspirée par des modèles développés dans d'autres pays européens, cette réforme vise à regrouper les fonctions de gestion financière, de traitement de la paie, et de services administratifs généraux dans une seule entité, avec l'objectif de professionnaliser et de standardiser ces fonctions transversales tout en réduisant les coûts de fonctionnement de chaque agence. Si, dans un premier temps, l'adhésion au service était volontaire, à partir de 2015, le gouvernement décide de rendre obligatoire le transfert des fonctions de paie vers le service. Ce changement traduit une volonté de surmonter les inerties internes propres aux agences très autonomes et de renforcer la cohérence globale de l'appareil administratif413(*).

(2) Les principaux défis actuels

Le système d'agences suédois fait face à des défis complexes, liés à l'ampleur des structures, à la diversification des missions et à l'évolution des attentes sociales et politiques. Deux types de tensions émergent : d'une part, des dysfonctionnements internes liés à la gouvernance des grandes agences ; d'autre part, des débats publics et politiques remettant en cause certains fondements du modèle, notamment le principe d'autonomie.

(a) Les tensions internes dans la gouvernance des grandes agences

Les travaux du Statskontoret révèlent une série de difficultés systémiques dans la gouvernance des grandes agences, en particulier celles qui disposent d'un maillage territorial dense ou d'un empilement hiérarchique complexe. L'un des problèmes majeurs est la multiplication d'injonctions contradictoires au sein même des agences414(*). Un autre défi concerne l'équilibre délicat entre centralisation et autonomie locale. Les agences sont souvent contraintes de réajuster leur organisation interne pour s'adapter à ces contraintes changeantes, ce qui rendrait l'action administrative plus coûteuse, plus lente et moins lisible415(*).

En parallèle, le développement d'une gestion fondée sur la confiance (tillitsbaserad styrning) pose des défis spécifiques. Si cette approche vise à responsabiliser les agents en leur accordant un pouvoir d'initiative, sa mise en oeuvre devient délicate dans les agences à forte stratification hiérarchique. Le Statskontoret relève que la chaîne de commandement souffre d'un manque de clarté sur les responsabilités réelles, ce qui nuit à la fluidité de la mise en oeuvre des missions416(*).

Le même rapport souligne les coûts élevés des réformes internes : dans les grandes agences, les transformations prennent plus de temps, mobilisent plus de moyens et génèrent parfois des effets contradictoires. Lorsque des unités spécialisées ne se sentent pas représentées par la gouvernance centrale, elles tendent à reconstituer des services parallèles, redondants et coûteux. Ce phénomène nuit à la mutualisation et accroît la fragmentation de la gestion publique417(*).

(b) Les débats sur le principe d'autonomie

Au-delà des enjeux internes, plusieurs affaires récentes ont ravivé le débat public sur les limites de l'autonomie des agences et sur le principe constitutionnel de non-ingérence ministérielle (ministerstyre).

L'affaire Begler, en 2018, a constitué un point de bascule. Le limogeage de la directrice générale de l'Agence de sécurité sociale, contre son gré, a suscité de vives critiques. Le gouvernement a évoqué une démission volontaire. L'intéressée a nié et plusieurs cadres de l'agence ont accusé la ministre d'avoir menti. L'affaire a été portée devant le Comité constitutionnel du Riksdag. Dans l'opinion publique, cet épisode a mis en lumière la porosité entre le pilotage politique et l'autonomie administrative, et le caractère parfois illusoire du principe de non-ingérence418(*).

Un autre exemple emblématique est celui de l'affaire Cementa (2021), dans laquelle le gouvernement a autorisé, par décision exceptionnelle, une entreprise à poursuivre une exploitation minière, malgré le refus des autorités environnementales. Cette décision a été perçue comme une « entorse manifeste au principe d'indépendance fonctionnelle des agences »419(*). Elle a suscité un débat sur la capacité réelle de l'exécutif à contourner l'autonomie des agences en invoquant l'intérêt supérieur de la nation420(*).

Ces tensions internes et ces débats politiques alimentent dans l'opinion publique une réflexion plus large sur l'avenir du système suédois. L'idée d'importer un modèle comme le Department of Government Efficiency (DOGE) aux États-Unis, a été évoquée dans les milieux économiques421(*). Le sujet a suscité une controverse médiatique importante début 2025. Pourtant, la population suédoise a plutôt une bonne perception des agences publiques. Dans son rapport de 2023, le Statskontoret montre que 65 % des usagers sondés déclarent avoir une opinion globalement positive des agences. Les agences jugées les plus fiables sont celles de la police, de la sécurité sociale et de la santé. Les principales critiques portent sur le manque de clarté dans la communication et les délais de traitement. Le rapport souligne l'importance d'un dialogue transparent et d'une amélioration continue des services publics422(*).

3. Le Royaume-Uni : un système d'agences rationalisé mais qui reste sujet à controverse

Le Royaume-Uni compte 305 agences (Arm's Length Bodies, ALB) au niveau central employant plus de 390 000 agents. Il s'agit du mode de mise en oeuvre des politiques publiques privilégié puisque 60 % des dépenses du gouvernement central britannique passent par les agences (353,3 milliards de livres sterling, soit 422 milliards d'euros en 2022-2023).

Il existe trois catégories d'agences qui se distinguent selon leur degré d'autonomie : les 38 agences exécutives font partie intégrante d'un ministère, les 246 organismes publics non départementaux (OPND) ont une personnalité juridique propre, distincte de leur ministère de tutelle et les 20 départements non ministériels opèrent indépendamment de leur ministère de tutelle.

De très nombreuses agences ont été créées entre 1980 et 2010. Après un pic d'environ 800 ALB en 2010, le programme de réforme et la loi sur les organismes publics de 2011 (Public Bodies Act) ont permis une vaste restructuration et ramené le nombre global d'agences à 295 en 2020. Un important travail de classification et de clarification du cadre conceptuel a également été mené par le Bureau du Cabinet du Premier ministre.

Le système d'agences britannique devrait à nouveau être profondément modifié en 2025 avec la suppression des deux agences les plus importantes en terme budgétaire (le Service national de santé, NHS England, et l'Agence de financement de l'éducation et des compétences) en vue de leur réintégration au sein des ministères, la fusion de certains organismes et la création de nouveaux ALB annoncés par le nouveau gouvernement travailliste.

a) Regard historique sur le développement des agences

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, le Royaume-Uni suivait un modèle d'État-providence reposant sur la prestation directe des services par l'État. À partir des années 1960, le recours aux agences s'est développé pour mener des missions de régulation. Le pays est ainsi devenu un « laboratoire de la régulation »423(*).

Dans un premier temps, en 1968, la Commission Fulton sur la réforme de la fonction publique424(*) suggère de suivre le modèle suédois pour pallier le manque d'expertise de la fonction publique statutaire (dénommée « civil service »). Durant cette période, les agences ne sont pas le mode de régulation privilégié, mais il en existe tout de même, par exemple pour l'aviation civile ou les médias425(*).

Dans un deuxième temps, en 1988, la Première ministre Margareth Thatcher reprend les préconisations du rapport « Améliorer la gestion gouvernementale : les prochaines étapes »426(*) (initiative « Next Steps ») et autorise la création de 34 agences exécutives427(*), notamment l'Office de lutte contre la fraude428(*). Cette étape marque le début d'une intense période d'« agencification » du service public britannique. La politique de « recul des frontières de l'État »429(*) entraîne une augmentation des délégations de service public à des acteurs privés. Par exemple, la gestion des déchets ou encore la maintenance des prisons a été confiée à des acteurs privés comme l'entreprise Carillion430(*). Cette période est également marquée par la création des « Ofdogs », un ensemble d'agences de régulation parmi lesquelles les agences de régulation pour l'éducation (Ofsted), l'énergie (Ofgem) ou encore l'eau (Ofwat)431(*), pour superviser l'action de ces nouveaux acteurs privés432(*). En une décennie, 130 nouvelles agences sont créées, employant 350 000 fonctionnaires, représentant 72 % de la fonction publique433(*).

Dans un troisième temps, à partir des années 2000, les agences deviennent le mode d'organisation privilégié en matière de régulation au Royaume-Uni. Le nombre d'agences augmente considérablement, jusqu'à atteindre quelque 800 agences en 2010434(*), sous l'effet de trois tendances :

la poursuite de la privatisation des services publics435(*) entamée par les gouvernements conservateurs de Margareth Thatcher ;

- le processus de dévolution des pouvoirs du gouvernement britannique vers les Nations du Pays de Galles, de l'Écosse et de l'Irlande du Nord à partir de 1998436(*). Celui-ci a eu pour effet de transférer des tâches autrefois réalisées par le gouvernement central aux gouvernements locaux, justifiant ainsi la création de nouvelles agences régionales. Par exemple, le service de santé publique d'Écosse (National Health Service Scotland) a été créé en 1999, après la loi sur la dévolution de l'Écosse ;

l'adhésion à l'Union européenne437(*). En effet, la création d'agences européennes438(*) a demandé un effort d'adaptation au niveau étatique et parfois justifié la création de nouvelles agences. Par exemple, l'Agence pour les normes alimentaires (Food Standards Agency)439(*) a été créée en 2000 pour appliquer les régulations européennes en la matière.

Dans un quatrième temps, à rebours des développements passés, le gouvernement de David Cameron entame en 2010 une nouvelle réforme visant à réduire le nombre d'agences et à rationaliser leur fonctionnement440(*). La loi sur les organismes publics de 2011 (Public Bodies Act 2011)441(*) confère aux ministres le pouvoir de supprimer, fusionner ou modifier les organismes publics, dont les agences. Sous son effet, le nombre d'agences diminue rapidement et se stabilise aux alentours de 300 depuis 2020.

En dépit de nouveaux programmes de réforme des agences proposés en 2021 et à nouveau en 2025, la réforme de 2011 constitue la plus grande restructuration des organismes publics britannique depuis des décennies442(*).

b) Les différentes catégories d'agences

Selon la classification établie par le Bureau du Cabinet (Cabinet Office) du gouvernement britannique, les organismes publics (public bodies) sont des organisations au moins en partie financées par l'État pour fournir un service public443(*). Ils incluent les agences rattachées au gouvernement central et dénommées Arm's Length Bodies444(*) (ALB), les entreprises publiques (public corporations), les entités gouvernementales diverses (non-classified government entities, à savoir notamment les comités d'experts, bureaux, taskforces, groupes de travail, etc.)445(*), les organismes parlementaires (parliamentary bodies) et les organismes publics locaux (local government & devolved administration bodies).

Aussi appelées « Quangos » (quasi-autonomous non gouvernmental organisations) dans le langage courant, les agences (ALB) sont organisées en trois catégories446(*) :

- les agences exécutives (Executive Agencies), qui agissent en tant que « bras » de leur ministère (department) d'origine ;

- les organismes publics non départementaux (Non Departmental Public Bodies, NDPB ou OPND en français), organismes publics qui fonctionnent séparément de leur ministère de tutelle ;

- et les départements non ministériels (Non Ministerial Departments, NMD ou DNM en français), organismes publics qui partagent de nombreuses caractéristiques avec un ministère à part entière, mais qui sont dépourvus de ministres et agissent indépendamment de leur ministère de tutelle.

Caractéristiques des différentes catégories d'agences (ALB) britanniques

Caractéristique

Agence exécutive

Organisme public non départemental (OPND)

Départements non ministériels (DNM)

Statut

Service intégré au ministère

Organisation indépendante. Il peut s'agir d'une entreprise et/ou d'une organisation caritative (charity).

Département à part entière

Organisme de la Couronne

(Crown body)

Oui.

En règle générale, non.

Oui.

Modalité de création

Acte administratif (généralement rapide et facile)

Généralement une loi spécifique (peut prendre du temps)

Acte administratif, souvent complété par une législation primaire

Gouvernance

Directeur général soutenu par un conseil d'administration

Conseil d'administration indépendant dirigé par un président non exécutif

Secrétariat permanent soutenu par un conseil d'administration

Responsabilité ministérielle

Le ministre de tutelle prend les décisions clés concernant les affaires de l'agence.

Le ministre de tutelle décide des questions clés.

Rarement nécessaire, mais en cas de besoin, c'est un ministre du ministère de tutelle qui décide.

Ministère de tutelle

(Sponsor department)

Contrôle direct

Tutelle exercée dans le cadre d'un accord formel. Peut-être légère.

Contrôle « à distance » (remote)

Financement

Budget général et/ou redevances

Subvention(s) du ou des ministère(s) et/ou recettes provenant de droits et de taxes

Budget général et/ou redevances

Personnel

Fonctionnaires
(civil servants)

Généralement des fonctionnaires ; certains petits NDPB consultatifs et tribunaux se voient attribuer des fonctionnaires de leur ministère de tutelle à temps partiel.

Fonctionnaires (civil servants)

Rapports et comptes annuels

Publication des rapports et comptes dans le cadre de l'activité de tutelle du ministère

Publication de leurs propres rapports et comptes annuels, généralement consolidés en un document.

Publication de leurs propres rapports et comptes annuels

Source : Cabinet Office, Managing public money

En 2023, le Cabinet Office recensait 304 agences (ALB)447(*), employant 390 808 agents (soit 75 % des agents de la fonction publique du gouvernement central448(*)), financées par le gouvernement britannique à hauteur de 353,3 milliards de livres sterling (soit 422 milliards d'euros). Environ 60 % des dépenses du gouvernement central britannique sont ainsi mises en oeuvre via des agences449(*). Sur ces 304 agences, 246 appartiennent à la catégorie des organismes publics non départementaux (OPND), 38 sont des agences exécutives et 20 sont des départements non ministériels (DNM).

10 agences perçoivent 92 % des ressources allouées par le budget de l'État450(*). En particulier, le Service national de santé d'Angleterre (National Health Service England) représentait à lui-seul 46 % du financement global des agences en 2023451(*) et l'Agence de financement de l'éducation et des compétences en représentait 19 %.

Les 10 principales agences (ALB) au Royaume-Uni en 2023

Nom de l'agence

Type d'agence

Part du budget
financée par l'État

Service national de santé d'Angleterre (National Health Services)

OPND
exécutif

159,26 milliards £
(190,32 milliards €)

Agence de financement de l'éducation et des compétences

(Education and Skills Funding Agency)

Agence exécutive

67,46 milliards £
(80,68 milliards €)

Recettes et douanes de sa Majesté

(HM Revenue and Customs)

DNM

45,22 milliards £

(54,03 milliards)

Réseau ferroviaire

(Network Rail Limited)

OPND exécutif

19,24 milliards £

(22,99 milliards)

Recherche et innovation du Royaume-Uni

(UK Research and Innovation)

OPND exécutif

9,26 milliards £

(11,07 milliards)

Trains grande vitesse

(High speed 2 Ltd)

OPND
exécutif

6,87 milliards £

(8,21 milliards)

Autoroutes nationales

(National highways)

OPND exécutif

6,40 milliards £

(7,65 milliards)

Service des prisons et de probation de la Couronne

(HM Prison and Probation service)

Agence exécutive

4,72 milliards £

(5,64 milliards)

Agence anglaise du logement

Homes England)

OPND exécutif

4,05 milliards £

(4,84 milliards)

Agence de sécurité sanitaire du Royaume-Uni (UK Health Security Agency)

Agence exécutive

3,79 milliards £

(4,53 milliards)

Source : Cabinet Office, https://co-public-bodies.github.io/ALB_Landscape_Analysis_2022_23/ (consulté le 21 avril 2025)

(1) Les agences exécutives (executive agencies) 

Une agence exécutive est une unité permanente appartenant à un ministère du gouvernement central, qui peut être de taille variable. Elle est administrativement distincte de ce dernier, mais y reste attachée juridiquement et ne dispose pas de personnalité juridique. Elle se concentre sur la délivrance de services spécifiques ou sur la mise en oeuvre d'une politique publique, dans un cadre de responsabilité défini envers les ministres452(*). Elle est créée par acte administratif453(*).

Le ministère de tutelle nomme le directeur général (chief executive) de l'agence par l'intermédiaire d'un commissaire de la fonction publique, qui dirige l'agence. Les employés de l'agence sont des fonctionnaires employés par l'administration de rattachement454(*).

· Nombre : 38 (12,5 % du paysage des agences)455(*).

· Effectifs : 138 660 agents456(*).

· Masse budgétaire (financement gouvernemental et autre réunis) : 103,7 milliards d'euros (86,69 milliards de livres sterling)457(*).

Exemple d'agence exécutive :
le Service des prisons et de probation de la Couronne
(HM Prison and Probation service)

Administration de rattachement

Ministère de la Justice (Ministry of Justice)

Ministre de la Justice (Secretary of State for Justice)

Missions

Exécuter les décisions des tribunaux en fournissant pour l'Angleterre et le Pays de Galles des services publics d'emprisonnement, de probation et de détention des jeunes.

Gestion de la fourniture de services privés.

Réinsertion des détenus458(*).

Composition

Secrétaire permanent (Permanent Secretary) : partenaire ministériel à la tête de l'agence.

Chef exécutif : nommé par le secrétaire permanent dans le respect des règles de nomination aux postes publics. Dirige l'agence et assure sa gestion quotidienne. Il est responsable, via le secrétaire permanent, devant le Ministre de la Justice.

Conseil d'administration (Agency Board) :

- membres simples nommés sur approbation du secrétaire permanent.

- directeurs non exécutifs nommés par le secrétaire permanent après consultation du Ministre de la Justice.

Contrôle de l'État

Ministre responsable de l'activité de l'agence devant le Parlement.

Équivalents en France

Direction de l'administration pénitentiaire

Direction de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (DPJJ)

Services Pénitentiaires d'Insertion et de Probation (SPIP)

ð Administrations centrales

(2) Les organismes publics non départementaux (Non Departmental Public Bodies)

Les organismes publics non départementaux (OPND) qui opèrent « à bout de bras » des ministres, sans appartenir administrativement à un ministère, constituent la principale catégorie d'agences. Disposant d'une personnalité juridique propre (à l'exception des OPND de la Couronne), ils sont créés par la loi459(*), pour au moins trois ans et exercent des fonctions très diverses. Ils travaillent dans un cadre stratégique défini par les ministres460(*).

Ils se déclinent en quatre catégories :

les OPND exécutifs461(*) : ils travaillent pour le gouvernement dans certains domaines précis et ont essentiellement des fonctions de mise en oeuvre. Au nombre de 118, ils représentent 39 % des agences462(*). L'Agence de l'environnement (Environment Agency) appartient par exemple à cette catégorie ;

les OPND de conseil463(*) : ils fournissent des conseils indépendants et une expertise aux ministres. Au nombre de 116, ils représentent 38 % du nombre total d'agences464(*). On peut citer par exemple, le Comité sur les normes de la vie publique (Committee On Standards in Public Life)465(*) qui conseille le gouvernement en matière de normes éthiques et de déontologie dans la sphère publique ;

les OPND tribunaux466(*) : ils font partie du système judiciaire et ont des compétences dans des domaines spécifiques du droit. Au nombre de huit, ils représentent près de 3 % du nombre d'agences467(*). Le Tribunal d'appel de la concurrence (Competition Appeals Tribunal) appartient notamment à cette catégorie. Bien que ces tribunaux subsistent en tant qu'OPND distincts, toutes les nouvelles fonctions des tribunaux doivent désormais être assurées au sein de l'agence exécutive du Service des cours et tribunaux de sa Majesté (HM Courts and Tribunals Service) ;

les OPND de la Couronne : au nombre quatre, cette catégorie est marginale468(*). Leur seule différence est qu'ils ne sont pas distincts juridiquement de la Couronne. C'est le cas par exemple du Comité consultatif de la monnaie royale (Royal Mint Advisory Committee).

En termes de gouvernance, en règle générale, les ministres nomment le président, tous les membres non exécutifs du conseil d'administration de l'OPND et sont consultés sur la nomination du directeur général469(*). Le personnel des OPND est composé d'agents publics recrutés par ceux-ci, et non de fonctionnaires employés par le ministère, comme c'est le cas pour les agences exécutives470(*).

· Nombre : 246 (environ 80 % du paysage des agences)471(*).

· Effectif : 152 388 agents (tous types d'OPND confondus)472(*).

· Masse budgétaire (financement gouvernemental et autre réunis) : 254,3 milliards d'euros (212,6 milliards de livres sterling)473(*).

Exemple d'OPND :
Bureau indépendant de surveillance de la conduite policière
(Independent Office for Police Conduct)474(*)

Création

Police Reform Act 2002475(*)

Remplace l'Autorité de plainte de la police (Police Complaints Authority ), puis devient le IOPC après la réforme de 2018.

Missions

Supervise, fixe et contrôle le système de traitement des plaintes contre la police en Angleterre et au Pays de Galles.

Enquête sur les affaires graves (corruption, décès ou blessure à la suite d'un contact avec la police).

Composition

Conseil d'administration unitaire : responsable de la gouvernance et de la gestion budgétaire.

Directeurs non exécutifs (6), nommés selon les règles de nomination aux emplois publics par le Ministère de l'intérieur (Home Secretary).

Directeur général : nommé par la Couronne, à la tête du CA.

Contrôle de l'État

3 organes internes assurent le respect des termes de la mission de l'agence :

- le comité d'audit, de risque et d'assurance

- le comité pour les personnes et la culture

- le comité pour la qualité

Financement476(*)

Auto-financement (produits d'actifs, de propriété...).

Subventions gouvernementales.

Équivalent en France

Inspection Générale de la Police Nationale

Inspection Générale de la Gendarmerie Nationale

Défenseur des Droits

ð Mélange d'administration centrale et d'agence indépendante.

ð Multiplicité d'organismes en France contre une certaine unicité au Royaume-Uni.

(3) Les départements non ministériels (Non Ministerial Departments)

Un département non ministériel (DNM) est une entité publique permanente qui opère séparément de son ministère de tutelle (sponsor) ou partenaire. Il est créé par un acte administratif puis par une loi477(*). Il a des fonctions plus spécialisées, notamment de régulation, pour lesquelles la supervision directe d'un ministre est jugée inutile ou inappropriée478(*).

Un DNM est dirigé par un haut fonctionnaire en tant que directeur général, avec un conseil d'administration composé d'un président indépendant et de directeurs non exécutifs, nommés par le ministre de tutelle, après examen du Parlement479(*).

· Nombre : 20480(*) (7 % des agences)481(*).

· Effectifs : 99 750 agents482(*).

· Masse budgétaire (financement gouvernemental et autre réunis) : 52,6 milliards d'euros (44,26 milliards de livres sterling).

Exemples : Service de poursuites judiciaires de la Couronne (Crown prosecution service), le Service des revenus et douanes de sa Majesté (HM Revenue and Customs), l'Autorité de la concurrence et des marchés financiers (Competition and Markets Authority), Bureau du rail et des routes (Office of Rail and Road), Bureau des marches du gaz et de l'électricité (Office of Gas and Electricity Markets, Ofgem), l'Agence nationale de lutte contre la criminalité (National Crime Agency)483(*).

c) Le degré d'autonomie et d'indépendance des agences

Le degré d'autonomie et d'indépendance des agences et les modalités de contrôle de l'État sur ces dernières dépendent du type d'agence. Il s'agit d'une question importante car, par leur nature et leur niveau de technicité, les agences ont une influence majeure sur l'économie du pays. Il faut donc que l'État exerce un contrôle sur leur activité.

Un exemple de l'étendue de leurs pouvoirs et de leur degré d'indépendance est un arrêt de la Haute cour de justice (High Court) d'Angleterre et du Pays de Galles, dans lequel OfGem, l'Agence de régulation de l'électricité et du gaz, a été contrainte de délivrer un permis à un fournisseur d'énergie484(*). Cependant, un « cocktail réglementaire » veille à encadrer les pouvoirs et l'autonomie conférés aux agences485(*).

(1) Les agences exécutives

Parties intégrantes d'un ministère, les agences exécutives ont un degré d'autonomie et d'indépendance moindre en comparaison avec les autres agences. C'est le ministère qui met en place la politique à suivre486(*).

Selon le Cabinet Office, il existe deux modèles de gouvernance des agences exécutives qui présentent des niveaux d'autonomie différents487(*) :

le modèle 1 « agence exécutive proche de leur ministère » : cela concerne les agences qui travaillent étroitement avec leur ministère de tutelle ou sont considérées comme trop petites pour avoir un conseil d'administration complet. Dans ce cas, le comité d'audit et de risque du ministère d'origine assure la fonction de contrôle pour l'agence. Ce type d'agence est dirigée par un conseil d'administration sans membres non exécutifs, avec à sa tête le directeur général de l'agence. Ce dernier rend compte de son activité quotidienne au ministre compétent et de l'utilisation responsable des fonds publics au secrétaire permanent du ministère en tant qu'agent comptable de l'agence488(*) ;

le modèle 2 « agence exécutive plus indépendante du ministère » : ce modèle de gouvernance est choisi quand il est considéré que l'agence nécessite davantage d'indépendance vis-à-vis du ministère ou qu'elle a une taille critique suffisante. Dans ce cas, l'agence exécutive est dirigée par un conseil d'administration dirigé par un président non exécutif et composé de membres exécutifs et non exécutifs.

Dans tous les cas, le ministre est responsable de l'activité de l'agence devant le Parlement. Aussi, il détermine les objectifs stratégiques et assure leur réalisation ainsi que la bonne utilisation des fonds. Il approuve le plan d'activité proposé par l'agence, nomme le directeur général et approuve les nominations des membres non exécutifs489(*).

De plus, depuis 2019490(*), les agences exécutives doivent être évaluées en accord avec les lignes directrices du Cabinet Office sur la revue des organismes publics (public bodies review programme)491(*). Auparavant, seuls les OPND étaient concernés par ce processus d'examen régulier (cf. infra).

(2) Les organismes publics non départementaux

Dans la mesure où il n'appartient pas à un ministère, le degré d'autonomie d'un OPND est supérieur à celui d'une agence exécutive. Le ministère de tutelle met en place un cadre stratégique et son ministre est responsable de l'activité de l'agence devant le Parlement492(*).

Le degré d'autonomie varie d'un OPND à l'autre : il est défini de façon ad hoc et dépend de ses besoins et de l'orientation donnée par le ministre responsable.

Comme indiqué précédemment, en principe, les ministres nomment le président et tous les membres non exécutifs du conseil d'administration de l'OPND, et sont consultés sur la nomination du directeur général493(*).

Les OPND sont également inclus dans le programme de revue des agences (cf. infra).

(3) Les départements non ministériels

Les départements non ministériels (DNM) disposent d'un niveau d'autonomie supérieur aux deux autres catégories d'agences. Ils mettent en place leur propre politique de prestation de services, même si le ministère peut définir un cadre stratégique selon la nature de l'activité494(*).

Les modalités de contrôle de leurs activités doivent être établies dans un document-cadre (framework document)495(*). En règle générale, les DNM ne sont pas soumis à l'autorité directe d'un ministre mais certains font l'objet d'une surveillance minimale afin qu'un ministre puisse répondre de leurs activités devant le Parlement496(*). Les termes précis de cette surveillance sont définis dans le document-cadre497(*).

Cette grande indépendance est justifiée par les tâches - notamment de régulation ou judiciaires - confiées à l'agence car un manque d'indépendance serait inapproprié ou préjudiciable à son activité. Ceci interroge toutefois sur leur responsabilité politique498(*). Selon le rapport de 2023 du Trésor public de sa Majesté sur la gestion des deniers publics, il est recommandé de ne pas opter pour la forme d'un DNM, mais plutôt pour un OPND dès lors que cela est possible499(*).

La proximité avec le pouvoir exécutif varie d'une agence à l'autre. Par exemple, la Commission des forêts du Royaume-Uni (Forestry Commission) a une relation avec le ministre qui est semblable à celle d'un OPND ou d'une agence exécutive : « La Commission des forêts d'Angleterre et la Commission des forêts d'Écosse rendent compte directement à leur ministre de tutelle, en fournissant des conseils sur la politique et en mettant en oeuvre cette politique dans la nation concernée. »500(*)

D'autres agences, comme le Service de poursuites judiciaires de la Couronne, ont un lien beaucoup plus distant avec le pouvoir exécutif : « Le directeur travaille sous la supervision du procureur général, qui est responsable du service devant le Parlement. »501(*)

Enfin, d'autres DNM comme l'Agence des normes alimentaires (Food Standards Agency), affirment n'avoir aucun lien avec le pouvoir exécutif : « En tant que département non ministériel, l'Agence est gouvernée par le conseil d'administration et non directement par les ministres. La gestion quotidienne de la FSA est déléguée à des fonctionnaires par l'intermédiaire du directeur général. »502(*)

Selon le groupe de réflexion Institute for Government, la catégorie des DNM manque d'intelligibilité et demeure obscure dans le paysage du service public britannique503(*). L'institut annonçait en 2013 poursuivre ses études sur le sujet et préconisait une réforme pour abolir la catégorie jugée désuète504(*). Celle-ci permettrait une gouvernance plus claire, fondée sur le degré d'autonomie dont les organismes ont besoin pour mener leurs missions. Un plan en quatre étapes avait alors été présenté consistant à : (i) mettre fin à la création de nouveaux DNM et inclure ceux déjà existants dans le processus de revue triennale des agences, (ii) mettre fin à la possibilité pour un DNM d'avoir un double statut de DNM et d'agence exécutive, (iii) transformer les DNM les plus proches des ministères en agences exécutives ou les intégrer aux ministères et enfin, (iv) reconnaître le besoin de création d'une nouvelle catégorie dénommée « organismes d'intérêt public », caractérisée par son besoin d'indépendance particulier (par exemple, l'Autorité nationale des statistiques).

Cette proposition de réforme a été partiellement suivie par le gouvernement. En effet, la catégorie des DNM n'a pas été abolie ni remplacée par celle d'organisme d'intérêt public, mais elle est intégrée au programme de revue des organismes publics depuis 2016505(*) et il n'est plus possible de créer un DNM à double statut506(*).

d) Le financement et le coût des agences

Les agences (ALB) britanniques ont des modalités de financement différentes selon leur nature et leur degré d'indépendance : les agences exécutives qui appartiennent à un ministère sont généralement directement financées par leur ministère de tutelle à partir du budget général (Supply Estimate) tandis que les OPND ayant une personnalité juridique propre reçoivent des subventions (grants) de leur ministère de tutelle afin de remboursement les dépenses liées à certains éléments ou services dans les conditions définies par la loi507(*). Les DMN reçoivent quant à eux un financement directement du ministre des finances (exchequer) et non d'un ministère (Own Estimate). Certaines agences reçoivent également d'autres sources de revenus comme des redevances (levy funding), des frais administratifs (fees and charges), des dons privés (charitable donations and bequeathments), des revenus commerciaux (commercial funding) ou encore des prêts d'un ministère, autorisés par la loi (loans from department). Certaines fonctions peuvent donner lieu au versement d'une taxe de la part des utilisateurs mais dans ce cas ces taxes sont versées à l'administration fiscale (HMRC) et non directement à l'organisme public.

Selon la synthèse élaborée chaque année par le Cabinet Office, le financement gouvernemental est inégal d'une agence à l'autre : 92 % de ce financement a été alloué à 10 agences (dont NHS England) et 110 agences (dont le Health Services Safety Innovation Service) n'ont rien reçu du budget de l'État en 2022/2023508(*).

Données financières par catégories d'agences (ALB)
pour l'exercice 2022-2023

Catégorie

Personnel (ETP)

Financement

Dépenses totales

Gouvernemental

Autres sources de revenus

Agences exécutives

138 700

86,7 Mds £

(101,0 Mds €)

2,2 Mds £
(2,6 Mds €)

86,7 Mds £
(101,0 Mds €)

OPND

152 300

217,7 Mds £

(234,5 Mds €)

6,0 Mds £

(7,2 Mds €)

212,6 Mds £

(247,7 Mds €)

DNM

99 800

48,9 Mds £

(56,9 Mds €)

1,4 Md £

(1,7 Md €)

44,3 Mds £

(51,8 Mds €)

Total

 

353,3 Mds £

(411,5 Mds €)

9,5 Mds £

(11,1 Mds €)

343,55 Mds £

(402,95 Mds €)

390 800

362,7 Mds £

(424,4 Mds €)

Source : UK Cabinet Office, ALB Landscape Analysis 2023

e) L'évaluation des agences : les « programmes de revue »

Le principe d'une revue (review) ou évaluation périodique des agences a été introduit en 2010 par le programme de réforme des organismes publics du gouvernement conservateur, qui prévoyait une obligation de revue triennale pour les OPND509(*). Celui-ci avait été perçu comme un succès à l'époque, le gouvernement revendiquant qu'il avait permis d'économiser près de 800 millions de livres sterling (930 millions d'euros) par an en dépenses administratives510(*).

Le programme de révision ciblée (tailored review) de 2015-2020511(*) a élargi le champ d'action du précédent programme en y incluant les départements non ministériels et en prévoyant un nouveau rythme d'évaluation (en principe, un par législature)512(*).

Le programme de revue des organismes publics (public bodies review programme) actuel a été lancé par le Cabinet Office en 2022 et s'est achevé en mars 2025. Il résulte de la Déclaration sur la réforme du gouvernement de 2021 du gouvernement conservateur de Boris Johnson, qui avait émis le souhait de « commencer un programme de revue des agences (ALB) et d'améliorer l'efficacité de leurs ministères de tutelle, en s'appuyant sur des indicateurs de performance clairs et de nouvelles normes rigoureuses en matière de gouvernance »513(*).

D'après les lignes directrices du Cabinet Office sur la réalisation du programme de revue des agences514(*), l'objectif des revues est d'évaluer la gouvernance, la responsabilité, l'efficacité et l'efficience des agences (ALB) existantes. Il s'agit principalement de déterminer si la fonction exercée par un organisme « reste utile et nécessaire » en utilisant les « trois tests » du gouvernement (cf. infra) et, le cas échéant, s'il existe de meilleures alternatives pour atteindre les objectifs du gouvernement (comme la fusion ou la réintégration au sein de l'administration de l'État).

De plus, les lignes directrices exigent de la part des évaluateurs d'identifier les domaines dans lesquels il est possible de réaliser plus de 5 % d'économies. Les actions visant à atteindre cette « cible d'efficience » doivent être reflétées dans les recommandations du rapport final. Lorsque la recommandation est acceptée, l'objectif de plus de 5 % doit être atteint par l'organisme dans un délai d'un à trois ans515(*).

La procédure de revue d'une agence en cinq étapes

Les ministères sont responsables de la sélection des agences à évaluer. Ils sont encouragés à tenir compte d'une série de facteurs, notamment la taille et l'importance stratégique de l'organisme, le temps écoulé depuis la dernière revue et les changements importants que l'organisme a pu connaître depuis lors.

Les revues comprennent généralement une combinaison d'auto-évaluation interne et de recherche externe, des inspections et des entretiens avec la direction et le personnel de l'organisme, ainsi qu'avec les principales parties prenantes. Le Cabinet Office recommande de suivre une procédure d'évaluation en cinq étapes :

1) L'auto-évaluation de l'agence. Elle ne doit pas durer plus d'un mois. En fonction du résultat, le ministre responsable décide conjointement avec le comptable principal si le processus doit se poursuivre par une évaluation complète (étape 2) ou si le rapport d'auto-évaluation est directement transmis au ministre responsable (étape 4), accompagné de recommandations mineures ;

2) La désignation de l'évaluateur principal et la collecte d'informations. Contrairement aux précédents programmes de revue, l'évaluateur principal doit être indépendant de l'agence et du ministère. Le choix est laissé à la discrétion du ministre de tutelle. Une équipe est également mise en place pour soutenir l'évaluateur principal, généralement composée de fonctionnaires du ministère commanditaire.

3) L'évaluation ou revue (review). L'équipe responsable mène des recherches extérieures, des inspections et des entretiens avec les acteurs pertinents. Cette étape dure quatre mois.

4) La présentation du rapport d'évaluation au(x) ministre(s). Si cette étape intervient après l'auto-évaluation, le ministre peut décider de mener une évaluation complète ou non à l'issue de cette étape. Les ministres ont le dernier mot sur l'acceptation ou le rejet des recommandations.

5) La publication du rapport, accompagné de la réponse du ministre. Elle intervient au plus tard trois mois après la conclusion de la revue. Les ministères sont également tenus de fournir au Cabinet Office des mises à jour ultérieures sur la mise en oeuvre des recommandations acceptées.

Source : Cabinet Office, Guidance on the undertaking of Reviews of Public Bodies

Dans le cadre du programme de revue 2022-2025, le Cabinet Office s'est engagé à passer en revue 125 agences couvrant 90 % de l'ensemble des dépenses des agences. Début 2024, 60 % des revues avaient été lancées et 35 millions de gains d'efficience identifiés516(*). La liste des agences évaluées est publiée chaque année, une priorité étant donnée aux entités les plus importantes en termes de taille ou de priorité politique. Par exemple, pour l'exercice 2024-2025 une priorité est donnée aux agences qui dépendent du ministère de la défense (10 revues sur la trentaine annoncée)517(*).

f) Les réflexions sur l'efficacité du système d'agences
(1) La qualité des services publics

L'amélioration de la qualité des services publics et l'un des principaux moteurs de la privatisation et de l'agencification. Par exemple, la loi ayant instauré l'Ofcom, le régulateur des médias et services de communication, illustre l'importance centrale accordée à la satisfaction des citoyens et des consommateurs. En effet, le citoyen est mentionné dès l'article 3, intitulé « Devoirs généraux de l'Ofcom » : « Dans l'exercice de ses fonctions, l'Ofcom a pour mission principale a) de promouvoir les intérêts des citoyens en matière de communications ; et b) de promouvoir les intérêts des consommateurs sur les marchés concernés, le cas échéant en encourageant la concurrence »518(*).

Cependant, en pratique, la satisfaction des citoyens en matière de services publics est assez basse. Lors de la campagne électorale des dernières élections générales en juillet 2024, le débat autour de leur qualité était central. Par exemple, l'Autorité de régulation des services de l'eau (Water Services Regulation Authority, Ofwat) a été critiquée pour son inaction face à l'incapacité des compagnies d'eau à freiner la pollution des rivières519(*). Face à cette situation, le professeur d'économie politique Sir Dieter Helm a suggéré la nationalisation de l'opérateur privé responsable de la distribution d'eau à Londres, Thames Water, dont Ofwat contrôle pourtant le conseil d'administration520(*). Ainsi, il est possible d'y voir un échec de l'agence dans sa mission centrale : assurer la qualité du service public de l'eau.

D'autres critiques ont été adressées au système des agences. Tout d'abord, leur manque de responsabilité politique521(*) (accountability) est pointé du doigt. Malgré des réformes, notamment à travers le Public Bodies Act 2011, les termes de cette responsabilité sont restés opaques constatait en 2014 la commission en charge de l'administration publique de la Chambre des communes522(*).

Ensuite, le problème des doublons et des enchevêtrements de compétences est déploré. Comme en France, certaines missions d'agences se recoupent et ce « problem of many hands » rend difficile la mise en oeuvre des politiques publiques523(*).

Enfin, pour certains auteurs, les valeurs commerciales qui ont accompagné la vague de privatisation et d'agencification ont évincé la protection des consommateurs au profit de la rentabilité524(*).

(2) Les oscillations du système d'agences : suppressions, fusions, reclassements, réintégrations et nouvelles créations
(a) La réduction du nombre d'agences entre 2010 et 2020

En 2010, le Premier ministre David Cameron avait annoncé une réforme globale des agences dans le cadre de la politique de redéfinition des services publics. La loi sur les organismes publics de 2011525(*) (Public Bodies Act) fut adoptée à cet effet. Le projet de loi initial fut critiqué pour ses « clauses Henry VIII » qui autorisaient les ministres à supprimer ou réformer les agences et donc à amender des dispositions législatives. Lors du débat parlementaire, ces critiques ont conduit à un assouplissement du texte, maintenant l'obligation pour le gouvernement d'obtenir l'autorisation du Parlement afin de réformer, fusionner ou supprimer les agences créées par la loi526(*).

Un memorandum du ministère de la Constitution de 2016 sur l'évaluation des effets de la loi527(*) confirme que celle-ci a effectivement permis la baisse du nombre d'agences. Notamment, entre 2011 et 2016, 52 organismes publics ont été réformés par 33 arrêtés (orders)528(*). Par exemple, la Commission des jeux de hasard (Gambling Commission) et la Commission de la loterie nationale (National Lottery Commission) ont été fusionnées. Cependant, certains organismes cités dans la loi comme pouvant faire l'objet de réforme n'ont pas été modifiés. D'autres l'ont été par d'autres moyens, notamment des lois spécifiques529(*). Enfin, certains organismes n'ont finalement pas été réformés car leur politique avait changé depuis l'entrée en vigueur de la loi, rendant inutile leur révision530(*).

Le memorandum souligne que les arrêtés adoptés dans le cadre de la loi ont permis de réduire les coûts administratifs des agences de près de 122 millions de livres sterling (146 millions d'euros) cumulés sur la période 2010-2015531(*). Le Bureau national d'audit (National Audit Office, NAO) estimait quant à lui les économies liées à la réforme des organismes publics (y compris les entreprises publiques) à 793 millions de livres sterling en 2012-2013, tandis que le gouvernement britannique revendiquait une réduction des dépenses publiques de 3,1 milliards de livres sterling entre 2011 et 2015532(*). Selon le NAO, cette différence s'explique par le fait que la méthodologie retenue par le gouvernement comprend des baisses de dépenses qui ne sont pas directement liées au programme de réforme des organismes publics, comme par exemple des économies décidées dans le cadre des revues de dépenses en vue de réduire l'activité de certains organismes533(*).

Selon une étude de l'Institute for Government, le nombre d'agences (ALB) au Royaume-Uni est passé de plus de 800 à 295 entre 2010 et 2020534(*). Les suppressions se sont concentrées en début de période et concernent principalement les OPND qui ont vu leur nombre réduit de deux tiers. Le nombre de départements non ministériels n'a quant à lui pas changé sur la même période et le nombre d'agences exécutives a diminué, principalement de 2010 à 2013535(*). Ceci s'explique par le fait que les OPND de conseil sont des organismes plus faciles à supprimer dans la mesure où, souvent, ils n'ont pas de personnel permanent et exercent des fonctions moins essentielles. Le NAO souligne en effet que la plupart des organismes proposés pour la suppression (65 %) n'avaient pas enregistré de dépenses en 2009-2010. La réforme a donc, dans un premier temps, été l'occasion de supprimer des organismes inutiles et de désencombrer l'administration536(*).

Cependant, sur la période 2015 et 2020, l'analyse doit être nuancée. L'étude publiée par le NAO en 2021 sur la supervision centrale des agences537(*) montre que la plupart des agences récemment supprimées (depuis 2016) ont été soit reclassées dans une autre catégorie d'organismes publics, soit fusionnées, plutôt que totalement supprimées. Selon le NAO, parmi les 189 agences (ALB) supprimées de la base de données du Cabinet Office entre 2016 et 2019, 143 (85 %) ont été reclassées dans une autre catégorie, 35 (18 %) ont été fermées et remplacées ou fusionnées et seulement sept ont cessé leur activité sans être remplacées538(*).

Par exemple, 132 organes de contrôle indépendant des prisons, centres de rétention administratifs et centres d'expulsion pour immigrés ont été retirés de la catégorie des OPND et neuf conseils de recherche universitaires classés en tant qu'OPND ont été regroupés en un seul, ce qui a entraîné une réduction du nombre d'organismes publics mais pas des fonctions qu'ils remplissent539(*). L'Agence de gardes frontaliers UK Border Force a quant à elle été supprimée en 2012 et ses fonctions réintégrées au sein du ministère de l'intérieur540(*).

