EXAMEN EN COMMISSION
M. Olivier Rietmann, président. - La réunion de ce jour a pour objet l'examen du projet de rapport de notre commission d'enquête en vue de son adoption.
Je voudrais au préalable vous remercier pour la confiance que vous m'avez témoignée en m'élisant président de notre commission, vous dire le plaisir que j'ai eu à exercer mes fonctions, et saluer votre participation lors des auditions malgré vos agendas chargés. Je voudrais aussi saluer le travail considérable fourni par notre rapporteur Fabien Gay, qui a méticuleusement préparé chaque audition et dont l'état d'esprit constructif et l'humeur constante n'ont jamais été pris à défaut. En dépit de nos appartenances politiques, nous avons su former - je crois - un binôme équilibré, partageant un certain nombre de convictions, persuadés que la bonne entente n'empêche pas un travail sérieux et approfondi.
Quelques chiffres clefs sur nos travaux. Entre février et juin, nous avons organisé 58 auditions plénières, toutes publiques et diffusées en direct, soit environ 87 heures de travaux. Nous avons entendu 33 dirigeants de grandes entreprises, qui constituent les fleurons de l'économie française et internationale. Sans prétendre à l'exhaustivité, nous avons également entendu deux ministres en fonction, deux anciens ministres, deux présidents de conseil régional, mais aussi des personnalités qualifiées, des journalistes, des économistes, des représentants des corps de contrôle, des directions générales des ministères, les partenaires sociaux et la Commission européenne.
Le rapporteur a également pu s'appuyer sur les réponses apportées à ses nombreux questionnaires, sur une étude de législation comparée du Sénat qui porte sur les conditionnalités des aides publiques aux entreprises en Allemagne, en Espagne et en Italie, ainsi que sur une étude du pôle science des données du Sénat sur les dépenses de recherche et développement (R&D) et les bénéficiaires du crédit d'impôt recherche (CIR).
Nos auditions ont été très suivies sur les réseaux sociaux et dans la presse, ce dont je me réjouis.
Avant de donner la parole au rapporteur, il me revient de vous rappeler les règles de procédure applicables à la présente réunion. Il est du devoir de chacun d'entre vous de contribuer au secret de nos travaux jusqu'à la publication du rapport. Ces règles strictes permettent de ne pas risquer de voir le contenu de nos réflexions divulgué de manière anticipée.
Vous avez respecté jusqu'à aujourd'hui l'obligation de secret qui pèse sur nos travaux tant que le rapport n'a pas été publié, et je vous en remercie à nouveau. Le rapporteur et moi-même avons scrupuleusement veillé à ne pas dévoiler, au cours d'échanges avec des journalistes, les travaux non publics de la commission, nous bornant à communiquer sur des éléments dépourvus de tout caractère sensible, sans empiéter sur nos constats et recommandations.
Si le rapport n'est pas adopté, ce que je ne souhaite évidemment pas, il sera réputé n'avoir jamais existé et aucune publication ne pourra lui être donnée, même partielle, sauf si la commission d'enquête prévoit un dispositif particulier.
Si le rapport est adopté, il sera sous embargo strict pendant vingt-quatre heures à compter de la fin de notre réunion. Durant cette période, il ne pourra être consulté qu'aux fins de solliciter la réunion du Sénat en comité secret, c'est-à-dire une réunion à huis clos pour statuer sur la publication ou la non-publication de l'ensemble du texte ou de certains passages.
Si aucun comité secret n'est demandé, le rapport sera publié mardi 8 juillet, date à laquelle les résultats de nos travaux seront présentés en conférence de presse, à 11 h 30 - vous y êtes cordialement invités. D'ici là, rien ne doit filtrer à l'extérieur, ce qui proscrit toute communication à la presse, à des tiers ou sur les réseaux sociaux.
Toute personne qui contreviendrait à cette règle s'exposerait à des sanctions fondées sur notre Règlement et sur le code pénal, dont l'article 226-13 prévoit des peines d'emprisonnement en cas de divulgation, dans un délai minimal de vingt-cinq ans, de toute information relative à une partie non publique des travaux d'une commission d'enquête. Le président Gérard Larcher a rappelé à plusieurs reprises l'interdiction absolue d'une publicité anticipée, même de quelques minutes, sur les rapports ou les conclusions des commissions d'enquête.
Je vous appelle donc solennellement à respecter ces règles, pour des raisons à la fois juridiques et institutionnelles.
Douze d'entre vous ont pu procéder à la consultation du projet de rapport, qui a eu lieu entre le 24 juin et le 30 juin.
Après l'exposé du contenu du rapport par notre rapporteur Fabien Gay, nous procéderons à l'examen des propositions de modification, sachant que nous en avons pour l'instant reçu quinze, dont onze du rapporteur. Nous vous avions demandé de bien vouloir nous les faire parvenir par mail hier, mais ce délai n'est pas impératif, de sorte que vous avez la possibilité de présenter toute proposition de modification que vous jugerez utile lors de notre présente réunion, en précisant la page et l'objet précis de votre demande.
Après l'examen de ces propositions de modification, nous voterons sur le rapport, puis sur son titre. Nous voterons ensuite sur sa publication. Je vous proposerai également que le compte rendu de la présente réunion soit annexé au rapport de la commission d'enquête.
Les groupes politiques ont la faculté de présenter une contribution qui sera annexée au rapport. Celle-ci doit être d'une longueur raisonnable, et être envoyée au secrétariat de la commission avant demain, à 14 heures.
M. Fabien Gay, rapporteur. - Monsieur le président, je voudrais tout d'abord vous remercier pour la qualité de nos échanges depuis la création de la commission d'enquête. Nous avons montré qu'il était possible d'exprimer nos désaccords de manière constructive, en dialoguant et en échangeant. Je remercie également les collègues qui ont pu suivre un grand nombre d'auditions.
Comme la plupart d'entre vous ont pu consulter le projet de rapport, il n'est pas utile de vous le présenter en détail. J'ajoute que, à l'exception d'une nouvelle recommandation, le rapport suit fidèlement le plan détaillé qui vous avait été communiqué lors de notre réunion d'orientation le 15 mai dernier.
S'agissant de nos principaux constats, je peux les résumer en dix points, étant rappelé que nous n'avons évidemment pas épuisé le sujet tentaculaire des aides publiques aux entreprises en cinq mois de travaux.
Premièrement, l'absence de données statistiques sur les grandes entreprises, sur les sous-traitants et sur le montant des aides publiques versées a fortement entravé nos travaux.
Deuxièmement, il n'existe pas de définition juridique transversale des aides ni de consensus entre économistes sur leur périmètre.
La commission d'enquête considère qu'une aide publique à une entreprise désigne le plus souvent un soutien financier, voire un soutien non financier, accordé soit par une personne publique - État, collectivités territoriales, agence, opérateur, Union européenne par exemple - ou par une personne assimilée - soit une personne privée chargée d'une mission de service public - visant à modifier son comportement conformément à des objectifs de politique publique, qui consistent à favoriser l'investissement, l'innovation, l'emploi, l'export ou encore la transition écologique, pour ne prendre que ces exemples.
Sans prétendre à l'exhaustivité, sont considérés comme des aides les subventions, les dépenses fiscales, les exonérations et allègements de cotisations sociales, les garanties financières, les ventes de biens immobiliers à des taux inférieurs à celui du marché, ou encore les prises de participation lorsque la personne n'agit pas comme un investisseur privé normal qui recherche une rentabilité à long terme.
Troisièmement, le cadre juridique très strict sur les aides d'État, défendu par la Commission européenne, est beaucoup plus précis que les règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et il a souvent servi à remédier au flou juridique sur la définition des aides.