Certains OPND de conseil ont aussi changé de catégorie, en étant réintégrés en tant que comités d'experts au sein de ministères541(*).

Un exemple de reclassement dans une autre catégorie d'organisme public :
la commission des règles d'enregistrement foncier

La commission des règles d'enregistrement foncier (Land Registration Rules Committee) a été réintégrée au sein de l'administration d'État en 2015542(*). Son statut est ainsi passé d'organisme public non départemental de conseil543(*) à celui de comité d'experts (Expert Committee)544(*), rattaché à la catégorie des « ALB non classifiés ». Ce changement de catégorie n'a pas été motivé par l'administration.

(b) La création de nouvelles agences depuis le Brexit

Malgré la diminution drastique du nombre d'agences depuis 2010, de nouvelles agences continuent d'être créées au Royaume-Uni afin de répondre à certains besoins spécifiques.

En particulier, à la suite de la sortie de l'Union européenne du Royaume-Uni, deux nouvelles agences ont repris des fonctions auparavant assurées par les agences de l'Union européenne : l'Office pour la protection de l'environnement (Office for Environmental Protection) et l'Autorité de résolution des litiges commerciaux (Trade Remedies Authority)545(*).

La procédure de création d'une nouvelle agence (ALB) 546(*)

Selon le guide établi par le Cabinet Office, de nouveaux organismes publics ne devraient être créés que s'il existe un besoin clair et pressant, pour l'État de fournir un service par un intermédiaire et qu'il n'y a pas d'alternative viable.

Lorsqu'ils élaborent une proposition de création d'une nouvelle agence (appartenant à l'une des trois catégories de ALB), les ministères doivent la soumettre aux « trois tests » (three tests) élaborés par le gouvernement :

« 1. S'agit-il d'une fonction technique dont la réalisation nécessite une expertise externe ?

2. S'agit-il d'une fonction qui doit être assurée avec une impartialité politique absolue, et perçue comme telle ?

3. S'agit-il d'une fonction qui doit être exercée de manière indépendante des ministres pour établir des faits et/ou des chiffres avec intégrité ? »

Le Cabinet Office n'approuve la création d'une nouvelle agence que si au moins l'un des trois critères est rempli. L'approbation du Secrétaire général du Trésor britannique est également nécessaire. Une fois ces approbations formellement reçues, un acte administratif ou un projet de loi doit être adopté, selon le statut de l'organisme.

Malgré la procédure mise en place, le NAO a constaté en 2021 que les ministères n'avaient pas toujours examiné convenablement si l'agence (ALB) était la forme la plus appropriée pour mettre en oeuvre une politique. Il relevait également que les organismes « non classés » (unclassified bodies) constituent un point de fuite dans la mesure où ils ne suivent pas les procédures de création prévues pour les agences et n'entrent pas dans le périmètre de contrôle et de surveillance du Cabinet Office547(*).

Plus récemment, le Royaume-Uni a notamment créé les agences suivantes :

- l'Agence pour la recherche avancée et l'invention (Advanced Research and Invention Agency, ARIA) en 2023. Sur le modèle de la DARPA américaine, cette agence qui a le statut d'OPND exécutif sous tutelle du ministère de la science, de l'éducation et de la technologie vise à financer des projets de recherche et d'innovation à haut potentiel mais à risque élevé548(*) ;

- l'Organisme d'enquêtes sur la sécurité des services de santé (Health Services Safety Investigations Body). Ce nouvel OPND sous tutelle du ministère de la santé et des services sociaux est chargé depuis 2023 d'enquêter sur les problèmes de sécurité des patients dans l'ensemble du NHS en Angleterre549(*).

(c) Les mesures annoncées par le nouveau gouvernement travailliste

Depuis son entrée en fonction en juillet 2024, le gouvernement travailliste a annoncé plusieurs mesures qui devraient profondément modifier le paysage des agences britanniques. Ces mesures ne s'inscrivent toutefois dans aucun plan d'ensemble ou stratégie globale à ce jour.

Dans un discours sur la réforme de l'État britannique prononcé le 13 mars 2025, le Premier ministre Keir Starmer a critiqué le recours trop important aux agences, en ce qu'elles affaiblissaient la responsabilité démocratique des gouvernants550(*), et annoncé la « suppression » (abolition) du Service national de santé en Angleterre (NHS England)551(*).

Cette annonce fait suite à celle de la réintégration de la seconde agence la plus importante en termes budgétaires, Education and Skills Funding Agency, au sein du ministère de l'éducation à compter du 31 mars 2025552(*).

Des fusions d'organismes publics sont également prévues ou ont déjà été mises en oeuvre, telles que la fusion du Bureau du régulateur des sociétés d'intérêt communautaire (Office of the Regulator of Community Interest Companies) - qui supervise l'accréditation des entreprises à vocation sociale - et le Registre des entreprises du Royaume-Uni (UK corporate registry), l'intégration du régulateur des systèmes de paiement (Payment systems regulator) à l'Autorité de conduite financière (Financial Conduct Authority, FCA)553(*) ou encore la création le 1er avril 2025 de l'Autorité nationale des infrastructures et de la transformation des services (National Infrastructure and Service Transformation Authority, NISTA), à partir de la Commission nationale des infrastructures et Autorité des infrastructures et des projets554(*).

Dans un communiqué de presse d'avril 2025, le gouvernement a ainsi annoncé que « chaque Quango [ie. agence] sera examiné en vue d'une fermeture, d'une fusion ou de la réintégration de ses fonctions dans les ministères si son existence n'est pas justifiée »555(*). Ces modifications sont censées apporter plus d'efficience et « réduire la bureaucratie » en permettant au gouvernement de « reprendre le contrôle ».

Parallèlement, la création de 18 nouvelles agences a été annoncée parmi lesquelles un nouvel opérateur ferroviaire, chargé de superviser le réseau ferroviaire national, et une autorité de régulation de l'innovation, conçue pour identifier et supprimer les obstacles réglementaires à l'innovation556(*).

La réforme du Service national de santé

Le NHS England est l'agence en charge de la gestion administrative des services de santé en Angleterre. Il s'agit d'un organisme public non départemental exécutif rattaché au ministère de la santé et de l'agence la plus importante du paysage britannique, ayant reçu un financement gouvernemental de 159 milliards de livres sterling (190,8 milliards d'euros) en 2022-2023.

La question du déclin de la qualité des services du NHS est au coeur des débats politiques depuis sa transformation en OPND en 2012. En effet, la satisfaction citoyenne vis-à-vis de cette agence est actuellement faible. Selon le King's Fund, un groupe de réflexion indépendant, le service n'a jamais été aussi mal évalué par ses utilisateurs depuis 1983, avec seulement 24 % de satisfaction557(*). Les causes de cette insatisfaction sont principalement les longs délais pour obtenir un rendez-vous chez le médecin et à l'hôpital (71 %), le manque de personnel (54 %) et le manque d'investissement financier de l'État (47 %)558(*).

Le nouveau Premier ministre Keir Starmer a ainsi annoncé le 13 mars 2025 « l'abolition du NHS » et sa réintégration au sein du ministère de la santé et des services sociaux559(*). Pour le gouvernement travailliste actuel, cet échec est en partie dû à la lourdeur bureaucratique qui accompagne l'organisation en agence et « à la duplication résultant du fait que deux organisations font le même travail dans un système qui empêche actuellement le personnel d'être au service des patients »560(*). Il s'agit ainsi d'inverser « la réorganisation descendante du NHS de 2012, qui a créé des couches bureaucratiques lourdes sans lignes de responsabilité claires »561(*).

L'objectif du gouvernement est d'achever cette réforme dans un délai de deux ans, ce qui nécessitera préalablement l'adoption d'une loi par le Parlement562(*). Les principaux points du projet de réforme sont les suivants563(*) :

- la reprise du contrôle de l'agence par l'administration de l'État - elle réintégrera le ministère de la santé des services sociaux et ne sera plus un OPND exécutif ;

- la suppression de 9 000 emplois au sein de l'agence et du ministère de la santé, soit la moitié des postes dans les deux structures564(*) ;

- la déconcentration du processus de prise de décision au niveau régional : cette démarche est expliquée par la nécessité de donner davantage de contrôle aux professionnels de santé locaux sur le système ;

une amélioration du service par une réallocation des fonds publics : le ministre de la santé W. Streeting a annoncé que cette réforme permettrait une « meilleure efficience pour le contribuable et des meilleures solutions pour les patients car les centaines de millions de livres sterling [qui seront] économisées seront redéployées en première ligne pour offrir de meilleurs soins »565(*).

La question du financement de la réforme sera étudiée cet été. À terme, si les suppressions d'emplois annoncées sont effectives, la réforme permettrait d'économiser environ 500 millions de livres sterling (environ 600 millions d'euros)566(*).

4. Les Pays-Bas : un modèle dual d'agences au cadre juridique perfectible

Aux Pays-Bas, il existe deux principaux types d'agences : les organes administratifs indépendants (zelfstandige bestuursorganen, ZBO) et les agences exécutives (agentschappen). Il existe également d'autres organes administratifs « à distance » du gouvernement comme les organismes consultatifs et les agences de planification.

Apparus dans les années 1980, les ZBO sont des entités publiques ou privées investies d'une mission de service public par la loi, qui ne sont pas soumises directement à l'autorité du gouvernement. De nature très variée, leur définition juridique demeure floue et seule la moitié des quelque 150 ZBO figurant dans le registre gouvernemental sont couverts par la loi-cadre sur les ZBO adoptée en 2007. Face à leur prolifération et au manque de contrôle démocratique à leur égard, relevé notamment par la Cour des comptes et le Parlement, certains ZBO ont été supprimés ou fusionnés et la création de nouveaux ZBO ne doit être envisagée qu'en dernier ressort. Cependant, leur nombre a continué d'augmenter depuis 2012.

Les agences exécutives sont apparues à partir du milieu des années 1990 comme une alternative à l'externalisation vers les ZBO. Elles s'apparentent à une « agencification interne » car elles jouissent d'une certaine autonomie de gestion tout en appartenant à un ministère. Après un pic de 44 agences exécutives en 2010, il en existe aujourd'hui 10 aux Pays-Bas. La révision du règlement sur les agences en 2024 a notamment permis d'assouplir leurs modalités de financement et de gouvernance.

a) Regard historique sur le développement des agences

La délégation de certaines tâches à des organismes extérieurs au gouvernement et à son administration est une tradition ancienne aux Pays-Bas. Vers 1900, le gouvernement comptait déjà environ 75 organismes dotés d'une certaine forme d'indépendance, tandis que les organismes consultatifs indépendants sont inscrits dans la Constitution depuis 1922567(*). Ce phénomène s'inscrit dans la tradition corporatiste et le haut niveau d'implication de la société civile qui caractérisent la pratique administrative néerlandaise568(*).

Fortement influencés par la doctrine de la nouvelle gestion publique (New public management), les Pays-Bas ont développé le recours aux privatisations et à des « organes administratifs indépendants » (zelfstandige bestuursorganen, ZBO), dotés de la personnalité juridique, à partir des années 1980569(*). L'objectif de ces structures indépendantes, dont le modèle de gouvernance s'inspire de l'entreprise, était alors d'offrir une administration publique plus efficace et réactive570(*).

Dans les années 1990 et 2000, la prolifération des ZBO a fait l'objet de nombreux débats politiques. En particulier, la Cour des comptes néerlandaise a sévèrement critiqué la responsabilité limitée de ces organes vis-à-vis du gouvernement, leur manque de contrôle politique et l'absence de cadre juridique uniforme571(*). Conçues comme une réponse alternative aux ZBO, les premières agences exécutives (agentschappen) néerlandaises ont été créées en 1994. Les agences sont dotées d'un statut propre mais, contrairement aux ZBO, elles relèvent entièrement de la responsabilité des ministres compétents. Ce type d'agence a vocation à permettre une mise en oeuvre plus efficace des politiques publiques.

La volonté de mieux encadrer l'activité de ces organismes indépendants s'est traduite par l'adoption, en 2007, d'une loi-cadre sur les ZBO572(*) et, en 2011, d'un règlement sur les agences exécutives573(*).

En dépit des critiques et d'un encadrement juridique renforcé, le nombre d'organismes indépendants a, dans l'ensemble, continué d'augmenter aux Pays-Bas. Après une vague de suppressions au début des années 2000, faisant passer le nombre de ZBO de 189 en 1995 à 118 en 2012574(*), celui-ci a de nouveau augmenté et le nombre de ZBO s'élève à environ 150 en 2025. Le nombre exact de ZBO est cependant difficile à comptabiliser, en dépit du registre tenu par le gouvernement, en raison du flou juridique et conceptuel entourant sa définition. Le nombre d'agences exécutives a quant à lui atteint un pic en 2010 avec 44 agences575(*) et s'est stabilisé depuis 2018 avec 30 agences576(*).

Depuis le début des années 2020, les discussions sur l'indépendance, le contrôle politique et le pilotage des agences et des ZBO demeurent d'actualité. Entre 2019 et 2021, les ministères de l'intérieur et des finances néerlandais ont fait réaliser une vaste étude sur le cadre juridique de l'ensemble des « organismes administratifs à distance » (rijksorganisaties op afstand), comprenant les ZBO, les agences exécutives, les organismes consultatifs (adviescolleges) ainsi que les agences de planification (planbureaus) et les services d'inspection. Les résultats de cette évaluation577(*) ont été pris en compte pour procéder à une révision du règlement sur les agences en 2024 mais ils n'ont pas donné lieu à une modification substantielle de la loi-cadre sur les ZBO (cf. infra).

b) Les différentes catégories d'agences

Le système public néerlandais comprend un grand nombre d'entités administratives indépendantes, également appelées « organismes administratifs à distance » (rijksorganisaties op afstand), sous l'influence du concept des Arm's Length Bodies (ALB) britanniques. L'évaluation indépendante réalisée entre 2019 et 2021 identifie quatre catégories d'organismes administratifs à distance :

- les organes administratifs indépendants (zelfstandige bestuursorganen, ZBO) ;

- les agences exécutives (agentschappen) ;

- les organismes consultatifs (adviescolleges) ;

- et les agences de planification (planbureaus)578(*).

Les développements ci-après présentent brièvement ces quatre catégories mais la présente étude se concentre sur les deux principaux types d'entités indépendantes : les ZBO et les agences exécutives.

(1) Les organes administratifs indépendants (ZBO)

Les ZBO sont définis par la loi-cadre les régissant comme des organes administratifs investis d'une mission publique par la loi, par décret ou par arrêté ministériel pris en application d'une loi, et qui ne sont pas subordonnés hiérarchiquement à un ministre579(*). Cependant, seule environ la moitié des ZBO entre dans le champ d'application de la loi-cadre et il existe un certain flou dans la définition de ce concept580(*).

Ils ont des statuts juridiques variés (organes administratifs avec ou sans personnalité juridique, entité de droit privé comme une fondation ou une société à responsabilité) et exercent des tâches très diverses de régulation, d'expertise ou de mise en oeuvre.

En 2025, le registre gouvernemental dénombre 150 ZBO (en tenant compte des ZBO individuels et de ceux appartenant à un « cluster » et en excluant les entités au sein des ZBO)581(*).

À titre d'exemples, la Banque centrale néerlandaise, l'Agence nationale pour la recherche scientifique, l'Agence nationale pour l'assurance chômage ou encore la Radiotélévision publique néerlandaise appartiennent à la catégorie des ZBO. Les notaires - considérés en tant que regroupement (cluster) - entrent également dans la catégorie des ZBO.

Les principaux ZBO

Nom

Statut

Budget 2021

(en M€)

ETP (2021)

Banque des assurances sociales

Sociale Verzekeringsbank (SVB)

Organisme public à personnalité juridique propre

48 369

3 065

Agence de gestion de l'assurance chômage

Uitvoeringsinstituut Werknemersverzekeringen (UWV)

Organisme public à personnalité juridique propre

36 523

18 419

Conseil supérieur de la magistrature ou Conseil de la Justice

Raad voor de Rechtspraak

Organe judiciaire

1 161

10 856

Fondation régionale de radiodiffusion publique

Stichting Regionale Publieke Omroep (RPO)

Fondation de droit privé

1 125

1 271

Organisation néerlandaise de la recherche scientifique

Nederlandse organisatie voor Wetenschappelijk Onderzoek (NWO)

Organisme public à personnalité juridique propre

950

2.306

Radiodiffusion publique néerlandaise

Nederlandse Publieke Omroep (NPO)

Fondation de droit privé

866

418

Autorité compétente pour l'accueil des demandeurs d'asile

Centraal Orgaan opvang asielzoekers (COA)

Organisme public à personnalité juridique propre

842

3 343

Organisation néerlandaise pour la recherche appliquée en sciences naturelles

Nederlandse organisatie voor toegepast-natuurwetenschappelijk onderzoek (TNO)

Organisme public à personnalité juridique propre

560

3 278

Conseil pour l'aide juridique

Raad voor Rechtsbijstand (RvR)

Organisme public à personnalité juridique propre

424

271

Organisme de recherche sur les soins et les sciences médicales (Pays-Bas)

ZorgOnderzoek Nederland / Medische Wetenschappen (ZonMw)

Organisme public à personnalité juridique propre

413

327

Source : https://www.rijksfinancien.nl/overzicht-zbos-en-agentschappen

(2) Les agences exécutives

Les agences exécutives font officiellement partie d'un ministère mais exécutent des tâches de manière autonome et ont leur propre gestion opérationnelle582(*). Il s'agit ainsi d'une forme d'« agencification interne »583(*).

Les agences exécutives néerlandaises ont vocation à fournir des services ou des produits clairement mesurables et doivent avoir une taille minimale (condition d'un budget annuel de plus de 50 millions d'euros pour permettre leur création)584(*).

Actuellement au nombre de 30 (sans tenir compte de leurs divisions administratives internes)585(*), elles sont régies depuis 2011 par un règlement spécifique586(*). Celui-ci distingue deux types d'agences : les agences à comptabilité d'exercice et les agences à comptabilité de caisse (article 1er). Le développement des agences exécutives a ainsi joué un rôle important dans le processus de transition vers la comptabilité d'exercice, également appelée comptabilité d'engagements en droit français (baten en lasten stelsel)587(*), dans le secteur public aux Pays-Bas588(*).

En 2023, leur budget total s'élevait à 14,8 milliards d'euros, pour environ 60 000 ETP589(*).

Les principales agences exécutives, en termes budgétaires sont l'Agence pour les infrastructures et la gestion de l'eau (Rijkswaterstaat), le Service des institutions judiciaires (Dienst Justitiële Inrichtingen) et la Société immobilière de l'État (Rijksvastgoedbedrijf).

Les principales agences exécutives

Nom

Budget 2023

(en M€)

ETP (2023)

· Agence pour les infrastructures et la gestion de l'eau

Rijkswaterstaat (RWS)

3 657

10 721

· Département des institutions judiciaires

Dienst Justitiële Inrichtingen (DJI)

2 975

15 817

· Office national de la propriété

Rijksvastgoedbedrijf (RVB)

1 429

2 540

· Office national de l'entrepreneuriat

Rijksdienst voor Ondernemend Nederland (RVO)

1 105

5 436

Service de l'immigration et de la naturalisation

Immigratie- en Naturalisatiedienst (IND)

796

5 010

Institut national de la santé publique et de l'environnement

Rijksinstituut voor Volksgezondheid en Milieu (RIVM)

716

2 296

Autorité néerlandaise de sécurité des aliments et des produits de consommation

Nederlandse Voedsel en Waren Autoriteit (NVWA)

513

3 575

Agence exécutive pour l'éducation

Dienst Uitvoering Onderwijs (DUO)

485

2 962

Service de mise en oeuvre des TIC

Dienst ICT Uitvoering (DICTU)

372

925

Agence de services de TIC au gouvernement²

SSC-ICT²

371

1 040

Source : https://www.rijksfinancien.nl/overzicht-zbos-en-agentschappen

(3) Les organismes consultatifs (adviescolleges)

Les organismes consultatifs sont chargés de conseiller le gouvernement et le Parlement de manière indépendante sur les lois, règlements ou politiques publiques de l'État590(*).

Au sens de la loi-cadre sur les organismes consultatifs591(*) introduite en 1997, les adviescolleges ne donnent pas d'avis sur la mise en oeuvre ou l'application des lois et politiques existantes mais sur les projets de loi, d'actes réglementaires et les politiques futures592(*). D'autres organismes conseillent le gouvernement sur la mise en oeuvre des lois et politiques publiques comme le Conseil d'État (Raad van State), la Cour des comptes (Algemene Rekenkamer) et le Médiateur (Nationale ombudsman) ainsi que de comités indépendants (évalués à environ 250), souvent temporaires, chargés de missions d'évaluation et de recherche593(*).

Le registre gouvernemental recense actuellement environ 105 adviescolleges594(*). Cependant, comme dans le cas des ZBO, la loi-cadre sur les organismes consultatifs ne s'applique pas à l'ensemble des organismes consultatifs recensés par ce registre. Contrairement aux objectifs initiaux de clarification du système consultatif et d'unité du droit poursuivis par la loi-cadre, celle-ci ne s'applique qu'à 27 organismes consultatifs (dont 8 avec des dispositions dérogatoires)595(*).

Il existe trois types d'organismes consultatifs596(*) :

- les organismes consultatifs temporaires sont chargés de donner un avis sur une politique publique et sont mis en place pour une durée maximale de 4 ans ;

- les organismes consultatifs ponctuels donnent un avis sur un sujet d'actualité, après quoi, ils cessent d'exister ;

- les organismes consultatifs permanents sont créés par le Conseil des ministres pour une durée indéterminée. Il en existe deux sortes : les « collèges stratégiques » remettent des avis sur un vaste domaine politique (par exemple, le Conseil de l'administration publique, qui donne des conseils sur la manière dont le gouvernement s'acquitte de ses tâches ou encore le Conseil économique et social) et les « collèges de spécialistes techniques » qui fournissent des avis sur des questions plus restreintes (par exemple, l'Autorité des données personnelles).

(4) Les agences de planification (planbureaus)

Les bureaux ou agences de planification sont apparus aux Pays-Bas après la Seconde Guerre mondiale597(*). Bien qu'intégrés au sein de leur ministère de tutelle, il s'agit d'organismes dotés d'une indépendance scientifique, qui travaillent de manière intersectorielle598(*). Il en existe trois :

- l'Agence centrale de planification (Centraal Planbureau, CPB) ;

- l'Agence néerlandaise d'évaluation environnementale (Planbureau voor Leefomgeving, PBL) ;

- et l'Agence de planification sociale et culturelle (Sociaal en Cultureel Planbureau, SCP).

Les agences de planification sont régies depuis 2012 par des instructions du Premier ministre599(*) énonçant leurs modalités d'organisation et de fonctionnement.

Placées sous la responsabilité du ministre de tutelle, les agences de planification établissent librement leur programme de travail mais doivent aussi répondre aux saisines du gouvernement ou du Parlement et sont consultées dans le cadre du processus d'élaboration des politiques publiques. Un comité indépendant contrôle la qualité scientifique de leurs travaux600(*).

Par ailleurs, il convient de mentionner l'existence d'inspections nationales (Rijksinspecties) chargées de tâches de supervision et de contrôle601(*) et dont la future loi sur les inspections, dont le projet a été annoncé en 2021 et soumis à consultation publique en 2025, devrait garantir l'indépendance602(*). Les services d'inspections ont fait l'objet d'une restructuration dans les années 2000, réduisant leur nombre de 26 à 10 services structurés autour de domaines thématiques603(*).

Typologie des entités administratives indépendantes aux Pays-Bas

 

ZBO

Agences exécutives

Organismes consultatifs

Agences de planification

Cadre juridique

Loi-cadre sur les ZBO (2007)

Règlement sur les agences (2017)

Loi-cadre sur les organismes consultatifs (1996)

Instructions relatives aux agences de planification (2012)

Tâches publiques

Tâches diverses.

Tâches diverses ; principalement des tâches d'exécution ou de gestion de prestations nécessitant une connaissance approfondie d'une politique publique.

Conseil (politique)

Les organismes consultatifs conseillent le gouvernement et le Parlement, de manière sollicitée ou non, sur les nouvelles lois ou politiques à mettre en oeuvre par l'État.

Recherche et conseils fondés sur des données scientifiques ;

analyse des implications à long terme des politiques et prospective.

Différents types ou statuts

· ZBO de droit public sans personnalité juridique (fait partie de l'État des Pays-Bas)

· ZBO de droit public avec personnalité juridique

· ZBO de droit privé (principalement sous forme de fondation)

· Agence avec comptabilité d'exercice

· Agence avec comptabilité de caisse

· Organismes consultatifs permanents

· Organismes consultatifs temporaires

· Organismes consultatifs ponctuels

Pas de différence entre les 3 agences de planification existantes

Nombre *

150

30

105 (dont 86 permanents)

3

Responsabilité ministérielle

Responsabilité ministérielle limitée découlant des pouvoirs conférés au ministre par la législation applicable.

Responsabilité ministérielle intégrale.

« Responsabilité systémique » incluant des audits avec motivation obligatoire, cadrage et suivi.

Responsabilité ministérielle mais indépendance scientifique.

Source : Andersson Elffers Felix et Universiteit Utrecht, op. cit., p. 14.

* Chiffres actualisés à l'aide des registres gouvernementaux en date du 8 avril 2025.

c) Le degré d'autonomie et d'indépendance des agences
(1) Les ZBO

Les ZBO sont des organismes administratifs qui fonctionnent de manière autonome et ne sont pas placés sous la responsabilité directe d'un ministre mais ils demeurent soumis à la supervision du ministre qui, in fine, peut être amené à rendre compte devant le Parlement de l'activité d'un ZBO. Ils sont censés agir indépendamment de toute influence politique, tout en travaillant dans le cadre fixé par le gouvernement604(*). Le degré d'autonomie et d'indépendance des ZBO dépend toutefois de leur forme juridique et de leur soumission ou non à la loi-cadre sur les ZBO.

· La supervision ministérielle

S'agissant des ZBO de droit public, la loi-cadre sur les ZBO prévoit :

l'approbation par le ministre compétent des actes administratifs adoptés par le ZBO en vertu d'une disposition légale. Le ministre peut refuser de donner son approbation en cas d'acte contraire à la loi ou s'il considère que l'acte peut entraver la bonne exécution des tâches du ZBO (article 11) ;

la nomination par le ministre des directeurs de ZBO et la possibilité de les suspendre ou de les licencier en cas d'inaptitude ou d'incompétence (article 12) ;

la détermination par le ministre de la rémunération des directeurs et membres de ZBO (article 14).

Pour les ZBO de droit public disposant d'une personnalité juridique, le ministre peut décider que certaines décisions nécessitent son accord préalable comme la création d'une nouvelle entité juridique, l'acquisition ou la cession de biens ou la signature de contrats de crédit ou de prêt ou encore l'octroi de garanties à des tiers (article 13).

Pour l'ensemble ZBO entrant dans le champ d'application de la loi-cadre, des dispositions en matière de contrôle, d'information et de suivi s'appliquent. En particulier, si un ZBO est autorisé à fixer des redevances, ceux-ci doivent être approuvés par le ministre compétent (article 15)605(*). Le ministre est également compétent pour approuver le budget et les comptes annuels des ZBO (articles 24, 25, 29 et 34) et adresse tous les cinq ans aux deux chambres du Parlement un rapport visant à évaluer l'efficacité du fonctionnement de chaque ZBO (article 35).

Le gouvernement néerlandais a rappelé en 2021 que les ZBO ne sont pas directement responsables devant le Parlement mais devant les ministres, qui sont à leur tour responsables devant le Parlement606(*). Toutefois, l'indépendance des ZBO implique que la responsabilité ministérielle est limitée607(*). En pratique, il est toutefois admis que les directeurs de ZBO puissent être entendus directement devant l'une des chambres du Parlement, simplement en informant le ministre concerné608(*).

· La gouvernance

En matière organisationnelle, la structure et les organes propres à chaque ZBO sont établis dans les lois procédant à leur création. Par exemple, la loi-cadre ne prévoit pas d'obligation de création d'un conseil de surveillance (raad van toezicht) ou d'un conseil consultatif (raad van advies) ayant un rôle de supervision de la direction du ZBO. Une étude indépendante estime que seule la moitié des ZBO a un conseil de surveillance, tout en concluant que ceux-ci peuvent jouer un rôle utile de « tampon » entre la direction du ZBO et le ministre609(*).

En 2015, la circulaire ministérielle intitulée « Gouvernance à l'égard des ZBO »610(*) a défini un nouveau cadre de gouvernance fondé sur le modèle triangulaire « propriétaire - client - entrepreneur », inspiré par les agences exécutives. L'objectif était de clarifier la gouvernance des ZBO et de permettre une coopération optimale entre le ministère compétent et le ZBO. La circulaire présente ainsi sous forme de tableaux les rôles et tâches respectives du « propriétaire » (le secrétaire général du ministère compétent), du « donneur d'ordre » (le directeur général compétent) et du « preneur d'ordre » (le ZBO).

Les principes de la circulaire sont concrétisés dans des « accords de travail » entre les ministères et les ZBO, avec des marges de manoeuvre importantes laissées aux ministères611(*). À l'exception du ministère des finances qui a élaboré un protocole de supervision spécifique pour chaque ZBO, la plupart des ministères ont adopté un document fournissant l'interprétation de la circulaire à l'échelle du ministère612(*).

(2) Les agences exécutives

Intégrées au sein des ministères, les agences exécutives disposent d'une indépendance limitée mais d'une certaine autonomie en matière de gestion.

En application du règlement sur les agences, révisé en 2024613(*), le modèle triangulaire de gouvernance « propriétaire - donneur d'ordre -preneur d'ordre » a été remplacé par une gouvernance plus souple dans le cadre de laquelle le « décideur politique » (le ministère) et le « gestionnaire final » - c'est-à-dire le directeur de l'agence - déterminent conjointement les activités de l'agence (article 6). De plus, des contrats pluriannuels (meerjarige werkafspraken) sont désormais prévus entre le ministère et la direction de l'agence pour déterminer les objectifs, les activités de l'agence et son financement (article 7).

Bien qu'intégrées à un ministère et dépourvues de personnalité juridique, les agences exécutives ont un régime de gestion distinct qui se traduit notamment par l'utilisation d'un système de comptabilité d'engagement (article 1er, la possibilité d'une comptabilité de caisse reste mentionnée mais celle-ci est vouée à disparaître614(*)), la possibilité de constituer une « réserve de fonctionnement » assimilable à un fonds de roulement (article 11) ainsi que de recourir à une facilité de prêt pour financer des investissements (article 12). Cependant, en raison de leur rattachement à un ministère, elles restent soumises aux réglementations et procédures applicables aux services de l'État, sauf indication contraire, et ne disposent pas de budget propre615(*).

d) Le financement et le coût des agences

Selon le ministère des finances néerlandais, le budget total des principales agences représentait environ 107,5 milliards d'euros en 2021, dont 94,8 milliards pour les ZBO (principalement du fait de la Banque des assurances sociales (Sociale Verzekeringsbank, SVB) responsable du versement de certaines prestations sociales et de l'Agence de gestion de l'assurance chômage (Uitvoeringsinstituut Werknemersverzekeringen, UWV) et 14,8 milliards d'euros pour les agences exécutives616(*).

La comparaison dans le temps des données budgétaires consolidées publiées par le ministère des finances617(*) est toutefois délicate, en particulier pour les ZBO, en raison du caractère incomplet des données (sur les quelque 150 ZBO, les données présentent le budget uniquement pour 77 organismes) et des écarts de périmètre importants (par exemple, les données présentent le budget de la SVB et de l'UWV uniquement jusqu'en 2021 ; d'autres ZBO, pourtant répertoriés dans le registre gouvernemental sont tantôt inclus ou non, comme l'Académie de police).

(1) Les ZBO

Les ZBO sont principalement financés par des subventions du budget général de l'État ainsi que, pour certains organismes, des redevances. Les modalités de financement de chaque ZBO sont prévues dans la loi portant création de l'organisme.

La loi-cadre sur les ZBO indique que d'autres sources de revenus sont possibles (par exemple, des subventions européennes ou des produits issus de la vente d'actifs) mais ne mentionne pas la possibilité de se voir affecter le produit de taxes (article 28).

Comme indiqué précédemment, il n'existe pas de vision budgétaire consolidée de l'ensemble des ZBO. Toutefois, les documents budgétaires relatifs à chaque ministère indiquent en annexe la liste des principaux ZBO, leur budget prévisionnel et le lien vers leur dernière évaluation618(*).

(2) Les agences exécutives

Chargées de fournir des services ou des produits aux ministères, citoyens ou entreprises, les agences exécutives néerlandaises ne disposent pas d'un budget propre mais reçoivent des subventions de l'État et/ou des redevances, qu'elles gèrent dans le cadre d'un régime financier distinct619(*).

Jusque fin 2024, le financement des agences, inspiré par la doctrine du New Public Management, était déterminé en fonction d'un prix et d'une quantité (de prestations ou de produits) donnée. Les évaluations réalisées entre 2019 et 2021 ont montré que cette modalité de financement n'était plus adaptée à la diversité des tâches des agences et qu'elle conduisait à porter une attention trop court-termiste à la gestion budgétaire, sans prendre suffisamment en considération la mesure des résultats escomptés et la « valeur publique » (publiek waarde) produite620(*).

Par conséquent, le nouveau règlement sur les agences exécutives, entré en vigueur le 1er janvier 2025, prévoit que le financement des agences repose soit sur la « production » (output), soit les ressources (input), soit sur une combinaison des deux modèles (article 8). L'idée est de permettre une plus grande différenciation des modalités de financement des agences afin de mieux s'adapter à leurs spécificités621(*).

Contrairement aux ZBO, le suivi budgétaire de l'ensemble des agences est plus fiable. Ainsi, selon le ministère des finances néerlandais, le budget total des agences exécutives est passé de 10,5 milliards d'euros en 2018 à 14,8 milliards d'euros en 2023, soit une hausse de 42 % en six ans pour un même nombre d'agences622(*). Cette hausse s'explique pour un quart par la hausse du budget alloué à l'Agence pour les infrastructures et la gestion de l'eau (Rijkswaterstaat). Sur la même période, le nombre d'ETP des agences est passé de près de 49 000 à plus de 60 000623(*).

e) Les réflexions sur l'efficacité du système d'agences
(1) La volonté de limiter le nombre de ZBO et d'agences

Face à la « prolifération » des ZBO relevée par la Cour des comptes à partir de 1995 puis par plusieurs commissions d'experts et commissions d'enquête parlementaires (cf. encadré infra), une vague de suppressions et de fusions a eu lieu au début des années 2000. Leur nombre est ainsi passé de 189 en 1995 à 118 en 2012624(*). À partir de 2010, le paysage des agences exécutives a également été rationalisé et leur nombre ramené de 44 à 30 en 2017625(*).

Lors de son entrée en fonction en 2012, le gouvernement « Rutte II » a souhaité poursuivre la réduction du nombre de ZBO en raison du manque de contrôle démocratique exercé sur ces derniers et afin de réaliser des économies626(*). L'accord de coalition intitulé « Bruggen slaan » proposait ainsi de réexaminer si la forme des ZBO était toujours la plus appropriée et a affirmé le principe selon lequel le modèle des agences exécutives devait être privilégié627(*). Considéré comme un tournant important, le rapport remis au gouvernement en 2013 par le consultant Johan de Leeuw, recommandait ainsi de réduire de moitié le nombre de ZBO et proposait un arbre décisionnel pour déterminer si un ZBO devait conserver son statut628(*). Sur la base de ces recommandations, le gouvernement néerlandais prévoyait ainsi une rationalisation (sanering) permettant de passer de 118 ZBO à une fourchette comprise entre 76 et 89 en 2016629(*).

Certaines suppressions et fusions de ZBO ont bien été mises en oeuvre durant cette période : en particulier, l'Autorité néerlandaise pour les consommateurs et les marchés a été créée en 2013 à partir de la fusion de trois ZBO préexistants, participant ainsi à la consolidation des autorités de régulation630(*).

Afin d'évaluer l'efficacité et l'efficience de leur fonctionnement, les ZBO sont soumis tous les cinq ans à une évaluation par le ministère de tutelle (article 39 de la loi-cadre). Cette obligation ne vaut toutefois que pour les ZBO entrant dans le champ d'application de la loi-cadre. Ainsi, selon une étude indépendante publiée en 2021, un peu moins de la moitié des ZBO inscrits au registre n'ont jamais été évalués et, parmi les ZBO ayant fait l'objet d'une évaluation, celle-ci n'a généralement pas eu lieu tous les cinq ans (bien que les délais semblent être mieux respectés qu'auparavant)631(*).

En dépit de ces règles et de la volonté politique affichée de réduction du nombre d'organes indépendants, plusieurs ZBO ont été créés après 2012632(*), par exemple le Rapporteur national sur la traite des êtres humains et les violences sexuelles contre les enfants en 2013 et la fondation Blik op werk (« Regard sur le travail ») en 2022, chargée de vérifier la qualité des prestataires de service en matière d'intégration, d'emploi et de valeur salariale633(*). L'augmentation du nombre de ZBO au cours des dix dernières années s'explique aussi par la reconnaissance d'organisations préexistantes en tant que ZBO (par exemple, l'organisation néerlandaise pour l'internationalisation de l'éducation (Nuffic) a été transformée en ZBO en 2023). À l'automne 2024, le gouvernement néerlandais a annoncé son intention de transformer ProRail, le gestionnaire d'infrastructures ferroviaires, ayant actuellement le statut de société à responsabilité limitée en ZBO de droit privé afin de permettre une meilleure coordination de la politique en matière de transports634(*).

(2) La question de la responsabilité ministérielle

L'indépendance des ZBO et la responsabilité des ministres vis-à-vis de ces derniers et du Parlement sont des questions très présentes dans le débat public néerlandais depuis 1995.

Malgré l'accroissement de la supervision ministérielle sur les ZBO soumis à la loi-cadre, notamment via la nomination des directeurs et le contrôle des niveaux de rémunération (cf. supra), ce sujet a fait l'objet de nombreuses recommandations, notamment :

- en 2018, la commission d'État (Staatscommissie) sur le système parlementaire, dirigée par l'ancien ministre Johan Remkes, a exprimé son inquiétude quant à la responsabilité ministérielle limitée vis-à-vis des ZBO. Dans son rapport final, la commission a recommandé d'une part, que la figure de l'agence exécutive soit explicitement privilégiée dans la loi et, d'autre part, l'adoption d'une nouvelle loi sur les ZBO contenant une codification des conditions préalables à la création d'un ZBO et clarifiant les pouvoirs qui peuvent leur être attribués, les limites et la manière dont ils doivent rendre compte635(*) ;

- en 2020, le Conseil d'État néerlandais a rendu de sa propre initiative un avis sur la responsabilité ministérielle appelant à définir plus précisément la responsabilité des ministres, nécessairement limitée, vis-à-vis des organismes administratifs indépendants ainsi que les motifs de création de nouveaux ZBO636(*). Il appelait également à la retenue dans la création de nouvelles entités indépendantes en raison du problème qu'elles posent en termes de contrôle démocratique.

(3) Les insuffisances du cadre juridique

L'évaluation du cadre juridique de l'ensemble des organismes administratifs à distance remise au gouvernement en 2021 (brede evaluatie)637(*), a mis en lumière le caractère fragmenté, incomplet et parfois incohérent des différents textes juridiques applicables aux ZBO, agences et autres entités indépendantes, tels que les organismes consultatifs et les agences de planification. Surtout, les ZBO de droit privé ne sont actuellement pas couverts par la loi-cadre sur les ZBO et de nombreuses exceptions sont prévues pour les ZBO entrant dans le champ d'application.

En réponse à cette évaluation, le gouvernement avait estimé souhaitable, en 2021, de créer un cadre juridique plus cohérent et ordonné, mettant « davantage l'accent sur d'autres valeurs que l'efficience et l'efficacité »638(*). Il avait annoncé son intention d'élargir le champ d'application de la loi-cadre sur les ZBO, de codifier la pratique existante et de réviser la circulaire sur la gouvernance afin que d'autres formes de responsabilité « horizontale » soient prises en compte, par exemple grâce à la mise en place de comités d'utilisateurs ou de clients ou de comités d'audits dans certains ZBO639(*).

Si le règlement sur les agences a fait l'objet d'une révision en 2024 (cf. supra), la loi-cadre sur les ZBO n'a été amendée qu'à la marge en 2022 - les propositions de modification ayant été présentées au Parlement avant même la remise des conclusions de l'évaluation globale précitée, comme s'en était étonné le Conseil d'État640(*).

Ces modifications concernent la publication sur Internet des fonctions ou mandats annexes des membres des directions des ZBO de droit public, la mise à jour des règles concernant le rapport annuel des ZBO et l'efficacité de l'évaluation641(*).

La commission d'enquête parlementaire
de la Première Chambre sur la privatisation et l'agencification642(*)

En 2012, la chambre haute (Eerste Kamer) du Parlement néerlandais a créé une commission d'enquête sur les politiques de privatisation et d'agencification mises en oeuvre aux Pays-Bas de 1990 à 2010. Intitulé « Connexion rompue ? », le rapport de la commission d'enquête constate que ces politiques ont entraîné un relâchement des liens entre le gouvernement, le Parlement et les services privatisés ou externalisés sous la forme de ZBO. Il appelait ainsi à « recalibrer » les pratiques.

L'enquête législative se concentre sur la politique menée, le processus législatif et la prise de décision parlementaire. La commission constate que les politiques de privatisation et de corporatisation ont entraîné un relâchement des liens : « Il s'agit des liens entre le gouvernement et les services privatisés et corporatisés, entre le Parlement qui doit contrôler et les exécutants de la politique gouvernementale, et entre le gouvernement et les citoyens ». Dans son rapport, la commission appelle à recalibrer les « pratiques adultes », à mettre de l'ordre dans la fonction publique, à améliorer la prise de décision parlementaire et à renforcer la confiance des citoyens dans le gouvernement.

5. Au Canada, une approche pragmatique mais dépourvue de vision d'ensemble des agences

Au Canada, les agences fédérales se sont développées à partir des années 1970 sur le modèle états-unien.

Bien qu'elles jouent un rôle essentiel au sein de l'administration fédérale, il n'existe pas de classification clairement établie des agences, ni de vision consolidée. Estimées à environ une centaine, elles comprennent divers types d'entités, tels que les organismes ministériels, les établissements publics et les organismes de services spéciaux. Les tribunaux administratifs et les sociétés d'État remplissent également certaines fonctions assumées habituellement par des agences, notamment de régulation.

Les agences fédérales ne font pas l'objet d'une politique ciblée de rationalisation mais sont intégrées aux réflexions d'ensemble sur l'évolution de l'administration publique fédérale et soumises, comme les ministères, aux objectifs de réduction des dépenses publiques adoptés en 2023.

a) Regard historique sur le développement des agences

Au Canada, les agences sont des organismes autonomes créés par le gouvernement fédéral ou provincial pour remplir des missions spécifiques. Elles sont le fruit de réponses ad hoc à des problèmes liés au développement rapide de la structure sociale et politique du Canada643(*). À partir de la fin des années 1970, l'administration canadienne s'est largement inspirée du modèle états-unien d'agences, motivée par quatre facteurs644(*:

- le souhait de déplacer la responsabilité pour la résolution des problèmes politiques sensibles vers des organes gouvernementaux discrets et non partisans ;

- le besoin de spécialisation et d'expertise pour gérer des tâches gouvernementales complexes ;

- la perception de l'incapacité de la fonction publique de l'époque d'effectuer certaines tâches ;

- et, enfin, la volonté de ne pas encombrer les tribunaux avec des affaires qui ne sont pas adaptées à un traitement judiciaire par leur nature et leur taille.

Par la suite, des réformes ont été mises en place pour assurer la pérennité du modèle. Dans les années 1990, le Canada entame une réforme de l'État dénommée « Bien gouverner » (Getting Government Right)645(*) pour permettre la « mise en place d'un nouveau mode de gestion de la fonction publique fondé sur le contrôle des effectifs et de la responsabilisation des gestionnaires » 646(*). Cette réforme était justifiée par le besoin de redresser les finances publiques647(*) et avait vocation à s'appuyer sur des indicateurs de performance mis en oeuvre à travers les agences. La réforme fut considérée comme un succès en permettant le redressement et la rationalisation des finances publiques. Le gouvernement de Jean Chrétien a ainsi supprimé près de 66 000 emplois dans la fonction publique fédérale entre 1994 et 1996, soit 1 emploi sur 6, et ce dans un climat de consensus politique et syndical, selon les responsables administratifs et politiques canadiens648(*).

Dans les années 2000, le gouvernement canadien identifie un nouveau besoin de regroupement et de rationalisation des services aux usagers. En effet, les citoyens considéraient l'appareil administratif comme « fragmenté et décourageant »649(*). Pour pallier cela, le « Service Canada » a été créé en 2005. Il s'agit d'un service du ministère de l'emploi et du développement social qui vise à réunir les services de l'État en un guichet unique afin d'en faciliter l'accès650(*).

Aujourd'hui, la tendance est similaire : le gouvernement souhaite réduire les dépenses gouvernementales, dont celles des agences, et minimiser les doublons de compétences651(*).

b) Les différentes catégories d'agences

Le nombre d'agences fédérales canadiennes peut être estimé à environ une centaine652(*) 653(*) mais leur nombre exact varie selon les sources et le périmètre retenu654(*). Il en existe un large panel avec des appellations diverses (agence, commission, conseil, organisme, etc.). Le paysage des agences est vaste et parfois difficile à appréhender car il n'y a pas de classification unique clairement établie.

Les agences sont en principe listées dans la loi sur l'emploi dans la fonction publique655(*) ou dans la loi sur la gestion des finances publiques656(*). Mais les catégories présentées par le gouvernement fédéral divergent et n'ont pas la même granularité. Par exemple, le site officiel du gouvernement du Canada à destination du grand public propose une liste simplifiée non exhaustive657(*) qui distingue, d'une part, les agences ou offices (Agencies / Boards) et, d'autre part, les départements (Departments).

Parallèlement, il existe un répertoire des organisations et intérêts fédéraux658(*) qui dresse une liste plus précise des différents types d'organismes publics indépendants assimilables à des agences et les regroupe en catégories (différentes des deux catégories énoncées ci-dessus). Dans le cadre de la présente étude, les trois catégories suivantes d'organismes publics ont été retenues dans le périmètre des agences fédérales :

- les organismes ministériels (departmental agencies) et agents du Parlement (agents of Parliament), au nombre de 57 ;

- les établissements publics (departmental corporations) et organismes de services (service agencies), au nombre de 20 ;

- les organismes de services spéciaux (special operating agencies).

Par ailleurs, deux autres catégories d'organismes fédéraux exercent des fonctions qui sont, en tout ou partie, exercées par des agences dans d'autres pays : les tribunaux administratifs (administrative tribunals) et les sociétés d'État (Crown corporations). Ces deux types d'entités sont présentées ci-après mais ne sont pas comptabilisés dans le champ des agences dans le cadre de la présente étude.

(1) Les organismes ministériels (departmental agencies)

Les organismes ministériels (departmental agencies) sont des agences générales établies par la loi659(*) pour mener des missions administratives, adjudicatives, régulatoires ou de conseil dans un cadre mis en place par le gouvernement. Elles ont des domaines d'action plus précis que les ministères. Leur autonomie vis-à-vis du gouvernement dépend de leur nature et de leur mission660(*). Le répertoire des organisations et intérêts fédéraux recense 51 organismes dans cette catégorie. Y figurent par exemple l'Agence canadienne de l'eau, le Bureau du Conseil privé qui assiste et conseille le Premier ministre et le gouvernement, la Commission de la fonction publique du Canada ou encore Statistiques Canada.

Les agents du Parlement (agents of Parliament) sont un groupe de six organismes ministériels spécifiques, « dirigés par les titulaires d'une charge créée par la loi, dont le rôle est de surveiller de manière attentive et indépendante les activités du gouvernement et d'en rendre compte directement au Parlement plutôt qu'à un ministre. En temps normal, les agents remettent au Parlement un rapport dans lequel ils rendent compte de leurs activités, leur administrateur général étant nommé par l'adoption de résolutions spéciales à la Chambre des communes et au Sénat. L'influence exercée par le pouvoir exécutif du gouvernement est minime, ce qui permet aux agents du Parlement de maintenir leur autonomie »661(*). Le Bureau du vérificateur général du Canada (cf. infra), le Bureau du directeur général des élections et le Commissariat à l'information et à la protection de la vie privée du Canada appartiennent notamment à cette catégorie.

La liste des 57 organismes ministériels (dont 6 agents du Parlement) figure à l'annexe I. 1. de la loi sur la gestion des finances publiques (LGFP) et dans le répertoire fédéral662(*).

(2) Les établissement publics et organismes de services (Departmental corporations and Service agencies)

Les 17 établissements publics (departmental corporations) sont des entités spécialisées créées en vertu de la loi et figurant à l'annexe II de la LGFP. Ils sont financés principalement au moyen de crédits budgétaires et par prélèvement de certains « frais d'utilisation », assimilables à des redevances663(*). Ils sont régis, en règle générale, par un conseil d'administration ou une autre forme de conseil de gestion664(*). L'Agence des services frontaliers du Canada, la Régie canadienne de l'énergie et le Conseil national de recherche du Canada entrent notamment dans cette catégorie.

Les trois agences de service (service agencies) rattachées à cette catégorie sont une forme d'établissement public établi par une loi spécifique pour exercer « une fonction hautement opérationnelle pour laquelle il n'y a pas de concurrence privée »665(*). Elles sont financées par des crédits budgétaires ainsi que par des frais d'utilisation. Les conseils d'administration de chaque agence de services et leurs responsabilités sont prescrits par la loi et, par conséquent, chaque agence dispose de différents niveaux d'autonomie666(*). Les trois agences de service existantes sont l'Agence canadienne d'inspection des aliments, l'Agence du revenu du Canada (administration fiscale) et l'Agence Parcs Canada.

(3) Les organismes de services spéciaux (Special operating agencies)

Les organismes de services spéciaux sont des « unités opérationnelles d'un ministère ou d'un organisme qui disposent d'une certaine latitude en matière de gestion, d'une indépendance et d'une responsabilité distincte. Leur fonctionnement est régi par un accord-cadre approuvé par le sous-ministre, le ministre responsable et le Conseil du Trésor, mais il n'est visé par aucune loi. Ces organismes ont un mandat clair et assurent des services facilement accessibles et reconnaissables qui font partie du cadre législatif du ministère. Ils sont considérés comme faisant partie du ministère d'accueil et non comme étant des entités juridiques séparées »667(*).

Le registre fédéral recense 12 organismes de services spéciaux dont, par exemple, l'Agence canadienne du pari mutuel, l'Agence de logement des Forces canadiennes et l'Office de la propriété intellectuelle du Canada668(*).

(4) Deux catégories d'organismes fédéraux à la frontière avec les agences
(a) Les tribunaux administratifs (administrative tribunals)

Les 29 tribunaux administratifs (administrative tribunals) sont définis comme des tribunaux spécialisés et indépendants du gouvernement qui exercent dans des domaines précis du droit669(*). Ils peuvent mettre en place des normes, réguler une activité économique ou déterminer certains droits et avantages légaux670(*). Ils sont généralement considérés comme moins coûteux que les juridictions, plus efficaces et innovants671(*). Les décisions de ces tribunaux sont susceptibles d'appels devant les juridictions de droit commun en respect du principe de « contrôle judiciaire » de la Constitution canadienne672(*). La juridiction d'appel compétente est précisée par la loi instituant le tribunal administratif. Par exemple, les décisions du Tribunal de la concurrence sont susceptibles d'appel devant la Cour d'appel fédérale en vertu de l'article 13 de la loi sur le Tribunal de la concurrence673(*).

En comparaison avec la France, ces tribunaux sont des organes « quasi judiciaires »674(*) qui exercent à la fois des fonctions de régulation d'un secteur et de règlement des différends. Au Canada, il n'y a pas de dualité de juridiction : l'ordre judiciaire connait les affaires de droit commun, tandis que les tribunaux administratifs connaissent les affaires de droit particulier qui ont été sorties du cadre de compétence des juridictions de droit commun par la loi. Cela concerne notamment le contentieux des marchés publics - qui est de la compétence du Tribunal canadien du commerce extérieur675(*) - comme du contentieux du droit de la concurrence - qui est de la compétence du Tribunal de la concurrence.

Les tribunaux administratifs canadiens ne sont pas à proprement parler des agences mais ils exercent des fonctions de régulation et de règlements de différends qui sont exercées par des autorités de régulation dans d'autres pays. Il s'agit donc d'un modèle hybride.

On compte dans cette catégorie notamment la Commission canadienne de sûreté nucléaire, la Commission des transports, l'Office des transports du Canada, le Tribunal canadien du commerce extérieur ou encore le Tribunal de la sécurité sociale676(*).

(b) Les sociétés d'État (Crown corporations)

Les sociétés d'État (Crown corporations) sont des sociétés commerciales appartenant à l'État. Elles mènent leurs activités selon un modèle propre au secteur privé, mais elles ont généralement des objectifs stratégiques qui sont à la fois commerciaux et publics. Les sociétés d'État mères sont des sociétés qui relèvent directement du gouvernement du Canada et sont créées au moyen de lois, de lettres patentes ou de statuts constitutifs en vertu de la loi canadienne sur les sociétés par actions (Canada Business Corporations Act)677(*). Elles sont extérieures à la fonction publique et ne sont pas soumises aux ressources humaines et aux politiques administratives des ministères678(*).

Elles sont dirigées par un conseil d'administration qui rend des comptes à l'État et un président-directeur général responsable pour la direction quotidienne de la société au nom du conseil d'administration679(*) .

Parmi les 44 sociétés d'État existantes, on compte notamment l'Administration canadienne de la sûreté du transport aérien, la Banque du Canada, le Musée des Beaux-Arts du Canada, la Société canadienne des postes et la société de transport ferroviaire VIA Rail Canada Inc680(*).

c) Le degré d'autonomie et d'indépendance des agences

Le degré d'indépendance des agences varie en fonction de leur nature et de leur mandat681(*). De manière générale, une agence est instaurée par une loi qui précise son degré d'autonomie et les responsabilités du ministre de tutelle682(*). Aussi, cette loi énonce l'obligation pour l'agence de suivre une procédure adaptée pour la prise de décision. Si cette obligation n'est pas énoncée dans une loi, les principes de common law s'appliquent683(*), notamment ceux de justice naturelle684(*) et d'équité procédurale685(*).

Les organismes de services spéciaux (special operating agencies), dans la mesure où ils sont intégrés aux ministères, ont un degré d'indépendance plus faible que les autres agences et organismes fédéraux.

Les régimes des organismes ministériels (departmental agencies), établissements publics et sociétés de la couronne sont quant à eux relativement similaires. Les ministres sont responsables d'un « portfolio », qui contient l'ensemble des organisations fédérales sous leur tutelle. La direction du portfolio doit encourager la collaboration entre les agences pour assurer la cohérence dans la mise en oeuvre des politiques du gouvernement. Le ministre est responsable de l'ensemble des organismes du portfolio devant le Parlement, dont les agences686(*) et les sociétés de la couronne687(*).

Aussi, les deux types d'organismes sont soumis à des contrôles, notamment sous forme d'audits internes, de programmes d'évaluation externes688(*) et de rapports annuels. Les sociétés de la couronne sont également soumises aux dispositions de la loi sur l'administration financière qui édicte des règles particulières en la matière689(*), ainsi qu'à l'audit du Bureau du vérificateur général du Canada au moins une fois tous les dix ans690(*).

Les tribunaux administratifs disposent quant à eux d'une plus grande autonomie691(*), même s'ils rendent compte de leurs activités au Parlement via un ministre responsable.

d) Les contrôles opérés par le Bureau du vérificateur général du Canada

Le Bureau du vérificateur général du Canada est une agence dont la mission fondamentale est le contrôle des ministères et de leurs agences, notamment en matière de comptabilité et d'information financière692(*), afin d'en rendre compte au Parlement. Il est régi par la loi sur le vérificateur général693(*) qui le place sous la tutelle du ministère des finances.694(*). Le Bureau du vérificateur général du Canada peut être considéré comme l'équivalent de la Cour des comptes française, en ce que les deux entités endossent le rôle de contrôle et de certification des comptes de l'État.

(1) Le vérificateur général du Canada

Le vérificateur général du Canada est nommé par le gouverneur en conseil après consultation et approbation par résolution avec les chefs des partis reconnus au Sénat et à la Chambre des communes. Actuellement, il s'agit de Mme Karen Hogan qui a été nommée en 2020 jusqu'à 2030695(*).

Afin d'assurer l'indépendance de l'agence, qui est inhérente à sa mission de contrôle, la vérificatrice générale est nommée de façon inamovible pour dix ans non renouvelables et ne peut être révoquée qu'après une procédure parlementaire696(*).

C'est la vérificatrice générale du Canada qui a le pouvoir de décider, discrétionnairement, quels secteurs du gouvernement seront audités. Le Bureau doit ensuite planifier, et ce plusieurs années à l'avance, les audits après une analyse des risques. Les commissions parlementaires peuvent également former des demandes d'audits, mais in fine, c'est la vérificatrice qui décide ou non d'y donner suite. Chaque année, 25 à 30 audits de performance sont réalisés697(*).

(2) Méthode d'audit

Pour mener à bien sa mission de contrôle, le Bureau effectue des audits législatifs, c'est-à-dire des audits mandatés par le Parlement à la vérificatrice générale du Canada. Il existe trois types d'audits législatifs différents :

l'audit de performance, qui est défini par le Bureau comme étant « une évaluation systématique, objective et indépendante de la mesure dans laquelle le gouvernement assume ses responsabilités et gère convenablement ses activités et ses ressources »698(*) ;

- l'audit d'états financiers, qui est un processus visant à « confirmer si les chiffres présentés dans les états financiers, ou toute autre information financière qui s'y trouve, sont raisonnablement exacts »699(*). Aussi, il doit déterminer si les opérations examinées lors de ses audits d'états financiers ont été réalisées conformément aux lois, règlements et règlements administratifs en vigueur, de même qu'aux statuts constitutifs des organisations700(*) en vertu de la loi sur la gestion des finances publiques701(*) ;

- enfin, les examens spéciaux des sociétés d'État, qui sont un audit de performance visant à « déterminer si les moyens et les méthodes de la société d'État lui fournissent l'assurance raisonnable que ses actifs sont protégés, que sa gestion des ressources est économique et efficiente, et que le déroulement de ses activités est efficace »702(*), en application de la loi sur la gestion des finances publiques703(*).

e) Le financement et le coût des agences

Le financement des agences704(*) et des sociétés d'État705(*) provient au moins en partie du budget fédéral. Leurs budgets sont inclus dans ceux des ministères ou prévus par la loi. Les tribunaux administratifs sont entièrement financés par l'État.

Des modes de financement alternatifs existent également. Par exemple, les agences perçoivent des revenus à travers les frais d'utilisation de leurs services et les sociétés d'État sont souvent auto-financées et lucratives706(*).

En l'absence de classification et de liste exhaustive des agences fédérales, il n'est pas possible d'identifier leur budget total. Cependant, le budget fédéral présente une liste des dépenses réalisées et prévues par organisme (ministère, principaux organismes et les principales sociétés d'État)707(*) à partir de laquelle il est possible de connaître les dépenses des principales agences. Les plans budgétaires annuels des ministères mentionnent également les agences dont ils sont responsables.

Les principales agences canadiennes et leur budget

Nom de l'agence

Statut

Dépenses exécutées
2022-2023

Agence du revenu du Canada

Agence de service

13,1 milliards CAD

(8,3 milliards €)

Gendarmerie royale du Canada

Organisme ministériel

5,8 milliards CAD

(3,9 milliards €)

Agence de la santé publique du Canada

Établissement public

5,8 milliards CAD

(3,9 milliards €)

Agence des services frontaliers du Canada

Agence dotée de la personnalité morale, mandataire de Sa majesté

2,6 milliards CAD
(1,6 milliard €)

Conseil national de recherches du Canada

Établissement public

1,5 milliard CAD

(1,0 milliard €)

Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie

Établissement public

1,4 milliard CAD

(892 millions €)

Instituts de recherche en santé du Canada

Établissement public

1,3 milliard CAD

(828 millions €)

Agence Parcs Canada

Organisme de service

1,2 milliard CAD

(764 millions €)

Agence canadienne d'inspection des aliments

Agence dotée de la personnalité morale, mandataire de Sa majesté

1,1 milliard CAD

(697 millions €)

Conseil de recherches en sciences humaines

Établissement public

1,1 milliard CAD

(697 millions €)

Source : Secrétariat du Trésor, https://www.canada.ca/fr/secretariat-conseil-tresor/services/depenses-prevues/plan-depenses-budget-principal/2024-25-budget-depenses.html, consulté le 10 avril 2025

f) Les réflexions sur l'efficacité du système d'agences
(1) La qualité des services publics

Dans les années 2010, la qualité des services publics708(*) et le lien entre l'administration et les administrés709(*) constituaient des préoccupations majeures pour le gouvernement.

Aujourd'hui, des critiques perdurent, sans pour autant que leur dégradation soit imputée spécifiquement aux agences. Tout d'abord, certains auteurs déplorent une bureaucratie de plus en plus lente du fait de la centralisation de l'action710(*). Ce mouvement s'explique par le climat politique actuel tendu, dans lequel la communication avec les provinces et les territoires est difficile. Ces derniers demandent à être davantage entendus.711(*)

Ensuite, l'État a cultivé une dépendance aux consultants externes pour pallier la complexité bureaucratique et gagner en efficacité. En effet, du point de vue du gouvernement fédéral, le recours au secteur privé pour mener des missions ponctuelles est apparu comme une solution pour contourner certaines lourdeurs administratives712(*). Cependant, cette solution est très coûteuse et fait l'objet de critiques. Par exemple, le cabinet de conseil KPMG a été missionné en 2022 afin de fournir des conseils au gouvernement sur la réduction du recours aux consultants externes notamment dans le domaine informatique. Cette demande paradoxale a fait l'objet d'un contrat d'un montant de 670 000 dollars canadiens (430 000 euros), suscitant une certaine indignation dans l'opinion publique713(*).

(2) L'inclusion des agences dans les objectifs de réduction des dépenses publiques

Comme dans la plupart des États qui y ont recours, les agences fédérales ont eu tendance à se multiplier au Canada. Leur nombre continue d'augmenter : en 2024, l'Agence de l'eau du Canada, auparavant intégrée au ministère de l'environnement714(*) a été transformée en agence à part entière ; par ailleurs, le gouvernement a annoncé, à automne 2024, la création d'un nouvel organisme chargé de mettre en oeuvre une future loi sur le respect du devoir de vigilance en matière de droits fondamentaux du travail dans les chaînes d'approvisionnement internationales715(*).

Les recherches n'ont toutefois pas permis d'identifier de volonté de réformer le système d'agences ou d'en réduire le nombre. Les réflexions sur les agences sont intégrées à celles sur l'évolution de l'administration publique fédérale dans son ensemble. Ainsi, les agences sont prises en compte dans les objectifs de réduction des dépenses publiques mais ne font pas l'objet de mesures ou de suivi spécifiques.

Par exemple, lors de l'examen du budget 2023, le gouvernement fédéral s'est engagé à réduire les dépenses publiques de 15,4 milliards de dollars canadiens (9,8 milliards d'euros) sur cinq ans716(*). Pour atteindre cet objectif, le gouvernement a proposé notamment de « réduire progressivement d'environ 3 % les dépenses admissibles des ministères et des organismes (ie. dont les agences) d'ici 2026-2027 »717(*). D'autres réductions sont prévues pour atteindre l'objectif, comme la réduction des dépenses affectées aux services de consultants externes et les déplacements, ainsi que des réductions au sein des sociétés d'État718(*).

De plus, dans l'« Énoncé économique »719(*) de l'automne 2023, le gouvernement fédéral a annoncé la volonté de renforcer ces efforts en économisant 4,8 milliards de dollars canadiens (3,1 milliards d'euros) supplémentaires en 2026-2027. Selon le gouvernement canadien, ces réductions ne devraient pas avoir d'impact sur la qualité des services720(*).

Dans l'Énoncé économique de l'automne 2024, le gouvernement a précisé que ces réductions de dépenses ciblent en priorité les domaines dans lesquels il y avait des « chevauchements, une faible optimisation des ressources ou un manque d'harmonisation avec les priorités du gouvernement. Un des objectifs consistait notamment à réduire les frais de déplacement et les coûts des services d'experts-conseils »721(*).

EXAMEN EN COMMISSION

MARDI 1ER JUILLET 2025

M. Pierre Barros, président. - Mes chers collègues, après pas moins de 64 heures de réunions plénières, nous voilà parvenus à la dernière réunion de notre commission d'enquête. Nous aurons reçu 91 personnes au cours de 41 auditions, auxquelles s'ajoutent 25 auditions au format rapporteur et deux déplacements dans le Val-d'Oise et dans le Loiret.

Il faut dire que le sujet était d'ampleur, puisqu'il portait sur 334 opérateurs, 1 153 agences et 317 organismes consultatifs - ce n'est pas rien ! La commande politique était importante, et le suivi médiatique a été soutenu.

Je tiens donc à remercier chacun d'entre vous de votre participation assidue aux travaux de cette commission d'enquête.

Il me semble que nous avons formé, Mme le rapporteur et moi-même, un tandem plutôt efficace. L'un des intérêts de l'exercice est de rapprocher les commissaires des différents groupes et de leur permettre de travailler ensemble.

Nous sommes allés au-delà des a priori extérieurs selon lesquels il conviendrait de réaliser des coupes à la hache, voire à la tronçonneuse. Nous avons réalisé un travail de qualité, qui apportera des réponses aux questions que peuvent se poser les administrations, qu'elles soient locales, déconcentrées ou centrales.

Nous avons formulé des préconisations fines, qui nécessiteront un travail de mise en oeuvre. Certaines ont un caractère politique, et l'un des objectifs de cette réunion est de les faire confirmer par l'ensemble des membres de la commission d'enquête.

Les conclusions sont à présent soumises à votre approbation. Vous êtes libres de nous faire part de vos remarques et observations. Mme le rapporteur a compilé celles que vous aviez déjà formulées et en a tiré 32 propositions de modification. Je vous proposerai d'examiner ces propositions dans l'ordre du rapport : si vous en êtes d'accord, Mme le rapporteur vous les présentera et, sauf opposition de votre part, elles seront intégrées au rapport sur lequel il vous sera demandé de voter en fin de réunion. Chacune de ces propositions est soumise à votre appréciation.

Je vous invite à faire preuve de précision dans vos remarques, car chaque mot a son importance. Certaines propositions ont pour objet de reformuler le texte du rapport pour le rendre plus explicite et moins soumis aux interprétations.

Les contraintes procédurales sont particulièrement fortes : dès ce soir débutera un délai de 24 heures durant lequel le Sénat a la possibilité de se constituer en comité secret pour, le cas échéant, s'opposer à la publication du rapport. La présentation du rapport à la presse et au public ne pourra avoir lieu qu'à l'expiration de ce délai, c'est-à-dire jeudi 3 juillet à 9 heures.

Permettez-moi de vous rappeler les conditions qui s'imposent à chacun d'entre nous.

Les travaux de la commission d'enquête sont secrets tant qu'ils n'ont pas été rendus publics. Aussi, aucune communication sur le contenu du rapport n'est possible avant l'expiration du délai permettant au Sénat de se constituer en comité secret, que ce soit par la voie traditionnelle ou via les réseaux sociaux.

Comme plusieurs d'entre vous, j'ai été sollicité par des journalistes qui souhaitaient recevoir le rapport, sous embargo, pour pouvoir l'étudier d'ici à la conférence de presse. Le cas échéant, il convient de les renvoyer vers les services du Sénat.

Par ailleurs, l'article 226-13 du code pénal prévoit des peines d'emprisonnement - un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende - en cas de divulgation, dans les vingt-cinq ans, d'informations ou de travaux non publics d'une commission d'enquête.

C'est la raison pour laquelle des exemplaires nominatifs vous ont été remis contre émargement et devront être remis au secrétariat de la commission à l'issue de la réunion.

Si vos groupes politiques souhaitent faire figurer formellement une contribution ou une position divergente, je vous invite à la transmettre au secrétariat de la commission d'enquête d'ici à vendredi à 12 heures. Cette contribution doit se limiter à quelques pages - il ne s'agit pas de doubler la taille du rapport.

L'étude de législation comparée sera intégrée dans le tome I du rapport, avec le compte rendu de notre réunion de ce jour - sauf si nous en décidons autrement. Les comptes rendus des auditions plénières, qui sont déjà disponibles sur le site internet, seront publiés dans un tome II.

Pour établir le rapport, nous avons mobilisé de nombreuses données publiques, mais nous avons également eu accès à des documents confidentiels des services de l'État, que nous avons mis du temps à obtenir.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Je m'associe aux remerciements du président et j'en viens sans plus attendre aux propositions de modification que je vous soumets cet après-midi. Celles-ci découlent des observations que vous avez formulées lors de la lecture de la première mouture du rapport.

La première proposition de modification vise à compléter le rapport en y insérant un avant-propos qui a vocation, comme la conclusion, à résumer le rapport dans un langage moins technocratique, si je puis dire. Je propose de vous laisser le temps d'en prendre connaissance au cours de cette réunion.

Les propositions de modification nos 2 et 3, rédactionnelles, sont adoptées.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - La proposition de modification n° 4 tient compte d'une remarque formulée par Agnès Canayer et Catherine Di Folco. Elle vise à mieux évaluer le coût administratif des contrats d'objectifs et de performance (COP) et des contrats d'objectifs et de moyens (COM) pour juger, à l'avenir, de leur pertinence.

La proposition de modification n° 4 est adoptée.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Le texte initial imposait aux commissions parlementaires de formuler un avis sur les COP et les COM. Or il me semble qu'il convient de leur laisser la liberté de le faire ou non.

La proposition de modification n° 5 est adoptée.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - La proposition de modification n° 6 tend à répondre à une demande de précision de Pauline Martin pour clarifier le fait que nous préconisons non pas de dupliquer le fonds vert à tout bout de champ, mais d'appliquer ses bons principes de gestion aux modalités de financement que l'on choisit : crédits déconcentrés, crédits fongibles, soutien des agences disposant d'une expertise technique, financement de l'État en faveur de l'ingénierie...

La proposition de modification n° 6 est adoptée.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Plusieurs d'entre vous avaient le sentiment que les préfets seront surchargés de travail si davantage de moyens ne leur sont pas accordés. La proposition de modification n° 7 vise à rappeler que, si des antennes déconcentrées de certaines structures sont supprimées, ce sera en faveur d'un renforcement des services préfectoraux. Les agents seront à la disposition du préfet pour l'aider à instruire les dossiers.

M. Pierre-Alain Roiron. - Il me semble qu'il y a une contradiction entre la rédaction initiale et celle qui est proposée.

Il était initialement écrit : « La demande sera ensuite dirigée vers les services chargés d'instruire le dossier, le cas échéant vers une agence si une compétence spécifique est nécessaire, avant la mise en paiement. »

Selon la nouvelle rédaction, cette demande « sera ensuite dirigée vers les services préfectoraux chargés d'instruire le dossier, renforcés par le transfert d'agents précédemment affectés dans les directions territoriales des opérateurs ». Et il est ensuite ajouté : « Le cas échéant, les services préfectoraux pourront solliciter l'expertise d'une agence si une compétence spécifique est nécessaire à leur analyse, avant la mise en paiement. »

Que signifie ce transfert d'agents ?

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Prenons le cas de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). Les agents de ses directions territoriales seront affectés aux préfectures, tandis que ceux de la direction nationale, dont le rôle est de définir des politiques publiques, se retrouveront plutôt dans les ministères.

Dans le cas de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), les agents qui travaillent au siège ont des compétences très spécifiques, dont la vocation est d'irriguer tout le territoire. Dans notre nouveau schéma, les agents des directions territoriales iront travailler auprès des préfets. Si, pour instruire le dossier, le préfet devait avoir besoin de l'analyse très précise de l'expert national, il pourrait solliciter son aide, même si celui-ci travaille toujours au siège de l'Ademe.

M. Pierre-Alain Roiron. - Ce n'est pas très clair...

Mme Ghislaine Senée. - Je ne suis pas sûre de sa rédaction.

M. Pierre Barros, président. - L'idée est simplement de renforcer les services préfectoraux sur l'instruction technique des dossiers, ce qui n'apparaissait pas assez clairement dans la rédaction initiale.

M. Michaël Weber. - Je suis également sceptique sur la rédaction, qui me semble davantage de nature à alourdir le texte qu'à l'alléger.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Mes chers collègues, si la seconde phrase de la proposition de modification vous pose problème, je vous propose de la supprimer.

La proposition de modification n° 7, ainsi modifiée, est adoptée.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - La proposition de modification n° 8 vise, à la demande de Ludovic Haye, à rappeler l'importance de centraliser le circuit de paiement pour lutter contre la fraude en citant les chiffres du manque à gagner estimé par les organismes de sécurité sociale.

M. Michaël Weber. - En quoi cette proposition serait-elle un paravent à la fraude ?

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Aujourd'hui, les organismes de prestations sociales ont des rôles bien séparés. Si l'Urssaf identifie un fraudeur, elle ne transfère pas automatiquement cette information à la caisse d'allocations familiales (CAF), sauf si elle estime que la fraude peut être reproduite au sein du système d'allocations familiales. L'unification du circuit de paiement, que nous proposons, permettrait de collecter plus facilement les informations et, ainsi, de déterminer si l'individu concerné n'a pas commis de fraude auprès d'un autre organisme. Au travers de cette proposition, nous visons, entre autres, le dépôt de relevés d'identité bancaire (RIB) auprès de plusieurs établissements, ce qui favorise les fraudes.

M. Ludovic Haye. - Ce qui était intéressant, c'est que les organismes de prestations sociales n'ont pas botté en touche lorsque nous les avons interrogés sur les montants de fraude. Ils ont facilement répondu à nos sollicitations sur ce sujet. Notre commission n'a pas vocation à définir précisément les milliards d'euros d'économies à réaliser pour chaque agence. Cependant, nous sommes parvenus à identifier 11 milliards d'euros d'économies, sur les 40 milliards d'euros demandés par le Gouvernement. Une chose est sûre, l'objectif de simplification que nous partageons tous ici devrait permettre aux organismes sociaux d'aller plus loin dans la lutte contre la fraude.

M. Michaël Weber. - Je comprends parfaitement la nécessité de lutter contre la fraude, y compris sociale, mais je ne vois pas pourquoi nous devrions passer par les agences. Nous pourrions aussi mentionner la fraude aux aides versées par l'Agence nationale de l'habitat (ANAH).

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - La fraude aux prestations sociales était seulement un exemple. L'audition des dirigeants de l'Urssaf et de la CAF, à laquelle nous avons procédé, visait seulement à mesurer l'efficacité du versement des aides sociales à un très grand nombre de bénéficiaires, via des systèmes complexes.

Mme Ghislaine Senée. - Le fait de mentionner la fraude aux prestations sociales alors que nous nous intéressons à la fraude commise auprès des agences de l'État engendre une confusion tendancieuse.

M. Christophe Chaillou. - Je partage, moi aussi, la nécessité de lutter contre la fraude, mais la confusion évoquée à l'instant par ma collègue Ghislaine Senée nuit à la cohérence globale et à la valeur pédagogique du rapport, qui s'écarte ainsi de l'objectif initial de notre commission d'enquête.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Je pense que nous pourrions nous en tenir au paragraphe initial, sans mentionner la fraude aux prestations sociales.

M. Ludovic Haye. - Veillons à ce que cette commission d'enquête ne devienne pas une montagne qui accouche d'une souris. Il me semble important de mentionner l'exemple de la fraude aux prestations sociales, d'autant que nos travaux sont beaucoup suivis, mais nous pourrions très bien le compléter avec celui de la fraude aux aides de l'ANAH.

M. Michaël Weber. - Nous sommes d'accord pour maintenir la première phrase du paragraphe que vous proposez d'ajouter au rapport : « Une meilleure lutte contre la fraude aux aides publiques apparaît en effet nécessaire afin de garantir un bon usage des deniers publics. » En revanche, nous rejetons la seconde partie du paragraphe, qui risque d'être utilisée par les uns et les autres selon leurs propres motivations.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Nous pouvons essayer de trouver une formule permettant de mentionner la fraude aux dispositifs de l'ANAH. Nous pourrions sans doute nous référer aux chiffres publiés par le Gouvernement ou aux annonces qu'il a faites en ce domaine.

M. Pierre Barros, président. - Compte tenu de ces observations, je vous propose de réserver cette proposition de modification pour en retravailler la rédaction un peu plus tard dans la réunion.

Le vote sur la proposition de modification n° 8 est réservé.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - La proposition de modification n° 9, qui résulte de nos échanges avec Pauline Martin, vise à renforcer la procédure d'attribution des aides aux collectivités, à l'instar du système de versement de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR). Ainsi, nous suggérons de confier à un comité d'attribution un pouvoir décisionnel pour fixer la ventilation des crédits.

Mme Pauline Martin. - Ce pouvoir décisionnel est important : le comité n'a pas vocation à émettre un simple avis !

Mme Ghislaine Senée. - J'observe que ce comité d'attribution est en partie composé de parlementaires. Sont-ils désignés en proportion des forces politiques en place au sein des deux assemblées ?

Mme Pauline Martin. - Un certain nombre de nos collègues seront nommés par le Sénat, en fonction de l'importance des groupes politiques.

M. Emmanuel Capus. - En principe, les membres doivent être désignés par le président du Sénat, sur la base de critères politiques et paritaires.

Mme Pauline Martin. - L'absence de pouvoir décisionnel est souvent un motif de frustration au sein de ce genre de comité. Il importe donc que les élus locaux en soient dotés, davantage que les parlementaires.

M. Pierre-Alain Roiron. - Quid du préfet ?

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Aujourd'hui, c'est le préfet qui a la main sur l'enveloppe des aides versées par l'Agence nationale du sport (ANS). C'est la raison pour laquelle nous proposons d'ajouter, comme pour la DETR, un comité composé d'élus locaux et d'acteurs de terrain pour décider de la répartition des crédits entre différents projets : salles des fêtes, gymnases, piscines intercommunales, etc. Il s'agit d'éviter que les services instructeurs ne prennent seuls leurs décisions.

Mme Pauline Martin. - Cette proposition de modification est la juste contrepartie au regain de pouvoir des préfets. Il convient que les élus aient aussi droit à la parole.

M. Jean-Marc Vayssouze-Faure. - Nous avons la volonté de simplifier les choses. Nous devons donc veiller à mettre en place un comité unique, comme pour la DETR.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - En effet, l'idée est bien d'avoir une seule enveloppe de financement.

Mme Ghislaine Senée. - Ce rapport renforce les pouvoirs du préfet, mais, avec cette proposition, il dirait aussi que les acteurs locaux, in fine, décideront seuls de la ventilation des crédits.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Non, des représentants de l'État et des acteurs locaux seront aussi présents au sein du comité.

Mme Ghislaine Senée. - Y aura-t-il un vote sur chaque attribution de crédit ?

Mme Pauline Martin. - Non, ce ne sera pas le cas.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - De toute façon, le préfet doit tenir compte de la majorité au sein du comité et, le cas échéant, adapter la procédure.

M. Pierre Barros, président. - Concernant la DETR, les débats sur la répartition des crédits ont lieu très en amont, si bien que la commission d'attribution se retrouve parfois à discuter des 10 % restants. En l'occurrence, la présente proposition de modification renforce la dimension démocratique du dispositif, même si elle pose la question de la juste représentation des toutes les forces politiques.

Encore une fois, comme nous renforçons le pouvoir des préfets, nous devons assurer une contrepartie.

M. Michaël Weber. - Le système de la DETR fonctionne d'une manière très différente d'un département à un autre. Dans certains départements, le préfet ne transmet pas les dossiers qui n'ont pas été retenus, y compris ceux de plus de 100 000 euros : ce n'est pas normal ! L'expérience n'est pas uniforme, nous le regrettons.

Nous nous réjouissons qu'un pouvoir décisionnel soit donné au comité d'attribution. Toutefois, nous savons que le bon fonctionnement du système dépendra de la répartition entre les élus et les représentants de l'État - nous avons déjà suffisamment de doutes sur la façon dont les commissions d'attribution de la DETR sont installées !

M. Jean-Marc Vayssouze-Faure. - L'attribution d'un pouvoir décisionnel est plutôt une avancée. Il faudrait vérifier si la commission d'attribution de la DETR en bénéficie déjà.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - La commission d'enquête se contente de fixer des grands principes. Elle a vocation à poursuivre ses travaux en élaborant une proposition de loi. Nous aurons donc le temps, d'ici là, de définir la forme juridique du comité et le nombre de membres qui y siégeront.

Dans le principe, nous savons que ce genre de système fonctionne, car nous avons fait l'expérience de la DETR, mais nous devons aussi tenir compte de l'ensemble des réserves qui viennent d'être formulées.

M. Christophe Chaillou. - J'approuve le dispositif qui nous est proposé, mais nous devons veiller à sa bonne articulation avec les dispositions législatives en vigueur. Dans mon département, j'ai interrogé la préfète concernant les modalités d'attribution du fonds vert. En l'occurrence, elle m'a répondu sèchement qu'elle prenait les décisions seule en ce domaine, sur la base des textes existants.

Mme Pauline Martin. - Idem dans mon département !

La proposition de modification n° 9 est adoptée.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Dans la proposition n° 10, nous proposons de supprimer l'ANCT et de renforcer les services préfectoraux départementaux, grâce au transfert des effectifs de l'agence.

M. Michaël Weber. - Entre le rapport soumis à consultation la semaine dernière et les propositions formulées aujourd'hui, nous constatons des différences notables, qu'il s'agisse de l'ANCT ou d'autres sujets. Nous déplorons la méthode employée, madame le rapporteur!

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - En réalité, c'est un problème de forme.

M. Michaël Weber. - Nous avons eu l'occasion d'évoquer cette proposition avant l'écriture du rapport. Or elle n'y figure toujours pas et vous nous demandez de l'introduire maintenant.

M. Michaël Weber. - Les territoires ont besoin d'ingénierie. Je reconnais que l'ANCT n'assure pas un soutien suffisant en ce domaine, mais je ne suis pas certain que sa suppression et le transfert de ses agents à la préfecture soient une bonne solution. Pour ma part, je voterai contre cette proposition de modification.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Nous avons achevé l'écriture du rapport mardi dernier, dans la matinée. La rédaction de cette proposition n'était pas finalisée. Ce sont bien vos remarques qui nous ont conduits à proposer de la transcrire, avec d'autres propositions, au sein du rapport.

Concernant l'ANCT, il ressort d'études que l'action de cette agence a surtout profité aux villes de grande taille, au détriment des petites collectivités. Dès lors, nous n'avons pas complètement atteint l'objectif qui avait été fixé.

Les représentants de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) ont indiqué à notre commission qu'ils sollicitaient la direction départementale des territoires (DDT) en lieu et place de l'ANCT.

Cela étant, il n'est pas question de supprimer toute expertise nationale. À cet égard, notez que nous n'avons formulé aucune proposition concernant le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema). Celui-ci possède des compétences techniques d'ingénierie qui n'ont pas vocation à être dévolues aux DDT. Un expert en matière de ponts peut très bien travailler dans l'Eure tel jour et se rendre dans l'Aveyron le lendemain. Ainsi, je ne vois pas pourquoi on solliciterait deux types d'acteurs sur la même problématique.

M. Pierre Barros, président. - Selon moi, quand on lisait le projet de rapport, même s'il n'était pas écrit noir sur blanc que l'ANCT devait disparaître, il était clair qu'était proposé le redéploiement de ses services au sein des administrations déconcentrées de l'État. Cela va mieux en le disant, sans doute, mais cela me semblait déjà clair.

M. Pierre-Alain Roiron. - J'ai passé deux heures à le lire la semaine dernière et je ne l'avais pas perçu du tout ainsi. Cela change donc un peu la donne.

Par ailleurs, faisons attention au renforcement des pouvoirs du préfet. Nombre d'entre nous avons été maires, nous savons que c'est l'interlocuteur le plus proche des élus locaux, mais soyons vigilants, car, derrière cette question se trouve celle de la décentralisation.

Je ne voterai pas cette proposition de modification.

M. Hervé Reynaud. - J'y suis, pour ma part, favorable. J'ai été maire et président de l'association départementale des maires, et je n'ai rencontré l'ANCT qu'une seule fois, alors qu'elle était dans le paysage, d'une certaine manière. Pour un maire rural, il est beaucoup plus simple d'entrer en contact avec cette agence dans le cadre des services de la préfecture qu'au travers de ses structures, qui souffrent d'une certaine lourdeur technocratique.

En outre, plusieurs collègues évoquent la disparition de cette agence, mais il s'agit bien plutôt d'un redéploiement dans les territoires. Une telle évolution me paraît opportune, car elle facilitera l'accès des maires à l'ingénierie.

En revanche, je suis d'accord avec la dernière remarque de M. Roiron, il s'agit d'une forme de déconcentration, qui exige, en regard, un mouvement de décentralisation.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Le rapport se conclut précisément sur ce point.

M. Hervé Reynaud. - On le sait, le préfet est extrêmement présent lors des divers évènements locaux. Sans doute, il doit être actif dans les territoires, avec toute la puissance et l'ingénierie de l'administration, mais les élus doivent aussi avoir leur mot à dire.

En tout état de cause, le redéploiement des capacités de l'Agence dans les territoires me semble aller dans le bon sens.

M. Pierre Barros, président. - Michaël Weber a raison, il ne s'agirait pas de perdre à la fois l'ANCT, ses agents et ses services, au travers d'une disparition sèche. Il n'est pas question de faire disparaître les politiques publiques en supprimant l'agence elle-même. C'est d'ailleurs le danger de ce rapport. Il convient donc d'être très précis dans la rédaction des préconisations, afin que la modification de l'architecture des structures mettant en oeuvre les politiques publiques n'entraîne pas la suppression de celles-ci.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Dans mon esprit, la suppression de l'ANCT n'entraînerait la suppression d'aucun de ses programmes - Village d'avenir, Petites Villes de demain, etc. -, cela ne correspond pas à l'objet de la commission d'enquête et cela figure clairement dans notre conclusion. On peut tout à fait ajouter une phrase indiquant que cette suppression n'emporterait aucune conséquence sur les politiques publiques mises en oeuvre par l'ANCT, et l'on pourrait citer quelques programmes à titre d'exemples.