Quatrièmement, s'agissant du panorama des aides, on en compte actuellement 2 267 sur le site de référence www.aides-entreprises.fr : les deux tiers sont des subventions, 40 % des aides sont octroyées par les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et un quart par les régions.
Cinquièmement, le nombre de plans sociaux a doublé entre 2022 et 2024, tandis que celui des plans de départs volontaires, qui n'ont de volontaires que le nom, ne cesse d'augmenter, comme l'a montré l'actualité récente - c'est le cas à STMicroelectronics, notamment. La question de la conditionnalité des aides publiques aux entreprises se pose légitimement quand elles sont versées à des entreprises qui simultanément licencient, voire délocalisent, et versent de confortables dividendes.
Sixièmement, la conditionnalité désigne, en amont, les conditions d'éligibilité, en aval les contreparties. Il existe quelques exemples de contreparties en termes d'emplois. Par exemple, les aides accordées dans les zones d'aide à finalité régionale incluent des clauses « anti-délocalisation » dans l'espace économique européen ; ou encore, les bénéficiaires des prêts garantis par l'État (PGE) se sont engagés à ne pas distribuer de dividendes et à ne pas racheter d'actions ; enfin, dans certaines régions, les entreprises de taille intermédiaire (ETI) qui bénéficient d'une aide régionale doivent maintenir l'emploi pendant toute la durée du projet et les cinq années qui suivent, ainsi que l'activité sur le site soutenu pendant cinq ans à compter de la fin du projet.
Mais il n'existe pas de règle transversale sur la conditionnalité en termes d'emplois pour les aides publiques aux entreprises.
Septièmement, il est difficile de connaître le coût des aides publiques aux entreprises. Au sens large, ce coût atteignait 223 milliards d'euros en 2019 selon France Stratégie. Les économistes du Centre lillois d'études et de recherches sociologiques et économiques (Clersé), que nous avons auditionnés, évaluaient ce coût à 205 milliards d'euros pour 2019. Le Gouvernement n'a pas été en mesure, malgré nos demandes, d'actualiser le chiffrage de France Stratégie. Selon notre propre méthodologie, nous arrivons à 211 milliards d'euros au sens large en 2023, en prenant en compte les données officielles sur les subventions de l'État, les aides fournies par Bpifrance, les allègements de cotisations sociales et les dépenses fiscales, y compris celles qui sont déclassées. Sont considérées comme déclassées les dépenses fiscales qui ne correspondent plus à la norme fiscale en vigueur : c'est le cas pour le manque de recettes qu'entraîne, par exemple, la baisse d'un impôt sur les entreprises.
À ces 211 milliards d'euros, il faudrait ajouter des estimations réalisées par des tiers et qui sont approximatives : il s'agit, par exemple, des aides européennes versées au titre des fonds structurels en gestion partagée, comme la politique agricole commune (PAC), qui représentent entre 9 milliards et 10 milliards d'euros selon l'inspection générale des finances (IGF), et en gestion directe - le montant précis n'est pas connu, mais pourrait avoisiner 1 milliard d'euros selon le secrétariat général des affaires européennes (SGAE). Il s'agit aussi des aides versées par les régions, soit 2 milliards d'euros selon Régions de France, et de celles qui sont versées par le bloc communal et qui sont difficiles à mesurer actuellement selon la Cour des comptes.
Huitièmement, le rapport présente de manière détaillée la course aux aides publiques que se livrent les États-Unis et la Chine, au travers de l'Inflation Réduction Act (IRA) et le plan Made in China 2025. L'Europe n'est pas en reste, avec le plan Next Generation EU d'un montant d'environ 800 milliards d'euros.
Neuvièmement, le rapport indique également que le niveau élevé des prélèvements obligatoires sur les entreprises permet de financer notre modèle social, qui protège les droits sociaux de nos concitoyens et permet de renforcer la compétitivité hors prix de nos entreprises, en jouant sur des facteurs de long terme comme l'éducation et la santé.
Dixièmement, de manière générale, nous avons constaté que le contrôle des aides publiques aux entreprises était globalement satisfaisant, qu'il s'agisse des dépenses fiscales par le fisc, des exonérations de cotisations sociales par l'Urssaf ou des fonds européens par les autorités compétentes comme les régions. En revanche, l'évaluation des aides est le véritable talon d'Achille du système.
Certes, des progrès ont été réalisés ces dernières années, comme le comité de suivi du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), le comité d'évaluation du plan France Relance ou encore les nombreuses évaluations du crédit d'impôt recherche réalisées par la Commission nationale d'évaluation des politiques d'innovation (Cnepi).
Mais la majorité des 255 dépenses fiscales en faveur des entreprises, dont le coût dépasse 43 milliards d'euros en 2023, échappe à une évaluation régulière par un organisme dédié et selon une méthodologie concertée et harmonisée, à l'instar du pacte Dutreil, qui joue un rôle essentiel dans la transmission des entreprises, en particulier des PME ; du crédit d'impôt pour les entreprises de création de jeux vidéo ; de la taxe au tonnage pour les transporteurs maritimes dont le coût est de 1 milliard d'euros en moyenne sur la période 2015-2025 ; du régime IP box qui consiste en un impôt sur les sociétés réduit de 25 % à 10 % pour certains actifs de propriété intellectuelle, alors que son rôle est très proche de celui du CIR.
Le projet de rapport comprend 26 recommandations, structurées autour de quatre axes qui visent à susciter un « choc de transparence » des aides publiques aux entreprises, tant à l'égard du Parlement et des élus dans les entreprises, que des chercheurs et du public ; un « choc de rationalisation », afin de rétablir l'équilibre des aides publiques aux entreprises et de retrouver du bon sens aux niveaux européen, national et local ; un « choc de responsabilisation » des entreprises, en renforçant la conditionnalité des aides pour éviter notamment les délocalisations et en encadrant le versement des dividendes ; un « choc d'évaluation » afin que celle-ci devienne enfin une seconde nature pour l'administration, au même titre que ses missions d'élaboration des normes et de contrôle.
À mes yeux, quelques recommandations fortes méritent d'être signalées.
Tout d'abord, les recommandations nos 3 et 25 visent à donner un rôle central au Haut-Commissariat à la stratégie et au plan - ex-France Stratégie - en matière de suivi et d'évaluation des aides publiques aux entreprises. Il pourrait créer en son sein un observatoire, qui comprendrait a minima des parlementaires, des représentants des organisations professionnelles et syndicales, des chefs d'entreprise, des experts et des personnalités qualifiées, en s'inspirant de la composition du Conseil d'orientation des retraites (COR). La transparence est la mère des batailles à mes yeux et l'on ne peut plus se satisfaire du flou actuel. La commission d'enquête a été un exercice inédit de transparence et il faut poursuivre ce mouvement d'intérêt public à travers de nouvelles missions confiées au Haut-Commissariat.
Par ailleurs, la recommandation n° 20 est cruciale. Elle vise à imposer le remboursement total d'une aide de l'État ou des régions si l'entreprise procède à une délocalisation dans les deux années suivant l'attribution de celle-ci, et prévoit que les autres conditions de remboursement, partiel ou total, soient mentionnées dès l'octroi de l'aide dans la convention conclue entre l'entreprise et le financeur. La fermeture d'un site et sa délocalisation ne se décident pas en quelques jours, de sorte que le délai de deux ans nous semble adapté. Je vous présenterai d'ailleurs une proposition de modification visant à élargir le périmètre de la recommandation.
Enfin, je suis très attaché à la recommandation n° 21, que nous a suggérée notre collègue Daniel Fargeot, dont l'objet est d'exclure les aides publiques du périmètre du résultat distribuable, car l'argent public ne doit plus servir à financer les dividendes des actionnaires.
Il nous appartiendra de déterminer les moyens appropriés pour mettre en oeuvre les recommandations de niveau législatif. Une proposition de loi cosignée par plusieurs membres de la commission d'enquête est-elle le bon véhicule ? Ou bien faut-il privilégier des amendements ciblés quand des textes pertinents seront débattus dans l'hémicycle ? La question reste ouverte.
Je voudrais enfin vous rappeler que nous avons quelque peu innové sur la forme du rapport en mentionnant à la fin, dans la partie intitulée « Observations finales », des propositions que j'émets à titre personnel, ainsi que celles du président Rietmann. Dans les deux cas, vous l'avez compris, ces propositions n'engagent aucunement la commission d'enquête. Il s'agit seulement d'observations visant à alimenter le débat public, qui ne seront pas soumises au vote de la commission d'enquête. Le président et moi-même avons en effet considéré que cette présentation nous permettait de faire valoir nos points de vue spécifiques. Il est en effet légitime que les débats que nous avons eus au sein de la commission et avec les représentants des entreprises puissent figurer sous cette forme dans le rapport.
M. Olivier Rietmann, président. - Pour éviter toute confusion, je précise que le montant de 211 milliards d'euros concerne les aides publiques qui ont été versées à toutes les entreprises, alors que le sujet de notre commission d'enquête porte seulement sur les aides publiques aux grandes entreprises.
M. Michel Masset. - Ne peut-on pas avoir le montant correspondant spécifiquement à notre champ d'études ?
M. Olivier Rietmann, président. - Ce chiffre n'existe pas. Je rappelle que celui de 211 milliards d'euros est une estimation que nous avons faite dans le cadre de nos travaux. C'est précisément la raison pour laquelle nous faisons ressortir dans le rapport que les aides aux entreprises posent moins un problème de contrôle que de suivi et d'évaluation. Personne n'est capable de dire qui touche quoi et à quel niveau.
Avant d'examiner les propositions de modification, je voudrais abonder dans le sens du rapporteur sur l'innovation que constitue la partie intitulée « Observations finales ». Plutôt que d'exposer nos propositions spécifiques dans les contributions de nos groupes politiques reléguées à la fin du rapport, nous avons considéré qu'il était plus clair de les rassembler dans une partie présentée immédiatement après les 26 recommandations de la commission d'enquête.
Je ne fais pas mystère de mes convictions libérales en économie. C'est pourquoi je propose à titre personnel une diminution des aides à due concurrence de la baisse des prélèvements obligatoires qui pèsent exagérément sur nos entreprises, notamment les impôts de production. N'oublions pas que seules les entreprises produisent de la richesse, qui sert ensuite à financer nos services publics. Les coûts de gestion de toutes les aides publiques aux entreprises ne sont pas évalués, mais ils représentent sans doute une somme considérable quand l'on songe aux milliers de personnes mobilisées par l'administration pour instruire les demandes et réaliser les contrôles, sans compter les salariés concernés par ces démarches administratives dans les entreprises. Il y a des économies à faire et une plus grande efficacité est possible.
Je pense par ailleurs que nous devrions temporairement suspendre le financement des projets de décarbonation lorsqu'ils ne créent pas à court terme de la valeur ajoutée et de l'emploi. Par exemple, quand on subventionne la construction d'usines de batteries dans les Hauts-de-France, cela crée de la richesse et de l'emploi, et cela contribue au développement économique ; en revanche, des subventions très importantes sont versées pour encourager la décarbonation qui ne produisent aucune richesse et ne seront pas rentables avant vingt-cinq ou trente ans, voire jamais. Dans la période de crise budgétaire grave que nous traversons, je propose d'orienter ces sommes pour favoriser la réindustrialisation et la compétitivité de notre pays. Le décrochage économique de l'Europe s'accentue et la France doit tout faire pour relancer son industrie.
Enfin, je propose à titre personnel que, sauf circonstances exceptionnelles ou urgence nationale, une modification législative ou réglementaire substantielle, d'ordre juridique ou fiscal, applicable aux entreprises, ne pourrait entrer en vigueur que dans un délai de deux ans, car les entreprises ont un besoin fondamental de stabilité juridique. En effet, il est incompréhensible que l'on puisse voter en novembre ou décembre, dans le cadre du projet de loi de finances, des modifications fiscales ou juridiques que les entreprises devront appliquer un mois plus tard !
M. Fabien Gay, rapporteur. - Je vais vous présenter rapidement les trois observations finales que j'ai faites à titre personnel. Encore une fois, nous avons inscrit cette partie dans le rapport pour que les désaccords qui subsistent, malgré le chemin d'entente que nous avons trouvé quand cela était possible, soient exprimés de manière franche.
Ma première observation concerne la législation sur les licenciements économiques que je considère comme insuffisante pour protéger les salariés.
Par ailleurs, je souhaiterais obliger l'administration à refuser de valider ou d'homologuer un plan social lorsque l'entreprise a versé des dividendes l'année précédant la mise en place de ce plan.
Ma troisième observation concerne les exonérations de cotisations. En effet, nous avons eu un débat sur le fait que les exonérations sont des trappes à bas salaire : Mme Vautrin et les anciens ministres auditionnés l'ont reconnu. Au-delà de notre commission d'enquête, ce débat ressurgit chaque année quand nous examinons le budget de la sécurité sociale. Des économistes nous ont dit qu'au-delà de 1,6 smic, il y avait peu d'effet sur l'emploi. D'autres ont indiqué qu'il faudrait mettre fin à toutes les exonérations de cotisations en dessous de 2,5 smic. Le débat reste ouvert. Vous comprendrez que je ne puisse pas dire que les exonérations sont une bonne chose. Le groupe communiste défend le fait qu'elles sont une part du salaire et je persiste à le dire - je savais bien que nous n'arriverions pas à nous mettre d'accord sur ce point. Nous sommes convenus de continuer le débat à partir d'analyses et de rapports et j'ai repris cela dans le cadre de mes observations personnelles.
M. Olivier Rietmann, président. - L'essentiel reste les 26 recommandations sur lesquelles nous nous sommes mis d'accord. Nous souhaitons surtout que ce rapport soit adopté pour que notre travail de six mois aboutisse. D'où la distinction que nous avons faite entre un bloc commun de recommandations communes et des préconisations portées de manière individuelle qui ne seront pas mises aux voix. En l'occurrence, je ne pourrais pas voter en faveur des préconisations du rapporteur et l'inverse est également vrai.
M. Fabien Gay, rapporteur. - Je m'engage à ne pas évoquer ces préconisations personnelles dans le cadre de la conférence de presse. Elles me serviront surtout à faire vivre le rapport dans l'avenir.
Avant d'entrer dans le vif de l'examen des propositions de modification, je précise que plusieurs de celles que je présenterai prennent en compte les apports des membres de notre commission d'enquête, de manière à faire consensus.
La proposition de modification n° 1, présentée par notre collègue Évelyne Renaud-Garabedian, tend à mettre en exergue le PGE et à préciser que le relèvement à dix ans doit être « exécuté dans les plus brefs délais, sans procédure de prévention avec une facilité de mise en oeuvre ».
Je vous propose de la retirer au profit de ma proposition de modification n° 5, qui vise à rédiger ainsi le sixième alinéa de la page 46 : « Si les recommandations de la commission d'enquête sont souvent transversales et concernent tous les financeurs, cinq dispositifs ont toutefois particulièrement retenu son attention : le CICE puis les exonérations de cotisations patronales à partir de 2018, le crédit d'impôt recherche, les aides à la décarbonation, les aides à l'apprentissage et le prêt garanti par l'État. » Il s'agit donc de compléter avec le PGE la liste des quatre dispositifs que nous avions ciblés.