Mme Ghislaine Senée. - Nous avons entendu des critiques sur l'ANCT. Pour ma part, je suis allée dans le Cantal, dans l'Isère et dans la Drôme, et j'ai entendu beaucoup de maires se réjouir que leur commune bénéficie des programmes Villages d'avenir ou Petites Villes de demain ; ils affirmaient en outre qu'ils avaient mis du temps à identifier l'ANCT, mais qu'ils reconnaissaient maintenant son utilité. Il faut donc bien étudier la question, notamment dans les territoires ruraux.

Je comprends bien qu'il ne s'agit pas de supprimer les politiques publiques concernées, mais on change, encore une fois, de braquet. Depuis 2010, on ferme les services déconcentrés, on allège les services préfectoraux, et désormais on veut renforcer le préfet ! Les collectivités se saisissent enfin des outils à leur disposition, elles entrent en contact avec l'ANCT et on propose de la supprimer !

Certes, cela peut simplifier l'accès aux dispositifs, mais cela concentre aussi les pouvoirs sur une seule personne. Or qui n'a jamais connu de mauvais préfet ? Dans certains départements, le préfet devient un acteur très politique, qui n'est confronté à aucun contre-pouvoir, au-delà des quelques garde-fous comme celui d'un pouvoir décisionnel proposé pour un comité comprenant les acteurs locaux. Beaucoup de maires ont le sentiment qu'ils seraient en capacité de prendre eux-mêmes leurs décisions plutôt que de passer par le préfet. Enfin, si l'on soumet cette idée aux préfets - je l'ai moi-même fait -, je ne suis pas sûre qu'ils se réjouissent de récupérer autant de responsabilités, car ils savent qu'ils serviront de paratonnerres.

On pouvait comprendre, à la lecture du projet de rapport, que l'ANCT allait être mise à mal, c'est vrai ; au moins, avec cette proposition de modification, les choses seront claires. Plus notre réunion avance, plus je pense que je ne voterai pas le rapport, mais je préfère que les choses soient claires et directes.

Je le répète, je regrette que l'on sape l'ANCT, qui a fait un travail important sur le terrain. On a besoin de stabilité !

M. Pierre Barros, président. - Ma commune est classée parmi les Petites Villes de demain, mais je n'ai jamais vu personne de l'ANCT. En revanche, la Banque des territoires, les services de l'État, eux, je les vois.

Sur la question de la responsabilisation des préfets, il y a une ambivalence. Tout le monde est surchargé de travail, mais des préfets qui ont travaillé à la création de l'ANCT nous ont dit eux-mêmes lors de leur audition qu'ils se retrouvaient responsables de décisions qu'ils n'avaient pas prises et dont ils ignoraient tout. Par conséquent, quoi qu'il arrive, le préfet est, comme le maire, en première ligne pour recevoir les critiques. Au moins, avec cette proposition, il sera au courant et pourra y répondre. Néanmoins, cela ne peut se faire à moyens constants au sein des préfectures.

On dispose maintenant d'un recul ; la politique, cela consiste aussi à reconnaître que quelque chose ne fonctionne pas et à revenir dessus, sans porter de jugement sur ceux qui ont pris les décisions en cause. Deux préfets à l'origine du projet, qui l'ont qualifié d'« opérateur d'opérateurs », sont critiques à l'égard de ce qu'est devenu l'ANCT, et cela reflète une réalité. C'est donc un sujet sur lequel il faut avancer et ce n'est pas qu'une question d'économies ; il s'agit de rendre les choses plus fluides, plus cohérentes.

M. Jean-Marc Vayssouze-Faure. - Quand j'étais maire de Cahors, j'ai bénéficié du programme Action coeur de ville, mais, il faut le reconnaître, on ne voyait pas l'ANCT.

Néanmoins, ne croyez pas qu'il suffise de répartir les agents de l'ANCT sur le territoire, les choses ne sont pas aussi simples ! Ces agents sont à Paris, ils ne débarqueront pas dans nos territoires du jour au lendemain. D'ailleurs, dans le cadre des programmes Action coeur de ville ou Petites Villes de demain, l'ingénierie est assurée par les intercommunalités, avec une participation de l'État. Il faudrait donc aller plus loin : peut-il y avoir une ingénierie qui ne soit pas portée par les collectivités ?

En outre, pour appuyer le propos de Michaël Weber, il y a un véritable risque à afficher une liste de suppressions d'agences. Cela pourrait être interprété comme la volonté de répondre à un objectif initial - supprimer un tiers ou deux tiers des agences - et c'est ainsi que le rapport sera compris. Les médias retiendront que la commission d'enquête propose la suppression de n agences, sans souligner la nécessité de disposer d'une ingénierie dans les territoires. S'il s'agissait de renforcer l'ingénierie territoriale en recourant aux moyens de l'ingénierie nationale, je serais pour ! Mais si l'on affiche des suppressions d'agences, c'est la seule chose qui restera dans les mémoires...

M. Pierre Barros, président. - Pour ma part, c'est ainsi que je comprends ce rapport. Il est vrai que celui-ci répond à une demande d'économies, mais ce qui y apparaît clairement - et il faudra le mettre en avant -, c'est la nécessité pour les collectivités de disposer d'une ingénierie accessible, selon une procédure simple ; c'est là que la passionnante question des ressources humaines intervient. Il faudra donc reconstituer ces services ; ce ne sera pas simple, cela prendra du temps, et nous proposons de le faire en centrant le dispositif autour du préfet, avec une ventilation par projet. Cela étant dit, vous avez raison, mon cher collègue, ce renforcement exigera des moyens nouveaux ; mais le rapport me semble clair à cet égard.

M. Jean-Marc Vayssouze-Faure. - J'étais plutôt favorable au projet de rapport, je suis également favorable à renvoyer ces pouvoirs vers le préfet, par souci de lisibilité, mais attention à ne pas dénaturer l'orientation initiale avec des éléments qui pourraient laisser penser que l'on accède finalement à la requête de la ministre des comptes publics, à savoir des économies et des suppressions d'agences.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Cette proposition de modification et les suivantes visent simplement à rendre clair ce qui était en filigrane dans le rapport et que j'avais évoqué lors de notre réunion d'orientation. Rien ne doit vous surprendre dans mes propositions de modification ; on peut être d'accord ou non sur le fond, mais rien de qui est dit n'est nouveau. D'ailleurs, j'avais envisagé d'insérer d'autres sujets, mais je me suis interdit d'aller plus loin dans mes recommandations, car il n'y avait pas eu d'auditions plénières sur ces questions.

La proposition de modification n° 10 est adoptée.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Ma proposition de modification n° 11 vise à tirer les conséquences de la mise en place d'un nouveau circuit d'aides pour Bpifrance. Il s'agit de la même logique que la proposition de modification n° 10.

La proposition de modification n° 11 est adoptée.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Au travers de ma proposition de modification n° 12, je souhaite indiquer que rien ne change pour le Cerema. Cet organisme a déjà bien réduit ses effectifs, en fusionnant ses onze structures.

Mme Pauline Martin. - Il faudrait tout de même qu'il ait une vision plus pragmatique...

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Il y sera contraint de toute façon, car le renforcement des tutelles s'appliquera aussi à lui.

Mme Pauline Martin. - Aujourd'hui, ses référentiels sont inapplicables et coûtent une fortune aux collectivités. Aucun maire n'applaudira aux actions du Cerema.

M. Pierre Barros, président. - Moi, je les trouve utiles. J'ai pratiqué le Cerema ; ses référentiels peuvent être adaptés sur le terrain. Mais il est intéressant d'observer que nous avons des expériences différentes des mêmes structures.

Mme Pauline Martin. - Cela doit dépendre des personnes que l'on a face à soi...

M. Pierre Barros, président. - En effet, mais on ne peut pas personnaliser à l'excès le rapport. La méthode et la rigueur intellectuelle dont cette commission d'enquête a fait preuve, en entendant des personnes assez différentes, ont permis d'avoir un avis assez éclairé, là où chacun pouvait avoir des avis différents sur telle ou telle agence. Référons-nous aux travaux et aux auditions de la commission pour nous forger un avis.

La proposition de modification n° 12 est adoptée.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Ma proposition de modification n° 13, qui concerne FranceAgriMer, vise à tirer les conséquences des nouveaux schémas d'attribution des aides.

M. Pierre Barros, président. - Les différentes agences agricoles que nous avons reçues sont historiques - certaines remontent aux années 1930 - et certaines choses sont restées telles quelles.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - En outre, suivant leur nature, les aides de la politique agricole commune (PAC) sont versées par FranceAgriMer, d'autres par l'Agence de services et de paiement (ASP) et d'autres encore par les régions. Une telle mesure permettrait de regrouper ces paiements. Aujourd'hui, un agriculteur peut avoir trois financeurs différents pour toucher des aides de la PAC.

Mme Anne-Sophie Patru. - En plus, ces aides ne sont pas versées à la même date, donc c'est illisible.

Mme Ghislaine Senée. - Il y a eu d'importants problèmes, au lancement de l'ASP, pour les versements des aides de la PAC et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader). Il s'agirait de transférer le versement des aides, des agences vers l'ASP, est-ce bien cela ?

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Nous avons pu consulter un rapport relatif à toutes les structures qui versent des aides et la partie relative à l'ASP était laudative, notamment pour ce qui concerne le contrôle interne et la mutualisation. Cette agence a donc probablement tenu compte de ses problèmes antérieurs, ce qui n'est pas le cas d'autres structures. Surtout, elle a des coûts de gestion du service public exemplaires.

Mme Ghislaine Senée. - Mais il ne faudrait pas casser une machine qui fonctionne bien.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Non, il n'est pas question de licencier les agents de FranceAgriMer ; ils renforceraient la structure de l'ASP, tout en mutualisant ce qui peut l'être.

La proposition de modification n° 13 est adoptée.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - La proposition de modification n° 14 d'Agnès Canayer, tirée de son expérience ministérielle, concerne les modalités de communication de la puissance publique. Par exemple, c'est la collectivité nationale qui finance la politique de petite enfance et de la famille, mais l'État est absent des opérations de communication, comme pour l'« ANCTour ».

Mme Ghislaine Senée. - Pour ma part, je suis allée à l'ANCTour à Dijon, c'était enthousiasmant. Nombre d'élus ont témoigné de ce qu'ils avaient mis en place.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Ils devaient être bien choisis...

M. Pierre Barros, président. - Si l'on faisait un « Banque des territoires Tour », cela fonctionnerait aussi...

L'ANCT communique bien, sans doute, mais l'État se vend mal. Les agences ont une politique volontariste de communication parce qu'elles ont compris que, pour exister, il fallait communiquer abondamment. L'État doit se reprendre en main, car il a disparu derrière les opérations de communication des agences.

C'est pour cette raison que, s'il y avait un « Banque des territoires Tour », on mesurerait l'importance de cet organisme, qui finance tous les programmes tels que Petites Villes de demain. Il est tout aussi légitime que l'ANCT, mais il s'efface derrière cette dernière, qui a une communication plus efficace. Je ne remets pas en cause la qualité du travail réalisé par cette agence, mais il y a un problème de fond : l'existence de l'État derrière les agences.

M. Pierre-Alain Roiron. - Pourquoi mentionner la CAF dans cette proposition de modification ?

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Agnès Canayer a été ministre de la famille, mais elle n'avait la main sur rien ! Tous les financements de la famille sont entre les mains de la CAF, qui est gérée par les partenaires sociaux.

Mme Ghislaine Senée. - Cela rejoint, me semble-t-il, le débat sur la réserve parlementaire : quand on ne finance pas, on n'est pas visible. Mais peut-être faut-il changer les règles et mettre en avant ceux qui oeuvrent plutôt que ceux qui paient.

M. Pierre Barros, président. - C'est bien ce qui se passe aujourd'hui : ceux qui oeuvrent sont très présents et communiquent beaucoup, et l'État, qui finance, ne semble pas exister.

Mme Ghislaine Senée. - En l'occurrence, c'est la CAF qui paie.

M. Pierre Barros, président. - L'exemple donné n'est peut-être pas tout à fait pertinent en effet.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Peut-être pourrait-on supprimer le paragraphe suivant : « Par exemple, lors de l'inauguration d'une crèche, il arrive que seul le président de la CAF représente l'État, sous prétexte que "seule la CAF paie". Or la politique familiale est avant tout portée par le ministre concerné. » Cela permettrait de garder l'idée qu'un ministre censé engager une politique publique peut ne pas avoir voix au chapitre.

Mme Ghislaine Senée. - Ce n'est pas normal. Si la ministre veut venir à une inauguration, elle le peut !

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Elle avait surtout le sentiment qu'elle n'avait la main sur rien.

Je propose donc de supprimer le paragraphe que j'ai cité.

La proposition de modification n° 14 de Mme Agnès Canayer, ainsi modifiée, est adoptée.

La proposition de modification rédactionnelle n° 15 est adoptée.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Je vous le disais précédemment, nous n'avons pas souhaité aller trop loin dans les préconisations sur des sujets que la commission d'enquête n'a pas étudiés de manière approfondie lors des auditions. C'est pourquoi je propose de donner des exemples de dysfonctionnements dans le domaine de la culture, notamment des centres nationaux.

Le traitement de ces centres ne peut pas être unique ; chaque centre national a vocation à soutenir une filière culturelle particulière et les problèmes diffèrent beaucoup de l'un à l'autre. Je propose donc d'illustrer cette question au travers de trois structures. Cela permet de tenir compte de ce que nous ont dit les deux ministres que nous avons interrogés sur la logique de la mise en réseau : des structures ayant le même titre, le même type de fonctionnement, doivent travailler en réseau. Je propose non pas des préconisations, mais une simple description factuelle.

Tel est l'objet de ma proposition de modification n° 16.

M. Pierre-Alain Roiron. - Attention à ne pas entraîner de coupes budgétaires, car ces centres nationaux aident beaucoup les territoires, par exemple de petits cinémas ruraux.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Il n'en est nulle part question dans cette proposition de modification, je vous rassure. Pour ce qui concerne le cinéma, par exemple, l'enjeu porte sur l'identification de la tutelle du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) sur la Cinémathèque française et la Fondation européenne pour les métiers de l'image et du son (Femis). Ce n'est pas le ministre de la culture qui exerce la tutelle sur ces deux derniers organismes, c'est le CNC, au travers d'une délégation de tutelle.

M. Pierre Barros, président. - C'est lié à l'histoire, car le CNC a préexisté au ministère de la culture.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Il y a une littérature abondante sur le sujet...

La proposition de modification n° 16 est adoptée.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Ma proposition de modification n° 17 découle de la précédente : il s'agit d'adapter les titres du rapport en fonction de la proposition de modification n° 16, qui vient d'être adoptée.

La proposition de modification n° 17 est adoptée.

Mme Ghislaine Senée. - La proposition de modification n° 18 vise juste à préciser que France compétences n'est pas incompétente au point d'être en déficit permanent ; simplement, elle subit les décisions de l'État.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Je pense qu'Emmanuel Capus, qui est avec vous rapporteur spécial sur les crédits de la mission « Travail et emploi », ne sera pas opposé à cette précision.

M. Emmanuel Capus. - Mon nom est cité dans une note infrapaginale, donc je ne peux que soutenir cette proposition...

La proposition de modification n° 18 est adoptée.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Ma proposition de modification n° 19 tend à écrire, noir sur blanc, ce qu'il adviendrait de l'Agence nationale du sport : nous proposons de supprimer cette agence, de réaffecter ses financements vers les dotations attribuées aux collectivités et d'affecter la gestion du sport de haut niveau vers l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (Insep), autre entité chargée de cette question avec le ministre des sports.

M. Pierre-Alain Roiron. - Les membres du groupe SER s'abstiendront sur cette proposition.

Mme Ghislaine Senée. - Moi aussi.

La proposition de modification n° 19 est adoptée.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Ma proposition de modification n° 20 porte sur les centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (Crous) et le Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (Cnous). Cette question a été abordée régulièrement au cours des auditions.

J'ai étudié comment fonctionnaient ces 27 entités juridiquement distinctes, mais qui sont fortement articulées les unes avec les autres. Je propose de recommander d'en faire un établissement unique, qui puisse avoir des instances régionales, notamment pour conserver les partenariats régionaux spécifiques.

M. Pierre-Alain Roiron. - Quel serait l'intérêt de cette suppression ?

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Il y aurait un gain du point de vue de la lisibilité, notamment comptable.

Figurez-vous que le site internet du Cnous est www.lescrous.fr. Son rapport d'activité présente, de manière agrégée, les comptes des 27 structures et n'évoque que le déficit global de celles-ci. Le rôle du Cnous ne consiste qu'à percevoir la subvention du ministère et de la ventiler entre les 26 Crous. Au demeurant, il y a des sites internet déconnectés du site www.lescrous.fr visant à traiter de politiques spécifiques, comme le logement étudiant, sur lesquels la première question porte sur l'académie dans laquelle on va étudier. Bref, ces structures sont déjà dans une logique forte d'intégration, depuis la fin de l'année 2023. Ils ont du reste adopté un système d'information des ressources humaines (SIRH) unique, avec des cadres d'emploi et des grilles uniques.

Objectivement, rien ne justifie de conserver 27 structures juridiques différentes alors que les comptes sont présentés de manière agrégée. En outre, le Parlement ne connaît, pour ce qui le concerne, que la subvention versée au Cnous...

Mme Ghislaine Senée. - Je m'abstiendrai sur cette proposition.

M. Michaël Weber. - Moi aussi.

M. Jean-Marc Vayssouze-Faure. - Je ferai de même.

M. Christophe Chaillou. - Idem.

M. Pierre-Alain Roiron. - Je voterai contre.

La proposition de modification n° 20 est adoptée.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Ma proposition de modification n° 21 porte sur la société par actions simplifiées (SAS) Pass Culture, qui doit devenir un opérateur. Au regard des travaux du Sénat sur ce sujet, je propose de préciser que la structure devrait être supprimée, de même que le volet individuel de ce dispositif, lequel constitue, pour simplifier, une subvention au manga. En revanche, il conviendrait de garder le volet collectif de ce pass, qui permet de faire bénéficier de la culture des publics qui en sont éloignés. On peut d'ailleurs se demander pourquoi ce dispositif n'est pas davantage sollicité par les services de l'éducation nationale ; la SAS Pass Culture communique principalement avec les recteurs et les directeurs académiques des services de l'éducation nationale (Dasen).

La proposition de modification n° 21 est adoptée.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - La proposition de modification n° 33 résulte d'une suggestion de Ludovic Haye.

M. Ludovic Haye. - Il s'agit de proposer de réinternaliser les missions de l'Agence française pour le développement et la promotion de l'agriculture biologique, dite Agence Bio, au sein des services du ministère de l'agriculture. La formule du groupement d'intérêt public (GIP) n'a pas permis de faire de l'Agence Bio une structure réellement cofinancée par plusieurs partenaires ni d'aboutir à la création d'une interprofession. Par conséquent, l'existence de cette agence qui ne gère qu'une petite partie du financement public à l'agriculture bio ne se justifie pas ; il conviendrait de se pencher sur son cas. Ses missions pourraient être aisément assumées par le ministère chargé de l'agriculture.

Il n'est absolument pas question de s'opposer à la politique publique en faveur de l'agriculture biologique ; seule la gestion des subventions est visée par cette proposition. Je propose donc que la commission recommande de supprimer l'Agence Bio en tant qu'entité distincte de l'État et de rapatrier ses activités au sein du ministère.

Mme Ghislaine Senée. - Je ne partage absolument pas ce point de vue. Lors de son audition, cette agence a expliqué clairement qu'il était nécessaire de sauvegarder son action. Plus tard, une fois les objectifs atteints, peut-être pourra-t-on la supprimer, mais, aujourd'hui, il faut absolument la conserver. Du reste, son contrat d'objectifs et de performance est très sérieux et exigeant.

Je suis contre cette modification.

M. Ludovic Haye. - Je le répète, il n'est pas question de supprimer les actions menées en faveur de l'agriculture biologique ; il s'agit simplement de réintégrer l'activité de cette agence au sein du ministère, dans un souci d'efficacité. La taille de la structure nuit à sa visibilité.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - C'est un GIP qui compte, de mémoire, une vingtaine de salariés. En outre, certains moyens sont déjà mutualisés, puisque l'agence est logée dans les locaux de FranceAgriMer. Les crédits de l'État en faveur du bio, de l'ordre de 700 millions d'euros, sont sans commune mesure avec ceux qui sont affectés à l'Agence Bio.

M. Jean-Marc Vayssouze-Faure. - Cela montre que cela ne changera rien de supprimer cette agence.

M. Ludovic Haye. - On peut supprimer le mot « suppression » et proposer une réinternalisation.

Mme Ghislaine Senée. - Non, il faut appeler un chat un chat.

M. Jean-Marc Vayssouze-Faure. - C'est bien la suppression qui sera retenue...

M. Pierre Barros, président. - C'est un sujet très politique, un totem. En tout état de cause, le ministère peut mettre fin très rapidement à cette politique. Par conséquent, le fait qu'elle soit mise en oeuvre par une agence ne la préserve nullement. Le ministre peut appuyer sur un bouton pour y mettre fin quand il le veut. Néanmoins, il est vrai que la lecture qui sera probablement faite de cette proposition sera que l'on veut mettre à mal la politique du bio.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Pour ma part, je suis plus gênée par l'emplacement de cet ajout. Il ne me semble pas opportun de l'insérer juste après la section intitulée « Savoir prendre acte de la fin de l'exercice d'une agence de mission », car, nous en sommes tous d'accord, la politique du bio n'est pas arrivée à son terme. Peut-être serait-il plus pertinent de l'insérer dans le paragraphe précédent, intitulé « Les agences de financement ne peuvent voir leur activité reprise par une structure à spectre plus large ». Or l'essentiel de l'activité de l'Agence Bio consiste à verser des subventions. Cela permettrait de montrer que l'on n'est pas contre la politique en faveur du bio et que celle-ci n'est pas achevée ; nous faisons simplement le constat que la structure est toute petite, qu'elle verse des aides simples, qui pourraient être versées par d'autres. On placerait donc cet ajout avant la section 4.

M. Pierre Barros, président. - Cette agence est assez peu opérationnelle, mais elle communique beaucoup. Or la communication est essentielle pour faire bouger les lignes sur ce sujet.

Mme Catherine Di Folco. - Pour apaiser les craintes qui s'expriment, peut-être pourrait-on proposer que l'intitulé du ministre de l'agriculture comporte la mention de l'agriculture biologique. Cela ne relève peut-être pas du rapport.

La proposition de modification n° 33, ainsi modifiée, est adoptée.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Concernant la proposition de modification n° 22, certains ont pu mal interpréter la recommandation visant à « confier la gouvernance de ce programme à une autorité centrale unique » et penser que nous préconisions la création d'une agence de surveillance des agences.

Nous avons donc reprécisé son sens : par exemple, certains ministères ont commencé à unifier leur service de paye. L'idée consiste donc à généraliser ce principe de bonne gestion, préférable à un éclatement des services des ressources humaines ou à une délégation du service de paye aux agents des finances publiques. La paye des agents du ministère de la transition écologique était préparée dans un grand nombre d'endroits différents avant le déploiement de ce système de paye unique.

Mme Ghislaine Senée. - Loin des milliards d'euros illusoires qui ont pu être annoncés, le rapport évoque quelque 550 millions d'euros d'économies de fonctionnement, en ouvrant la voie à une action publique plus lisible et performante.

Les difficultés de recrutement affectent à la fois l'administration centrale, l'éducation nationale, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière : dans ce contexte, expliquer que l'on va réaliser des millions d'euros de fonctionnement est contre-productif...

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Parlez-vous bien de la proposition n° 22 ?

Mme Ghislaine Senée. - Ces commentaires vaudront pour la proposition de modification n° 23, relative à la conclusion.

La proposition de modification n° 22 est adoptée.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - La proposition de modification n° 30 vise à préciser que le fonctionnement des missions de police de l'Office français de la biodiversité (OFB) serait calqué sur celle de la police des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), c'est-à-dire en confiant à l'État - via les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) - la vérification de l'application de la norme, ce qui permettra à l'OFB d'être un outil de mise en oeuvre des politiques de préservation de la nature, en ne se bornant pas aux aspects répressifs que certains lui reprochent.

La proposition de modification n° 24 vient ajouter un paragraphe relatif à la mutualisation du fonctionnement des agences de l'eau et rappeler que l'État doit fixer le montant des redevances acquittées pour l'eau, car il est question d'une compétence régalienne. Je rappelle que François Rebsamen s'était prononcé pour une évolution de ce type lors de son audition, même si c'était à titre personnel.

Mme Pauline Martin. - Nous avions plutôt préconisé un transfert vers les départements.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - J'y suis opposée, ma profession d'ingénieur me poussant à tenir compte du bassin hydrographique. J'ai poursuivi mes investigations en contactant des présidents d'agences de bassin qui n'étaient pas nécessairement du même bord politique que moi et qui m'ont indiqué que les financements sont davantage orientés vers les territoires ruraux que vers les zones urbaines, la péréquation étant assurée.

Le bassin hydrographique ignorant les frontières administratives, je pense qu'il est pertinent de disposer d'une agence de l'eau à cette échelle, ce modèle étant d'ailleurs plutôt salué au niveau européen. En revanche, j'ai bien pris note des critiques adressées à l'encontre de la gouvernance et des pouvoirs que s'arroge le conseil d'administration desdites agences, d'où ma proposition d'ajout.

M. Hervé Reynaud. - J'avais compris que le ministre avait fait référence à la décentralisation et à la perspective de donner la main aux élus locaux, ou du moins de leur donner la faculté de donner leur avis dans ce domaine.

Mme Ghislaine Senée. - Ce rapport se termine par une annexe qui ne concerne que des mutualisations, ce qui pose problème concernant des entités qui assument des missions environnementales. Cette démarche répond à une commande politique et les attaques contre l'ANAH et l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), très engagées dans la rénovation énergétique, envoient un message catastrophique. Je suis donc opposée au contenu de l'annexe 1.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Pourrions-nous vérifier les propos tenus par François Rebsamen lors de son audition ?

M. Hervé Reynaud. - Son expression a pu manquer de clarté par moments.

M. Pierre Barros, président. - Il ménageait la chèvre et le chou en déclarant que les collectivités et les élus étaient capables de s'entendre, avant de revenir quelques phrases plus tard sur cette affirmation.

En tout état de cause, le fonctionnement des agences de l'eau n'est guère satisfaisant. La gouvernance, notamment, est marquée par une forme de pouvoir des ingénieurs et des techniciens sur les élus, ce qui est problématique.

La proposition de modification n° 24 est adoptée.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - La proposition n° 25 vise à préciser que l'Ademe serait maintenue, mais dans un format très restreint : elle deviendrait l'agence de mobilisation des entreprises dans la décarbonation de l'économie.

La proposition de modification n° 25 est adoptée.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - La proposition n° 26 porte sur le Conservatoire du littoral, qui assume les mêmes missions que l'Office français de la biodiversité (OFB), à l'exception de la préemption foncière, compétence dont l'Office ne dispose pas.

La proposition n° 27 a trait à l'Établissement public du Marais poitevin (EPMP), qui ne compte que peu d'agents. L'EPMP dispose d'une compétence en matière de partage de la ressource en eau, qui relève de la compétence du préfet ; le directeur de l'EPMP est d'ailleurs le préfet coordonnateur de la zone. Si le maintien de cet établissement n'est donc pas justifié, nous prévoyons bien qu'un comité de gestion sera mis en place non pas pour traiter de questions budgétaires, mais pour débattre de la politique de l'eau et de l'avenir du marais.

Ensuite, la proposition n° 28 concerne le groupement d'intérêt public (GIP) Geoderis, qui est sans doute l'une des structures les surprenantes dans notre champ d'études puisqu'il a été créé pour faire travailler ensemble deux structures qui ne relevaient pas du même programme budgétaire, à savoir le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) et l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris).

Chaque équipe continue cependant à travailler dans ses locaux et, pour un effectif total de vingt-quatre ingénieurs et techniciens, le conseil d'administration compte onze personnes ! Nous avons donc là l'archétype des organismes superflus, ce GIP ayant sans doute été créé pour des raisons comptables.

De surcroît, Geoderis se penche sur l'évolution des eaux souterraines au changement climatique, ce qui s'inscrit parfaitement dans la centralisation des politiques de transition écologique que nous appelons de nos voeux.

La proposition n° 29 vise à préciser que le périmètre de plusieurs opérateurs existants - IGN, Ineris et Météo France - n'est pas modifié, mais que leurs fonctions support ont vocation à être mutualisées au sein du futur secrétariat général de la transition écologique (SGTE).

M. Michaël Weber. - Je ne suis pas opposé à la suppression de l'EPMP dans la mesure où il existe bien une superposition de structures dans ce territoire, mais je pense que le transfert de ses missions au préfet de la région Nouvelle-Aquitaine est une erreur. Je rappelle que l'EPMP a été créé par la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, ce qui était la conséquence de la fin du classement du marais poitevin en parc naturel régional (PNR). En outre, il me semble que Jérôme Bignon avait proposé que les missions de l'EPMP ne soient pas transférées au préfet de région, mais au PNR.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Le préfigurateur de l'EPMP était le préfet coordonnateur de bassin dès l'origine ; il est ensuite devenu le président du conseil d'administration...

M. Michaël Weber. - Le directeur de l'établissement de l'époque avait justement proposé cette disposition afin de ne pas perdre les acquis du PNR, d'ailleurs recréé par la suite sur le même territoire. Je ne suis donc pas persuadé que ce transfert de missions soit la meilleure solution.

M. Pierre-Alain Roiron. - Rappelons que deux régions sont concernées.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Le siège se situe en Vendée, alors que la majorité du territoire se situe dans la Vienne.

M. Michaël Weber. - Concernant le Conservatoire du littoral, je suis surpris que les conservatoires d'espaces naturels ne soient pas évoqués. Les conservatoires d'espaces naturels traitent de la partie terrestre, la question financière étant importante. En poussant le raisonnement, nous aurions pu suggérer de confier la gestion des réserves naturelles à l'OFB.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Les réserves naturelles relèvent pour la plupart des collectivités, et j'avais d'ailleurs remis un rapport d'information consacré au financement des aires protégées qui avait montré à quel point les compétences étaient enchevêtrées dans ce domaine. Dans le cadre de cette commission d'enquête, nous nous sommes concentrés sur les structures d'État, ce qui explique que seul le Conservatoire du littoral soit évoqué, et pas des structures régionales.

Je ne suis pas opposée, par ailleurs, à une modification de la proposition relative à l'EPMP.

M. Michaël Weber. - L'avant-dernier paragraphe n'est pas acceptable de mon point de vue. Lorsque le PNR du marais poitevin a été recréé, l'un des arguments portés par le Conseil national de la protection de la nature (CNPN) portait justement sur la superposition des dispositifs. Ce territoire présente une vraie spécificité.

Mme Catherine Di Folco. - Au lieu de supprimer le paragraphe en question, pourquoi ne pas faire référence à une évolution indispensable de la structure à l'avenir ?

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Remplaçons ce paragraphe par la simple mention : « Il conviendra de définir la structure reprenant les activités de l'établissement ».

Mme Catherine Di Folco. - Oui. De manière générale, les suppressions de structures qui sont évoquées ont-elles une valeur législative ?

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Elles figureront dans une proposition de loi qui reste à écrire.

Les propositions de modification nos 26, 27 ainsi modifiée, 28, 29 et 31 sont adoptées.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - J'en reviens à la proposition n° 8. Si nous conservons le paragraphe sur l'Urssaf, je vous propose de le compléter ainsi : « S'agissant des opérateurs de l'État, la ministre des comptes publics a indiqué le 17 juin dernier, devant la commission des finances du Sénat, que 20 % des montants versés au titre de MaPrimeRénov' en 2024 ont fait l'objet de fraudes avérées. »

La proposition de modification n° 8, ainsi modifiée, est adoptée.

M. Guillaume Chevrollier. - Je m'interroge sur la proposition n° 30 et le transfert de la police administrative de l'OFB vers les Dreal. Qu'en est-il de la police de la chasse ?

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Nos auditions ont montré que le rejet de l'OFB par les agriculteurs découle de leur sentiment de n'avoir affaire qu'à une structure répressive, tandis que les missions de prévention et de valorisation des politiques visant à protéger la biodiversité de cet organisme ont sans doute été oubliées.

La proposition est donc centrée sur les aspects liés à la vérification de l'application de la norme, et nous pourrions peut-être ajouter la formule « à l'instar de ce que les Dreal font pour les ICPE ».

La proposition de modification n° 30, ainsi modifiée, est adoptée.

M. Pierre-Alain Roiron. - Nous n'avons pas évoqué Atout France.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Une partie du rapport est consacrée à ces structures de soutien aux entreprises...

M. Pierre-Alain Roiron. - Ce n'est pas exactement la mission d'Atout France.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Elle remplit bien un rôle de soutien à la filière du tourisme.

M. Pierre-Alain Roiron. - Certes, mais elle contribue plus globalement à la politique touristique de la France.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Ladite politique bénéficie directement au secteur de l'hôtellerie, entre autres.

M. Pierre-Alain Roiron. - Ces agences ne disposent que de budgets très modestes par rapport aux structures équivalentes d'autres pays : j'ai été choqué par la faible place occupée par la France dans certains salons dédiés au tourisme, et toute diminution de leurs ressources me semble très difficilement envisageable.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Nous appelons plutôt les entreprises à augmenter leur contribution à ces structures.

M. Pierre-Alain Roiron. - Les collectivités locales, notamment par le biais de grands offices de tourisme des métropoles et des régions, contribuent également à cette politique.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Peut-être, mais le constat portait avant tout sur l'éclatement extrême de la politique touristique, portée à la fois par l'intercommunalité, le département, la région...

M. Pierre-Alain Roiron. - Atout France est centrée sur l'international.

M. Pierre Barros, président. - Nous avons auditionné les représentants de ces structures chargées du tourisme, qui nous ont indiqué qu'ils s'adapteraient à la situation.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Ils ont même indiqué qu'ils pourraient absorber une coupe budgétaire, à la condition d'en être informés en amont.

M. Pierre-Alain Roiron. - Atout France est privée de directeur général depuis huit mois et se trouve dans une situation ubuesque.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - La proposition de modification n° 32 concerne le titre. Nous vous proposons d'intituler le rapport ainsi : « Des agences repensées, une action publique renforcée. Gouverner mieux sans dépenser plus : coordonner, simplifier, mutualiser. »

Mme Catherine Di Folco. - « Gouverner mieux sans dépenser plus » signifie que nous n'allons pas chercher à faire des économies.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Nous avons bien identifié le fait que les milliards d'euros dépensés par les agences correspondent à autant de subventions versées aux entreprises et aux particuliers, en application d'une série de politiques publiques : sans remise en cause desdites politiques, les économies qui peuvent être réalisées en poussant la mutualisation de ces structures le plus loin possible sont de l'ordre de 540 millions d'euros.

Mme Catherine Di Folco. - Il me semble essentiel de faire apparaître cet objectif de recherche d'économies, et de ne pas nous limiter à un maintien des dépenses au niveau actuel.

M. Pierre Barros, président. - Je suggère le titre : « Une organisation de l'État repensée, une action publique renforcée », car notre rapport interroge l'organisation étatique au-delà de la seule problématique des agences.

M. Guillaume Chevrollier. - Un lien peut être établi entre le titre et la proposition de modification n° 23, qui porte sur la conclusion : nous savions que nous ne pourrions qu'esquisser quelques pistes, avec une attention particulière portée aux sujets environnementaux du fait de l'expertise du rapporteur sur le sujet. La formule « Des agences repensées » me paraît floue.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Je rappelle que les préconisations du rapport concernent de très nombreuses structures.

M. Guillaume Chevrollier. - Leur portée est parfois assez limitée. Je préférerais reconnaître la modestie de notre contribution, en soulignant l'immensité du chantier.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Ma première proposition ne comportait pas le mot « agences », mais cette solution paraissait problématique du fait de l'intitulé de notre commission d'enquête.

M. Pierre Barros, président. - Je ne suis pas convaincu par le sous-titre « Gouverner mieux sans dépenser plus », qui m'évoque le slogan mensonger : « Faire mieux avec moins d'argent. »

Mme Catherine Di Folco. - Une fois encore, l'objectif consiste à réduire les dépenses.

M. Guillaume Chevrollier. - N'oublions pas que le budget total des agences et des opérateurs s'élève à environ 80 milliards d'euros.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Je le répète, il s'agit de subventions. Si nous les supprimons toutes, nous réaliserons bien 80 milliards d'euros d'économies, mais cela signifierait une coupe très brutale pour les collectivités, les entreprises et les citoyens.

Il n'est en aucun cas question de 80 milliards d'euros de charges de fonctionnement : en la matière, le gisement d'économies avoisine 500 millions d'euros.

M. Bruno Rojouan. - Ces économies peuvent être considérées comme une première étape.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - C'est bien ce qui est mentionné dans la conclusion du rapport, en expliquant que des économies supplémentaires ne seront possibles qu'en endossant le choix politique d'arrêter telle ou telle politique publique, choix qui dépasse le mandat de la commission d'enquête.

Pour donner un autre exemple, les dépenses de communication des agences ne pèsent qu'une très faible part dans les 80 milliards d'euros évoqués.

Mme Catherine Di Folco. - Il s'agit d'adopter une sorte d'état d'esprit axé sur la recherche de l'efficience et la rationalisation, avec des économies sans doute limitées dans un premier temps. Nous pourrons peut-être en trouver davantage en continuant sur cette voie.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Il est bien question d'une première étape. Êtes-vous gênés par le fait que le titre fasse davantage référence à l'organisation de l'État et à l'action publique qu'aux agences en tant que telles ?

M. Pierre Barros, président. - Pour cette raison, le titre :« Une organisation de l'État repensée, une action publique renforcée » me semble plus conforme aux résultats de nos investigations.

Mme Ghislaine Senée. - J'ai une proposition : « Agencification : une méthodologie repensée pour une action publique renforcée. » Ce titre permettrait à la fois de faire état du phénomène observé et de proposer une approche.

Je ne vais pas voter ce rapport, mais je reconnais qu'il procède d'un véritable travail de fond et je suis même d'accord avec plusieurs de ses éléments. Je salue sincèrement le travail accompli ; dès les premières auditions, l'objectif fixé - engendrer des économies, mutualiser des services, fusionner, voire supprimer des agences - m'a paru difficile à atteindre, mais l'approche retenue, consistant à prendre de la hauteur pour imaginer une réorganisation des services autour de la notion de tutelle, était pertinente. Je me retrouve dans l'idée de reconstituer la culture de la tutelle ; il n'est pas normal que des agences définissent elles-mêmes leurs objectifs sans que le ministre ait son mot à dire.

Je suis également d'accord avec la volonté d'encourager l'évaluation et la comptabilité analytique, afin de mesurer l'efficacité des politiques publiques. Je n'ai pas d'objection non plus à la mutualisation des fonctions supports, même si je m'inquiète de la taille des agences ainsi constituées : si l'on reconcentre des missions au sein des ministères, j'espère que les grosses agences de communication n'emporteront pas tous les appels d'offres publiés. De même, pour ce qui concerne le pilotage, les COP et les COM représentent un travail colossal, leur préparation dure un an au bas mot ; les objectifs pluriannuels nécessitent un important travail de fond et je ne voudrais pas que le ministère finisse par externaliser auprès de prestataires privés la préparation de ces contrats, qui seraient trop nombreux pour être tous pris en charge par ses services. Soyons vigilants.

Je me suis demandé si je devais voter contre ce rapport ou m'abstenir. Ce qui va emporter mon vote contre, c'est le fait qu'il focalise ses propositions de rationalisation sur les agences qui touchent à l'écologie, à l'environnement, à la cohésion des territoires ; c'est sans doute lié à la particulière maîtrise de ces sujets par le rapporteur. Or l'ANCT, l'ANAH et l'ANRU conduisent des politiques majeures ; l'ANRU est le seul dispositif qui mette en oeuvre une politique de la ville réelle, concrète, qui améliore la vie des quartiers. Alors que nous vivons des journées de canicule, il me semble paradoxal de nous concentrer sur les agences environnementales !

C'est dommage, car ce travail de fond devrait être mené dans d'autres domaines. On ne peut pas se focaliser uniquement sur les questions d'énergie, car cela donne le sentiment que ce rapport ne vise qu'à répondre à la commande initiale : se débarrasser de l'Ademe, de l'ANCT, de l'OFB, de l'Agence Bio. Cela préjudicie au travail de fond réalisé...

Je voterai contre le rapport et je demanderai l'annexion d'une contribution écrite.

M. Michaël Weber. - Je salue également le travail accompli. Nous avions pressenti que ce ne serait pas simple et nos travaux auront été instructifs à maints égards.

Cela dit, nous ne pouvons pas être totalement satisfaits de ce qui en ressort. Au début de nos travaux, nous avions fait la liste des écueils à éviter, notamment le prisme purement économique. À cet égard, vous avez bien su distinguer, madame le rapporteur, les économies qui peuvent procéder des rationalisations proposées - vous les chiffrez à 550 millions d'euros - de celles qui procéderaient de réductions budgétaires extérieures, qui menaceraient les politiques menées par ces agences. J'avais le sentiment que c'était ce qui motivait la demande de cette commission d'enquête et, du reste, la presse s'était focalisée sur les économies promises par nos travaux - il faudra sans doute repasser pour les voir...

Par ailleurs, j'ai le sentiment que les politiques d'accompagnement des territoires seraient mises à mal par les recommandations qui figurent dans le projet de rapport. Ont ainsi été mentionnées l'ANCT, l'ANAH, l'ANRU. Autant je suis totalement favorable à la mise en place d'une porte d'entrée unique - encore faut-il qu'elle soit connue, et je ne suis pas certain que, pour les élus locaux, le préfet soit la plus évidente -, car le système actuel n'est pas satisfaisant, autant je crains que l'accompagnement des territoires en matière d'ingénierie ne perde en visibilité, voire en moyens. En effet, si les moyens sont transférés aux services déconcentrés de l'État, les réductions budgétaires seront plus faciles, car plus indolores. De surcroît, si les agences ne peuvent plus lancer d'appels à manifestation d'intérêt ou à projets, le préfet ne prendra pas la relève, car il aura d'autres choses à faire.

Je ne voterai donc pas ce rapport, malgré ses nombreux points très intéressants. Nous soumettrons également une contribution écrite. J'appelle de mes voeux la poursuite de ce travail. Je pense qu'une échéance de six mois était trop courte pour traiter ce sujet colossal.

Enfin, dernier regret : entre ce qui fonctionne imparfaitement et ce qui n'a aucun intérêt, aucune utilité, il y a un monde. Malheureusement, concernant la seconde catégorie, qui n'est certes pas source de beaucoup d'économies, il n'y a rien ou presque dans le projet de rapport.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - J'apprécie la proposition de Ghislaine Senée. Nous pourrions reprendre sa suggestion, « Agencification : une méthodologie repensée pour une action publique renforcée », auquel nous associerions le sous-titre suivant : « Coordonner, simplifier, mutualiser. »

La proposition de modification n° 32, ainsi modifiée, est adoptée.

Le titre du rapport, ainsi modifié, est adopté.

Mme Anne-Sophie Patru. - Le contexte dans lequel cette commission a été constituée ne se résumait pas à la situation de l'OFB, il s'agissait aussi d'identifier des économies budgétaires, dans le cadre de la quête de milliards d'euros qui nous occupera au cours des mois à venir. Néanmoins, assez rapidement, le rapporteur, dont je salue le travail, et le président ont recontextualisé le débat, en expliquant que, à moins de sabrer dans des politiques publiques, ce qui n'était pas l'objet de nos travaux, nous n'obtiendrions que des résultats de nature organisationnelle, donc des économies assez limitées. Le projet de rapport est conforme à nos objectifs et aux auditions menées.

Par ailleurs, une « coquille » ne fait pas une politique ; supprimer une coquille ne revient donc pas à supprimer une politique. Je reviens à cet égard sur la question de l'Agence Bio : sans doute, nous vivons à l'ère de la communication et recommander la suppression de cette agence ne sera probablement pas bien interprété, mais cela ne signifie nullement que le ministère de l'agriculture supprimera toutes ces politiques. Et cette logique s'applique à toutes les agences concernées.

Le groupe Union Centriste votera donc pour le rapport et assume sa position.

M. Hervé Reynaud. - Je tiens à mon tour à saluer le travail accompli.

Ce travail permettra d'apporter de la lucidité sur un sujet parfois présenté de manière caricaturale. Nous nous sommes plutôt inscrits dans une recherche d'efficacité que d'économies ; c'était nécessaire.

Pour autant, il faudra aller plus loin, notamment en matière de décentralisation. L'architecture actuelle a engendré une forme de recentralisation via les agences ; si, par-dessus le marché, certains ministères n'ont plus la main sur les politiques menées, cela en dit long sur la sédimentation bureaucratique et technocratique dont souffre notre pays...

Je n'ai pas trouvé dans le projet de rapport de recommandation concernant le Haut-Commissariat au plan, dont l'audition a pourtant été l'une des plus effarantes. À mon sens, il faudra programmer l'obsolescence des certaines agences - cela rejoint ce que nous disions sur les divers comités Théodule - et retoiletter régulièrement le système. Pour être sérieux, il faut faire ce travail non à la hache, mais au scalpel, en étant précis. Cela implique de remettre régulièrement l'ouvrage sur le métier, afin d'apprécier la pertinence des agences maintenues d'une fois sur l'autre. Il convient d'inscrire cette démarche dans la durée ; c'est tout l'intérêt de ce rapport.

Mme Catherine Di Folco. - Je ne répéterai pas ce qui a été dit de façon pertinente par les collègues.

Le travail a été extrêmement bien mené par Mme le rapporteur et M. le président. Vous avez indiqué en début de réunion, monsieur le président, que vous formiez un beau binôme ; c'est aussi le sentiment que l'on a.

J'espère que ce travail de six mois, considérable et fouillé, aura les faveurs du Gouvernement. Je salue la pugnacité de Mme le rapporteur : quand elle s'attelle à un sujet, elle va jusqu'au bout. Bravo ! Je souhaite vivement que ce travail porte ses fruits, qu'il soit reconnu à sa juste valeur et qu'il engendre de véritables mesures, avec le soutien du Gouvernement.

Les recommandations, ainsi modifiées, sont adoptées.

La commission d'enquête adopte le rapport ainsi modifié, ainsi que les annexes, et en autorise la publication.

M. Pierre Barros, président. - Permettez-moi de conclure nos travaux. Selon moi, il faut aborder tout travail avec humilité. Malgré le travail considérable qui a été accompli, malgré les moyens importants et tout le temps qui y ont été consacrés, ce rapport s'inscrit dans la continuité d'un travail commencé plus tôt et sur lequel nous nous sommes appuyés.

Ce qu'il adviendra ensuite de ce rapport - sera-t-il pris en compte ? respecté ? détourné ? - est encore un autre sujet, mais il nous appartient aussi de nous assurer qu'il soit respecté, qu'il ne finisse pas dans une armoire et qu'on ne lui fasse pas dire autre chose que ce que nous voulons.

Nous avons tâché de ne pas travailler au bulldozer, de conduire un travail fin, respectueux et inspiré par le sens de l'État. L'État, ce n'est pas rien ; l'État, c'est nous. Et les personnes qui travaillent en administration centrale, dans les services déconcentrés, au sein des collectivités, des agences et des opérateurs qui déploient des politiques publiques doivent être respectées. Comme le disait Jean-Louis Borloo lors de son audition, il s'agit de personnes qui travaillent beaucoup, avec engagement. On peut critiquer l'illisibilité d'un système, mais cela ne met nullement en cause l'engagement des personnes concernées ; cela tient à l'organisation.

Au travers de ce rapport est décrite une nouvelle organisation de l'État, dans le contexte du new public management, et, quand on le lit d'un point de vue territorial, avec le regard d'un directeur des ressources humaines, d'un agent comptable, je pense que l'on s'y retrouve, car il met le doigt sur la réalité quotidienne des personnes qui montent des projets, qui cherchent des financements.

Mais les politiques publiques sont tellement incarnées par les agences que, lorsque l'on essaie d'y toucher, on peut donner l'impression de remettre en cause les politiques publiques elles-mêmes. Les collègues qui se sont opposés au rapport l'ont dit, nous sommes face à des totems, qu'il sera compliqué de défendre ensuite.

Les agences avaient vocation à sanctuariser les politiques publiques, mais cela n'est pas pertinent pour le Parlement, car il adopte des budgets et rediscute régulièrement des politiques mises en oeuvre. En outre, nous démontrons dans ce rapport que la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) permet techniquement de s'inscrire dans un cadre pluriannuel. Sans sanctuariser une politique publique, on peut lui accorder le temps nécessaire pour se déployer au-delà de l'annualité budgétaire.

En d'autres termes, on souhaite préserver certaines politiques publiques du risque de remise en cause par les gouvernements successifs en constituant des agences, mais cela ne fonctionne pas. Au contraire, les exemples de l'Agence Bio ou de l'Ademe montrent que, si l'on veut faire tomber une politique publique, il suffit d'arrêter de la financer, qu'elle soit ou non portée par une agence. Cela ne règle donc pas le problème. On pense consolider une politique publique en les déportant vers une structure autonome, mais cette politique demeure liée au financement de l'État. L'enjeu n'est donc pas là ; l'enjeu est l'organisation de l'État : comment rendre les choses lisibles et démocratiques, comment impliquer l'ensemble des acteurs dans la décision.

À une certaine époque, on a essayé de démanteler les préfets de département, puis, face aux résultats catastrophiques, notamment pour les collectivités, on a tenté de rétropédaler. Dans ce cadre, redonner au préfet la responsabilité de la décision, avec les moyens adéquats, me semble constituer l'un des axes majeurs du rapport.

Sans doute, j'aurais pu m'abstenir - j'aurais tout de même eu du mal à voter contre -, mais il me semble nécessaire de dépasser, parfois, certains désaccords. Je ne suis néanmoins pas dupe, je sais comment ce rapport pourra être utilisé pour casser les politiques publiques, le service public et ses agents. Mais c'est un autre combat, que l'on mènera dans l'hémicycle.

CONTRIBUTIONS DES GROUPES

Groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky

Introduction - Libéralisme et service public : une incompatibilité éprouvée sur la durée

Revenir aux origines de l'« agencification », c'est d'abord s'intéresser à la naissance de ce mouvement, porté par une influence, celle du New Public Management appliqué au modèle administratif français.En important dans la sphère publique des méthodes et des référentiels issus de l'entreprise privée, cette logique a diffusé une culture de la performance, fondée sur une séparation de principe : d'un côté, des agences autonomes, cantonnées à des missions d'exécution ; de l'autre, une administration centrale, supposée assurer le pilotage stratégique et la tutelle.

Pourtant, cette ligne de partage, loin de clarifier l'action publique, a le plus souvent conduit à une prolifération d'entités, sans vision d'ensemble ni cohérence doctrinale. La diversité des statuts, l'hétérogénéité des missions et la complexité des financements -- relevées par la commission d'enquête -- traduisent ce morcellement des responsabilités qui rend illisible la place de l'Etat dans l'action publique. Citoyens comme parlementaires se trouvent confrontés à une constellation d'organismes, sans jamais pouvoir saisir la stratégie nationale. L'autonomie affichée des agences devient alors trop souvent un paravent commode à la déresponsabilisation.

??Le rapport met également en exergue l'absence de transparence et de lisibilité des flux budgétaires, liée notamment à une hétérogénéité des statuts de ces agences et opérateurs et à leur multitude. Or, il s'agit là d'une exigence démocratique élémentaire. Le rapport souligne utilement l'intérêt de publier et d'enrichir le « jaune budgétaire Opérateurs » sous format numérique et en open data, en élargissant son périmètre à l'ensemble des organismes publics nationaux et en affinant les données, afin de garantir un contrôle parlementaire effectif.

Plus largement, le groupe CRCE-K partage le constat de la commission : la banalisation de l'agencification « à la française » s'est trop souvent faite au détriment de l'égalité territoriale et de l'efficacité du service public. Renouer avec une doctrine d'ensemble devient donc indispensable : clarifier les missions, responsabiliser les acteurs, et réinternaliser chaque fois que cela est pertinent et plus cohérent. C'est à cette condition que l'État pourra redevenir pleinement ce qu'il n'aurait jamais dû cesser d'être : le garant exigeant et attentif de l'intérêt général, au service de toutes et tous, sur l'ensemble du territoire.

I- L'État brille par son absence : de l'affectation des moyens humains à sa doctrine d'agencification

Si l'on pousse jusqu'au bout la logique décrite précédemment, il apparaît clairement que le morcellement de l'action publique s'accompagne d'un pilotage lacunaire des moyens humains mobilisés. Tout encadrant, à quelque niveau hiérarchique que ce soit, ne peut que constater combien les constats dressés par la commission sont, à cet égard, aussi édifiants qu'inquiétants : l'État est aujourd'hui incapable de définir une doctrine cohérente de gestion de ses ressources humaines au sein de ces agences, opérateurs et organismes consultatifs qu'il a pourtant lui-même multipliés.

À sa décharge, la confusion qui entoure encore la définition du périmètre exact de ces entités n'est pas étrangère aux difficultés rencontrées. Mais derrière cette confusion administrative, c'est bien un déficit de volonté politique qui transparaît. Les auditions ont mis au jour une réalité pour le moins paradoxale : l'État ignore combien d'agents travaillent sous sa responsabilité, et ne sait pas davantage en mesurer le coût global. L'aveu de la ministre de la Fonction publique devant la commission est, de ce point de vue, sans appel : « L'ignorance du nombre d'agents publics travaillant dans les agences et opérateurs [...] ou encore l'incapacité de la DGAFP à connaître la part de fonctionnaires effectuant une mobilité au sein d'une agence ou d'un opérateur sont à ce titre symptomatiques du manque de vision unifiée de la part de l'État de l'ensemble de ses agents. »

Cette absence de pilotage se traduit, très concrètement, par des choix de gestion souvent contre-productifs. Sous la pression d'objectifs croissants, mais sans marges de manoeuvre adaptées, certaines agences se voient contraintes d'empiler des solutions précaires pour maintenir leurs missions. L'exemple de l'ADEME est, à cet égard, emblématique : pour répondre à l'extension de ses missions, l'agence a dû recourir à 93 équivalents temps plein en intérim, à un coût unitaire pourtant supérieur à celui d'un CDD, pour des missions limitées dans le temps -- alors même que le plan de relance s'étalait sur deux ans.

En outre, faute de doctrine claire et partagée, certaines agences n'hésitent pas à abandonner unilatéralement certaines missions, sans réelle concertation avec leur ministère de tutelle. Sans vision globale, sans stratégie de recrutement ni politique d'affectation lisible, l'État continuera à naviguer à vue, exposant ses agences et opérateurs à des impasses managériales aussi coûteuses qu'inefficaces.

Dans cette perspective, la question de l'attractivité de la fonction publique, bien qu'elle dépasse le seul cadre de la commission d'enquête, apparaît comme un corollaire incontournable. Revaloriser les carrières, fidéliser les compétences et sécuriser les parcours professionnels doivent redevenir des priorités stratégiques si, comme le préconise la commission, l'on entend réinternaliser certaines missions et les effectifs qui les portent. À défaut, la fragmentation actuelle continuera de masquer l'ampleur réelle des disparités entre services centraux, agences et opérateurs, faute de disposer de données consolidées, comparables et réellement exploitables pour le pilotage public.

II- Sur la sincérité et la faisabilité des économies annoncées par le gouvernement

Au-delà de ce constat, le groupe CRCE-K interroge la sincérité et la pertinence des modalités de réduction de la dépense publique exposées par la ministre chargée des Comptes publics devant la commission d'enquête. Comme le rappelle la page 207 du rapport :

« Le Gouvernement souhaite réaliser 40 milliards d'euros d'économies, dont la moitié environ sur l'État. Or, en comptabilité générale, les opérateurs ont reçu 77 milliards d'euros de financements publics (53 milliards hors établissements universitaires et de recherche), alors que la somme des produits régaliens de l'État était de 323 milliards d'euros. Un effort des opérateurs identique à celui de l'État représenterait donc une diminution de leurs financements de 4,8 milliards d'euros (ou 3,3 milliards hors universités et recherche). »

La commission d'enquête a d'ailleurs mis en évidence le mirage que constituerait une économie fondée exclusivement sur des fusions ou des suppressions d'entités, lesquelles, selon le rapport, ne représenteraient qu'environ 540 millions d'euros. Les économies ainsi brandies par le gouvernement ne pourraient donc être réalisées qu'au prix d'un rétrécissement assumé du périmètre des politiques publiques portées par l'État et ses agences. Le groupe CRCE-K s'y oppose résolument et tient à rappeler qu'il n'est pas dupe des tentatives de détourner ce rapport pour justifier de nouvelles coupes budgétaires ou des reculs du service public.

Certes, certaines pistes d'économies existent. Mais encore faut-il poser une question centrale : l'État dispose-t-il aujourd'hui des moyens réels de réinternaliser les missions concernées ? Et surtout, le gouvernement est-il prêt à créer les conditions pour que cette réinternalisation ne se fasse pas à moyens constants ou, pire, décroissants ?

Sans anticipation sérieuse, une telle stratégie risquerait de se traduire par une perte de compétences au sein de l'État et des collectivités, une vacance accrue de postes et, in fine, une dégradation du service rendu aux usagers. Il n'est pas inutile de rappeler que les ministères connaissent déjà un taux de vacance supérieur à celui de nombreux opérateurs.

En outre, depuis la réforme de l'administration territoriale de l'État (RéATE) et la loi La Modernisation de l'action publique (MAP) , la trajectoire des services déconcentrés -- marquée par un recul tendanciel des effectifs, l'érosion de réseaux techniques spécialisés et une perte d'attractivité statutaire -- a fragilisé la capacité de l'État à exercer les fonctions d'accompagnement. Dans de nombreux territoires, la raréfaction de l'ingénierie publique a favorisé le recours à des prestations privées, coûteuses et parfois déconnectées des réalités locales, accentuant ainsi les inégalités d'accès à l'expertise.

Ainsi, si la commission évoque la piste d'un moratoire sur la création d'agences, nous tenons à souligner qu'un tel gel ne saurait devenir un dogme intangible. La création de nouveaux services publics ou de nouvelles missions doit rester possible chaque fois que l'intérêt général l'exige. Nous mettons donc en garde : les opérations de fusions, suppressions ou redéfinitions de missions ne doivent jamais servir de cheval de Troie à une privatisation rampante .En d'autres termes, le besoin de rationalisation ne peut en aucun cas justifier que des pans entiers de missions de service public soient transférés au secteur privé sous couvert de simplification.

De même, le diagnostic sans appel du rapport engendre une autre question : Faut-il, pour autant, condamner en bloc tout recours aux agences ? L'impératif de cohérence ne saurait conduire à nier la fonction critique que certaines agences remplissent pour la République. L'ADEME en est l'illustration : c'est précisément grâce à son autonomie qu'elle exerce un rôle de «checks and balances républicain », produisant une expertise indépendante, établissant des diagnostics parfois à rebours des urgences politiques du moment et formulant des stratégies inscrites dans le temps long.

Ainsi le groupe rappelle qu'il ne souscrit pas à toutes les recommandations formulées : certaines recommandations visant l'ANRU, les agences environnementales et du logement ne semblent pas faire l'unanimité des élus locaux. De même, chacun s'accorde sur l'impératif de bifurcation écologique qui doit primer sur toute réorganisation de l'Etat.

Aussi, pour le groupe CRCE-K, le cap est clair : préserver durablement la capacité d'intervention publique, garantir la lisibilité budgétaire et restaurer la transparence de la dépense, sans céder à aucune dérive qui reviendrait à proscrire par principe le maintien ou la création de nouveaux opérateurs publics, dès lors que l'intérêt général l'impose.

Pour illustrer cette ligne de crête : s'agissant de la gestion du patrimoine immobilier de l'État, nous partageons l'objectif de sobriété foncière, particulièrement à l'heure des transitions écologiques, mais nous nous opposons à la recommandation visant à créer une foncière d'État, dont la logique patrimoniale court le risque de déposséder durablement l'État de ses leviers fonciers. À l'inverse, nous assumons notre engagement pour une politique industrielle et sanitaire ambitieuse, qui s'incarne notamment dans notre proposition de loi visant à instituer un pôle public du médicament et des produits médicaux, par la création d'un établissement public national capable de garantir, dans la durée, la souveraineté sanitaire et l'accès effectif aux traitements pour toutes et tous.

Ainsi, l'analyse oblige à refuser tout simplisme : les agences ne sont ni « bonnes » ni « mauvaises » dans l'absolu. Tout dépend des missions qui leur sont confiées, de leur mode de pilotage, de leur rattachement institutionnel, de leur transparence, et surtout du sens politique que l'on donne à leur action. Ce que révèle en creux la prolifération des agences, c'est l'absence d'une doctrine cohérente et assumée de l'État..

C'est bien là que le débat doit être replacé : non dans l'inventaire comptable de doublons ou dans le mirage d'économies mécaniques, mais dans l'exigence de refonder une architecture républicaine de l'action publique. Le groupe CRCE-K ne revendique pas une recentralisation dogmatique, mais bien une repolitisation de l'action publique, c'est-à-dire une redéfinition assumée des finalités collectives de l'État, fondée sur les principes d'égalité, de solidarité, de planification démocratique, de justice sociale et de transition écologique..

Conclusion : quelle nouvelle organisation pour des services publics, en cohérence avec les besoins des Français ?

Le rapport souligne pour réfuter l'idée d'économies réalisables à périmètre constant, que « l'enjeu véritable, en termes d'économie, porte sur le périmètre des politiques publiques portées par des opérateurs et agences d'intervention ». Autrement dit, faire des économies reviendrait, in fine, à réduire ou supprimer des missions essentielles de service public. Pour le groupe CRCE-K, si cette logique portée par le gouvernement Bayrou venait à prévaloir, elle serait totalement inacceptable : notre pays n'a pas besoin d'abaisser ses ambitions collectives, mais au contraire de mobiliser des investissements massifs pour construire l'avenir.

La moitié des effectifs employés dans les agences et opérateurs se trouvent dans les universités et les centres de recherche publics : or, comme le rappelle François Ecalle, président de l'association Fipeco, auditionné par la commission d'enquête, « les dépenses affectées à l'enseignement supérieur et à la recherche ne sont pas particulièrement élevées en France ». Ces dépenses sont par ailleurs des dépenses d'avenir, essentielles au développement de la France de demain. De même, le choix d'envisager de réduire le périmètre de l'Ademe doit être bien pesé. Cette décision est-elle compatible avec les conclusions du rapport Pisani-Ferry/Mahfouz, qui estime les investissements en matière de transition écologique à hauteur de 66 milliards d'euros, dont 25 à 34 milliards de dépenses publiques ?

Le groupe CRCE-K propose également qu'il soit mis fin à la politique de démembrement de l'État. L'agence, l'opérateur, ne doit plus être la réponse systématique au moindre problème rencontré au plus haut niveau de l'État. « L'essentiel est de ne pas créer une agence pour régler le moindre problème : c'est malheureusement l'un des travers de notre administration et de l'État français » comme l'a rappelé Christian Charpy, haut fonctionnaire qui a conduit la fusion entre l'ANPE (Agence nationale pour l'Emploi) et l'Assédic (Association pour l'emploi dans l'industrie et le commerce).

Par ailleurs, le groupe CRCE-K note que le renforcement de la tutelle du préfet sur les agences dans les territoires constitue une avancée. Il faut toutefois faire attention à ne pas aller trop loin, au risque de produire une nouvelle tutelle centralisatrice de l'État.

Enfin, le groupe CRCE-K affirme son attachement à un État décentralisé, fort et stratège, qui planifie, régule, aménage et prend soin de toutes et tous. Cet État est le garant de l'égalité républicaine. Les dernières lois de décentralisation ont toutefois contribué à éloigner les représentations de l'État des citoyens, en renforçant les dynamiques de régionalisation et de métropolisation. Les sénateurs du groupe défendent au contraire des services publics partout et pour toutes et tous.

La logique comptable s'est désormais imposée partout. Pourtant, contrairement à la doxa libérale, la croyance dans la réduction des dépenses publiques a des conséquences néfastes sur la vie de nos concitoyens. Elle se couple à un désengagement de l'État, qui se défausse de certaines de ses responsabilités sur les collectivités territoriales. Se faisant, comment assurer un développement équilibré sur tous les territoires ? L'État met au contraire en concurrence les collectivités entre elles, en multipliant les appels à projets, comme constaté lors de certaines auditions d'agences et opérateurs. Aujourd'hui, les appels à projets écrasent tout. Comme l'explique le sociologue Renaud Epstein, ils sont devenus « l'instrument banalisé de distribution des crédits dans les territoires ». « L'Etat alloue ces ressources exceptionnelles par le biais d'appels à projets concurrentiels. Pour l'Etat, il y a de multiples intérêts : cela respecte le principe d'autonomie proclamé par les lois décentralisatrices, cela permet à l'Etat d'être sélectif, d'éviter le saupoudrage pour ne soutenir qu'un nombre réduit de projets ». Il ajoute que « l'appel à projet a radicalement changé les logiques de territorialisation ». Cependant, toutes les collectivités territoriales n'ont pas les ressources pour y répondre. L'échelon communal et l'échelon départemental sortent donc très affaiblis et menacés par ces évolutions. Dès lors, le groupe CRCE-K soutient la sauvegarde d'échelons de proximité. Il appelle aussi à substituer à une logique purement comptable une logique de solidarité territoriale.

Il est ainsi urgent de renforcer la place des communes et des départements. Les sénateurs du groupe rappellent par ailleurs leur attachement à la clause de compétence générale des communes et des départements. Ce couple est un pilier de la République de proximité, qu'il faut préserver et développer. Les communes ne doivent pas devenir des sortes de « territoires de seconde zones », loin des régions ou des métropoles qui concentreraient elles tous les pouvoirs.

Le groupe CRCE-K demande au gouvernement de travailler à la mise en place d'une nouvelle organisation de l'État. L'État doit redevenir un véritable partenaire des élus locaux. La décentralisation, pour tenir ses promesses démocratiques et d'efficacité, doit donc impérativement s'appuyer sur une déconcentration sincère et ambitieuse de l'État. Une telle articulation est la condition pour garantir aux collectivités locales des marges de manoeuvre réelles, tout en préservant la cohésion nationale et l'égalité entre les territoires.

Groupe Écologiste - Solidarité et Territoires

Contribution de Ghislaine Senée, pour le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires

Agences et opérateurs de l'Etat : le thermomètre n'est pas la maladie !

Introduction

La commission d'enquête sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l'État, présidée par Pierre Barros et rapportée par Christine Lavarde, a mené un travail rigoureux, autour de nombreuses auditions et demandes de données. Le rapport final objective la réalité des conditions d'organisation et de financement des agences. Il permet notamment de lever nombre de fantasmes sur les viviers d'économies possibles. Si nous partageons certains constats et propositions faites sur le pilotage, l'évaluation et la nécessité de renforcer la culture de la tutelle, nous déplorons que le rapport final amendé cède aux demandes démagogiques du groupe LR de suppression d'un certain nombre d'agences, couplées à des suppressions de postes dans les fonctions support, dans le seul but de faire des économies.

1. Apports du rapport : des constats partagés sur la gouvernance et une objectivation des données sur les coûts

1.1. Renouer avec une tutelle de confiance

L'Etat doit s'atteler à renforcer le pilotage de ces structures et à re-développer la culture de la tutelle. Si l'élaboration de contrats d'objectifs et de performance (COP) ou de contrats d'objectifs et de moyens (COM) sur une période de 5 ans doit bien être systématisée, ces contrats doivent s'établir dans le cadre de relations de tutelle interne, sans recours à des cabinets de conseil. Une fois ceux-ci signés, l'Etat doit respecter le cadre adopté et ne peut abandonner ses engagements financiers en cours de programmation. Le respect de ces engagements financiers est de nature à redonner confiance aux agents, dans un contexte de défiance vis-à-vis de leur travail.
Ainsi, l'Agence Bio - dont l'objet est de promouvoir l'agriculture biologique et d'accroître les débouchés des agriculteurs et paysans labellisés - a signé un COP avec son ministère de tutelle pour la période 2024-2028. Pourtant, dès 2025, soit à peine un an après la signature du COP, le gouvernement a fait le choix de supprimer 64% des crédits, en cours d'exercice, pour des raisons strictement politiciennes. Outre les effets climatiques et sanitaires d'une telle décision, cela remet en cause la crédibilité de l'Etat dans la capacité de pilotage et de gestion de l'ensemble des agences.

Sur le plan méthodologique, nous souscrivons aux orientations générales proposées, qui visent à redonner de la cohérence à la gouvernance des agences et opérateurs de l'État. Le retour de la culture de la tutelle doit être fondé sur une relation de confiance, mais exigeante, appuyée sur des outils d'évaluation rigoureux et réguliers. Cela suppose la généralisation de documents stratégiques pluriannuels adossés à des échéances de réexamen, voire de date d'extinction, permettant de réinterroger périodiquement l'utilité et la performance des dispositifs.

La comptabilité analytique constitue un levier essentiel pour apprécier la soutenabilité et la pertinence des actions menées ; elle permet également d'objectiver les débats et de répondre de manière argumentée aux critiques formulées à l'encontre des agences.

2.2. L'efficience réelle des agences, loin des fantasmes budgétaires

La résolution du groupe Les Républicains tendant à la création de cette commission d'enquête insistait sur deux points : le vivier possible d'économies et la lutte contre le surcroît de normes générées par ces agences et opérateurs. Après 6 mois de travail dense, le rapport démontre l'invalidité de ces deux hypothèses.

Les élus Les Républicains invoquent depuis plusieurs années les “nombreuses économies” potentielles sur les agences, ne serait-ce qu'en termes de ressources humaines. Pourtant, le rapport démontre que ces structures ne sont pas des gouffres financiers en fonctionnement - c'est-à-dire en coûts de personnel et de structure - et font preuve, au contraire, d'une réelle efficience dans la gestion des crédits d'intervention. Ces agences mettent en oeuvre les politiques publiques décidées et cadrées par le gouvernement, validées par le parlement. Les économies de fonctionnement apparaissent comme très modérées et ne sauraient, contrairement à ce qu'on peut entendre dans les débats autour des agences de l'Etat, résoudre le problème de déficit de l'Etat français.

Dans le cas de l'ADEME, avec le fonds chaleur, l'agence est chargée d'instruire les demandes, en appliquant les règles fixées par le législateur. Le rapport de la commission d'enquête confirme la bonne gestion des dispositifs délégués à l'ADEME et son rôle indispensable dans le conseil aux collectivités sur les actions en matière de politique climatique.

Le groupe Les Républicains considérait que les agences “génèrent une complexité normative toujours croissante, voire une insécurité juridique, dont la charge finale repose généralement sur le citoyen, l'usager ou encore les acteurs des activités régulées”. Le rapport final ne permet pas d'étayer la création de normes nouvelles par les agences. Leur rôle est de mettre en oeuvre, pour l'Etat, les politiques publiques et souvent de manière territorialisée. Si un acteur n'obtient pas la subvention qu'il sollicite, cela s'explique davantage par le non-respect des critères fixés par le législateur que par une surproduction de normes définies par l'agence gestionnaire.

2) Réserves et mises en garde : quand la rationalisation devient un prétexte à l'affaiblissement

2.1. La recentralisation préfectorale : une fausse bonne idée

Le transfert de compétences des agences vers la préfecture renforce les pouvoirs des préfets et le spectre de leurs missions. Si cette centralisation vise une meilleure lisibilité administrative, voire parfois une plus grande efficacité, celle-ci s'accompagne d'une pression croissante sur les services préfectoraux, déjà fortement mobilisés. Depuis les réorganisations engagées à partir de 2010, les services déconcentrés ont connu un affaiblissement progressif : diminution des moyens humains lors des réformes successives et complexification des chaînes de décision. Ce mouvement, loin d'être neutre, est le reflet d'un phénomène plus large de recentralisation, dans un contexte de montée en charge considérable du rôle du préfet.

Ce dernier se retrouve aujourd'hui à la croisée des injonctions, en situation de devoir arbitrer, instruire, déroger et parfois trancher seul, sous forte contrainte temporelle et politique.

Il est illusoire de penser que le transfert des agents et de leurs compétences au niveau des préfectures et sous-préfectures des départements se fasse sans encombre ni perte. Il est à déplorer un risque de perte d'expertises, alors même qu'il est déjà difficile de pourvoir les postes d'experts techniques dans la fonction publique du fait du manque d'attractivité des salaires. La stabilité de l'emploi, dont on voit ici qu'elle est passablement mise à mal, n'est plus un critère déterminant. Reconstituer des services déconcentrés experts dans des domaines techniques - transition écologique, développement rural, expertise technique en matière d'aménagement - apportant une ingénierie de proximité et une capacité d'analyse, dans tous les départements de France, n'est pas garanti.


À cela s'ajoute une instabilité liée au renouvellement fréquent des préfets, parfois dicté par le rythme politique national, qui peut engendrer une perte de connaissances du terrain et des acteurs, des changements de méthodes, des pertes en efficacité et des incompréhensions avec, in fine, un risque d'immobilisme pour certains territoires.

En outre, la volonté de renforcer le pouvoir dérogatoire du préfet engage sa responsabilité de façon inédite, et ne doit en aucun cas devenir un prétexte pour les élus locaux afin de se protéger de leurs propres responsabilités. Il est impératif de clarifier les chaînes de responsabilité et de doter les préfets de moyens humains et techniques à la hauteur des missions qui leur sont confiées. Par ailleurs, la mise en place d'outils de régulation et d'une instance de médiation entre niveaux de décision apparaît nécessaire pour préserver l'équilibre institutionnel et garantir la continuité de l'action publique.

2.2. Fusions précipitées, le mythe de la simplification : des restructurations coûteuses et contre-productives

Fusionner pour fusionner est rarement efficace et la réduction de coûts de structure attendue n'a jamais été démontrée dans les faits. De nombreuses agences sont nées de fusions ces dernières années. De tels processus entraînent des restructurations importantes qui perturbent le travail des opérateurs dans leur mission première, qui doit rester la conduite des politiques publiques. Non seulement ces fusions s'exercent sur un temps très long mais elles forment également un détournement de moyens, qui devraient être dédiés à la mise en oeuvre de politiques publiques. Multiplier ces fusions pourrait conduire à une grande désorganisation, à l'heure où nous avons, au contraire, besoin que les différents opérateurs de l'Etat exercent leurs compétences pleinement.

S'il est évident que les doublons ne peuvent perdurer dans un contexte budgétaire contraint, force est de constater que la commission d'enquête a peiné à en identifier.

Nous ajoutons notre grand étonnement face à la proposition d'indemniser les élus siégeant dans des conseils d'administration des différents organismes d'Etat, les élus percevant déjà une indemnité pour exercer leur mandat.

Une telle mesure apparaît non seulement contraire à l'objectif de maîtrise des dépenses publiques, mais également susceptible d'être porteuse de dérives.

3) Dérives démagogiques et trumpisme sénatorial

3.1. Le populisme budgétaire comme masque du climato-négationnisme

La qualité du rapport est dénaturée par les recommandations, ajoutées en dernière minute, qui répondent à une commande politique claire : affaiblir, voire démanteler, les agences qui interviennent sur les questions environnementales. Nous, groupe écologiste, regrettons que le seul domaine d'action publique qui fasse l'objet d'une réorganisation intégrale soit celui des politiques de transition écologique et de lutte contre la crise climatique. Symboliquement, le fait que la première annexe soit dédiée à ce sujet n'est pas un bon signal.

Face aux effets de plus en plus concrets des dérèglements climatiques dans les territoires pour les citoyens, une attaque très claire contre les agences dont l'objet même est d'agir pour en atténuer les effets et de lutter contre les multiples précarités sociales (de logement, alimentaire, énergétique...) est incompréhensible et inacceptable. La droite française démontre une fois encore qu'elle cède à la montée des populismes de droite radicale et d'extrême droite, qui par calcul politique sombrent dans le climato-négationnisme et dans le rejet de la science.

L'explosion de cancers, dont le lien est incontestablement établi avec les pesticides chimiques, est une réalité. La suppression de l'Agence Bio est un renoncement pour la santé publique.

La précarité énergétique - illustrée par un froid insupportable l'hiver et une chaleur suffocante l'été - est une réalité. Comment comprendre la suppression de l'ANAH, qui oeuvre au contraire pour l'amélioration de la qualité du logement pour tous et partout, avec notamment une action très forte sur la rénovation thermique des logements ?

Notre société est fracturée. Les inégalités explosent. La suppression de l'ANRU, seule réelle politique publique efficace en matière de logements dans les quartiers de la politique de la ville, est scandaleuse.

A l'heure des extinctions de masse de la biodiversité, la dislocation de l'Office Français de la Biodiversité (OFB) - à qui le Sénat veut faire perdre son pouvoir de police administrative - sous prétexte que ses agents font leur travail, contrôlent et font respecter les règles, est intolérable.

3.2. Affaiblir les agences, c'est (aussi) désarmer les territoires

Les collectivités territoriales, particulièrement celles du bloc communal, sont les plus à même de transformer leur territoire, pour l'adapter au changement climatique et pour protéger les populations des multiples risques. L'Etat affaiblit leurs moyens d'action en baissant à la fois leurs dotations et leur autonomie fiscale.

Plusieurs agences les accompagnent utilement dans leur mission, telle l'Agence Nationale de la Cohésion des Territoires - ANCT. Les affaiblir, c'est un coup supplémentaire porté à la capacité d'agir des collectivités. Comme le souligne l'Association des Maires Ruraux de France, les élus locaux ont besoin de continuité et ne supportent plus les changements incessants dans l'organisation des agences d'Etat avec qui ils travaillent.

Conclusion : un vote contre le renoncement

Le travail mené par la commission d'enquête pose des jalons utiles pour améliorer le pilotage, la lisibilité et l'évaluation des agences de l'État. Nous partageons l'exigence d'un renforcement de la tutelle, d'une meilleure articulation entre les acteurs, et d'une rationalisation des fonctions support visant à renforcer la lisibilité ainsi que l'efficacité de l'action de l'Etat. Ces éléments peuvent contribuer à clarifier les responsabilités et à améliorer la qualité du service public.

Mais ce travail a été largement dévoyé par dogmatisme et par des amendements de dernière minute, guidés par des considérations strictement politiciennes. La focalisation des attaques sur les agences environnementales révèle une stratégie délibérée : celle d'affaiblir les instruments publics qui structurent la réponse de l'État face à la crise climatique, aux fractures sociales et aux inégalités territoriales.

Nous sommes aujourd'hui confrontés à une dérive inquiétante : celle d'un populisme qui feint la rationalité budgétaire pour mieux masquer un projet politique. À rebours des urgences climatique, sanitaire et sociale, certaines forces politiques instrumentalisent le débat sur les agences pour jouer sur les peurs d'une opinion inquiète, en désignant des boucs émissaires supposés inutiles, coûteux, voire nuisibles. Ce discours est un écho dangereux aux rhétoriques climato-négationnistes qui prospèrent dans les courants de la droite radicale et de l'extrême droite. Nous pouvons déplorer que la chambre haute du parlement français ne s'en distingue pas.

Nous refusons de cautionner cette instrumentalisation. En s'attaquant aux agences qui oeuvrent concrètement pour la transition écologique, la santé environnementale, la justice sociale ou la cohésion des territoires, c'est la capacité même de l'État à répondre aux défis du XXIe siècle que l'on affaiblit. La suppression ou la fragilisation de ces opérateurs n'est pas une réponse aux crises que nous vivons : c'est un aveuglement, un recul, voire un renoncement.

A l'heure où les conditions d'habitabilité de notre planète pour les générations futures, mais aussi pour toutes celles et ceux qui y vivent déjà, sont plus que jamais menacées, le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires ne peut que voter contre ce rapport et luttera contre les recommandations qui affaiblissent, selon nous, la capacité d'agir des territoires.

Valérie Masson-Delmotte déclarait en juin 2025 : « Le climat change très vite. Nous avançons lentement derrière ». Autant dire que ce n'est pas le moment de casser le thermomètre.

Groupe Socialiste, Écologiste et Républicain

Contribution du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain

Si les auditions de la commission d'enquête relative aux missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l'État ont eu le mérite de rétablir la vérité sur le rôle de ces structures dans un contexte marqué par la multiplication des discours offensifs à leur égard et par des projections d'économies souvent hasardeuses et politiquement ciblées, les sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain regrettent que la ruralité ait été la grande oubliée de ces travaux. Représentants de ces espaces à faible densité où l'intervention quotidienne de l'État s'avère déterminante et où le sentiment d'abandon prospère, les auteurs de cette contribution tiennent à réaffirmer sans ambiguïté le caractère essentiel des politiques publiques déployées par les agences de l'État. Alors que le coup de rabot gouvernemental avance masqué, la critique de l'organisation de l'appareil d'État ne saurait être utilisée comme prétexte pour remettre en cause les moyens affectés à des dispositifs de premier plan, indispensables dans le soutien à nos territoires fragilisés, dans la réponse apportée aux besoins de nos concitoyens les plus vulnérables et dans le déploiement d'actions concrètes destinées à affronter la crise climatique. Les différentes auditions ont d'ailleurs démontré l'utilité des actions menées par la très grande majorité des agences, certains scénarios de suppression, de fusion, de rapprochement ou encore de réinternalisation de ces structures étant en total décalage avec la réalité des politiques publiques qu'elles portent, avec le volume réel d'économies qu'une éventuelle réorganisation pourrait générer et avec l'approche plus fine défendue par les sénateurs socialistes tout au long de ces travaux.

À l'heure où le redressement des comptes publics et la réduction du déficit s'imposent à tous, la compression des moyens budgétaires alloués aux agences de l'État implique déjà une remise en cause de leurs objectifs et, mécaniquement, une limitation ou une rationalisation de leurs modes d'intervention. Les collectivités territoriales représentées au Sénat sont les premières victimes de ces diminutions d'effectifs et de moyens, le recours aux appels à projets, unanimement contesté par les élus locaux, étant l'un des symptômes de ce contexte déjà fortement dégradé. Ainsi, la remise en cause, plus assumée encore, d'agences jouant un rôle clé dans les territoires ruraux ne correspond en aucun cas aux attentes exprimées sur le terrain. Les sénateurs socialistes manifestent leur opposition à l'égard de plusieurs propositions de suppressions et s'interrogent sur les raisons pour lesquelles la rapporteure n'a pas cherché à concentrer ses efforts sur la suppression, à titre d'exemple, du Haut-Commissariat au Plan, qui n'a pas su démontrer son efficacité sur une période large allant de 2020 à 2025 et dont la mission de prospective pourrait légitimement être redirigée vers le Conseil économique, social et environnemental (CESE), organe représentatif des corps intermédiaires et en proximité immédiate avec les préoccupations des Françaises et des Français.

I. Une commission d'enquête qui aura eu pour effet de rétablir la vérité budgétaire sur les agences, loin des discours offensifs qui ont suscité sa création

La question du poids budgétaire des agences a constitué l'un des fils conducteurs des travaux de la commission d'enquête, dans un contexte marqué par l'exigence de sobriété des finances publiques. Dès l'exposé des motifs, la commission a été chargée d'identifier de potentiels « gisements potentiels d'économies », tandis que le Gouvernement annonçait en parallèle la suppression ou la fusion d'un tiers des opérateurs d'ici fin 2025 avec une économie de 2 à 3 milliards d'euros à la clef. Les auditions ont permis de nuancer ce diagnostic, en démontrant que le coût des agences reste globalement maîtrisé et que les marges d'économies réelles demeurent limitées.

Les travaux ont mis en évidence un écart significatif entre les effets d'annonce initiaux et la réalité des structures étudiées. À mesure que les auditions ont avancé, il est apparu que certaines agences contribuent directement à une meilleure performance de l'action publique. L'Agence de la transition écologique (Ademe), dont l'action est saluée par l'Inspection générale des finances (IGF), a accru sa productivité de 155 % en quatre ans grâce à des mutualisations réussies. La préconisation consistant à restreindre fortement son format suscite donc des interrogations. Les agences de l'eau disposent de systèmes de recouvrement efficaces et peu coûteux, selon un rapport de ce même service d'inspection qui n'invitait pas à remettre en cause le pouvoir d'initiative de ces agences en matière de lancement de programmes de recherche, comme le mentionne pourtant le présent rapport. L'Office français de la biodiversité (OFB), pour sa part, parvient à mobiliser des financements européens et privés qui échapperaient à une administration reconcentrée. Cette souplesse et sa liberté d'action et d'initiative lui permettent de mener à bien ces missions sur le territoire et d'apporter un service aux territoires que l'administration centrale ne serait pas en mesure de produire.

Les agences génèrent également des ressources, certes atténuées par l'inflation mais qui ne sauraient être négligées. Ainsi, Pascal BERTEAUD, directeur général du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), a-t-il pu souligner une hausse de production de 10 % réalisée par la structure qui a parallèlement procédé à un amenuisement de ses effectifs de 20 %. Lorsqu'il est entré en responsabilités au Cerema en 2018, les recettes externes s'élevaient à environ 20 millions d'euros, tandis qu'elles oscillent aujourd'hui entre 70 et 80 millions d'euros, générant ainsi un gain significatif pour l'État, tant en matière d'efficacité que de ressources financières. Ces exemples ne doivent pas masquer les ajustements nécessaires, mais ils rappellent qu'une réforme menée à l'aveugle peut affaiblir des leviers utiles.


Les auditions ont mis en lumière un angle mort préoccupant : celui des territoires ruraux. Préfets, maires et élus locaux ont souligné combien des structures comme l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) constituent des leviers essentiels de déploiement des politiques publiques, d'ingénierie locale et d'accès aux aides. Supprimer ou affaiblir ces acteurs et les outils qu'ils déploient reviendrait à priver les collectivités territoriales les plus fragiles d'un appui de proximité, dans un contexte où les services déconcentrés ont déjà vu leurs moyens se réduire drastiquement. Réduire les moyens des agences de l'État, c'est mécaniquement réduire les ressources dont peuvent bénéficier les communes notamment rurales, déjà fragilisées. En prétendant faire des économies immédiates par des fusions ou des suppressions indistinctes, on risque surtout de limiter les moyens pour les territoires. Ce discours, porté par souci de visibilité politique, confine parfois au populisme budgétaire : il flatte les attentes sans en mesurer les conséquences pratiques.

Enfin, plusieurs intervenants ont rappelé que les agences ne doivent pas être perçues comme un échelon de trop, mais comme un maillon nécessaire de l'action publique, en interface avec les collectivités et les acteurs économiques. Elles permettent d'agir plus vite, de structurer des politiques complexes, de sécuriser l'accès à des financements externes et d'éviter une concentration excessive des moyens dans les seules administrations centrales. À l'heure où les défis exigent de la proximité, de l'expertise et de la stabilité, c'est cette intelligence collective qu'il convient de préserver.