Autre point de votre demande, vous souhaitez être plus ferme sur les conditions de remboursement, en interdisant les « procédures de prévention » afin de renflouer les caisses de l'État.
Je ne suis pas favorable à cette proposition, car l'idée est plutôt de donner de l'oxygène aux PME concernées. Je préfère que l'État leur accorde éventuellement un délai supplémentaire plutôt que de risquer leur fermeture et des licenciements à la clef.
Mme Évelyne Renaud-Garabedian. - Je voulais revenir sur les PGE d'un point de vue pratique. J'ai été effrayée de constater qu'il restait 39 milliards d'euros à rembourser par les entreprises au titre des PGE. Je rappelle qu'il est prévu que les remboursements se terminent en 2028. Un très grand nombre d'entreprises risquent de se retrouver en redressement judiciaire.
Que faire pour leur redonner un peu de souffle sans les obliger à se soumettre à une procédure collective pour pouvoir s'acquitter du remboursement à terme ? Si on laisse un délai de dix ans pour rembourser les PGE, beaucoup d'entreprises pourront le faire.
M. Fabien Gay, rapporteur. - Nous sommes plutôt d'accord, chère collègue. En effet, le rapport précise à la page 34 que la mise en oeuvre du relèvement à dix ans se fera par arrêté au deuxième trimestre 2025. C'est la raison pour laquelle je vous propose de retirer votre proposition de recommandation et d'introduire le PGE parmi les dispositifs ciblés.
Mme Évelyne Renaud-Garabedian. - Par ailleurs, il ne faut pas trop mettre l'accent sur les PME, car leur situation n'est pas évidente. Si elles disent à leur banque qu'elles sont en difficulté pour rembourser leur prêt et qu'elles ont besoin d'un délai de dix ans, elles n'obtiendront plus jamais de crédit de trésorerie pour un besoin de financement quelconque. Il faut éviter qu'elles n'aient à s'inscrire dans le cadre d'une procédure collective, qu'il s'agisse d'une procédure de sauvegarde, d'un mandat ad hoc ou d'une procédure de conciliation.
M. Olivier Rietmann, président. - Les PGE ont déjà quatre ou cinq ans d'existence. L'entreprise qui n'arrive pas à rembourser son prêt aujourd'hui n'y parviendra pas avant 2028. D'où notre proposition d'allonger le délai à dix ans et d'inscrire d'office ce même délai de dix ans pour les futurs PGE. Il faut arrêter de croire qu'une entreprise pourra rapidement rembourser l'argent qu'on lui prête quand elle va mal.
Mme Anne-Sophie Romagny. - Je m'interroge sur l'automaticité du délai à dix ans pour les nouveaux PGE. En effet, ce type de prêt n'a été ni évalué ni contrôlé. Je précise que j'en ai bénéficié à titre personnel, de sorte que je ne le critique pas, car il a permis de sauver nombre d'entreprises. Toutefois, le PGE peut avoir pour effet de mettre sous perfusion des entreprises qui vont mal. Il faudrait donc encadrer davantage le dispositif avant de prévoir automatiquement un délai à dix ans, en cas de nouvelle crise.
M. Olivier Rietmann, président. - Nous reviendrons sur ce sujet dans une autre proposition de modification.
La proposition de modification n° 1 de Mme Évelyne Renaud-Garabedian est retirée.
La proposition de modification n° 5 du rapporteur est adoptée.
M. Fabien Gay, rapporteur. - Ma proposition de modification n° 8 vise à compléter le premier alinéa de la page 55 par les mots : « que regrette le rapporteur à titre personnel. ».
Je souhaite ainsi préciser ma position sur les risques encourus par la sécurité sociale en conséquence de la hausse du coût des exonérations de cotisations sociales.
La proposition de modification n° 8 du rapporteur est adoptée.
M. Fabien Gay, rapporteur. - À la page 162, je propose de rédiger le titre (b) ainsi : « (b) Selon le rapporteur, cet emballement des exonérations de cotisations sociales constitue déjà une difficulté pour la sécurité sociale et lui fait courir un risque important à terme ».
Il s'agit de préciser qu'il s'agit là de ma position personnelle sur les risques encourus dès aujourd'hui par la sécurité sociale. Tel est l'objet de ma proposition de modification n° 9.
La proposition de modification n° 9 du rapporteur est adoptée.
M. Fabien Gay, rapporteur. - Certains collègues nous ont demandé de préciser, à la page 183, que le chiffrage de 211 milliards d'euros d'aides publiques aux entreprises en 2023 a été réalisé par nos soins à partir de données officielles, mais qu'il faudrait y ajouter des estimations d'autres aides réalisées par des tiers comme Régions de France, l'IGF, et le secrétariat général des affaires européennes (SGAE). Il faudra modifier en conséquence dans « L'Essentiel » la dernière phrase du dernier alinéa de la page 20.
M. Olivier Rietmann, président. - Il s'agit d'une modification à la marge, mais le dispositif draconien de la commission d'enquête nous oblige à la mettre aux voix.
La proposition de modification n° 12 du rapporteur est adoptée.
M. Fabien Gay, rapporteur. - À la page 196, je propose de rédiger ainsi le titre du (2) : « Le recours des entreprises à certaines opérations financières cristallise les interrogations en cas de licenciement économique et de bénéfice d'aides publiques, voire suscite incompréhension et colère ».
Il s'agit de préciser les sentiments que suscitent certains plans sociaux, par cohérence avec l'avant-propos du rapport. Tel est l'objet de ma proposition de modification n° 10.
La proposition de modification n° 10 du rapporteur est adoptée.
M. Fabien Gay, rapporteur. - À la page 205, après le quatrième alinéa, je propose d'insérer un alinéa ainsi rédigé : « Le rapporteur considère que les fermetures de site résultent généralement de difficultés économiques objectives et sérieuses dans certains secteurs, mais il relève que certaines d'entre elles s'expliquent par des motifs purement financiers en raison d'une recherche de rentabilité très élevée, entraînant une compétition délétère entre travailleurs et in fine une course au moins-disant social. »
Il s'agit de préciser mon point de vue sur les causes de certains plans sociaux, étant rappelé que je n'engage pas la commission d'enquête sur ce point. Tel est l'objet de ma proposition de modification n° 11.
M. Olivier Rietmann, président. - Nous avons eu un débat concernant la rédaction de la deuxième partie de l'alinéa : alors que le rapporteur avait initialement écrit :« un nombre important d'entre elles s'explique par des motifs », j'ai souhaité corriger la rédaction en écrivant « certaines d'entre elles s'expliquent par des motifs ». Nous nous sommes accordés sur cette rédaction. Ces modifications semblent minimes, mais elles sont importantes pour la précision du discours.
La proposition de modification n° 11 du rapporteur est adoptée.
M. Fabien Gay, rapporteur. - La proposition de modification n° 4 présentée par notre collègue Évelyne Renaud-Garabedian vise à « encourager la traçabilité de l'aide publique dans les chaînes de sous-traitance » et « à renforcer les obligations de transparence ».
Je partage le souhait de notre collègue de mettre l'accent sur les sous-traitants.
Vous avez tous constaté que nous manquons de données de l'Insee sur les sous-traitants et que les dirigeants d'entreprise auditionnés ont peu abordé le sujet de la sous-traitance, alors que le questionnaire écrit qui a été envoyé systématiquement en amont des auditions comportait des questions à ce sujet.
Ma chère collègue, je vous propose de retirer votre proposition de modification au profit de ma proposition de modification n° 6, qui comprend deux volets.
Premièrement, dans la présentation de la recommandation n° 1, à la page 260, je vous propose de rédiger ainsi le troisième paragraphe : « Les données devront être ventilées selon la taille des entreprises : très petites entreprises, petites et moyennes entreprises, entreprises de taille intermédiaire et grandes entreprises, en accordant une attention particulière aux sous-traitants à travers des enquêtes régulières et approfondies sur les filières économiques. »
Deuxièmement, dans la présentation de la recommandation n° 3 sur le Haut-Commissariat à la stratégie et au plan, à la page 266, je vous propose de rédiger ainsi le dernier paragraphe pour préciser que son rapport annuel devra comporter : « des études sur des questions transversales (par exemple les aides reçues par les sous-traitants dans certaines filières, les aides à l'export, les aides dans l'agriculture, dans le secteur de l'industrie ou le soutien à l'intelligence artificielle...). »
Mme Évelyne Renaud-Garabedian. - Lors de l'audition de Lactalis, nous avons constaté que l'entreprise ne recevait pas d'aides exorbitantes, mais prenait à la gorge les producteurs sur le prix du lait. Les tarifs négociés sont tellement bas que le sous-traitant ou le fournisseur en pâtit. D'où ma proposition de modification que j'accepte de retirer au profit de celle du rapporteur.
La proposition de modification n° 4 de Mme Évelyne Renaud-Garabedian est retirée.
La proposition de modification n° 6 du rapporteur est adoptée.
M. Fabien Gay, rapporteur. - Notre collègue Évelyne Renaud-Garabedian souhaite supprimer la recommandation n° 4 relative à l'information du comité social et économique (CSE). Tel est l'objet de sa proposition de modification n° 3
La question de la transparence est essentielle et les chefs d'entreprise que nous avons entendus en audition se sont montrés tout à fait transparents sur le nombre d'aides qu'ils recevaient et sur leur montant. Il faut continuer dans cette voie, et c'est l'objet de nos quatre premières recommandations. De plus, il faut que les informations soient transmises au CSE une fois par an dans les entreprises de plus de 50 salariés. Les chefs d'entreprise sont d'accord pour le faire.
Pour tenir compte de votre réticence, nous proposons non pas de supprimer la recommandation n° 4, ce qui acterait un recul, mais de la modifier en insérant à la page 269 neuf alinéas qui visent à rappeler le droit en vigueur des articles R. 2312-16 et R. 2312-17 du code du travail sur les informations communiquées au CSE quand aucun accord sur les modalités de ses consultations récurrentes n'a été conclu avec l'employeur, afin d'expliciter la portée de la recommandation n° 4, que nous modifions en conséquence à la marge.
Le fait que, une fois par an, dans les grandes entreprises, le CSE puisse disposer des données ne me paraît pas surabondant, mais relève d'un exercice démocratique plutôt sain. Les salariés y auront de toute façon accès. Donner le montant des aides dont bénéficie l'entreprise chaque année au CSE est plutôt de bonne méthode. Les chefs d'entreprise y sont favorables et les organisations syndicales le demandent.
La proposition de modification n° 3 de Mme Évelyne Renaud-Garabedian est retirée.
La proposition de modification n° 7 du rapporteur est adoptée.
M. Fabien Gay, rapporteur. - Je souhaite indiquer, à la page 296, que les PGE sont actuellement limités à six ans et que des travaux d'évaluation ont été menés et doivent être poursuivis afin d'éclairer le Gouvernement et le Parlement en cas de nouvelle crise économique nécessitant l'octroi de nouveaux prêts.
Cette proposition de modification n° 13 a été inspirée par notre collègue Anne-Sophie Romagny.
Pour être tout à fait précis, il s'agit d'insérer après le premier alinéa de la page 296 un alinéa ainsi rédigé : « Aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 23 mars 2020 instituant les PGE, la durée normale du prêt ne pourra en tout état de cause pas excéder une période de six ans à compter de la date du premier décaissement du prêt. Des exceptions sont prévues quand l'entreprise est par exemple en liquidation. En général, chaque entreprise a fixé elle-même la durée du prêt avec la banque et elle avait la faculté de le rembourser de manière anticipée. »
Il faudra également insérer avant le dernier alinéa, un alinéa ainsi rédigé : « Les travaux d'évaluation du dispositif des prêts garantis par l'État menés par la Cour des comptes et ayant abouti à la publication en juillet 2022 du rapport “Les prêts garantis par l'État. Une réponse efficace à la crise, un suivi nécessaire” doivent être poursuivis et renforcés dans le cadre de la phase de remboursement de ces prêts. Ces travaux complémentaires d'évaluation devront permettre de déterminer avec précision l'usage qui a été fait par les entreprises bénéficiaires des PGE et éclairer la décision publique dans l'hypothèse d'une nouvelle crise exogène majeure provoquant un ralentissement subit de l'activité économique. Ils permettront également d'objectiver les motifs pour lesquels certaines entreprises économiquement viables ont demandé à bénéficier d'une prolongation de la durée maximale de ces prêts de trésorerie. En tout état de cause, si une nouvelle crise survient, les conditionnalités des futurs PGE devront être compatibles avec la nécessité d'une action rapide des pouvoirs publics. »
M. Olivier Rietmann, président. - Madame Romagny, je ne comprends pas pourquoi le délai de dix ans pose problème. Il s'agit d'une durée maximale et l'entreprise peut très bien choisir une période de sept, huit ou neuf ans.
Mme Anne-Sophie Romagny. - Il faut que le délai de dix ans soit justifié.
M. Olivier Rietmann, président. - Cette possibilité d'un délai de dix ans n'existait pas jusqu'à présent. Nous proposons de l'ouvrir.
Mme Anne-Sophie Romagny. - Je m'interroge sur la pertinence de prévoir automatiquement un délai de dix ans pour les futurs PGE.
M. Olivier Rietmann, président. - Ce sera à l'entreprise de décider. Ce n'est là qu'une possibilité qui lui est offerte.
M. Michel Masset. - Avec le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen (RDSE), nous nous interrogeons aussi sur ce délai. Si l'entreprise a besoin d'un délai de dix ans pour rembourser son prêt, c'est qu'elle est fragile.
M. Olivier Rietmann, président. - De nombreuses entreprises font des emprunts sur dix ans.
M. Michel Masset. - Nous parlons du PGE, c'est-à-dire d'un prêt qui est lié à une situation exceptionnelle. Si on le requalifiait comme un prêt de trésorerie, il n'y aurait aucun problème pour allonger le délai de remboursement à dix ou vingt ans.
M. Olivier Rietmann, président. - L'entreprise fait ce qu'elle veut du PGE. Elle peut donc décider d'investir avec une durée d'amortissement de dix ans. En outre, rien n'oblige l'entreprise à choisir ce délai. Il me semble qu'il y a une confusion entre l'utilisation du prêt et le prêt lui-même. Le PGE a été mis en place pour aider les entreprises à faire face à la crise covid. Ensuite, les entreprises ont pu faire ce qu'elles voulaient de ces PGE. Certaines s'en sont servis pour éviter de contracter un emprunt lié à l'investissement, et dans ce cas il est bien normal qu'elles bénéficient d'un délai de dix ans. Il est certain que quand elles ne s'en servent que pour les besoins de leur trésorerie, le fait qu'elles ne puissent pas rembourser le prêt avant dix ans pose question. Le délai de dix ans est un délai maximal. Il ne s'agit pas d'une obligation, mais d'une possibilité que nous offrons.
M. Daniel Fargeot. - Il y a en effet une confusion sur la nature du prêt. Peut-être faudrait-il mentionner dans le texte « quelle que soit la nature du prêt » ? Les prêts peuvent servir à l'investissement, mais il y a aussi des prêts de trésorerie et des prêts de fonctionnement.
M. Olivier Rietmann, président. - Nous ne sommes pas là pour déterminer ce que doit être la nature d'un PGE. Il s'agit simplement d'un prêt garanti par l'État et l'entreprise en fait ce qu'elle veut.