La virulence des attaques contre les agences chargées de l'application des politiques environnementales semble par ailleurs démontrer que le problème de ces structures est moins d'ordre budgétaire ou lié à un souci d'efficacité et de lisibilité de l'action publique qu'il ne découle d'une remise en cause détournée des politiques publiques elles-mêmes, dont ces opérateurs ont la charge.

La droite sénatoriale appelle ainsi à la suppression de l'Agence bio au budget pourtant modeste, sans concertation avec les acteurs de la filière, illustrant une volonté de revenir sur l'engagement de l'État en faveur de la transition agroécologique.

La suppression des onze parcs nationaux qui assurent la préservation d'une patrimoine naturel exceptionnel et dont les compétences seraient transférées à l'OFB envoie également un très mauvais signal. Les agences qui ne sont pas supprimés perdent leur liberté d'action et leur pouvoir d'initiative en soutien aux territoires.

La quasi-totalité des missions des agences tels que l'Ademe ou l'OFB seront transférées aux ministères, lesquels pourront plus aisément réduire le soutien à des politiques d'intérêt général sous la pression de certains acteurs socio-économique. Fragilisés, il sera facile d'exiger, dans un second temps, la suppression de ces agences et, dans le même mouvement, d'enterrer les politiques qu'elles portaient, dont, entre autres, la protection de la ressource en eau, la préservation de la biodiversité ou encore l'accès du plus grand nombre à des énergies vertes.

En supprimant ces opérateurs, la droite sénatoriale signe le désengagement de l'Etat en faveur d'une transition écologique construites en partenariat avec les acteurs locaux. Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s'opposera donc avec vigueur à toute tentative de saper la mise en oeuvre de ces politiques d'intérêt général en fragilisant la liberté d'action des agences, en restreignant leurs champs de compétences et leurs missions ou en diminuant les moyens dédiés à ces opérateurs.

À titre d'exemple, les prévisions formulées par l'agence Météo-France contribuent à la sécurité des Françaises et des Français, à l'accompagnement de professionnels travaillant en extérieur et à une meilleure compréhension des enjeux liés au climat. Afin d'éviter de reproduire les erreurs du passé, les auteurs de la présente contribution rappellent que la suppression de postes au sein de Météo-France et la mise en place d'un algorithme chargé de pallier ces licenciements ont conduit à de nombreuses erreurs de prévision, lesquelles ont eu des répercussions directes sur de nombreux citoyens et activités économiques.

II. Les agences, un instrument perfectible mais indispensable de partenariat entre l'État et les collectivités territoriales

Si le fonctionnement des agences appelle très certainement des ajustements, ceux-ci doivent davantage reposer sur l'exigence de clarté et de pilotage stratégique que sur la défiance.

Les travaux de la commission d'enquête ont en effet révélé que ce sont moins les agences elles-mêmes qui font défaut que leur coordination, parfois, avec l'administration centrale et leur ancrage territorial. Au fil des auditions, il est apparu en filigrane une difficulté structurelle, en partie liée à la compression des moyens budgétaires et humains affectés à ces structures : sur le terrain, les agences peinent à affirmer leur réelle utilité et leur légitimité devant les élus locaux et les collectivités.

À ce titre, de nombreuses personnalités et experts auditionnés ont mis en avant un certain niveau d'opacité dans la gestion des agences, notamment au moment de la crise liée au covid-19. La plupart des hauts-fonctionnaires entendus ont ainsi indiqué que les préfets de départements avaient, lors de cette crise sanitaire, sous couvert de rationalisation administrative, reçu très peu d'informations de la part des délégations territoriales de l'Agence régionale de la santé (ARS). La centralisation de l'information et des ressources au niveau régional a naturellement affecté la réactivité des échelons départementaux, fragilisant ainsi la coordination locale en pleine crise.

Dans ce contexte, le renforcement de la transparence sur l'action des agences apparaît non seulement comme un impératif démocratique, mais également comme une condition essentielle d'efficacité et de confiance dans l'action publique.

Les auteurs de la présente contribution réaffirment leur attachement au rôle structurant des agences, relais de proximité, indispensables à la mise en oeuvre des politiques publiques dans les territoires. À titre d'illustration, les agences peuvent, par exemple, accompagner les collectivités territoriales dans leur transition écologique. Le Cerema aide ainsi les collectivités à atteindre l'objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) grâce à différents outils, comme la plateforme Cartofriches ou encore le service de revalorisation des friches via UrbanVitaliz, avec plus de 375 projets de recyclage foncier. Le Cerema accompagne également les collectivités littorales dans la réutilisation des eaux usées, comme cela a été le cas à Granville. Ces initiatives démontrent la valeur ajoutée des agences en matière d'ingénierie, de conseil et de soutien opérationnel aux collectivités.

Par ailleurs, les auteurs de cette contribution, en tant qu'anciens élus locaux, reconnaissent que l'accès, la lisibilité et la répartition des dotations demeurent souvent complexes pour les collectivités territoriales, qui expriment régulièrement le besoin d'un appui préfectoral pour lever certains blocages. C'est dans cette perspective que la rapporteure a proposé de reconnaître au préfet un rôle d'interlocuteur transversal, assumant une fonction de guichet-unique - une orientation qui aurait pu être accueillie favorablement, si elle n'avait pas été accompagnée de préconisations délétères pour l'avenir de bon nombre d'agences. Une décentralisation pleinement opérationnelle suppose une déconcentration claire et assumée, capable d'apporter des réponses rapides, lisibles et coordonnées aux besoins des territoires. Plus généralement, le modèle de l'État stratège doit reposer sur une double priorité : décentralisation et déconcentration, des principes que le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain considère comme des fondements historiques de son engagement.

La suppression de l'ANCT envoie un signal alarmant. Les discussions autour de son efficacité ne doivent pas remettre en cause la légitimité de sa mission. Au contraire, les besoins d'ingénierie, d'appui territorial et de coordination ont été expressément mentionnés par les élus locaux auditionnés. Pour ces raisons, les sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain expriment à nouveau leur profond désaccord avec cette orientation et plaident pour une réforme ambitieuse de la structure qui permette de réaffirmer sa vocation territoriale et d'en renforcer l'impact. Inspirée de l'esprit et des missions de la Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR), cette réforme viserait à lui conférer une réelle capacité de pilotage stratégique à l'échelle régionale, en lien direct avec les élus locaux. Redonner à l'ANCT un cap clair et des moyens adaptés, c'est faire le choix d'un outil rénové, pleinement mobilisé au service des élus locaux et de l'aménagement du territoire.

De la même manière, la recommandation de non-renouvellement de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) qui assure le renouvellement urbain dans les quartiers prioritaires, signe le désengagement total de l'Etat en soutien aux territoires. L'ANRU finance des projets portés par les collectivités territoriales, impliquant l'ensemble des acteurs du renouvellement urbain : collectivités, bailleurs, aménageurs et autres parties prenantes. Les projets sont portés par les intercommunalités, en collaboration étroite avec les maires et l'ensemble des acteurs locaux. Cette proposition est d'autant plus surprenante que nous soutenons collectivement au Sénat la mise en place de la mission de préfiguration « ANRU 3 » annoncée par la ministre en charge du logement et de la rénovation. Vingt ans après le premier programme de renouvellement urbain, le bilan sur les territoires est largement positif : le NPNRU c'est 50 milliards d'euros investis dans les territoires, pour seulement 1,2 milliard d'euros dépensés par l'État, 80 % des ménages sortis de la précarité énergétique, une réduction de la concentration des pauvretés. Dans un contexte de crise du logement, de multiplication d'habitat dégradé, de « passoires » et de « bouilloires » thermiques ainsi que le recul de la mixité sociale, le renouvellement urbain est une politique prioritaire et une question de justice sociale. Au vu de ces éléments, le groupe Socialiste écologiste et républicain juge les propositions de suppression de l'ANRU et de l'ANCT inacceptables et s'oppose fermement aux recommandations du présent rapport.

Conclusion

Adaptée dans de très nombreux cas, l'agencification de l'État traduit les difficultés de l'appareil d'État à agir de manière réactive face aux crises ou à conjuguer les volets stratégiques et opérationnels de l'action publique. Le recours à ces structures spécialisées très diversifiées - du point de vue de leur statut, de leurs missions et de leur mode de financement - et dotées de compétences spécifiques ne permet pas systématiquement de dépasser les effets induits par une organisation technocratique de l'État, ni de répondre aux impératifs d'efficacité et de transparence de la dépense publique. Ainsi, l'opportunité de créer de nouvelles agences, à laquelle les auteurs de ce rapport ne sont pas fondamentalement opposés au regard de l'apport de certaines de ces structures, doit donc être limitée, conditionnée, encadrée et soumise à des critères stricts définis par le Parlement, qui doit par ailleurs être appelé à jouer un rôle renforcé dans le contrôle et l'évaluation des agences, au titre de sa mission constitutionnelle de contrôle de l'action du Gouvernement. Plus généralement, les sénateurs du groupe Socialiste, Écologistes et Républicains appellent à ce que la réflexion engagée autour de la réforme de l'État puisse se poursuivre dans un climat dépassionné, indépendamment des polémiques qui ont suscité la création de cette commission d'enquête et dans le seul objectif de poursuivre l'intérêt général.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
EN AUDITIONS PLÉNIÈRES

MARDI 18 FÉVRIER 2025

Audition conjointe

Personnalité qualifiée

M. Laurent Cohen-Tanugi, avocat, auteur

Personnalité qualifiée

M. François Ecalle, président fondateur de l'association « Finances publiques et économie » (FIPECO)

JEUDI 20 FÉVRIER 2025

Table ronde

Personnalité qualifiée

Mme Bernadette Malgorn, ancienne préfète et secrétaire générale du ministère de l'intérieur

Personnalité qualifiée

M. Jean-Ludovic Silicani, ancien commissaire à la réforme de l'État

Personnalité qualifiée

M. Sébastien Soriano, directeur général de l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN), auteur

MARDI 4 MARS 2025

Table ronde

Régions de France

M. Laurent Dejoie, vice-président du conseil régional des Pays de la Loire

Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF)

Mme Véronique Pouzadoux, vice-présidente, maire de Gannat

Table ronde

Association des maires ruraux de France (AMRF)

Mme Isabelle Dugelet, maire de La Gresle

France Urbaine

M. François de Mazières, trésorier, maire de Versailles

Intercommunalités de France

M. Sébastien Miossec, président délégué, maire de Riec-sur-Bélon

JEUDI 6 MARS 2025

Association du corps préfectoral et des hauts fonctionnaires du ministère de l'intérieur (ACPHFMI)

M. Pierre-André Durand, président, préfet de la région Occitanie

M. Éric Freysselinard, vice-président délégué, préfet

MARDI 11 MARS 2025

Mouvement des entreprises de France (Medef)

M. Samuel Tual, vice-président

Table ronde

Atout France

Mme Rose-Marie Abel, directrice générale par intérim

Bpifrance

M. Jean-Yves Caminade, directeur financier

M. Paul-François Fournier, directeur exécutif innovation

M. Jean-Baptiste Marin-Lamellet, directeur des relations institutionnelles

Business France

M. Benoît Trivulce, directeur général par intérim

JEUDI 13 MARS 2025

Table ronde

Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC)

Mme Marie-Christine Caraty, vice-présidente fédérale

Mme Valérie Boye, déléguée fédérale

Union syndicale Solidaires

Mme Ophélie Gath, secrétaire nationale

Secrétariat général du Gouvernement

Mme Claire Landais, secrétaire générale du Gouvernement

MARDI 18 MARS 2025

Audition conjointe

Direction générale de la santé (DGS)

M. Grégory Emery, directeur général de la santé

Agences régionales de santé (ARS)

M. Denis Robin, président du collège des directeurs généraux d'agences régionales de santé

Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema)

M. Pascal Berteaud, directeur général

JEUDI 20 MARS 2025

Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT)

M. Christophe Bouillon, président du conseil d'administration

M. Stanislas Bourron, directeur général

Agence nationale de santé publique (Santé publique France)

Mme Caroline Semaille, directrice générale

Audition conjointe

Haute Autorité de santé (HAS)

M. Lionel Collet, président

M. Jean Lessi, directeur général

Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM)

M. Catherine Paugam-Burtz, directrice générale

MARDI 25 MARS

Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe)

M. Sylvain Waserman, président

Mme Patricia Blanc, directrice générale déléguée

M. Baptiste Perrissin-Fabert, directeur général délégué

Office français de la biodiversité (OFB)

M. Olivier Thibault, directeur général

Table ronde

Agence de l'eau Rhin-Meuse

M. Christophe Leblanc, directeur général adjoint

Agence de l'eau Artois-Picardie

Mme Isabelle Matykowski, directrice générale

Agence de l'eau Rhône-Méditerranée Corse

Mme Nicolas Mourlon, directeur général

Agence de l'eau Loire-Bretagne

M. Loïc Obled, directeur général

Agence de l'eau Seine-Normandie

Mme Sandrine Rocard, directrice générale

Agence de l'eau Adour-Garonne

Mme Aude Witten, directrice générale adjointe

JEUDI 27 MARS 2025

FranceAgriMer

M. Martin Gutton, directeur général

Mme Julie Brayer-Mankor, directrice générale adjointe

Agence de services et de paiement (ASP)

M. Sylvain Maestracci, président-directeur général

M. Vianney Bourquard, secrétaire général

Table ronde

Confédération paysanne

M. Stéphane Galais, secrétaire national

M. Thomas Gibert, secrétaire national

Coordination rurale

Mme Amélie Rebière, vice-présidente

Table ronde

Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA)

M. Yannick Fialip, membre du bureau

Jeunes Agriculteurs

M. Quentin Le Guillous, secrétaire général

MARDI 1ER AVRIL 2025

Agence nationale de l'habitat (ANAH)

M. Thierry Repentin, président

Mme Valérie Mancret-Taylor, directrice générale

Personnalité qualifiée

M. Jean-Louis Borloo, ancien ministre

Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU)

M. Patrice Vergriete, président

Mme Anne-Claire Mialot, directrice générale

JEUDI 3 AVRIL 2025

Audition conjointe

Personnalité qualifiée

M. Marc Chappuis, préfet des Alpes-de-Haute-Provence

Personnalité qualifiée

M. Philippe Court, préfet du Val-d'Oise

France Travail

M. Thibaut Guilluy, directeur général

France compétences

M. Stéphane Lardy, directeur général

Office national d'information sur les enseignements et les professions (Onisep)

Mme Frédérique Alexandre-Bailly, directrice générale

MARDI 8 AVRIL 2025

Agence nationale de la recherche (ANR)

Mme Claire Giry, présidente-directrice générale

M. Vincent Cottet, directeur général délégué à l'administration et au budget

M. Thibault Cantat, directeur général délégué à la science

JEUDI 10 AVRIL 2025

Direction des sports

M. Jérôme Fournier, chef de service, adjoint à la directrice des sports

M. Franck Laudillay, sous-directeur du pilotage et de l'animation des réseaux du sport

M. Omar Mokeddem, chef de la mission financière

Mme Élisabeth Gaillard-Giraudet, adjointe au bureau des services territoriaux et de l'Agence nationale du sport

M. Joris Rivière, adjointe au bureau des établissements du sport

Agence nationale du sport

M. Frédéric Sanaur, directeur général

Table ronde

Personnalité qualifiée

M. Christophe Aubel, directeur général délégué de l'Office français de la biodiversité, ancien directeur général de l'Agence française de la biodiversité

Personnalité qualifiée

M. Christian Charpy, président de chambre à la Cour des comptes, ancien directeur général de Pôle Emploi, délégué général de l'instance nationale provisoire chargée de sa mise en place

Personnalité qualifiée

M. Roch-Olivier Maistre, président de chambre à la Cour des comptes, ancien président de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle (Arcom) et du Conseil supérieur de l'audiovisuel

MARDI 29 AVRIL 2025

Table ronde

Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM)

M. Thomas Fatôme, directeur général

Caisse nationale des allocations familiales (CNAF)

M. Nicolas Grivel, directeur général

Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS - Urssaf Caisse nationale)

M. Damien Ientile, directeur

Haut-commissariat au plan et France Stratégie

M. Clément Beaune, haut-commissaire au plan et commissaire général à la stratégie et à la prospective

MARDI 6 MAI 2025

Secrétariat général pour l'investissement (SGPI)

M. Bruno Bonnell, secrétaire général pour l'investissement

Mme Géraldine Leveau, secrétaire générale adjointe

MERCREDI 7 MAI 2025

Ministère de l'action publique, de la fonction publique et de la simplification

M. Laurent Marcangeli, ministre de l'action publique, de la fonction publique et de la simplification

MERCREDI 14 MAI 2025

Table ronde

Direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM)

M. Rodolphe Gintz, directeur général

Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFIT France)

M. Franck Leroy, président du conseil d'administration

M. Katrin Moosbrugger, secrétaire générale

Conseil d'orientation des infrastructures (COI)

M. David Valence, président

JEUDI 15 MAI 2025

Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique

Mme Amélie de Montchalin, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics

Audition conjointe

Personnalité qualifiée

M. Boris Ravignon, maire de Charleville-Mézières

Personnalité qualifiée

M. Éric Woerth, député

JEUDI 22 MAI 2025

Agence française pour le développement et la promotion de l'agriculture biologique (Agence Bio)

M. Jean Verdier, président

Mme Laure Verdeau, directrice

Mme Laurence Foret-Hohn, directrice adjointe

M. Philippe Henry, ancien président

MARDI 3 JUIN 2025

Ministère de l'aménagement du territoire et de la décentralisation

M. François Rebsamen, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
EN AUDITIONS RAPPORTEUR

VENDREDI 7 MARS 2025

Réseau des centres techniques industriels (CTI) et des centres professionnels de développement économique (CPDE)

M. Stéphane Le Guirriec, président du réseau CTI et directeur général du CTI-CERIB

M. Yves Fanton d'Andon, président du CTI-CETIAT et directeur du marketing stratégique du groupe Atlantic

Mme Marie-Sabine Gavois, déléguée générale du réseau CTI, rassemblant les CTI et CPDE de l'industrie.

Ernst and Young France

M. Guéric Jacquet, associé, EY-Parthénon, co-leader Gouvernement et Secteur Public, France

M. Jérôme Fabry, associé, EY-Parthénon, Secteur public et Éducation, France

M. François-Antoine Mariani, directeur associé, EY Consulting

Think Tank Sens du Service public

M. Noam Leandri, magistrat financier, co-fondateur du think tank Sens du Service public

VENDREDI 14 MARS 2025

Audition conjointe

Direction interministérielle de la transformation publique (DITP)

M. Thierry Lambert, délégué interministériel à la transformation publique

Direction interministérielle du numérique (DINUM)

M. Jérémie Vallet, adjoint à la directrice interministérielle du numérique

Audition conjointe

Délégation interministérielle à l'encadrement supérieur de l'État (DIESE)

Mme Isabelle Braun-Lemaire, déléguée interministérielle

Direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP)

Mme Nathalie Colin, préfète, directrice générale de l'administration et de la fonction publique

M. Philippe Charpentier, chef de service des politiques sociales, salariales et des carrières

VENDREDI 4 AVRIL 2025

Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique - Direction du budget

Mme Mélanie Joder, directrice du budget

Mme Sabine Deligne, sous-directrice

M. Étienne Genet, adjoint à la sous-directrice

Mme Aurélie Weber, cheffe du bureau opérateurs et organismes publics d'État

Mme Justine Charles, adjointe à la cheffe du bureau opérateurs et organismes publics d'État

Contrôle général économique et financier (CGefi)

Mme Véronique Nativelle, directrice d'administration centrale, cheffe du Contrôle général économique et financier

M. Arnaud Phelep, contrôleur général, responsable de la mission des sections et travaux transverses

M. Thomas Deroche, contrôleur général, membre de la mission des sections et travaux transverses

Audition conjointe

Direction générale des collectivités locales (DGCL) 

M. Alexandre Sanz, sous-directeur à la sous-direction de la cohésion et de l'aménagement du territoire

Mme Blandine Georjon, sous-directrice adjointe à la sous-direction de la cohésion et de l'aménagement du territoire

Mme Marianne Villeret, adjointe du chef de bureau de la relation avec les opérateurs et les agences, sous-direction de la cohésion et de l'aménagement du territoire

Direction du management de l'administration territoriale et de l'encadrement supérieur (DMATES)

Mme Fabienne Balussou, préfète, secrétaire générale adjointe, directrice du management de l'administration territoriale et de l'encadrement supérieur

M. David Cochu, sous-directeur de l'administration territoriale de l'État

Direction générale des outre-mer (DGOM)

M. Olivier Jacob, préfet, directeur général

Mme Karine Delamarche, directrice générale adjointe

M. Baptiste Le Nocher, adjoint au sous-directeur de l'évaluation, de la prospective et de la dépense de l'État

M. Oudi Serva, chef du bureau des politiques agricoles, rurales et maritimes

M. Loïc Biwand, son adjoint

M. François Le Verger, adjoint au sous-directeur des politiques économiques, de l'emploi et du développement durable

Mme Zéna Fadul, adjointe à la cheffe du bureau de l'écologie, du logement, du développement et de l'aménagement durables

VENDREDI 11 AVRIL 2025

Personnalité qualifiée

M. Emmanuel Berthier, conseiller d'État en service extraordinaire

Personnalité qualifiée

M. Jérôme Fournel, ancien directeur général des finances publiques

Secrétariat général des ministères chargés de la transition écologique, de la cohésion des territoires et de la mer

M. Guillaume Leforestier, secrétaire général

Secrétariat général des ministères chargés des affaires sociales

Mme Sophie Lebret, secrétaire générale

M. Yann Debos, chef de service et chef du pôle santé / agences régionales de santé

M. Philippe De Bruyn, chef de service et chef du pôle modernisation

Secrétariat général du ministère de la Culture

M. Luc Allaire, secrétaire général

M. François Moyse, chef du service des affaires financières et générales

Mme Justine Boniface, sous-directrice des affaires économiques et financières

Mme Marie-Claire Chapron, cheffe du département de la stratégie et de la modernisation

VENDREDI 2 MAI 2025

Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA)

Mme Pascale d'Artois, directrice générale

M. Ugo Douard, directeur des relations institutionnelles et des affaires publiques

Collectif Nos services publics

Mme Margaux Aldebert, secrétaire générale

Mme Marie Pla, porte-parole du collectif

M. Arnaud Bontemps, porte-parole du collectif

VENDREDI 9 MAI 2025

Personnalité qualifiée

M. Christophe Tardieu, secrétaire général de France TV, ancien administrateur général du domaine de Chantilly, du CNC, de l'Opéra national de Paris, du Centre national de la danse, et du Château de Versailles

SAS Pass Culture

Mme Laurence Tison-Vuillaume, présidente

M. Sébastien Baron, directeur administratif et financier

Fondation iFRAP

Mme Agnès Verdier-Molinié, directeur

Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB)

M. Étienne Crépon, président

Personnalité qualifiée

M. Nicolas Ferrand, préfigurateur et premier directeur général de SOLIDEO

JEUDI 15 MAI 2025

Personnalité qualifiée

M. Nadi Bou Hanna, président-fondateur de Flore Group, ancien directeur interministériel du numérique auprès du premier ministre

VENDREDI 16 MAI 2025

Conservatoire du littoral

M. Philippe Van de Maele, directeur

Direction générale des finances publiques (DGFiP)

Mme Amélie Verdier, directrice générale des finances publiques

M. Bastien Llorca, chef du service de la fonction financière et comptable de l'État (2FCE)

Mme Stéphanie Dachary-Mleneck, cheffe du bureau des opérateurs de l'État (2FCE-2B)

JEUDI 22 MAI 2025

Direction générale des entreprises (DGE)

Mme Élodie Morival, sous-directrice du pilotage, de la stratégie, et de la performance au secrétariat général

M. David Helm, chef du pôle Financement et propriété industrielle, sous-direction de l'innovation

M. Joris Dumazer, directeur de projets à la sous-direction du tourisme

LISTE DES DÉPLACEMENTS

VENDREDI 28 MARS 2025

DÉPLACEMENT DANS LE VAL-D'OISE

Table ronde

M. Philippe Court, préfet

M. Pascal Doll, maire d'Arnouville, président de la communauté d'agglomération Roissy - Pays de France (CARPF) et M. Nicolas PAVILL, directeur général des services de la communauté d'agglomération

M. Patrice Robin, président de l'Union des maires du Val-d'Oise, et M. Philippe Tissier, directeur de l'Union des maires

M. Patrick Haddad, maire de Sarcelles

Mme Capucine Faivre, maire de la Roche-Guyon

M. Albert Dudon, adjoint au directeur départemental des territoires du Val-d'Oise

M. Laureen Welschbillig, déléguée départementale de l'Agence régionale de santé

M. Pierre Kuchly, président de la Chambre de commerce et d'industrie du Val-d'Oise

Mme Carole Gratmuller, dirigeante d'Etna Industrie

LUNDI 5 MAI 2025

DÉPLACEMENT DANS LE LOIRET

Préfecture du Loiret

Mme Sophie Brocas, préfète du Loiret et de la région Centre-Val de Loire

Mme Florence Gouache, secrétaire générale aux affaires régionales auprès de la préfète

M. Guillaume Choumert, secrétaire général adjoint pour les affaires régionales

M. Hervé Brulé, directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL)

M. Nicolas Honoré, secrétaire général de la préfecture du Loiret, sous-préfet d'Orléans

Table ronde

M. Pierre Allorant, président du Conseil économique, social et environnemental régional (CESER) du Centre-Val de Loire, professeur de droit

M. Benoist Guével, président du tribunal administratif d'Orléans

Mme Armelle Daam, présidente de la chambre régionale des comptes

M. Francis Cammal, vice-président du conseil départemental du Loiret, président de la communauté de communes Giennoises et maire de Gien

M. Francis Triquet, maire de Combleux, conseiller délégué d'Orléans Métropole à la gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations, ainsi que de la prévention des risques majeurs

M. David Jacquet, vice-président du conseil régional Centre-Val de Loire délégué à l'économie, vice-président de la communauté de communes de la Beauce Loirétaine, maire d'Artenay

Table ronde

M. Valentin Doligé, président de l'Union des entreprises du Loiret

M. Vincent Adam, président de Swiss Krono

M. Jean-François Escudier, président de Valloire Habitat, Mme Stéphanie Turbé, directrice générale adjointe et M. Bernard Venet, directeur de la clientèle et des territoires

TABLEAU DE MISE EN oeUVRE ET DE SUIVI

N° de la proposition

Proposition

Acteurs concernés

Calendrier prévisionnel

Support

SORTIR D'UN DÉVELOPPEMENT DES AGENCES AU CAS PAR CAS

1

Évaluer la pertinence de la création ou du maintien d'une agence nationale dès lors qu'une agence européenne intervient sur un même segment de politique publique.

Gouvernement et Parlement

à partir de 2026

Loi

2

Définir une doctrine d'affectation des agents publics dans les agences en fonction de la sensibilité et de la technicité du sujet de politique publique.

Gouvernement

2026

Circulaire

3

Revoir tous les cinq ans, au moyen d'une évaluation systématique, la pertinence du maintien des agences existantes et de chacune de leurs principales missions.

Gouvernement

à partir de 2026

Missions d'évaluation

4

Prévoir une date d'extinction dès la création d'un nouvel établissement, fixée par défaut au terme d'une durée de cinq ans

Gouvernement et Parlement

à partir de 2026

Loi

MIEUX SUIVRE LES AGENCES ET ORGANISMES CONSULTATIFS ET MIEUX CONNAÎTRE LEUR COÛT

5

Revoir le « jaune » relatif aux commissions et instances consultatives et délibératives en s'assurant de l'exhaustivité et de la mise à jour des informations qu'il contient par une enquête systématique auprès de l'ensemble des directions et services d'administration centrale auxquels sont rattachés des organismes consultatifs de l'État.

Secrétariat général du Gouvernement (SGG)

septembre 2025

Documents budgétaires

6

Mesurer les coûts administratifs complets des organismes consultatifs.

SGG et ministères

2026

Documents budgétaires

7

- Publier le « jaune » opérateurs au format numérique en open data, élargir son périmètre à l'ensemble des organismes publics nationaux et compléter les informations actuelles par des données financières plus adaptées à l'information et au contrôle du Parlement.

- Publier ces données pour chaque opérateur et non catégorie d'opérateurs, en distinguant la gestion d'une part et les flux de financement d'autre part, tout en permettant d'élaborer en cas de besoin des regroupements par catégorie.

Direction du budget (DB), direction générale des finances publiques (DGFiP)

septembre 2025

Loi de finances et documents budgétaires

8

Pour tous les organismes chargés de la distribution d'une aide, mettre en place une comptabilité analytique permettant de connaître le coût de gestion de chaque dispositif.

Agences

à partir de 2026

Comptabilité

9

- Mener à bien le projet Infinoé pour l'ensemble des organismes publics nationaux pour une mise en oeuvre rapide et couvrant la plus grande partie possible des organismes publics nationaux. Inclure, au-delà des données purement comptables, des informations financières facilitant le pilotage de ces organismes.

- Ouvrir aux commissions des finances du Parlement un accès au futur infocentre Infinoé, sur le modèle de l'accès déjà ouvert au système d'information Chorus.

DGFiP, DB, autres administrations, Parlement

à partir de 2026

Mesures techniques, convention entre le ministère et le Parlement

POUR UNE RÉFORME DES AGENCES AU SERVICE DE LA LISIBILITÉ DE L'ACTION PUBLIQUE ET DE L'EFFICIENCE DE LA DÉPENSE

• L'administration centrale doit pleinement jouer son rôle de pilotage des politiques publiques

10

Renforcer les services statistiques ministériels et en faire l'outil centralisateur de l'ensemble des données collectées par les agences, en s'assurant de l'interopérabilité des bases de données des agences et de l'administration centrale.

Gouvernement

1er semestre 2026

Circulaire et mesures techniques

11

Soumettre chaque agence à une seule administration de tutelle.

Premier ministre et ministères

2nd semestre 2025

Décrets et circulaire

12

Renforcer le rôle de pilotage des agences par les secrétariats généraux en leur confiant notamment la planification des études faites par celles-ci.

Premier ministre

2nd semestre 2025

Décrets et circulaire

13

Au niveau national, définir et publier une méthodologie de la tutelle s'appliquant à l'ensemble des administrations centrales et de leurs agences ; rendre compte au Parlement de l'application de cette doctrine.

Premier ministre

2nd semestre 2025

Circulaire

14

Afin d'unifier les modalités de contrôle, regrouper le Contrôle général économique et financier (CGefi) et les contrôleurs budgétaires comptables et ministériels (CBCM) en un seul organe de contrôle portant, selon l'organisme, sur les aspects budgétaires, économiques ou financiers.

Ministère de l'économie et des finances

2026

Décret

15

- Approfondir les modules de formation à la tutelle dans les écoles de service public et dans l'offre de formation continue à l'attention des chargés de tutelle.

- Évaluer les directeurs d'administration centrale en fonction (notamment) de leur implication dans l'exercice de la tutelle sur les agences relevant de leur périmètre.

Gouvernement

2026

Arrêté, circulaire

16

Prévoir la présence, dans les conseils d'administration des établissements publics, d'au moins un représentant de l'État relevant de la catégorie « A + »

Gouvernement

2nd semestre 2025

Décret

17

- Pour la tenue du conseil d'administration, choisir un jour compatible avec l'organisation du travail parlementaire.

- Systématiser la désignation des suppléants pour les parlementaires.

- Mieux informer les membres du conseil d'administration de la mise en oeuvre des projets décidés.

- Adapter la rémunération des administrateurs (hors représentants de l'État) en conséquence de la charge de travail attendue afin de favoriser leur implication dans la préparation et le suivi des conseils d'administration.

Gouvernement, agences

2nd semestre 2025

Décrets, règlement intérieur des agences

• Généraliser et améliorer les instruments du pilotage stratégique (COP et COM)

18

Définir un contrat d'objectifs et de performances (COP) ou un contrat d'objectifs et de moyens (COM) pour les opérateurs. Évaluer les charges de réalisation et de suivi de ces contrats.

Premier ministre, ministres

à partir de 2026

Circulaire, contrats avec les opérateurs

19

Inclure un volet outre-mer dans COP ou COM des agences dont l'action porte, au moins partiellement, sur les outre-mer.

Ministères

à partir du 2nd semestre 2025

COP et COM

20

Transmettre les projets de COP et de COM des opérateurs aux commissions parlementaires compétentes des deux assemblées.

Ministères

2026

Loi

21

Prévoir pour tous les COP et COM une durée par défaut de cinq ans avec une clause de revoyure au bout de trois ans.

Gouvernement

2026

Circulaire, contrats d'objectifs

22

Prévoir l'envoi systématique d'une lettre de mission initiale et d'une lettre d'objectifs annuelle aux dirigeants d'opérateurs.

Gouvernement

2026

Circulaire

23

Présenter chaque année les résultats des indicateurs du COP ou COM en cours lors du conseil d'administration.

Agences

2026

Règlement intérieur

24

Systématiser l'évaluation des COP et COM à l'issue de la durée du contrat ; en faire le préalable à l'adoption du contrat suivant.

Gouvernement

2026

Circulaire

25

Étendre le recours aux contrats d'objectifs et de moyens (COM), en particulier pour accompagner une trajectoire financière en baisse.

Premier ministre

2026

Circulaire

26

Réduire le montant de la réserve de précaution pesant sur les crédits d'une mission budgétaire en proportion du montant des crédits transférés aux opérateurs qui ont signé un contrat d'objectifs et de moyens parmi ceux relevant de la mission budgétaire en question.

Gouvernement

2026

Exposé général du projet de loi de finances

• L'État doit réaffirmer et se réapproprier son rôle d'employeur unique de l'ensemble des agents publics, de l'administration centrale aux agences

27

Prévoir l'audition des candidats aux postes de directeurs d'agences par un comité présidé par le secrétariat général du Gouvernement (SGG) et au sein duquel siègerait le délégué interministériel de l'encadrement supérieur de l'État (DIESE).

Gouvernement

2026

Décret

28

Afin de limiter les écarts de rémunération et faciliter la gestion administrative des agents, généraliser le recours à la position normale d'activité, plutôt qu'au détachement pour les fonctionnaires qui rejoignent un établissement public administratif.

Direction générale de l'administration et de la fonction publique (DAGFP)

2nd semestre 2025

Circulaire

29

Donner davantage de responsabilités et de marges de manoeuvre aux détenteurs des postes d'encadrement supérieur dans l'administration centrale ; s'assurer que les fonctionnaires de retour dans l'administration centrale après une mobilité dans une agence disposent d'un poste à niveau de responsabilités au moins équivalent.

Gouvernement

2026

Circulaire

30

- À court terme, mettre en place un outil de suivi de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État, visant l'administration centrale ainsi que les agences.

- À moyen terme, étendre cet outil à l'ensemble de la fonction publique de l'État.

DIESE, DAGFP

2nd semestre 2025, années suivantes

Circulaire, mesures techniques

• Mieux articuler le cadre budgétaire des opérateurs avec celui de l'État

31

Prévoir le vote des budgets initiaux des opérateurs après la promulgation de la loi de finances de l'exercice concerné.

DB, ministères de tutelle

2nd semestre 2025

Circulaire

32

Pour l'ensemble des opérateurs, rendre obligatoire la transmission aux commissions des finances des deux assemblées, sous forme dématérialisée, des budgets initiaux et exécutés des agences, y compris la répartition des crédits entre les programmes gérés par un même organisme.

DB, ministères de tutelle

2nd semestre 2025

Loi

33

- Plutôt que de créer des agences pour gérer des crédits de manière pluriannuelle, s'appuyer sur les autorisations d'engagement afin d'assurer un pilotage budgétaire pluriannuel.

- Envisager l'extension aux opérateurs du budget triennal introduit par la révision de la LOLF du 28 décembre 2021.

DB, ministères de tutelle

à partir de 2026

Circulaire, mission d'évaluation

FAIRE PARLER L'ÉTAT D'UNE SEULE VOIX AFIN DE FACILITER LA RÉALISATION DES PROJETS ET REDONNER DE LA LISIBILITÉ À L'ACTION PUBLIQUE

• Le préfet devrait être le seul interlocuteur local au nom de l'État

34

Faire de la préfecture la voie d'accès unique à l'offre de l'État et de ses agences en matière d'ingénierie territoriale.

Gouvernement

2026

Circulaire

35

Interdire le lancement par les agences d'appels à projets et d'appels à manifestation d'intérêt à destination des collectivités territoriales. Pour les appels à projets en cours, mettre en place une obligation d'information du préfet sur les dispositifs lancés dans le département ou dans la région.

Gouvernement, agences

2026

Circulaire

36

Faire des services préfectoraux le point d'entrée unique des demandes d'aides ou de financement des collectivités et des entreprises. Transférer au préfet l'autorité que détiennent les agences sur les décisions de financements.

Gouvernement

À partir de 2026

Loi

37

Supprimer juridiquement l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), en renforçant les services préfectoraux départementaux avec les effectifs de l'Agence.

Gouvernement, Parlement

2026

Loi

38

Transférer les missions des agences régionales de santé (ARS) aux services déconcentrés aux niveaux régional et départemental.

Gouvernement, Parlement

2026

Loi

• Simplifier les circuits de financement

39

- Supprimer le secrétariat général pour l'investissement (SGPI) et confier ses missions aux administrations de tutelle des opérateurs concernés.

- À l'avenir, organiser d'éventuels plans d'investissements similaires dans le cadre budgétaire de droit commun, tout en assurant leur traçabilité par des documents budgétaires spécifiques, indiquant l'exécution des crédits par l'État comme par les opérateurs.

Gouvernement

2026

Loi

40

Rationaliser le schéma de financement des agences de l'eau, de l'Office français de la biodiversité (OFB) et des parcs nationaux par une attribution directe des crédits aux agences qui les utilisent.

Gouvernement

2026

Loi

41

Déléguer directement de l'État aux régions les crédits qui transitent actuellement par l'Ademe.

Gouvernement

2026

Loi

• Communiquer sur l'action de l'État et non sur celle des agences

42

Sur le sol national comme à l'étranger, apposer le seul logo de l'État et non celui des agences sur l'ensemble des supports de communication.

Ministères

À partir du 2nd semestre 2025

Circulaire

43

À court terme, interdire aux agences de recourir à des prestataires extérieurs pour concevoir et mettre en oeuvre leur stratégie de communication.

Gouvernement, Parlement

1er semestre 2026

Loi

44

À moyen terme, recentraliser toute la communication de la sphère étatique, agences comprises, au sein des ministères.

Gouvernement

2027

Mesures réglementaires

45

Inscrire tous les sites Internet des agences de l'État à l'intérieur du domaine gouv.fr ; faire apparaître le logo de l'État dans les profils des agences sur les réseaux sociaux.

Gouvernement, agences

2nd semestre 2025

Circulaire

RESTRUCTURER LES AGENCES PAR FUSION, RÉINTERNALISATION, MUTUALISATION POUR UNE ACTION PUBLIQUE PLUS EFFICIENTE

46

Instaurer un moratoire sur la création de nouvelles entités, sauf s'il est démontré que le nouvel organisme apporte des économies ou une simplification substantielle de l'action publique.

DB, ministères de tutelle

À partir du 2nd semestre 2025

Circulaire

47

Regrouper les réseaux de l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) et des Groupements d'établissements publics locaux d'enseignement (Greta) pour former un opérateur unique tourné vers la formation professionnelle des adultes.

Gouvernement, Parlement

2026

Loi

48

Réinternaliser l'Agence de financement des infrastructures de financement de France (AFITF).

Gouvernement, Parlement

2026

Loi

49

Transférer les activités de financement de France compétences à la Caisse des dépôts et consignations, en lien avec le ministère.

Gouvernement, Parlement

2026

Loi

50

Transférer les effectifs de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) vers l'Agence de services et de paiement (ASP) pour l'attribution des aides et vers les services de l'État pour les autres activités.

Gouvernement, Parlement

2026

Loi

51

Transférer les missions de l'Odeadom à l'ASP et à FranceAgriMer, et mettre en conséquence fin à l'existence de cet opérateur.

Gouvernement, Parlement

2026

Loi

52

Supprimer l'Agence Bio et réinternaliser ses missions.

Gouvernement, Parlement

2026

Loi

53

Ne pas renouveler l'ANRU au terme de la réalisation du nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU) et transférer progressivement la gestion de l'achèvement des programmes aux services des préfectures.

Gouvernement

D'ici à la fin du NPNRU

Loi

54

Supprimer l'Agence nationale du sport (ANS) en maintenant ses actions dans le ministère et l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (`INSEP). Transférer les crédits gérés par l'ANS vers les dotations attribuées aux collectivités territoriales.

Gouvernement, Parlement

2026

Loi

55

Intégrer les 26 établissements CROUS régionaux au CNOUS, en maintenant un comité de gestion pour permettre la participation des acteurs locaux.

Gouvernement, Parlement

2026

Loi

56

Supprimer la société Pass Culture, la part collective du pass Culture étant gérée par le ministère de l'éducation nationale.

Gouvernement, Parlement

2026

Loi

57

Mettre en oeuvre le projet de réforme de la foncière de l'État en intégrant le patrimoine foncier et l'immobilier de bureaux des agences.

Gouvernement, Parlement

2026

Loi

58

- Engager un programme pluriannuel, progressif et exhaustif, de mutualisation des fonctions supports des agences et opérateurs (notamment en matière de paie, d'achats et de systèmes d'information), dans un premier temps à l'échelle du ministère de tutelle ou d'une structure interministérielle.

- Confier l'animation de ce programme au SGG avec une implication forte du ministère chargé des comptes publics et du ministère de l'action publique, de la fonction publique et de la simplification. (Premier ministre, ministère chargé des comptes publics, direction des achats de l'État, direction interministérielle du numérique, ministère de l'action publique, de la fonction publique et de la simplification, ministères de tutelle, dès 2026)

Premier ministre, ministère chargé des comptes publics, direction des achats de l'État, direction interministérielle du numérique, ministère de l'action publique, de la fonction publique et de la simplification, ministères de tutelle

2026

Mesures réglementaires

59

Pour les filières matures à rentabilité longue, transformer les subventions en prêt à taux zéro garanti par l'État.

Gouvernement, Parlement

2026

Loi, mesures réglementaires

60

Confier le développement des centres techniques industriels (CTI) et des comités professionnels de développement économique (CPDE) aux filières.

Gouvernement, Parlement

2026

Loi, mesures réglementaires

61

- Favoriser le recours à la formule du groupement d'intérêt économique (GIE) pour les structures qui ont pour objet la promotion de l'activité des entreprises, avec une participation des entreprises d'au moins 50 % dans le budget de l'agence.

- Envisager en conséquence la transformation de Business France en GIE et la diminution de la subvention pour charges de service public (SCSP) d'Atout France.

Gouvernement, Parlement

2026

Loi


* 1 Note sur les agences, opérateurs et organismes consultatifs de l'État, Sénat, division de législation comparée, annexée au présent rapport.

* 2 Note précitée, p. 50.

* 3 Étude annuelle du Conseil d'État, 2012, « Les agences : une nouvelle gestion publique ? », p. 30-31.

* 4 Revue Gestion et management public 2012/2 volume 1/n° 2, « Le New Public Management », Yves Chappoz et Pierre Charles Pupion.

* 5 Revue française d'administration publique (RFAP) n° 105-106, 2003, Colin Talbot, « La réforme de la gestion publique et ses paradoxes : l'expérience britannique ».

* 6 European Environment Agency.

* 7 European Medicines Agency.

* 8 European Food Safety Authority.