M. Daniel Fargeot. - Certes, mais il faudrait expliquer dans le texte ce qu'est la définition d'un PGE.
M. Olivier Rietmann, président. - Le principe est celui du « qui peut le plus peut le moins ». Et si la banque considère que la banque n'est pas viable sur dix ans, elle n'octroiera pas le prêt.
Mme Évelyne Renaud-Garabedian. - Les banques ne prêtent pas systématiquement, même pour un PGE. Si l'entreprise se porte mal, elle n'aura pas de prêt.
De plus, lors de la crise covid, il n'y avait pas d'intérêts pour les PGE, mais ce ne sera pas forcément le cas pour les futurs prêts. Ce sera le choix de l'entreprise que de rembourser sur dix ans. Si elle ne peut pas le faire, la banque ne lui accordera pas de prêt.
M. Daniel Fargeot. - Lors de la crise covid, l'État se portait garant pour le client de la banque. Il apportait ainsi une garantie ou une caution.
M. Fabien Gay, rapporteur. - Je connais bien les PGE pour avoir repris une entreprise qui était en liquidation et à laquelle s'applique un plan de redressement sur dix ans. Pendant toute cette période, elle ne pourra pas obtenir de prêt bancaire. La banque reste donc maîtresse de décider. Les entreprises qui n'arrivent pas à rembourser leur PGE n'y parviendront pas si l'on n'allonge pas le délai. Les 39 milliards d'euros qui manquent ne seront alors jamais recouverts, ce qui pèsera sur les finances de l'État. C'est la raison pour laquelle nous tentons de leur redonner du souffle.
De plus, nous ouvrons la possibilité, en cas de nouvelle crise exceptionnelle, que les entreprises puissent rembourser sur dix ans. Après, les entreprises feront ce qu'elles voudront du PGE.
Il faudra évaluer le dispositif de la crise covid à la fin, pour déterminer combien de PGE ont été versés, combien ont été remboursés et quelles sont les entreprises qui ont plongé. Nous avons décidé collectivement d'ouvrir largement les vannes pour sauver les entreprises et les emplois. Si nous ne l'avions pas fait, nous n'aurions pas survécu. Cela a eu pour effet, il est vrai, de mettre sous oxygène des entreprises qui étaient en difficulté avant la crise covid et qui, très certainement, risquent à présent de plonger.
En l'occurrence, cette proposition porte non pas sur un montant ou sur des conditions d'attribution, mais sur la durée de remboursement. Les entreprises auxquelles la banque ne veut pas prêter sur cinq ou six ans n'obtiendront pas de PGE sur dix ans.
M. Olivier Rietmann, président. - Il ne faut pas confondre les PGE et les aides sonnantes et trébuchantes qui ont été mises en place pour les TPE-PME et qui ont permis à certaines entreprises de survivre à la crise, en étant versées gratuitement. Avant d'accorder un PGE, les banques étudient la situation de l'entreprise. Un des dirigeants que nous avons reçus nous a dit que certains PGE coûtaient plus cher qu'un prêt bancaire classique. Mais les entreprises qui n'avaient plus d'activité ont dû passer par cette voie. La garantie de l'État a un coût qui est reporté sur le taux d'intérêt.
Mme Évelyne Renaud-Garabedian. - Le délai de dix ans est essentiel. Pour une PME qui n'est pas en grande difficulté, il sera toujours plus facile de rembourser un prêt sur dix ans plutôt que sur cinq ans. L'étalement du remboursement lui redonne du souffle, surtout dans une période particulière de difficultés.
La proposition de modification n° 13 du rapporteur est adoptée.
M. Fabien Gay, rapporteur. - La proposition de modification n° 14, à la page 306 du rapport, vise à ne pas se limiter aux régions afin de permettre également aux communes et aux EPCI, entre autres, d'obtenir le remboursement d'aides versées à une entreprise qui procède à une délocalisation dans les deux ans.
M. Olivier Rietmann, président. - Cela facilitera la vie des élus, qui s'interrogent souvent sur le sort d'une aide à une entreprise si elle devait délocaliser son activité.
La proposition de modification n° 14 du rapporteur est adoptée.
M. Fabien Gay, rapporteur. - La proposition de modification n° 15 est inspirée d'un débat qui a été ouvert par notre collègue Pascale Gruny et vise la recommandation n° 21, suggérée par Daniel Fargeot, qui a pour objet d'exclure les aides publiques dans leur ensemble du périmètre du revenu distribuable pour le versement des dividendes. Nous proposons de préciser que les exonérations et allègements de cotisations sociales ne sont pas concernés par cette exclusion.
M. Olivier Rietmann, président. - Certains considèrent que les allègements et exonérations de cotisations ne font pas partie des aides publiques, d'autres non. D'où la nécessité de préciser qu'elles ne seront pas défalquées du bénéfice pour calculer le revenu distribuable.
M. Daniel Fargeot. - Je les avais inclus, car, selon moi, ils font partie des aides publiques. En effet, une grande partie des personnes que nous avons auditionnées ont indiqué que les aides publiques étaient de la compensation par rapport aux prélèvements obligatoires. Certaines entreprises bénéficient d'un montant d'exonérations et d'allègements important.
Je précise que les aides publiques qui sont neutralisées du bénéfice distribuable en année n peuvent être ensuite réintégrées, quand elles servent pour un investissement, par exemple. Le but est de permettre à l'entreprise de se créer un autofinancement sur ces aides publiques qui sont versées. Cela fera l'objet d'un amendement de ma part dans un éventuel texte de loi.
Au dernier paragraphe de la page 306, par cohérence avec la rédaction de la recommandation n° 21, je suggère d'inscrire que la mesure vaut pour « les entreprises » en général et pas simplement pour « les grandes entreprises ».
Mme Frédérique Puissat. - Je soutiens la proposition de Pascale Gruny. Pour nous, les exonérations et allègements de cotisations sociales sont liées au coût du travail. Un certain nombre de branches, comme la branche propreté, sont particulièrement concernées par cet enjeu. Nous en avons largement discuté dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2025. Cette précision lèvera toute ambiguïté.
M. Olivier Rietmann, président. - Les subventions servent parfois à orienter les entreprises en fonction de certaines politiques publiques : il s'agit, par exemple, de les pousser vers la décarbonation. On parle donc d'aides.
En revanche, les allègements et exonérations sont une compensation. Le rapporteur ne sera pas forcément d'accord, mais les chiffres sont têtus : le coût du travail est plus cher en France que dans les pays qui nous entourent. L'État taxe trop par rapport aux autres pays, car il n'a pas trouvé d'autres solutions pour financer son modèle social. Pour rétablir un équilibre, il prévoit des allègements et des exonérations. Encore une fois, il ne s'agit pas d'aides publiques.
M. Daniel Fargeot. - Mais les allègements et exonérations de cotisations sociales ont été comptabilisés dans le montant de 211 milliards d'euros. C'est pour cela que je les avais inclus dans ma proposition à l'origine de la recommandation n° 21.
M. Olivier Rietmann, président. - La proposition que nous faisons n'enlève rien à la force de cette recommandation. En effet, les entreprises concernées rayonnent sur le monde entier. Or il n'y a qu'en France qu'on les obligera à déduire les aides publiques pour calculer le bénéfice qui servira à déterminer le résultat distribuable. Aux États-Unis, les entreprises ne déduisent pas l'IRA de leur bénéfice.
M. Fabien Gay, rapporteur. - Je cherche le compromis et je suivrai la commission sur ce point. Le combat est de nature politique. Nous en avions débattu avec le président du Mouvement des entreprises de France (Medef), M. Patrick Martin, et notre désaccord est connu. Les exonérations et allègements de cotisations sociales sont inclus dans les 211 milliards d'euros et reconnus comme aides publiques par les ministres. Mais s'il faut un compromis sur la recommandation n° 21, je vous suivrai.