* 9 L'ANSES a indiqué à la commission d'enquête qu'elle échangeait régulièrement avec l'EFSA, l'ECDC (Centre européen de prévention et de contrôle des maladies), ECHA (Agence européenne des produits chimiques), EEA (Agence européenne pour l'environnement), EMA (Agence européenne des médicaments), EU-OSHA (Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail).

* 10 Rapport de la mission sur les responsabilités et l'organisation de l'État, Jean Picq, mai 1994, p. 123.

* 11 La règle de l'économiste Jan Tinbergen a été consacrée en 1953.

* 12 CE, 26 janvier 1923, Robert Lafrégeyre et CE, Sect., 8 mars 1957, Jalenques de Labeau.

* 13 En 2007, une conférence nationale débattant des valeurs, missions et métiers de la fonction publique était lancée par Éric Woerth et André Santini. En parallèle, ils confiaient la rédaction d'un livre blanc à Jean-Ludovic Silicani.

* 14 Livre blanc sur l'avenir de la fonction publique, J-L. Silicani, p. 106.

* 15 DGAFP, « Les contractuels dans la fonction publique depuis 2011, effectifs et parcours », janvier 2025.

* 16  Rapport de Christine Lavarde, rapporteur spécial, sur les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », annexé au rapport général n° 138 (2020-2021), fait au nom de la commission des finances, déposé le 19 novembre 2020.

* 17 Monsieur Sébastien Soriano a été auditionné par la commission d'enquête plus en tant que personnalité qualifiée qu'actuel directeur de l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN).

* 18 De 1982 à 1986, 25 lois complétées par environ 200 décrets se succèdent. C'est ce qu'on a appelé « l'Acte I de la décentralisation ». L'Acte II de la décentralisation a pris date en 2003. Promulguée le 28 mars 2003, la loi constitutionnelle relative à l'organisation décentralisée de la République a été suivie de plusieurs lois organiques nécessaires à son application.

* 19 Loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier.

* 20 En 2002, le corps des ingénieurs des ponts et chaussées, le corps des ingénieurs géographes, celui de l'aviation civile et de la météorologie ont été regroupés et parallèlement le corps des ingénieurs du génie rural, des eaux et forêts (IGREF) a fusionné avec celui des ingénieurs d'agronomie ; en 2009, ces deux ensembles ont été réunis pour former le corps des ingénieurs des ponts, des eaux et des forêts. De même, le corps des mines est issu de la fusion entre l'ancien corps des mines, le corps des télécommunications et le corps de contrôle des assurances.

* 21 Cour des comptes, janvier 2021, Les relations entre l'État et ses opérateurs.

* 22 Budget opérationnel de programme.

* 23 Projet annuel de performances du programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » de la mission « Santé », annexé au projet de loi de finances pour 2025. M. Emery a quitté ce poste quelques semaines après l'audition devant la commission d'enquête, pour rejoindre le cabinet du président de la République.

* 24 Loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques.

* 25bis du I de l'article 34 de la LOLF.

* 26 L'Ademe a produit en octobre 2021 un rapport sur « Le coût social du bruit en France », ainsi qu'une cartographie des « points noirs de bruit dans les 480 quartiers prioritaires du NPNRU », mise à jour pour la dernière fois en juin 2021 (data.gouv.fr).

* 27 Étude de législation comparée précitée, p. 64.

* 28 J-M. Delorme et C. Van Styvendael et Mme A-C Mialot, février 2025, « Ensemble, refaire la ville : Pour un renouvellement urbain résilient des quartiers et des territoires fragiles ».

* 29 Les auteurs de la lettre de mission étaient Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, Patrice Vergriete, ministre délégué en charge du logement, et Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté et de la ville.

* 30 Lettre d'information n° 69, avril 2025, ANGDM.

* 31 Article 1er de la loi n° 2004-105 du 3 février 2004 portant création de l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs

* 32 Cour des comptes, L'Agence nationale de garantie des droits des mineurs, exercice 2015 à 2022, rapport délibéré le 15 novembre 2023.

* 33 Le volet « opérateurs » des PAP comprend : 1°) la récapitulation des crédits du programme au bénéfice des opérateurs ; 2°) la présentation détaillée de chaque opérateur ou catégorie d'opérateurs rattaché au programme ; 3°) la présentation des crédits versés par le budget général à chaque opérateur ou catégorie d'opérateurs ; 4°) les emplois des opérateurs.

* 34  Article 14 de la loi n° 2006-888 du 19 juillet 2006 portant règlement définitif du budget de 2005, dont les dispositions ont été reprises au 25° de l' article 179 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

* 35 Ceci n'exclut toutefois pas la possibilité pour l'opérateur d'exercer des activités marchandes à titre subsidiaire.

* 36 Certains programmes dépendent très largement des opérateurs pour conduire leurs politiques publiques : de nombreux programmes voient 30 % de leurs crédits, voire plus, financer leurs opérateurs. Par exemple, 64 % des crédits du programme 163 « Jeunesse et vie associative » sont destinés à l'Agence du service civique.

* 37 Par exemple, l'École nationale supérieure de techniques avancées (ENSTA) et l'École nationale supérieure de techniques avancées Bretagne (ENSTA Bretagne) ont fusionné pour former l'École nationale supérieure de techniques avancées (ENSTA) ; l'Université Marie et Louis Pasteur (EPSCP expérimental) a été créée le 1er décembre 2024 en se substituant à l'université de Besançon et à la communauté d'universités et établissements Université Bourgogne-Franche-Comté à compter du 1er janvier 2025 (source : direction du budget, secrétariat général du Gouvernement).

* 38 Liste des organismes publics nationaux pour lesquels des données sont disponibles dans les bases de la direction du budget, datée du 24 février 2025.

* 39 IGF, p. 5.

* 40 Publiée en mai 2024 par l'INSEE.

* 41 Étude annuelle du Conseil d'État, 2012, p. 57.

* 42 Contrats d'objectifs et de moyens, contrats d'objectifs et de performance ou conventions d'objectifs et de gestion.

* 43 Agence France Trésor, Agence de l'informatique financière de l'État (AIFE), etc.

* 44 L'Établissement national des invalides de la marine (ENIM) est toutefois retenu car il constitue un opérateur de l'État, rattaché au programme 197 « Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins » de la mission « Régimes sociaux et de retraite », dont il reçoit une subvention pour charge de service public.

* 45 Le mot « agence », sans précision, désignera les agences de l'État ainsi définies.

* 46  Proposition de loi tendant à supprimer certains comités, structures, conseils et commissions « Théodule » dont l'utilité ne semble pas avérée, déposée par Nathalie Goulet.

* 47 En application de l'article 112 de la loi n° 95-1346 du 30 décembre 1995 de finances pour 1996, dont les dispositions ont été reprises au 9° de l' article 179 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

* 48 La Banque de France n'est pourtant pas mentionnée dans la définition du jaune à l'article 179 précité de la loi de finances pour 2020.

* 49 Informations transmises au rapporteur en février 2025.

* 50 Le seul opérateur organisé en GIE est Atout France.

* 51 Par exemple la Cinémathèque française ou les associations de coordination technique agricole.

* 52 Fondation Maison des sciences de l'homme et Fondation nationale des sciences politiques.

* 53 Ainsi sont qualifiés la Grande Chancellerie de la Légion d'honneur et France compétences.

* 54 Décision du Tribunal des conflits, 22 janvier 1921, « Société commerciale de l'Ouest africain »

* 55 Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement.

* 56 Agence nationale de santé publique.

* 57 Office national d'information sur les enseignements et les professions.

* 58 Par exemple la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM), la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV), la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) ou l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS - Urssaf Caisse nationale).

* 59 Ordonnance no 67-821 du 23 septembre 1967, aujourd'hui articles L. 251-1 et suivants du code de commerce.

* 60 Le nom complet de cet opérateur, tel qu'inscrit à l'article L. 141-2 du code de tourisme, est « Atout France, Agence française de développement touristique ».

* 61 L'autre est le Centre d'étude et de recherche multimodal et pluridisciplinaire en imagerie du vivant (CERMEP), qui n'est pas un opérateur au sens budgétaire.

* 62 Article 21 de la loi du 15 juillet 1982 d'orientation et de programmation pour la recherche et le développement technologique de la France

* 63 Cette qualification est également donnée, par exemple, à l'ANCT ( article L. 1231-1 du code général des collectivités territoriales).

* 64  Article L. 5312-1 du code du travail, tandis que l' article R. 5312-1 précise que c'est un établissement public à caractère administratif.

* 65 Son audition a eu lieu le 29 avril 2025, quelques semaines avant l'unification effective du Haut-commissariat au plan et de France Stratégie, réalisée par le décret n° 2025-450 du 23 mai 2025.

* 66 Voir par exemple la Revue des établissements publics nationaux, sous la direction du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, du ministère de la transition énergétique et du secrétariat d'État chargé de la mer, avril 2023.

* 67 Site internet de la direction du budget, La diversité des organismes, mis à jour le 28 avril 2025.

* 68 Restitution de l'infocentre EPN transmis au rapporteur à la date de début juin 2025.

* 69 Voir par exemple le discours général du Premier ministre, prononcé le 14 janvier 2025 : « Est-il nécessaire que plus de 1 000 agences, organes ou opérateurs exercent l'action publique ? »

* 70 Celle qui contient le mot « financement » dans son intitulé, l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), est qualifiée de simple « fond », et non de véritable agence, par le Conseil d'État en raison de son absence de réelle autonomie.

* 71 Article R. 1413-61-1 et suivants du code de la santé publique.

* 72 FranceAgriMer, Bilan social 2020.

* 73 Articles L. 1803-10 et suivants du code des transports.

* 74 Articles D. 696-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime.

* 75 Guadeloupe, Guyane, Martinique, Mayotte et La Réunion.

* 76 Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.

* 77 Cour des comptes, L'Office de développement de l'économie agricole d'outre-mer, exercices 2016-2021, juin 2023.

* 78 Programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité, outil de mise à disposition d'aides européennes et nationales au secteur agricole pour toutes les régions ultra-périphériques de l'Union européenne.

* 79 Antilles, Guyane, Océan Indien, Polynésie française et Nouvelle-Calédonie, cette dernière également compétente pour Wallis et Futuna (Office français de la biodiversité, Contacts et implantations).

* 80 Cerema Info, Le Cerema s'implante en Outre-mer, septembre 2021.

* 81  Communication de la Cour des comptes à la commission des finances du Sénat, relative à la gestion de l'eau potable et de l'assainissement en outre-mer, janvier 2025.

* 82 9° de l' article 179 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

* 83  Article L. 1212-1 du code des transports, introduit par la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités.

* 84  Rapport d'activité 2023 du comité consultatif de la législation et de la réglementation financière. Le CCLRF a tenu 13 réunions physiques et 10 réunions en procédure écrite.

* 85 Le cinquième collège du CNLE réunit 32 personnes en situation de précarité ou de pauvreté, désignées par le terme « personnes concernées ».

* 86 En application de l'article L. 614-1 du code monétaire et financier, le CCSF est chargé d'étudier les questions liées aux relations entre, d'une part, les établissements de crédit, les sociétés de financement, les établissements de monnaie électronique, les établissements de paiement, les entreprises d'investissement, les sociétés de gestion de portefeuille et les entreprises d'assurance et, d'autre part, leurs clientèles respectives, et de proposer toutes mesures appropriées dans ce domaine, notamment sous forme d'avis ou de recommandations d'ordre général.

* 87 Le libellé indiqué dans le jaune est « Conseil national des universités pour les disciplines de santé », mais la description des textes institutifs et la justification de l'évolution des coûts semblent porter sur le Conseil national des universités dans son ensemble.

* 88 Conseil national des universités, présentation en ligne.

* 89 Commission nationale du patrimoine et de l'architecture, Comité national de l'eau, Comité national de la biodiversité, Haut conseil de la santé publique, Commissions professionnelles consultatives relatives aux diplômes et titres à finalité professionnelle, Commission armées jeunesse, Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique et Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche.

* 90 Décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique.

* 91  Article 90 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique.

* 92 « Jaune » budgétaire annexé au projet de loi de finances pour 2019, p. 9-10.

* 93 Voir le commentaire de l'article 67 du second projet de loi de finances rectificative pour 2008, par Philippe Marini, rapporteur général, dans le rapport général n° 135 (2008-2009), tome II, déposé le 15 décembre 2008.

* 94 Ces deux organismes ont été retirés du « jaune » par l' article 35 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, au motif qu'ils ne répondaient pas à la définition des opérateurs de l'État et qu'un document de politique transversale présentait les informations relatives à l'Agence française de développement.

* 95 Les annexes générales couramment appelées « jaunes budgétaires », en raison de la couleur de leur couverture, présentent une vision consolidée de l'information financière sur certaines politiques publiques. Le 7° de l' article 51 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances pose le principe de leur transmission en annexe du projet de loi de finances de l'année et leur liste complète est maintenue à l' article 179 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

* 96 Ce montant correspond au budget initial pour 2024. Le montant réel, constaté dans l'infocentre EPN décrit plus loin, est de 45 785 euros, écart probablement lié à la longue vacance du poste du président de cette agence au cours du premier semestre de 2024.

* 97 Les dispositifs d'intervention pour compte de tiers correspondent à des versements reçus de l'État ou d'une autre entité et que l'organisme redistribue au bénéficiaire final de la mesure d'aide sans marge d'appréciation, par opposition aux dispositifs d'intervention pour compte propre, pour lesquels l'organisme dispose d'une certaine marge de manoeuvre (recueil des normes comptables pour les établissements publics, juillet 2022).

* 98 Certains contrôleurs budgétaires et comptables ministériels (CBCM) soulignent d'ailleurs la nécessité de clarifier les missions confiées en comptes propres et celles confiées en comptes de tiers, au motif que de nombreuses dépenses sont gérées en comptes propres par les établissements alors que ceux-ci n'ont pas de marge de manoeuvre et agissent pour le compte de l'État qui fixe de manière précise les règles d'attributions des aides.

* 99 Au moins pour ceux qui représentent un montant supérieur à un certain seuil.

* 100 Pour chaque opérateur sont données des informations différentes, relatives aux comptes financiers et budgétaires du budget initial de l'année précédente, qui ne se rattachent que partiellement à ces catégories.

* 101 Le schéma de financement des agences de l'eau, de l'OFB et de l'établissement public des parcs nationaux, très complexe, est présenté en détail infra.

* 102 Il s'agit en pratique d'un fichier informatique au format PDF, la dernière révision de la LOLF ayant supprimé l'obligation pour le Gouvernement d'imprimer les documents budgétaires.

* 103 Le pic de 9,7 % atteint en 2024 résulte probablement de la très forte sous-exécution du programme MaPrimeRénov' : les charges d'intervention constatées ont été de 1,8 milliard d'euros pour une prévision de 3,8 millions d'euros, mais les charges de fonctionnement n'ont pas diminué en conséquence (174,5 millions d'euros pour une prévision de 207,7 millions d'euros).

* 104 Coûts de gestion estimés par le rapport entre les charges de fonctionnement du compte financier 2024, hors contribution au compte d'affectation spéciale « Pensions », et les charges d'intervention.

* 105 Annexe « Opérateurs de l'État » au projet de loi de finances pour 2025. D'autres engagements hors bilan correspondent à des dispositifs de garantie qui n'ont donc vocation que très partiellement à se matérialiser par des dépenses effectives, par exemple pour la Caisse de garantie du logement locatif social ou FranceAgriMer.

* 106  Contrats de financement du Fonds pour la transformation de l'action publique, disponibles sur data.gouv.fr.

* 107 Projet de transformation de l'infocentre des établissements publics nationaux.

* 108 Cour des comptes, La conduite des grands projets informatiques de l'État, communication à la commission des finances du Sénat, juin 2020.

* 109  Arrêté du 5 juin 2020 pris pour l'application de l'article 3 du décret n° 2019-1088 du 25 octobre 2019 relatif au système d'information et de communication de l'État et à la direction interministérielle du numérique.

* 110 Une présentation des dépenses par destination est actuellement donnée dans le « jaune » budgétaire mais se limite au budget propre des agences et non aux opérations menées pour compte de tiers.

* 111 La paie à façon est une prestation proposée par l'État qui, sur convention, met sa chaîne de paie à la disposition d'autres personnalités morales publiques.

* 112 Source : données transmises par le Gouvernement, car le jaune budgétaire ne présente ces données qu'au niveau de l'ensemble des opérateurs.

* 113 La catégorie « Transferts et autres » inclut les transferts (T6), les subventions pour charges d'investissement (SCI) et les dotations en fonds propres, ces deux dernières catégories étant presque toujours de montant très faible en comparaison des autres sources de financement.

* 114 DGAFP, Rapport annuel 2024 sur la fonction publique.

* 115  Décret n° 2018-1351 du 28 décembre 2018 relatif à l'obligation de publicité des emplois vacants sur un espace numérique commun aux trois fonctions publiques.

* 116 DGAFP, Rapport annuel 2024 sur la fonction publique.

* 117 La catégorie A+ est particulièrement représentée dans les établissements d'enseignement supérieur, parce qu'elle inclut les professeurs d'université et les maîtres de conférences, soit plus de 48 000 postes en 2019 (archives du portail de la fonction publique, Catégorie A+, liste des corps et emplois de catégorie A+).

* 118 Cour des comptes, L'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) : un outil à consolider, communication à la commission des finances du Sénat, février 2024.

* 119 Article 174 du décret GBCP.

* 120 Décret n° 2007-447 du 27 mars 2007 relatif à la direction du budget et arrêté du 18 décembre 2019 portant organisation de la direction du budget.

* 121 Sont prévus cinq modules de formation de deux heures chacun sur les thèmes suivants : la doctrine ; la gestion budgétaire et comptable ; l'analyse pratique d'un budget ; la doctrine des emplois ; la gouvernance des organismes.

* 122 La lettre de mission est adressée au dirigeant lors de sa nomination ou de son renouvellement et formalise le mandat qui lui est confié.

* 123 La lettre d'objectifs est adressée annuellement au dirigeant et permet notamment de définir, le cas échéant, les critères de la part variable de sa rémunération.

* 124 Article 3 du décret n° 94-582 du 12 juillet 1994.

* 125 « Les commissaires du Gouvernement dans les entreprises », Étude du Conseil d'État adoptée en assemblée générale plénière le 8 janvier 2015.

* 126 En vertu du décret n° 2014-834 du 24 juillet 2014 relatif aux secrétaires généraux des ministères.

* 127 Voir l'audition de l'AFITF par la commission d'enquête le 14 mai 2025.

* 128 Comme indiqué au rapporteur, le Musée du Louvre élaborait, jusqu'à récemment, lui-même les textes réglementaires le concernant.

* 129 Par exemple, à la DGCL se trouvent un chargé de tutelle pour l'ANRU, un chargé de tutelle pour l'établissement pour l'insertion dans l'emploi (EPIDE) et un chargé de tutelle pour l'ANCT.

* 130 Audition de Jean-Louis Borloo par la commission d'enquête le 1er avril 2025.

* 131 Ce soutien peut prendre la forme notamment d'une participation en capital, d'une subvention, de prêts, d'avances ou de garanties.

* 132 Liste des commissions et instances consultatives ou délibératives placées directement auprès de la Première ministre ou des ministres. Ce document a été présenté en détail supra.

* 133 Cette règle découle de la circulaire du Premier Ministre n° 6038/SG du 12 septembre 2018 relative à la poursuite de la modernisation des procédures de consultation préalable et à la réduction du nombre des commissions consultatives. Elle succède à la règle du « un pour un », posée par la circulaire PM n° 5618/SG du 30 novembre 2012.

* 134 Article R. 133-2 du code des relations entre le public et l'administration.

* 135 La circulaire ne précisant pas si ces critères sont cumulatifs ou alternatifs.

* 136 Audition de Claire Landais, secrétaire générale du gouvernement, par la commission d'enquête le 14 mars 2025.

* 137 Audition de Laurent Marcangeli par la commission d'enquête le 7 mai 2025.

* 138 Ou encore « reministérialiser » les crédits, selon les termes utilisés par la ministre lors de son audition.

* 139 Note de législation comparée réalisée en avril 2025 par la direction de l'initiative parlementaire et des délégations à la demande de la commission d'enquête, annexée au présent rapport.

* 140  https://questions-statements.parliament.uk/written-questions/detail/2023-12-19/7559/

(consulté le 22 avril 2025).

* 141  https://www.gov.uk/government/publications/list-of-public-bodies-for-review-in-202425/list-of-public-bodies-for-review-in-202425 (consulté le 22 avril 2025).

* 142 Cour des comptes, note d'exécution budgétaire relative aux crédits de la mission « Culture » en 2024.

* 143 Voir le rapport n° 909 (2021-2022) du 29 septembre 2022 fait par Agnès Canayer et Éric Kerrouche au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, p. 90.

* 144 Cour des comptes, Observations définitives sur l'Onisep - exercices 2013 et suivants, délibérées le 14 décembre 2023 - publiés en mars 2024, p. 33.

* 145 Un représentant de l'association « Régions de France » ayant avancé, comme « exemple concret de non-coopération », le fait que « l'Onisep a développé [...] la plateforme numérique « Avenir(s) » sans aucune concertation avec les régions ».

* 146 Audition du 4 mars 2025.

* 147 Voir audition de MM. Christophe Bouillon et Stanislas Bourron devant la commission d'enquête, le 20 mars 2025.

* 148 Audition de M. Marc Chappuis, préfet des Alpes-de-Haute-Provence et ancien directeur du cabinet du ministre chargé de la cohésion des territoires.

* 149 Contribution de l'AMF.

* 150 Ibid.

* 151 Propos de M. Stéphane Galais, secrétaire national de la Confédération paysanne, devant la commission d'enquête le 27 mars 2025.

* 152 Audition de la secrétaire générale du Gouvernement le 14 mars 2025.

* 153 La secrétaire générale du Gouvernement considérant, pour sa part, que « cette envie d'autonomie est autoréalisatrice ».

* 154 Article L. 513-1 du code général de la fonction publique.

* 155 Article L. 512-6 du code général de la fonction publique.

* 156 La DIESE n'a pas été en mesure de distinguer les fonctions exécutives des seuls établissements publics.

* 157 Voir l'annexe 1 du décret n° 2022-760 du 29 avril 2022 portant application de l'article L. 412-1 du code général de la fonction publique.

* 158 Ces chiffres concernent la fonction publique d'État.

* 159 En vertu du décret n° 53-707 du 9 août 1953 relatif au contrôle de l'État sur les entreprises publiques nationales et certains organismes ayant un objet d'ordre économique ou social.

* 160 DGAFP, Rapport sur l'état de la fonction publique, novembre 2024.

* 161 D'après le rapport sur l'état de la fonction publique publié par la DGAFP en novembre 2024 ainsi que les éléments communiqués par la DGAFP au rapporteur. Les chiffres concernant la répartition des agents des EPA entre les catégories A, B et C comportent une part d'approximation dans la mesure où les éléments transmis font état d'une catégorie « inconnue » qui correspond à 3,5 % de l'ensemble des agents publics des EPA.

* 162 Excepté les personnels dirigeants des établissements publics administratifs de l'État en service à l'étranger, dont la rémunération est fixée par le décret n° 67-290 du 28 mars 1967.

* 163 Certains ministères ont établi la cotation fonctionnelle des postes de dirigeants dont ils ont la tutelle dans le cadre d'une grille : le ministère de la culture pour l'ensemble de ses opérateurs, les ministères sociaux pour les agences régionales de santé, ainsi que le ministère de la transition écologique pour les agences de l'eau, les parcs nationaux, les établissements publics fonciers et les établissements publics d'aménagement (source : éléments transmis au rapporteur par la direction du budget).

* 164 Pouvant varier entre 0 et 3 000 €.

* 165 Source : commission d'enquête à partir du « jaune » budgétaire « Opérateurs ». Pour calculer ce chiffre, a été pris en compte, lorsque le montant n'était pas connu pour 2023, le montant connu en 2022. Par ailleurs, une trentaine d'opérateurs ne figurent pas dans le tableau présentant la somme des dix plus importantes rémunérations brutes totales issu du « jaune », dont l'ANAH.

* 166 Source : DGAFP, Rapport sur l'état de la fonction publique, novembre 2024.

* 167 Les données sont antérieures à la transformation de cet organisme en Société des Grands Projets.

* 168 Intitulé court pour Transition écologique et solidaire, Logement et Habitat durable et Cohésion des territoires.

* 169 Les données portant sur les années antérieures à 2025, il a été choisi de comparer l'IFPEN au ministère de l'écologie qui incluait sur cette période le secteur de l'énergie.

* 170 Depuis le 1er janvier 2025, l'Autorité de sûreté nucléaire (ANS) et l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) ont fusionné pour constituer l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR).

* 171 Intitulé court pour Transition écologique et solidaire, Logement et Habitat durable et Cohésion des territoires.

* 172 Article L. 513-17 du code général de la fonction publique.

* 173 Article L. 513-18 du code général de la fonction publique.

* 174 Aussi dénommé Observatoire économique de la Défense (OED).

* 175 Rattaché au commissariat général au développement durable (CGDD).

* 176 Rattaché au service à compétence nationale Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (INJEP).

* 177 Cour des comptes, Premier bilan du « pass Culture », rapport public thématique, décembre 2024.

* 178 Directions régionales de l'action culturelle.

* 179 Et ce en dépit du principe qui avait été posé par la circulaire n° 5454/SG du Premier ministre en date du 26 mars 2010 en vertu duquel « dans les cas où il existe, pour un même établissement, plusieurs ministères de tutelle, le ministère dont relève le programme finançant à titre principal l'opérateur sera chargé d'animer le dialogue entre les ministères et sera l'interlocuteur unique de l'organisme) ».

* 180 Voir plus haut.

* 181 À noter par ailleurs que, depuis l'arrêté du 28 juin 2024, l'évaluation des directeurs d'administration centrale (ainsi que des secrétaires généraux des ministères et des directeurs généraux) est assurée par un comité interministériel placé auprès du Premier ministre.

* 182 Voir par exemple les articles R. 321-4 et suivants du code de la construction et de l'habitation pour l'Agence nationale de l'habitat ; les articles R. 1232-1 et suivants du code général des collectivités territoriales pour l'Agence nationale des collectivités territoriales ; etc.

* 183 Article 3 du décret du décret n° 94-582 du 12 juillet 1994.

* 184 Idem.

* 185 Tel est le cas de l'Office français de la biodiversité (OFB), du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), ou encore de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH). Il peut aussi arriver que le conseil d'administration se réunisse une fois par mois, comme pour l'Agence française de développement (AFD).

* 186 Aux termes de l'article R. 321-4 du code de la construction et de l'habitation, le conseil d'administration de l'ANAH prévoit ainsi la nomination d'un nombre égal de suppléants à celui des membres des trois collèges (collège des représentants de l'État et de ses établissements publics ; collège des élus et des représentants locaux ; collège des personnalités qualifiées) ; en revanche, la désignation de suppléant des membres du conseil d'administration de l'ANCT exclut les parlementaires (article R. 1232-1 du code général des collectivités territoriales).

* 187 Même si une partie des décisions peuvent avoir donné lieu à des discussions lors des conseils d'administration précédents.

* 188 C'est-à-dire courant jusqu'à l'année 2020 au moins (Cour des comptes, Les relations entre l'État et ses opérateurs - rapport demandé par le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée nationale, janvier 2021).

* 189 Articles 17 et 18 de la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et aux responsabilités des universités (LRU).

* 190 Le dernier COP de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), comme celui de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), couvre la période 2021-2023 ; le jaune budgétaire indique, pour l'OFPRA, qu'un nouveau COP est « en cours d'élaboration ».

* 191 À la date de publication du jaune budgétaire annexé au PLF pour 2025, ne disposaient pas d'un COP à jour : la Cité de l'architecture et du patrimoine ; le Centre national d'art et de culture Georges Pompidou ; le Centre national des arts plastiques ; la Cinémathèque française ; la Comédie française ; l'Ensemble intercontemporain ; l'Établissement public du château de Fontainebleau ; l'Établissement public du musée et du domaine de Versailles ; l'Établissement public du parc et de la grande halle de la Villette.

* 192 Le dernier COP des instituts régionaux d'administration remonte ainsi à 2022, tout comme celui de l'Institut français ; le dernier COP de l'Établissement public de la cité de la céramique remonte même à 2021.

* 193 Rapport d'information n° 4236 (XVe législature) déposé le 9 juin 2021 par le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée nationale sur l'évaluation des relations entre l'État et ses opérateurs

* 194 Article 1er de la loi n° 2010-873 du 27 juillet 2010 relative à l'action extérieure de l'État.

* 195 À titre d'exemple, voici les nombres d'indicateurs présents dans les derniers COP des agences suivantes : Centre national de la musique : 13 ; Réseau Canopé : 13 ; Ademe : 22 ; OFB : 32.

* 196 Voir notamment les indicateurs « taux de satisfaction au travail sur la question spécifique du sens au travail » (COP de l'Ademe) ; « Publication d'un recueil annuel et de notes (ondes longues et courtes) du CNMlab faisant état des connaissances sur les questions d'avenir pour la filière (COP du Centre national de la musique).

* 197 La commission d'enquête a auditionné, sous la forme d'une table ronde, MM. Thomas Fatôme, directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM), Nicolas Grivel, directeur général de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), et Damien Ientile, directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS - Urssaf Caisse nationale).

* 198 Rapport d'information précité de Lise Magnier et Jean-Paul Mattei, p. 65.

* 199 Idem, p. 64.

* 200 En application du décret n° 2019-254 du 27 mars 2019 relatif aux conditions de nomination des personnels dirigeants de certains établissements publics nationaux à caractère administratif.

* 201 Le décret n° 2016-633 du 24 mai 2016 a créé un comité d'audition pour la nomination des directeurs d'administration centrale. Présidé par le secrétaire général du Gouvernement, ce comité procède à l'audition des personnes sélectionnées par le Premier ministre et le ministre sous l'autorité duquel est placé l'emploi à pourvoir ; à l'issue des auditions, il communique au ministre son avis sur l'aptitude de chaque personne entendue à occuper l'emploi à pourvoir.

* 202 Articles 1er et 7-1 du décret n° 2012-32 du 9 janvier 2012 relatif aux emplois de chef de service et de sous-directeur des administrations de l'État.

* 203 Les dispositions concernées ayant été abrogées par le décret n° 2019-1594 du 31 décembre 2019.

* 204 Seraient visés les seuls établissements publics administratifs (EPA), les établissements publics industriels et commerciaux (EPIC) ne pouvant accueillir de fonctionnaires en position normale d'activité.

* 205 Décret n° 2016-1804 du 22 décembre 2016 relatif à la direction générale de l'administration et de la fonction publique et à la politique de ressources humaines dans la fonction publique.

* 206 Éléments transmis par la DIESE au rapporteur.

* 207 Conseil d'État, étude annuelle précitée.

* 208 « Les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'État dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique. » (Nous soulignons)

* 209 Réponse de la direction du budget au questionnaire de la rapporteure de la commission d'enquête.

* 210 Voire certificats d'économie d'énergie dans certains cas.

* 211 « Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée. »

* 212 Plus précisément, sur la répartition des crédits entre les programmes gérés par un même opérateur.

* 213 Audition du jeudi 15 mai 2025.

* 214 Les crédits de paiement du plan France 2030 sont délégués aux opérateurs.

* 215 Loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, insérant un 6 bis à l'article 51 de la LOLF.

* 216 De 2011 à 2019, les effectifs réels des préfectures et des sous-préfectures ont enregistré une baisse continue, passant de 27 765 ETPT à 24 885 ETPT, soit un recul de 10,4 % selon le rapport n° 909 du Sénat.

* 217 Assistance Technique fournie par les Services de l'État pour des raisons de Solidarité et d'Aménagement du Territoire

* 218 Établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux.

* 219 Mission de préfiguration de l'Agence nationale de la cohésion des territoires, France Territoires, un engagement au service des dynamiques territoriales, juin 2018.

* 220 JO Assemblée nationale, compte rendu intégral, session ordinaire 2018-2019, 11 mars 2019, pp. 2052-2053.

* 221 Sénat, À la recherche de l'État dans les territoires, rapport n° 909 de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, 29 septembre 2022.

* 222 Audition devant la commission d'enquête, 17 mars 2025.

* 223 Propos de M. Laurent Dejoie, vice-président de la région des Pays de la Loire et représentant de Régions de France, devant la commission d'enquête, le 3 mars 2025.

* 224 Audition devant la commission d'enquête, 4 mars 2025.

* 225 Contribution du Medef

* 226 Établissement recevant du public.

* 227 Personnes à mobilité réduite, haute qualité environnementale.

* 228 Propos de Mme Isabelle Dugelet, maire de la Gresle et représentante de l'association des maires ruraux de France, lors de son audition devant la commission d'enquête le 4 mars 2025.

* 229 Données communiquées à la commission d'enquête par le Gouvernement.

* 230 Propos de Mme Véronique Pouzadoux, maire de Gannat (Allier) et vice-présidente de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) devant la commission d'enquête le 4 mars 2025.

* 231 Sénat, À la recherche de l'État dans les territoires, rapport n° 909 de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, 29 septembre 2022.

* 232 Contribution de l'AMF.

* 233 Contribution de l'AMF.

* 234 Contribution de l'Assemblée des Départements de France.

* 235 À l'instar de l'ANAH, dont les aides à la pierre sont instruites par les services habitat des directions départementales des territoires.

* 236 Cour des comptes, L'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), un outil à consolider, exécution 2020-2022, février 2024.

* 237 Cour des comptes, La capacité d'action des préfets, exercices 2016-2022, juillet 2023.

* 238 Audition devant la commission d'enquête, 6 mars 2025.

* 239 Loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale.

* 240 Article 59-1 du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'État dans les régions et départements.

* 241 Le décret n° 2012-509 du 18 avril 2012 dresse la liste des établissements publics dont le préfet est désigné délégué territorial.

* 242 Cour des comptes, La capacité d'action des préfets, exercices 2016-2022, juillet 2023.

* 243 Article R. 120-9 du code du service national.

* 244 Article R. 112-34 du code du sport.

* 245 Article 11 de la loi n° 2003-710 du 1 août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine.

* 246 Programme national de rénovation urbaine, Nouveau Programme de renouvellement urbain, Programme national de requalification des quartiers anciens dégradés.

* 247 Décret n° 2023-876 du 13 septembre 2023

* 248 Aube, Dordogne, Charente, Côte d'Or, Corrèze, Dordogne, Loire, Loiret, Manche, Oise, Pas-de-Calais, Tarn.

* 249 Ain, Aube, Aude, Charente, Côte d'Or, Dordogne, Oise, Pas-de-Calais, Savoie, Tarn.

* 250 Sénat, À la recherche de l'État dans les territoires, rapport n° 909 de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, 29 septembre 2022.

* 251 Auditions de MM. Thomas Fatôme, directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM), Nicolas Grivel, directeur général de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), et Damien Ientile, directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS - Urssaf Caisse nationale), 29 avril 2025. Il s'agit d'estimations, réalisées par exemple par échantillonnage, le nombre de fraudes effectivement détectées étant très inférieur.

* 252 Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) dans les départements côtiers.

* 253 Voir l'enquête de l'AMF, « Les relations des communes et des intercommunalités avec la DGFiP », octobre 2024.

* 254 Rapport précité des députés Firmin Le Bodo et Grelier.

* 255 Fonds d'intervention régionale, Rapport annuel 2023.

* 256 34 milliards d'euros ont été votés en loi de finances initiale pour 2022 et 20 milliards d'euros ont été transférés du quatrième PIA au plan France 2030.

* 257  Rapport spécial de Laurent Somon et Thomas Dossus pour la mission « Investir pour la France de 2030 », annexé au rapport général n° 144 (2024-2025), tome III, annexe 17, déposé le 21 novembre 2024.

* 258  Article 8 de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010 et décret n° 2010-442 du 3 mai 2010 fixant la liste des établissements et sociétés mentionnés à cet article.

* 259 Sauf la Caisse des dépôts et consignations, qui est « placée, de la manière la plus spéciale, sous la surveillance et la garantie de l'autorité législative » ( article L. 518-2 du code monétaire et financier).

* 260 Comité de surveillance des investissements d'avenir, Première évaluation in itinere du plan France 2030, juin 2023, p. 61.

* 261 Gouvernement, Clôture des assises de la forêt et du bois, 16 mars 2022.

* 262  France 2030 - Projets financés par l'Ademe et France 2030 - Partenaires des projets financés par l'Ademe.

* 263 Liste des lauréats "Démonstrateurs ville durable" - France 2030.

* 264 Plateforme des données ouvertes de l'ANR.

* 265 Service d'information du Gouvernement, Lauréats des appels à candidature. Ce site n'indique ni le montant attribué, ni même l'opérateur qui a sélectionné le bénéficiaire. Le jeu de données de l'Ademe donne avec précision le type d'aide attribué et les montants versés.

* 266 Cour des comptes, note d'exécution budgétaire sur la mission « Investir pour la France de 2030 », exercice 2024.

* 267 Ces taxes sont prévues par les articles L. 213-10 à L. 213-10-12 du code de l'environnement.

* 268 Redevance pour obstacle sur les cours d'eau, redevance pour stockage d'eau en période d'étiage, redevance pour la protection du milieu aquatique, redevance pour pollutions diffuses, redevances pour prélèvement sur la ressource en eau, redevances pour pollution de l'eau et redevances pour modernisation des réseaux de collecte.

* 269 Respectivement articles L. 423-6 et R. 423-11 du code de l'environnement.

* 270  Arrêté du 7 février 2025 relatif à la contribution financière des agences de l'eau à l'Office français de la biodiversité.

* 271 Taxe sur les installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent situées dans les eaux intérieures ou dans la mer territoriale.

* 272  Arrêté du 17 février 2025 relatif à la contribution financière de l'Office français de la biodiversité aux établissements publics de parcs nationaux pour l'année 2025. La contribution a été instituée par l'article 137 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

* 273 Voir le rapport de Jean-François Husson, rapporteur spécial des crédits de l'écologie, annexé au rapport général n° 108 (2017-2018), tome III, annexe 11, volume 1, déposé le 23 novembre 2017.

* 274  Article 131-6 du code de l'environnement, résultant de l'article 57 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale.

* 275 Sur le budget principal 2024 de l'Ademe, les recettes propres s'élèvent à 60,6 millions d'euros pour un montant total de recettes de 1 029,5 millions d'euros (budget réalisé 2024, approuvé par le conseil d'administration en date du 6 mars 2025).

* 276 Le Fonds national des aides à la pierre (FNAP), opérateur du ministère chargé du logement.

* 277 Article L. 301-5-1 du code de la construction et de l'habitation.

* 278 Comme indiqué au rapporteur par la direction générale des entreprises (DGE).

* 279 Ademe, site Internet, Contacts presse.

* 280 Ademe, Guide des relations médias responsables, 18 avril 2025.

* 281 L'Ademe, l'AFD, l'Agence bio, l'ANR, l'ONF ont ainsi pour sites respectifs : ademe.fr ; afd.fr ; agencebio.fr ; anr.fr ; onf.fr ; en revanche, les sites de l'ANAH, l'ANCT, ou encore de l'OFB relèvent bien du domaine gouvernemental : anah.gouv.fr, anct.gouv.fr, ofb.gouv.fr.

* 282 D'après les éléments transmis par la DGE au rapporteur.

* 283 Audition devant la commission d'enquête, jeudi 10 avril 2025.

* 284 Cour des comptes, janvier 2021, Les relations entre l'État et ses opérateurs.

* 285 Les ARS ont été fusionnées par l'effet de la constitution des nouvelles régions.

* 286 La Cour des comptes a elle-même reconstitué l'évolution à périmètre constant, la direction du budget ne fournissant que l'évolution à titre courant.

* 287 Voir, à titre d'illustration, l'arrêté du 13 mars 2020 désignant une opération de restructuration de service ouvrant droit au versement de la prime de restructuration de service, de l'allocation d'aide à la mobilité du conjoint et de l'indemnité de départ volontaire au sein de l'Office français de la biodiversité. L'attribution de la prime de restructuration est cependant soumise au contrôle du juge administratif, qui exige que l'opération de restructuration affectant l'agent modifie effectivement les conditions d'exercice de ses fonctions. À cet égard, un simple changement de résidence administrative ne suffit pas à constituer un préjudice d'éloignement ouvrant droit au versement de la prime : https://acteurspublics.fr/articles/carrieres-mardi-pour-toucher-la-prime-de-restructuration-les-fonctionnaires-doivent-justifier-dune-reelle-reorganisation-fonction-publique-pas-de-prime-de-restructuration-sans-reelle-reorganisat/

* 288 Loi n° 2008-126 du 13 février 2008 relative à la réforme de l''organisation du service public de l'emploi.

* 289 Cour des comptes, La gestion de Pôle emploi, dix ans après sa création, juillet 2020.

* 290 Audition du 10 avril 2025.

* 291 Cour des comptes, La DGFiP, dix ans après la fusion, juin 2018.

* 292 Des motifs d'économies ou de mutualisation peuvent cependant justifier des formes intermédiaires de rapprochements, à l'image de la réunion de fonctions supports (voir infra).

* 293 La Cour des comptes note ainsi que, pour les appels d'offres de formation lancés par la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur, « pour de nombreux lots, une vive concurrence a été constatée, notamment entre les GRETA et l'AFPA » ( La formation des demandeurs d'emploi, communication à la commission des finances de l'Assemblée nationale, mai 2018).

* 294 Analyse de l'exécution budgétaire 2024, Mission Travail et Emploi, Cour des Comptes, avril 2025

* 295 Groupement d'intérêt public relatif à la formation continue et à l'insertion professionnelle (GIP FCIP) et Groupement d'établissements (GRETA) : l'organisation de la formation continue des adultes au sein de l'Éducation nationale, Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche, octobre 2024.

* 296 Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR), La mise en oeuvre de la réforme des GRETA depuis trois ans, rapport n° 2016-063, septembre 2016.

* 297 Loi n° 2019-1100 du 30 octobre 2019 relative à la création du Centre national de la musique.

* 298 Cour des comptes, troisième chambre, troisième section, Centre national du cinéma et de l'image animée, exercices 2011 à 2022, rapport n° S2023-0722, mai 2023.

* 299 Cour des comptes, troisième chambre, troisième section, La Cinémathèque française, exercices 2016 et suivants, rapport n° S2024-1569, novembre 2024.

* 300 Cour des comptes, troisième chambre, troisième section, École nationale supérieure des métiers de la musique et du son, exercices 2016 et suivants, rapport n° S2024-0023, novembre 2023.

* 301 Baromètre 2025 « Les Français et la lecture », sixième édition du baromètre bisannuel, étude réalisée par l'IPSOS pour le CNL, avril 2025

* 302 Le système d'aide de l'Association pour le soutien du théâtre privé, IGAC, janvier 2024

* 303 Conséquences financières de la réforme de l'apprentissage et de la formation professionnelle, avril 2020, IGAS et IGF

* 304 Emmanuel Capus et Ghislaine Senée, rapporteurs spéciaux, rapport sur les crédits de la mission « Travail et emploi », annexé au rapport général n° 144 (2024-2025), présenté au nom de la commission des finances, déposé le 21 novembre 2024.

* 305 Il ressort d'un indicateur de performance du programme 147 « Politique de la ville » de la mission « Cohésion des territoires », supprimé toutefois dans le projet de loi de finances pour 2025, que le revenu fiscal moyen par unité de consommation était, en 2022, inférieur de 45,9 % dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), par rapport à l'agglomération dont ils font partie.

* 306 Rapport fait au nom du ministre des sports, août 2018, Laurence Lefèvre (directrice des sports) et Patrick Bayeux (docteur en sciences de gestion, consultant), « Nouvelle gouvernance du sport ».

* 307 Vincent Éblé et Didier Rambaud, Le Pass Culture, commission des finances du Sénat, juillet 2023.

* 308 Services des impôts des particuliers (SIP) et services de la fiscalité directe locale (SFDL)

* 309  Rapport de Claude Nougein, rapporteur spécial, sur les crédits du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », annexé au rapport général n° 144 (2024-2025), fait au nom de la commission des finances du Sénat, déposé le 21 novembre 2024.

* 310 Communiqué de presse du 8 avril 2024, « Bilan 2023 et perspectives 2024 de l'immobilier de l'État : un parc mieux valorisé, plus sobre et plus durable ».

* 311 Inspection générale des finances, Conseil général de l'environnement et du développement durable, « Immobilier de l'État : une nouvelle architecture pour professionnaliser », avril 2022.

* 312 Le périmètre de ce pilote devait porter sur les immeubles de bureaux occupés par les services du ministère des finances et du ministère de l'intérieur (hors police et gendarmerie) ainsi que sur les sites multi-occupants situés dans deux régions, Grand Est et Normandie.

* 313 Décision n° 2025-874 DC du 13 février 2025, Loi de finances pour 2025.

* 314 Audition devant la commission des finances du Sénat du 9 avril 2025.

* 315 Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche, « Synthèse des audits des fonctions support du CNRS, de l'INSERM, de l'INRIA, de l'INRA et du CIRAD », rapport n°2011-109, octobre 2011, cité par Inspection générale des finances, « Implantation territoriale des organismes de recherche et perspectives de mutualisation entre organismes et universités », rapport n° 2014-M-006-02, mai 2014.

* 316 Réponse de la direction du budget au questionnaire du rapporteur.

* 317 Par exemple dans le cadre des échanges de données entre l'administration fiscale et les opérateurs en vue de la lutte contre la fraude aux aides publiques : réponse de la direction générale des finances publiques (DGFiP) au questionnaire du rapporteur.

* 318 Réponse de la direction interministérielle du numérique (DINUM) au questionnaire du rapporteur.

* 319 Audition du jeudi 15 mai 2025.

* 320 Audition du jeudi 27 mars 2025.

* 321 Réponses orales de M. Damien Ientile, directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS - Urssaf Caisse nationale), en audition le mardi 29 avril 2025.

* 322 Cour des comptes, rapport public annuel 2015, février 2015.

* 323 En application de l'article R. 752-2 du code de l'éducation, une école d'architecture est un établissement d'enseignement supérieur et de recherche, constitué sous la forme d'établissement public administratif.

* 324 Le périmètre de l'Université PSL comprend treize établissements : Collège de France, Conservatoire national supérieur d'art dramatique - PSL, École des arts décoratifs - PSL, École nationale supérieure d'architecture Paris - Malaquais - PSL, École nationale des chartes - PSL, École nationale supérieure de chimie de Paris - PSL, École nationale supérieure des mines de Paris - PSL, École normale supérieure - PSL, École pratique des hautes études - PSL, ESPCI Paris - PSL, Institut Curie, Observatoire de Paris - PSL, Paris-Dauphine - PSL.

* 325 Une partie des effectifs des écoles d'art est également prise en charge par le ministère, avec des taux de prise en charge beaucoup plus variable qu'au sein des écoles d'architecture ; l'École nationale de la photographie d'Arles rémunère l'ensemble de ses agents en titre 3.

* 326 Annoncée début octobre, la fusion entre France stratégie et le Haut-commissariat au plan a été actée par le décret n° 2025-450 du 23 mai 2025 portant création du Haut-Commissariat à la stratégie et au plan.

* 327 Circulaire n° 5888/SG du 19 septembre 2016 relative aux schémas pluriannuels de stratégie immobilière (SPSI) des opérateurs de l'État.

* 328 Le nom officiel de l'Epide est Établissement public d'insertion de la défense ( article L. 3414-1 du code de la défense), mais son nom d'usage est Établissement pour l'insertion dans l'emploi.

* 329 Cour des comptes, Suivi de la communication sur l'Établissement public d'insertion dans l'emploi (Epide), exercices 2021 à 2024, publié le 16 juin 2025.

* 330 Les deux tiers des dépenses de personnel des opérateurs sont concentrés dans les établissements d'enseignement (notamment les universités) et les grands centres de recherche (CEA, CNRS, etc.)

* 331 Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, Audit des fonctions support de l'INSERM, présentation des principales recommandations, 2011.

* 332 Sur la question des aides aux entreprises, on renverra aux travaux de la commission d'enquête sur l'utilisation des aides publiques aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants, dont les travaux ont été concomitants à ceux de la présente commission d'enquête.

* 333 Compte général de l'État 2024.

* 334 Articles L. 521-1 et suivants du code de la recherche.

* 335 Loi n° 78-654 du 22 juin 1978 concernant les comités professionnels de développement économique.

* 336  Article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.

* 337 Arrêté du 26 juillet 2018 portant approbation d''avenant à la convention constitutive modificative du groupement d'intérêt public « GEODERIS ».

* 338  Arrêté du 14 juin 2023 portant création et organisation d'un service à compétence nationale dénommé Centre ministériel de gestion des personnels (CMGP).

* 339 Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, ministère de la transition énergétique et secrétariat général de la mer.

* 340 « Modernisation » qui pourrait notamment permettre le détachement entre deux agences de l'eau.

* 341 Le secrétariat général de la mer (SGMer) a été créé par le  décret n° 95-1232 du 22 novembre 1995. Il est placé sous l'autorité du Premier ministre et coordonne la politique maritime de la France. Le  décret n° 2010-834 du 22 juillet 2010 est venu compléter le dispositif en organisant la fonction garde-côtes.

* 342 Note-de-Synthese-258-La-fonction-garde-cotes.pdf

* 343  Loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée.

* 344 La recherche, connectons science et société, site Internet de l'Ademe.

* 345 Bernard Delcros, « Un nouvel élan pour le programme des interventions territoriales de l'État (PITE) », rapport d'information n° 604 (2016-2017), présenté au nom de la commission des finances du Sénat, déposé le 4 juillet 2017,

* 346 Chambre régionale des comptes de Nouvelle-Aquitaine, Union des marais mouillés du bassin de la Sèvre et des Autizes, rapport d'observations définitives, 2019.

* 347 France Stratégie, L'évaluation des politiques publiques en Suède, décembre 2019, p. 5.

* 348 Conseil d'État, « Les agences : une nouvelle gestion publique ? », étude annuelle pour 2012, p. 60.

* 349 Ibid.

* 350 Ibid, p. 5-6.

* 351 Ibid., pp. 2 et 11.

* 352 OCDE, Public Governance Monitor of Sweden, 2023, p. 13.

* 353  Kungörelse (1974:152) om beslutad ny regeringsform, 2 kap. §2.

* 354 France Stratégie, op. cit., p. 5.

* 355 Ibid., p. 3.

* 356 Agence suédoise pour la gestion publique (Statskontoret), rapport annuel pour 2024 (Statsförvaltningen i korthet 2024), pp. 7-9.

* 357 France Stratégie, op. cit., pp. 5-6.

* 358 Conseil d'État, op. cit., pp. 264 et 266.

* 359 Ibid.

* 360 La liste complète des agences est officiellement répertoriée à cette adresse : https://www.riksrevisionen.se/granskningar/vilka-vi-granskar/myndigheter.html (consulté le 9 avril 2025).

* 361  https://www.riksrevisionen.se/granskningar/vilka-vi-granskar/myndigheter.html (consulté le 10 avril 2025).

* 362 Statskontoret propose, dans son rapport annuel « Le gouvernement central en bref », une répartition fonctionnelle des agences selon la classification COFOG de l'OCDE. Le domaine qui regroupe le plus grand nombre d'agences est celui de la justice et de la protection civile (samhällsskydd och rättsskipning), en raison de l'inclusion de toutes les juridictions nationales. Il souligne que près de la moitié des agences disposent du pouvoir d'édicter des règlements (föreskrifter). Enfin, les ministères de la Justice, des Finances et de l'Éducation sont ceux qui supervisent le plus d'agences.

* 363 Conseil d'État, op. cit., p. 266.

* 364 Ibid.

* 365 Ibid.

* 366 France Stratégie, op. cit., pp. 5-6.

* 367 Ibid.

* 368 Ibid.

* 369 Ibid.

* 370 Rapport du Statskontoret « Encore moins nombreuses, encore plus grandes
Évolution de la taille des agences et de la structure de l'administration publique, 2011-2023 », p. 20.

* 371 Conseil d'État, op. cit., p. 62.

* 372 Agence suédoise pour la gestion publique (Statskontoret), rapport annuel pour 2024 (Statsförvaltningen i korthet 2024), p. 5.

* 373 Ibid.

* 374 Ibid.

* 375 Ibid., p. 7.

* 376 Directive (UE) 2022/2555 concernant des mesures destinées à assurer un niveau élevé commun de cybersécurité dans l'ensemble de l'UE, dite NIS2.

* 377 Ibid.

* 378 Ibid.

* 379 Ibid.

* 380 Ibid

* 381  Myndighetsförordning (2007:515)

* 382 Voir la partie 4 du rapport 2024 du Statskontoret : « Le gouvernement en bref » (Statsförvaltningen i korthet).

* 383 Conseil d'État, op. cit., p. 13.

* 384 Shirin Ahlbäck Öberg & Helena Wockelberg, Agency control or autonomy? Government steering of Swedish government agencies 2003-2017, in International Public Management Journal, août 2020, p. 336.

* 385 Conseil d'État, op. cit., p. 13.

* 386 Shirin Ahlbäck Öberg & Helena Wockelberg, op. cit., p. 344.

* 387 Ibid., p. 345.

* 388 Ibid., p. 343.

* 389 Ibid., pp. 332 et 345.

* 390 M. Borg et al., Digitalization of Swedish Government Agencies - A Perspective Through the Lens of a Software Development Census, Sveriges forskningsinstitut, février 2018, p. 1056.

* 391 Ibid., p. 1054.

* 392 Conseil d'État, op. cit., p. 15.

* 393 Ibid., p. 26.

* 394 Conseil d'État, op. cit., p. 13.

* 395 Agence suédoise pour la gestion publique (Statskontoret), rapport annuel pour 2024 (Statsförvaltningen i korthet 2024), p. 35.

* 396 Conseil d'État, op. cit., p. 13.

* 397 Ibid.

* 398 Ibid.

* 399 Agence suédoise pour la gestion publique (Statskontoret), rapport annuel pour 2024 (Statsförvaltningen i korthet 2024), pp. 5 et 35.

* 400 Ibid., p. 36.

* 401 Ibid.

* 402 Ibid.

* 403 France Stratégie, op. cit., p. 2.

* 404 Agence suédoise pour la gestion publique (Statskontoret), rapport annuel pour 2024 (Statsförvaltningen i korthet 2024), p. 35.

* 405 Conseil d'État, op. cit., pp. 6-7.

* 406 Ibid. p. 62.

* 407 Ibid., p. 8.

* 408 Ibid., p. 62.

* 409 Statskontoret, Statsförvaltningen i korthet, 2024, p. 8.

* 410 Ibid., p. 35.

* 411 Shirin Ahlbäck Öberg & Helena Wockelberg, op. cit., pp. 332 et 345.

* 412 Dawid Szeoecio, L'agencification revisitée : tendances dans la consolidation de l'administration centrale en Europe, in Revue Internationale des Sciences Administratives, p. 785.

* 413 Ibid.

* 414  https://www.statskontoret.se/fokusomraden/styrning-av-stora-myndigheter/utmaningar-i-styrningen-inom-stora-myndigheter/ (consulté le 10 avril 2025).

* 415 Ibid.

* 416  https://www.statskontoret.se/fokusomraden/styrning-av-stora-myndigheter/forandringsarbete-inom-stora-myndigheter/ (consulté le 10 avril 2025).

* 417 Ibid.

* 418  https://data.riksdagen.se/fil/6CF59498-FB5D-4F9D-9F2D-42A7803C7EED

* 419  https://www.lagradet.se/wp-content/uploads/2021/09/Regeringspr%C3%B6vning-av-kalkstenst%C3%A4kter-i-undantagsfall.pdf

* 420  https://www.lexology.com/library/detail.aspx?g=f13b6fe6-fc01-47e2-9d3d-75eea4c997f5 (consulté le 15 avril 2025).

* 421  https://foretagande.se/jens-nylander-tar-in-kapital-och-utmanar-offentliga-sektor-ett-svenskt-doge (consulté le 15 avril 2025).

* 422  https://www.statskontoret.se/fokusomraden/fakta-om-statsforvaltningen/allmanhetens-uppfattning-om-kvaliteten-i-de-statliga-verksamheterna/ (consulté le 10 avril 2025).

* 423 R. Rawlings, « Testing times » in Oliver, Prosser and Rawlings, The Regulatory State: Constitutional Implications, Oxford University Press, 2010

* 424  Lords Select Committee, The Report of the Committee on the Civil Service, 1968

* 425 C. Harlow, R. Rawlings, Law and administration, 2022, Chap. 9, p. 346.

* 426  UK Cabinet Office, Improving Management in Government : The Next Steps (« The Ibbs Report »), 1988.

* 427 Conseil d'État, étude annuelle, « Les agences : une nouvelle gestion publique ? », 2012.

* 428  Serious Fraud Office (SFO).

* 429 C. Harlow, R. Rawlings, Law and administration, 2022, Chap. 2, p. 43.

* 430 Ibid., Chap. 2, p. 45.

* 431  Ofsted, Ofgem et Ofwat.

* 432  C. Harlow, R. Rawlings, Law and administration, 2022, Chap. 9, p. 347.

* 433  Conseil d'État, « Les agences : une nouvelle gestion publique ? », 2012.

* 434  Institute for Government, Étude sur la réforme des organismes publics, 22 janvier 2022.

* 435  C. Harlow, R. Rawlings, Law and administration, 2022, Chap. 9, p. 347.

* 436  House of Commons Library, Introduction to devolution in the United Kingdom, 2024, p.5.

* 437  C. Harlow, R. Rawlings, Law and administration, 2022, Chap.9, p. 347.

* 438  M. Busuioc, M. Groenleer, J. Tondal, The Agency Phenomenon in the European Union, 2010, cité dans H&R, Law and Administration, 2022, Chapitre 9, p. 347.

* 439  https://www.food.gov.uk/

* 440  Minister for the Constitution, Post Legislative Scrutiny of the Public Bodies Act 2011, 2016, Préambule, para. 1.

* 441  Public Bodies Act (2011), 2011 Chapter 24.

* 442  National Audit Office, Progress on public bodies reform, 2014, p. 11.

* 443  UK Cabinet office, Public Bodies Handbook : part one , p. 8.

* 444 Littéralement « organismes à distance d'une longueur de bras ».

* 445 Les Non-classified Government Entities sont des catégories d'organismes publics qui ne sont pas couverts par la classification établie par le Cabinet Office. Lors de la création ou de la fusion d'agences, le Cabinet Office exige en principe de respecter la classification mise en place et d'éviter cette catégorie par défaut, dont les contours sont plus flous.

* 446  UK Cabinet office, Public Bodies Handbook : part one , p. 8.

* 447  UK Cabinet Office, ALB Landscape Analysis 2023

* 448 En mars 2023, le Royaume-Uni comptait 519 780 fonctionnaires employés dans les ministères et autres organismes publics tels que les agences exécutives. Ce chiffre exclut les employés de la fonction publique d'Irlande du Nord, les autres agents de la Couronne et les employés du secteur public au sens large, tels que ceux des collectivités locales.

https://publications.parliament.uk/pa/cm5804/cmselect/cmpubacc/452/report.html?utm_source=chatgpt.com (consulté le 24 avril 2025).

* 449 Pour l'exercice 2022-2023 (budget total de 455 milliards de livres sterling).

* 450  UK Cabinet Office, ALB Landscape Analysis 2023

* 451  UK Cabinet Office, ALB Landscape Analysis 2023

* 452  https://www.gov.uk/guidance/public-bodies-reform (consulté le 4 avril 2025)

* 453  UK Cabinet Office, ALB Landscape Analysis 2023

* 454  UK Cabinet Office, The Public Bodies Handbook - Part 3, Executive Agencies Guidance

* 455  UK Cabinet Office, ALB Landscape Analysis 2023. La liste complète des agences exécutives est disponible à l'adresse suivante : https://www.gov.uk/government/publications/government-ministers-and-responsibilities/list-of-non-ministerial-departments-and-executive-agencies-html.

* 456 Ibid.

* 457 Ibid.

* 458  HM Prison and Probation Service framework document, avril 2017

* 459  UK Cabinet Office, ALB Landscape Analysis 2023.

* 460  T. Endicott, Administrative Law, 4th ed., 2018, Glossaire.

* 461  How Government works (Site officiel du gouvernement du Royaume-Uni) .

* 462  Cabinet Office, ALB Landscape Analysis 2023.

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* 465  https://www.gov.uk/government/organisations/the-committee-on-standards-in-public-life, consulté le 3 avril 2025.

* 466  https://www.gov.uk/government/how-government-works, consulté le 3 avril 2025.

* 467  UK Cabinet Office, ALB Landscape Analysis 2023.

* 468 Ibid.

* 469  UK Cabinet Office, The Public Bodies Handbook : part one.

* 470  UK Cabinet Office, The Public Bodies Handbook - Part 3, Executive Agencies Guidance.

* 471  UK Cabinet Office, ALB Landscape Analysis 2023.

* 472 Ibid.

* 473 Ibid.

* 474 L'ensemble des données du tableau proviennent du site officiel de l'IOPC.

* 475  Police Reform Act 2002, Part 2 Complaints and Misconduct, The Independent Office for Police Conduct.

* 476  IOPC Annual Report and statement of accounts, HC 518 2022/2023

* 477 Ibid.

* 478  UK Cabinet Office, The Public Bodies Handbook : part one.

* 479 Ibid.

* 480  https://www.gov.uk/government/organisations, consulté le 4 avril 2025.

* 481  UK Cabinet Office, ALB Landscape Analysis 2023.

* 482  Ibid.

* 483  https://www.gov.uk/government/publications/government-ministers-and-responsibilities/list-of-non-ministerial-departments-and-executive-agencies-html (consulté le 5 avril 2025).

* 484  Npower Direct Ltd v Gas and Electricity Markets Authority and Competition Markets Authority [2018] EWHC 3576 (Admin), paras 8-20].

* 485  T. Prosser, Chapter 10: Regulation and administrative law: some key issues, in C. Harlow, A research agenda for administrative law, 2023, pp. 235-254.

* 486  UK Cabinet Office, The Public Bodies Handbook : part one.

* 487  UK Cabinet Office, Executive Agencies Guidance, Chap. 3, p. 7.

* 488 Ibid.

* 489  UK Cabinet Office, Executive Agencies Guidance, Chap 3, p. 6.

* 490  UK Cabinet Office, Tailored Reviews: Guidance on Reviews of Public Bodies, 2019 .

* 491  UK Cabinet Office, Guidance on the undertaking of Reviews of Public Bodies.

* 492  UK Cabinet Office, The Public Bodies Handbook : part one.

* 493 Ibid.

* 494 Ibid.

* 495  HM Treasury, Specimen framework document, 2022.

* 496  Institute for Government, Report, The Strange Case of Non-Ministerial Departments, 2013.

* 497  HM Treasury, Managing Public Money, 2023, Chap 7, para. 7.10, p. 63.

* 498 Institute for Government, Report, The Strange Case of Non-Ministerial Departments, 2013.

* 499 HM Treasury, Managing Public Body, 2023, Chap. 7, para. 7.2.3, p. 56.

* 500 Forestry Commission, Corporate Plan 2009-2012.

* 501 The Code for Crown Prosecutors, 26 octobre 2018.

* 502 Food Standards Agency, Board Effectiveness Review, Avril 2022.

* 503 Institute for Government, Report, The Strange Case of Non-Ministerial Departments, 2013

* 504 Ibid.

* 505  UK Cabinet Office, Tailored reviews : Guidance on Reviews of Public Bodies, 2019, p. 4

* 506  UK Cabinet Office, The Public Bodies Handbook : part one, Chap. 2, p. 15

* 507  UK Cabinet Office, The Public Bodies Handbook : part one, Annex A, p. 35.

* 508  UK Cabinet Office, ALB Landscape Analysis 2023

* 509  Institute for government, The public bodies review programme, 2023.

* 510 Ibid.

* 511  UK Cabinet Office, Tailored Reviews: Guidance on Reviews of Public Bodies, 2019.

* 512  UK Cabinet Office, Tailored Reviews: Guidance on Reviews of Public Bodies, 2019, Introduction

* 513  https://www.gov.uk/government/publications/declaration-on-government-reform/declaration-on-government-reform (consulté le 22 avril 2025).

* 514  UK Cabinet office, Guidance on the undertaking of Reviews of Public Bodies, 2024

* 515 Ibid., para. 20.

* 516  https://questions-statements.parliament.uk/written-questions/detail/2023-12-19/7559/

(consulté le 22 avril 2025).

* 517  https://www.gov.uk/government/publications/list-of-public-bodies-for-review-in-202425/list-of-public-bodies-for-review-in-202425 (consulté le 22 avril 2025).

* 518  OfCom Communications Act 2003, Part I « Functions of OfCom », article 3 « General duties of OfCom », (1)  .

* 519  I. Feuerstein, « Élections au Royaume-Uni : comment la crise des services publics s'est imposée au coeur de la campagne », Les Échos, 1er juillet 2024.

* 520  D. Helm, The end(less) game for Thames Water, 23 septembre 2024.

* 521  J. Black, Accountability of UK Regulatory Agencies: Challenges, Capacities and Prospects.

* 522  Public Administration Committee, Who's Accountable? Relationship between Government and Arm's Length Bodies, HC 110 (2014/15), 8. Conclusion.

* 523  C. Harlow, R. Rawlings, Law and administration, 2022, p. 380.

* 524  R. Rawlings, « Addressing contractual governance » », in A reasearch agenda for Administrative law, C. Harlow, 2023, para. 2.3.

* 525  Public Bodies Act (2011), 2011 Chapter 24.

* 526  Public Bodies Act (2011), 2011 Chapter 24, Part 1 General order-making power, Powers of Ministers : supplementary, 11. Procedure, (4)  « Sous réserve de ce qui suit, si, à l'expiration du délai de quarante jours, le projet d'arrêté prévu au paragraphe 1 est approuvé par une résolution de chaque chambre du Parlement, le ministre peut prendre un arrêté dans les termes du projet ».

* 527  Minister for the Constitution, Post Legislative Scrutiny of the Public Bodies Act 2011, 2016.

* 528 Ibid., para. 98.

* 529 Ibid., para. 100.

* 530 Ibid., para 120.

* 531 Ibid., para. 112.

* 532 National Audit Office, Progress on public bodies reform, 2014, p. 19.

* 533 Ibid.

* 534  Institute for Government, Explainer, Public bodies reform, 2022.

* 535 Ibid.

* 536 National Audit Office, Progress on public bodies reform, 2014, p. 19.

* 537  National Audit Office, Central oversight of arm's-length bodies, 2021.

* 538 Ibid., p. 16.

* 539 Ibid., p. 16.

* 540  https://www.gov.uk/government/organisations/border-force (consulté le 21 avril 2025).

* 541 Ibid.

* 542  UK Cabinet Office, ALB Landscape Analysis 2023.

* 543  Department for Business, Innovation & Skills, Report, Land Registration Rules Committee : triennal review 2014/2015.

* 544  HM Land Registry Annual Report 2023-2024.

* 545  UK Cabinet Office, ALB Landscape Analysis 2023.

* 546  UK Cabinet Office, Public Bodies Handbook, Part 2, p. 6.

* 547 National Audit Office, Central oversight of arm's-length bodies, p. 8.

* 548 https://www.aria.org.uk/about-aria (consulté le 22 avril 2025).

* 549 https://www.hssib.org.uk/about-us/who-we-are/ (consulté le 22 avril 2025).

* 550 “There is a knee jerk response to difficult questions, to difficult lobbies. The response goes like this, let's create an agency... [...]. Democratic accountability is swept under a regulatory carpet. Politicians almost not trusting themselves, outsourcing everything to different bodies because things have happened along the way - to the point you can't get things done.”

* 551  https://www.gov.uk/government/speeches/pm-remarks-on-the-fundamental-reform-of-the-british-state-13-march-2025 (consulté le 22 avril 2025).

* 552  https://www.gov.uk/government/organisations/education-and-skills-funding-agency

(consulté le 22 avril 2025).

* 553 Financial Times, The UK's `Quango' state, 19 mars 2025.

* 554  https://www.gov.uk/government/organisations/national-infrastructure-and-service-transformation-authority/about (consulté le 22 avril 2025).

* 555  https://www.gov.uk/government/news/hundreds-of-quangos-to-be-examined-for-potential-closure-as-government-takes-back-control (consulté le 24 avril 2025).

* 556 Financial Times, The UK's `Quango' state, 19 mars 2025.

* 557  The King's Fund, Report, Public Satisfaction with the NHS and social care in 2023, Results from the British Social Attitudes Survey, 2024.

* 558  National Centre for Social Research, Report, Public attitudes to the NHS and social care, 2023.

* 559  Department of Health and Social Care, NHS England, Wes Streeting MP, Press release, « World's largest quango scrapped under reforms to put patients first », 2025, consulté le 21 avril 2025.

* 560 Ibid.

* 561 Ibid.

* 562  NHS Confederation, Briefing, « Abolishing NHS England : what you need to know », 13 mars 2025

* 563  https://www.nhsconfed.org/publications/abolishing-nhs-england-what-you-need-know (consulté le 21 avril 2025).

* 564 Le NHS emploie principalement de gestionnaires et de fonctionnaires, et non directement les médecins et infirmières qui dispensent les soins dans les hôpitaux.

* 565 B. Morton, « NHS England to be axed as role returns to government control », BBC, 13 mars 2025

* 566 https://www.nhsconfed.org/publications/abolishing-nhs-england-what-you-need-know (consulté le 21 avril 2025).

* 567 Andersson Elffers Felix et Universiteit Utrecht, Brede evaluatie organisatiekaders voor rijksorganisaties op afstand, Deskresearch Rapportage deelonderzoek B1-B2, 2021, p. 15.

* 568 Ibid.

* 569 Conseil d'État, Étude annuelle 2012 « Les agences : une nouvelle gestion publique ? », 2012, p. 233.

* 570 Andersson Elffers Felix et Universiteit Utrecht, op. cit., p. 15.

* 571 Andersson Elffers Felix et Universiteit Utrecht, op. cit., pp. 16-18.

* 572  Kaderwet zelfstandige bestuursorganen

* 573  Regeling agentschappen

* 574 Johan de Leeuw, Onderzoek naar de herpositionering van zbo's, 2013, p. 15.

* 575  https://www.rijksfinancien.nl/financieel-jaarverslag/2017/bijlage/d17e54202 (consulté le 3 avril 2025).

* 576 Registre des agences exécutives consultable à l'adresse suivante : https://organisaties.overheid.nl/Agentschappen (consulté le 3 avril 2025).

* 577 Consultables à la page suivante : https://www.kennisopenbaarbestuur.nl/documenten/2021/12/09/brede-evaluatie (consulté le 3 avril 2025).

* 578 Andersson Elffers Felix et Universiteit Utrecht, op. cit., p. 13.

* 579 Kaderwet zelfstandige bestuursorganen, article 1er.

* 580 J.AM. Kruijf et S/ van Thiel, Zelfstandige bestuurorganen: en ongrijpbaar fenomeeen?, 2020, p. 277.

* 581 Ibid.

* 582  https://www.rijksoverheid.nl/onderwerpen/rijksoverheid/agentschappen (consulté le 3 avril 2025).

* 583 Regeling agentschappen 2024, Toelichting.

* 584  Regeling agentschappen, article 2.

* 585  https://organisaties.overheid.nl/Agentschappen (consulté le 3 avril 2025).

* 586  Regeling agentschappen

* 587 La comptabilité d'exercice ou comptabilité d'engagements (stelsel van baten en lasten) est un système dans lequel les charges et produits doivent être rattachés à la période comptable à laquelle ils se rapportent, même s'ils ne sont pas encore payés ou encaissés. Elle s'oppose à la comptabilité de caisse (ou comptabilité budgétaire) utilisée pour l'établissement du budget de l'État néerlandais ?

* 588 Andersson Elffers Felix et Universiteit Utrecht, op. cit., p. 42.

* 589  https://www.rijksfinancien.nl/overzicht-zbos-en-agentschappen (consulté le 3 avril 2025).

* 590  https://www.rijksoverheid.nl/onderwerpen/rijksoverheid/adviescolleges (consulté le 8 avril 2025).

* 591  Kaderwet adviescolleges

* 592 Andersson Elffers Felix et Universiteit Utrecht, op. cit., p. 49.

* 593 Ibid.

* 594 Registre des organismes consultatifs consultable à l'adresse suivante :

https://organisaties.overheid.nl/Adviescolleges/ (consulté le 8 avril 2025).

* 595 Ibid.

* 596  https://www.rijksoverheid.nl/onderwerpen/rijksoverheid/adviescolleges (consulté le 8 avril 2025).

* 597 Andersson Elffers Felix et Universiteit Utrecht, op. cit., p. 53.

* 598  https://www.kennisopenbaarbestuur.nl/themas/o/organisatie-rijksoverheid/andere-organisatievormen/planbureaus (consulté le 15 avril 2025).

* 599  Aanwijzingen voor de Planbureaus

* 600 Andersson Elffers Felix et Universiteit Utrecht, op. cit., p. 53.

* 601  https://www.rijksinspecties.nl/ (consulté le 17 avril 2025).

* 602  https://www.rijksinspecties.nl/onderwerpen/wet-op-de-rijksinspecties (consulté le 17 avril 2025).

* 603 Dawid Szeoecio, L'agencification revisitée : tendances dans la consolidation de l'administration centrale en Europe, Revue internationale des sciences administratives, 2022, p. 782.

* 604  https://www.nrgovernance.nl/stel-raad-van-toezicht-verplicht-bij-zbos (consulté le 15 avril 2025).

* 605 Sauf si le ZBO est déjà lié à un niveau maximal de redevance.

* 606  Memorie van toelichting, Wijziging van de Kaderwet zelfstandige bestuursorganen en enkele andere wetten in verband met het doorvoeren van aanbevelingen uit de tweede evaluatie van de Kaderwet

* 607  Memorie van toelichting, Wijziging van de Kaderwet zelfstandige bestuursorganen en enkele andere wetten in verband met het doorvoeren van aanbevelingen uit de tweede evaluatie van de Kaderwet

* 608  https://www.raadvanstate.nl/adviezen/@121354/w04-20-0135/ (consulté le 17 avril 2025).

* 609  https://www.nrgovernance.nl/stel-raad-van-toezicht-verplicht-bij-zbos (consulté le 15 avril 2025).

* 610  Circulaire Governance ten aanzien van zelfstandige bestuursorganen (zbo's)

* 611 Ibid.

* 612 Andersson Elffers Felix et Universiteit Utrecht, op. cit., p. 37.

* 613 Applicable à l'ensemble des agences exécutives.

* 614 Regeling agentschappen, Toelichting.

* 615 Ibid.

* 616  https://www.rijksfinancien.nl/overzicht-zbos-en-agentschappen (consulté le 16 avril 2025).

* 617 Fichiers Excel disponibles à l'adresse suivante : https://www.rijksfinancien.nl/overzicht-datasets (consulté le 16 avril 2025).

* 618 Voir par exemple les ZBO du ministère des affaires sociales : https://www.rijksoverheid.nl/documenten/begrotingen/2023/09/19/xv-sociale-zaken-en-werkgelegenheid-rijksbegroting-2024 (consulté le 16 avril 2025).

* 619 Regeling agentschappen, Toelichting.

* 620 Ibid.

* 621 Ibid.

* 622  https://www.rijksfinancien.nl/overzicht-zbos-en-agentschappen (consulté le 16 avril 2025)

* 623 Ibid.

* 624 Johan de Leeuw, Onderzoek naar de herpositionering van zbo's, 2013, p. 15.

* 625  https://www.rijksfinancien.nl/financieel-jaarverslag/2017/bijlage/d17e54202 (consulté le 17 avril 2025).

* 626 Andersson Elffers Felix et Universiteit Utrecht, op. cit., p. 22.

* 627 Regeerakkoord VVD - PvdA, Bruggen slaan. 29 oktober 2012

* 628 Johan de Leeuw, op. Cit., pp. 38 et suivantes.

* 629  Kamerstuuk 25268 nr. 83, Brief van de Minister voor wonen en Rijksdienst aan de Voorzitter van de Tweede Kamer der Staten-Generaal

* 630 Dawid Szeoecio, L'agencification revisitée : tendances dans la consolidation de l'administration centrale en Europe, Revue internationale des sciences administratives, 2022, p. 783.

* 631  https://staatvandeuitvoering.nl/onderzoek/kwaliteit-en-impact-zbo-evaluaties/ (consulté le 17 avril 2025).

* 632 Voir le registre gouvernemental : https://organisaties.overheid.nl/Zelfstandige_bestuursorganen/

* 633 https://www.blikopwerk.nl/over-ons/

* 634  Kamerbrief toelichting op omvorming ProRail tot zbo, 2024.

* 635  https://www.rijksoverheid.nl/onderwerpen/parlement/staatscommissie (consulté le 17 avril 2025).

* 636 Raad van State, Ongevraagd advies over de ministeriële verantwoordelijkheid, 3 juni 2020, (consulté le 17 avril 2025).

* 637  https://www.kennisopenbaarbestuur.nl/documenten/2021/12/09/brede-evaluatie (consulté le 3 avril 2025).

* 638 Ministerie van Binnenlandse Zaken en Koninkrijksrelaties, brief TK - kabinetsreactie Brede evaluatie organisatiekaders van overheidsorganisaties op afstand, 2021 (consulté le 17 avril 2025).

* 639 Ibid.

* 640  https://www.raadvanstate.nl/adviezen/@124690/w04-21-0051/ (consulté le 17 avril 2025).

* 641  Memorie van toelichting, Wijziging van de Kaderwet zelfstandige bestuursorganen en enkele andere wetten in verband met het doorvoeren van aanbevelingen uit de tweede evaluatie van de Kaderwet.

* 642 Eerste Kamer, Verbinding verbroken? Onderzoek naar de parlementaire besluitvorming over de privatisering en verzelfstandiging van overheidsdiensten, 2012.

* 643  Commission de réforme du droit du Canada, Rapport « Independent Administrative Agencies : a framework for decision making », 1985, Chapter One, Introduction, p. 5.

* 644  Ibid.

* 645  T. Fitzpatrick, T. Fyfe. “Distributed Public Governance: Agencies, Authorities and Other Autonomous Bodies in Canada.” OECD Journal on Budgeting, 2002, p. 81.

* 646  Sénat, « La réforme de l'État au Canada - L'avenir de Saint-Pierre-et-Miquelon », Rapport d'information n° 152 (2005-2006), 5 janvier 2006, p. 28.

* 647 Le Canada connaissait alors un déficit budgétaire important et avait une dette atteignant 64,1% du PIB - Sénat, « La réforme de l'État au Canada - L'avenir de Saint-Pierre-et-Miquelon », Rapport d'information n° 152 (2005-2006), 5 janvier 2006, p. 19.

* 648 Ibid., p. 7.

* 649 Ibid., p. 36.

* 650 Ibid., p. 36.

* 651  Gouvernement du Canada, Budget de 2023.

* 652  https://www.tbs-sct.canada.ca/ems-sgd/edb-bdd/index-fra.html#igoc/inst_form, consulté le 15 avril 2025.

* 653  https://organisations-federales.canada.ca/orgs.php?t=3&lang=fr#P0, consulté le 14 avril 2025.

* 654 Plus précisément les listes présentées sur les sites internet fédéraux varient entre 89 et 110, hors tribunaux administratifs et sociétés d'État.

* 655  Loi sur l'emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13).

* 656  Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C. (1985), ch. F-11).

* 657  https://organisations-federales.canada.ca/orgs.php?lang=fr&t=3, consulté le 15 avril 2025.

* 658  https://www.tbs-sct.canada.ca/ems-sgd/edb-bdd/index-fra.html#igoc/inst_form, consulté le 15 avril 2025.

* 659  Privy Council Office, Guide Book for Heads of Agencies: Operations, Structures and Responsibilities in the Federal Government, 1999, p. 2.

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* 662  https://www.tbs-sct.canada.ca/ems-sgd/edb-bdd/index-eng.html#igoc/inst_form, consulté le 15 avril 2025.

* 663  Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C. (1985), ch. F-11), Annexe II.

* 664  https://www.canada.ca/en/treasury-board-secretariat/services/reporting-government-spending/inventory-government-organizations/overview-institutional-forms-definitions.html, consulté le 15 avril 2025.

* 665 Ibid.

* 666 Ibid.

* 667  https://www.canada.ca/fr/secretariat-conseil-tresor/services/etablissement-rapports-depenses/inventaire-organisations-gouvernement/apercu-types-institutions-definitions.html, consulté le 15 avril 2025.

* 668 Ibid, consulté le 15 avril 2025.

* 669 Ibid.

* 670  https://www.canada.ca/en/treasury-board-secretariat/services/reporting-government-spending/inventory-government-organizations/overview-institutional-forms-definitions.html, consulté le 8 avril 2025.

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* 672  T. S. Kuttner, « Tribunaux administratifs au Canada », L'encyclopédie canadienne, 2020.

* 673  Loi sur le Tribunal de la concurrence (L.R.C. (1985), ch. 19 (2e suppl.)), article 13.

* 674  https://citt-tcce.gc.ca/fr/propos-du-tribunal/ce-que-nous-faisons-ou-pas, consulté le 15 avril 2025.

* 675  https://citt-tcce.gc.ca/fr/enquetes-sur-marches-publics/guide-enquetes-sur-marches-publics, consulté le 15 avril 2025.

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* 677  https://www.canada.ca/en/treasury-board-secretariat/services/reporting-government-spending/inventory-government-organizations/overview-institutional-forms-definitions.html, consulté le 8 avril 2025.

* 678  Privy Council Office, Guide Book for Heads of Agencies : Operations, Structures and Responsabilities in the Federal Government, p. 9.

* 679  https://www.canada.ca/en/treasury-board-secretariat/services/reporting-government-spending/inventory-government-organizations/overview-institutional-forms-definitions.html, consulté le 8 avril 2025.

* 680  https://www.tbs-sct.canada.ca/ems-sgd/edb-bdd/index-eng.html#igoc/inst_form, consulté le 15 avril 2025.

* 681  Privy Council Office, Guide Book for Heads of Agencies : Operations, Structures and Responsabilities in the Federal Government, 1999, p. 8.

* 682  PM of Canada, Open and Accountable Government, 2015, p. 13.

* 683  J. Cowan, "Administrative Law in Canada.", The Canadian Encyclopedia, Historica Canada, 2012.

* 684 L'équité procédurale (synonyme de justice naturelle) est un principe qui se décline en deux volets. Le premier correspond à la possibilité pour une partie de se faire entendre avant qu'une décision susceptible d'avoir des répercussions sur ses intérêts soit rendue, pourvu que l'impact direct sur ses intérêts soit suffisant. Le second veut que la décision soit rendue par un organisme indépendant et impartial ( Régie de l'Energie du Canada, Fiche de renseignement, p. 1).

* 685  https://www.blakes.com/fr-ca/votre-guide-litige-et-reglement-des-differends-au-canada/organismes-de-reglementation-et-tribunaux-administratifs/, consulté le 10 avril 2025.

* 686  Privy Council Office, Guide Book for Heads of Agencies : Operations, Structures and Responsabilities in the Federal Government, 1999, III., 2., p. 8.

* 687  Financial Administration Act (R.S.C., 1985, c. F-11), Part X, Div. I., art. 88.

* 688  Privy Council Office, Guide Book for Heads of Agencies : Operations, Structures and Responsabilities in the Federal Government, 1999, VI., 6., p. 19.

* 689  Financial Administration Act (R.S.C., 1985, c. F-11), Part X.

* 690  https://www.oag-bvg.gc.ca/internet/Francais/au_fs_f_371.html#specialexamens, consulté le 10 avril 2025.

* 691  J. Cowan, "Administrative Law in Canada.", The Canadian Encyclopedia, Historica Canada, 2012

* 692  Bureau du vérificateur général du Canada, Commentaire sur les audits financiers 2023-2024, p. 17.

* 693  Loi sur le vérificateur général (L.R.C. (1985), ch. A-17).

* 694  https://organisations-federales.canada.ca/profil.php?OrgID=OAG&t=3&lang=fr, consulté le 8 avril 2025.

* 695  Ibid.

* 696  https://organisations-federales.canada.ca/profil.php?OrgID=OAG&t=3&lang=fr, consulté le 10 avril 2025.

* 697  https://www.oag-bvg.gc.ca/internet/Francais/au_fs_f_371.html, consulté le 10 avril 2025.

* 698  https://www.oag-bvg.gc.ca/internet/Francais/meth_lp_f_30860.html, consulté le 10 avril 2025.

* 699  https://www.oag-bvg.gc.ca/internet/Francais/au_fs_f_371.html#financial, consulté le 10 avril 2025.

* 700  Ibid.

* 701  Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C. (1985), ch. F-11).

* 702  https://www.oag-bvg.gc.ca/internet/Francais/au_fs_f_371.html#specialexamens, consulté le 10 avril 2025.

* 703  Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C. (1985), ch. F-11).

* 704  https://www150.statcan.gc.ca/n1/fr/catalogue/11-635-X, consulté le 9 avril 2025.

* 705  https://www.oag-bvg.gc.ca/internet/Francais/au_fs_f_371.html#specialexamens, consulté le 10 avril 2025.

* 706  https://www.canada.ca/en/privy-council/programs/appointments/governor-council-appointments/general-information/glossary.html, consulté le 8 avril 2025.

* 707  https://www.canada.ca/fr/secretariat-conseil-tresor/services/depenses-prevues/plan-depenses-budget-principal/2024-25-budget-depenses.html, consulté le 10 avril 2025.

* 708  Rapport de la mission d'étude avec les lauréats 2016 du Prix « Soyons clairs » sur le langage simple et clair dans les services publics, « Canada et Québec simples et clairs », 2016, p. 13.

* 709 Mis en oeuvre par une Politique sur les services en 2014.

* 710  M. Dépelteau, « D'un Trudeau à l'autre : le côté sombre de la fonction publique canadienne », La Liberté, 2022.

* 711  M. Dépelteau, « La bureaucratie canadienne de plus en plus lente et inefficace », L'Express (Canada), 27 juillet 2022.

* 712  A. Clarke, « Peut-on régler les problèmes de gestion de la fonction publique fédérale ? », Policy Options - Politiques, 22 juin 2023.

* 713  E. Thompson, « Government defends hiring consulting firm KPMG to find ways to save money », CBC News, 7 novembre 2023.

* 714  https://www.canada.ca/en/canada-water-agency.html (consulté le 24 avril 2025).

* 715  Government of Canada, 2023 Fall Economic Statement, p. 166.

* 716  Gouvernement du Canada, Budget 2023, p. 174.

* 717 Ibid., p. 206.

* 718 Ibid., p. 206.

* 719 Déclaration de politique économique et budgétaire publiée chaque année lors de la présentation du projet de budget fédéral (Economic Statement).

* 720  Government of Canada, 2023 Fall Economic Statement, p. 75.

* 721  Government of Canada, 2024 Fall Economic Statement, p. 184.

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