M. Olivier Rietmann, président. - N'oublions pas tout ce qui reste : les aides versées par l'État et les collectivités territoriales ainsi que celles qui sont financées par les fonds européens devraient être exclues du périmètre du résultat distribuable. En outre, autant il est facile de calculer une aide ou une subvention versée par l'État, autant il sera difficile de chiffrer les allègements et les exonérations.
M. Daniel Fargeot. - C'est tout simple - je le sais en tant qu'ancien expert-comptable : dans le document annuel des entreprises, figure une ligne réservée aux réductions de cotisations sociales.
Mme Antoinette Guhl. - Dans la mesure où le produit d'allègements et d'exonérations de cotisations sociales ne sort pas des caisses de l'État, mais n'y entre pas non plus, il s'agit bien d'aides publiques. Je suis favorable à la proposition initiale de Daniel Fargeot.
M. Olivier Rietmann, président. - Cela fait partie des points de divergence majeurs entre nous.
M. Fabien Gay, rapporteur. - Nous avons déjà fait un grand pas et le compromis doit primer.
La proposition de modification n° 15 du rapporteur est adoptée.
M. Fabien Gay, rapporteur. - Dans les « Observations finales », nous avons identifié des pistes de travail pour la suite.
Tout d'abord, nous avons été largement interpellés à la suite de l'audition du président-directeur général (PDG) de Carrefour : des lanceurs d'alerte et d'anciens salariés ont dit que celui-ci avait menti et voulaient que nous nous saisissions de la question de la location-gérance, alors que ce n'est pas l'objet de la commission d'enquête. Nous avons donc fait observer que le sujet pourrait être repris par la commission des affaires économiques ou par la délégation sénatoriale aux entreprises.
Ensuite, le Parlement doit se saisir du débat sur les semi-conducteurs en France.
Enfin, il doit s'emparer du débat sur la détaxe de TVA sur les produits de luxe. Nous ne proposons pas du tout d'abroger la détaxe, d'autant que M. Pinault nous a rappelé les conséquences qu'une telle mesure avait eues en Grande-Bretagne, avec la chute des achats dans une proportion de 20 à 30 %. Lors des deux auditions de M. Pinault et de M. Arnault, j'ai posé la question d'un travail à mener sur la fraude à la détaxe et ils sont d'accord pour le faire. Nous invitons donc le Gouvernement à se rapprocher des acteurs concernés sur ce sujet, mais il n'est pas question de supprimer la détaxe.
Madame Renaud-Garabedian, je vous propose donc de retirer votre proposition de modification n° 2 qui vise à supprimer le paragraphe consacré à la détaxe de TVA, à la page 318, dans les « Observations finales ».
Mme Évelyne Renaud-Garabedian. - Je suis d'accord, mais pour moi la détaxe n'est pas une aide publique.
M. Fabien Gay, rapporteur. - Nous n'avons pas comptabilisé la détaxe dans le montant estimé des aides publiques.
M. Olivier Rietmann, président. - Nous avons même précisé explicitement dans les « observations finales » qu'il ne s'agissait pas d'une aide publique.
M. Fabien Gay, rapporteur. - La détaxe concerne surtout les produits du luxe et représente 20 % du chiffre d'affaires des entreprises que nous avons auditionnées. Si l'on remettait en cause la détaxe, leurs clients iraient à Milan ou à Berlin plutôt qu'à Paris.
En revanche, le sujet de la fraude à la détaxe est important, car celle-ci est massive - les douaniers nous l'ont dit. La proposition avancée par M. Pinault de placer, comme en Corée du Sud, les bornes de détaxe après les bornes d'enregistrement dans les aéroports permettrait de la limiter.
M. Olivier Rietmann, président. - MM. Pinault et Arnault nous ont dit clairement que la détaxe était un système de soutien pour leur entreprise et qu'il serait catastrophique de la supprimer, car elle représente tout de même un montant de 1,4 milliard d'euros par an. En revanche, il y a de la fraude et il faut s'attaquer au problème.
La proposition de modification n° 2 de Mme Évelyne Renaud-Garabedian est retirée.
Mme Antoinette Guhl. - Vous avez indiqué dans votre propos liminaire que l'une des propositions de modification serait de supprimer les aides à la décarbonation. Qu'en est-il ?
M. Olivier Rietmann, président. - Non, il s'agit seulement d'une observation finale qui n'engage que moi et qui ne figure pas dans le bloc des 26 recommandations communes qui seront mises au vote.
M. Fabien Gay, rapporteur. - Nous ne dirons pas un mot lors de la conférence de presse sur nos propositions personnelles formulées dans les « observations finales ».
M. Olivier Rietmann, président. - Nous avons terminé l'examen des propositions de modification et nous passons aux explications de vote.
M. Thierry Cozic. - Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (SER) tient à remercier le président et le rapporteur pour la qualité des auditions ainsi que pour la tenue plus générale de cette commission d'enquête.
Au travers des nombreuses auditions qui ont été menées, nous avons pu objectiver certaines problématiques qui nous semblaient présentes depuis longtemps, mais dont nous n'avions pas la preuve matérielle. Cette commission d'enquête a eu le mérite de poser quatre questions qui structurent l'ensemble de nos investigations : combien ? Pourquoi ? Pour quels effets ? Et à quelles conditions ?
Il a d'ailleurs été édifiant de constater, durant nos auditions, que quasi systématiquement les personnes entendues ont eu de grandes difficultés à budgétiser, voire simplement à déclarer les aides que leur entreprise percevait. C'est un des enseignements majeurs de cette commission : la nécessité d'une plus grande transparence et d'une meilleure traçabilité est désormais criante. Le ministre de l'économie et des finances, M. Éric Lombard, ne disait pas autre chose lorsqu'il déclarait qu'« il y a sans doute des améliorations à faire pour plus de rationalisation et de transparence ».
Cet enseignement a donc poussé le groupe SER à proposer, dans une contribution écrite que nous avons déposée, la création d'une haute autorité de contrôle des aides publiques qui pourrait être attachée au Haut Conseil des finances publiques (HCFP). Cette autorité administrative indépendante (AAI) pourrait se saisir de toutes les questions que posent aujourd'hui les aides publiques aux entreprises. Pour ce faire, elle serait chargée de contrôler les subventions publiques et de réaliser des enquêtes régulières pour s'assurer que les entreprises respectent leurs engagements envers l'État et qu'elles utilisent les fonds publics de manière effective pour soutenir l'emploi et pour contribuer à la réindustrialisation du pays, tout en respectant des critères sociaux et écologiques ambitieux.
Cet organisme pourrait également avoir pour mission d'assurer la transparence des indicateurs d'évaluation, la diffusion sur le réseau des informations qui pourraient conduire l'État à exiger un remboursement de toute ou partie de l'aide reçue, et l'organisation des évaluations périodiques dont les résultats devraient être rendus publics. Autant de sujets que nous avons abordés durant nos auditions avec liberté et clarté.
Je réitère donc nos remerciements au président Rietmann pour la maîtrise et la bonne tenue des débats, ainsi qu'au rapporteur Fabien Gay pour son exigence et sa pugnacité. Votre duo nous a permis d'exploiter toutes les possibilités de cette commission d'enquête. Nous nous associons pleinement aux recommandations qui sont émises. Je ne doute pas que les conclusions de ce rapport trouveront une traduction législative dès les échéances automnales.
M. Marc Laménie. - Au nom du groupe Les Indépendants - République et Territoires, je salue sincèrement le travail du président et du rapporteur sur un sujet très sensible. Il faut mesurer le nombre de grands patrons qui ont été auditionnés. Cela représente réellement une grande responsabilité, car ils sont chargés d'un grand nombre d'emplois et d'une partie importante de l'activité économique.
Le rapport est un document très dense et les recommandations qui y figurent devraient inspirer le travail futur du législateur.
Mme Antoinette Guhl. - Je m'associe à mes collègues pour remercier le président et le rapporteur pour la qualité de leurs travaux et pour l'équilibre des propos tenus. Il a été intéressant de voir fonctionner sur un sujet comme celui-ci un duo aux visions politiques différentes. Ce travail a abouti au rapport que nous nous apprêtons à voter et je trouve que c'est un exploit.
Cette commission d'enquête a été assez exceptionnelle en ce que nous avons réussi à entendre un grand nombre de PDG de grandes entreprises françaises. Je crois que cela est inédit, d'où les réactions nombreuses que cela a dû susciter, notamment sur les réseaux sociaux ou dans les messages que vous avez dû recevoir.
Il reste à présent à voter ce rapport et à faire en sorte que toutes ces propositions voient le jour. Un grand pas a été fait en matière de transparence des aides publiques. J'ose espérer que ce rapport fera date et marquera un tournant sur ce sujet.
Je veux souligner que les entreprises ont joué le jeu, ce qui m'a rassurée. En effet, cela n'a pas été le cas dans la commission d'enquête sur les pratiques des industriels de l'eau en bouteille et les responsabilités des pouvoirs publics dans les défaillances du contrôle de leurs activités et la gestion des risques économiques, patrimoniaux, fiscaux, écologiques et sanitaires associés, où Nestlé Waters n'a pas répondu à nos questions. Je suis ravie de constater que cela peut se passer autrement, car cela contribue à retisser un lien de confiance avec nos concitoyens.
La question de la conditionnalité reste essentielle : il faut pouvoir la mesurer et vérifier que toutes les aides publiques sont bien conditionnées. En effet, le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires (GEST) considère que les aides publiques doivent toujours être conditionnées soit à l'impact environnemental, soit à l'impact social. Il faut pouvoir le mesurer si l'on veut, là encore, retisser un lien de confiance.
Le travail accompli est remarquable, car tous les types d'aides publiques sont envisagés dans le rapport, dont j'attends avec impatience la publication.
Mme Frédérique Puissat. - Si vous m'autorisez l'expression, « l'attelage » de cette commission était pour le moins éclectique, composé d'un président et d'un rapporteur qui se sont parfois affrontés dans l'hémicycle. Nous sommes parvenus néanmoins à des recommandations communes, chacun présentant ensuite des observations personnelles. Je trouve cette pratique plutôt intéressante.
Ce rapport intervient dans un contexte où nous allons devoir prendre des décisions difficiles d'un point de vue budgétaire. Au travers des recommandations qui y figurent, nous aurons matière à porter des amendements communs dans le cadre de l'examen des textes budgétaires à venir. C'est du moins le voeu que je formule.
Par ailleurs, je tiens à souligner que, malgré la sensibilité du sujet de cette commission d'enquête, nous n'avons pas succombé aux travers et nous avons su exercer notre mission de contrôle avec maîtrise, ce qui est tout à l'honneur des parlementaires.
M. Daniel Fargeot. - Au nom du groupe Union Centriste (UC), j'ai été ravi de participer à ce travail et je salue la qualité des débats et des auditions. Pour le dire brièvement : merci.
M. Fabien Gay, rapporteur. - Nous avons en effet entendu en audition 33 PDG, dont Bernard Arnault, ce qui est considérable. J'avais bien conscience que certains d'entre vous craignaient que le rapporteur communiste veuille affronter certains grands patrons. Mais j'ai voulu mener le débat politique avec sérieux et rigueur, d'autant que l'ensemble des chefs d'entreprise que nous avons auditionnés font eux-mêmes de la politique. C'est notamment le cas de Bernard Arnault et de Patrick Pouyanné.
Je partage l'avis d'Antoinette Guhl qui se félicite que les chefs d'entreprise aient joué le jeu : je pensais en effet qu'ils ne nous communiqueraient pas les chiffres des aides publiques qu'ils perçoivent. Malgré les désaccords que nous pouvons avoir, je salue Florent Menegaux qui a donné le tempo, ainsi que Patrick Pouyanné dont on connaît l'importance.
J'ai reçu des milliers de messages de syndicalistes et j'en ai rencontré beaucoup pendant la commission d'enquête qui m'ont remercié d'avoir demandé les chiffres dont ils ne disposaient pas, car cela rend possible la tenue d'un débat éclairé. Nous avons pu effacer de fausses idées, notamment sur le montant de l'argent public dans le chiffre d'affaires des entreprises, et constater que la situation était plus complexe qu'on ne l'envisageait souvent. C'est le cas, par exemple, sur le sujet des exonérations.
Il faut défendre le modèle des commissions d'enquête, qui sont quand même le dernier instrument que nous ayons pour faire de la politique, y compris dans un moment où l'on s'ennuie au Parlement. De plus, nos concitoyens, qui sont souvent très éloignés de la chose publique et qui ne votent plus, s'y intéressent et se repolitisent avec les commissions d'enquête. Évitons donc de casser le seul instrument qui nous reste !
Nous aurions pu pousser encore plus loin ce travail, car nous n'avons pas pu entendre les représentants de tous les secteurs, notamment le sectaire bancaire. Nous avons dû faire des choix.
M. Lucien Stanzione. - Je n'ai pas pu participer à toutes les auditions, mais je veux souligner la qualité du travail accompli et le sérieux dont vous avez fait preuve dans l'encadrement et l'animation de cette commission d'enquête. Le fait que le rapporteur et le président sont d'obédiences politiques différentes a enrichi le débat.
J'ai été impressionné par les auditions des chefs d'entreprise que nous avons reçus : cette commission d'enquête est sans doute inédite à cet égard. Le rapport qui en résulte n'est rien moins qu'époustouflant.
M. Olivier Rietmann, président. - Les commissions d'enquête sont le fruit d'une ordonnance de novembre 1958, qui donne au Parlement un certain pouvoir. Elles sont capitales aussi pour garantir le contrôle des politiques publiques et la transparence à nos concitoyens. Sachons les préserver en les utilisant à bon escient. Au Sénat, la commission d'enquête ne sert pas à faire valoir les sénateurs, mais à mener un travail en profondeur sur les sujets dont nous nous saisissons. Il ne s'agit pas de « faire un coup ».
Concernant les chefs d'entreprise que nous avons entendus, c'est au président qu'il revient de convoquer ceux qui seront auditionnés. Je vous raconterai, mais pas avant vingt-cinq ans, la manière dont cela s'est passé avec certains d'entre eux.
Vous avez pu lire au début du rapport un document intitulé « L'Essentiel », qui résume le rapport. Je tenais simplement à vous informer que ce document est susceptible d'être modifié par le rapporteur et moi-même avant sa présentation lors de la conférence de presse de mardi prochain, sans remettre en cause bien entendu son économie générale.
Je vous propose maintenant de voter en bloc le rapport, qui comprend la partie sur les constats et les 26 recommandations que nous avons modifiées, sans oublier les 12 annexes. Je précise à nouveau que nous ne votons pas sur les observations finales.
Les recommandations, ainsi modifiées, sont adoptées.
M. Olivier Rietmann, président. - Pour le titre du rapport, nous vous proposons le libellé suivant : « Transparence et évaluation des aides publiques aux entreprises : une attente démocratique, un gage d'efficacité économique ».
Le titre du rapport est adopté.
La commission d'enquête adopte, à l'unanimité, le rapport ainsi modifié, ainsi que les annexes, et en autorise la publication.
Il est décidé d'insérer le compte rendu de cette réunion dans le rapport.